310 L.

R NOUVRI, URIANISME

CHAPITRE XI

L'URBANISME CORPOREL

Chacun le sent, contre la dictature des abstraits pirer des systèrmes médiocres de garantie contre la
qui nous a conduits à un monde inhumain, le Nou- 8randeur. »
vel Urbanisme, comme le Nouvel Humanisme, doit Les petits cadres sont pour leCs homes ce que
retrouver le récl, ètre incarné. Il doit prendre corps, la Terre était pour Antéc, ils leur servent à prendre
s'insérer dans des corps, ètre corporatif et corpo- leur essor pour les fédérations successives des grou-
rel, charnel, dirait Péguy. pements humains. Il nous faut sentir cette pulsation
Résumons ce que nous avons dit à ce sujet qui va des proches (le plus proche est nous-même)
à l'infini. Pratiquement, la base même de la forma-
C'est pour des sociétés simples et closes que tion totale de l'homme est l'allernance rythmée des
la structure morale originelle et fondamentale de
heures d'isolement et d'échanges, elle se traduira
l'homme est faite» a déclaré Bergson, qui ajoute :
sans cesse en urbanisme.
« Ce n'est pas en élargissant la cité qu'on arrive
à l'humanité, ce n'est pas par simple amplification Est-il besoin de rappeler que nos méthodes de
qu'on passe d'une société close à la société ouverte », topographie sociale nous ont conduit à déceler des
mais par des propulsions suecessives. groupements d'échelle sensiblement constanteet
qu'avant toute esquisse, l'urbaniste a besoin d'éta-
Partout l'homme cherche instinctivement à re blir une enquêle par corps: familiaux, locaux ou
former de petites sociétés au milieu des grundes, professionnels, de voisinage ou d'activité, afin d'ou-
et à s'y ériger en privilégié, car il a besoin d'être vrir l'estimation commune entre les groupes cons-
le petit soleil d'un microcosme, « il a besoin de titutifs de la ville et de la région, des besoins privés
l'estime des hommes», comme dit Pascal, et il ne de chacun et des besoins communs de l'ensemble
peut être connu, done admiré, aimé, que dans un chacun de ces groupes étant parfaitement habi-
petit çadre. lité à reconnaitre les problèmes à son échelle?
Or, le drame social de l'époque actuelle vient de Il ne suffit pas de recueillir les paroles « d'auto
ce que l'on a tenté d'obtenir de grandes sociétés rités sociales » qui se déjugent trop aisément, il
ouvertes en amplifiant, en gonflant, en faisant écla- faut que chaque corps constitutif prenne position,
ter les anciennes communautés closes, ce qui les a par écrit, sous le regard à la fois bienveillant et
détruites, au lieu d'avoir cherché à les former par
critique des uns et des autres (94).
une série de fédérations de sociétés structurées gar
Il ne s'agit plus de soumettre le plan, une fois
dant la taille de l'homme.
terminé, au concert de protestations de l'enquête « de
« La joie annonce toujours que la vie a réussi,
qu'elle a gagné du terrain, qu'elle a remporté une
dans
victoire », s'exclame Bergson. (94) Dans l'élaboration du Gosplan, la
les cellules de base prend une importance particulière, car
discussion
L'homme a besoin de la joie pour savoir si sa ce sont, en effet, les exécutants eux-mêmes qui s nt ap-
destination est atteinte. Pour permeltre à chacun pelés à discuter, approuver ou critiquer ces directives.
d'avoir sa part de joie, il faut multiplier les possi Très souvent, cet examen les amène à élaborer des pro-
positions différentes qui sont appelées des conire-plans.
bilits de joie, done les petits cadres, où les plus
humbles qualités apparaissent en pleine lumière à Ces diseussions à la base font du plan l'affaire person-
nelle du pays entier, chacun se sent engagé dans a
tous les proches, qui
réalisation de cette grande entreprise eollective con-

Mais, répétons-le une fois de plus: les petits ca- mande la vie et le progrès de la nation.
dres ne sont nullement des « garanties contre la Staline déclarait pertinemment, en 1937 Nous, diri-
grandeur>. Il n'est nullement question de « ramener geants, nous ne voyons les choses, les événements que
Thomme aux objets qu'il peut manier , mais, bien d'un côté pour ainsi dire, d'en haut, notre champ visue
est par conséquent plus ou moins limité. Les masses, au
au contraire, de l'élever à ceux qu'il peut réelle contraire, voient les choses, les événements, les hommes,
ment penser, et d'en élargir le cercle, « La tension
nécessaire qu'une vision héroïque de l'homme doit d'un autre côté, pour ainsi dire d'en bas. Par conséquent
leur champ visuel est, lui aussi, dans une certaine mesure
maintenir entre la solitude et la communauté devait limité, Pour avoir une juste solution du problème, il faut
seulemene
être rappelée ici. La personne est une puissance réunir ces deux expériences. C'est dans ce cas

d'envergure intinie, Elle n'est point faite pour ins- que la direction sera juste. »
 LURBANISME CORPOREL 311

nmodo et incommodo », mais

C o m n
de proceder SDui e interactions cois:nies, ni5S ChijLi ci!-

eette enquête par avance, en quelque sorte, alia qne 1unaute ne peiu! juger qit sor r n e l , et chaqie
leplan ne soit que l'expression des besoins et des 1iCli2 ne peut interveni t cheile sujpe-
acpirations louables de ces corps. eflectivenient
ere à la sicnne que si elle représenie
II faudra, en vue du bien commun régional o 11 groupe.
doivenl
national, « passer outre à des intérêts privés, même Aux méthodes uniformisanles du zoning
respectables, à des prétentions locales, mêmes légi- sesubstituer des méthodes unifianles par échelons,
se faire éche-
14pement public et semi-public doit
times. Le bien commun du tout est au-dessus de échelon, corps par corps, Ce sont avant tout
celui de la partie. Il est donc essentiel de n'orienter lO par et unifient les
fermement chaque groupement que là où il est hu lesliçux de réunion qui caractérisent
échelons. Seule une floraison de centres sociaux
mainement impossible de ne pas lui laisser sa propre de plus en plus indispensables au fur et à mesure que
direction. C'est une question d'échelle.
es masses accèderont à la culture permettra de -

structurer les tissus urbains, de recréer des quar

y a des problènmes qui sont à l'échelle d'un
tiers vivants où les individus pourront équilibrer
propriétaire, d'une quartier, d'une cité,
rue, d'un la struc
d'une région ou de la nation. Certes, tous ceux-ci leurs activités complémentaires. Quant à

LONDON
sOCAL & FUNCTIONAL ANALSI

CITY

ORT

uniles de volsInage exlstantes, par

Arthur Ling et D.K. Johnson.
Analy'se des
LoNDON PLAN:
rend n a l souligne la City et le West End, les indus-
G. 229. -
CoUNTY OF
la reproduction
en
couleurs que
Cette magnifique carte TOwn HalIs, et un chapelet de petits points bleus
rles, les espaces ibres. marque les
un polnt rouge
communautés,
Dans la plupart des boutiques. dont nous avons donné les détails d'amé.
les principaux alignements de Shorediteh et Bethnal Green,
on distingue
Au-dessus de la City,
nagement.
312 LE NOUVEL URBANISME

ture rurale, elle doit reprendre vie par regroupement
autour des villages-centres et des chefs-lieux de pays.
Sous quelque angle que nous abordions le Nouvel
Urbanisme, nous retombons sur l'affirmation de corps
organisés et fédérés
Le premier travail de l'urbaniste est donc d'établir
la topographie sociale de l'étre à traiter, afin de le
se manifesterseront donc réalisables, ce q: aous
changera des élucubrations journalistiques.
Encore faut-il pouvoir les réaliser et les i e Se
réaliser.
Pour qu'un plan se réalise, il faut que les
gioupe-
ments qui y sont intéressés y soient réellement atla-
chés et en assument la direction -

tel est le cas

subdiviser en échelons locaur ayant chacun leur
représentant- la subdivision en corps profession-
nels, commerciaur ou culturels s'élant déjå souvent
effectuée.
Par des délibérations et échanges de vues, à
plu-
sieurs degrés, lurbaniste parviendra à connaitre les
véritables besoins et les véritables désirs de tous
ces corps, à leur échelle. Il sera à la fois
le pilote
indiquant les caps, si cela est nécessaire, et l'arbi-
tre entre les parties d'intérêts
opposés en apparence.
Il devra trouver auprès des cadres de
l'organisation
nationale de l'urbanisme les appuis nécessaires
faire exécuter pour
-
des remembrements ruraux et urbains.
Il est donc indispensable que des associations
syn-
dicales de propriétaires soient constituées pour cha-
que opération d'ensemble et qu'on leur fournisse
l'autonomie la plus compléte possible en les dotant
de techniciens avertis, d'un contröle intelligent et
souple et enfin de crédits spécialement affectés.
Les associations syndicales de propriétaires, l'ex-
propriation par zones coincidant avec les échelons
territoriaux, l'utilisation des plus-values aux euvres
d'équipement social permettront un financement ef
fectif d'opérations visibles par la
compensation.

lorsqu'il le faudra -

ses arbi-
-

On ne reconstruira pas, étant donné l'état de

l'éco-
trages. nomie nationale, sans la participation des
Il ne s'agit nullement groupes
locaux et familiaux. Ceux-ci ne feront aucun effort
d'encourager la multipli-
cation des commissions-tombeaux entre services ad- pour remplir une grande caisse anonyme,
ministratifs, mais de faire s'exprimer des corps or- tre ils s'engageront d'autant par con-
plus qu'ils
ganiques en n'oubliant pas que: délibérer est le fait voir, toucher, profiter des améliorations pourront
les plus
de plusieurs, décider le fait d'un proches d'eux-mêmes.
seul. I'autorité
véritablement forte est celle qui, sans user de con
trainte, obtient spontanément et librement Regroupés, recentralisés suivant leur état organi-
l'acquies que, les échelons détectés par
doivent donc vivre, se renforcer l'enquête par corps
cement des intéressés. Elle est donc
d'autant plus
forte qu'elle est plus limitée. pour l'exécution des
améliorations qui leur sont
Nous voilà loin de l'« voit quel vif sentiment de personnelles. Qui ne
de l'urbanisme de urbanisme en chambre », communauté se fera jour.
combien la nécessité de contacts
maquettes ignorant du substrat
modifiera peu àquotidiens
social! du bien commun en vue

lisme forcené peu l'individua-

Les plans et programmes auquel notre doit sa déchéance?
qui résulteront de
méthode d'affirmation et de renforcement des cette Qui ne voit quelle pépinièrepays
de capacités, habituées
corps au maniement
existants- fruits d'un consensus et d'une des affaires
réelle ne se manifestant qu'aux échelles où autorité publiques, au sens de la
responsabilit, cette structure
elle doit porelle va constituer? corporative et cor