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Révolution russe

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 Cet article concerne la révolution russe qui a démarré en 1917. Pour les autres révolutions
russes, voir Révolution russe (homonymie).

Révolution russe de 1917

Le soviet de Petrograd en 1917.

Date Hiver 1917 - Hiver 1921

Lieu Russie

Victoire des bolcheviks

 Abdication de Nicolas II

Résultat
 Chute de l'Empire russe

 Dissolution du gouvernement provisoire

 Création de la RSFS de Russie

 Début de la guerre civile.

Chronologie
Révolution de Février qui aboutit à la formation d'un
8-15 mars (23 février - 2 mars selon le
gouvernement provisoire et à la chute du tsarisme. La
calendrier russe)
Russie devient une république.

7 novembre (25 octobre dans le calendrier


Révolution d'Octobre.
julien)

Décret sur la Paix (« juste et équitable »). Décret sur la


8 novembre (26 octobre)
terre : la grande propriété foncière est abolie.

15 décembre Armistice germano-russe de Brest-Litovsk.

28 janvier 1918 Création de l'Armée rouge.

Création de l’Internationale communiste (IIIe


2-6 mars 1919
Internationale) à Moscou.

18 février-17 mars 1921 Révolte de Kronstadt.

21 mars 1921 Fin du communisme de guerre, début de la NEP.

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La révolution russea (en russe : русской революции [ˈruskəj rʲɪvɐˈlʲut͡sɨɪ]b) est l’ensemble des


événements ayant conduit en février 1917 au renversement spontané du régime
tsariste de Russie, puis en octobre de la même année à la prise de pouvoir par les bolcheviks et
à l’installation d’un régime léniniste (« communiste »). Cette dernière débouche sur une guerre
civile d'une grande violence, opposant les bolcheviks aux Armées blanches et à un ensemble
d'autres adversaires (makhnovchtchina, Armées vertes, etc.). Le conflit est accompagné d'un
effondrement de l'économie russe, qui avait débuté pendant la guerre, et d'une famine
particulièrement meurtrière : il s'achève par la victoire des bolcheviks et par la reconstitution,
sous l'égide de l'URSS, de la majorité des territoires de l'ex-empire. La révolution en Russie
donne également naissance au communisme, au sens contemporain du terme.
Largement favorisée par la Grande Guerre1, la révolution russe est un événement fondateur et
décisif du « court XXe siècle2 » ouvert par l’éclatement du conflit européen en 1914 et clos
en 1991 par la disparition de l’URSS. Objet pour les uns de sympathies et d’immenses espoirs
(la « grande lueur à l’Est » selon Jules Romains, le « charme universel d’Octobre » décrit
par François Furet), ou inversement, pour les autres, de sévères critiques, voire de peurs et de
haines en raison de la terreur rouge3, elle reste un des faits les plus étudiés et les plus
passionnément discutés de l’histoire contemporaine.
Son déroulement et ses conséquences posent toujours de nombreuses questions.
Les historiens sont encore partagés quant à savoir si la « révolution de Février » impliquait
nécessairement la « révolution d'Octobre ». La nature d’Octobre (révolution, coup d'État ou
combinaison des deux ?), les raisons des violences de la guerre civile russe, celles de la genèse
de la dictature soviétique sont également très discutées. Le débat très ancien sur l’évolution
conduisant au stalinisme des années 1930 n’a jamais été non plus définitivement tranché :
filiation logique, ou bien déviation (voire trahison), par rapport aux idéaux et aux pratiques
des bolcheviks de la révolution4 ?

Sommaire

 1La Russie avant la révolution


 2Révolution de février 1917
 3La dualité des pouvoirs
o 3.1« Le pays le plus libre du monde »
o 3.2Gouvernement provisoire et soviets
 4Des crises à répétition
o 4.1Les Journées d’avril
o 4.2Les Journées de juillet
o 4.3La montée de la réaction
o 4.4Le soulèvement de Kornilov
o 4.5L’ébullition populaire, l’explosion paysanne et la montée des
bolcheviks
 5Révolution d'octobre 1917
o 5.1L’insurrection
o 5.2Le nouveau gouvernement
o 5.3La nature d’Octobre : révolution, coup d’État, coup d’État et
révolution ?
 6Les débuts du régime bolchevique
o 6.1La situation économique au lendemain de la révolution
d’Octobre
o 6.2Bolcheviks et paysannerie : du malentendu au conflit
o 6.3Les premiers combats de la guerre civile (automne 1917)
o 6.4Le problème de la coalition
o 6.5Les premiers jours d’un nouvel État
o 6.6La paix de Brest-Litovsk
o 6.7La création de la Tchéka
o 6.8La dissolution de la Constituante
o 6.9La mise au pas des concurrents révolutionnaires
o 6.10La montée généralisée des périls
 7De la guerre civile à la NEP (1918-1921)
o 7.1Armée rouge contre armées blanches
o 7.2Campagnes contre villes : les « armées vertes »
o 7.3Minorités nationales contre Russes
o 7.4Interventions étrangères et guerre russo-polonaise
o 7.5Terreur blanche contre terreur rouge
o 7.6Violences d'en-bas et violences d'en-haut
o 7.7Victoire et crise du « communisme de guerre »
o 7.8La révolte de Kronstadt et l'instauration de la NEP (mars 1921)
 8Conséquences
o 8.1Conséquences culturelles
 8.1.1Libération des mœurs et émancipation des femmes
 8.1.2La lutte contre l'analphabétisme et l'accès des couches
populaires à la culture
 8.1.3La révolution et l'Art
o 8.2Conséquences économiques et sociales
o 8.3Conséquences politiques et diplomatiques
o 8.4Perceptions et réceptions à l'étranger
o 8.5Postérité et fin
o 8.6Interprétations
 9Notes et références
o 9.1Notes
o 9.2Références
 10Annexe
o 10.1Articles connexes
 10.1.1Les différents partis
 10.1.2Les Internationales
o 10.2Bibliographie
 11Liens externes

La Russie avant la révolution[modifier | modifier le code]


Articles détaillés : Empire russe, Révolution russe de 1905 et Fin du régime tsariste en Russie.

L'empereur Nicolas II et sa famille.

Avant 1917, l'Empire russe était un régime monarchique autocratique.


L'abolition du servage par l'empereur Alexandre II en 1861 fait apparaître les premières fissures
du vieux régime féodal. Une fois affranchis, les serfs sont poussés vers les villes, où ils
constituent la main-d’œuvre de la révolution industrielle.
Au début du XXe siècle, la Russie connaît un essor industriel spectaculaire, entraînant un essor
urbain et une grande effervescence culturelle : le vieil ordre social est ébranlé, aggravant les
difficultés des plus pauvres. Les industries fleurissent, la classe ouvrière est concentrée
principalement dans les grandes villes. Cependant, la nouvelle prospérité du pays, financée par
d'énormes emprunts à la Bourse de Paris, ne profite pas à la population.
L’économie dans son ensemble reste archaïque 5. La valeur de la production industrielle est en
1913 deux fois et demi inférieure à celle de la France, six fois moins que celle de l’Allemagne, ou
quatorze fois moins que celle des États-Unis6. Le rendement agricole reste médiocre, la pénurie
de transport paralyse toute tentative de modernisation économique 7. Le PIB par habitant est alors
inférieur à celui de la Hongrie ou de l’Espagne de l’époque, et environ un quart de celui des
États-Unis8. Surtout, le pays est dominé par les capitaux étrangers, qui possèdent près de la
moitié des actions en Russie9. L’industrialisation du pays a été violente et mal acceptée par les
couches de la paysannerie brusquement prolétarisées. La classe ouvrière naissante, bien que
faible numériquement, est concentrée dans de grands sites industriels qui facilitent
l’émulation révolutionnaire10.
La Russie reste un pays essentiellement rural (85 % de la population). Si une partie des paysans,
les koulaks, s’est enrichie et constitue une sorte de bourgeoisie rurale soutenant le régime, le
nombre de paysans sans terres a augmenté, créant un véritable prolétariat rural, réceptif aux
idées révolutionnaires. Même après 1905, un député à la Douma signale que dans bien des
villages, la présence de blattes et de punaises dans les maisons était considérée comme un
signe de richesse11.

La capitale Saint-Pétersbourg, foyer des révolutions de 1905 et 1917.

Après la scolarisation menée quelques années auparavant, une partie des ouvriers a été
conquise par les idées marxistes et autres idéologies révolutionnaires. Toutefois, le pouvoir
tsariste fit preuve d’immobilisme. Aux XIXe et XXe siècles, des mouvements organisés par des
membres de toutes les classes de la population (étudiants ou ouvriers, paysans ou nobles)
tentèrent de renverser le gouvernement – sans succès, certains se tournant vers le terrorisme et
les attentats politiques. Les mouvements révolutionnaires étaient soumis à une dure répression,
menée par la puissante Okhrana, la police politique tsariste. De nombreux révolutionnaires
étaient emprisonnés ou déportés, d’autres réussissaient à fuir et à rejoindre les rangs des exilés.
De ce point de vue, la révolution de 1917 n’est que l’aboutissement d’une longue succession de
petites révoltes. Les réformes nécessaires, que ni les révoltes paysannes, ni les attentats
politiques, ni l’activité parlementaire de la Douma, n’avaient réussi à imposer viendront finalement
d’une révolution impulsée par le prolétariat.
Dès 1905, une première révolution éclate après la défaite de la Russie lors de la guerre russo-
japonaise. La répression sanglante d’une manifestation le 22 janvier 1905, lorsqu'une partie de la
population vint porter une supplique à Nicolas II à Saint-Pétersbourg marque le « Dimanche
rouge ». Elle constitua une tentative du peuple russe de se libérer de son tsar, et fut marquée par
des soulèvements et des grèves de la part des ouvriers et des paysans qui formèrent à cette
occasion leurs premiers organes de pouvoirs indépendants de la tutelle de l’État, les Soviets.

Révolution de février 1917[modifier | modifier le code]


Article détaillé : Révolution de Février.

Les défaites successives de la Russie lors de la Première Guerre mondiale sont l’une des causes
de la révolution de Février. À l’entrée en guerre, tous les partis sont pour cette participation, à
l’exception du parti social-démocrate (POSDR), le seul en Europe avec le parti socialiste serbe à
refuser le vote des crédits de guerre, mais qui prévient toutefois qu’il ne cherchera pas à saboter
l’effort de guerre. Dès le début du conflit sur le Front de l'Est, après quelques succès initiaux,
l’armée connaît de lourdes défaites (en Prusse-Orientale notamment) ; les usines s’avèrent
insuffisamment productives, le réseau ferroviaire imparfait, le ravitaillement en armes et denrées
de l’armée boiteux. Au sein de la troupe, les pertes battent tous les records (1 700 000 morts et
5 950 000 blessés) et des mutineries éclatent, le moral des soldats se trouvant au plus bas.
Ceux-ci supportent de moins en moins l’incapacité de leurs officiers (on a ainsi vu des unités
monter au combat avec des balles ne correspondant pas au calibre de leur fusil), les brimades et
les punitions corporelles en usage dans l’armée.

Soldats russes blessés au cours de la Première Guerre mondiale

La famine gronde et les marchandises se font rares. L’économie russe, qui connaissait avant la
guerre le taux de croissance le plus élevé d’Europe 12, est coupée du marché européen. La
chambre basse du Parlement russe (la Douma), constituée de partis libéraux et progressistes,
met en garde le tsar Nicolas II contre ces menaces pour la stabilité, tant de la Russie que du
régime, et lui conseille de former un nouveau gouvernement constitutionnel. Mais le tsar ignore
l’avis de la Douma. Isolé dans un train spécial au front, il a perdu de fait tout contact avec la
réalité du pays et avec sa direction. L’impopularité de son épouse, d’origine allemande, aggrave
le discrédit du régime, ce que confirme en décembre 1916 l’assassinat par un jeune noble du
conseiller occulte de l’impératrice, Raspoutine.
Dès 1915-1916, une prolifération de comités divers prennent en main tout ce qu’un État déficient
n’assume plus (ravitaillement, soins, échanges). Avec les coopératives ou les syndicats, ces
comités deviennent des pouvoirs parallèles. Le régime ne contrôle déjà plus le « pays réel »13.
Le mois de février 1917 rassemble toutes les caractéristiques pour une révolte populaire : hiver
rude, pénurie alimentaire, lassitude face à la guerre… Tout commence lors
de grèves spontanées, début février, des ouvriers des usines de la capitale Petrograd (nouveau
nom que Saint-Pétersbourg a pris au début du conflit). Le 23 février (8 mars du calendrier
moderne14), pour la Journée internationale des femmes, des femmes de Petrograd manifestent
pour réclamer du pain. Leur action est soutenue par la main-d’œuvre industrielle, qui trouve là
une raison de prolonger la grève. Ce premier jour, malgré quelques confrontations avec les
forces de l’ordre, ne fait aucune victime.
Les jours suivants, les grèves se généralisent dans tout Petrograd et la tension monte. Les
slogans, jusque-là plutôt discrets, se politisent : « À bas la guerre ! », « À bas l’autocratie ! »15.
Cette fois, les affrontements avec la police font des victimes des deux côtés 16. Les manifestants
s’arment en pillant les postes de police. Après trois jours de manifestations, le Tsar mobilise les
troupes de la garnison de la ville pour mater la rébellion. Les soldats résistent aux premières
tentatives de fraternisation et tuent de nombreux manifestants. Toutefois, la nuit, une partie de la
troupe rejoint progressivement le camp des insurgés, qui peuvent ainsi s’armer plus
convenablement. Entre-temps, le tsar, désemparé, n’ayant plus les moyens de gouverner,
dissout la Douma et nomme un comité provisoire.
Tous les régiments de la garnison de Petrograd se joignent aux révoltés. C’est le triomphe de la
révolution. Sous la pression de l’état-major, le tsar Nicolas II abdique le 2 mars
1917 (15 mars 1917 dans le calendrier grégorien). « Il se démit de l’empire comme un
commandant d’un escadron de cavalerie17 ». Son frère, le grand-duc Mikhaïl Alexandrovitch
Romanov, refuse presque aussitôt la couronne. C’est de fait la fin du tsarisme, et les premières
élections au soviet des ouvriers de Petrograd. Le premier épisode de la révolution a fait tout de
même plus d’une centaine de victimes, en majorité parmi les manifestants 18. Mais la chute rapide
et inattendue du régime, à un coût plutôt limité, suscite dans le pays une vague d’enthousiasme
et de libéralisation.

La dualité des pouvoirs[modifier | modifier le code]


La période suivant l’abdication du tsar est à la fois confuse et enthousiaste. Les gouvernements
provisoires se succèdent rapidement au fur et à mesure que la révolution gagne en profondeur et
que la masse des ouvriers et paysans se politise. Les soviets, émanations des volontés
populaires, n’osent pas dans un premier temps contredire le gouvernement provisoire malgré son
immobilisme et sa poursuite de la guerre19.
Le petit parti bolchevique, largement financé par l'Allemagne20 afin de mener la révolution pour
ainsi fermer le front russe, et auquel Lénine impose une radicalisation stratégique, récupère le
mécontentement général et devient dépositaire des aspirations populaires, tandis que les partis
révolutionnaires rivaux se discréditent les uns après les autres, et que le péril contre-
révolutionnaire se dessine.
« Le pays le plus libre du monde »[modifier | modifier le code]
La chute de la monarchie est ressentie comme une libération sans précédent. Elle ouvre en
Russie une période d’allégresse populaire et de fermentation révolutionnaire. Une frénésie de
prises de parole gagne toutes les couches de la société. Les meetings sont quotidiens et les
orateurs se succèdent sans fin. Défilés et manifestations se multiplient. Des dizaines de milliers
de lettres, d’adresses, de pétitions sont envoyées chaque semaine de tous les points du territoire
pour faire connaître les soutiens, les doléances ou les revendications du peuple. Elles sont en
particulier adressées au nouveau gouvernement provisoire et au soviet de Petrograd.
Au-delà des attentes immédiates, ce qui domine est le rejet de toutes les formes d’autorité ; ce
qui a permis à Lénine de parler de la Russie de ces premiers mois comme du « pays le plus libre
du monde »21.
Selon Marc Ferro,
« À Moscou, des travailleurs obligeaient leur patron à apprendre les fondements du futur droit
ouvrier ; à Odessa, les étudiants dictaient à leur professeur le nouveau programme d’histoire des
civilisations ; à Petrograd les acteurs se substituaient au directeur du théâtre et choisissaient le
prochain spectacle ; aux armées, des soldats invitaient l’aumônier à assister à leurs
réunions pour qu’il donne un sens à sa vie. Il n’est jusqu’aux enfants qui n’aient revendiqué pour
les moins de 14 ans le droit d’apprendre la boxe pour pouvoir se faire entendre des grands.
C’était le monde à l’envers22  »
Un meeting de soldats en Finlande, mars 1917.

Ces premières semaines emplies d’espérance et de générosité sont très peu violentes, dans les
villes comme dans les campagnes. Il n'y a pas de représailles, officielles ou spontanées,
exercées contre les anciens serviteurs du tsar, ce dernier étant simplement assigné à résidence :
beaucoup peuvent librement se retirer ou partir à l’étranger. Le gouvernement provisoire abolit
la peine de mort, ouvre largement les prisons, permet le retour des exilés de toutes opinions
(dont Lénine), et proclame les libertés fondamentales de presse, de réunion, de conscience —
déjà acquises dans les faits depuis février. Le droit de vote est accordé aux femmes23.
L’antisémitisme d’État disparaît. L’Église orthodoxe, sous tutelle depuis Pierre le Grand, peut
réunir librement un concile qui, à l’été 1917, restaure le patriarcat. Dans l’armée, le prikaze no 1
(ordre du jour) émis par le soviet de Petrograd interdit les brimades humiliantes des officiers et
instaure pour les soldats les droits de réunion, de pétition et de presse24.
Enfin, la manifestation la plus franche de l’émancipation de la société civile est la création
spontanée de soviets (conseils) d’ouvriers, de paysans, de soldats ou de marins, qui couvrent en
quelques semaines la quasi-totalité du pays. Ces assemblées élues, déjà expérimentées
en 1905, pallient la faiblesse des organisations habituelles en Occident (partis, syndicats), due à
la longue répression tsariste. Ce sont des organes de démocratie directe, qui entendent exercer
un pouvoir autonome et, face au gouvernement provisoire comme à la possibilité d’une contre-
révolution, veiller à la préservation et à l’extension des conquêtes de la révolution de Février.
Gouvernement provisoire et soviets[modifier | modifier le code]

Les membres du gouvernement provisoire.

Un gouvernement provisoire élu par la Douma, dirigé par Michel Rodzianko, ancien officier du


Tsar, monarchiste et riche propriétaire terrien, s’installe. Dès le 15 mars, sa direction est reprise
pour plusieurs mois par le prince Lvov, un libéral progressiste.
Ainsi, même s’il est issu d’une révolution des ouvriers et soldats, le pouvoir est aux mains d’un
gouvernement provisoire, dirigé par des hommes politiques libéraux, principalement le parti
KD (Parti constitutionnel démocratique, faussement appelé « Cadet »), qui était celui de
la bourgeoisie libérale. Mais en réalité, ce gouvernement doit composer avec les soviets, qui dès
le début mars, se forment dans les principales villes du pays, à l’annonce de la révolution dans la
capitale, puis surgiront dans les campagnes en avril et mai. C'est alors que les notables qui
dirigeaient au nom du tsar sont destitués. Le soviet est donc à la fois un club dans lequel les
ouvriers se rendent pour discuter de la situation, et un organe de gouvernement.
Le programme du soviet de Petrograd est la paix immédiate, la terre aux paysans, la journée de
8 heures et une république démocratique. Ce programme est inapplicable par la bourgeoisie
libérale qui a pris le pouvoir à la suite de la révolution, et qui ne veut ni rompre avec ses alliés, ni
toucher à la propriété des terres de la noblesse féodale, ni accorder la journée de 8 heures.
De surcroît, le gouvernement estime (comme une partie des dirigeants de soviets et de partis
révolutionnaires) que seule la future Constituante élue au suffrage universel aura le droit de
décider du destin des terres et du régime social. Mais l’absence de millions d’électeurs mobilisés
au front retarde sans fin la convocation de ces élections (d’autant plus que le gouvernement
continue la guerre). L’accomplissement des réformes attendues est donc sans cesse reporté sine
die, au point que le gouvernement, par exemple, s’abstient même de proclamer officiellement
la République avant septembre. Il prend donc d’emblée le risque de décevoir dangereusement la
population. Il ne peut de surcroît gouverner sans l’appui incertain des soviets, qui ont le soutien
et la confiance de la grande masse des travailleurs 25.
Les soviets sont alors dominés par des partis socialistes, mencheviks et socialistes-
révolutionnaires (SR). Les bolcheviks, malgré leur nom, sont minoritaires. Dans l’immédiat, ces
soviets, dont celui de Petrograd, affichent une ligne modérée de soutien au gouvernement
provisoire, et ne mettent pas en avant les revendications les plus radicales - ce qui oblige à
nuancer la notion habituelle de « dualité des pouvoirs ». La jonction entre le gouvernement et le
soviet de Petrograd est assumée par son vice-président, le SR républicain Alexandre Kerensky,
qui est par ailleurs ministre de la Justice puis de la Guerre.
Presque tous les révolutionnaires, surtout ceux formés à l’école du marxisme, estiment en effet
que la révolution prolétarienne est prématurée dans un pays aussi rural et économiquement
arriéré26. À leurs yeux, la Russie n’est mûre que pour une révolution bourgeoise, le prolétariat
étant inexpérimenté et trop faible numériquement. La révolution doit dans un premier temps se
cantonner aux tâches que l’analyse marxiste assignait à la révolution bourgeoise, celles
accomplies par la Révolution française de 1789 : la fin du féodalisme et la réforme agraire. Dans
cette optique, les soviets sont conçus comme des « forteresses prolétariennes » implantées au
cœur de la « révolution bourgeoise »27 pour veiller à la réalisation des revendications populaires,
préparer ultérieurement le passage au socialisme, et prévenir en attendant aussi bien une contre-
révolution monarchiste qu’une rupture avec la bourgeoisie.
Or, ceci ne répond pas à l’urgence que les masses éprouvent à voir réaliser leurs aspirations.
Les partis révolutionnaires risquent donc d’encourir à terme le même discrédit populaire que le
gouvernement provisoire.

Des crises à répétition[modifier | modifier le code]


Les Journées d’avril[modifier | modifier le code]
Malgré la volonté populaire d’en finir avec la guerre, l’implication dans la Première Guerre
mondiale n’est pas remise en cause. En avril, la publication d’une note secrète du gouvernement
à ses alliés, indiquant qu’il ne remettra pas en cause les traités tsaristes et continuera la guerre,
provoque la colère des soldats et ouvriers 28. Des manifestations pour et contre le gouvernement
causent les premiers véritables affrontements armés de la révolution, et contraignent à la
démission le ministre des Affaires étrangères, l’historien KD Pavel Milioukov. Les socialistes
modérés entrent alors au gouvernement, soutenus par la majorité des ouvriers qui pensent qu’ils
pourront faire pression pour arrêter la guerre.
Au même moment, peu après son retour en Russie, Lénine fait paraître ses Thèses d'avril. Dans
la continuité des thèses exposées dans L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, il
considère que le capitalisme est entré dans une « phase de putréfaction » et que les
bourgeoisies nationales ne sont plus capables, dans les nouveaux pays industrialisés, d’assumer
le rôle révolutionnaire qu’elles ont joué dans le passé. Pour lui, seul le don de « tout le pouvoir
aux soviets » et la poursuite de la révolution peuvent arrêter la guerre et assurer les conquêtes
de la révolution de Février. Il refuse tout soutien au gouvernement provisoire et prône la
confiscation et le partage des terres par les paysans, le contrôle ouvrier sur les usines, le
passage immédiat à une république des soviets.
Ces idées étaient jusqu’alors très minoritaires au sein des bolcheviks eux-mêmes, qui s’en
étaient tenus à une ligne commune de soutien au gouvernement, la Pravda dirigée
par Staline et Molotov s’étant même prononcée publiquement pour la reprise du travail et un
retour à la normale. Mais avec l’effondrement économique et la poursuite de la guerre, les idées
du parti bolchevique, dirigé par Lénine et que rallie Trotsky à l’été, gagnent de l’influence. Début
juin, les bolcheviks sont majoritaires dans le soviet ouvrier de Petrograd.
Les Journées de juillet[modifier | modifier le code]

Marins révolutionnaires russes de la flotte impériale durant l’été 1917.

L´été de toutes les inquiétudes dans une datcha près de Moscou, 1917

Article détaillé : Journées de juillet 1917.

Dans les premiers mois de 1917, la guerre a moins été rejetée en elle-même que l’incapacité
du tsar à la mener efficacement, ainsi que l’inhumanité ou l’incurie des officiers. Le
« défaitisme révolutionnaire » prôné par Lénine est très impopulaire jusqu’au sein du parti
bolchevique. Beaucoup, et pas seulement dans les élites bourgeoises, escomptent en Russie un
sursaut patriotique et jacobin face à l’Allemagne du Kaiser, de même que la chute de la
monarchie française en 1792 avait permis la victoire de Valmy et le rejet de
l’envahisseur. Alexandre Kerensky, devenu ministre de la Guerre, bon orateur et très populaire,
entend incarner ce sursaut à la fois national et révolutionnaire.
De surcroît, les slogans de paix immédiate sont au départ plus fréquents à l’arrière qu’au front,
où les soldats considèrent souvent les ouvriers comme des « planqués », et apprécient peu
qu’on mette en doute l’utilité des sacrifices qu’ils ont endurés depuis trois ans. De fait, une large
majorité des Russes sont favorables à une « paix blanche » sans annexion ni contributions, mais
beaucoup sont prêts à laisser sa chance à une ultime offensive militaire 29.
Or, entre février et juillet, l’impopularité de la guerre et la lassitude ont gagné du terrain, tout
comme la propagande pacifiste. La poursuite de la guerre justifie aussi un immobilisme très
critiqué, puisqu’il est impossible d’accorder la journée de 8 heures sans affaiblir la production de
guerre, ou de convoquer la Constituante tant que des millions de soldats seront au front.
Dispersion de la foule sur la perspective Nevski, pendant les journées de juillet.

L’échec militaire de l’« offensive Kerensky » déclenchée début juillet entraîne une déception
générale. Après quelques succès initiaux dus au général Broussilov, le meilleur commandant en
chef russe de la Grande Guerre, l’échec est patent et les soldats refusent de monter en première
ligne. L’armée entre en décomposition, les désertions se multiplient, les protestations de l’arrière
enflent, la popularité de Kerensky se dégrade30.
Les 3 et 4 juillet, l’échec de l’offensive connu, les soldats stationnés dans la
capitale Petrograd refusent de repartir au front. Rejoints par les ouvriers, ils manifestent pour
exiger des dirigeants du soviet de la ville qu’ils prennent le pouvoir. Débordés par la base,
les bolcheviks s’opposent à une insurrection prématurée, estimant qu’il est encore trop tôt pour
renverser le gouvernement provisoire : les bolcheviks ne sont majoritaires qu’à Petrograd
et Moscou, tandis que les partis socialistes modérés conservent une influence importante dans le
reste du pays. Ils préfèrent laisser le gouvernement aller au bout de ses possibilités et montrer
son incapacité à gérer les problèmes de la révolution : la paix, la journée de 8 heures, la réforme
agraire.
La montée de la réaction[modifier | modifier le code]
La répression s’abat néanmoins sur les bolcheviks. Trotsky est emprisonné, Lénine est obligé de
fuir et se réfugie en Finlande, le journal bolchevique Rabotchi I Soldat (« Ouvrier et Soldat ») est
interdit. Les régiments de mitrailleurs qui ont soutenu la révolution sont dissous, envoyés au front
par petits détachements, les ouvriers sont désarmés. 90 000 hommes doivent quitter Petrograd,
les « agitateurs » sont emprisonnés. La peine de mort abolie en février est rétablie. Au front, la
reprise en main est brutale après la liberté laissée par le prikaze no 1 en février. Ainsi le 8 juillet,
le général Kornilov, qui commande le front sud-ouest, donne l’ordre d’ouvrir le feu à la
mitrailleuse et l’artillerie sur les soldats qui reculeraient. Du 18 juin au 6 juillet, l’offensive sur ce
front fait 58 000 morts, sans succès.
Parallèlement la réaction se manifeste, et le tsarisme relève la tête ; des pogroms se produisent
en province. Après les journées de juillet, Kerensky a succédé au prince Georgy Lvov,
monarchiste modéré, mais il perd de plus en plus la considération des masses populaires, et
paraît incapable de contenir la montée de la réaction.
Le soulèvement de Kornilov[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Affaire Kornilov.

Le général Kornilov est nommé nouveau commandant en chef par Kerensky. Alors que l’armée


se disloque, il incarne un retour à la discipline de fer antérieure : il a déjà donné l’ordre en avril de
fusiller les déserteurs et d’exposer les cadavres avec des écriteaux sur les routes, et menacé de
peines sévères les paysans qui s’en prendraient aux domaines seigneuriaux. Ce général,
réputé monarchiste, est en réalité un républicain indifférent au rétablissement du tsar, et un
homme issu du peuple (fils de cosaque et non d’aristocrate), ce qui est rare pour l’époque dans
la caste militaire. Avant tout nationaliste, il veut le maintien de la Russie dans la guerre, que ce
soit sous l’autorité du gouvernement provisoire ou sans lui. Beaucoup plus bonapartiste voire pré-
fasciste que monarchiste31, il n’en devient pas moins très vite le nouvel espoir des anciennes
classes dirigeantes, noblesse et grande bourgeoisie, et de tous ceux qui aspirent à un retour à
l’ordre, ou simplement à un châtiment sévère des défaitistes bolcheviques.
Alexandre Kerensky, chef du gouvernement provisoire

Dans les usines et l’armée, le danger d’une contre-révolution prend corps. Les syndicats, dans
lesquels les bolcheviks sont majoritaires (malgré la répression), organisent
une grève massivement suivie. La tension monte progressivement, marquée par la radicalisation
du discours des partis. Ainsi le 20 août, au comité central du Parti KD (Constitutionnel
démocratique), son dirigeant Pavel Milioukov déclare : « Le prétexte en sera-t-il fourni par des
émeutes de la faim ou par une action des bolcheviks, en tout cas la vie poussera la société et la
population à envisager l’inéluctabilité d’une opération chirurgicale. » L’Union des officiers de
l’armée et de la flotte, organisation influente dans les corps supérieurs de l’armée russe et
financée par les milieux d’affaires, appelle à l’établissement d’une dictature militaire. Sur le front,
le capitaine Mouraviev, membre du parti SR, constitue plusieurs bataillons de la mort et assure
que ces « bataillons ne sont pas destinés au front, mais aussi à Petrograd, quand il faudra régler
leurs comptes aux bolcheviks32. »
Fin août 1917, Kornilov organise un soulèvement armé, et jette 3 régiments de cavalerie par voie
de chemin de fer sur Petrograd, dans le but affiché d’écraser dans le sang les soviets et les
organisations ouvrières et de remettre la Russie dans la guerre. Face à l’incapacité du
gouvernement provisoire à se défendre, les bolcheviks organisent la défense de la capitale. Les
ouvriers creusent des tranchées, les cheminots envoient les trains sur des voies de garage, et les
troupes finissent par se dissoudre.
Les conséquences du putsch sont importantes : les masses se sont réarmées, les bolcheviks
peuvent sortir de leur semi-clandestinité, les prisonniers politiques de juillet, dont Trotsky, sont
libérés par les marins de Kronstadt. Pour mater le putsch, Kerensky a appelé à l’aide tous les
partis révolutionnaires, acceptant la libération et l’armement des bolcheviks eux-mêmes. Il a
perdu le soutien de la droite, qui ne lui pardonne pas l’échec du putsch, sans pour autant rallier la
gauche, qui le juge trop indulgent dans la répression des complices de Kornilov, encore moins
l’extrême-gauche bolchevique, à laquelle Lénine, de sa cachette, a fixé le mot d’ordre : « Aucun
soutien à Kerensky, lutte contre Kornilov ».
L’ébullition populaire, l’explosion paysanne et la montée des
bolcheviks[modifier | modifier le code]
Meeting du parti bolchevik (Lénine est à droite sur la photographie).

De plus en plus d’ouvriers et soldats pensent qu’il ne saurait y avoir de conciliation entre
l’ancienne société défendue par Lavr Kornilov et la nouvelle. Le putsch et l’effondrement
du gouvernement provisoire, en donnant aux soviets la direction de la résistance, renforce
l’autorité et accroît l’audience des bolcheviks. Leur prestige se trouve grandi : aiguillonnées par la
contre-révolution, les masses se radicalisent, des soviets, des syndicats se rangent du côté des
bolcheviks. Le 31 août, le soviet de Petrograd accorde la majorité aux bolcheviks, et élit Léon
Trotski à sa présidence le 30 septembre.
Toutes les élections témoignent de cette montée ; ainsi, aux élections municipales de Moscou,
entre juin et septembre, les SR passent de 375 000 suffrages à 54 000, les mencheviks de
76 000 à 16 000, les démocrates constitutionnels (KD) de 109 000 à 101 000, alors que les
bolcheviks passent de 75 000 à 198 000 voix. Le mot d’ordre « tout le pouvoir aux soviets »
dépasse largement les bolcheviks et est repris par des ouvriers SR ou mencheviks. Le 31 août, le
soviet de Petrograd et 126 soviets de province votent une résolution en faveur du pouvoir des
soviets.
La révolution se poursuit et s’accélère, surtout dans les campagnes. Pendant cet été 1917, les
paysans passent à l’action, et s’emparent des terres des seigneurs, sans plus attendre la réforme
agraire promise et constamment retardée par le gouvernement. La paysannerie russe renoue
avec sa longue tradition de vastes soulèvements spontanés (le bount), qui avaient déjà marqué
le passé national, ainsi lors des grandes révoltes de Stenka Razine au XVIIe siècle ou d'Emelian
Pougatchev (1774-1775) au temps de Catherine II. Pas toujours violentes, ces occupations
massives des terres sont toutefois souvent le théâtre de déchaînements spontanés où les
propriétés des maîtres sont brûlées, eux-mêmes maltraités voire assassinés. Cette
immense jacquerie, sans doute la plus importante de l’histoire européenne, est globalement
victorieuse, et les terres sont partagées, sans que le gouvernement condamne ou ratifie le
mouvement.
Apprenant que le « partage noir33 » est en train de s’accomplir dans leurs villages, les soldats,
largement d’origine paysanne, désertent en masse afin de pouvoir participer à temps à la
redistribution des terres. L’action de la propagande pacifiste, le découragement après l’échec de
l’ultime offensive de l’été font le reste. Les tranchées se vident peu à peu.
Ainsi les bolcheviks, qu’on qualifiait encore en juillet d’« insignifiante poignée de
démagogues34 », contrôlent la majorité du pays.[réf. nécessaire] Dès juin 1917, à une séance
du Ier congrès des soviets, Lénine avait déjà annoncé ouvertement que les bolcheviks étaient
prêts à prendre le pouvoir, mais sur le moment ses paroles n’avaient pas été prises au sérieux 35.

Révolution d'octobre 1917[modifier | modifier le code]


Article détaillé : Révolution d'Octobre.

En octobre 1917, Lénine et Trotsky considèrent que le moment est venu d’en finir avec la


situation de double pouvoir. La conjoncture leur est opportune, tant sont grands le discrédit et
l'isolement du gouvernement provisoire, déjà réduit à l'impuissance, tout comme l'impatience de
leur propre base.
L’insurrection[modifier | modifier le code]
Les débats au sein du comité central du Parti bolchevique afin que celui-ci organise une
insurrection armée et prenne le pouvoir sont vifs. Certains autour
de Kamenev et Zinoviev considèrent qu’il faut encore attendre, car le parti est déjà assuré de la
majorité dans les soviets, et se retrouverait à leur avis isolé en Russie comme en Europe s’il
prenait le pouvoir seul et non au sein d’une coalition de partis révolutionnaires. Mais Lénine et
Trotski l’emportent et après avoir résisté, le Comité approuve et organise l’insurrection,
dont Lénine fixe la date pour la veille de l’ouverture du IIe congrès des soviets, qui doit se réunir
le 25 octobre.
Un Comité militaire révolutionnaire est créé au sein du soviet de Petrograd et dirigé par Trotski,
président de ce dernier. Il est composé d’ouvriers armés, de soldats et de marins. Il s’assure le
ralliement ou la neutralité de la garnison de la capitale, et prépare méthodiquement la prise
d’assaut des points stratégiques de la ville. La préparation du coup de force se fait presque au vu
et au su de tous, les plans livrés par Kamenev et Zinoviev sont même disponibles dans les
journaux, et Kerensky lui-même en vient à souhaiter l’affrontement final qui viderait l’abcès 36.

Le Comité militaire révolutionnaire de Petrograd annonce la déposition du gouvernement provisoire.

L’insurrection est lancée dans la nuit du 24 octobre 1917 (6 novembre 1917 dans le calendrier


grégorien) au 25 octobre 1917 (7 novembre 1917 dans le calendrier grégorien). Les événements
se déroulent presque sans effusion de sang. Les gardes rouges conduits par les bolcheviks
prennent sans résistance le contrôle des ponts, des gares, de la banque centrale, des centrales
postale et téléphonique, avant de lancer un assaut final sur le palais d'Hiver. Les films officiels
tournés plus tard montrèrent ces évènements sous un angle héroïque, bien que dans la réalité
les insurgés n’eurent à faire face qu’à une faible résistance. En effet, parmi les troupes
cantonnées dans la capitale, seuls quelques bataillons d’élèves officiers (junkers) soutiennent
le gouvernement provisoire, l’immense majorité des régiments se prononçant pour le
soulèvement ou se déclarant neutres. On ne dénombre que cinq morts et quelques blessés 37.
Pendant l’insurrection, les tramways continuent à circuler, les théâtres à jouer, les magasins à
ouvrir. Un des événements décisifs du XXe siècle a lieu sans que grand monde s’en rende
compte38.
Si une poignée de partisans a pu se rendre maître de la capitale face à un gouvernement
provisoire que plus personne ne soutient, le soulèvement doit maintenant être ratifié par les
masses. Le lendemain, 25 octobre, Trotski annonce officiellement la dissolution du gouvernement
provisoire lors de l’ouverture du Congrès pan-russe des soviets des députés ouvriers et paysans
(562 délégués étaient présents, dont 382 bolcheviks et 70 SR de gauche39).
Mais une partie des délégués considéraient que Lénine et les bolcheviks avaient pris le pouvoir
illégalement, et une cinquantaine quittèrent la salle40. Les démissionnaires, socialistes
révolutionnaires de droite et mencheviks, créeront dès le lendemain un « Comité de Salut de la
Patrie et de la Révolution »41. Ces défections furent accompagnées de cette résolution improvisée
de Léon Trotski : « Le 2e congrès doit constater que le départ des mencheviks et des SR est une
tentative criminelle et sans espoir de briser la représentativité de cette assemblée au moment où
les masses s’efforcent de défendre la révolution contre les attaques de la contre-révolution 42 ». Le
jour suivant, les Soviets ratifient la constitution d’un Conseil des commissaires du
peuple intégralement constitué de bolcheviks, comme base du nouveau gouvernement, en
attendant la convocation d’une assemblée constituante. Lénine se justifiera le lendemain aux
représentants de la garnison de Petrograd en affirmant « Ce n’est pas notre faute si les S-R et
les mencheviks sont partis. Nous leur avons proposé de partager le pouvoir [...]. Nous avons
invité tout le monde à participer au gouvernement. »43
Le nouveau gouvernement[modifier | modifier le code]
Articles détaillés : Décrets soviétiques, Décret sur la paix, Décret sur la terre, Décret sur le
contrôle ouvrier et Décret sur les nationalités.

Dans les quelques heures qui suivirent, une poignée de décrets allait jeter les bases du nouveau
régime. Lorsque Lénine fit sa première apparition publique, il fut ovationné et sa première
déclaration fut : « Nous allons maintenant procéder à la construction de l’ordre socialiste ».
Tout d’abord, Lénine annonce l’abolition de la diplomatie secrète et la proposition à tous les pays
belligérants d’entamer des pourparlers « en vue d’une paix équitable et démocratique,
immédiate, sans annexions et sans indemnités ».
Ensuite, est promulgué le décret sur la terre : « la grande propriété foncière est abolie
immédiatement sans aucune indemnité ». Il laisse aux soviets de paysans la liberté d’en faire ce
qu’ils désirent, socialisation de la terre ou partage entre les paysans pauvres. Le texte entérine
une réalité déjà existante, puisque les paysans se sont déjà emparés des terres pendant l’été
1917. Mais ce faisant, il gagne aux bolcheviks la neutralité bienveillante des campagnes, au
moins jusqu’au printemps 1918.
Enfin, un nouveau gouvernement, baptisé « conseil des commissaires du peuple », est nommé.
D’autres mesures suivront, comme une nouvelle abolition de la peine de mort (malgré la
réticence de Lénine qui la jugeait indispensable), la nationalisation des banques (14 décembre),
le contrôle ouvrier sur la production, la création d’une milice ouvrière, la journée de huit heures, la
souveraineté et l’égalité de tous les peuples de Russie, leur droit à disposer d’eux-mêmes y
compris par la séparation politique et la constitution d’un État national indépendant 44, la
suppression de tout privilège à caractère national ou religieux, la séparation de l'Église
orthodoxe et de l'État etc ; plus deux mois plus tard le 26 janvier-8 février 1918, une semaine
après la dissolution de l'assemblée constituante, le passage du calendrier julien au calendrier
grégorien, pour le 1er-14 février 1918. La réussite d’Octobre acheva dans l’immédiat certains
prémices de la révolution russe nés en février, en prenant en 33 heures des mesures que le
gouvernement provisoire n’avait pas pris en 8 mois d’existence.
En 1871, les ouvriers parisiens avaient pris le pouvoir pendant la Commune de Paris. Cette
première expérience de « dictature du prolétariat » (comme Friedrich Engels l’a qualifiée45) s’était
terminée par le massacre de 10 000 à 20 000 communards et des déportations en masse. En
prenant le pouvoir à Petrograd, Lénine et Trotski savaient qu’ils ne pourraient tenir sans le renfort
de pays industrialisés, l’Allemagne, la France et l’Angleterre ; en attendant, il s’agit pour eux de
tenir plus que les 72 jours de la Commune de Paris 46.
La nature d’Octobre : révolution, coup d’État, coup d’État et révolution ?
[modifier | modifier le code]
Dès les premières heures qui suivent le 7 novembre, et jusqu’à nos jours, nombre d’acteurs et de
commentateurs ont considéré la « révolution d'Octobre » comme étant en réalité un simple coup
d'État d’une minorité résolue et organisée, qui visait à donner « tout le pouvoir aux
bolcheviks »47 et non aux soviets. L'Humanité, principal quotidien socialiste français, titre ainsi le 9
sur le « coup d’État en Russie » qui vient d’amener Lénine et les « maximalistes » au pouvoir.
L’historien Alessandro Mongili relève d’ailleurs que dans les années suivantes, les bolcheviks
eux-mêmes n’hésitent pas à parler entre eux de leur « coup » d’Octobre (perevorot)48. Dans son
autobiographie, Trotski utilise indifféremment les termes « insurrection », « conquête du pouvoir »
et « coup d’État »49. La communiste allemande Rosa Luxemburg parle elle aussi du « coup d’État
d’octobre »50.
Marc Ferro considère qu’Octobre est à la fois, techniquement, un putsch, mais qui ne s’explique
que dans le contexte d’ébullition révolutionnaire générale dans tout le pays et dans toute la
société. Les forces populaires ont apporté un soutien au moins tacite à l’entreprise bolchevique,
face à un gouvernement discrédité et déjà impuissant :
« Aux militants révolutionnaires de 1917, Octobre apparut comme un coup d’État contre la
démocratie, comme une sorte de putsch accompli par une minorité qui sut prendre le pouvoir et
le garder. Jugement excessif puisqu’au IIe Congrès des soviets, réuni en pleine insurrection, il y
avait une majorité de bolcheviks, qu’une partie des SR et des mencheviks s’y rallia aux
vainqueurs, et que les futurs dirigeants de l’État soviétique, Lénine, Trotski, Kamenev, Zinoviev,
étaient élus en tête du Présidium. (...) Le jugement des nouveaux
opposants, mencheviks, populistes, anarchistes, est également partial en ce sens que les
bolcheviks accomplissaient par priorité après six mois de lutte et de tergiversations ce que les
classes populaires demandaient : que les chefs militaires, les propriétaires, les riches, les prêtres
et autres « bourgeois » soient définitivement expulsés de l’Histoire. Par contre, il est indéniable
qu’en participant à l’insurrection et en aidant les bolcheviks à prendre le pouvoir, les soldats,
ouvriers et marins croyaient que le pouvoir passerait aux Soviets. Pas un instant, ils n’imaginaient
que les bolcheviks, en leur nom, garderaient ce pouvoir pour eux tout seuls, et pour toujours 51. »
Évoquant les « paradoxes et malentendus d’Octobre », Nicolas Werth résume ainsi les débats et
les thèses opposées, souvent non dénués d’arrière-pensées et de parti-pris idéologiques :
« Pour une première école historique qu’on pourrait qualifier de « libérale », la révolution
d’Octobre n’a été qu’un putsch imposé par la violence à une société passive, résultat d’une
habile conspiration tramée par une poignée de fanatiques disciplinés et cyniques, dépourvus de
toute assise réelle dans le pays. Aujourd’hui, la quasi-totalité des historiens russes, comme les
élites cultivées et les dirigeants de la Russie post-communiste a fait sienne la vulgate libérale.
Privée de toute épaisseur sociale et historique, la révolution d’Octobre 1917 n’a été qu’un
accident qui a détourné de son cours naturel la Russie pré-révolutionnaire, une Russie riche,
laborieuse et en bonne voie vers la démocratie (...). Si le coup d’État bolchévique de 1917 n’a été
qu’un accident, alors le peuple russe n’a été qu’une victime innocente. Face à cette
interprétation, l’historiographie soviétique a tenté de montrer qu’Octobre avait été l’aboutissement
logique, prévisible, inévitable, d’un itinéraire libérateur entrepris par les "masses" consciemment
ralliées au bolchevisme. (...) Rejetant la vulgate libérale comme la vulgate marxisante, un
troisième courant historiographique s’est efforcé de "dés-idéologiser" l’histoire, de comprendre,
comme l’écrivit Marc Ferro, que l’insurrection d’Octobre 1917 ait pu être à la fois un mouvement
de masse et que seul un petit nombre y ait participé. (...) »
C’est pourquoi, selon cet historien, loin des « simplismes » libéraux ou marxistes,
« la révolution d’Octobre 1917 nous apparaît comme la convergence momentanée de deux
mouvements : une prise du pouvoir politique, fruit d’une minutieuse préparation insurrectionnelle,
par un parti qui se distingue radicalement, par ses pratiques, son organisation et son idéologie,
de tous les autres acteurs de la révolution ; une vaste révolution sociale, multiforme et autonome
(...) une immense jacquerie paysanne d’abord, [...] l’année 1917 [étant] une étape décisive d’une
grande révolution agraire, [...] une décomposition en profondeur de l’armée, formée de près de
10 millions de soldats-paysans mobilisés depuis 3 ans dans une guerre dont ils ne comprenaient
guère le sens (...), un mouvement revendicatif ouvrier spécifique, (...), un quatrième mouvement
enfin (...) à travers l’émancipation rapide des nationalités et des peuples allogènes (...). Chacun
de ces mouvements a sa propre temporalité, sa dynamique interne, ses aspirations spécifiques,
qui ne sauraient évidemment être réduites ni aux slogans bolcheviques ni à l’action politique de
ce parti (...). Durant un bref mais décisif instant - la fin de l’année 1917 - l’action des Bolcheviks,
minorité politique agissante dans le vide institutionnel ambiant, va dans le sens des aspirations
du plus grand nombre, même si les objectifs à moyen et à long terme sont différents pour les uns
et pour les autres. »
Selon sa conclusion, en octobre 1917, « momentanément, coup d’État politique et révolution
sociale se télescopent, avant de diverger vers des décennies de dictature »52.

Les débuts du régime bolchevique[modifier | modifier le code]


En prenant le pouvoir à Petrograd, Lénine et Trotski n’ont nullement l’intention de construire
le socialisme dans la seule Russie, sous-développée et arriérée. Mais ils espèrent être la
première victoire ouvrière d’une série de révolutions dans les pays industrialisés d’Europe, qui
seule permettrait à la révolution de tenir. Ils misent en particulier sur l’Allemagne, première
puissance industrielle du continent et foyer du mouvement ouvrier le plus fort et le plus
anciennement organisé du monde. Trotski a déclaré au Congrès des soviets qui approuve
l’insurrection : « Ou bien la révolution russe soulèvera le tourbillon de la lutte en Occident, ou
bien les capitalistes de tous les pays étoufferont notre révolution. »53
Mais ce n’est qu’un an plus tard, toutefois, qu’une vague de révolutions éclate en Allemagne
(révolution allemande de novembre 1918-1919) ou en Hongrie (où une République des
conseils voit le jour pour 133 jours, dirigée par Bela Kun). En Finlande voisine, la révolution a été
vaincue dès mars 1918 au prix d’une guerre civile, avec l’aide des Allemands ; la Terreur
blanche y fait 35 000 morts. En janvier 1919, la social-démocratie allemande fait appel aux corps
francs pour réprimer dans le sang la révolution ouvrière ; les dirigeants spartakistes Karl
Liebknecht et Rosa Luxemburg sont assassinés. En 1919-1920, d’autres pays, comme l’Italie,
connaissent des grèves insurrectionnelles. Ailleurs, comme en France, au Royaume-Uni ou aux
États-Unis, une vague de grèves et de manifestations ne débouche sur aucune tentative
révolutionnaire.
La vague révolutionnaire, plus tardive que prévu, a donc fini par reculer, et le pouvoir bolchevique
reste aussi isolé qu’à ses premiers jours. Les bolcheviks sont confrontés seuls aux immenses
difficultés d’une Russie en explosion, où leur prise solitaire du pouvoir ne fait nullement
l’unanimité.
La situation économique au lendemain de la révolution
d’Octobre[modifier | modifier le code]
La Première Guerre mondiale a saigné la Russie et l’a privée d’une grande part de ses
approvisionnements. Dans les campagnes, n’ayant plus de biens de consommation à acheter
contre leurs grains, les paysans ont déjà cessé de ravitailler les villes avant même la révolution
de Février. Déjà le gouvernement provisoire de Kerensky avait dû procéder à des réquisitions
forcées des stocks de nourriture afin de nourrir les villes, où la famine guettait. En arrivant au
pouvoir, les bolcheviks tentent de renoncer à ces pratiques impopulaires, mais devant
l’aggravation de la situation sanitaire et économique, ils devront y recourir à nouveau.
La production industrielle a été minée par la guerre, les grèves et les fermetures patronales.
Avant même l’arrivée au pouvoir des bolcheviks, elle a déjà chuté des trois quarts 54. La situation
économique n’est évidemment pas améliorée par l’occupation de la riche Ukraine par les troupes
allemandes, ni par l’embargo sur la Russie décrété en 1918 par les principales puissances
(États-Unis, Grande-Bretagne, France, Allemagne et Japon), ni par les débuts de la guerre civile.
De surcroît, Lénine et Trotski, fascinés par le dirigisme économique militarisé mis en place par
l’état-major prussien en Allemagne, veulent remettre les ouvriers au travail selon des méthodes
similaires, afin de pouvoir tenir le choc face à la future contre-révolution55. Or beaucoup de
travailleurs n’ont nullement envie de renoncer à leurs conquêtes et de revenir aux efforts
énormes et à l’autoritarisme exigé par la guerre totale. La coercition à leur encontre devient vite
inévitable56.
La situation se dégrade donc brutalement, provoquant en quelques mois une quasi-disparition de
toute activité économique dans le pays. En janvier 1918, la ration de blé moyenne dans les
grandes villes tombe à 3 livres par mois. Des entreprises doivent fermer, les ouvriers ne trouvant
plus de quoi se nourrir, des bandes de pillards parcourent les campagnes à la recherche de
nourriture, des détachements de déserteurs se heurtent à l’armée.
Bolcheviks et paysannerie : du malentendu au conflit[modifier | modifier le
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L’un des premiers décrets du gouvernement bolchevique a entériné l’abolition déjà effective de la
grande propriété foncière et l’initiative laissée aux paysans quant à la répartition ou la
socialisation des terres. Ce décret est en rupture avec le programme bolchevique, qui prévoyait
la nationalisation des terres.
Pour certains, il s’agit là d’une manœuvre des bolcheviks : ils ont habilement repris depuis
plusieurs mois le programme des SR, que ces derniers ont été incapables de mettre en œuvre. Il
marque aussi un malentendu entre les bolcheviks et les paysans. Les premiers visent à terme au
collectivisme intégral, les seconds à l’extension et à la multiplication de la petite propriété. Mais
de ce fait les paysans ne sont que conjoncturellement séduits par le parti de Lénine, qui reste
avant tout collectiviste, urbain et ouvriériste.
De leur côté, les bolcheviks se déclarent toujours partisans de la nationalisation, mais
reconnaissent n’avoir ni le désir ni les moyens de l’imposer aux paysans. Lénine écrit :
« Nous ne pouvons ignorer la décision de la base populaire, quand bien même nous ne serions
pas d’accord avec elle... Nous devons donner aux masses populaires une entière liberté d’action
créatrice... En somme, et tout est là, la classe paysanne doit obtenir la ferme assurance que les
nobles n’existent plus dans les campagnes, et il faut que les paysans eux-mêmes décident de
tout et organisent leur existence. »
En effet, pour les bolcheviks, c’est la réforme agraire qui est à l’ordre du jour et non la
construction d’une société socialiste, qu’ils pensent impossible dans un pays aussi pauvre.
Conscients donc qu’ils ne pourraient gouverner sans l’appui des masses rurales, l’immense
majorité du pays, les bolcheviks convoquent du 10 au 16 novembre un congrès paysan. Malgré
une majorité SR hostile aux bolcheviks, ce dernier ratifie le décret sur la terre et apporte son
soutien au nouveau gouvernement, consacrant l’union provisoire entre le prolétariat urbain et la
paysannerie.
Ainsi, dans les quelques mois très difficiles qui précèdent le traité de Brest-Litovsk, le nouveau
pouvoir a réussi à éviter le danger de s’aliéner de surcroît les masses rurales, alors qu’il est déjà
confronté à l’hostilité des tsaristes, des libéraux et d’une majeure partie des formations
socialistes. Mais il hérite du problème catastrophique du ravitaillement des villes, qui a déjà fait
tomber Nicolas II et Kerensky. La nécessité de procéder à des réquisitions de céréales s’il veut
survivre porte en elle les germes d’un grave conflit avec la paysannerie. Les soviets organisent
donc dès le printemps 1918 des détachements d’ouvriers, chargés de procéder à des réquisitions
dans les campagnes. La violence fréquente de leurs méthodes, et celle de la résistance
paysanne57, entraînent à leur tour une chute notable de la production agricole. Ultérieurement,
les Blancs, bien que proclamant le libre-échange, seront eux aussi contraints de recourir aux
réquisitions forcées.
Les premiers combats de la guerre civile (automne 1917)[modifier | modifier le
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Si la révolution fut un succès à Petrograd, la tentative de prendre Moscou du 28 octobre au 2
novembre rencontra de violentes résistances. Les bolcheviques occupent le Kremlin mais la
direction locale de leur parti hésite et signe une trêve avec les autorités S-R de la ville avant
d’évacuer le bâtiment. Les troupes gouvernementales en profitent alors pour abattre à la
mitrailleuse 300 gardes rouges et ouvriers désarmés, sous les ordres du maire socialiste-
révolutionnaire Roudnev58. Il faudra une semaine de combats acharnés avant que les bolcheviks,
conduits par le jeune Nicolas Boukharine, ne s’emparent finalement du Kremlin et prennent le
contrôle de la ville. Leurs opposants (SR et monarchistes) ont mené une sanglante répression.
Dès le 12 novembre, le nouveau pouvoir fait échec à une tentative de reconquête de Petrograd
menée par Kerensky et les Cosaques du général Krasnov. De son côté, le grand Quartier général
(la « stavka ») de l’armée russe annonce le 31 octobre sa volonté de marcher sur Petrograd
« afin d’y rétablir l’ordre ». Rejoint par les chefs du parti SR, Tchernov et Gots, mais abandonné
par ses troupes, l’état-major doit fuir dès le 18 novembre.
Dans les semaines qui suivent, des milliers de junkers et d’officiers dont Kornilov, évadé,
rejoignent la région du Don. L’Armée des volontaires y est montée par le général
tsariste Alekseïev. Elle réprime dans le sang les soulèvements ouvriers à Rostov-sur-le-
Don et Taganrog, les 26 novembre et 2 janvier, mais est forcée de se retirer vers le sud devant la
pression des gardes rouges venus en renfort des deux capitales. Apprenant la déroute des
Blancs, Lénine croit pouvoir s’exclamer, le 1er avril 1918, que la guerre civile est terminée.
D’autres combats sont menés dans le Kouban, où le pouvoir des soviets s’installe provisoirement
à Ekaterinodar. Quant au soulèvement des cosaques de l’Oural, il se conclut par un échec. Sur
le front roumain, l’armée se décompose en détachements blancs, qui rejoindront l’armée blanche
de Dénikine, et en régiments rouges.
Le problème de la coalition[modifier | modifier le code]
Le 2e congrès des soviets avait approuvé la nomination du gouvernement composé uniquement
de bolcheviks. Or, pour de nombreux militants bolcheviques, cette solution n’est pas acceptable.
Dès le lendemain de l’insurrection, la quasi-totalité des délégués au congrès des soviets votent
une résolution du menchevik Julius Martov, soutenue par le bolchevik Anatoli Lounatcharski,
demandant que le Conseil des commissaires du peuple soit élargi à des représentants d’autres
partis socialistes. Le puissant syndicat des cheminots, le Vikhjel, reprend cette revendication.
Après de vifs débats au sein du parti bolchevique, qui mettent ce dernier au bord de la scission
(plusieurs dirigeants démissionnent pour dénoncer le refus d’une coalition par Lénine,
dont Zinoviev, Kamenev, Rykov et Noguine), Lénine, mis en minorité, est contraint de transiger :
il refuse la poursuite des négociations en vue d’une coalition unissant tous les socialistes, mais
accepte qu’elles se poursuivent avec les seuls SR de gauche. Certains SR de gauche entrent
ainsi au gouvernement en décembre 1917.
Les premiers jours d’un nouvel État[modifier | modifier le code]
Les avis sur les premiers jours suivant le changement de pouvoir d’Octobre sont partagés.
Pour certains, il s’agit dès le début d’une dictature. Maxime Gorki écrit le 7 décembre 1917 :
« Les bolcheviks ont placé le Congrès des soviets devant le fait accompli de la prise du pouvoir
par eux-mêmes, non par les soviets. [...] Il s’agit d’une république oligarchique, la république de
quelques commissaires du peuple. »59
Dès le lendemain du 7 novembre, sept journaux de la capitale sont interdits 60. Il s'agit selon Victor
Serge de sept journaux prônant ouvertement la résistance armée au « coup de force des agents
du Kaiser ». Mais les partis socialistes conservent leur presse. Vie Nouvelle (Novaïa Jizn)
de Maxime Gorki paraîtra jusqu'au 16 juillet 1918, date à laquelle Lénine l'interdira 61. Selon Victor
Serge, la presse légale menchevique ne disparaît qu’en 1919, celle des anarchistes hostiles au
régime en 1921, celle des SR de gauche dès juillet 1918 du fait de leur révolte contre les
bolcheviks.
Mais les bolcheviks s’étaient, avant qu’ils prennent le pouvoir, prononcés pour la liberté de la
presse, y compris Lénine62, et cette volte-face n’est pas acceptée par de nombreux bolcheviks 63.
Marc Ferro considère que « contrairement à la légende, la suppression de la presse bourgeoise
ou des feuilles SR n'émane ni de Lénine ni des sphères dirigeantes du parti bolcheviks » mais
« du public, en l'occurrence des milieux populaires insurgés »64.
Alors qu'à peu près tous les fonctionnaires de Petrograd se sont mis en grève pour protester
contre le coup de force, des listes publiques dénoncent ceux qui refusent de servir le nouveau
pouvoir. Le 10 décembre, les dirigeants du parti KD, qui ont pris la tête de la résistance armée au
gouvernement bolchevique, sont déclarés en état d'arrestation 65.
D'autres estiment que c’est surtout la clémence qui marque les premiers temps du régime
soviétique66. Les ministres du gouvernement provisoire sont arrêtés, et rapidement relâchés. La
plupart participeront par la suite à la guerre civile aux côtés des armées blanches. Le
général Krasnov, qui s'est soulevé au lendemain de l'insurrection d'Octobre, est remis en liberté
avec d'autres officiers contre leur parole de ne pas reprendre les armes contre le régime
soviétique. Ils formeront les cadres de l’armée blanche dans les mois suivants.
Pour Nicolas Werth, le nouveau pouvoir entreprend une reconstruction autoritaire de l'État au
détriment des instances de contre-pouvoir nées spontanément de la société civile : comités
d'usine, coopératives, syndicats ou soviets sont déjà noyautés, subordonnés ou transformés en
coquilles vides. « En quelques semaines (fin octobre-1917 - janvier 1918), le « pouvoir par en-
bas », le « pouvoir des soviets » qui s'était développé de février à octobre 1917 (...) se
transforme en un pouvoir par en-haut, à l'issue de procédures de
dessaisissement bureaucratiques ou autoritaires. Le pouvoir passe de la société à l'État, et dans
l'État au parti bolchevik »67.
La paix de Brest-Litovsk[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Traité de Brest-Litovsk (Empires centraux-Russie).

En prenant le pouvoir en Russie, les bolcheviks avaient l'espoir d'un soulèvement révolutionnaire
en Europe. Celui-ci ne se produisant pas, la paix promise en octobre devient une nécessité
absolue pour satisfaire l'armée et la paysannerie. Il s'agit à la fois de signer la paix, de se servir
des négociations pour montrer la politique d'expansion territoriale des gouvernements bourgeois,
mais sans paraître prendre parti pour les Empires centraux.
Un armistice est signé le 15 décembre et des pourparlers de paix commencent le 22 décembre,
la délégation russe étant conduite par Trotski. Les exigences allemandes sont énormes :
la Pologne, la Lituanie, et la Biélorussie doivent rester sous occupation allemande. Un débat fait
rage entre les bolcheviks au sein du parti où trois positions s'affrontent. Certains,
comme Boukharine défendent la nécessité d'une guerre révolutionnaire, Lénine pense qu'il faut
céder le couteau sous la gorge, et Trotski, qui l'emporte par 9 voix contre 7, propose de déclarer
la fin de la guerre mais en refusant de signer une paix d'annexion. Pour montrer l'hypocrisie des
puissances bourgeoises, Trotski fait publier tous les traités secrets et les plans de partage
conclus entre elles, notamment les accords Sykes-Picot qui prévoyaient le partage de l'Empire
ottoman.
En réaction, le 18 février, l'armée allemande lance une offensive, l'opération Faustschlag (en
allemand : « Coup de poing »), qui avance rapidement dans les pays baltes, la Biélorussie et
l'Ukraine, sans que l'armée russe désorganisée puise y faire obstacle. L'armée allemande n'est
plus qu'à 150 km de Petrograd. La position de Lénine pour la signature immédiate de la paix
l'emporte alors dans le parti, mais les conditions exigées par les Allemands se sont encore
aggravées. Le 3 mars 1918, les bolcheviks signent le traité de Brest-Litovsk qui ampute la Russie
de 26 % de sa population, 27 % de sa surface cultivée, 75 % de sa production d'acier et de fer.
La situation économique de la jeune république soviétique, déjà ravagée par une guerre
meurtrière de quatre ans, semble désespérée.
La création de la Tchéka[modifier | modifier le code]

Emblèmes de la Tchéka : l'épée et le bouclier.

Dès le 20 décembre 1917, la « Commission extraordinaire de lutte contre le sabotage et la


contre-révolution » (en russe Vétchéka), plus communément appelée Tchéka, est fondée. Son
action n'a aucune base légale ni judiciaire (le décret qui la fonde n'est rendu public qu'après la
mort de Lénine), et elle est d'abord conçue comme un instrument provisoire de répression,
indépendant de la justice. Elle est dirigée par un collège de cinq membres (trois bolcheviks et
deux SR) présidé par Félix Dzerjinski. Parmi les « saboteurs » et ennemis prévus par le décret
figurent KD, SR de droite, journalistes, grévistes... D'emblée la Tchéka multiplie les appels à la
délation et à la constitution de Tchékas locales. Fondée avec 100 fonctionnaires
(dont Menjinski, Peters (en), Iagoda), elle en compte 12 000 dès juillet 1918. Lorsqu'elle arrive
à Moscou et s'installe à la Loubianka, le 10 mars 1918, elle a sur place 600 membres. En juillet
elle en a 2000. Dès cette date, les effectifs policiers des bolcheviks sont supérieurs à ceux de
l'Okhrana sous Nicolas II.[réf. nécessaire]
Selon Pierre Broué, la Tchéka ne commence vraiment à frapper qu'à partir de mars au moment
de l’offensive allemande, et la répression prend surtout son ampleur à l’été 1918 après
l’insurrection des SR de gauche de Moscou et une série d’attentats contre les dirigeants
bolcheviques dont Moïsseï Ouritsky, assassiné le 30 août, et Lénine lui-même, grièvement blessé
par Fanny Kaplan, sommairement exécutée peu après. Déclarant s’inspirer de l’exemple
des jacobins de la Révolution française, les dirigeants bolcheviques déclarent opposer à la
« terreur blanche » la « terreur rouge ». Selon la Tchéka elle-même, il y a 22 exécutions dans les
six premiers mois de 1918, 6 000 pour les six derniers.[réf. nécessaire]
Victor Serge estime que la création de la Tchéka, avec ses procédures secrètes, est la plus
grave erreur du pouvoir bolchevique. Il note toutefois que la jeune république vivait sous des
« périls mortels » et que la terreur blanche a précédé la terreur rouge. Il précise
que Dzerjnski redoutait les excès des tchéka locales et que bien des tchékistes furent eux-
mêmes fusillés pour cela.
Isaac Steinberg, commissaire du peuple à la Justice (SR de gauche), rapporte dans ses
souvenirs qu'alors qu'il tentait début 1918 de freiner les actions illégales de la Tchéka, en
s'exclamant devant Lénine : « À quoi bon un Commissariat à la Justice ? Appelons-le
commissariat à l’extermination sociale, la cause sera entendue », Lénine répondit : « Excellente
idée, c’est comme ça que je vois la chose. Malheureusement, on ne peut l’appeler ainsi. »68
La dissolution de la Constituante[modifier | modifier le code]
Réclamée par tous les programmes des partis révolutionnaires depuis le XIXe siècle, l'assemblée
constituante russe est élue en décembre 1917. Bien qu'ils atteignent 25 % des voix et obtiennent
plusieurs succès dans les grandes agglomérations, les bolcheviks sont minoritaires avec 175
élus sur 707 députés. Les campagnes ont préféré voter pour les socialistes-révolutionnaires.
Selon le mot de Jacques Baynac69, les résultats de l'élection indiquaient que le pays ne voulait
majoritairement ni du gouvernement issu de la révolution de Février, ni de celui issu de
la révolution d'Octobre. Il n'y aura cependant pas de révolution de janvier ou de juillet 1918,
répression et guerre civile aidant.
Le SR Victor Tchernov est élu à la présidence de l'Assemblée, battant la SR de gauche Maria
Spiridonova (soutenue par les bolcheviks) par 246 voix contre 151. La dissolution de la
Constituante par les gardes rouges suit immédiatement sa première réunion, le 19 janvier 1918.
Si la majorité de la population reste indifférente à ce coup de force, une manifestation protestant
contre la décision a lieu, et vingt des manifestants sont tués : Maxime Gorki saluera en eux, à
leurs obsèques, les martyrs d’une expérience démocratique de quelques heures à peine,
attendue pendant cent ans.
Le marxiste Charles Rappoport écrit à l’époque : « Lénine a agi comme le tsar. En chassant la
Constituante, Lénine crée un vide horrible autour de lui. Il provoque une terrible guerre civile sans
issue et prépare des lendemains terribles. »70 Il écrit également que « la garde rouge de Lénine-
Trotski a fusillé Karl Marx. »71
Selon Martin Malia, « cette dispersion de l’Assemblée constituante est souvent présentée comme
le crime suprême des bolcheviques contre la démocratie, sur le même pied que le coup de force
d’octobre, ce qui est parfaitement vrai. Mais ce qu’on ne fait pas souvent remarquer, c’est que
cette assemblée aurait été bien en peine de gouverner face aux désordres de l’époque. Trotski
exagérait à peine lorsqu’il disait que l’Assemblée n’était rien d’autre que le fantôme du
gouvernement provisoire : elle était dominée par les mêmes partis qui avaient été incapables de
maîtriser la situation en février 1917, et, comme eux, elle était privée de tout appui militaire ou
administratif. »72
La mise au pas des concurrents révolutionnaires[modifier | modifier le code]
C’est dès le 9 janvier 1918 que le transfert du gouvernement à Moscou est envisagé, alors que
les négociations sont en cours à Brest-Litovsk, et que l'armistice avec l'Allemagne tient toujours.
Contrairement à ce qui sera affirmé par la suite, cette translation, effective en mars, n'est donc
pas due aux offensives allemandes et blanches mais à une peur que les quartiers ouvriers de
Petrograd, toujours affamés et exaspérés, se soulèvent à nouveau, mais cette fois contre le
pouvoir né d'Octobre. Il s'agit aussi de démontrer spectaculairement aux opposants de toute
sorte que le pouvoir bolchevique peut subsister même hors de son foyer d'origine petrogradois.
Le 27 mars 1918, la Tchéka est chargée des délits de presse. La décision permet d'accentuer
considérablement la censure de la presse non-bolchevique.
Le 11-12 avril, une vague de répression anti-anarchiste frappe Moscou : 1000 hommes des
troupes spéciales attaquent leurs domiciles, on compte 520 arrestations, 25 exécutions
sommaires. À compter de cette date, les anarchistes sont qualifiés officiellement de « bandits » :
un mot qui aura de la postérité. Dzerjinski prévient que cette opération n’est qu’un début.
Un net regain d'audience des SR et des anarchistes inquiète en effet le pouvoir: là où se tiennent
encore des élections locales libres, ils en remportent plus de la moitié. En réaction, en mai-juin
1918, 205 journaux socialistes sont fermés et la Tchéka dissout l’arme au poing des dizaines de
soviets SR ou mencheviks tout juste élus légalement. C’est le cas
à Riazan, Tambov, Orel, Kazan… Le 14 juin 1918, les mencheviks et les SR de gauche sont
expulsés du comité exécutif panrusse des soviets, qui ne comprend alors que des Bolcheviques.
Le 16 juillet, le journal de Maxime Gorki, La Vie Nouvelle, est interdit par la police politique.
Dans les villes, la situation alimentaire demeure explosive. Les bolcheviks ne peuvent que
reprendre les prélèvements obligatoires effectués par des détachements armés de citadins. Ce
qui soude les campagnes contre le pouvoir urbain, et aliène au parti les paysans que le décret
sur la terre lui avaient gagné. 150 révoltes paysannes sont réprimées à travers la Russie pour le
seul mois de juillet 1918. Mais les rations s’effondrent toujours. Dans des dizaines de villes,
la Tchéka et certains gardes rouges tirent alors sur des marches de la faim, fusillent des
grévistes, brisent les meetings populaires.
Le lock-out des usines nationalisées devient même un nouveau moyen de répression des
grèves. Le 20 juin 1918, en représailles à l’assassinat du responsable bolchevique V. Volodarski,
800 meneurs ouvriers sont arrêtés à Petrograd en deux jours, leur soviet dissout. Le 2 juillet, les
ouvriers répliquent par une grève générale à travers la cité, en vain.
Refusant ces actes mais aussi le traité de Brest-Litovsk qu'ils interprètent comme une
capitulation face à l'impérialisme allemand, les SR de gauche rompent à leur tour avec le
gouvernement bolchevique (mars 1918). Le 6 juillet 1918, ils tentent de relancer la guerre contre
l'Allemagne en assassinant l'ambassadeur du Reich, le comte Wilhelm Mirbach. Le même jour,
ils tentent de prendre d'assaut le siège de la Tchéka à Moscou.
La montée généralisée des périls[modifier | modifier le code]
En janvier 1918, Lénine esquisse un pas de danse dans la neige lorsque le gouvernement issu
d'Octobre dépasse d'un jour la durée de la Commune de Paris de 1871. Dans les mois qui
suivent, les dangers s'accumulent, et la Russie rouge se retrouve cernée de tous côtés, tandis
que ses convulsions sociales et politiques internes s'aggravent.
Après le traité de Brest-Litovsk, les pays de l'Entente mettent la Russie sous embargo et
débarquent des troupes pour empêcher une victoire allemande totale à l'Est. Les Japonais puis
les Américains interviennent ainsi à Vladivostok début avril 1918, les Britanniques
à Mourmansk et Arkhangelsk. Au même moment, les Turcs pénètrent dans le Caucase et
menacent Bakou, tandis qu'en dépit du traité de Brest-Litovsk, les Allemands tentent de pousser
leur avantage : ils aident à l'écrasement de la révolution en Finlande (mars-avril 1918), puis
reprennent pendant l'été leur avancée militaire aux pays baltes et en Ukraine, qu'ils mettent en
coupe réglée et confient à un gouvernement monarchiste fantoche et répressif. La sécession en
mai des Républiques du Caucase (Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan) accentue la confusion.
Parallèlement, en avril-mai, la Légion tchèque, formée d'anciens prisonniers et de déserteurs de
l'armée austro-hongroise, refuse sa dissolution, et se révolte contre les Bolcheviks. Maîtres de
l'Oural et du transsibérien, ainsi que de tout l'or de la banque impériale de Russie, saisi à Kazan,
les Tchèques appuient les SR du comité des ex-constituants qui forment le 8 juin un contre-
gouvernement à Samara.
Simultanément, les armées blanches se lèvent en mai à travers le pays, en particulier sur le Don
autour des Cosaques de Krasnov allié du général Denikine, et en Sibérie autour de
l'amiral Koltchak qui installe une autorité tsariste à Omsk. Dans tous les territoires qu'elles
contrôlent, la terreur blanche s'abat d'emblée sur les populations paysannes insoumises, les
Juifs, les libéraux, et les éléments révolutionnaires les plus divers. Trotski remporte contre elles
les premières victoires importantes de la jeune Armée rouge en juillet à Tsaritsyne puis
à Kazan début août.
Le pouvoir bolchevik est confronté au même moment aux révoltes paysannes et ouvrières, ainsi
qu'à l'insurrection des SR de gauche à Moscou le 7 juillet. Ceux-ci renouent ensuite avec
le terrorisme révolutionnaire: après le bolchevik V. Volodarski le 20 juin et l'ambassadeur von
Mirbach le 7, c'est le général Von Eichhorn, commandant en chef allemand en Ukraine, qui
tombe sous leurs balles le 30 juillet à Kiev. Puis le 30 août, tandis que le chef de la Tcheka de
Petrograd Moïsseï Ouritsky est tué, Fanny Kaplan tire à Moscou sur Lénine et le blesse ; elle est
sommairement exécutée trois jours après. Les 3 et 5 septembre, exaspérée, la Tcheka met la
« terreur rouge » à l'ordre du jour. Des milliers de prisonniers et de suspects sont massacrés à
travers la Russie rouge.
La guerre civile opposant les bolcheviks à toutes les autres forces est commencée.

De la guerre civile à la NEP (1918-1921)[modifier | modifier le code]


Article détaillé : Guerre civile russe.

La guerre civile russe n'oppose pas seulement la jeune Armée rouge aux « armées blanches »
monarchistes soutenues par les armées étrangères. Sa violence extrême n'est pas due non plus
qu'au choc de la « terreur blanche » et de la « terreur rouge ». Elle se double en effet d'une
guerre des paysans contre les villes et contre toute autorité extérieure aux villages et aux
campagnes. C'est ainsi que des « armées vertes », composées de paysans qui refusent les
enrôlements forcés et les réquisitions, se battent tour à tour contre l'Armée rouge et les armées
blanches.

 Frontières de 1921
 Zone sous le contrôle bolchevique en novembre 1918

 Avance maximale des armées blanches

À ces combats se superposent un important conflit de générations (les jeunes paysans revenus
des villes ou des armées cherchent à se débarrasser de la tutelle de la famille patriarcale, et se
font les agents les plus déterminés de la révolution dans les campagnes 73), l'action des minorités
nationales qui cherchent à s'émanciper de la vieille tutelle russe, l'intervention d'armées
étrangères (dont le jeune État polonais lors de la guerre russo-polonaise de 1920), ou encore les
tentatives des révolutionnaires anti-bolcheviques. Mais les vues des opposants SR, du comité
des ex-Constituants, des mencheviks, ou encore des anarchistes un temps maîtres de
l'Ukraine lors de la Makhnovchina, n'ont jamais été en mesure de prévaloir. Par les ralliements, la
force ou la répression, les bolcheviks ont imposé leur hégémonie sur la révolution, comme
les Blancs sur l'opposition à la révolution.
Très confuse et chaotique, la guerre civile russe se caractérise par la désintégration de l'État et
de la société sous l'action de forces centrifuges. Bien des violences sont de ce fait partie de la
base et non du sommet. La victoire des bolcheviks signifiera, dans une Russie ruinée et
exsangue, la reconstruction d'un État sous l'autorité d'un Parti unique désormais débarrassé de
tous ses rivaux et ennemis, et doté du pouvoir absolu. En particulier, un nouvel État policier s'est
forgé autour de la Tchéka au cours de la guerre civile et de la « terreur rouge ».
Tout cela au détriment des rêves des révolutions de Février et d'Octobre, qui avaient rejeté
toutes les autorités et vu s'affirmer l'autonomie d'une société civile, désormais très durement
meurtrie, épuisée et à nouveau soumise au pouvoir.
Armée rouge contre armées blanches[modifier | modifier le code]
Dès le 23 février 1918, Trotski a fondé l'Armée rouge. Organisateur énergique et compétent, bon
orateur, il sillonne le pays à bord de son train blindé et vole d'un front à l'autre pour rétablir
partout la situation militaire, galvaniser les énergies et déployer un énorme effort
de propagande à destination des soldats et des masses. Il rétablit la conscription et la discipline
de fer à l'encontre des combattants et des déserteurs.
Malgré les réactions négatives de nombreux vieux bolcheviks, Trotski n'hésite pas non plus à
recycler par milliers les anciens officiers tsaristes. 14 000 d'entre eux (30 % du total) acceptent
de servir le nouveau pouvoir parfois par force (leur famille répondent sur leur tête de leur loyauté,
en vertu de la « loi des otages »), mais aussi au nom de la continuité de l'État et du salut du pays
menacé d'anarchie et de démembrement. Ils sont flanqués de commissaires politiques
bolcheviks qui surveillent leur action.
Les « Rouges » ne contrôlent qu'un territoire grand comme l'ancien grand-duché de Moscovie, et
cerné de toutes parts, mais ils ont l'avantage de leur discipline et de leur organisation
supérieures, de leur position centrale, de former un bloc cohérent, de disposer des deux
capitales, des meilleures routes et voies ferrées.
Les Blancs de Koltchak, Ioudenitch, Dénikine ou Piotr Wrangel sont eux divisés et incapables de
coordonner leurs offensives. Militaires de carrière, ils n'ont pas de solution politique à offrir aux
populations, sinon le statu quo jusqu’à la victoire, la restitution des terres aux anciens
propriétaires, le refus de toute concession aux minorités nationales, de
ponctuels pogroms antisémites responsables de près de 150 000 morts74. Aussi les masses ont-
elles finalement laissé gagner les bolcheviks, bien que les heurts violents n'aient pas non plus
manqué entre elles et ces derniers.
Campagnes contre villes : les « armées vertes »[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Révolte de Tambov.

Aussi bien l'Armée rouge que les armées blanches ont été gênées tour à tour dans leurs
opérations par l'action des guerillas paysannes. Les « armées vertes » sont composées de
paysans qui refusent l'enrôlement dans les deux armées, les réquisitions forcées et la restitution
des terres aux anciens propriétaires fonciers voulue par les Blancs.
Les déserteurs des deux armées, extrêmement nombreux, sont un vivier essentiel des armées
vertes. En 1919-1920, la désertion concerne ainsi pas moins de 3 des 5 millions de recrues de
l'Armée rouge ; entre la moitié et les deux tiers réussissent à échapper aux recherches, à
l'arrestation et à la réintégration forcée dans l'armée, rejoignant souvent les combattants verts
dans les bois75. Les Blancs quant à eux fusillent généralement les déserteurs sans autre forme de
procès.
Après la défaite des Blancs fin 1920, la paix ne revient donc vraiment en Russie qu'en 1921-
1922, après l'écrasement des grandes révoltes paysannes comme celle conduite par
le SR Antonov à Tambov à l'été 1921, la destruction des armées vertes un temps maîtresses
d'immenses territoires (en Sibérie orientale, elles contrôlent jusqu'à un million de kilomètres
carrés), et le compromis de la NEP (mars 1921) passé entre le régime bolchevique et la
paysannerie.
Minorités nationales contre Russes[modifier | modifier le code]
La guerre civile coïncide avec l'éclatement de l'ancien empire russe.
Dès la fin 1917, encouragées par le « décret des nationalités », qui prévoit la possibilité de se
séparer de la Russie, la Finlande et la Pologne ont proclamé leur indépendance. En Ukraine,
la Rada (conseil) de Kiev confie dès 1917 au socialiste et nationaliste Simon Petlioura la
constitution d'une armée nationale, et rompt avec Moscou après la révolution d'Octobre. Aux
élections de la Constituante, la Géorgie s'est donnée une majorité menchevique qui proclame
l'indépendance et constitue un gouvernement internationalement reconnu, y compris par Moscou
en 1920 : c'est la République démocratique de Géorgie, dirigée par Noé Jordania. La Lettonie a
au contraire voté à 72 % pour les bolcheviks. Les Lettons sont nombreux dans les Gardes rouges
qui prennent le Palais d'Hiver, ou encore dans l'Armée rouge et la Tchéka. Pourtant, les pays
baltes échappent au régime soviétique au cours de la guerre 76.

Les dirigeants d'une République montagnarde fondée pendant la guerre civile. La Russie se décompose en
dizaines de gouvernements plus ou moins éphémères, tandis que d'innombrables communes paysannes
reviennent à l'autarcie.

Nombreux dans tous les partis et mouvements révolutionnaires, les Juifs sont abusivement


assimilés aux bolcheviks par la contre-révolution. Les armées blanches et surtout
l'armée Petlioura ponctuent leurs avancées de pogroms antisémites systématiques et à grande
échelle, d'une violence meurtrière alors sans précédent dans l'histoire européenne. Les victimes
s'élèvent à près de 150 000 morts (dont un certain nombre morts lors des combats et non au
cours de pogroms), auxquels il faut ajouter de nombreux viols, vols et vandalismes. Quant aux
bolcheviks, ils mettent le sionisme et le bundisme hors-la-loi. Sur les 1 236 pogroms antisémites
recensés par l’historien Kostyrtchenko 40 % sont à mettre au compte des troupes Petlioura, 25 %
à celui des troupes « vertes », 17 % aux armées blanches et 8 % à l’armée rouge77.
Les Blancs refusent toute concession aux minorités et combattent les armées nationales aussi
bien que les troupes bolcheviks. En 1920-1922, de son côté, l'Armée rouge envahit l'Asie
centrale, l'Arménie, la Géorgie, ou encore la Mongolie, et réintègre de force ces pays dans l'orbite
russo-soviétique. La République populaire mongole, satellite de l'URSS, est proclamée en 1924.
Les Cosaques, qui ont constitué d'emblée le fer de lance de l'antibolchevisme, sont déportés en
bloc, leurs privilèges supprimés.
En Ukraine, l'Armée rouge s'est aussi retournée contre ses anciens alliés, les anarchistes de
l'armée Makhno : à partir de fin 1920, elle attaque brutalement l'expérience inédite de
la makhnovchina. Cet authentique mouvement paysan de masse avait réussi à se doter d'une
armée insurrectionnelle capable de tenir tête pendant trois ans à la fois aux Austro-Allemands,
aux Blancs de Denikine et Wrangel, à l'armée de la République populaire ukrainienne dirigée
par Petlioura et à l'Armée rouge.
Interventions étrangères et guerre russo-polonaise[modifier | modifier le code]
Articles détaillés : Guerre russo-polonaise de 1920 et Intervention alliée pendant la guerre civile
russe.

Chars français à Odessa pendant l'intervention alliée de 1918-1919.

Ulcérées du traité de Brest-Litovsk, les armées occidentales et japonaise interviennent d'abord


pour empêcher la disparition totale du front oriental (printemps-été 1918). Ce n'est qu'après la
défaite de l'Allemagne que leur intervention prend un tour nettement hostile à la révolution et au
régime bolchevique, et qu'elle appuie et arme les Blancs par peur de la contagion bolchevique.
De 1918 à 1920, la Russie rouge est aussi soumise à un embargo drastique par les puissances
occidentales dites « capitalistes ». Cependant, les défaites des Blancs et la sympathie des
couches populaires de leur pays à l'égard de la révolution russe obligent les grandes puissances
à abandonner la partie. Dans les dernières semaines de 1918, Clemenceau décide d'une
importante intervention pour soutenir les armées blanches en s'emparant des ports de la mer
Noire78. Mais les moyens engagés fondent avec la démobilisation de l'armée française, et les
troupes ne comprennent pas cette guerre lointaine. Au printemps 1919, l'échec de l'expédition est
consommé alors que la flotte française est secouée par une importante mutinerie. Selon
l'historien Orlando Figes, « la promesse d’aide alliée n’était que paroles en l’air. L’engagement
des puissances occidentales ne donna jamais grand-chose d’un point de vue matériel et souffrit
toujours d’un manque de dessein bien clair »79.
En 1920, le tout jeune État polonais envahit la Russie pour repousser ses frontières au-delà de
la ligne Curzon. La contre-attaque victorieuse de l'Armée rouge remplit d'espoir les bolcheviks : la
prise de Varsovie ouvrirait la route de Berlin et permettrait d'exporter la révolution par les armes.
Mais le 15 août 1920, le « miracle de la Vistule » permet au général Pilsudski de repousser
l'invasion. Voyant l'Armée rouge comme une armée d'abord russe et non révolutionnaire, les
ouvriers polonais n'ont apporté aucun soutien à celle-ci.
Terreur blanche contre terreur rouge[modifier | modifier le code]
Articles détaillés : Terreur rouge (Russie) et Terreur blanche (Russie).

La Russie tsariste avait la tradition de violence sociale et politique la plus lourde d'Europe,
aggravée par la « brutalisation » de la société80 pendant la Grande Guerre. À partir de l'été 1917,
l'explosion révolutionnaire, jusque là très peu violente, se traduit chez les paysans révoltés par la
mise à mort d'un certain nombre de propriétaires terriens et le pillage de leurs demeures. La
guerre civile qui éclate va servir d'exutoire à bien des rancœurs nées de siècles d'oppression
sociale, aux peurs des anciennes élites privilégiées, ou aux règlements de compte personnels.
Vieux praticiens du terrorisme individuel depuis le XIXe siècle, des révolutionnaires comme
les SR ne font que réutiliser les mêmes armes contre les Bolcheviks (Fanny Kaplan, réseau
de Boris Savinkov). Rouges et Blancs rivalisent quant à eux de déclarations incendiaires, et se
montrent prêts à la violence radicale.
En réponse aux violentes et systématiques exactions des révolutionnaires, les Blancs répondent
par l’exécution des commissaires rouges et des bolcheviks. La décomposition du pouvoir facilite
les actes violents incontrôlés (pogroms, pillages), provoquant l’hostilité de la population. Ne
s’estimant pas à même de changer l'ordre politique, ils restituent les terres aux anciens
propriétaires fonciers, les paysans pouvant de nouveau être soumis à des châtiments corporels.
Certaines de leurs troupes (comme celles du général Chkouro) se déconsidèrent dès leur arrivée
à force de viols et de pillages, tandis que leurs chefs multiplient les actes d'arbitraire et étalent un
train de vie fastueux et débauché81.

Soldats des légions tchèques et leurs camarades exécutés par les bolcheviks à Vladivostok.

L'appareil policier bolchevik, doté de pouvoirs arbitraires très étendus, connaît un énorme
développement. Bien que Trotski ait désiré un procès public de Nicolas II, Lénine et une partie
du Politburo décident en secret l'exécution sommaire de la famille impériale. Prétextant
l'approche des Blancs, celle-ci a lieu dans la nuit du 17 au 18 juillet 1918 à Iekaterinbourg.
Arrestation, fusillades de masse, prises d'otages et internement en camps deviennent des
pratiques banales. La question de savoir si les camps ouverts par la Tchéka durant la guerre
civile préfigurent ou non le Goulag stalinien reste une discussion ouverte.

Article détaillé : Origines du Goulag.

Selon l'historien britannique George Leggett, environ 140 000 personnes ont péri à la suite de la
terreur rouge82. Mencheviks, anarchistes, SR, libéraux ou démocrates ont autant été pourchassés
et mis hors-la-loi par milliers que les Blancs et les nationalistes, ou encore que
les pacifistes tolstoïens, les sionistes, les bundistes, etc., ainsi que beaucoup de ceux que leurs
origines sociales ou leur marginalité suffisent a rendre suspects. En 1922, le jeune État
soviétique organise, contre les chefs SR, son premier procès-spectacle truqué [réf. nécessaire];
plusieurs accusés sont condamnés à mort et exécutés, les autres déportés. Le 19 février 1919, la
révolutionnaire Maria Spiridonova, arrêtée après l'insurrection des SR de gauche en juillet, est
condamnée pour « folie » et internée de décembre 1920 à novembre 1921 en centre de cure
psychiatrique. Elle écrira toutefois plus tard qu'« à l'époque soviétique, les sommets du pouvoir,
les vieux bolcheviques, Lénine y compris, m'ont ménagée et, en m'isolant dans le déroulement
de la lutte, toujours de façon très vigoureuse, ont en même temps pris des mesures pour qu'on
ne m'humilie jamais. »83
L'Église orthodoxe, qui s'est souvent rangée activement du côté de la réaction
(des popes délateurs peuvent même çà et là être responsables de nombreuses exécutions
sommaires84), doit subir des milliers d'arrestations, d'exécutions, de spoliations et de destructions,
le but étant à terme l'éradication non seulement de sa puissance antérieure, mais aussi
des croyances religieuses.
Plus généralement, tous les camps en lutte utiliseront, à des degrés divers, les mêmes méthodes
de répression : internement des adversaires militaires et politiques dans des camps, prises
d'otages (le premier décret des otages est ainsi promulgué non pas par les bolcheviks mais par
le général Niessel, commandant de la mission militaire française en Russie 85), exécutions
sommaires. D'après Peter Holquist « le jeune État des Soviets et ses adversaires eurent
pareillement recours aux outils et aux méthodes qui avaient été élaborées durant la Grande
Guerre »86. Nikolai Melkinov, un des principaux membres du gouvernement Denikine, a souligné
dans ses Mémoires que l'administration blanche « appliqua [...] dans ses territoires une politique
foncièrement soviétique »87.
Même le bref gouvernement socialiste-révolutionnaire de Samara, souvent considéré comme l'un
des belligérants les plus modérés, utilisa lui aussi ce type de mesure. À son propos, l'historien
britannique Orlando Figes note : « Si les libertés d'expression et de réunion ainsi que la liberté de
la presse furent rétablies, il était difficile de les respecter dans les conditions d'une guerre civile,
et les prisons de Samara furent bientôt pleines de bolcheviks. Ivan Maiski, le ministre menchevik
du travail, compta 4 000 détenus politiques. Les doumas et les zemstvos municipaux furent
rétablis, et les soviets, en tant qu'organes de classe, tenus à l'écart de la vie politique »88.
Pareillement, les KD libéraux se résignent généralement à des solutions dictatoriales là où ils
subsistent - avec des exceptions, ainsi en Crimée où ils maintiennent un régime constitutionnel et
parlementaire préservant les libertés et ébauchant même une timide réforme agraire 89.
Par ailleurs, aucune des armées ne tient à laisser derrière elle des éléments suspects ou
dangereux. Ainsi, les combattants anarchistes de l'armée Makhno respectent le plus la
population civile et épargnent et libèrent les simples combattants faits prisonniers, mais ils
éliminent dans leur retraite bien des officiers, nobles, bourgeois, koulaks ou popes, des tribunaux
populaires spontanés se chargeant aussi de juger et châtier ceux qui se sont compromis dans les
tueries de la Terreur blanche90.
Violences d'en-bas et violences d'en-haut[modifier | modifier le code]
Selon Sabine Dullin, « les organismes de répression créés par les Bolcheviks laissaient une
grande part à l'initiative populaire »91. Les Tchekas locales se montrent souvent plus radicales
que le centre. Marc Ferro insiste sur le fait que le petit parti bolchevik n'avait pas les moyens de
susciter la violence généralisée que connaît la Russie pendant la guerre civile, et que les
léniniens ont souvent revendiqué et assumé des violences populaires spontanées pour donner
l'illusion qu'ils contrôlaient la situation, ainsi que pour les canaliser ou les instrumentaliser à leur
profit92.
De même, du côté de leurs ennemis, le très controversé chef nationaliste
ukrainien Petlioura semble par exemple avoir été débordé par l'antisémitisme viscéral de ses
troupes : il aurait laissé se produire les pogroms, voire tenté de les freiner, plus qu'il ne les a
ordonnés (son rôle exact reste très débattu).
En ce qui concerne la terreur blanche, les rôles respectifs de l'idéologie, des violences
spontanées et de celles décidées « d'en haut » par les autorités restent fortement discutés. Ainsi
selon Nicolas Werth, « la terreur blanche ne fut jamais érigée en système. Elle fut, presque
toujours, le fait de détachements incontrôlés échappant à l'autorité d'un commandement militaire
qui tentait, sans succès, de faire office de gouvernement.(...) [Elle] resta le plus souvent une
répression policière du niveau d'un service de contre-espionnage militaire »93. D'autres historiens
considèrent au contraire que l'idéologie – notamment l'assimilation des communistes aux juifs et
le fantasme d'un complot « judéo-bolchevique » – tient une place importante dans le processus
de la terreur dirigé par le haut 94. Selon l'historien américain Peter Holquist, « S'il est vrai que les
mouvements antisoviétiques éprouvèrent moins le besoin de justifier leurs actions, il est
néanmoins tout à fait clair que leurs violences, loin d'être arbitraires ou fortuites, étaient au
contraire calculées. [...] Les prisonniers de guerre étaient triés par les chefs blancs, qui mettaient
à part ceux qu'ils considéraient comme indésirables et irrécupérables (les Juifs, les Baltes, les
Chinois, les communistes) et les faisaient ensuite exécuter tous ensemble. »95.
Peut-être plus encore que les bolcheviques, les généraux blancs ont été dépassés par la
violence de leurs partisans sur des territoires vastes où leur autorité était limitée. Le
général Wrangel décrit dans ses mémoires l'anarchie qui régnait sur l'immense territoire contrôlé
par Dénikine quand il en prit la tête en mars 1920 : « Le pays était dirigé par toute une série de
petits satrapes, à commencer par les gouverneurs pour finir par n'importe quel gradé de l'armée
[...] l'indiscipline des troupes, la débauche et l'arbitraire régnant à l'arrière n'étaient un secret pour
personne [...] L'armée, mal ravitaillée, se nourrissait exclusivement sur le dos de la population,
ainsi grevée d'un fardeau insupportable. »96
Cependant, il est incontestable que les hautes autorités blanches ont aussi choisi le recours à la
terreur. La « conférence spéciale » présidée par le général Dénikine prend ainsi en mars 1919 la
décision de condamner à mort « toute personne ayant contribué au pouvoir du Conseil des
commissaires du peuple ». L'Osvag, le service de propagande du gouvernement de Dénikine, fait
courir de nombreuses rumeurs pendant la guerre sur l'existence de complots juifs 97. En Hongrie,
après la chute de la République des conseils en août 1919, des unités paramilitaires faisant
partie des troupes l'amiral Miklós Horthy déclenchent une terreur blanche : le nombre de victimes
de la répression en Hongrie est estimé à cinq et six mille victimes, soit dix fois plus que celles de
la terreur rouge hongroise98 et leur mille cinq cents victimes, bien qu'une estimation basse les
réduise à quelques centaines99. Le général Ungern-Sternberg, surnommé le « baron sanglant »,
fut sans doute celui qui alla le plus loin dans la terreur. Dans son fameux « ordre numéro 15100 »,
adressée à ses armées en mars 1921, l'article 9 commande « d'exterminer les commissaires, les
communistes et les juifs avec leurs familles101. »
À côté des différents camps, de nombreux chefs de guerre et aventuriers profitent de
l'effondrement de l'autorité en Russie pour piller, massacrer et s'autoproclamer dirigeants de
territoires plus ou moins vastes. D'autres s'engagent dans les armées régulières par
opportunisme. L'ataman Grigoriev constitue ainsi une bande formée de soldats, de déclassés et
de mercenaires qui se met successivement au service de Simon Petlioura, de l'Armée rouge et
des Blancs, sans renoncer à aucun moment aux massacres et aux pillages. Grigoriev finira
abattu par Makhno, auquel il s'était brièvement allié.
Après la défaite des Blancs, les soulèvements paysans antibolcheviks atteignent leurs apogées.
De nombreux collecteurs de céréales sont assassinés, les bolcheviks et leurs relais pourchassés
et parfois suppliciés102. La riposte de l'Armée rouge est impitoyable : des centaines de villages
déportés en intégralité, des milliers d'insurgés fusillés, les femmes et les enfants des partisans
pris en otage et parfois tués, l'arme chimique utilisée par Toukhatchevski contre les révoltés de
Tambov103.
Après la victoire définitive du régime, la terreur s'atténue largement, mais l'appareil policier reste
intact.
Victoire et crise du « communisme de guerre »[modifier | modifier le code]
Articles détaillés : Communisme de guerre et Famine soviétique de 1921-1922.

La guerre radicalise spectaculairement le régime. Pour mener la guerre totale contre les forces
hostiles, le gouvernement de Lénine procède à la nationalisation quasi-intégrale du commerce,
des banques, de l'industrie et même de l'artisanat. Les logements des classes aisées sont
collectivisés : les appartements collectifs entrent ainsi dans la vie des Russes. Alors que la
monnaie s'effondre et que le pays vit à l'heure du troc et des salaires versés en nature, le régime
instaure la gratuité des logements, des transports, de l'eau, de l'électricité et des services publics,
tous pris en main par le Parti-État. Certains bolcheviks rêvent même dès lors d'abolir l'argent, ou
du moins de limiter drastiquement son usage. D'abord improvisé sous le feu des circonstances,
le « communisme de guerre » (terme créé a posteriori, apparu après la fin de la guerre civile)
paraît alors un moyen de faire passer directement la Russie au socialisme.
Le pouvoir restaure aussi un puissant dirigisme sur l'économie et sur les ouvriers. Pour ce faire, il
n'hésite pas à rétablir une discipline de fer dans les usines ou à faire réapparaître des pratiques
honnies comme le salaire aux pièces, le livret de travail, le lock-out, le retrait des cartes de
ravitaillement, l'arrestation et la déportation des meneurs de grèves. Des centaines de grévistes
sont même fusillés. Les syndicats sont épurés, bolchevisés et transformés en courroie de
transmission, les coopératives absorbées, les soviets transformés en coquilles vides. En
1920, Trotski suscite une vaste controverse en proposant la « militarisation » du travail. Dans les
campagnes, des détachements armés procèdent violemment aux réquisitions forcées de
céréales pour nourrir les villes ainsi que l'Armée rouge.
Le pouvoir mène aussi un énorme effort d'alphabétisation, d'éducation et de propagande à
destination des soldats et des masses populaires. Il encourage l'effervescence artistique et met
les créateurs des avant-gardes au service de la révolution par une vaste production d'œuvres et
d'affiches qui aident le ralliement des masses aux bolcheviks 104.
Cette politique sauve le régime, mais contribue à l'énorme mécontentement populaire et à
l'effondrement radical de la production, de la monnaie et du niveau de vie. L'économie est ruinée,
le réseau de transports disloqué. Le marché noir et le troc fleurissent105. L'inégalité institutionnelle
du rationnement au profit des soldats et des bureaucrates suscite les récriminations populaires.
Les villes se dépeuplent, beaucoup d'ouvriers et de citadins affamés revenant à la terre. C'est
ainsi que Moscou et Petrograd se vident de moitié, tandis que la classe ouvrière se décompose :
elle compte moins d'un million d'actifs en 1921, contre plus de trois millions en 1917.
En 1921-1922, une famine doublée d'une très grave épidémie de typhus fauche plusieurs millions
de vies dans les campagnes russes.
La révolte de Kronstadt et l'instauration de la NEP (mars 1921)
[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Révolte de Kronstadt.

Écœurés par le monopole du pouvoir acquis par le parti bolchevique, ainsi que par la violence et
la répression déployés dans les campagnes ou contre les ouvriers en grève, les marins
de Kronstadt se révoltent en mars 1921 et exigent le retour au pouvoir des soviets, des élections
libres, la liberté du marché intérieur, la fin de la police politique. En pratique l'insurrection consista
en la dissolution du soviet de Kronstadt et en la désignation d'un « comité révolutionnaire
provisoire » à sa place106. Leur soulèvement est écrasé par Trotski et Toukhatchevski107.
Au même moment, le pouvoir met les mencheviks hors-la-loi, réprime les dernières grandes
vagues de protestations ouvrières, et entame une violente campagne de « pacification » contre
les paysans insurgés. Le Xe congrès du Parti, tenu au même moment que l'insurrection de
Kronstadt, abolit aussi le droit de fraction au sein du Parti.
Mais devant l'impasse du « communisme de guerre » et l'effondrement de
l'économie, Lénine décide un retour limité et provisoire au capitalisme de marché : la Nouvelle
politique économique (NEP) est adoptée au cours du même congrès. Cette libéralisation
économique — qui ne se double d'aucune libéralisation politique — va permettre de redresser
l'économie.

Conséquences[modifier | modifier le code]
Conséquences culturelles[modifier | modifier le code]
Libération des mœurs et émancipation des femmes[modifier | modifier le code]
Après la guerre civile, un changement très important en matière de mœurs sexuelles a lieu. La
critique marxiste de la famille bourgeoise avait déjà conduit les bolcheviks à modifier la législation
concernant le divorce, le mariage et l’interruption volontaire de grossesse108. En 1922, les
pratiques homosexuelles sont à leur tour dépénalisées 109. Tout au long des années 1920, le désir
d’accéder à une sexualité plus libre déclenche un mouvement social qualifié par Wilhelm
Reich de « révolution sexuelle ». Imposé par la base, il n’est pas suffisamment soutenu par les
hauts responsables du régime, et perd progressivement en importance 110.
Plus généralement le pouvoir bolchevique, en particulier sous l'impulsion d'Alexandra Kollontai,
prendra d'importantes mesures pour améliorer le statut social de la femme. Outre les législations
en matière de mœurs, une série de décrets reconnaissent dès fin 1917 le droit des femmes à la
journée de 8 heures, celui de négocier le montant des salaires, la préservation de l'emploi en cas
de grossesse, des possibilités d'assurer des soins à leurs enfants pendant les heures de travail,
ainsi que des droits politiques égaux à ceux des hommes 111.
Le travail des femmes est encouragé, à la fois dans une perspective émancipatrice (le régime
déclare « qu'enchaînée au foyer, la femme ne pouvait pas être l'égale de l'homme ») et pour
combler le déficit de main d'œuvre provoqué par la guerre et les famines 111. Pour soulager le
travail domestique des femmes, le gouvernement bolchevique créé des maternités, des crèches,
des écoles maternelles, des écoles, des cantines populaires et des lavoirs publics. En matière de
droits des enfants, toutes distinctions dans la loi entre les enfants — garçons et filles — légitimes
et illégitimes sont supprimés112.
La lutte contre l'analphabétisme et l'accès des couches populaires à la
culture[modifier | modifier le code]
Étant donné que la RSFSR (République socialiste fédérative soviétique de Russie), à l'issue de
la guerre civile, regorgeait d'orphelins par dizaines de milliers, des chtcharachkas (communautés)
furent mises en place, où des enfants de tous âges encadrés d'éducateurs volontaires furent
éduqués dans l'esprit socialiste. À la même époque, les grades sont abolis dans l'armée, ainsi
que les règles académiques dans l'art. Grammaire et orthographe ont aussi été simplifiés, et la
lutte idéologique contre les préjugés et les convictions d'origine religieuse battit son plein.
Le régime consacre rapidement un effort important en matière d'instruction publique. Sous la
direction d'Anatoli Lounatcharski, le commissariat du peuple à l'instruction publie un décret
déclarant l'ouverture d'un « front contre l'analphabétisme » le 10 décembre 1919. Dans le compte
rendu critique qu'il donne alors de son voyage en Union soviétique, le maire de Boulogne André
Morizet affirme qu'« on peut penser tout ce qu'on voudra des chefs du bolchevisme. On peut
critiquer leurs méthodes, condamner leurs actes en gros ou en détail [...]. Mais il y a un point sur
lequel il me paraît impossible qu'on n'approuve pas unanimement leurs efforts, qu'on n'apprécie
pas sans réserve les résultats déjà obtenus : c'est en matière d'instruction publique »113.
Dès le début de l'année 1918, le triple principe de laïcité, de gratuité et d'obligation d'éducation
est posé par le régime. De 38 387 en 1917, le nombre d'écoles passe à 52 274 en 1918 puis
62 238 en 1919. De même le budget de l'éducation passe de 195 millions de roubles en 1916 à
2 914 millions en 1918114. Des alphabets nationaux sont créés pour les nationalités privées
d'écriture, tandis que des commissions d'instructeurs sont créées 115. Ces chiffres impressionnants
doivent cependant être nuancés par les difficultés auxquelles se trouve confronté le système
d'éducation publique en raison des conséquences de la guerre civile et du faible développement
économique des républiques qui forment l'Union soviétique : manque chronique de matériel
scolaire et de professeurs formés, qui expliquent la médiocrité de l'instruction dans les premières
années du régime.
La révolution et l'Art[modifier | modifier le code]
Les conséquences de la révolution se font également sentir dans le domaine de l'art 116. Dès la fin
du XIXe siècle, la Russie s'était ouverte aux nouveaux courants artistiques qui se développaient en
Europe : l'impressionnisme (avec des peintres comme Leonid Pasternak et Constantin
Kousnetzoff), le fauvisme (avec Michel Larionov ou Nathalie Gontcharova) et
le cubisme (Vladimir Bourliouk). D'autres courants émergent en Russie, comme le suprématisme,
qui prône la suprématie de la forme pure dans la peinture. En poésie, le mouvement acméiste est
initié par Nikolaï Goumilev en 1911. La création de l'opéra futuriste Victoire sur le soleil, d'Alexeï
Kroutchenykh et Vélimir Khlebnikov, se déroule le 3 décembre 1913 à Saint-Pétersbourg.
Après la révolution d'Octobre, si les bolcheviques interdisent les œuvres ouvertement hostiles au
régime, le nouveau pouvoir ne donne cependant pas de directives en matière d'art — Trotski
déclarant que « L'art n'est pas un domaine où le Parti est appelé à commander. »117 — et
encourage la floraison des courants d'avant-garde. Selon l'historien de l'art Jean-Michel
Palmier, « Il y a peu de pays qui ont consacré autant d'argent aux Beaux-Arts, au théâtre, à la
littérature, à la peinture que l'URSS dans la période la plus difficile qu'elle a connue. Alors que la
famine régnait, que la contre-révolution levait la tête sur tous les fronts — intérieur et extérieur —
la jeune république des soviets dépensait des sommes énormes pour développer l'art — et pas
seulement comme instrument de propagande. »118
Dès les premiers jours qui suivent la révolution d'Octobre, le gouvernement bolchevique met en
œuvre une série de mesures visant à assurer la préservation, l'inventaire et la nationalisation du
patrimoine culturel national119. La collection privée du commerçant et mécène Sergueï
Chtchoukine est réquisitionnée pour ouvrir le « premier musée de l'art occidental ». Vassily
Kandinsky est nommé directeur du Musée de la culture artistique, créé en 1919, et ouvre une
vingtaine de musées en province. Ici encore, la pénurie limite les ambitions du régime. Par
manque de crédits pour la reconstruction, la plupart des projets d'architectures novateurs ne
peuvent être achevés120.
Le nouvel environnement politique et culturel favorise l'éclosion de courants nouveaux et de
débats d'écoles passionnés. Selon Anatole Kopp, « À l'intérieur de cette nouvelle vision, il est
possible de distinguer deux orientations, deux avant-gardes : une avant-garde essentiellement
formelle, qui, malgré le recours à des formes d'expressions inédites, n'assignera pas à l'art une
mission nouvelle, et une avant-garde socialement et politiquement consciente, qui tentera, à la
lumière du marxisme, de mettre les techniques artistiques au service de la transformation de
l'humanité. »121 Les membres de ce dernier courant, partisans de l'accouchement d'une « culture
prolétarienne » nouvelle, se regroupent au sein du Proletkoult qui tient son premier Congrès
en 1920. Ce groupe mène rapidement une campagne agressive contre les « compagnons de
route » du parti et tout ce qui s'écarte de « l'art prolétarien »122, mais n'obtient pas de mesures
politiques de l'appareil d'État123. À la fin des années 1920, Staline s'appuiera pourtant sur les
théories du Proletkoult — parfois au corps défendant de certains de ses membres — pour
réprimer les artistes et imposer la ligne du réalisme socialiste.
Conséquences économiques et sociales[modifier | modifier le code]

Des Russes partant pour l'exil sur un wagon plat.

La révolution et l'établissement du nouveau régime entraînent de profondes transformations


sociales dans les pays rassemblés au sein de l'URSS. Les vieilles structures féodales de
la Russie tsariste se désagrègent sans laisser place à une économie de marché, générant
l'élaboration de nouveaux rapports sociaux qui feront l'objet d'interprétations diverses.
Selon Nicolas Werth, 13 millions de Russes ont péri de mort violente entre 1914 et 1921 : 2,5
millions par la Grande Guerre, autant par la guerre civile et les massacres des terreurs blanche,
rouge ou verte, 5 millions par la famine et plus de 2,5 millions par l'épidémie de typhus124. Selon le
démographe russe A.G. Volkov, la population de la Russie a diminué de 7 millions
entre 1918 et 1922, chiffre auquel il faut retirer les émigrés (estimés à 2 millions par le
démographe) et la différence de 400 000 entre les retours et sorties de prisonniers et de fuyards,
pour aboutir à un chiffre de 4 500 000 morts pendant la guerre civile, soit un peu plus de 3 % de
la population125. La majorité des victimes a péri hors des champs de bataille, faute de soins
adéquats ou de nourriture. « La société russe émerge de la guerre plus archaïque, plus
militarisée, plus paysanne124. »
Les anciennes élites (clergé, noblesse et bourgeoisie, cette dernière déjà plus fragile qu'en
Occident, une partie des intellectuels) ont disparu ou se sont exilées, à moins de s'être ralliées
pour certains de leurs membres. Dès l'ère léninienne, ces « gens du passé » et leurs enfants
sont surveillés et discriminés dans l'accès au logement, au travail ou à l'université, ou encore
privés d'un droit de vote certes symbolique. Beaucoup seront ultérieurement liquidés pendant
les Grandes Purges staliniennes. Environ deux millions de « Russes blancs » (pas tous
monarchistes ni russes en réalité) se sont exilés de la Russie révolutionnaire, ou en ont été
bannis. En 1922, un décret leur ôte en bloc la nationalité russe. C'est pour ces
premiers apatrides de masse que la Société des Nations doit inventer le passeport Nansen.
Dans les campagnes, le Parti reste sous-représenté. Des dispositions constitutionnelles donnent
au vote ouvrier et urbain un poids ouvertement supérieur au vote paysan. La classe paysanne
est l'une des seules à avoir gardé une autonomie assez forte par rapport à l'État très autoritaire
qui s'est forgé pendant la guerre civile. Les paysans ont obtenu le partage des terres qu'ils
attendaient depuis des générations (bien qu'en raison de leur fort accroissement démographique,
ils n'y aient gagné en moyenne que 2 à 3 hectares de terre chacun). Mais beaucoup peuvent
constater que « la terre ne se mange pas » (Lénine) : les millions de petites exploitations
émiettées sont peu rentables et impossibles à moderniser. Bêtes noires des bolcheviks pendant
la guerre civile, les koulaks (paysans supposés riches, juste un peu plus aisés et dynamiques
que la moyenne) tirent davantage leur épingle du jeu, et bénéficieront de l'avènement de la NEP -
avant de subir le choc de la dékoulakisation à partir de 1930.
Beaucoup d'hommes du peuple, ex-ouvriers, employés ou paysans, ont bénéficié de la
croissance du Parti-État et de sa bureaucratie (dont le développement notable126 angoisse déjà
Lénine et Trotski). Entrant dans ceux-ci ou dans l'Armée rouge, ils ont acquis des positions de
pouvoir et des privilèges inespérés pour eux sous l'Ancien Régime. La bureaucratie devient aussi
le refuge privilégié de la petite-bourgeoisie théoriquement déchue127. Cette « plébéianisation du
Parti » (Marc Ferro)128 servira de base sociale à l'avènement ultérieur de Joseph Staline, nommé
secrétaire général du PCUS le 3 avril 1922.
Conséquences politiques et diplomatiques[modifier | modifier le code]
Le premier résultat de cette révolution fut le renversement du régime tsariste, laissant le champ
libre pour la prise de pouvoir par les bolcheviks. Selon Nicolas Werth, « une révolution populaire
et plébéienne profondément antiautoritaire et antiétatique [a] amené au pouvoir le groupe le plus
dictatorial et le plus étatiste ».
Selon plusieurs historiens, les bases de l’État policier léniniste auraient été jetées dès avant
l'éclatement de la guerre civile en août 1918, la répression s'abattant autant sinon plus sur les
autres partis révolutionnaires et sur certains mouvements populaires que sur les partis
« bourgeois » ou les forces monarchistes129. Ce point de vue est rejeté par certains historiens, à
l'instar d'Arno J. Mayer qui, dans un ouvrage récent, soutient que la politique répressive du
régime soviétique a essentiellement été le produit de pressions internes (la violence de la contre-
révolution) aussi bien qu'externes (la réaction des puissances internationales face à la prise du
pouvoir par les bolcheviks)130.
Pour Marc Ferro, la lutte pour le pouvoir n'a pas simplement opposé les partis entre eux. Au
moment de la révolution de Février, les partis politiques, les syndicats, les coopératives et
les soviets sont les formes d'organisation rivales en concurrence pour représenter et diriger
la société civile. Les soviets et les partis se sont entendus pour se subordonner ou éliminer les
syndicats, les comités d'usine ou les coopératives. Puis dès avant Octobre, les partis se sont
accordés à noyauter et instrumentaliser les soviets. Il ne restait plus enfin à l'un des partis qu'à
éliminer les autres131.
Un autre résultat immédiat est la signature du traité de Brest-Litovsk, et le démantèlement partiel
de l'ex-empire russe. Ensuite vint la création, en 1922, de l’URSS – l’« Union des républiques
socialistes soviétiques ».
La guerre civile allait laisser le pays épuisé, ruiné pour de nombreuses années, et sous la coupe
d'un parti unique lui-même de plus en plus monolithique (suppression du droit de tendance en
mars 1921), dont la police et l'armée ont éliminé toutes les forces d'opposition organisées. Tout
est à reconstruire.
De plus, la révolution attendue par les bolcheviks dans les pays capitalistes n'a pas eu lieu.
En Allemagne même, les masses populaires n'ont pas majoritairement soutenu la
tentative spartakiste de Rosa Luxemburg, et la répression a suivi. En Hongrie, Bela Kun s'est
aliéné d'emblée les paysans, et n'a pu tenir que 133 jours au pouvoir avant d'en être délogé par
une invasion roumaine. La vague révolutionnaire reflue dès 1920 en Italie, ouvrant la voie au
succès du fascisme. Des pays industrialisés aussi importants que les États-Unis, le Royaume-
Uni et la France ne connaissent que des vagues de grèves et de manifestations, parfois
violentes, mais jamais en mesure d'ébranler la société et le gouvernement.
La création à Moscou de la IIIe Internationale (Komintern), en 1919, est une conséquence directe
d'Octobre. Elle sera dissoute par Staline en 1943 sans avoir jamais réussi à conduire une
révolution victorieuse. Dans l'immédiat, rupture et scissions entre partis sociaux-démocrates et
partis communistes, entre 1919 et 1921, ont laissé le mouvement ouvrier et syndical durablement
divisé et affaibli face aux forces conservatrices et fascistes.
La Russie elle-même reste amoindrie et isolée, cernée par un « cordon sanitaire » de petits États
(pays baltes, Pologne, etc.). Le nouveau régime doit conquérir lentement sa reconnaissance
internationale. Il doit attendre 1922 pour être reconnu par l'Allemagne (devenue son alliée de fait
par les accords de Rappallo), puis en 1923 par la Chine alliée de Sun Yat-sen, en 1924 par la
Grande-Bretagne, la France et l'Italie fasciste, en 1933 par les États-Unis, avant d'entrer
tardivement à la SDN en 1934.
Le régime instauré par les bolcheviks a souvent été qualifié de « communiste », même si
pour Marx le communisme correspond à une société qui répond à la devise « De chacun selon
ses capacités, à chacun selon ses besoins »132. En 1918, cependant, Lénine ne répugnait pas à
faire changer le nom du parti en parti communiste, ni à fonder en 1919 l'Internationale
communiste (il s’agissait de choisir un nom se démarquant de la social-démocratie, qui avait été
majoritairement favorable à la guerre).
Perceptions et réceptions à l'étranger[modifier | modifier le code]
La révolution de février 1917 a été lue par les Occidentaux en fonction de la Grande Guerre en
cours, et en général sans grande connaissance des réalités russes.
Les démocraties de l'Entente (France et Grande-Bretagne surtout) sont soulagées d'être
débarrassées de l'allié encombrant qu'était Nicolas II, le maintien de l'autocratie tsariste les
mettant en porte-à-faux avec leur propre propagande sur la « guerre du droit ». Ni la presse
(soumise à la censure ou à l'autocensure) ni les opinions ne prennent la mesure du rejet
croissant et massif de la guerre dans l'opinion russe. La révolution est interprétée au contraire
comme une volonté populaire de mener la guerre jusqu'au bout avec un gouvernement plus
compétent133.
On ne prend pas davantage conscience de l'ampleur de la révolte sociale. L'historien
monarchiste Jacques Bainville prétend ainsi dans L'Action française : « Il faut que la rénovation
russe ne devienne pas ce que jusqu'ici elle ne veut pas être, une révolution 134 ». Le socialiste
chauvin Gustave Hervé écrit : « Qu'est-ce que Verdun, qu'est-ce que la Marne même à côté de
l'incommensurable victoire morale que viennent de remporter les Alliés à Petrograd135 ! »
Pourtant, dès l'été 1917, la mutinerie des soldats russes du camp de La Courtine dans
le Limousin doit être mâtée à coups de canon et au prix de nombreux morts. Des grèves
importantes et quasi-insurrectionnelles se réclament ouvertement de l'exemple des soviets de
travailleurs de Russie en avril 1917 à Leipzig, en mai-juin à Leeds, en août à Turin. En Italie ou
même en Espagne non-belligérante, quelques « vive Lénine » apparaissent dès 1917 sur
certains murs, plus par rejet symbolique de la guerre et des conditions sociales que par une
connaissance réelle du programme bolchevique136. Toutefois, patriotisme oblige, aucune tentative
révolutionnaire n'a lieu avant la fin de la Grande Guerre.
Des délégations officielles se rendent en Russie au temps du gouvernement provisoire et
découvrent l'ampleur de la révolution. Elles en reviennent parfois ébranlées, ainsi les socialistes
français Albert Thomas et Marcel Cachin, le ministre travailliste anglais Arthur Anderson ou la
féministe britannique Emmeline Pankhurst. Une poignée d'étrangers présents en Russie adhère
activement à la révolution d'Octobre, ainsi son futur historien, le journaliste américain John Reed,
ou encore le philosophe chrétien français Pierre Pascal. En mars 1919, André Marty et Charles
Tillon mènent la mutinerie de la flotte française en mer Noire contre l'intervention. Certains
prisonniers de guerre des Empires centraux, convertis au bolchevisme pendant leur captivité en
Russie, se sont faits les propagateurs de la révolution à leur retour au pays : le Yougoslave Josip
Broz, futur maréchal Tito, n'est que l'exemple le plus célèbre.
L'Allemagne de Guillaume II a laissé les divers révolutionnaires exilés en Suisse, dont Lénine,
traverser son territoire pour rentrer en Russie, escomptant que le pacifisme contribuera au retrait
de la Russie du conflit. Dès l'époque circule en Russie et en Occident l'idée d'un Lénine « agent
allemand », ou encore la rumeur que les « maximalistes » (traduction inexacte répandue du
terme bolcheviks) sont financés par « l'or allemand ». La révolution d'Octobre n'est d'abord
perçue que comme une péripétie politique après bien d'autres, et ni l'Entente ni les Empires
centraux ne croient au début à la durée du nouveau pouvoir. Après le draconien traité de Brest-
Litovsk (contre la ratification duquel vote le SPD au Reichstag), le Kaiser fait figure d'allié objectif
et paradoxal du régime bolchevique, celui-ci ayant tout intérêt à jouer des divisions
« interimpérialistes » et à ne pas s'ajouter un ennemi de plus. L'Entente intervient sur le territoire
russe d'abord pour empêcher la disparition du front oriental, le reproche principal fait aux
bolcheviks étant leur « trahison » de l'alliance. Après l'armistice de Rethondes en 1918, c'est la
révolution en tant que telle qui est combattue.
Le pacifisme et la crise économique d'après-guerre, ainsi que le refus de voir une révolution
écrasée, suscitent de fortes sympathies actives dans les couches populaires d'Europe pour
la révolution d'Octobre - les exactions de la « terreur rouge » étant ignorées, niées, minimisées
ou justifiées comme une simple réponse à la terreur blanche.

Caricature antibolchevique parue en 1919 dans le New York Herald.

En France, la révolution russe est lue au prisme de la mémoire toujours très vive de la Grande
Révolution de 1789 : les bolcheviks sont ainsi assimilés aux jacobins, Kerensky à la Gironde, les
Blancs aux Vendéens, Trotski à Lazare Carnot « l'organisateur de la victoire », etc. Un historien
sympathisant comme Albert Mathiez trace dès 1920 l'analogie entre Robespierre et Lénine, la
terreur rouge et la Terreur de 1793137. Le poète André Breton n'est pas le seul à lire aussi la
révolution russe comme une revanche sur la répression de la Commune de Paris lorsqu'il note
que 1917 renverse 1871. Mais la « grande lueur à l'Est » (titre d'un ouvrage de Jules Romains)
n'est pas aussi bien accueillie par tout le monde. Les classes moyennes sont ulcérées par la
perte des emprunts russes, que Lénine a cessé de reconnaître dès le début 1918. Et
l'anticommunisme est très fort chez les socialistes restés fidèles à la « vieille maison » lors
du congrès de Tours de 1920, chez les anarchistes, chez certains
intellectuels humanistes hostiles aux méthodes des Bolcheviks (par exemple Romain Rolland,
ami de Gorki), et bien sûr dans les droites. Dès 1919, une affiche célèbre stigmatise dans le
bolchevik « l'homme au couteau entre les dents ».
Aux États-Unis, la red scare ou peur des « Rouges » marque les années d'immédiat après-
guerre et contribue aux réactions autoritaires, puritaines et xénophobes (les migrants sont perçus
comme des porteurs potentiels du « virus » bolchevique) qui marquent les années 1920.
En Allemagne, en Hongrie, en Italie, les forces conservatrices, nationalistes ou fascistes, parfois
alliées pour un temps à des sociaux-démocrates comme Noske à Berlin, se battent pour réprimer
par la violence le « bolchevisme » (un mot d'ailleurs élastique, sous lequel ils finissent par
regrouper abusivement tout partisan d'un changement social, voire n'importe quel adversaire).
En 1919, la peur et la haine du bolchevisme et de la révolution d'Octobre, de ses avatars et de
son extension possible jouent un rôle non négligeable dans la formation des idéologies et des
mouvements de Benito Mussolini en Italie et d'Adolf Hitler en Allemagne.
Dans les pays colonisés, la révolution d'Octobre a aussi suscité des espoirs importants. Dès
1920, à Bakou, les bolcheviks convoquent un « congrès des peuples de l'Orient » (1er au 8
septembre) qui tente de faire la jonction entre les nationalismes des colonisés et le mouvement
communiste mondial.
Postérité et fin[modifier | modifier le code]
Le délabrement économique et moral consécutif à la guerre civile va laisser la place à une
couche de bureaucrates, qui au sein même du parti bolchevique vont réussir à s’imposer à la tête
du pays. Pour cela, ils devront déporter puis massacrer tous leurs opposants, « contre-
révolutionnaires » comme révolutionnaires. Des milliers de militants communistes, dont la
majorité de la « vieille garde » bolchevique, des héros d’Octobre et de la guerre civile, seront
ainsi déportés, puis fusillés. Les plus célèbres d’entre eux sont humiliés et discrédités en public
lors des procès de Moscou en 1936-1938.
Pour asseoir son pouvoir, et aussi pour faire oublier le rôle très limité qu’il a joué dans
la révolution d'Octobre, Joseph Staline entreprend aussi de liquider, lors de la Grande Terreur de
1936-1938, toute une génération de militants, de cadres politiques et économiques, de militaires,
d’écrivains ou même de policiers qui ont connu l’avant-1917 et fait la révolution puis la guerre
civile. Une large partie d’entre eux avait pu faire un temps d’autres choix que les bolcheviks, ou
que le dictateur lui-même. En 1930, la moitié des cadres de l’État et même de la police avaient
ainsi servi sous l’ancien régime138. La « génération de 1937 », qui les remplace grâce aux purges,
n’a connu que Staline et lui doit tout : c’est cette nomenklatura sans passé révolutionnaire qui
dirigera désormais l’URSS jusqu’à la veille de sa disparition.
Le régime « totalitaire » de Staline finira d’étouffer les idéaux de la révolution d’Octobre. Dès le
milieu des années 1930, il rétablit un certain nombre de valeurs honnies au temps de Lénine et
Trotski : exaltation de la famille et de la patrie « socialistes », restauration de titres militaires tels
le grade de maréchal, libre vente de la vodka par l’État, académisme dans l’art, russification
forcée des minorités et « chauvinisme grand-russe », antisémitisme officiel de moins en moins
voilé… La Seconde Guerre mondiale parachèvera cette évolution, l'Internationale cessant par
exemple d’être l’hymne soviétique en 1943, et les grades et uniformes de l’Ancien Régime étant
spectaculairement rétablis.
Fort peu sensible à l’internationalisme des premiers dirigeants bolcheviques, Staline abandonne
par ailleurs toute idée d’exporter la révolution par le Komintern. À ses yeux, elle ne doit s’étendre
que grâce à l’Armée rouge, sous strict contrôle de Moscou et comme une extension de l’empire
soviétique. C’est ce qui se produit dès 1939 lors des annexions permises par le Pacte germano-
soviétique (qui permet de récupérer les territoires perdus lors de la guerre civile russe), puis
après la victoire de 1945.
Tous ces faits seront caractérisés par Léon Trotski comme le « Thermidor » de la révolution
russe (par comparaison avec la réaction qui suivit la chute de Robespierre pendant la Révolution
française). La comparaison présente toutefois certaines limites. En effet, l’ère stalinienne se
marque aussi par un retour, contre les paysans, aux méthodes du « communisme de guerre ». Et
elle coïncide avec un déchaînement de terreur sans précédent, là où le Thermidor français
mettait au contraire fin à la Terreur. D’autre part, l’avènement de Staline signifie aussi une
relance spectaculaire de la transformation économique en Russie, au point que l’on a pu parler
de la « seconde révolution » de l’an 1930 : nationalisation intégrale des terres, plan
quinquennal sortant brusquement l’URSS de l’arriération. Cela au lourd prix dissimulé de millions
de victimes, conséquence de l'ambition totalitaire du pouvoir étatique.
Interprétations[modifier | modifier le code]
Les causes de cette « dégénérescence » sont diversement expliquées. Pour les anarchistes, elle
est due aux principes « autoritaires » du parti bolchevique. Pour d’autres, comme
certains libéraux, elle est inscrite dans les idées mêmes de Karl Marx. Pour un certain nombre
de marxistes non-bolcheviques, Lénine a commis l’erreur fatale de vouloir déclencher une
révolution ouvrière dans un pays massivement paysan et a surestimé les potentialités
révolutionnaires dans les pays occidentaux. Pour des communistes marxistes anti-léninistes,
comme les communistes de conseils, les bolcheviks ont d'emblée mis en place un capitalisme
d'État et ont bafoué les principes communistes et marxistes.
Commentant dès l’époque les événements d’Octobre et de la guerre civile, des marxistes comme
le théoricien Karl Kautsky ou la révolutionnaire Rosa Luxemburg ont fait porter leurs critiques sur
la nature du parti bolchevique et sur son organisation léniniste (que Trotski lui-même avait
dénoncé dès 1904 comme un danger). À leurs yeux, l’assimilation abusive du parti au peuple,
son mépris de la démocratie, son culte de la violence l’amènent à faire de nécessité vertu et à
transformer la terreur et la dictature imposées par les circonstances en un système permanent.
Le pouvoir du Parti sur le prolétariat se substitue ainsi durablement au pouvoir des soviets et de
la classe ouvrière. Ils pointent aussi que son caractère hiérarchisé, centralisé, militarisé et
monolithique l’a amené fatalement à concentrer tous ses pouvoirs dictatoriaux entre les mains
d’un petit groupe au sommet (le Politburo, fondé en 1917139) - et plus tard, entre les mains d’un
seul homme. Cette analyse critique a été reprise dans les années 1930 par un certain nombre
d’anciens compagnons de route de la révolution d’Octobre, ainsi en France Pierre
Monatte, Alfred Rosmer ou encore Boris Souvarine, pionnier de la critique du stalinisme140.
Pour Trotski et les trotskistes, c’est dans la naissance de la bureaucratie, ainsi que dans
l’isolement de la révolution dans un pays pauvre et peu développé, qu’il faut chercher la cause de
la dictature totalitaire. On peut toutefois souligner que précisément, aucune révolution
« marxiste » au XXe siècle n’a jamais éclaté dans un pays riche et industriel, les seuls pays ayant
été concernés étaient agraires et en retard de développement (la Chine, le Viêt Nam, l’Éthiopie,
le Mozambique, etc.). Par ailleurs, aucun des régimes se réclamant d’une révolution communiste
n’a évité de s’orienter rapidement vers la dictature policière et bureaucratique - ce qui peut en
partie s’expliquer par la satellisation de la plupart des mouvements communistes arrivés au
pouvoir par Moscou et à l’influence de Staline et de l’URSS dans ces pays, tant aux plans
militaire, qu’économique ou politique.
La Seconde Guerre mondiale fut suivie par la « guerre froide », opposant le Bloc de l'Est à
l’Occident (dans ce cas, les États-Unis surtout) dans une course à l’armement qui n’aboutit
jamais à un conflit ouvert direct, avant la fin de l’URSS en 1991.

Notes et références[modifier | modifier le code]


Notes[modifier | modifier le code]

a. ↑ On écrit « la révolution russe », sans majuscule, conformément à


une recommandation typographique appliquée aux événements
historiques et politiques ; dans ce cadre, le fait d’écrire « la Révolution
française » est une exception qui ne se généralise pas.
b. ↑ Prononciation en russe retranscrite selon la norme API.
Références[modifier | modifier le code]

1. ↑ « La Première Guerre mondiale aggrave les facteurs de fragilité de la


Russie. Les défaites précipitent la désagrégation du régime
impérial. », Serge Berstein (dir.), Gisèle Berstein, Yves Gauthier,
Pierre Milza (dir.) et al., Histoire du XXe siècle., t. 1 : 1900-1945 : la fin
du monde européen, Paris, Hatier, coll. « Initial », 2017, 555 p.
(ISBN 978-2-401-00116-9, OCLC 1003320855), p. 88.
2. ↑ Cette expression a été popularisée par l’historien britannique Eric
Hobsbawm dans L’Âge des extrêmes. Histoire du court XXe siècle,
1914-1991, coédition Le Monde diplomatique - Éditions Complexe,
1999
3. ↑ Eric Hobsbawm écrit : « la révolution d'Octobre fut universellement
reconnue comme un événement qui ébranlait le monde » in L'Âge des
extrêmes, Complexe, 2003, p. 99.
4. ↑ Pour une présentation des débats qui ont traversé la soviétologie,
voir Nicolas Werth, « Totalitarisme ou révisionnisme ? L’histoire
soviétique, une histoire en chantier », Communisme, no 47/48,
1996, p. 57-70 et id., « Le stalinisme au pouvoir. Mise en perspective
historiographique », Vingtième Siècle : Revue d'histoire, no 69, janvier-
mars 2001, p. 125-135.
5. ↑ Marc Ferro 1967, p. 36.
6. ↑ René Girault et Marc Ferro, De la Russie à l'U.R.S.S: l'histoire de la
Russie de 1850 à nos jours, Nathan, 1989
7. ↑ Marc Ferro 1967, p. 39.
8. ↑ 3 593 dollars par habitant en Russie en 1913, 13 327 aux États-Unis.
9. ↑ Richard Pipes 1993, p. 71.
10. ↑ Léon Trotski, « Particularités du développement de la Russie »,
dans Histoire de la révolution russe. 1. Février, Paris, Éditions du
Seuil, 1950, p. 39-52.
11. ↑ François-Xavier Coquin, La Révolution russe, PUF, coll. « Que sais-
je ? », 1974, p.  14.
12. ↑ Pour la décennie des années 1890, Richard Pipes rapporte que « la
productivité industrielle russe s’est accrue de 126 %, le double du taux
de croissance allemand et le triple de celui des États-Unis ». La
Révolution russe, op. cit., p. 72.
13. ↑ Roger Portal, La Russie de 1894 à 1914, Paris, Centre de
documentation universitaire, 1966, p. 78.
14. ↑ Jusqu’en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien, qui a 13 jours
de retard sur le calendrier grégorien.
15. ↑ Jean Elleinstein, D’une Russie à l’autre, vie et mort de l’URSS,
Éditions Sociales, 1992, 68 p.
16. ↑ Louis Aragon et André Maurois, Les Deux Géants. Histoire des
États-Unis et de l’URSS de 1917 à nos jours. Tome 3 : Histoire de
l’URSS de 1917 à 1929. Tome 4 : Histoire de l’URSS De 1929 à nos
jours, Paris, Éditions du Pont Royal, 1963, p. 30.
17. ↑ Marc Ferro, La Grande Guerre, 1914-1918, Gallimard, coll.
« Idées », Paris, 1969, p. 318.
18. ↑ Richard Pipes estime que « le nombre total des blessés et des morts
[de la Révolution de Février] se situait entre 1 300 et 1 450, dont 169
tués ». La Révolution russe, op. cit., p. 284.
19. ↑ Michel Heller et Aleksandr Nekrich, L’Utopie au pouvoir. Histoire de
l’URSS de 1917 à nos jours, Calmann-Lévy, coll. « Liberté de
l’esprit », Paris, 1985, p.  22.
20. ↑ Richard Pipes, The Russian
Revolution, https://books.google.fr/books?
id=XtE54LuhFzEC&pg=PA411&redir_esc=y&hl=fr#v=onepage&q&f=fa
lse [archive]
21. ↑ Lénine, « Thèses d’avril », Pravda, 7 (20) avril 1917 (lire en
ligne [archive]).
22. ↑ Marc Ferro, La Révolution d’Octobre, L’Humanité en marche, Éd. du
Burrin, 1972, p. 49.
23. ↑ Eliane Gubin, Le siècle des féminismes, Editions de
l'Atelier, 2004(ISBN 9782708237292, lire en ligne [archive])
24. ↑ Marc Ferro, La Révolution de 1917, Albin Michel, 1997, p. 94-95.
25. ↑ Léo Figuères, Octobre 17. La révolution en débat, éditions Le Temps
des cerises, Paris, 1995, p. 253.
26. ↑ Cette thèse trouve son origine dans le discours des mencheviks
russes et dans les analyses du théoricien marxiste allemand Karl
Kautsky. Rosa Luxemburg, La Révolution russe, Éditions de l’Aube,
coll. « l’Aube poche essai », 2007, p. 8-9.
27. ↑ Marc Ferro, « Pourquoi Février ? Pourquoi Octobre? », in La
Révolution d’Octobre et le Mouvement ouvrier européen, EDI, Paris,
1967, p. 17.
28. ↑ « Les thèses d’avril de Lénine et la chute de
Milioukov »(Archive • Wikiwix • Archive.is •Google • Que faire ?) (consulté le 5 mai 2013),
encyclopédie Encarta.
29. ↑ Marc Ferro (avec Jean Ellenstein), La Révolution d’Octobre,
L’Humanité en Marche, Éd. des Burins, 1972.
30. ↑ John Keegan, La Grande Guerre, Perrin, 1989.
31. ↑ John Keegan, La Grande Guerre, op. cit., et Marc Ferro, Nazisme et
communisme. Deux régimes dans le siècle, Hachette, coll. « Pluriel »,
1999, p. 16. Cependant, selon Robert O. Paxton, « si le général
Kornilov avait réussi dans son entreprise, l'issue la plus probable aurait
été une simple dictature militaire, car la démocratie était en Russie un
concept encore trop neuf pour fournir la mobilisation de masse contre-
révolutionnaire caractéristique d'une réaction fasciste. », Le fascisme
en action, Seuil, p. 196.
32. ↑ Jean-Jacques Marie, La Guerre civile russe, p. 17.
33. ↑ « Partage noir » est le nom d'une organisation contestataire
populiste anti-tsariste née en 1879, au moment de la scission avec
l'organisation terroriste Narodnaïa Volia.
34. ↑ Léon Trotsky, « Marée montante » [archive], dans son Histoire de la
révolution russe.
35. ↑ Michel Heller et Aleksandr Nekrich, L’Utopie au pouvoir, op.
cit., p. 25. Marc Ferro, d’après le compte rendu des débats, précise
qu’en « revendiquant le pouvoir pour son parti, très minoritaire, Lénine
ne provoqua pas l’indignation des députés mais un immense éclat de
rire » ». La Révolution de 1917, op. cit., p. 473.
36. ↑ 1917, documentaire diffusé sur Arte le 7 novembre 2007.
37. ↑ Richard Pipes 1993, p. 457
38. ↑ Richard Pipes 1993, p. 463-464
39. ↑ Marc Ferro ajoute qu'il ne faudrait pas « accorder trop de foi ou de
signification à ces chiffres ». La Révolution de 1917, op. cit., p. 849.
40. ↑ Jean-Jacques Marie, Lénine, Paris, Balland, 2004, p. 215.
41. ↑ Jean-Jacques Marie, Lénine, p. 217.
42. ↑ Cité par Marc Ferro, La Révolution de 1917, op. cit., p. 851.
43. ↑ Lénine, Œuvres complètes, tome 35, p. 36.
44. ↑ Voir Michael Löwy, « La révolution d’Octobre et la question
nationale : Lénine contre Staline » [archive], Critique
communiste, no 150, automne 1997.
45. ↑ « Regardez la Commune de Paris. C’était la dictature du
prolétariat. » Engels, préface à La Guerre civile en France de Karl
Marx, cité par Kostas Papaïoannou dans Marx et les marxistes,
Flammarion, 1972, p. 223.
46. ↑ Marc Ferro, La Révolution de 1917, op. cit., p. 307.
47. ↑ Titre d’un chapitre d’Hélène Carrère d'Encausse, Lénine, Fayard,
1997.
48. ↑ Alessandro Mongili, Staline et le stalinisme, Casterman, 1995.
49. ↑ Léon Trotsky, Ma vie, Gallimard, coll. « Folio », Paris, 2004, p. 403-
408.
50. ↑ Rosa Luxemburg, La Révolution russe, op. cit., p. 15.
51. ↑ Marc Ferro (avec Jean Elleinstein), La Révolution d’Octobre,
L’Humanité en Marche, Éd. du Burin, 1972, p. 95.
52. ↑ Nicolas Werth, « Paradoxes et malentendus d’Octobre », in Le Livre
noir du communisme, Robert Laffont, 1997, p. 49-51.
53. ↑ Léon Trotsky, Histoire de la révolution Russe (lire en
ligne [archive]), p. Congrés de Smolny
54. ↑ Nicolas Werth, L’URSS de Lénine à Staline, coll. « Que sais-je ? »,
1998, p. 17.
55. ↑ Nicolas Werth commente : « Étant donné le retard économique de la
Russie, le passage économique au communisme ne se fera pas,
contrairement aux prévisions de Marx, par le "dépérissement" de l’État,
mais au contraire, par le contrôle étatique sur toutes les sphères de
l’économie. » Histoire de l’Union soviétique de Lénine à Staline, PUF,
coll. « Que sais-je ? », 1998, p. 17. Il ajoute que les Bolcheviks
n’avaient pas de programme économique précis, s’inspirant dès lors
de l’exemple allemand, et que dans l’état où ils trouvent l’industrie,
l’autogestion eût été catastrophique.
56. ↑ Boris Souvarine, Staline. Aperçu historique du bolchevisme, Plon,
1935, sur les premiers jours du régime.
57. ↑ Nicolas Werth, Histoire de l’Union soviétique de Lénine à Staline
(1917-1953), op. cit., p. 18.
58. ↑ Jean-Jacques Marie, La Guerre civile russe, 1917-1922, p. 19.
59. ↑ Novaïa Jizn', 7 décembre 1917.
60. ↑ Selon Marc Ferro, La Révolution de 1917, 1967, p. 863. Parmi eux,
la Retch [La Parole], organe central du parti des cadets (qui continue à
paraître sous d’autres titres jusqu'en juillet 1918) ; Dien [le Jour],
quotidien de tendance libérale-bourgeoise financé par les
banques ; Birjovka ou Birjévyié Viédomosti [La Gazette de la Bourse],
journal bourgeois fondé en 1880 dans des buts commerciaux.
Selon Nicolas Werth, certains seraient des journaux socialistes, ce que
contestent Marc Ferro et Victor Serge. Dans La Révolution russe, op.
cit., Richard Pipes qualifie Dien de journal menchevique et parle en
outre de l'interdiction de Nache obsheie delo, « entièrement
antibolchevique » et de Novoie Vremia, « de droite » (p. 479). Il ajoute
que « la plupart des quotidiens interdits reparurent très vite sous des
noms différents ».
61. ↑ Pensées intempestives, Maxime Gorki, Éditions l'Age d'homme,
Lausanne, 1975.
62. ↑ « Par le passé […] Lénine s’était fait alors le chantre de la liberté de
la presse […] moins de trois mois plus tard, il oublie ce texte intitulé
"Comment assurer le succès de l’Assemblée constituante ?". Une fois
le pouvoir acquis, il est devenu hostile et à la presse libre, et à la
Constituante ». Hélène Carrère d'Encausse, Lénine, Fayard,
1998, p. 350. Lénine répond ainsi le 7 novembre aux SR de gauche
qui protestent contre l’interdiction de journaux bourgeois : « N'avait-on
pas interdit les journaux tsaristes après le renversement du
tsarisme ? ».
63. ↑ Iouri Larine propose ainsi au comité exécutif central une motion
réclamant l’abolition des mesures contre la liberté de la presse, motion
qui n’est rejetée qu’à deux voix près.
64. ↑ Marc Ferro, La Révolution de 1917, 1967, p. 863.
65. ↑ Le décret sur l'arrestation des chefs de la guerre civile contre la
révolution (Pravda, no 23, 12 décembre (29 novembre) 1917) déclare
que « Les membres des organismes dirigeants du parti cadet sont
passibles d'être arrêtés et déférés devant les tribunaux
révolutionnaires ».
66. ↑ Arno Joseph Mayer, Les Furies : Violence, vengeance, terreur, aux
temps de la Révolution française et de la révolution russe, p. 215-219 :
« S'il n'y avait pas eu de "preuves" d'une résistance implacable juste
après la prise du pouvoir, les bolcheviques auraient très probablement
renoncé à la terreur (...) En novembre 1918 encore, alors que le
clivage ami-ennemi était consommé, Lénine prétendait non sans
raison que "nous procédons à des arrestations mais que nous ne
recourons pas à la terreur" notamment contre des frères ennemis. ».
Voir aussi Pierre Broué, « Les débuts du régime soviétique et la paix
de Brest-Litovsk » [archive], dans Le Parti bolchevique [archive] ;
ou Edward Hallett Carr, La Révolution russe.
67. ↑ Nicolas Werth, L'URSS de Lénine à Staline, Que sais-je ?,
1995, p. 8.
68. ↑ (en) Isaac Steinberg, In the Workshop of the Revolution, Rinehart,
1955, p. 145.
69. ↑ Dans La Terreur sous Lénine, Le Livre de Poche, 1998.
70. ↑ La Vérité, 26 janvier 1918.
71. ↑ Le Journal du peuple, 24 janvier 1918.
72. ↑ Martin Malia, La Tragédie soviétique. Histoire du socialisme en
Russie, 1917-1991, Seuil, p. 158. De même selon Moshe Lewin, « les
forces qui avaient soutenu le gouvernement provisoire n'étaient pas
davantage capable de produire une équipe dirigeante en janvier 1918
qu'elles ne l'avaient été en septembre 1917. », Le Siècle soviétique,
Fayard, p. 359.
73. ↑ Nicolas Werth, Histoire de l'URSS de Lénine à Staline, op. cit., 1998.
74. ↑ Nicolas Werth, in Le Livre Noir du Communisme, Robert
Laffont, p. 95.
75. ↑ Nicolas Werth, « Un État contre son peuple », in Le Livre noir du
communisme, op. cit., p. 106.
76. ↑ Marc Ferro, Les tabous de l'Histoire, 2005.
77. ↑ G. Kostyrtchenko, La politique secrète de Staline : pouvoir et
antisémitisme, Moscou, Relations internationales, 2001, p. 56.
78. ↑ Martine Acerra, Jean Meyer, Histoire de la marine française, éditions
Ouest-France, 1994, p. 331 à 338.
79. ↑ Orlando Figes, La révolution russe. La tragédie d'un peuple, Robert
Laffont, 2007, p. 708
80. ↑ George Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme. La
brutalisation des sociétés européennes, Hachette, Pluriel.
81. ↑ Voline, La Révolution inconnue. Russie 1917-1921, Belfond, 1986.
82. ↑ v, The Cheka: Lenin's Political Police, Oxford Clarendon Press,
1981.
83. ↑ Lettre du 13 novembre 1937, recueillie dans Maria Spiridonova,
terroriste et victime de la Terreur, V. L. Lavrov, 1996 (lettre reproduite
dans Les cahiers du mouvement ouvrier, no 3, p. 89-92). Maria
Spiridonova consacre l'essentiel de sa lettre à dénoncer les sévices
subit dans la prison d'Ourfa de 1936 à1937, en notant le
« changement complet » que constituait sur ce point son internement
vis-à-vis de sa précédente détention au début des années 1920.
84. ↑ L'anarchiste Voline témoigne dans La Révolution inconnue (Belfand,
1986, p. 593) [1] [archive] du procès d'un prêtre ukrainien reconnu
délateur par la communauté villageoise.
85. ↑ Jean-Jacques Marie, De l'inventeur du “décret des otages” [archive].
86. ↑ Peter Holquist, op. cit., p. 191.
87. ↑ Cité par Peter Holquist, op. cit., p. 193.
88. ↑ Orlando Figes, La Révolution russe. 1891-1924 : la tragédie d'un
peuple, Éditions Denoël, 2007, p. 713-714.
89. ↑ Larousse de la Grande Guerre,2007, dir. par Alain
Cabanes, p. 326. Vladimir Nabokov, ancien ministre de la Justice et
père de l'écrivain, est un des maîtres-d'œuvre de la tentative.
90. ↑ Selon l'anarchiste Voline, participant actif de la Makhnovchtchina,
in La Révolution inconnue, op. cit., p. 580 : « Tous ceux que l'on savait
être des ennemis actifs de la paysannerie et des ouvriers étaient
voués à la mort. De gros propriétaires fonciers et des koulaks périrent
en grand nombre. » Il décrit ensuite (p. 593) la traque, le procès
populaire et l'exécution d'un prêtre convaincu au témoignage des
villageois d'avoir dénoncé plusieurs dizaines de personnes aux Blancs,
qui les avaient fusillés.
91. ↑ Sabine Dullin, Histoire de l'URSS, La Découverte, coll.
« Repères, » p. 8.
92. ↑ Marc Ferro, Des soviets au communisme bureaucratique, Julliard,
1980, introduction.
93. ↑ Nicolas Werth, « Un État contre son peuple », op. cit., p. 95.
94. ↑ Par exemple Peter Kenez, The ideology of the White Movement,
in Soviet Studies, 1980, p. 58-83 ; Civil War in South Russia, 1919-
1920 : The Defeat of the Whites, 1977. Voir aussi Moshe Lewin, « The
Civil War », in Party, State and Society, p. 399-423.
95. ↑ Le Siècle des communismes, Éditions de l'Atelier, « Points Seuil »,
2004, p. 190-191.
96. ↑ Cité par Jean-Jacques Marie, La Guerre civile russe, 1917-
1922, p. 88.
97. ↑ Peter Kenez, Civil war in South Russia, 1919-1920, p. 173-174.
98. ↑ Robert O. Paxton, Le fascisme en action, Seuil, 2004, p. 49.
99. ↑ Miklós Molnar, Histoire de la Hongrie, Hatier, 1996, p. 339
100.↑ Le seul ordre de campagne publié par Ungern, qui accordait une
valeur mystique aux nombres. Voir Léonid Youzéfovitch, Le baron
Ungern, Khan des steppes, Éd. des Syrtes p. 223-227.
101.↑ Léonid Youzévofitch, ibid, p. 224.
102.↑ « Lorsqu'ils [les insurgés] capturent des soldats de l'Armée rouge, ils
séparent les communistes des autres et laissent les premiers nus
dehors, dans le froid, jusqu'à ce qu'ils meurent gelés […]. Quant aux
hommes des détachements de réquisition capturés, les paysans leur
découpent le ventre, leur arrachent les intestins, leur remplissent le
ventre de paille ou de foin et plantent sur la victime un écriteau
proclamant « réquisition terminée ! ». », Jean-Jacques Marie, La
Guerre civile russe, p. 200.
103.↑ Nicolas Werth, « Un État contre son peuple », in Le Livre Noir du
Communisme, Robert Laffont, 1997.
104.↑ Selon Sabine Dullin, Histoire de l'URSS, op. cit., 3700 affiches sont
ainsi créées pendant la guerre civile.
105.↑ Selon Nicolas Werth, Histoire de l'URSS de Lénine à Staline, op. cit.,
la moitié du ravitaillement urbain en 1920 est assurée par le marché
noir.
106.↑ Voline, Cronstadt (1921), La Révolution inconnue, Livre
troisième : Les luttes pour la véritable révolution sociale (1918-1921),
1947, lire en ligne [archive].
107.↑ Ida Mett, La Commune de Kronstadt, crépuscule sanglant des
soviets, éditions Spartacus, 1977, troisième partie, [lire en ligne [archive]].
108.↑ « À la fin de l'année 1920, le gouvernement bolchevique autorise
l'avortement. La même année, la France renforce sa répression et
criminalise l'avortement. », Alain Blum, Naitre, vivre et mourir en
URSS, Payot, Paris, 2004, p. 173.
109.↑ Dan Healey, Homosexual Desire in Revolutionary Russia The
Regulation of Sexual and Gender Dissent, Chicago, Londres : The
University of Chicago Press, 2001, 392 p. Voir la recension de
l'ouvrage [archive] dans les Cahiers du monde russe.
110.↑ Voir Radu Clit, La Sexualité collective : de la révolution bolchevique
à nos jours, Paris, Éditions du Cygne, 2007.
111.↑ Aller à :a et b Marc Ferro, « Octobre, tournant dans l'histoire de
l'émancipation de la femme », dans La Révolution de 1917, p. 354-
355.
112.↑ « La révolution d'Octobre et les droits des femmes », Lava Media, 14
janvier 2018(lire en ligne [archive], consulté le 30 janvier 2018)
113.↑ André Morizet, Chez Lénine et Trotsky, Édition La Renaissance du
Livre, 1919. Voir aussi reproduction du témoignage dans Les Cahiers
du CERMTRI, no 92.
114.↑ André Morizet, op. cit.
115.↑ Sous le tsarisme, deux écoles seulement formaient des instituteurs
non russes. Leur nombre est passé à vingt-sept en 1920. André
Morizet, op. cit.
116.↑ Voir « La culture et l'art au lendemain de la révolution d'octobre
1917 », in Les Cahiers du mouvement ouvrier, n° 37, premier trimestre
2008.
117.↑ « L'art n'est pas un domaine où le Parti est appelé à commander. Il
protège, stimule, ne dirige qu'indirectement. Il accorde sa confiance
aux groupes qui aspirent sincèrement à se rapprocher de la révolution
et encourage ainsi leur production artistique. Il ne peut pas se placer
sur les positions d'un cercle littéraire. Il ne le peut pas, et il ne le doit
pas. », Léon Trostky, La politique du parti en art [archive], 1924.
118.↑ Jean-Michel Palmier, « Histoire de l'art et marxisme », in Esthétique
et marxisme, UGE-10/18, 1974.
119.↑ Jean-Michel Palmier in Sur l'art et la littérature, recueil de textes de
Lénine, volume 3, UGE-10/18, 1976, p. 245.
120.↑ Jean-Michel Palmier in Sur l'art et la littérature, recueil de textes de
Lénine, volume 1, UGE-10/18, p. 81.
121.↑ Anatole Kopp, « Avant-garde », in Art Russe, Encyclopaedia
Universalis éditeur, 1977, p. 530.
122.↑ Le poète Kirinov, membre du Proletkoult, proclame : « Au nom de
notre avenir, nous brûlerons Raphaël, nous détruirons les musées et
nous piétinerons les fleurs de l'art. »
123.↑ Léon Trostky polémique notamment contre les membres du
Proletkoult, voir La politique du parti en art [archive], 1924.
124.↑ Aller à :a et b Nicolas Werth, coll. « Que sais-je ? », op. cit., p. 22.
125.↑ A.G. Volkov, cité par Jean-Jacques Marie dans La guerre civile
russe, 1917-1922, p. 6.
126.↑ Sabine Dullin, Histoire de l'URSS, op. cit., p. 19, mentionne que
40 % de la population des deux capitales est employée dans les
bureaux en 1920.
127.↑ Sabine Dullin, Histoire de l'URSS, op. cit., p. 19, montre que le
nouvel « État ouvrier » se construit paradoxalement avec des
bureaucrates d'origine intellectuelle, employée ou petite-bourgeoise.
La petite-bourgeoisie représente ainsi 57 % des exécutifs des soviets
de province.
128.↑ Marc Ferro, Des Soviets au communisme bureaucratique, Julliard,
1980.
129.↑ Voir notamment Nicolas Werth, « Un État contre son peuple »,
dans Le Livre noir du communisme, Robert Laffont, 1997.
130.↑ Arno J. Mayer, Les Furies : Violence, vengeance, terreur aux temps
de la Révolution française et de la révolution russe, Fayard, 2002.
Ainsi selon l'auteur : « La Terreur est interactive, et l'on peut affirmer
sans risque que dans le sillage des révoltes de 1789 et de 1917, il n'y
aurait pas eu de terreur si la résistance intérieure et extérieure ne
s'était montrée aussi opiniâtre et aussi intransigeante », p. 86.
131.↑ Marc Ferro, Des soviets au communisme bureaucratique. Les
mécanismes d'une subversion, op. cit., passim.
132.↑ « Dans une phase supérieure de la société communiste, quand
auront disparu l'asservissante subordination des individus à la division
du travail et, avec elle, l'opposition entre le travail intellectuel et le
travail manuel [...], alors seulement l'horizon borné du droit bourgeois
pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses
drapeaux « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses
besoins ! » », Karl Marx, Critique du programme de Gotha [archive],
1875.
133.↑ Marc Ferro, L'Occident devant la révolution russe, 1969.
134.↑ Jacques Bainville, « Journées révolutionnaires à Pétrograd »,
dans L'Action française, 17 mars 1917.
135.↑ Cité par Chronique du XXe siècle, Ed. Chroniques, « Le tsar abdique
face à la révolution de Février », p. 221.
136.↑ Pierre Broué, Histoire de la IIIe Internationale, Fayard, 1999.
137.↑ L'importance de la mémoire de la Révolution française dans l'accueil
et l'interprétation de 1917 a été soulignée par le livre
de François Furet, Le passé d'une illusion : essai sur l'idée
communiste au XXe siècle, Paris, Librairie générale
française, coll. « Livre de poche » (no 14018), 1996, 824 p. (ISBN 978-2-
253-14018-4, OCLC 416223141).
138.↑ Nicolas Werth, « Que reste-t-il de la révolution
d'Octobre ? », L'Humanité, 7 novembre 2007 (lire en ligne [archive],
consulté le 14 mai 2018)
139.↑ (en) « USSR: Communist Party: 1917-1952 (Politburo) » [archive],
sur www.archontology.org (consulté le 14 mai 2018)
140.↑ Boris Souvarine, Staline. Aperçu historique du bolchevisme, Plon,
1935, toujours réédité et utilisé, reprend explicitement en bonne part
les thèses du jeune Trotsky, de Karl Kautsky et de Rosa Luxembourg
pour décrire les continuités entre le bolchevisme d’avant 1917, celui de
la révolution et de la guerre civile, et l’ère stalinienne.

Annexe[modifier | modifier le code]
Articles connexes[modifier | modifier le code]

 Histoire de Russie
 Union des républiques socialistes soviétiques
 Commune de Paris (1871)
 Révolution russe de 1905
 Fin du régime tsariste en Russie
 Mutinerie des soldats russes à La Courtine
 Révolution de Février
 Révolution d'Octobre
 Guerre civile russe
 Guerre russo-polonaise de 1920
 Intervention alliée en Russie septentrionale
 Mutineries de la mer Noire
Les différents partis[modifier | modifier le code]
 Bolchevik
 Menchevik
 Parti socialiste-révolutionnaire
 Parti socialiste-révolutionnaire de gauche
 Parti Cadet
Les Internationales[modifier | modifier le code]

 Association internationale des travailleurs


 Internationale ouvrière (Deuxième Internationale)
 Internationale communiste (Troisième Internationale)
 Internationale communiste ouvrière
 Quatrième Internationale
Bibliographie[modifier | modifier le code]
 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

 Léon Trotski, Histoire de la révolution russe, 2 vol., 1930, rééd.


Paris, Le Seuil, 1950.  .
 John Reed et Vladimir Pozner, Dix jours qui ébranlèrent le
monde [« Ten days that shook the world »], Le club français du
livre, coll. « Récits » (no 23), 1958 (OCLC 25532138, lire en
ligne [archive]).  .
 Isaac Deutscher, La Révolution inachevée: cinquante années de
révolutio n en Union Soviétique, 1917-1967., Robert
Laffont, 1967 (OCLC 802771337).
 Marc Ferro, La Révolution de 1917, Paris,
Aubier, coll. « historique », 1967, 2 vol 1 : La chute du tsarisme
et les origines d'Octobre. --1967. -- 606 p. 2 : Octobre :
naissance d'une société. --1976. --517 p (ISBN 978-2-700-70053-
4, OCLC 300398990).  .
 Oskar Anweiler et Serge Bricianer (trad. Serge
Bricianer, préf. Pierre Broué), Les Soviets en Russie: 1905-1921,
Gallimard, 1972.
 Edward Carr (trad. Micheline Pouteau), La révolution
bolchevique (1917-1923, vol. 3 : La Russie soviétique et le
monde, Paris, les Éditions de minuit, coll. « Arguments », 1974,
608 p. (ISBN 978-2-707-30035-5, OCLC 490024162).
 Edward Carr (trad. Andrée Jacquenet et Micheline Pouteau), La
révolution bolchevique (1917-1923, vol. 2 : L'Ordre économique,
Paris, les Éditions de minuit, coll. « Arguments », 1974,
421 p. (ISBN 978-2-707-30030-0, OCLC 416547261).
 Edward Carr, La révolution bolchevique (1917-1923, vol. 1 : La
Russie soviétique et le monde, Paris, les Éditions de
minuit, coll. « Arguments », 1974, 608 p. (ISBN 978-2-707-30035-
5, OCLC 32566795).
 Martin Malia (trad. Alain Besancon), Comprendre la révolution
russe, Paris, Seuil, coll. « Histoire » (no H45), 1980,
244 p. (ISBN 978-2-020-05421-8, OCLC 868634051).  .
 (en) David Mandel, The Petrograd workers and the Soviet
seizure of power : from the July Days 1917 to July 1918, London,
Macmillan in association with Centre for Russian and East
European Studies, University of Birmingham, coll. « Studies in
Soviet history and society », 1984 (ISBN 978-0-333-30937-
7, OCLC 849045288).
 Leonard Schapiro, Les Bolchéviks et l'opposition. Origines de
l'absolutisme communiste. Premier stade (1917-1922.), Paris,
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 Pierre Broué, Le parti bolchevique [archive], 1963.
 Lire la révolution russe [archive], bibliographie critique dans la
revue trotskiste Socialisme International, numéro 10, 2004.
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russes (1918-1921) [archive], avril 2008.
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