Vous êtes sur la page 1sur 17

Revue d'histoire de la pharmacie

Aphrodisiaques et médicaments de la reproduction chez Ibn al-


Jazzar, médecin et pharmacien maghrébin du Xe siècle
Radhi Jazi

Citer ce document / Cite this document :

Jazi Radhi. Aphrodisiaques et médicaments de la reproduction chez Ibn al-Jazzar, médecin et pharmacien maghrébin du
Xe siècle. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 75ᵉ année, n°273, 1987. pp. 155-170.

doi : 10.3406/pharm.1987.2883

http://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1987_num_75_273_2883

Document généré le 16/10/2015


Aphrodisiaques et médicaments

de la reproduction

chez Ibn al-Jazzar,

médecin et pharmacien maghrébin

du Xe siècle

NOUS
d'Ibn avons
al-Jazzar,
eu l'occasion,
médecin etdans
pharmacien
cette revue
maghrébin,
1, d'évoquer
qui alevécu
millénaire
à Kai-
rouan au Xe siècle (898-980).
Ibn al-Jazzar peut être considéré comme le « père de la pharmacie
arabe ». Il est l'un des premiers à avoir séparé l'acte médical de l'acte
pharmaceutique, tout en maintenant leur complémentarité. Dans son domicile, la salle de
consultation et la pharmacie sont aménagées dans des salles indépendantes.
L'uvre d'Ibn al-Jazzar est imposante. On n'a cependant retrouvé que 10
de ses ouvrages sur les 43 titres recensés. Ils traitent de la médecine et de la
pharmacie et ont été traduits, dès la fin du Xe siècle, dans les langues
scientifiques de l'époque : latin, grec et hébreu.
Nous étudions ici quelques médicaments rapportés dans les ouvrages
d'Ibn al-Jazzar et leurs effets sur les organes de la reproduction. Nous aurons
l'occasion de constater que nombre d'entre eux, notamment parmi les «
simples », sont encore utilisés de nos jours, souvent pour les mêmes indications, et
que beaucoup figurent dans la pharmacopée française ou y ont été réinscrits
entre 1974 et 1976, en raison de leur activité thérapeutique ; d'autres
continuent à faire partie de notre pharmacopée traditionnelle.

Conférence prononcée aux XXXVe Journées Pharmaceutiques Internationales de Paris, le


2 octobre 1985.
1. Cf. R.H.P. n° 268, mars 1986, p. 5-12, et n° 269, juin 1986, p. 108-120.
REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE. XXXTV, N° 273. JUIN 1987.
156 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

LES MÉDICAMENTS DE LA SEXUALITÉ ET DE LA REPRODUCTION


CHEZ IBN AL-JAZZAR

Dès le Moyen-Age, les Arabes manifestent un intérêt particulier pour les


problèmes de la sexualité, qui constitue pour eux une préoccupation majeure,
diversement interprétée.
Leurs soucis dans ce domaine sont de divers ordres : impératif religieux,
équilibre physique, raisons sociales et démographiques.
Les soucis d'ordre religieux ont souvent la priorité. La sexualité occupe
une place importante dans la praxis islamique.
La société arabo-islamique est régie par une philosophie propre, émanant
de sa religion, l'Islam, dont les préceptes sont consignés dans le Coran sacré et
dans les « Hadiths » ou paroles du Prophète Mohammed.
Le Coran accorde aux problèmes de la vie intime, de la sexualité et de la
reproduction, une place primordiale.
Entre le « sexuel » et le « sacral », il existe des liens, des relations
réciproques codifiées par le Coran et explicitées dans les « Hadiths ».
La « jouissance » et la « foi » sont indissociables, elles se complètent
harmonieusement : « Une société équilibrée, dit A. Bouhdiba, donne une
sexualité équilibrée ».
La religion islamique dicte à l'homme son comportement.
Le devoir sexuel est une notion sacrée, l'acte est un impératif. Dans le
couple, il y a une complémentarité. Les rapports sexuels sont des rapports
naturels qui permettent l'épanouissement du couple. La jouissance est un bienfait
de Dieu.
Le Coran dit aux hommes : « Vos femmes sont un vêtement pour vous, et
vous êtes un vêtement pour elles... Cohabitez avec elles et recherchez ce
qu'Allah a prescrit pour vous » 2.
L'union est donc une obligation ; mais elle doit se réaliser dans le cadre du
mariage : « l'homme qui se marie, dit Mahomet, acquiert la moitié de sa
religion ».
L'amour et la foi sont donc à égalité. Les musulmans se doivent, dans leur
vie, de tendre à harmoniser ces deux notions clés, à réaliser le juste équilibre
entre les devoirs religieux et ceux du mariage.
L'amour n'est pas seulement acte physique, manifestation de sentiment,
éthique de la vie, il est aussi une soumission à la volonté de Dieu, un impératif
pour l'homme comme pour la femme.
La sexualité a un caractère sacré.

2. Sourate « La génisse ». II. 183-187. - . Tjj ^L-J f^J\ 3 pJU^L*) cr*


Traduction R. Blachère du Coran.
APHRODISIAQUES ET MÉDICAMENTS DE LA REPRODUCTION 157

Parallèlement à cette philosophie de la sexualité en Islam, il y a aussi un


autre aspect à considérer : c'est celui qui vise, à travers le mariage et l'amour,
à l'accroissement démographique de l'espèce humaine, notamment de la
communauté islamique. « Mariez-vous et procréez, dit le Prophète ; vous serez
pour moi un élément de fierté parmi les nations, au jour de la Résurrection » 3.
Ceci explique que, dans l'histoire arabo-musulmane, l'amour et la
sexualité aient toujours voulu tendre vers l'efficacité et la conservation de l'espèce.
Les défaillances, les anomalies, les « malheurs » dans ce domaine ont toujours
préoccupé médecins et pharmaciens, ce qui justifie l'intérêt qu'ils ont porté
aux remèdes de la sexualité et des organes de la reproduction.
En consacrant plusieurs chapitres dans ses ouvrages notamment dans
le « Zad al-mousafïr » (ou « Viatique ») et dans l'« Al-Itimad des médicaments
simples » aux problèmes de la sexualité et de la reproduction, Ibn al-Jazzar
ne fait que se conformer aux prescriptions de la religion islamique et respecter
les traditions de la société dans laquelle il vit.
Cette préoccupation sera d'ailleurs maintenue par Avicenne né l'année
même de la mort d'Ibn al-Jazzar, en 980 par Al-Biruni, par Ibn al-Baytar et
par bien d'autres non moins célèbres.
Les médicaments simples ou composés d'Ibn al-Jazzar, les formules qu'il
prescrit s'inspirent parfois des Anciens tels Dioscoride et Galien ou des
Modernes, tels Ishaq ibn Imrane et Ishaq ibn Souleyman, dont il est l'élève.
Mais il rapporte également des compositions personnelles dont il a vérifié
l'efficacité. Il ne fait état d'aucun remède qu'il n'ait auparavant soumis à
l'expérimentation.
Son sens de l'observation, son esprit critique, ses idées personnelles ont
guidé ses choix dans la formulation et la prescription.
Dans notre exposé, nous passerons en revue quelques exemples de
médicaments, simples ou composés, rapportés dans trois ouvrages choisis de
l'auteur : le « Zad al-moussafir », ou Viatique ; l'« Itimad des médicaments
simples » ; le « Traité de médecine des pauvres et des déshérités ».
Ils concernent les domaines suivants : aphrodisiaques, anaphrodisiaques,
contraceptifs, abortifs, emménagogues.
Nous commenterons les remèdes proposés et attirerons l'attention sur
ceux qui continuent à être en usage de nos jours.

3. En arabe: " * L^L" f>** f*^1 f-£*U» ^V»« |j_L~Ls y^Shz '
Cette notion démographique se retrouve dans les 2 autres religions monothéïques, l'Islam en
étant le continuateur. Le Christ dit : « Multipliez et croissez ». Chez les Juifs de Jerba (Tunisie)
orthodoxes en matière de religion l'homme fait « lit à part » durant la lre moitié du cycle de
l'épouse ; l'abstinence est de rigueur. Mais, dès le 1 5e jour, il doit se remettre dans le lit conjugal et
reprendre ses activités sexuelles à une période où les chances de la fécondation sont maximales.
C'est donc le même esprit de procréation et d'accroissement démographique qu'on retrouve dans
les trois religions monothéïques.
158 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

I. LES APHRODISIAQUES

Les aphrodisiaques 4 sont utilisés depuis la plus haute antiquité. Il s'agit


des médicaments ou substances qui excitent ou augmentent l'appétit génési-
que.
Nous venons de passer en revue les raisons, d'ordre religieux et
démographique, de l'intérêt porté par les médecins arabo-musulmans aux
médicaments de la sexualité.
L'école de Joundisapur 5, représentée par les Bakhtichou et les Mesué
dont le plus célèbre est Youhanna ibn Massaouih, plus connu en Europe sous
le nom de Jean de Mesué (IXe siècle) puis Rhazès et Ibn al-Jazzar, tous deux
contemporains, suivis per Avicenne et Al-Burini (au XIe siècle), puis Ibn al-
Baytar (XIIIe siècle) Daoud al-Antaki (XVIe siècle), se sont tous intéressés aux
aphrodisiaques 6.
Ibn al-Jazzar consacre aux aphrodisiaques tout le chapitre Ier du livre VI
du« Viatique », intitulé :« De la défaillance dans le coït et de l'impuissance ».
Dans son introduction, il écrit : « Il arrive que la verge exerce sa fonction
normalement, mais sans avoir envie de recommencer ». Puis il explique le
mécanisme de l'érection et décrit les cas de défaillance ou d'impuissance.
Sa théorie mérite d'être rapportée :
1° Lorqu'un homme éprouve le désir sexuel ou se le provoque par
fantasme, un « vent » (ou « courant » ?) animal ( '^.J^ù l>*^ f-^ ) part du cur,
traverse le corps et afflue vers le « muscle » de la verge ; celle-ci se gonfle, se

4. Ce mot vient du grec, et dérive d'Aphrodite, déesse de l'amour, identifiée à Vénus. Dans la
mythologie grecque, Aphrodite est tantôt la fille de Zeus et de Dioné, et tantôt la fille d'Ouranos (le
Ciel) dont les organes sexuels tranchés par Cronos son plus jeune fils qu'il eut de Gaïa (la Terre)
tombèrent dans la mer et engendrèrent la Déesse, la « Femme-née-des-vagues » ou bien « née-
du-sperme du Dieu ». A sa sortie de la mer, Aphrodite fut portée par les Zéphyrs jusqu'à la côte de
Chypre.
Aphrodite eut plusieurs amants. De ses amours avec Ares nacquirent Eros, Antéros et d'autres
enfants (cf. P. Grimai, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, P.U.F., 1976).
5. Joundisapur est une ville du Khourassan, en Perse. Son école médicale a été fondée par le
médecin chrétien Nestorius, en 435. En l'an 765, le calife Al-Mansour fait venir à Bagdad Georgius
Baktichou qu'il engage comme médecin personnel. Le fils de celui-ci sera le médecin de Haroun
al-Rachid.
6. Nous pouvons ajouter ici le nom du Cheik Mohammed al-Nefzaoui qui a vécu à Tunis, au
XVIe siècle : il a écrit, à la demande du 1er ministre du Sultan Abdelaziz al-Hafsi qui gouverna
l'Algérie et la Tunisie, sous la dynastie des Hafsides un ouvrage intitulé : « Ar-raoudh al-ater »
ou « Le jardin parfumé » qui traite des aphrodisiaques et des divers modes de faire l'amour. Ce
livre continue d'être régulièrement édité à Tunis, où il connaît toujours une grande vogue dans les
milieux populaires : c'est un fascicule de 84 pages, vendu sur les étalages des libraires ambulants.
Signalons que cet ouvrage a été traduit en français par le Baron de R..., capitaine d'état-major
à Alger, en 1850 (Bibliothèque des Curieux, 4, rue de Furstenberg, Paris VIe). Il est cité dans
l'article de A. Marcailloux d' Aymeric sur Les Aphrodisiaques dans l'ancienne médecine arabe (cf. Bulletin
des Sciences Pharmaceutiques, juin 1935. t. XLII, p. 140.
APHRODISIAQUES ET MÉDICAMENTS DE LA REPRODUCTION 159

raidit, l'urèthre se dilate. L'érection permet alors d'accomplir « l'acte naturel


pour lequel cet organe a été créé ».
2° Il arrive, d'autre part, que le sperme se raréfie, que 1' ejaculation
diminue, avec perte de l'appétit sexuel. Cela provient du foie, estime Ibn al-Jazzar.
Trois cas sont alors considérés :
a) Certaines personnes ressentent le « vent » puissant émanant du cur,
mais « l'humidité » conséquente est absente ; l'érection a lieu, mais avec ané-
jaculation.
b) D'autres ne ressentent pas ce « vent » venant du cur, mais «
l'humidité » est sécrétée abondamment. Il y a émission involontaire de sperme, mais
sans érection.
c) D'autres personnes enfin éprouvent le désir sexuel, mais il n'y a ni
érection, ni ejaculation. C'est l'impuissance proprement dite.
Par ailleurs, selon Ibn al-Jazzar, l'érection est influencée par divers
facteurs. C'est ainsi que la chaleur stimule le désir sexuel et l'humidité augmente
le volume du sperme ; par contre, le froid inhibe le désir et la sécheresse réduit
le volume du sperme éjaculé.
Ibn al-Jazzar adopte ici la théorie des quatres éléments d'Empédocle,
reprise également par Galien.
La densité de la chevelure est aussi prise comme critère de virilité. Se
référant à Aristote, Ibn al-Jazzar affirme que l'homme velu, aux poils abondants,
est beaucoup plus porté vers l'amour.
L'auteur énumère ensuite de nombreux aphrodisiaques. Il les classe en
trois catégories : aliments, médicaments, produits à la fois aliments et
médicaments.
Passons en revue quelques exemples d'aphrodisiaques rapportés par Ibn
al-Jazzar dans les trois ouvrages cités.

A. ALIMENTS GÉNÉRATEURS DE SPERME

1. Pois-chiche : i/*>- (Homs-Cicer aromaticum L., Légumineuses),


cité dans le « Viatique ».
« Le pois-chiche, dit l'auteur, présente les qualités requises pour un bon
aphrodisiaque : il est « chaud », « humide », engendre les « vents », et il est
nutritif.,. ». Il dit encore des pois chiches : « Ils sont générateurs de sperme,
même pris seuls, sans adjonction d'autres produits ; ils sont efficaces ».
2. Fève : *)L_ïl< (Bakella Fa va vulgaris L., ou Phaseolus sativus,
Légumineuses), rapporté dans le « Viatique ».
La fève est aphrodisiaque, mais l'auteur dit qu'étant « froide », il faut y
apporter un « correctif » en lui adjoignant une drogue « chaude » ; il propose
l'un des correctifs suivants : poivre, gingenbre, galanga, ou sécacul. La fève
ainsi améliorée engendrera un sperme abondant.
160 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

3. Autres aliments aphrodisiaques, cités dans le « Viatique » :


a) d'origine végétale : figues, oignons, graines de pithents ;
b) d'origine animale : viandes fraiches, cervelles, jaunes d'ufs, lait de
vache, « qu'il faut boire régulièrement ».
Ces produits d'origine animale sont riches en substances protéïques et en
corps gras. Les jaunes d'ufs et le lait de vache renferment des vitamines, lipo-
solubles et hydrosolubres, et leur cholestérol est une source de phosphore
assimilable qui excite la nutrition générale. Le phosphore est considéré comme
tonique nervin, préconisé notamment dans l'anaphrodisie.

B. MÉDICAMENTS APHRODISIAQUES

Ibn al-Jazzar prescrit des médicaments simples et des médicaments


composés.
Les « simples » appartiennent généralement au règne végétal,
exceptionnellement au règne animal.
Certaines familles botaniques sont largement représentées dans la
gamme aphrodisiaque : Labiées, Zingibéracées, Lauracées, Orchidées,
Crucifères, Conifères, Myrtacées, etc. Il est à noter que de nombreuses drogues
prescrites par Ibn al-Jazzar proviennent de diverses régions du monde, souvent
lointaines, telles l'Inde, la Chine, Java et Sumatra ; d'autres viennent du
Moyen-Orient ou des pays d'Occident. En cas de pénurie ou de coût élevé,
l'auteur conseille souvent des produits de substitution, dont les prix sont plus
abordables.
La liste des aphrodisiaques simples est longue. Nous avons inventorié
dans l'« Itimad » 22 drogues simples aphrodisiaques. De nombreux
médicaments, simples ou composés, figurent dans le « Viatique ». Enfin, dans le
« Traité de médecine des pauvres », nous n'avons relevé que 3 médicaments :
le cresson, le céleri, l'eau de menthe additionnée de vinaigre.
Voici quelques exemples dans le « Zad-al-Mousafir » (Viatique) et dans
l'« Itimad ».

a) Médicaments d'origine animale


1. Iscancor : jy-±£-~ l (Sacancor), cité dans le « Viatique ».
Il s'agit du « Scinque », selon Lucien Leclerc 7 Lacerta scincus
« Seine », ou « Stin marin », selon la « pharmacopée royale » de Moyse Cha-
ras. C'est un reptile saurien, sorte de lézard qu'on trouve notamment en
Egypte.

7. Cf. « Traité des simples » d'Ibn al-Baytar, traduction du Dr Lucien Leclerc (vol. II, p. 264).
Cependant, Kazimirski, dans son dictionnaire arabe-français, a bien donné le nom d'Iscancor à ce
reptile (t. I, p. 1960).
APHRODISIAQUES ET MÉDICAMENTS DE LA REPRODUCTION 161

Selon Ibn al-Jazzar, l'Iscancor est un aphrodisiaque puissant.


Cette propriété sera confirmée par Ibn Sina (Avicenne) dans le « Canon de
la médecine » ( v-J*!' ^ o^**-" ) 8, puis par Daoud al-Antaky, qui
précisent que l'érection est telle qu'il faut parfois la calmer par la laitue, les
lentilles, le camphre ou d'autres anaphrodisiaques.
Mais Ibn al-Jazzar n'indique ni la région employée, ni la forme, ni la
posologie.
Ses successeurs le précisent : Avicenne conseille la « région des reins »,
Al-Antaky la zone du « nombril » ainsi que la graisse salée et desséchée. Sept à
huit siècles après Ibn al-Jazzar, Moyse Charas dira que la partie employée est
« l'endroit du corps où doivent être les reins et le ventre ».
Nicolas Lémery, dans son « Traité universel des drogues simples »
approuvé en 1697, confirmant la vertu du « Seine marin », propre « pour
exciter la semence », précisera qu'il doit être pris « intérieurement, en poudre » et
« la dose en est une dragme ».
D'une manière générale, le traitement des insuffisances sexuelles par les
lézards est connu depuis fort longtemps.
2. Musc : (Mise), cité dans l'« Itimad » (f° 140 r°). Le musc est,
rappelons-le, la sécrétion d'un chevrotain, Moschus moschiferus L., Mammifère
ruminant du Thibet et autres régions d'Asie.
Cette sécrétion très odorante est « chaude du 2e degré », dit Ibn al-Jazzar ;
elle est aphrodisiaque : « Si on prend un peu de musc, dit-il, qu'on le mélange
avec de l'huile de giroflée jaune ( <jr*<ll= Keïri, Cheiranthus Chairi L.,
Crucifères), puis qu'on en enduise ensuite le gland de la verge, ce produit provoque
une ejaculation abondante et un coït prolongé ».
Commentaire
Le musc était inconnu des Anciens ; Dioscoride et Galien ne l'ont pas
mentionné. Ce sont les Arabes qui, les premiers, l'ont introduit dans la
pharmacopée. Il est cité par le Phrophète Mohamed, qui le conseille comme
médicament. Il sera utilisé durant des siècles. N. Lémery dit « qu'il rétablit les forces
abattues..., il excite la semence ». Le musc figurait encore au Codex 1937. Il est
admis qu'il agit favorablement sur les fonctions génitales.
b) Médicaments d'origine végétale
Vu leur grand nombre, nous citerons quelques exemples, choisis dans le
« Viatique » et l'« Itimad ».
1. Satyrion : '. t"*1* cr-**" » ù -"*>-« (Khousa athaâlab, ou Bouzïda-
ne, au Maghreb). Satyrium hircina L., ou Orchis Hircina Grantz-Orchidées. Le
nom de cette plante vient du grec, il signifie : « membre viril », selon N.
Lémery, « parce que les racines de cette plante ont la figure de testicules d'un
animal et qu'elles excitent la semence ».

8. Ibn Sina, « Al-Canoun fi-tib » (texte arabe), vol. 1, p. 389, Édition Librairie Al-Muthanna,
Baghdad et Dar-Sader, Beyrouth (sans date).
162 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

Cette plante a des appellations variées, selon l'image que s'en fait
l'observateur : pour les Arabes, c'est « Testicules de renard » (traduction de
« Khousa athaâlab ») ; pour les Français, c'est « Testicule de chien » ou encore
« Grand testicule de chien » ; les Anglais la nomment « Lizard orchis ».
Quelle que soit la comparaison, tout le monde est d'accord que le satyrion
évoque les testicules, organes de la virilité. Ceci expliquerait peut-être le
recours à cette drogue.
Son odeur est également évocatrice : odeur de sperme pour les uns, de
bouc pour les autres.
Pour Ibn al-Jazzar, le satyrion est un aphrodisiaque puissant. Cette
propriété lui est reconnue depuis l'Antiquité. Se référant à Dioscoride, Ibn
al-Jazzar dit : « il suffit de tenir à la main la racine de satyrion pour provoquer le
désir sexuel » ; il en indique la posologie, dans 1' « Intimad » : « pris à la dose
de 2 mithqals (8,24 g), le satyrion donne une forte envie de coïter » (f° 201 v°).
Avicennereprend cette vertu d'aphrodisiaque puissant dans le « Canon »
(Vol. I, p. 454) et ajoute une curieuse propriété, comparant pudiquement
le satyrion à « deux olives superposées », il dit : « si l'homme consomme la
grosse olive, il engendrera des garçons ; si la petite olive est mangée par la
femme, elle donnera naissance à des filles ».
Et la tradition continuera. Lémery dira, huit siècles plus tard, que la
« racine » de satyrion est « propre pour exciter la semence et pour disposer à la
conception ».
2. Gingembre : J «jy; (Zenjabil), Zingiber officinalis Roscoe, Zin-
gibéracées.
Ibn al-Jazzar recommande le gingembre dans ses deux ouvrages : « Zad
al-mousafir » (Viatique) et l'« Itimad ». Il le conseille sous forme de
médicament simple ou de médicament composé.
« Le Gingembre, dit-il dans l'« Itimad », est digestif et aphrodisiaque ; il
entre dans de nombreux confits... Il est excellent pour le coït... Le rob de
gingembre engendre un sperme abondant et fait durer le plasir ». En cas de
pénurie, le gingembre provenant de l'Inde et autres contrées lointaines, l'auteur
dit : « on peut lui substituer le poivre blanc ou le poivre noir » (f° 175 v°).
Commentaire
Connu des Anciens et cité par Doscoride, le gingembre occupe une place
importante dans la pharmacopée arabe. Il est cité dans le Coran 9, il revêt un
caractère sacré. La tradition religieuse, selon Abou Saïd al-Khoudhari,
compagnon du Prophète, rapporte que l'empereur de Byzance aurait offert au
Phrophète une jarre pleine de gingembre. Il en aurait alors offert à toutes les
personnes présentes.

9. Verset : - y ,J:y0 L_J^t>. CL5 L-tf L-fc*i o^^-O "


« Ils y seront abreuvés d'un verre d'une boisson à base de gingembre ».
APHRODISIAQUES ET MÉDICAMENTS DE LA REPRODUCTION 163

3. Galanga : o« »^iy>- (Khoulanjan). Alpinia officinarum Hance, ou


galanga off. Andr., Zingibéracées.
C'est Al-Kindi, médecin arabe du IXe siècle, qui, le premier, aurait
introduit le galanga dans la pharmacopée.
Cette drogue est largement conseillée par Ibn al-Jazzar, en médicament
simple ou composé ; dans ses ouvrages, il écrit : « le galanga active le sperme
et le rend abondant... Si l'on garde dans la bouche de la racine de galanga
(rhizome), il provoque une érection durable » (« Viatique », f° 217 r° ; «
Al-Itimad », f° 185 r°). Il semble qu'il s'agisse d'une réaction instantanée.
L'auteur envisage le cas de pénurie et propose de remplacer alors le
galanga « par 1 dirham de cannelle de Chine ou l'équivalent de son poids de
semence d'ortie« (« Al-Itimad »).
Avicenne, qui a également longuement parlé du galanga, propose de le
remplacer par « l'équivalent de son poids de cannelle giroflée », donc par une
autre drogue « chaude ».
Le Rhizome de galanga a été réinscrit à la Pharmacopée française en 1 975 .
La liste des médicaments simples aphrodisiaques est longue, et nous ne
pouvons dans cet exposé les passer tous en revue. Nous avons donc dressé
l'inventaire des drogues simples mentionnées dans « Al-Itimad », dans l'ordre de
l'ouvrage.

Commentaire
Ce tableau permet de faire les constatations suivantes :1° Sur les 22
drogues simples, il y en a 20 qui sont d'origine végétale et 2 d'origine animale : le
musc et le ramek.
2° Ces drogues sont « chaudes », parfois piquantes, à des degrés divers,
selon la classification de l'auteur qui distingue quatre degrés.
3° Elle sont toutes aphrodisiaques ; certaines sont plus puissantes que
d'autres. Elles ont aussi des propriétés spécifiques. Ainsi, selon Ibn al-Jazzar,
le mangoustan, la luzerne, le musc, l'ortie et le gingembre prolongent le coït,
font « durer le plaisir » : il en est ainsi, selon l'auteur, du sécacul, de l'ortie, du
souchet qui stimulent l'érection et la font durer. D'autres enfin engendrent un
sperme abondant, tels : le mangoustan, le frêne, la luzerne, le musc, la menthe,
les behen, le souchet, le gingembre et le galanga.Ces vertus seront admises
pendant des siècles, et N. Lémery dira de la plupart de ces drogues qu'elles
sont « propres pour exciter la semence », pour « l'augmenter », « fortifier les
parties vitales » et pour « hâter la conception ». Le safran est « hystérique ».
D'une manière générale, on reconnaît actuellement à la majorité des
drogues citées par Ibn-Al-Jazzar des propriétés aperitives, toniques ou
stimulantes ; certaines sont employées comme condiment ou épice, et ceci justifie
amplement les vertus aphrodisiaques qui leur ont été attribuées par l'auteur.
Il est intéressant de constater que 14 drogues sur les 22 de la liste d'« Al-
Itimad » sont inscrites à la Pharmacopée Française.
APHRODISIAQUES ET MÉDICAMENTS DE LA REPRODUCTION 165

C. PRODUITS APHRODISIAQUES QUI SONT A LA FOIS


ALIMENTS ET MÉDICAMENTS

Ibn- Al-Jazzar distingue ici les produits « simples » et les « composés ». Ils
sont nombreux, dans le « Viatique ».
a) Produits simples
Il cite les produits suivants, d'origine végétale :
1. Navet: f^ty (Seljem Brassica napus L., Crucifères).
2. Asperge : oi-L» (Helioun Asparagus officinalis L., Liliacées).
Ce sont les semences qu'il emploie.
3. Roquette : -r-**^* (Jarjir Brassica eruca L. ou E. Sativa Mill,
Crucifères). Ce sont les semences, selon l'auteur, qui sont aphrodisiaques.
Avicenne le confirme : le suc de roquette a une « efficacité immédiate » (vol. II,
p. 539). Bien avant, Columelle, auteur latin du Ier siècle, avait déjà écrit, dans
son « De re rustica » : « Excitet ut veneri tardos Eruca maritos » !
4. Carotte: jj-+ (Jazar Sfennaria est le nom vernaculaire en
Tunisie Daucus carota L., Ombellifères).
Pour Ibn-Al-Jazzar, toutes ces drogues sont « chaudes » ; elles sont « à la
fois aliments et médicaments », et il conseille d'en préparer également des
mélanges, dans des proportions variées, « adaptées à chaque cas ».
b) Produits composés
On trouve de nombreuses formules dans le « Zad-al-Mousafir »
(Viatique).
Nous nous limiterons cependant à deux exemples types : l'électuaire
aphrodisiaque de Mesué et l'électuaire dénommé « Préventif des sinistres »,
composé par Ibn al-Jazzar.

Électuaire aphrodisiaque de Mésué (f° 216 r°)


4-t9L« Qf* ur/>-^

Ibn al-Jazzar décrit cet électuaire composé par Jean de Mesué, qui «
stimule l'érection » et est aphrodisiaque.
Formule :

Gingembre J ***>>} j aâ 5 mithqals =


Poivre «J **» ./'-» ' 20,60g
Semences de piment J ^ Vr > aâ 20 m = 82,40 g
Semences de souchet f IP* «?<-* '
Sésame décortiqué J0 s-ps ... 10 m = 41,20 g
Sisymbre rouge j -1 ^H?-s >
o- u ui
Sisymbre blanc ,a__J ^->>~
uf*-*»1 ; - \> aa5 m = 20,60g
166 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

Semences d'oignon de Syrie s?-*^ J-** >-<


Semences de roquette ^ ^^.Jt jj^
Semences de carotte ,j »JI -^
, , , , _rt
c
Semences d,, ortie
^. .
«% ^, ,;_, J aâ 6 dirhams = 18,50 g
«oVt
Frêne ,/-*»LaaJI 0
Laurier j\ *J* J«^
Pignons décortiqués j~&» j~&~* v~» aâ 15 d = 46,20 g

Posologie :
« boire de cet électuaire 2 dirhams ( = 6,16 g), avec de l'eau tiède, 2 fois
par jour : le matin à jeun et le soir avant de se coucher », précise l'auteur.
« C'est un électuaire merveilleux », affirme Ibn al-Jazzar.
Commentaire
Il faut remarquer ici la probité d'Ibn al-Jazzar, qui cite toujours le nom
des auteurs des médicaments rapportés dans ses ouvrages.
Cet électuaire a été composé par Youhanna ibn Massaouih, Jean de
Mesué, célèbre médecin chrétien du IXe siècle qui a vécu et exercé à Bagdad.
L'ensemble des composants a des vertus aphrodisiaques confirmées.
Précisons que le sésame (Sesamum indicum ou radiatum, Pédaliacées),
jeljelane en Tunisie (non rappelant son deuxième nom français : Jugeoline),
est toujours consommé en Tunisie ; il entre dans la « halwa », pâte sucrée à
base de sésame, en vogue dans les pays arabes ; elle est encore considérée
comme fortifiante et aussi aphrodisiaque d'appoint.
Il en est de même des pignons (senaoubar ou bondouk), qu'on mélange
avec des raisins de Corinthe ; on en fait des pâtisseries et on les ajoute au thé
vert à la menthe fraîche.
On peut donc dire que l'électuaire de Mesué est composé de drogues à
nette prédominance « chaude », et les effets aphrodisiaques qui lui sont
attribués semblent probants.

Électuaire d'Ibn al-Jazzar, dénommé :


« Le préventif des sinistres »
(f°216 v°) : J^jl 0>/l al^L.. . .«UJt J^SfovV*

Formule :
Cannelle de Chine sT~~" +**-j*J
Costus doux y '* » -*
Nard Indien ^ =* J k~ f aâ 7 mithquals =
Safran ob j ( 28'84 «
Graines de fenouil large \j-tj? e-^l» v><
Gingembre J ***~j
APHRODISIAQUES ET MÉDICAMENTS DE LA REPRODUCTION 167

Feuilles de menthe desséchées


Origan (sommités fleuries) aâ 7 mithqals =
Marjolaine 28,84 g
Écorces de Cannellier casse
Malabathrum
Poivre noir
Poivre blanc
Asaret aâ 4 mithqals =
Semences d'ortie 16,48 g
Carvi
Girofle
Galanga
Sécacul
Pyrèthre
Cardamome aâ 2 mithqals =
Semences de radis 8,24 g
Semences de navet
Sésame mondé
Noix décortiquée
Pistache aâ 10 mithqals =
Amandes douces mondées 41,20 g
Pignons
Sucre blanc

Posologie et mode d'emploi : « prendre chaque jour, par voie buccale,


l'équivalent d'une noix, avant et après les repas ».
« C'est un électuaire parfait » selon son auteur.

Commentaire
C'est encore un électuaire dont les composants ont des propriétés «
chaudes ».
Une précision nous semble intéressante au sujet du cardamome (Kakila,
Hal ou Hil en arabe, Cardamomum longum, C. medium, Eletteria cardamo-
mum ou Petit cardomome et autres variétés commerciales de Zingibéracées) :
c'est ce fameux « hil » aromatique qu'on ajoute au café dans les pays du
Moyen-Orient ; ses vertus stimulantes, stomachiques et aphrodisiaques sont
toujours « à la mode ».
Les Français, tout en ayant réinscrit le « petit cardamome », le plus
estimé, à la Pharmacopée en 1974, ne semblent guère le connaître. Mais les
168 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

Anglais, comme les Arabes du Moyen-Orient, l'apprécient et en font une bonne


consommation .
Dernière remarque : les formules des électuaires d'Ibn al-Jazzar et
d'autres formes pharmaceutiques qu'il prescrit peuvent paraître assez longues,
parfois exagérées. Il faut rappeler qu'il s'agit d'une « mode » héritée des
Anciens et qui se retrouve encore en France avec les médicaments composés
des XVIIe et XVIIIe siècles, avec « des formules plus ou moins compliquées »,
selon l'expression de Fabre et Dillemann 120.
Il peut être intéressant ici de comparer les électuaires d'Ibn al-Jazzar avec
celui prescrit, huit siècles plus tard, par Moyse Charas, dans sa « Pharmacopée
Royale » (1697) ; il s'agit de l'électuaire de satyrion.

Électuaire de Satyrion

L'Électuarium de Satyrio décrit par Moyse Charas dans sa «


Pharmacopée royale » rappelle curieusement, dans son ensemble, la composition de
celui d'Ibn al-Jazzar.

Formule :
Racines de Satyrion « bien nourries »
Racines d'Eringyium, confites
Pistaches mondées
Noix muscade > r..
, s confits
Gingembre )
Reins de Scinque (Renum Scincorum)
Priape de cerf
Testicules de cerf (« séchées auparavant à la cheminée »)
Poivre long
Cardamome
Semences de Roquette
Musc
Ambre gris
« Huile » de girofle
Huile de Cannelle
Le tout, préparé jusqu'à « consistance d' électuaire » est conservé dans un
pot de « fayance » bien bouché.
« Cet électuaire, dit Moyse Charas, est propre pour rétablir les forces
abattues ; il fortifie et échauffe ceux que les Latins nomment frigidos et maleficia-
tos, il multiplie la semence et provoque et dispose les personnes au jeu
d'amour. Il sert à l'un et à l'autre sexe... La dose est depuis un dragme jusqu'à
deux... On peut continuer de renouveler l'usage suivant le besoin, et même en

10. R. Fabre et G. Dillemann : Histoire de la Pharmacie, Coll. « Que sais-je ? », n° 19, p. 101.
APHRODISIAQUES ET MÉDICAMENTS DE LA REPRODUCTION 169

prendre jusqu'à demi-once pour quelque occasion extraordinaire » (lre partie,


p. 240-242).
On retrouve le même humour chez Ibn al-Jazzar et chez Charas.

D. APHRODISIAQUES EN USAGE EXTERNE

Il s'agit de médicaments utilisés en application locale sur les organes


génitaux.
lre prescription de l'auteur (f° 217 v° et f° 218 r°) (« Viatique ») :
oindre la verge et les testicules avec l'une des huiles suivantes :

Huile de giroflée jaune or^-1' ùJùj


Huile de narcisse c^_»vjJI ^ j
Huile de nard indien o*Jjk-" o-* J
Huile de costus (arabique) Ja-JLjJl^j
Huile de violette Cr**< oJbJ
Huile de semences de courge £>-*"*?** o-* J
Huile de sésame £/>-*$ q-* j
Huile de nénuphar jfyXèo-*-*

ou d'autres huiles d'activité similaire.

2e prescription (f° 217 v°) : il s'agit d'une préparation originale : prendre


des fourmis noires ailées, vivantes, les mettre dans une bouteille, puis y
déverser de l'huile d'iris ( J-**; o-* J ) î exposer au soleil pendant cinq jours, filtrer.
Mode d'emploi : oindre avec l'huile obtenue « l'objet du désir » ( jj^ji)
ainsi que la verge ; l'érection se déclenche. Par « objet du désir », l'auteur
semble vouloir indiquer la vulve ou le clitoris. En effet, les Arabes ont prescrit des
aphrodisiaques à employer en application locale chez la femme (19) et qui
sont, en fait, des « massages clitoridiens » provoquant le désir sexuel.

**
*

Les formules aphrodisiaques, par voie interne ou externe, abondent chez


Ibn al-Jazzar et il faut savoir se borner.
Nous constatons qu'il s'agit essentiellement d'aphrodisiaques masculins,
destinés à exciter l'appétit sexuel chez l'homme.
Mais Ibn al-Jazzar a-t-il pour autant négligé la femme ?
Dans la conclusion de son chapitre sur les aphrodisiaques, dans le «
Viatique » (f° 218° r°-v°), il écrit notamment : « Nous avons trouvé également
d'autres facteurs qui complètent l'emploi des médicaments prescrits et les
170 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

conseils que nous avons donnés et qui sont de nature à favoriser le désir et
augmenter l'activité sexuelle ».
Ces facteurs sont, d'après l'auteur :
a) d'ordre psychologique : l'homme doit se débarrasser de ses soucis, de
ses chagrins, qui sont des inhibiteurs sexuels ;
b) d'ordre physique : il se réfère ici à Polémon, auteur grec du IIe siècle,
célèbre par un traité sur la physiognomonie ; celui-ci conseille une
préparation préliminaire à l'acte, afin de provoquer le désir par le couple. La femme
doit « se faire belle », dit-il. Il évoque le flirt, tel qu'il est pratiqué en ces temps
modernes. Il est clair que l'épouse ne doit pas être négligée, et qu'elle doit
participer activement aux plaisirs de l'amour.
Cependant, nous n'avons pas trouvé dans les ouvrages d'Ibn-al-Jazzar
d'aphrodisiaques féminins, tels que ceux décrits par A. Marcaillou d'Ayme-
ric (1 1), qui admet d'ailleurs qu'il s'agit de produits « empruntés à la
sorcellerie », à l'exception du massage clitoridien.

A suivre. Dr Radhi JAZI


77, av. de la Liberté
1002 Tunis. Tunisie

1 1 . A. Marcaillou d'Aymeric : Les aphrodisiaques dans l'ancienne médecine arabe, article cité
en bibliographie.

Vous aimerez peut-être aussi