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CO N S T R U C T I O N E T T R AVAU X P U B L I C S

Ti541 - Mécanique des sols et géotechnique

Comportement d’ouvrages
géotechniques sous sollicitations
complexes
Réf. Internet : 42706

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Mécanique des sols et géotechnique
(Réf. Internet ti541)
composé de  :

Modèle géotechnique de calcul Réf. Internet : 42238

Calcul et suivi d’ouvrages géotechniques Réf. Internet : 42219

Comportement d’ouvrages géotechniques sous sollicitations Réf. Internet : 42706


complexes

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Mécanique des sols et géotechnique
(Réf. Internet ti541)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Daniel DIAS
Professeur des universités, responsable du département Géotechnique de
Polytech' Grenoble

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Éric ANTOINET Philippe LIAUSU


Pour l’article : C262 Pour l’article : C255

Stéphane BRÛLÉ Maxime MARTHE


Pour les articles : C251 – C253 Pour l’article : C262

Sébastien BURLON Didier MAZET-BRACHET


Pour l’article : C264 Pour l’article : C257

Yu-Jun CUI Gérard PHILIPPONNAT


Pour les articles : C302 – C303 Pour l’article : C2682

Fahd CUIRA Claude PLUMELLE


Pour les articles : C251 – C253 Pour l’article : C255

Félix DARVE Philippe REIFFSTECK


Pour les articles : C218 – C221 Pour l’article : C254

Pierre DELAGE Jean-Pierre ROSSETTI


Pour les articles : C302 – C303 Pour l’article : C257

Yvon DELERABLÉE Jean-François SEMBLAT


Pour l’article : C264 Pour l’article : C260

Julien HABERT Jean-François SERRATRICE


Pour l’article : C264 Pour l’article : C261

Didier HANTZ Luc SIBILLE


Pour l’article : C257 Pour les articles : C218 – C221

Emmanuel JAVELAUD
Pour les articles : C261 – C260

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VI
Comportement d’ouvrages géotechniques sous
sollicitations complexes
(Réf. Internet 42706)

SOMMAIRE

1– Comportement dynamique des sols et Eurocodes 8 Réf. Internet page

La liquéfaction des sols sous l'effet de séismes C261 11

Bases de l'interaction sol-structure sous séisme. Principes généraux et effets inertiels C251 19

Base de l'interaction sol-structure sous séisme. Effets cinématiques et stabilité C253 25


sismique
Effets de site sismique pour les ouvrages de surface C260 31

Stabilité des pentes. Glissements en terrain meuble C254 39

Risques naturels gravitaires. Géologiques et torrentiels C257 43

Amélioration et renforcement des sols. Traitements sans adjuvants C255 49

2– Applications spécialisées Réf. Internet page

Comportement mécanique des sols non saturés C302 61

Sols non saturés. Applications au calcul des ouvrages C303 67

Géostructures thermiques. Présentation du fonctionnement thermique et mécanique C264 73

Modèles de comportement élasto-visco-plastiques des géomatériaux C218 81

Modèles de comportement micro-mécaniques des géomatériaux C221 87

Constructions métalliques. Fondations pour pylônes et mâts C2682 93

Fondations des éoliennes en sites terrestres C262 97

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VII
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Comportement d’ouvrages géotechniques sous
sollicitations complexes
(Réf. Internet 42706)

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1– Comportement dynamique des sols et Eurocodes 8 Réf. Internet page

La liquéfaction des sols sous l'effet de séismes C261 11

Bases de l'interaction sol-structure sous séisme. Principes généraux et effets inertiels C251 19

Base de l'interaction sol-structure sous séisme. Effets cinématiques et stabilité C253 25


sismique
Effets de site sismique pour les ouvrages de surface C260 31

Stabilité des pentes. Glissements en terrain meuble C254 39

Risques naturels gravitaires. Géologiques et torrentiels C257 43

Amélioration et renforcement des sols. Traitements sans adjuvants C255 49

2– Applications spécialisées

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Référence Internet
C261

La liquéfaction des sols sous l’effet


de séismes
par Emmanuel JAVELAUD
EDF-DI-TEGG, Aix-en-Provence (France)
1
et Jean-François SERRATRICE
CEREMA, Aix-en-Provence (France)

1. Observation de la liquéfaction des sols.................................................... C 261 - 3


1.1 Observation in situ du phénomène ........................................................... — 3
1.2 Notions de base pour expliquer la liquéfaction des sols......................... — 4
1.3 Nature et propriétés physiques des sols................................................... — 6
1.4 Facteurs influant sur la sensibilité à la liquéfaction des sols .................. — 7
2. Résistance des sols à la liquéfaction......................................................... — 9
2.1 Comportement cyclique des sols .............................................................. — 9
2.2 Essais de laboratoire................................................................................... — 10
2.3 Essais in situ ................................................................................................ — 16
2.4 Attendus des méthodes de laboratoire et in situ ..................................... — 18
3. Études de la liquéfaction des sols dans les projets de construction ..... — 19
3.1 Schéma d’organisation des études ........................................................... — 19
3.2 Opportunité de liquéfaction des sols ........................................................ — 19
3.3 Susceptibilité des sols à la liquéfaction .................................................... — 19
3.4 Quantification du risque de liquéfaction des sols .................................... — 20
3.5 Prévision des effets de la liquéfaction....................................................... — 21
3.6 Traitement des sols..................................................................................... — 21
3.7 Aspects réglementaires .............................................................................. — 21
4. Susceptibilité des sols à la liquéfaction.................................................... — 21
4.1 Sols susceptibles de se liquéfier................................................................ — 21
4.2 Critères......................................................................................................... — 22
5. Quantification de la liquéfaction et de ses effets .................................... — 23
5.1 Quantification du coefficient de sécurité à la liquéfaction par
l’approche simplifiée .................................................................................. — 23
5.2 Évaluation des effets de la liquéfaction .................................................... — 26
5.3 Méthodes en contraintes effectives........................................................... — 27
5.4 Application aux projets de constructions ................................................. — 27
6. Dispositifs de prévention contre la liquéfaction des sols ....................... — 28
6.1 Augmentation de la résistance au cisaillement cyclique des sols .......... — 29
Parution : octobre 2018 - Dernière validation : août 2021

6.2 Réduction de l’action sismique.................................................................. — 29


6.3 Amélioration du drainage du sol ............................................................... — 30
7. Conclusion ................................................................................................... — 30
8. Glossaire ...................................................................................................... — 31
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. C 261

a liquéfaction des sols concerne le plus souvent des couches de sol mou à
L dominante sableuse et saturé en eau. Elle se manifeste par une perte de
résistance brutale qui, dans des circonstances défavorables, peut dégénérer en
une rupture catastrophique.
Les séismes sont à l’origine de la plupart des désordres liés à la liquéfaction
des sols lesquels apparaissent comme des phénomènes induits en matière de
risque sismique.

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Référence Internet
C261

LA LIQUÉFACTION DES SOLS SOUS L’EFFET DE SÉISMES ___________________________________________________________________________________

Les sols les moins résistants sont les plus vulnérables. Le risque est accentué
en présence de mouvements forts.
La liquéfaction des sols sous séisme est connue pour être à l’origine de tas-
sements ou de ruptures de fondations superficielles et de fondations
profondes ayant mis en péril les structures portées, bâtiments et ouvrages
d’art. La liquéfaction des sols se trouve aussi à l’origine de l’endommagement
ou de la destruction d’ouvrages en terre (remblais, murs, digues, barrages) et
1 d’ouvrages portuaires (quais, terre-pleins).
Enfin, les faibles pentes situées aux abords de plans d’eau (mer, lacs) et de
rivières se sont souvent révélées vulnérables à ce phénomène et le théâtre de
ruptures catastrophiques.
Cette présentation de la liquéfaction des sols se fonde sur les observations
post-sismiques de terrain. Elle est trop vague pour être utilisable devant la
diversité des situations rencontrées, mais elle recèle les principaux aspects du
problème.
La perte de résistance au cisaillement du sol, vu ici comme le passage du sol
d’un état solide à un état liquide, se rapporte au comportement mécanique du
sol et elle relève des principes de base de la mécanique des sols. À ce titre, le
phénomène de liquéfaction des sols a pu être reproduit en laboratoire, ce qui a
permis une interprétation des mécanismes en jeu et du rôle des facteurs qui
les contrôlent. Ces facteurs sont nombreux, à commencer par :
– la nature du sol (sable, limon, argile) ;
– sa compacité ;
– ses propriétés physiques ;
– les conditions de site, etc.
Ces différents aspects feront l’objet d’un premier paragraphe où il va être
indiqué que diverses définitions ont été données de la liquéfaction des sols et
de ses effets, suivant que l’on s’intéresse aux observations de terrain, au com-
portement des ouvrages ou aux essais de laboratoire.
En matière de risque sismique, la liquéfaction des sols constitue un véritable
danger pour les constructions concernées. La volonté de réduire la vulnérabi-
lité des constructions passe, pour commencer, par l’amélioration des
connaissances du phénomène et le développement de méthodes d’évaluation
du risque.
À ce titre, le second paragraphe vise à situer le phénomène de liquéfaction
des sols dans le cadre plus général du comportement dynamique des sols. Les
principes qui s’en dégagent sont inscrits dans les méthodes de reconnais-
sances géotechniques des sites, qui sont conduites au moyen d’essais in situ
ou d’essais de laboratoire, en vue de mesurer les paramètres pertinents du
problème dans les projets de construction. La résistance cyclique du sol
constitue le premier de ces paramètres. Des détails sont fournis sur ces
diverses méthodes.
Les démarches en usage pour prendre en compte la liquéfaction des sols
dans les projets de construction sont exposées au paragraphe trois. Cela
concerne les ouvrages neufs ou les ouvrages existants. Ces démarches se
déroulent par étapes successives d’évaluation du risque, de quantification des
données géotechniques et sismiques, puis de conception des ouvrages en lien
avec les mécanismes de rupture à prévenir, en prévoyant ou pas un traitement
des sols.
Ces démarches sont encadrées par les réglementations en vigueur, dont
l’élaboration répond aussi à la volonté de réduction de la vulnérabilité des
constructions.
La susceptibilité du sol à la liquéfaction concerne le comportement méca-
nique du sol, sa résistance notamment, et elle implique diverses propriétés
physiques et mécaniques du sol, pour constituer un sous-ensemble de para-
mètres dont la connaissance est nécessaire à l’évaluation du risque de
liquéfaction de la couche de sol. Ces notions sont reprises et détaillées au

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Référence Internet
C261

____________________________________________________________________________________ LA LIQUÉFACTION DES SOLS SOUS L’EFFET DE SÉISMES

paragraphe quatre, en évoquant les critères en usage pour départager les sols
sensibles ou non sensibles.
Pour un site donné, les problèmes de liquéfaction des sols sous séisme
mettent en balance les caractéristiques du mouvement sismique à l’échelle du
site (amplitude, durée) avec la résistance cyclique du sol. Le chapitre cinq pré-
sente une méthode simplifiée qui consiste à comparer la contrainte de
cisaillement induite par le mouvement sismique dans la couche de sol avec la
résistance au cisaillement cyclique du sol.
Le sol est liquéfiable si la contrainte induite est plus grande que la résistance.
1
Des détails sont indiqués sur la mise en œuvre de cette méthode historique qui
a vu le jour dans les années 1970.
Depuis, les méthodes dédiées à l’analyse des problèmes de liquéfaction des
sols se sont enrichies avec l’amélioration des connaissances du comportement
cyclique des sols et l’évolution des moyens techniques pour l’identification des
sols liquéfiables et la conception des projets. Des indications sont données
dans la suite du chapitre cinq quant à ces nouvelles méthodes d’évaluation des
effets de la liquéfaction des sols.
Enfin, devant les enjeux de préservation des constructions, la réduction du
risque de liquéfaction ne peut se concevoir sans envisager de traiter les sols
pour les rendre moins vulnérables. Le paragraphe six fournit quelques indica-
tions sur les techniques employées pour constituer les dispositifs de
prévention contre la liquéfaction.

1. Observation Aujourd’hui, des analyses détaillées ont été menées à bien dans
des sites liquéfiés ou des sites instrumentés. Elles dépassent les
de la liquéfaction des sols simples observations de surface.
Ces données apportent un éclairage précieux sur les sollicita-
tions et les réponses des couches superficielles pendant les mou-
vements forts, à l’échelle des sites et des ouvrages concernés par
1.1 Observation in situ du phénomène les problèmes de liquéfaction des sols.

1.1.1 Importance des observations 1.1.2 Modes de rupture des massifs de sols
Par ses conséquences, le mécanisme de liquéfaction des sols a Les déformations et les ruptures induites par la liquéfaction des
été observé depuis longtemps dans les régions de forte sismicité sols peuvent prendre l’apparence de celles provoquées par les
([24], [25]). Mais son interprétation n’a été perçue qu’après le pre- chargements statiques présents dans le massif ou apportés par
mier quart du XXe siècle. les constructions (pente naturelle, fondations, ouvrages en terre,
Il a été reproduit au laboratoire sur des sables de faible densité etc.) ou par les forces d’inertie sismiques (qui prévalent pendant
au début des années 1950, pour la première fois, ce qui a permis le temps d’un séisme).
de trouver une explication en terme de mécanique des sols [32]. Toutefois, en termes de mécanismes, les charges statiques et
Devant la variété des ruptures des sols par liquéfaction et leurs les forces inertielles provoquent des désordres lorsqu’elles
facteurs déclenchant, diverses définitions ont été données de la dépassent la résistance du sol, tandis que les désordres induits
liquéfaction des sols et de ses effets. Elles répondent à différentes par la liquéfaction proviennent d’une perte apparente de raideur
préoccupations, selon que l’on s’intéresse aux observations de et de résistance du sol.
terrain, aux essais de laboratoire, ou bien au comportement des
ouvrages. Généralement, dans le cas de la liquéfaction, la dégradation des
propriétés mécaniques s’étend à toute l’épaisseur d’une couche
Les observations post-sismiques effectuées depuis la surface de sol, ce qui donne une autre échelle aux problèmes. Les méca-
dans les sites dévastés par les effets de la liquéfaction des sols nismes de rupture de la couche de sol liquéfié dépendent alors
sont confuses, car la plupart des facteurs qui ont présidé à la rup- des conditions aux limites cinématiques du problème et des
ture ne sont pas – ou ne sont plus – perceptibles. conditions initiales de chargement statique.
Ces facteurs sont nombreux et seront examinés plus loin
■ Champs libres
(nature du sol, état, propriétés, conditions de site, etc.). Mais, en
constatant des désordres à des degrés gradués de sévérité, les La manifestation post-sismique de la liquéfaction des sols
observations sur site sont néanmoins précieuses, car elles ouvrent s’observe très souvent en champ libre dans des terrains plats,
sur une description des mécanismes de rupture contre lesquels il aquifères et dénués de construction.
faut se prémunir dans les nouvelles constructions.
■ Pentes naturelles
De nombreuses sources décrivent des observations de liquéfac- Les déformations ou la rupture par liquéfaction de terrains en
tion. On peut citer par exemple les rapports de missions post-sis- pente intéressent généralement une couche de sol située en bor-
miques de l’AFPS (Association française de génie parasismique) ou dure d’un plan d’eau ou d’une rivière, dans une configuration de
du GEER (Geotechnical Extreme Events Reconnaissance). terrains peu consolidés, saturés et soumis à des cisaillements sta-

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C261

LA LIQUÉFACTION DES SOLS SOUS L’EFFET DE SÉISMES ___________________________________________________________________________________

tiques. L’amplitude des déplacements finaux dépend de la pente


initiale [31].
• Dans les terrains subhorizontaux
Le mouvement induit se traduit par des oscillations sans dépla-
cements horizontaux résiduels importants.
• Dans les faibles pentes

1 Le mouvement est qualifié de déplacement latéral (en anglais :


lateral spreading) et se traduit par des déplacements de quelques
mètres ou moins.
• Dans les pentes plus fortes (mais néanmoins inférieures à
10 % pour la plupart)
Le glissement est qualifié d’écoulement (en anglais : flow fai-
lure) avec des déplacements se comptant en mètres, voire en
dizaines de mètres.
Initiés par la liquéfaction du sol, ces déplacements se pour-
suivent sous l’action des charges statiques permanentes aux-
quelles ne s’oppose plus qu’une résistance résiduelle du sol.
Figure 1 – Photo d’un volcan de sable, témoignage de la liquéfac-
De leur côté, les instabilités de pente d’origine inertielle peuvent tion du sol dans la couche sous-jacente (Photographie : Emmanuel
dégénérer en coulées de boue (en anglais : mudflow) après de Javelaud)
très grands déplacements, donnant l’impression d’une liquéfac-
tion. Mais celle-ci n’est pas le seul facteur déclenchant dans ce
cas. face, sont un témoignage révélateur du retour à l’équilibre d’une
couche peu profonde après liquéfaction (figure 1).
■ Fondations des bâtiments et des ouvrages d’art Ces déformations différées peuvent aggraver les désordres et
La liquéfaction d’une couche de sol sous les fondations superfi- s’avérer préjudiciables aux ouvrages par :
cielles se traduit par des tassements, des tassements différentiels, – tassements de fondation ;
voire des pertes de portance, avec poinçonnement ou bascule- – frottements sur les pieux ;
ment des structures portées. – tassements de remblais routiers ou ferroviaires ;
– perte de revanche des digues, etc.
Les fondations profondes sont soumises à des efforts de cisail-
lement, de flexion et de frottement, pouvant entraîner des tasse- Les répliques sismiques exposent le site à un danger supplé-
ments ou leur ruine, avec des conséquences graves pour les mentaire. La remise en exploitation des ouvrages, quand ils se
constructions ainsi fondées. révèlent peu affectés par des désordres, dépend du délai de retour
du sol à l’équilibre après le séisme.
Les quais sont affectés par des mécanismes de basculement et
de glissement, sous l’effet des poussées d’un terre-plein liquéfié
ou de la liquéfaction de la couche de sol de fondation. 1.2 Notions de base pour expliquer
la liquéfaction des sols
■ Digues et barrages
La liquéfaction d’un sol résulte d’un déséquilibre entre la résis-
Les corps de digues et de barrages ne sont pas liquéfiables, en
tance au cisaillement du sol et la sollicitation sismique. La résis-
principe, par conception. Ils sont démantelés par l’effet de la
tance au cisaillement du sol dépend de sa nature et de son état
liquéfaction de la couche de sol qui les porte, suivant des méca-
(compacité, saturation, confinement).
nismes de dislocation en blocs séparés qui ont été constatés
maintes fois. Les sables propres saturés lâches sont particulièrement vulné-
rables. La sollicitation sismique se caractérise, entre autres, par sa
■ Ouvrages enterrés durée et son amplitude.

Les ouvrages enterrés, les réservoirs, les canalisations, les


regards constituent des singularités dans les terrains. La poussée 1.2.1 Pressions interstitielles dans un sol
d’Archimède du sol liquéfié produit sur l’ouvrage enterré des D’un point de vue de la mécanique des sols, la rupture d’un sol
poussées ascendantes, le refoulement des sols et des soulève- par liquéfaction tient aux pressions d’eau interstitielles qui s’accu-
ments. mulent rapidement dans les pores du sol, sans être dissipées pen-
dant la durée du mouvement sismique.
1.1.3 Effets directs et différés ■ Accumulation de pression d’eau interstitielle
L’accumulation de pressions d’eau interstitielles s’observe à
Les déformations, ainsi que la rupture des terrains et des l’intérieur d’un volume de sol saturé en eau et soumis à des char-
constructions concernées par la liquéfaction des sols, peuvent être gements monotones ou cycliques réalisés en condition non drai-
différées après la fin du séisme. née, c’est-à-dire dans une configuration qui ne permet pas une
De nombreuses observations ont été rapportées dans ce sens. migration de l’eau vers des frontières drainantes.
Le retour à l’équilibre du sol dans la couche liquéfiée dépend des Le principe des contraintes effectives s’applique dans ce massif
conditions du site. Les volcans de sables (en anglais : sand boil), non drainé. Sur tous les plans de l’espace, la contrainte normale
qui consistent en une éjection de particules fines et d’eau en sur- effective (qui détermine le comportement mécanique du sol) se

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C261

____________________________________________________________________________________ LA LIQUÉFACTION DES SOLS SOUS L’EFFET DE SÉISMES

déduit de la contrainte totale σ (apportée par les charges exté- mal emin (le plus dense) et un indice des vides maximal emax (le
rieures) après soustraction de la pression interstitielle u : plus lâche).
(1) L’indice de densité ID = (emax – e)/(emax – emin) indique dans
quel état de compacité se trouve le sable considéré. Il varie de 1 à
■ Critère de rupture 0 de l’état le plus dense à l’état le plus lâche du sable.
Un autre principe fondamental de la mécanique des sols entre Cet indice ne s’applique qu’à des sables propres.
en jeu à son tour, qui indique que la résistance au cisaillement τr
Un parallèle se noue entre cet indice ID et l’indice de consis-

1
croît avec la contrainte normale effective σ ’ :
tance Ic d’une argile. Mais une argile saturée simplement déposée
(sans déchargement) ne peut pas posséder différents Ic sous les
mêmes conditions extérieures.
Le critère de Coulomb exprime cet accroissement sous une
■ Saturation
forme linéaire :
À l’indice des vides est associé le degré de saturation Sr, qui
(2) représente la part du volume des vides occupée par de l’eau.
avec angle de frottement interne, Ainsi, le couple (e, Sr) caractérise l’état du sol. Celui-ci est
la cohésion. saturé si Sr = 1 et il est non saturé si Sr < 1.
Ainsi, sans nécessairement modifier les contraintes totales,
l’accumulation des pressions interstitielles dans une couche de sol 1.2.3 Liquéfaction statique des sables
sous l’effet d’un séisme peut conduire à atteindre le critère de rup-
ture du sol et la liquéfaction du sol. ■ Indice des vides initial e0
Les sols sableux saturés en eau et peu compacts sont les plus La réponse d’un sol sous sollicitation monotone ou cyclique
vulnérables. dépend de son indice des vides initial e0.
L’accumulation des pressions interstitielles peut même conduire • En condition drainée, la rupture au cisaillement d’un sol lâche
à annuler les contraintes effectives (lorsque u = σ, ). En s’obtient généralement après une réduction du volume du sol
pareille situation, un sol sans cohésion répondant au critère de (e < e0), au contraire d’un sol dense dont le volume a aug-
Coulomb voit sa résistance s’annuler (τr = 0). menté (e > e0). L’un est dit contractant, l’autre dilatant.
Le taux de pression interstitielle ru donne un moyen de caracté- Mais, à l’état ultime du cisaillement, ou état critique, le volume
riser le niveau atteint par la pression interstitielle u. En référence à ne varie plus.
un état initial et permanent σ0 de la contrainte normale totale et • Dans un sol saturé cisaillé en condition non drainée, ces
une pression interstitielle nulle , le taux ru s’écrit : variations de volume sont bloquées par la présence de l’eau
(quasi-incompressible), qui, en retour, génère des pressions
interstitielles positives (contractance) ou négatives (dila-
À l’état initial ru = 0. La contrainte normale effective s’annule tance), avant de se stabiliser à l’état critique.
quand ru = 1 (100 %).
■ Indice de densité ID
Enfin, par opposition à un chargement non drainé, un charge-
Le comportement mécanique des sables propres dépend for-
ment monotone lent, qui garantit à tout instant la migration de
tement de l’indice de densité ID. Non seulement, les sables
l’eau interstitielle vers des frontières drainantes, est dit drainé.
lâches sont contractants, mais les sables très lâches sont effon-
drables.
1.2.2 État d’un sol Un choc ou un cisaillement provoque le tassement d’un sable
Dans une large majorité de sols, le critère de résistance au sec (drainé) très lâche sous son propre poids. C’est ainsi que
cisaillement s’identifie facilement au moyen d’essais de labora- peuvent être densifiés les sables.
toire à chargement monotone, par exemple. En condition non drainée, cette situation conduit à un accroisse-
Il dépend de la nature du sol mais également de son état : ment très vif de la pression interstitielle et à la liquéfaction du
sable.
– densité du sol (masse volumique) ;
– quantité d’eau contenue dans ses pores (teneur en eau). ■ Autres critères
En géotechnique, le couple teneur en eau masse volumique est Ce comportement particulier des sables propres, lié à leur état
représenté aussi par le couple indice des vides degré de satura- très lâche, a fait l’objet de très nombreux travaux expérimentaux
tion. au laboratoire ([35], [36], [37]). Il est notamment apparu que, pen-
dant les chargements monotones non drainés des sables très
■ Densité du sol
lâches, un pseudo-pic de cisaillement, ou seuil d’instabilité, est
L’indice des vides e relie le volume total V d’un élément de sol et le franchi avant d’atteindre le critère de résistance résiduelle τr bien
volume Vs des particules solides contenues dans cet élément : inférieur au pseudo-pic.
Il y a liquéfaction statique (un exemple est donné à la
figure 9).
De nombreuses propriétés mécaniques des sols dépendent de À la limite, le critère ru = 1 peut être atteint par un chargement
l’indice des vides (propriétés de perméabilité ; déformabilité ; monotone non drainé dans un sable sans cohésion (τr = 0).
résistance).
Avec l’accumulation des pressions interstitielles qu’ils induisent,
À ce titre, un sol sableux simplement déposé (sans décharge- les chargements cycliques non drainés doivent être interprétés
ment, c’est-à-dire sous le poids du dépôt) offre la particularité de dans ce cadre.
pouvoir régner dans des états différents sous des conditions exté-
rieures identiques. L’exemple des figures 8 et  9, qui sera commenté plus bas, donne
Des limites conventionnelles ont été définies pour encadrer les une illustration du comportement monotone et cyclique non drainé
différents états d’un sable propre, entre un indice des vides mini- d’un sable propre peu compact.

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C261

LA LIQUÉFACTION DES SOLS SOUS L’EFFET DE SÉISMES ___________________________________________________________________________________

1.2.4 Chargements cycliques par un recueil de leurs propriétés physiques, pour pointer ensuite
dans une classification des sols.
En résumé, des pressions d’eau interstitielles s’accumulent
dans les pores d’un sol saturé contractant en condition non drai-
née sous l’effet d’un chargement privilégiant des cisaillements. Les sols effondrables sont éminemment liquéfiables en char-
gements monotones ou cycliques.
Le chargement peut être :
Dans les autres sols, tous les chargements monotones
– quasi-statique et continu (monotone) ; peuvent être poussés jusqu’à la rupture. Lors de chargement

1 – cyclique ou dynamique ;
– résultant d’un choc ou d’un séisme.
cycliques :
– dans les sables (non effondrables) les cycles aboutissent au
mécanisme de mobilité cyclique, donc à une forme de liquéfac-
Le caractère aléatoire de ces derniers ne peut pas être facilement tion, en passant par le critère ru = 100 % deux fois par cycle et
pris en compte ou même reproduit expérimentalement. En guise de une accumulation des déformations ;
simplification pour les applications courantes, il a été admis une – dans les argiles (non sensibles), les cycles aboutissent à la
équivalence entre le mouvement sismique et un mouvement har- rupture du sol lorsqu’elles sont soumises à un grand nombre
monique de fréquence, d’amplitude et de durées équivalentes. Au de cycles (bien supérieur au nombre de cycles équivalents d’un
laboratoire, la résistance cyclique du sol peut alors être définie. séisme), sans atteindre le critère ru = 100 %, mais avec une
accumulation des déformations.
L’accumulation des pressions interstitielles se compte en nombre
de cycles, en lien avec la durée du séisme. La fréquence se rapporte
à celle des cycles dominants du signal sismique. L’amplitude du
cisaillement cyclique en tous points de la couche de sol se trouve 1.3.2 Propriétés physiques des sols
en balance avec la résistance au cisaillement du sol.
Avec leur nature et leurs caractéristiques d’état, les propriétés
physiques des sols entrent en jeu dans les questions de liquéfaction.
1.3 Nature et propriétés physiques Les propriétés physiques primaires (nature des grains, forme, gra-
des sols nulométrie, argilosité) sont invariables et complètent les propriétés
secondaires de structure (arrangement et orientation des grains) et
d’état (densité et teneur en eau, indice des vides et degré de satura-
1.3.1 Nature des sols tion) qui sont non permanentes et qui varient avec les déformations.
Les propriétés physiques des sols ne permettent pas de classer
Historiquement, et d’après les observations sur site, les sables
les sols de façon univoque en fonction de leur comportement
propres saturés de faible densité ont été souvent répertoriés pour
dynamique, mais de grandes tendances de comportement
leur vulnérabilité au risque de liquéfaction. Des cas de liquéfaction
existent selon que les sols sont sableux, argileux, mais également
de graves ont aussi été mentionnés.
intermédiaires limoneux.
À l’opposé, des ruptures d’argiles non sensibles initiées par
Cela justifie de faire références aux classifications géotech-
liquéfaction n’ont été révélées que rarement et essentiellement
niques des sols en usage, qui se fondent sur la granulométrie et
dans des pentes naturelles. Cette faible occurrence de désordres
l’argilosité.
dans les argiles a conduit à admettre que les argiles ne sont pas
liquéfiables. Historiquement, les observations des désordres induits par la liqué-
faction des sols ont amené à fixer des critères de sensibilité des sols
Les argiles sensibles constituent une exception. Ces argiles se
au risque de liquéfaction sur la base de leurs propriétés physiques :
rencontrent dans des pays nordiques en lien avec un processus
particulier de dépôt (Alaska, Canada, Suède, Norvège). Très – dans les sols sableux à graveleux, ces critères s’appuient prin-
poreuses et saturées (teneurs en eau de 50 % et plus), leur struc- cipalement sur des fuseaux granulométriques.
ture ouverte et fragile les rend instables, en particulier sous char- – dans les sols fins limoneux et argileux, les critères portent sur
gement statique (liquéfaction statique) et, par conséquent, sous les limites de consistance du sol ;
séisme. Une fois initiées, les instabilités de pente dégénèrent en
coulées boueuses de grande ampleur, terrestres ou sous-marines. – dans les sols limoneux avec les sinistres constatés, des cri-
tiques ont été adressées alors à cette démarche empirique de clas-
Les argiles récentes peu consolidées sont compressibles et pro- sification de la sensibilité des sols basée sur leurs propriétés
pices à générer de fortes pressions interstitielles. Elles présentent physiques (en considérant que des seuils séparant les sols sableux
des résistances faibles, ce qui implique que des dispositions parti- liquéfiables et les sols argileux non liquéfiables ne pouvaient pas
culières soient prises pour construire sur ces terrains, offrant ainsi constituer des critères d’exclusion du risque [8]).
une certaine garantie vis-à-vis des séismes (amélioration de la sta-
bilité, limitation des tassements). Controversée à propos des sols limoneux, cette démarche empi-
rique ignore le rôle de l’état du sol et celui de la pression de confine-
Plus tard, suite à de nouveaux sinistres, des sols limoneux ont ment. Elle est pénalisée par l’absence d’une définition précise de la
été mis en cause dans des ruptures par liquéfaction. Ces constats liquéfaction des sols limoneux et argileux et le fait que les observa-
ont suscité de nombreux travaux de recherche et alimenté un tions historiques sur sites fournissent peu d’informations sur le
débat qui n’est pas clôt à ce jour. comportement du sol liquéfié au-delà du fait que de grandes défor-
mations et de fortes pressions interstitielles ont été générées.
La difficulté tient au fait que les sols limoneux occupent une
place intermédiaire entre les sables et les argiles d’un point de Enfin, les ruptures sont observées moins fréquemment dans les
vue géotechnique. La frontière entre sols liquéfiables et non-liqué- sols fins limoneux ou argileux que dans les sables.
fiables leur appartient, en première analyse. D’où l’enjeu qu’ils
constituent en matière de reconnaissances des sites, au moyen Aujourd’hui, avec l’évolution récente des codes de construction
d’essais in situ notamment, et de prescriptions pour les projets de parasismique des bâtiments à risque normal en France (normes NF
construction. P06-013 remplacées par NF EN 1998-5), l’usage des critères fondés
sur la granulométrie ou sur les limites de consistance y a été aban-
D’un point de vue historique et sur le plan pratique des donné dans les études d’évaluation quantitative du risque de liqué-
méthodes géotechniques, la caractérisation des sols commence faction des sols.

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____________________________________________________________________________________ LA LIQUÉFACTION DES SOLS SOUS L’EFFET DE SÉISMES

Néanmoins, ces propriétés des sols figurent toujours parmi les


attendus de base des études géotechniques. Un aperçu de ces cri- Tableau 1 – Facteurs influant sur la liquéfaction
tères est proposé au § 4. d’une couche de sol (suite)
Il reste cependant de cette démarche que, à la vue de leurs
Familles de paramètres Paramètres
réponses monotones et cycliques non drainées, il existe une zone
de transition plutôt étroite parmi leurs propriétés physiques, entre
les sols dont le comportement est de type « sable » et ceux dont Durée
le comportement est de type « argile » [15].

1.4 Facteurs influant sur la sensibilité


Durée de la portion prédominante
du mouvement sismique 1
Répliques
à la liquéfaction des sols
Période de retour du séisme
1.4.1 Facteurs
2
La liquéfaction d’une couche de sol dépend de nombreux fac- Conditions de site
teurs qui peuvent être regroupés en trois familles principales :
– les paramètres sismiques régionaux ; Nature des sols
– les conditions du site ;
– les propriétés des sols parmi lesquelles figurent les propriétés Mode de dépôt
dynamiques (tableau 1).
Chaque famille comprend un nombre plus ou moins grand de Conditions et âge du dépôt
paramètres, impliqués à des degrés divers dans ce mécanisme,
qui sont interdépendants et portent un haut degré de non-linéa- Nature et profondeur
rité. Pour être efficace et fiable, l’identification du risque de liqué- Géologiques du substratum
faction d’une couche de sol nécessite d’estimer les paramètres les
plus appropriés qui contrôlent le processus. Nature et épaisseur
Le tableau 1 offre une vue synthétique des facteurs influant sur de la couverture
la liquéfaction d’une couche de sol. Ces facteurs entrent plus ou
moins explicitement dans les différentes questions : Hétérogénéité
– susceptibilité ;
– cartographie ; Variabilité spatiale
– zonage ;
– indices de liquéfaction ; Morphologie du site
– coefficient de sécurité ; (plaine, pente, rebord, …)
– méthode simplifiée, etc.
Étendue latérale du site
1.4.2 Principe des classifications des sols Géomorphologiques
sensibles à la liquéfaction Déclivité du terrain

Fondées sur des retours d’expériences post-sismiques, de très Épaisseur


nombreuses classifications des sols sensibles à la liquéfaction ont été
proposées pour accompagner l’interprétation des essais in situ.
Profondeur
La méthode simplifiée, qui sera évoquée plus bas, a été établie
dans une telle démarche. Une évolution progressive s’est opérée, Hydrologiques Site en rivière, en bordure
des simples classifications basées sur des données brutes vers
de lac, sous-marin
des classifications qui mettent en jeu des variables normalisées.
Nappe
Tableau 1 – Facteurs influant sur la liquéfaction
d’une couche de sol Battement de la nappe

Familles de paramètres Paramètres Nappe perchée


Hydrauliques
1 Écoulements
Paramètres sismiques
Gradients hydrauliques
Magnitude
Conditions de drainage
Distance à la source
Conditions cinématiques du site
Profondeur

Accélération en surface Cinématiques Surfaces libres ou butées

Vitesse en surface Ouvrages avoisinants

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Bases de l’interaction sol-structure


sous séisme
Principes généraux et effets inertiels 1
par Stéphane BRÛLÉ
Ingénieur géotechnicien et géologue
Responsable Agence Rhône-Alpes de MENARD (Soletanche-Freyssinet-VINCI
Constructions)
et Fahd CUIRA
Ingénieur X-Ponts civil
Directeur scientifique de Terrasol (Groupe Setec)

1. Définitions et enjeux .............................................................................. C251 - 2


2. Méthodes d’analyse de l’ISS sous séisme ........................................ — 3
2.1 Approche globale ou directe...................................................................... — 3
2.2 Méthode de superposition ......................................................................... — 4
2.3 Méthode de sous-structuration.................................................................. — 6
2.4 Méthode hybride......................................................................................... — 6
3. Réponse des structures sous séisme................................................. — 6
3.1 Méthodes de dimensionnement sismique ............................................... — 6
3.2 Étude théorique de l’oscillateur simple amorti ........................................ — 7
3.3 Réponse d’un oscillateur simple à une sollicitation sismique ................ — 10
4. Réponse des fondations sous séisme................................................ — 11
4.1 Caractérisation des sols sous séisme........................................................ — 11
4.2 Réponse d’une fondation superficielle...................................................... — 12
4.3 Prise en compte de la souplesse de la fondation..................................... — 14
4.4 Raideur d’une fondation profonde ............................................................ — 15
4.5 Raideur d’un pieu en groupe ..................................................................... — 18
4.6 Effet de la plasticité du sol sur la réponse des pieux sous séisme ......... — 19
5. Représentation analogique de l’interaction inertielle .................. — 20
5.1 Principe ........................................................................................................ — 20
5.2 Modification de la période propre ............................................................. — 21
5.3 Modification de l’amortissement apparent............................................... — 21
5.4 Application au cas d’un ouvrage fondé superficiellement ...................... — 22
6. Effet de masse et amortissement radiatif du sol ........................... — 23
6.1 Principe ........................................................................................................ — 23
Parution : juillet 2017 - Dernière validation : juillet 2020

6.2 Formalisme usuel........................................................................................ — 23


6.3 Impédance dynamique d’une fondation superficielle ............................. — 24
7. Perspectives et conclusions................................................................. — 25
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. C 251

e sujet traité dans cet article est l’interaction entre le sol support des
L ouvrages, les fondations et la superstructure en situation de sollicitation
sismique : l’interaction sol-structure (ISS).
Les enjeux sont importants d’un point de vue technique et économique. Une
caractérisation réaliste de cette interaction peut s’avérer, soit bénéfique
comme la diminution des efforts internes dans la structure, soit préventive en
cas d’effets indésirables identifiés.

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BASES DE L’INTERACTION SOL-STRUCTURE SOUS SÉISME _________________________________________________________________________________

L’avènement des textes du référentiel « Eurocode » et, en particulier les


Eurocodes 7 et 8 (normes EN 1997 et 1998), ont accéléré la révision généralisée
des documents en lien avec le sol et les fondations des ouvrages. Notamment,
la dernière génération de code de dimensionnement des ouvrages en zone sis-
mique, comme l’Eurocode 8, incite au développement des dimensionnements
faisant appel à l’interaction sol-structure en condition statique et dynamique.

1
Plutôt spécifique au savoir-faire d’un nombre restreint de spécialistes
sachant composer à la fois avec les données sismologiques, la dynamique des
sols et de structures, ainsi qu’avec la géotechnique, le concept d’interaction
sol-structure se répand en ingénierie, mais se heurte parfois aux frontières
existantes entre les disciplines.
L’approche proposée dans cet article est de rassembler les principes de l’ISS
afin de donner à l’ingénieur les étapes clés, ainsi que les niveaux successifs de
raffinement qu’il peut porter à son analyse.
Les bases de l’interaction sol-structure sous séisme se déclinent en deux
articles dont l’objectif global est une présentation des enjeux spécifiques de
l’interaction sol-structure et des outils adaptés pour l’ingénieur à l’étude des
problématiques de fondation.
Dans cet article les méthodes d’analyse sont rappelées avec l’introduction
aux modèles rhéologiques et aux modèles numériques. Les principes de la
caractérisation de la réponse des structures sous séismes par modèle analo-
gique et la représentation analogique de l’interaction inertielle sont
développés, avant de détailler l’effet de masse et l’amortissement radiatif du
sol.
L’autre composante déterminante de l’interaction sol-structure, relative aux
effets cinématiques, est présentée dans la suite de cet article intitulée [C253].

1. Définitions et enjeux Pour les besoins de l’étude des effets cinématiques et inertiels,
précisons que les sols pour lesquels la vitesse des ondes de cisail-
lement Vs = 800 m.s-1, constituent le substratum sismique se dif-
L’objectif de l’ISS est d’accroître la stabilité des ouvrages, tout férenciant du « substratum géotechnique », sol dont la cote du toit
en optimisant le coût de construction ou de réhabilitation. Il passe représente conventionnellement la profondeur au-delà de laquelle
aussi par une prise en compte de l’interaction dynamique qui se la déformation induite par le chargement des ouvrages de surface,
développe en cas de séisme entre : est faible à nulle.
– les ouvrages ;
– les sols et formations géologiques sous-jacentes ;
Le mouvement sismique en champ libre est la déformation
– les fondations.
du sol au passage des ondes sismiques en l’absence de
■ Mouvements du sol provoqués par le séisme superstructures pouvant influencer leur propagation.
Le premier effet à prendre en compte est le mouvement du sol,
induit par le séisme, imposé à la structure et aux fondations. Pour ■ Approche dynamique et approche pseudo-statique
le bâtiment, cela se traduit par du balancement et du glissement.
Pour les fondations profondes, il s’agit d’efforts internes consécu- Dans le cas d’un problème dynamique, le chargement et les
tifs aux déplacements imposés du sol. paramètres de réponse sont fonction du temps. La dynamique est
la branche de la mécanique classique étudiant les corps en mou-
Lors d’un tremblement de terre, les ondes sismiques se propa- vement sous l’influence des actions mécaniques leur étant appli-
geant dans le sol mettent en mouvement les fondations des quées. Elle combine la statique qui étudie l’équilibre des corps au
ouvrages en les sollicitant principalement horizontalement. Accé- repos et la cinématique qui étudie le mouvement indépendam-
léré à sa base, chaque bâtiment est soumis à des forces d’inertie ment des causes qui les produisent, notamment sans identifica-
auxquelles sa structure doit résister. Pour maintenir son équilibre, tion des forces y contribuant.
l’ouvrage exerce sur le sol environnant des efforts importants. Il
s’agit du second effet appelé « effet inertiel » ou « couplage » Ramener un problème de dynamique à un cas pseudo-statique
qu’entretient le bâtiment avec le sol via le système de fondation. revient à introduire de nouvelles forces appelées forces d’inertie.
Notamment en dimensionnement des ouvrages sous sollicitations
■ Interaction sol-structure sismiques, ces efforts sont importants et s’opposent au mouve-
En raison de l’interaction dynamique sol-structure, la réponse ment imposé par le chargement appliqué.
sismique d’une structure sur base flexible, c’est-à-dire d’une struc-
ture fondée sur un terrain déformable, diffère sous plusieurs
■ Interaction cinématique
aspects de celle de la même structure fondée sur un terrain rigide L’interaction cinématique se traduit par la différence entre le
(base fixe), soumise à une sollicitation identique en champ libre, mouvement sismique en champ libre (déformation du sol au pas-
comme le montre la figure 1 [1]. sage des ondes sismiques en l’absence de structures anthro-

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__________________________________________________________________________________ BASES DE L’INTERACTION SOL-STRUCTURE SOUS SÉISME

a aucune interaction sol-structure b toujours sans interaction sol-structure c avec interaction sol-structure

Cas a : le bâtiment possède un comportement « souple » et le sol une très bonne résistance mécanique.

Cas b : comportement « raide » du bâtiment et sol de très bonne résistance mécanique.

Cas c : bâtiment « raide » et sol de faible ou moyenne résistance mécanique.

Figure 1 – Trois types de mouvements d’un bâtiment avec ou sans interaction sol-structure

piques interférant avec leur propagation) et celui correspondant à ■ Pour les situations courantes
la présence d’un ouvrage en surface et son mode de fondation L’allongement des périodes propres et l’augmentation des taux
(fondations superficielles, fondations profondes). d’amortissement qui résultent de la prise en compte de l’interac-
Elle ne résulte que de la différence de « raideur » entre le sol et tion sol-structure conduisent généralement à un dimensionne-
la fondation, contrariant les mouvements imposés par le sol. Cette ment favorable pour la structure et ses fondations sous séisme.
différence peut se comprendre comme un filtrage car toute l’éner- Cependant, les effets d’ISS peuvent se révéler néfastes dans les
gie incidente ne se transmet pas à l’ouvrage mais s’effectue au cas suivants pour lesquels les codes de construction en zone sis-
prix d’efforts significatifs dans les fondations. mique imposent la prise en compte de l’ISS :
■ Interaction inertielle – les structures hautes et élancées, comme les tours et les che-
minées ;
En revanche, l’interaction inertielle provient des efforts d’inertie – les structures avec fondations massives ou profondes comme les
engendrés par la masse de la structure et retransmis au sol par piles de ponts, les caissons fondés en milieu aquatique et les silos ;
l’intermédiaire des éléments de fondation. La structure devient – les ouvrages reposant sur des sols très mous, caractérisés par
ainsi, en quelque sorte, « source » d’oscillations dynamiques dans une vitesse moyenne de propagation des ondes de cisaillement Vs
le cadre de cette interaction. inférieure à 100 m/s ;
– les structures pour lesquelles les effets de 2e ordre jouent un
L’étude de la réponse dynamique du système sol-fondation
rôle significatif.
sous l’effet de l’interaction inertielle ne peut, en toute rigueur, être
dissociée d’une analyse cinématique préalable en vue d’obtenir le Les effets du premier ordre sont les effets des actions calculés
mouvement à la base de la structure permettant d’établir les sans considération de l’effet des déformations de la structure
efforts d’inertie induits par la superstructure. mais en incluant les imperfections géométriques, tandis que les
effets du second ordre sont les effets additionnels des actions,
L’interaction inertielle sol-fondation est introduite par des fonc- provoqués par la déformation de la structure.
tions d’impédance permettant, pour une fréquence donnée, de Très sensibles aux déformations du sol, mais aussi aux efforts
représenter la liaison de la fondation avec le sol par un ensemble d’inertie en tête, les fondations profondes et, en particulier les pieux,
de modèles analogiques (ressorts, amortisseurs, etc.) adaptés doivent faire l’objet d’une justification spécifique sous séisme avec
aux différents types de mouvement (translations verticales et prise en compte des effets d’ISS, cinématiques et inertiels.
horizontales, rotation d’axe horizontal ou d’axe vertical). Cette
interaction inertielle permet de simuler la modification des
périodes et amortissements apparents de l’ensemble « sol +
structure » par rapport à une analyse limitée à la structure sur 2. Méthodes d’analyse
base fixe.
L’interaction cinématique peut être simulée en pratique par le
de l’ISS sous séisme
moyen d’un déplacement « libre » du sol appliqué sur le support
des impédances. 2.1 Approche globale ou directe
Dans la méthode directe appelée aussi « méthode globale »,
l’analyse du système complet s’effectue en une seule étape, qui
À noter que la mise en œuvre pratique montre que, dans permet d’inclure :
certaines configurations (fondations profondes, fondation – le comportement non linéaire de la structure ou du sol (com-
encastrée), l’interaction cinématique s’accompagne également portement anélastique) ;
d’une composante rotationnelle souvent ignorée dans le – toute hétérogénéité présente dans ce dernier ;
dimensionnement.
– le glissement et le décollement des fondations.

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Elle permet aussi de traiter les conditions de contact à l’ISS et, suffisamment importante pour que ce mouvement ne soit pas
implicitement, les effets de radiation et de dissipation d’énergie affecté par la présence d’une structure en surface, il faut procé-
dans la partie infinie du sol non borné. der à une étape spécifique de traitement du signal visant à
Les approches directes consistent à résoudre directement « remonter » au signal « source », au niveau du substratum
l’équation de la dynamique régissant le comportement du sys- sismique, tel qu’il serait avant de traverser les couches superfi-
tème (sol, fondation, structure). La formulation est orientée vers cielles (celles-ci pouvant jouer un rôle de filtre). Cette opération
un traitement par éléments finis du phénomène d’interaction de traitement du signal se nomme « déconvolution » (figure 2).

1
mécanique avec, par exemple, généralement un schéma d’inté- • L’étape suivante consiste alors à appliquer ce signal déconvolué
gration par différences finies de la composante temporelle de façon uniforme à la base du modèle complet (sol, fondation,
(figure 2). structure) et la réponse en surface est calculée par une méthode
d’approximation numérique de solutions de problèmes aux
limites dynamiques ([2] et [3]). Il s’agit, comme dans toutes les
méthodes numériques, de trouver une approximation discrète
d’un problème différentiel aux limites linéaires.

■ Variante de la méthode globale


Réponse sismique Donnée : signal Une variante de la méthode globale consiste en la réduction de
de l’ouvrage en surface domaine ([4] [5] [6] et [7]). Elle permet de réduire le domaine du
modèle à un domaine plus petit limitant ainsi le coût calcul.
Déconvolution Dans les grandes lignes, la méthode consiste à ramener les
forces agissant sur le système global sol-structure à une surface
Signal au niveau du substratum continue entourant la structure et une petite partie du sol. Le
domaine complet est divisé en deux modèles :
– le premier modèle considéré comme « proche » est constitué
Figure 2 – Principe de l’approche directe ou globale de la structure et d’une partie du sol avoisinant, de dimensions
suffisamment grandes ;
– le second modèle désigne le reste du domaine. Celui-ci est
■ Étapes de l’approche directe considéré comme assez éloigné pour être assimilé au milieu exté-
L’approche directe nécessite de construire un modèle détaillé rieur. Il peut alors être tronqué. La frontière fictive entre les deux
du sol (Ei, νi, ξi) et de le doter d’éléments absorbants (« frontières parties est désignée par un contour.
absorbantes ») pour éviter les rebonds des ondes dont la propaga-
tion est simulée par méthodes numériques sur les frontières du
modèle fini arbitrairement retenu. 2.2 Méthode de superposition
• Dans un cas réel, les ondes se propagent dans un milieu consi-
déré comme très grand (infini) à l’échelle de l’étude et l’énergie 2.2.1 Théorème de Kausel
initiale émise à la source, dans l’hypothèse d’un milieu pure-
ment élastique, a une distribution décroissante avec la dis- La méthode fait appel au principe de superposition [8] et consiste
tance parcourue (amortissement géométrique ou « radiatif »). à analyser le problème d’interaction sol-structure en plusieurs
• Dans la pratique, le mouvement sismique (de dimensionne- étapes successives. Chaque étape est réputée plus simple à
ment) est connu à la surface du sol, en champ libre. Afin de résoudre que le problème global. Le principe du théorème de super-
connaître le signal sismique u(z, t) à une profondeur donnée, position de Kausel et Roesset est schématisé par la figure 3 [8].

ϕ
M
u F
= + +
ϕ
u

ü ü

SOLUTION INTERACTION INTERACTION INERTIELLE CALCUL DE


TOTALE CINÉMATIQUE AVEC IMPÉDANCES STRUCTURE
DYNAMIQUES

Figure 3 – Schématisation du théorème de superposition de Kausel

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__________________________________________________________________________________ BASES DE L’INTERACTION SOL-STRUCTURE SOUS SÉISME

Ainsi, les sous-structures sont constituées, d’une part, par le sol Dans le tableau 1, F représente la force appliquée au modèle,
et, d’autre part, par la structure. Les équations d’équilibre de K désigne la raideur du ressort et C la viscosité du fluide, up et F P
chaque sous-système sont posées, puis les conditions de compa- sont respectivement le déplacement plastique et la force maxi-
tibilité à l’interface sont précisées à savoir la continuité en dépla- male au seuil de plasticité.
cement et en contrainte. Les modèles élémentaires peuvent être combinés en série ou en
parallèle pour obtenir des modèles composés. Parmi ceux-là, les
Il faut distinguer trois grandes étapes dans la méthode : plus fréquemment retenus en ISS sont notamment le modèle de

1
– étape 1 – Interaction cinématique : on détermine le mouve- Maxwell (un ressort et un amortisseur en série), le modèle de Kel-
ment sismique à appliquer à la base de l’ouvrage tenant compte vin-Voigt (un ressort est un amortisseur en parallèle).
des effets éventuels d’interaction cinématique (cas d’une structure L’utilisation pratique de ces modèles analogiques se révèle
encastrée par exemple). On calcule pour cela le mouvement sis- riche en enseignements, notamment dans la qualification des
mique d’une fondation rigide sans masse représentative de effets d’interaction sol-structure comme le montre la figure 4 et
l’empreinte de la structure dans le sol ; comme il sera développé au § 5.
– étape 2 – Interaction inertielle : on détermine les éléments per-
mettant de simuler l’interaction inertielle. On calcule pour cela les
matrices d’impédances d’une fondation rigide sans masse repré-
sentative de l’empreinte de la structure dans le sol ;
– étape 3 – Calcul de structure : on détermine la réponse sis-
mique de la structure reposant sur un système de ressorts/amortis-
seurs déduits des matrices d’impédances (résultat de l’étape 2). Le
support de ces ressorts/amortisseurs est soumis à l’application
d’un signal sismique correspondant au mouvement cinématique
déterminé à l’étape 1.

Le problème est généralement traité dans le domaine fréquen-


tiel et suppose implicitement un comportement linéaire du sys-
tème « sol + structure + fondation ».
Les liaisons fondation-sol sont modélisées par un ensemble d’éléments
analogique de Kevin-Voigt.
2.2.2 Rappel des modèles analogiques usuels
L’étape 2 du théorème de superposition de Kausel et Roesset Figure 4 – Principe de la prise en compte d'une souplesse relative
fait appel à la notion d’impédance dynamique qui est l’un des fondation/sol
modèles analogiques usuellement considérés pour la représenta-
tion de la réponse dynamique d’une fondation en interaction avec 2.2.3 Prise en compte de la souplesse
le sol qui le supporte. de la fondation
On rappelle ici les principaux modèles analogiques élémentaires La validité de l’hypothèse d’interface « rigide » entre la fonda-
utilisés pour l’étude du comportement des structures et des sols tion et la structure requiert une rigidité relative sol/fondation suffi-
(voir le tableau 1 [9]). Ces modèles élémentaires peuvent ensuite sante afin de garantir une transmission uniforme des actions
être combinés pour rendre compte de lois de comportement plus localisées reçues par la superstructure, comme il est fort juste-
raffinées. ment rappelé dans l’Eurocode 8 (figure 4).

Tableau 1 – Les modèles analogiques élémentaires et composés


Modèles Schémas Éléments constitutifs Lois de comportement

Ressort Solide hookéen Élastique linéaire


K

Modèles élémentaires Amortisseur Fluide Newtonien Visqueux


C

Patin (ou fusible) Solide de St Venant Plastique

Modèle de Solide hookéen et fluide Visco-élastique


Maxwell K C Newtonien

Modèles composés K

Modèle de Kelvin- Solide hookéen et fluide


Voigt Newtonien Visco-élastique

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C 251 – 5

23
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C251

BASES DE L’INTERACTION SOL-STRUCTURE SOUS SÉISME _________________________________________________________________________________

La prise en compte de la souplesse relative fondation/sol peut problématiques liées aux conditions aux limites inhérentes aux
être traitée en pratique moyennant une discrétisation avec un modèles numériques complets
nombre suffisant d’éléments représentant l’interface sol/structure
et en évaluant, numériquement et par de modèles analytiques
adaptés, les impédances dynamiques « locales » à considérer au 2.4 Méthode hybride
droit de chaque zone.
La méthode de sous-structuration [10] suppose implicitement la
validité du principe de superposition qui requiert notamment un

1 2.3 Méthode de sous-structuration


La méthode de sous-structuration est une méthode d’analyse assez
comportement linéaire élastique du sol.
Pour pallier cette difficulté, la méthode hybride a été dévelop-
pée. Elle est intermédiaire entre l’analyse directe et la méthode de
répandue dans la pratique de l’interaction sol-structure sous séisme sous-structuration (figure 6). Elle consiste à décomposer le sol en
et a fait l’objet de programmes informatiques spécifiques tels que deux domaines :
SASSI ou MISS3D. Son principe est celui de la construction d’un
modèle « hybride » combinant une discrétisation numérique « du – le premier est un domaine « champ proche », intégrant
champ proche » (qui peut être limitée à l’emprise de la fondation) et l’ouvrage lui-même, le massif de sol situé dans la zone d’influence
de solutions semi-analytiques de propagation d’ondes pour le champ de l’ouvrage, et permettant un traitement des non-linéarités liées
lointain. au comportement du sol ;
– le deuxième domaine est le « champ libre » suffisamment éloi-
La mise en équation repose sur une formulation dans le gné de la fondation et où le comportement du sol n’est pas affecté
domaine fréquentiel et fait appel au principe de superposition par l’interaction avec l’ouvrage. Le problème consiste alors à défi-
(théorème de superposition de Kausel et Roesset) comme le sché- nir les coefficients de la matrice d’impédance du champ lointain.
matise la figure 5. Ainsi, le champ lointain peut être traité par les techniques adap-
tées pour les problèmes linéaires (exemple : impédances dyna-
miques), alors que le champ proche est incorporé dans le modèle
de la superstructure et peut être traité par une méthode directe.
Nœuds
f : frontière du modèle
complet Remarque
i : interface sol-structure Le point délicat des méthodes hybrides est la définition de la
e : volume de sol excavé frontière entre le champ proche et le champ lointain, élément
p : partie restante du site qui doit être déterminé indépendamment selon les particulari-
f i e p en champ libre tés du problème traité.
s : structure
a système complet
e i s

– + i

b système b : c système c : d système d :


la propagation le volume de sol la structure
d’onde en champ excavé elle-même
libre

Figure 5 – Illustration du principe de sous-structuration

Trois systèmes d’équations matricielles sont alors considérés :


Fonctions d’impédance
– système (b) traduisant la réponse du sol en l’absence de la
structure au niveau des nœuds de la zone maillée. Ce système
résulte d’une résolution analytique des équations de propagation
d’ondes dans le cas d’un sol multicouche ;
– système (c) traduisant la réponse du volume de sol excavé au
niveau de l’ensemble des nœuds de la zone maillée. Ce système
résulte d’une discrétisation numérique de ce volume (même mail- Figure 6 – Principe de la méthode hybride
lage que celui de la partie ancrée de la structure) ;
– système (d) traduisant la réponse de la structure seule exprimée
au niveau des nœuds d’interface avec le sol. Ce système résulte éga-
lement d’une discrétisation numérique de l’élément structure. 3. Réponse des structures
La combinaison, puis la condensation, de ces trois systèmes (au
point où devront être exprimées les fonctions d’impédances) per-
sous séisme
met ainsi de remonter directement à la matrice de souplesse
(puis, par inversion, à la matrice d’impédances) pour une fré- 3.1 Méthodes de dimensionnement
quence de sollicitation donnée. sismique
Par rapport à un traitement numérique complet, cette méthode
présente l’avantage décisif d’avoir une discrétisation limitée à Contrairement aux charges habituelles, les sollicitations sis-
l’emprise de la fondation avec un traitement rigoureux des condi- miques n’engendrent pas d’efforts « externes » car elles sollicitent
tions de radiation vers l’infini, ce qui permet de s’affranchir des les structures à travers les mouvements du sol et ces efforts

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C 251 – 6

24
Référence Internet
C253

Bases de l’interaction sol-structure


sous séisme
Effets cinématiques et stabilité sismique 1
par Stéphane BRÛLÉ
Ingénieur géotechnicien et géologue
Responsable Agence Rhône-Alpes de MENARD (Solétanche-Freyssinet-VINCI Construc-
tions)
et Fahd CUIRA
Ingénieur X-Ponts civil
Directeur scientifique de Terrasol (Groupe Setec)

1. Rappel des notions essentielles ................................................................ C 253 - 2


2. Notions préliminaires sur la dynamique des sols.................................... — 3
2.1 Propagation des ondes dans les milieux terrestres ................................. — 3
2.2 Période propre des sols.............................................................................. — 5
2.3 Cas d’un sol multicouche : méthode simplifiée de Madera .................... — 6
3. Effets cinématiques .................................................................................... — 6
3.1 Description du phénomène........................................................................ — 6
3.2 Calcul des déplacements cinématiques sous séisme .............................. — 7
3.3 Pieux sous effets cinématiques ................................................................. — 8
4. Stabilité des ouvrages sous séisme.......................................................... — 10
4.1 Stabilité au renversement .......................................................................... — 10
4.2 Stabilité au glissement ............................................................................... — 14
5. Ouvrages de soutènement sous séisme................................................... — 16
5.1 Méthode pseudo-statique .......................................................................... — 16
5.2 Évaluation des poussées/butées dynamiques.......................................... — 18
5.3 Stabilité au glissement d’un mur de soutènement .................................. — 21
6. Perspectives et conclusions....................................................................... — 24
Pour en savoir plus ............................................................................................. Doc. C 253
Parution : avril 2018 - Dernière validation : juillet 2020

spect essentiel dans la compréhension du comportement des ouvrages


A sous sollicitation sismique, l’interaction cinématique est une des compo-
santes de l’Interaction sol-structure (ISS).
Faisant appel à des notions à la croisée de plusieurs disciplines telles que la géo-
technique, la sismologie de l’ingénieur, la dynamique des sols et des structures, la
pratique de l’interaction sol-structure (ISS) est devenue une véritable spécialité.
Par ailleurs, sous l’impulsion des textes du référentiel « Eurocode » et, en
particulier des Eurocodes 7 et 8 (normes EN 1997 et 1998), s’est enclenchée
une révision complète des documents en lien avec le sol et les fondations des
ouvrages. En particulier, la dernière génération des codes de dimensionne-
ment des ouvrages en zone sismique, comme l’Eurocode 8, encourage la
pratique de l’interaction sol-structure en condition statique et dynamique dans
le dimensionnement des ouvrages.

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C 253 – 1

25
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C253

BASES DE L’INTERACTION SOL-STRUCTURE SOUS SÉISME _________________________________________________________________________________

Ainsi, l’approche proposée dans cet article, relatif aux effets cinématiques,
est de rassembler, avec celui publié sous la référence [C251] pour les effets
inertiels, les bases de l’ISS afin de donner à l’ingénieur les étapes essentielles,
ainsi que les niveaux successifs de détail qu’il peut porter à son analyse tout
en identifiant les paramètres sur lesquels il peut agir lors du
dimensionnement.
Pour compléter ces aspects d’interaction sol-ouvrage, se décrivant grâce à la
1 mécanique des milieux élastiques et/ou visco-élastiques, il a été jugé pertinent
d’explorer la frontière de la stabilité des ouvrages sous sollicitation dyna-
mique, comme les effets de renversement et de glissement au niveau de
l’interface sol-structure.
Ce qui permet de conclure l’article par l’approche du calcul des ouvrages
de soutènement sous séisme, notamment par une approche de calcul à la
rupture.
Les principes de la propagation des ondes dans les milieux terrestres sont
rappelés pour permettre la présentation des évaluations des périodes propres
des sols à usage de l’ingénierie des ouvrages de surface. À cette fin, des
méthodes de calcul des profils de déplacement horizontal du sol sont passées
en revue pour différents cas de sols stratifiés horizontalement. Ces déplace-
ments permettent d’évaluer les efforts se développant dans les fondations
profondes.
En complément des approches réglementaires concernant la stabilité des
fondations superficielles au glissement et au renversement, un développement
est proposé concernant les effets spécifiques, pouvant être « bénéfiques », sur
le dimensionnement du décollement d’une semelle, ainsi que sur ses déplace-
ments irréversibles.
L’article est complété par la stabilité des ouvrages de soutènement sous
séisme avec une exploration de la méthode à la rupture dite de « Monobé-
Okabé » usuellement utilisée pour les sols frottants. Toutefois, l’extension
de l’usage de cette méthode aux sols cohérents est proposée, ainsi qu’un
développement pour des surfaces de rupture non-planes dans un sol bi-
couche.
Enfin, une discussion sur les déplacements irréversibles pour ce type
d’ouvrage conclut cet article.

1. Rappel des notions


essentielles z

x
L’interaction cinématique se traduit par la différence entre le L’onde en trait plein représente le mouvement en champ libre.
mouvement sismique en champ libre (déformation du sol au pas- La fondation, elle, obéit à un mouvement qui lui est propre, fonction de
sage des ondes sismiques en l’absence de structures anthro- la raideur relative sol-fondation
piques interférant avec leur propagation) et celui correspondant à
la présence d’un ouvrage en surface et son mode de fondation
(fondations superficielles, fondations profondes). Figure 1 – Cas d’une fondation rigide reposant sur un sol homogène

Elle ne résulte que de la différence de « raideur » entre le sol et


la fondation, contrariant les mouvements imposés par le sol Ainsi, l’influence de la structure sur le sol et celle du sol sur la
[C251]. structure existent de manière simultanée (figure 1). L’étude de
la réponse dynamique du système sol-fondation sous l’effet de
l’interaction inertielle nécessite une analyse cinématique préa-
Le mouvement sismique en champ libre est la déformation lable en vue d’obtenir le mouvement à la base de la structure
du sol au passage des ondes sismiques en l’absence de pour, ensuite, déduire les efforts d’inertie induits par la
superstructures pouvant influer sur leur propagation. superstructure.
L’interaction cinématique, souvent négligée dans les codes
En revanche, l’interaction inertielle provient des efforts d’inertie parasismiques qui adoptent généralement une méthode simpli-
engendrés par la masse de la structure, appliqués à la base de fiée consistant à calculer les efforts sismiques à partir des forces
l’ouvrage et donc au niveau des fondations. Elle s’ajoute à l’inte- inertielles, est prise en compte dans les codes de dernière géné-
raction cinématique, et modifie aussi le champ de déplacement. ration.

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C 253 – 2

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C253

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2. Notions préliminaires décroissance de l’énergie et une atténuation exponentielle de


l’amplitude des ondes au cours de leur propagation. Une simula-
sur la dynamique des sols tion numérique réaliste de la propagation des ondes sismiques
dans les bassins sédimentaires afin d’obtenir des sismogrammes
spécifiques, nécessite de prendre en compte ces propriétés vis-
coélastiques [1].
2.1 Propagation des ondes
dans les milieux terrestres
1
2.1.3 Ondes de volume et ondes de surface

2.1.1 Équation de l’élastodynamique La solution de l’équation d’onde peut s’exprimer pour des
ondes de volumes de pression (P) et de cisaillement (S), enregis-
Les ondes sismiques sont des ondes élastiques régies par les trées respectivement en premier (forte composante horizontale) et
équations de l’élastodynamique. en second (composante horizontale dominante) sur un sismo-
gramme capturant les déplacements en x, y et z en fonction du
Cette hypothèse est valable pour les petits mouvements u et les
temps.
déformations, ce qui est réaliste pour le risque sismique dans les
conditions de sismicité faible à modérée, comme évoqué au § 1. Se déplaçant à une vitesse proche des ondes de cisaillement,
les ondes de surface, dont les ondes de Rayleigh, sont énergé-
tiques et notablement responsables des dégâts sur le bâti
(1) (figure 2).

Le terme de force de volume fi s’exprime généralement en un


terme de pesanteur fg et un terme source fs. 2.1.4 Principales caractéristiques du signal
sismique et vitesse des ondes
Le terme de pesanteur est un facteur important à très basse fré-
quence dans l’étude des modes représentant les oscillations libres Pour l’ingénierie sismique, le contenu fréquentiel des ondes sis-
de la planète, mais peut être négligé pour les ondes de volume et miques est compris entre 0,1 et 50 Hz, et, plus particulièrement
de surface pour les longueurs d’ondes étudiées. jusqu’à 20 Hz.
Dans le cadre des sujets abordés dans cet article, le terme fi est Dans les sols superficiels, soit sur quelques dizaines voire cen-
négligé. La loi de Hooke définit une relation linéaire entre le ten- taines de mètres pour les remplissages les plus épais, les maté-
seur de contrainte ij et le tenseur des déformations eij en notation riaux offrant des vitesses d’ondes de cisaillement Vs inférieures à
indicielle selon la convention d’Einstein. 800 m.s-1 font l’objet d’une analyse du phénomène d’amplification
du signal incident. Les sols pour lesquels Vs ≥ 800 m.s-1 consti-
2.1.2 Phénomène d’atténuation dans les sols tuent le substratum sismique, se différenciant du « substratum
géotechnique », sol dont la cote du toit représente conventionnel-
Les sols sont des milieux tri-phasiques (eau, air, grains solides) lement la profondeur au-delà de laquelle la déformation induite
qui, soumis à des déformations, dissipent de l’énergie mécanique. par le chargement des ouvrages de surface est faible à nulle.
Le mouvement moyen d’un fluide par rapport à la matrice élas- À titre indicatif, pour les sols tels que les sables, graviers com-
tique conduit à un mécanisme dissipatif (Loi de Biot pour la pro- pacts, marnes, la valeur de la vitesse des ondes de cisaillement
pagation d’ondes dans les milieux poreux), et donc à une est de quelques centaines de m/s.
atténuation des ondes. Pour les sables lâches et argiles molles, ces valeurs peuvent se
De plus, les origines de la dissipation incluent aussi les effets situer dans la gamme 100 à 300 m/s [10].
thermiques liés au frottement grains à grains, les mouvements Dans certaines conditions exceptionnelles de dépôt en milieu
locaux de fluide, etc. continental, les valeurs de Vs peuvent être inférieures à 100 m.s-1
Ces milieux terrestres, et en particulier les sols saturés, sont le comme pour les argiles supérieures de l’ancien lac de Mexico (30
siège de phénomènes de dissipation intrinsèque provoquant une à 50 m.s-1).

Surface
λRayleigh

Mouvement rétrograde

h = 0,19 λR ~ λR/5

z
Mouvement prograde

x
Propagation des ondes de Rayleigh

a mouvement elliptique rétrograde b illustration de l’inversion de la polarisation


en surface (z = 0) du mouvement dans le plan (O, x, y)

Figure 2 – Illustration du mouvement des particules de sol au passage d’une onde de surface de type Rayleigh, pour une fréquence donnée

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C 253 – 3

27
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C253

BASES DE L’INTERACTION SOL-STRUCTURE SOUS SÉISME _________________________________________________________________________________

2.1.5 Représentation de la propagation des ondes 2.1.6 Amplification des ondes : effets de site
par la théorie des rais « lithologiques »
La notion de rai sismique, représentant la ligne perpendiculaire L’amplitude des ondes sismiques incidentes peut être amplifiée
au front d’onde (analogie avec le rai optique), est souvent utilisée par les sols « mous » de surface [2] en raison du contraste d’impé-
pour interpréter des données sismiques (approximation « hautes dance de ces matériaux de couverture avec le substratum sis-
fréquences »). mique, ou encore par les effets de piégeage des ondes dans des
Si l’on considère une onde sphérique générée par un séisme, bassins remplis de sédiments détritiques peu consolidés.

1 son rayon de courbure est tel qu’en surface la simplification de sa


représentation par une onde plane est acceptable.
Cela est illustré par la figure 3 pour laquelle le milieu de pro-
Cet effet s’appelle l’effet de site « lithologique » et c’est l’un
des effets les plus importants à considérer dans la pratique du
pagation est homogène en vitesse v. Les ondes arrivent en sur- génie parasismique [3] (voir la figure 4).
face avec un angle d’incidence θ par rapport à la verticale. Entre
les temps t et t + Δt, les fronts d’ondes sont séparés d’une dis-
tance Δx’. La vitesse apparente du front d’onde en surface est La répartition des dégâts lors d’occurrence de séisme reflète les
supérieure à la vitesse réelle du front d’onde. variations locales du sol. On a des ondes de surface de type
Rayleigh, ou encore des ondes de volume à incidence oblique
(2) arrivant en surface.
Si le rapport largeur sur profondeur d’une vallée sédimentaire
est important, alors la simplification à un modèle de sol unidimen-
sionnel (1D), pour traduire les effets de site avec des ondes sta-
Δx tionnaires à incidence verticalisée, est envisageable.
En dehors de ces conditions, des effets de site bidimensionnels
Front d’onde au (2D) et tridimensionnels (3D) se manifestent [4] avec, notamment
temps t Δx’ θ
y
pour conséquence, des angles variables d’incidence des ondes en
ue surface.
sismiq
Rai Front d’onde au temps t + Δt Ces effets de site sont communément attribués à deux phéno-
z
mènes :
Le rai sismique forme un angle θ avec la verticale – un effet de résonance verticale et unidimensionnelle dû à la
stratigraphie ;
Figure 3 – Onde plane incidente à la surface du sol – un effet bidimensionnel dû à la géométrie du bassin.

Figure 4 – Schématisation de l’effet de site « lithologique »

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C 253 – 4

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C253

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Pour l’effet stratigraphique 1D, le modèle de sol considéré est À noter que l’angle d’incidence de l’onde modifie également la
alors constitué d’une superposition de couches unidirectionnelles valeur d’amplification à la résonance. L’amplification maximale
d’épaisseurs constantes surmontant un substratum « élastique » est alors obtenue pour une onde d’incidence verticale.
qui correspond au milieu de propagation de l’onde incidente. En plus de l’effet d’amplification, la résonance pour le cas 1D pro-
Dans le cas le plus simple, il s’agit généralement d’une onde duit aussi un prolongement de la durée du signal. L’atténuation, sou-
plane d’incidence verticale, en relation avec l’hypothèse de la ver- vent importante dans les sols peu consolidés, joue dans la réalité un
ticalisation du rai sismique. On se limite à la composante horizon- rôle favorable en diminuant ces effets. Son influence est faible sur le

1
tale de cette onde car c’est elle qui agit directement sur la mode fondamental et ne concerne que les modes supérieurs.
déstabilisation des constructions en surface.
L’amplification du mouvement surfacique dépend alors des 2.1.7 Effets de site « topographiques »
contrastes d’impédance entre les différentes couches homogènes.
Les observations relatent des effets destructeurs plus impor-
Par exemple, dans le cas simple d’une couche unique au-dessus tants au sommet de collines qu’en pied de celles-ci.
d’un semi-espace rigide élastique, la fonction de transfert T est le rap-
port de l’amplitude des mouvements dans le domaine fréquentiel Les exemples de séismes marquants, en France, sont ceux de
d’un point situé à l’interface des deux couches (point B) et du point Rognes et Vernègues (séisme provençal de 1909) et de Castillon
situé en surface (point A) [5] : (séisme ligure de 1887). Le séisme de 1971 de San Fernando en Cali-
fornie a activé l’intérêt pour ce phénomène en raison des fortes accé-
lérations enregistrées sur une crête proche du barrage de Pacoima
Dans l’hypothèse d’un milieu « moins raide » en surface, ce rapport situé sur le Comté de Los Angeles en Californie ([6] et [7]).
est supérieur à 1 (figure 5).
Les observations qualitatives ont été confirmées par des
L’amplification maximale du mouvement de surface se produit mesures instrumentales, bien que moins nombreuses comparati-
à des fréquences particulières, caractéristiques de la résonance de vement à celles réalisées pour évaluer l’effet de site « litholo-
la couche reposant sur le substratum sismique. Elles sont fonction gique ».
de la célérité des ondes dans la couche 1 et de son épaisseur :

(3) 2.2 Période propre des sols


Cette amplification à la résonance est due au piégeage des
ondes incidentes dans la couche superficielle. La prise en compte
2.2.1 Notations
de l’amortissement dans le milieu diminue la valeur du pic maxi- Trois cas de figure unidimensionnel (1D) peuvent être distin-
mum. gués (figure 6) :
Le premier pic, correspondant à f0 = Vs1 / 4h1, est le moins atté- – le modèle monocouche (figure 6a) ;
nué : il est communément appelé « fréquence fondamentale de – le modèle bicouche (figure 6b) ;
résonance » de la couche d’épaisseur h1.
– le milieu stratifié horizontalement à n couches (figure 6c).
Les couches de sol sont toutes considérées comme homogènes,
élastiques et isotropes.
A ux Dans les paragraphes qui suivent, on considère que la
recherche de la période d’un monocouche ou la période équiva-
ρ1, Vs1 B h1 lente d’un sol multicouche s’obtient à partir des données telles
z que le module de cisaillement Gi ou la vitesse de cisaillement Vsi
ρ2, Vs2 h2 ainsi que l’épaisseur Hi de chaque couche i.
x Cela sous-entend la réalisation d’essais spécifiques de recon-
naissance (investigations par essais en forages, méthodes géo-
Figure 5 – Amplification du signal ux pour la composante SH en sur- physiques en forage ou à base d’ondes de surface) conduisant à
face dans le cas d’un modèle 1D de sol bicouche avec Vs2 > Vs1 un modèle discrétisé verticalement.

ux(z,t) Vs1, ρ1 H1
Vs1, ρ1 H1

Vs, ρ H
Vsi, ρi Hi
z H2
Vs2, ρ2

x Vsn, ρn Hn
Substratum sismique

a modèle monocouche b modèle bicouche b milieu stratifié


horizontalement
à n couches

Figure 6 – Modèles monocouche, bicouche et milieu stratifié horizontalement à n couches

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C 253 – 5

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1

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C260

Effets de site sismiques


pour les ouvrages de surface
par Emmanuel JAVELAUD
1
Docteur ès sciences de l’ingénieur du Tokyo Institute of Technology,
Ingénieur de l’ENSG-Nancy
Ingénieur EDF
EDF-CEIDRE-TEGG (Aix-en-Provence, France)
et Jean-François SEMBLAT
Docteur de l’École Polytechnique, Ingénieur en Chef des Travaux Publics de l’État
IFSTTAR (Champs-sur-Marne, France)

1. Observation des effets de site sismiques................................................. C 260 - 2


1.1 Phénomènes physiques ............................................................................. — 2
1.2 Observation in situ des effets de site sismiques ...................................... — 4
2. Comportement des sols sous chargement cyclique ............................... — 8
2.1 Observations expérimentales .................................................................... — 8
2.2 Effet de la nature des matériaux (roches et sols) ..................................... — 11
2.3 Cas des sables : effets de la contrainte effective et de l’indice
de densité .................................................................................................... — 11
3. Caractérisation des sols in situ et en laboratoire .................................... — 11
3.1 Essais in situ ................................................................................................ — 12
3.2 Essais en surface......................................................................................... — 13
3.3 Essais en laboratoire................................................................................... — 14
4. Évaluation des effets de site sismiques : compétition
entre amplification et désamplification ........................................... — 16
4.1 Observation expérimentale des effets de site .......................................... — 17
4.2 Évaluation des effets de site lorsque le sol a un comportement
élastique....................................................................................................... — 19
4.3 Évaluation des effets de site lorsque le sol a un comportement
visco-élastique linéaire ............................................................................... — 25
4.4 Évaluation des effets de site lorsque le sol a un comportement
non-linéaire.................................................................................................. — 25
5. Des phénomènes à leur intégration pour la justification des ouvrages..... — 25
5.1 Approche forfaitaire : exemple de l’Eurocode 8....................................... — 26
Parution : novembre 2017 - Dernière validation : juillet 2020

5.2 Approche détaillée 1D : méthode linéaire-équivalente............................ — 27


5.3 Vers la prise en compte d’effets géométriques 2D .................................. — 28
6. Modification de l’effet de site .................................................................... — 28
6.1 Modification de l’effet de site lithologique 1D.......................................... — 28
6.2 Modification de l’effet de site géométrique 2D ........................................ — 29
7. Conclusion ................................................................................................... — 29
8. Glossaire ...................................................................................................... — 30
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. C 260

a présence de matériaux meubles dans les couches géologiques de sub-


L surface modifie le mouvement sismique. Cette modification est
essentiellement fonction de la nature des matériaux constituant les forma-
tions superficielles, de leur géométrie et de l’amplitude du mouvement
sismique.

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C 260 – 1

31
Référence Internet
C260

EFFETS DE SITE SISMIQUES POUR LES OUVRAGES DE SURFACE _____________________________________________________________________________

L’évaluation de la réponse des formations superficielles à une sollicitation


sismique est fondamentale en génie parasismique pour déterminer les caracté-
ristiques du mouvement sismique en surface.
La connaissance du mouvement sismique en surface est requis pour nombre
d’applications pratiques telles que :
– le dimensionnement des fondations sous sollicitation sismique ;

1
– l’évaluation des risques éventuels de liquéfaction sous nappe et de tasse-
ment induit hors nappe ;
– et la justification des structures.
Le mouvement sismique en surface est également nécessaire comme
donnée d’entrée pour les analyses d’interaction sol-structure.
Cet article a pour but de présenter l’influence des effets de site sismiques sur
le mouvement sismique en champ libre, en termes d’amplitude et de fré-
quence. Il s’attache tout d’abord à détailler les phénomènes en jeu en les
illustrant d’exemples réels. Il présente ensuite le comportement des sols
lorsqu’ils subissent des sollicitations sismiques et les reconnaissances géo-
techniques pour l’étude des effets de site.
Cet article détaille également, à partir d’exemples analytiques simples, les
paramètres qui concourent aux phénomènes d’amplification ou d’amortisse-
ment (dé-amplification) des ondes sismiques.
La prise en compte des effets de site sismiques dans les codes de construc-
tion du bâti courant est ensuite replacée dans le cadre des approches
simplifiées ou détaillées existantes. Cela permet d’introduire les évolutions
potentielles dans les générations de codes futures.
Enfin, ce travail présente une méthode de protection parasismique des
ouvrages en agissant sur les différentes composantes des effets de site
sismique.

– en champ lointain, ce sont les mouvements vibratoires.


1. Observation des effets L’amplitude des mouvements vibratoires dépend essentiellement
de site sismiques de la source (magnitude, géométrie, mécanisme de rupture), ainsi
que des matériaux traversés.

L’onde sismique générée par les failles se propage dans la croûte


terrestre. Elle s’atténue au fur et à mesure de son parcours, en parti- 1.1.1 Absence d’effet de site
culier car son énergie se répartit sur une surface plus grande.
Les ondes sismiques émises autour de la zone de rupture se
En fonction de la configuration et de la nature physique du propagent dans la croûte terrestre et interagissent avec les struc-
milieu traversé en surface, elle peut être localement modifiée :
tures géologiques.
amplifiée ou diminuée (dé-amplifiée) en amplitude, fréquences et
durée. L’amplitude du mouvement sismique diminue globalement
avec la distance à la source, comme illustré sur la figure 1, en rai-
son de :
1.1 Phénomènes physiques – l’expansion géométrique : il s’agit de la diminution de l’ampli-
tude de l’onde avec la distance et l’expansion du front d’onde, en
Un séisme correspond à la rupture soudaine d’une faille, d’une
lien avec la conservation d’énergie ;
longueur pouvant excéder 500 km, sur des surfaces pouvant
dépasser 10 000 km2, et avec un déplacement différentiel le long – la multiplicité des trajets : en raison de réflexions ou diffrac-
de la faille pouvant atteindre plusieurs mètres. tions partielles sur les hétérogénéités de la croûte ;
La rupture le long de la faille entraîne plusieurs phénomènes – l’atténuation intrinsèque dans les géomatériaux : cette atté-
physiques pouvant être classés de la façon suivante (figure 1) : nuation est due à la dissipation d’énergie au sein des matériaux
constitutifs de la croûte (par exemple par frottement entre les
– en champ proche, sont prépondérants :
grains). Elle est spécifique à chaque matériau.
• la rupture en surface, ainsi que des déplacements différen-
tiels sur la faille active,
• un mouvement tectonique et des déformations permanentes
1.1.2 Présence d’effets de site
(déplacements permanents ; rotation), y compris du substra- Lors de l’interaction avec la géologie de surface, les mouve-
tum rocheux, ments vibratoires peuvent toutefois être fortement modifiés ; ce
• des mouvements vibratoires ; sont les effets de site.

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______________________________________________________________________________ EFFETS DE SITE SISMIQUES POUR LES OUVRAGES DE SURFACE

Champ proche Champ lointain

Atténuation

Légende :

Substratum rocheux
1
Ondes de volume

Faille

Figure 1 – Phénomènes physiques et effets directs liés à l’aléa sismique en l’absence d’effets de site

Ceux-ci incluent : Les principales configurations lithologiques et géométriques


– des effets de site lithologiques 1D liés aux contrastes de carac- pouvant conduire à un effet de site sont présentées sur la
téristiques mécaniques entre couches de sol à stratification hori- figure 2.
zontale (figure 2a) ;
– des effets de sites géométriques liés à la géométrie 2D/3D des La modification du mouvement sismique due aux effets de site
interfaces entre couches, par exemple dans les bassins sédimen- (figure 3b, 3c, 3d et 3e) s’apprécie par rapport à la situation de
taires (figure 2b) ; référence (figure 3a) dans laquelle le substratum rocheux est pré-
– des effets de sites géométriques liés à la géométrie 2D/3D de sent jusqu’en surface.
la topographie de surface, c’est-à-dire du relief (figure 2c).

L’interface entre le substratum rocheux et les formations L’effet de site peut conduire à une augmentation (amplifica-
superficielles de caractéristiques mécaniques plus faibles est tion) ou à une diminution (dé-amplification) de l’amplitude du
appelé « substratum sismique ». Il représente le niveau à partir mouvement sismique, à la modification de son contenu fré-
duquel l’effet de site se développe. quentiel, ainsi qu’à son allongement.

a effet de site lithologique 1D


Légende :

Vs1 < Vs2 Formation superficielle

Vs2 Substratum sismique

Substratum rocheux

b effet de site géométrique c effet de site géométrique


de bassin 2D/3D de relief 2D/3D

Rai sismique
incident

Figure 2 – Schéma de principe des différents effets de site

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EFFETS DE SITE SISMIQUES POUR LES OUVRAGES DE SURFACE _____________________________________________________________________________

a situation de référence Légende :


(absence d’effet de site)
Formation superficielle

Formation superficielle

1
Substratum rocheux
Pas d’effet
de site L’effet de site s’apprécie par rapport
à la configuration (a) de référence.

Atténuation
Source

b effet de site lithologique 1D c effet de site lithologique 1D et


effet de site géométrique 2D/3D
de bassin

Effet de site Effet de site

Atténuation Atténuation
Source Source

d effet de site géométrique 2D/3D de relief e effet de site lithologique 1D et


effet de site géométrique 2D/3D
de relief

Effet de site Effet de site

Atténuation Atténuation
Source Source

Figure 3 – Présentation schématique des principales configurations lithologiques 1D et géométriques 2D/3D de bassin ou de relief pouvant
induire des effets de site

1.2 Observation in situ des effets de site Enfin, la compétition entre les phénomènes d’amplification et de
désamplification est particulièrement bien illustrée dans le troi-
sismiques sième exemple du barrage d’Aratozawa. Le phénomène de dé-
amplification est dominant lors de forts séismes tandis que le phé-
Trois exemples typiques d’observations in situ d’effets de site
nomène d’amplification domine lors de séismes plus petits
sismiques sont présentés dans les paragraphes suivants. Ils
(voir § 1.2.3).
mettent en évidence les phénomènes d’amplification et de dé-
amplification du mouvement sismique.
1.2.1 Amplification du mouvement sismique :
Le premier exemple historique ayant contribué à la mise en évi- effets de site lithologiques lors du séisme
dence des effets de sites est celui de Mexico en 1985 (voir § 1.2.1). de Mexico-Michoacan (Mexique)
Le deuxième exemple (Nagaoka-shisho, 2007) permet de com- Les effets de site ont été mis en évidence de façon très nette
prendre l’augmentation du déplacement dans la colonne de sol lors du séisme de Mexico-Michoacan de 1985. Alors que l’épi-
lorsque l’onde s’approche de la surface. Il introduit également les centre du séisme était situé sur la côte Pacifique à près de
différences entre les notions de substratum géotechnique et sis- 400 kilomètres de la ville de Mexico, cette dernière a subi des
mique (voir § 1.2.2). dégâts très importants.

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______________________________________________________________________________ EFFETS DE SITE SISMIQUES POUR LES OUVRAGES DE SURFACE

Cet effet de site, observé dans le bassin de Mexico, est causé Cet exemple permet également d’introduire les différences
par un effet de site lithologique 1D très prononcé, lié à la nature entre les notions de substratum sismique et de substratum géo-
particulièrement molle des argiles constituant le bassin. technique.
Les enregistrements réalisés à différentes distances de l’épi-
centre jusqu’au bassin de Mexico (figure 4 [2]) permettent de 1.2.2.1 Instrumentation du site
quantifier l’évolution du mouvement sismique avec la distance :
Le site de Nagaoka-shisho est équipé (figures 5a et 5b) de trois
– station Campos : cette station est située très près de l’épi- stations des réseaux accélérométriques nationaux japonais K-Net

1
centre et a subi une accélération maximale de 150 cm/s2 ; et Kik-Net : deux accéléromètres S1 et S2 sont placés en surface à
– station Teacalco : cette station est située à plus de 200 km de quelques mètres de distance, dans les abris photographiés sur la
l’épicentre. L’accélération maximale enregistrée de 18 cm/s2 est figure 5a.
bien plus faible, en accord avec une décroissance d’amplitude due
à l’atténuation des ondes au cours de la propagation. Ils sont complétés à l’aplomb de la station S1 d’un troisième
appareil placé en forage (capteur P), dans le rocher, à une profon-
On observe ensuite au niveau du bassin de Mexico une aug- deur de 100 m par rapport à la surface. Une vue schématique en
mentation très forte de l’amplitude du mouvement sismique due à
coupe de l’instrumentation est présentée sur la figure 5c.
l’effet de site :
– station UNAM : cette station est située à plus 300 km de l’épi- Les accélérations enregistrées en 2007 pendant le séisme de
centre et a subi une accélération maximale de 35 cm/s2, supérieure Niigata-ken Chuetsu-Oki (M 6,8) ([3], [4]), par trois accéléromètres
à celle enregistrée à la station Teacalco ; (composantes Est-Ouest), sont données sur la figure 5d, qui pré-
– station SCT : cette station est située au centre de Mexico à sente également les vitesses et déplacements obtenus par simple
presque 400 km de l’épicentre. Elle a subi une accélération maxi- et double intégrations.
male de 170 cm/s2, du même ordre de grandeur que celle enregis- Plusieurs phénomènes sont mis en évidence :
trée près de l’épicentre.
– les accélérations enregistrées par les deux capteurs situés en
Ainsi, dans le bassin de Mexico, l’effet de site conduit à une surface sont extrêmement similaires, et les différences sont liées à
triple modification du mouvement sismique : la variabilité spatiale du mouvement entre les deux points de
– une augmentation de son amplitude ; mesure ;
– une modification de son contenu fréquentiel, avec des oscilla- – l’accélération mesurée en profondeur est bien inférieure en
tions régulières de période proche de 2 à 3 s beaucoup plus longue amplitude à celle mesurée en surface. En réalité, ces accélérations
que près de l’épicentre ; ne sont pas directement comparables en raison, particulièrement,
– une augmentation de sa durée. de la condition de surface libre présente uniquement pour les
enregistrements S1 et S2 ;
1.2.2 Amplification du mouvement sismique : – les vitesses calculées en surface et en profondeur suivent une
même évolution globale, mais avec des vitesses supérieures en
cas du site de Nagaoka-shisho (Japon)
surface ;
L’exemple du site de Nagaoka-shisho permet d’aborder l’effet – les déplacements calculés en surface et en profondeur suivent
de site sismique en examinant l’augmentation du déplacement la même évolution, mais avec des déplacements maximum supé-
horizontal dans la colonne de sol. rieurs en surface.

170 PGA = 170 cm/s2

–170
SCT
170 PGA = 35 cm/s2

–170
UNAM
170 150 cm/s2 170 18 cm/s2

–170 –170
Campos Teacalco

Mexico
Épicentre ville

~ 400 km

Figure 4 – Effet de site à Mexico – Coupe schématique et enregistrements du séisme de 1985, de l’épicentre jusqu’au bassin de Mexico

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EFFETS DE SITE SISMIQUES POUR LES OUVRAGES DE SURFACE _____________________________________________________________________________

a photographie de l’instrumentation b carte du Japon et localisation c vue schématique en


(Photographie : Emmanuel Javelaud) de la station coupe de l’instrumentation

(S1 et S2)
(S2) 0 Surface

1
Surface
Mer du Japon

Profondeur (en m)
(S1) : Surface
(P) : 100 m JAPON
de profondeur

Océan Pacifique 100


(P)

d accélération enregistrée par les composantes EW des trois accéléromètres


Il s’agit de deux accéléromètres en surface et d’un accéléromètre placé à 100 m de profondeur, des réseaux accélérométriques
japonais K-Net et Kik-Net.
Les vitesses et déplacements sont obtenus par simple et double intégrations des accélérogrammes non corrigés.

Légende :
500
(P)
Accélération
0
(en cm/s2)
(S1)
–500
(S2)

Légende :
50
(P)
Vitesse
0
(en cm/s) (S1)
–50
(S2)

20
Légende :
(P)
Déplacement 0
(en cm) (S1)
(S2)
–20
14 16 18 20 22 24 26 28

Temps [en s]

Figure 5 – Effet de site de Nagaoka-Shisho – Exemple du séisme de Niigata-ken Chuetsu-Oki en 2007

1.2.2.2 Déplacements horizontaux dans la colonne de sol Si l’on s’intéresse aux maxima de déplacement différentiel à
chaque profondeur de la colonne, en partant du bas de la colonne
La comparaison des déplacements du sol en surface et en pro- et en remontant :
fondeur permet d’apprécier directement (figure 5d ; figure 6a)
l’augmentation du mouvement sismique due à l’effet de site. – ce déplacement est nul en bas de la colonne tant que l’on est
dans le rocher sous le niveau du substratum sismique ;
La colonne de sol subit un déplacement horizontal d’ensemble – il augmente dans la formation superficielle lorsqu’on se rap-
imposé à sa base (P). En surface, le déplacement observé est la proche de la surface ;
somme du déplacement (P) et d’un déplacement relatif complé- – le déplacement atteint en surface dmax qui est le maximum du
mentaire dont l’amplitude augmente lorsque l’on se rapproche de déplacement différentiel (S)-(P).
la surface.
Dans le repère d’entraînement lié au bas de la colonne 1.2.2.3 Substratum sismique et géotechnique
(figure 6b), le déplacement est nul au bas de la colonne et égal au L’étude de l’effet de site nécessite une connaissance du bassin
déplacement différentiel (S)-(P) en surface. sédimentaire jusqu’au substratum sismique. Elle ne doit pas se

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a déplacement temporel b déplacement temporel c déplacement maximal


relatif par rapport relatif par rapport
au bas de la colonne au bas de la colonne

20

0
(S1 et S2)
10

0
(S1) - (P) dmax
(S1 et S2)
0
dmax 1
0 0

–20 –10
14 16 18 20 22 24 26 28 14 16 18 20 22 24 26 28

Profondeur (en m)

Profondeur (en m)
20 1 Substratum
(P) sismique
0 0 100 –100
(P)
Déplacement relatif
–20 –1 maximal
14 16 18 20 22 24 26 28 14 16 18 20 22 24 26 28

Repère d’entrainement lié au bas de la colonne

Figure 6 – Site de Nagaoka-Shisho. Augmentation du déplacement dans la colonne de sol superficielle

Légendes :

Formations superficielles

Substratum rocheux

Substratum sismique

Substratum géotechnique

Bulbes de contraintes

Figure 7 – Schéma de principe présentant des ouvrages de différentes tailles dont l’échelle et le mode de fondation
permettent de définir la profondeur du substratum géotechnique

limiter à la seule zone superficielle d’intérêt pour la construction 1.2.3 Dé-amplification : cas du barrage
de l’ouvrage, c’est-à-dire jusqu’au substratum géotechnique. d’Aratozawa (Japon)
Dans les études, le substratum géotechnique est défini comme
Les observations faites lors de séismes mettent tout d’abord en
la surface en deçà de laquelle la déformation engendrée par
évidence l’importance de la lithologie des formations superficielles
l’ouvrage est faible à négligeable [C246]. La notion de substratum
et de leur géométrie sur l’amplification du mouvement sismique.
géotechnique est donc relative et elle dépend de l’ouvrage à
construire (figure 7). Elles montrent également qu’une compétition entre augmenta-
tion (amplification) et diminution (dé-amplification) du mouve-
Dans cet exemple, le substratum sismique est défini à l’interface ment sismique a toujours lieu.
entre le rocher et la formation superficielle meuble sus-jacente. Il est Le phénomène de dé-amplification augmente lorsque les sols sont
représenté sur la figure 6c à la profondeur de 95 m car le capteur (P) soumis à des séismes plus importants, et peut prendre le pas sur le
est placé à quelques mètres de profondeur dans le rocher. phénomène d’amplification observé lors de séismes plus faibles.

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1

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Stabilité des pentes


Glissements en terrain meuble
par Philippe REIFFSTECK
Directeur de Recherche
IFSTTAR, Marne-la-Vallée (Fance)
1
Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article [C 254] intitulé « Stabilité des pentes –
Glissements en terrain meuble » paru en 1996, rédigé par Jean-Louis DURVILLE et Gilles
SÈVE.

1. Contexte ........................................................................................... C 254v2 – 2


1.1 Différents types d’instabilités de pentes ........................................... — 2
1.2 Problèmes posés ................................................................................ — 2
2. Reconnaissance du site ................................................................. — 2
2.1 Géologie et géomorphologie ............................................................. — 2
2.2 Hydrogéologie .................................................................................... — 3
2.3 Caractéristiques mécaniques : résistance au cisaillement ............... — 3
2.4 Étude cinématique ............................................................................. — 4
3. Calculs de stabilité ......................................................................... — 5
3.1 Notions de coefficient de sécurité et de facteur partiel de modèle . — 5
3.2 Calcul du coefficient de sécurité en rupture plane ........................... — 6
3.3 Calcul du coefficient de sécurité en rupture circulaire ..................... — 7
3.4 Cas d’une surface de rupture bidimensionnelle quelconque ........... — 8
3.5 Introduction d’une force extérieure ................................................... — 8
3.6 Application au dimensionnement d’ouvrages .................................. — 9
3.7 Méthodes de réduction des paramètres de cisaillement c-j ............ — 10
3.8 Perspectives........................................................................................ — 11
4. Méthodes de confortement .......................................................... — 11
4.1 Terrassements .................................................................................... — 11
4.2 Dispositifs de drainage ...................................................................... — 13
4.3 Introduction d’éléments résistants .................................................... — 14
4.4 Cas des remblais sur sols mous ........................................................ — 16
5. Techniques de surveillance ........................................................... — 16
6. Conclusion........................................................................................ — 17
7. Glossaire ........................................................................................... — 17
Parution : novembre 2015 - Dernière validation : juillet 2020

Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 254v2

es glissements de terrain sont des mouvements qui affectent les talus et


L les versants naturels. Ils peuvent provoquer des dommages importants
aux ouvrages et aux constructions, avec un impact économique sensible, et
parfois causer des victimes. Ils surviennent à la suite d’un événement naturel
– forte pluie, érosion de berge, séisme, par exemple – ou sont la conséquence
plus ou moins directe d’actions de l’homme, telles que travaux de terrasse-
ments ou déforestation. L’étude des glissements de terrain et la prévention
des risques qu’ils engendrent relèvent de la géologie appliquée et de la méca-
nique des sols.

Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés C 254v2 – 1

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STABILITÉ DES PENTES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Contexte cisaillement, dues aux forces motrices telles que le poids, excèdent
la résistance du sol le long de la surface de rupture. Les principaux
éléments morphologiques d’un glissement sont représentés sur la
figure 2. On observe des glissements de formes variées :
1.1 Différents types d’instabilités – glissements rotationnels, à surface de rupture à peu près cylin-
de pentes drique circulaire ;
– glissements plans, dont la surface de rupture est plane dans sa
Les mouvements qui affectent les versants sont extrêmement plus grande partie ;
variés par leur dimension, leur morphologie et leur évolution ciné- – glissements composites, avec une ou plusieurs surfaces de

1
matique. De nombreuses classifications ont été proposées, fondées rupture de forme complexe.
sur différents critères : morphologie, cinématique, nature des maté-
riaux, etc. [2]. Trois familles principales de phénomènes, à l’origine Les dimensions en plan d’un glissement vont du décamètre à quel-
de déplacements importants de matériaux sur les talus et versants, ques kilomètres ; la profondeur de la surface de rupture est comprise,
peuvent être distinguées : dans la plupart des cas, entre 5 et 10 m, mais elle peut atteindre quel-
– les glissements en terrain meuble, caractérisés par la formation ques dizaines de mètres ; les volumes en mouvement dans les glisse-
ments les plus considérables atteignent plusieurs dizaines de millions
d’une surface de rupture le long de laquelle se produisent les
de mètres cubes. Les terrains concernés sont en général à forte com-
déplacements ;
posante argileuse, mais on peut rencontrer des glissements dans des
– les éboulements en terrain rocheux, engendrés par le détache-
sols très sableux, ou dans du rocher altéré et fracturé.
ment rapide, en général le long de discontinuités préexistantes,
d’une masse de rocher qui se disloque lors de sa propagation vers Les glissements des versants naturels peuvent atteindre de gran-
le pied du versant ; des dimensions et entraı̂ner des conséquences graves : à La Salle-
– les coulées boueuses ou coulées de débris, assimilables à en-Beaumont (Isère) par exemple, le glissement survenu en 1994 a
l’écoulement d’un fluide visqueux charriant des éléments de tailles mobilisé plus d’un million de mètres cubes d’argiles glaciaires,
diverses (depuis les fines jusqu’aux blocs) sur des distances parfois causé la ruine de plusieurs maisons et fait quatre victimes [1].
importantes.
Le présent article se rapporte à la famille des glissements (figure 1). 1.2 Problèmes posés
Un glissement de terrain se produit lorsque les contraintes de
Le géotechnicien est consulté sur un problème de stabilité des
pentes dans diverses circonstances et avec plusieurs missions :
– versant naturel en mouvement (lent) : prévision d’évolution, stabi-
lisation (d’une partie ou de la totalité, provisoire ou définitive), adap-
tation d’un projet en conséquence, mise en place d’une surveillance ;
– glissement avec rupture consommée : stabilisation du site,
réparation de l’ouvrage endommagé ;
– création de remblais ou de déblais en terrain stable : dimen-
sionnement des talus, avec renforcement si nécessaire ; cas des
barrages en terre (stabilité des talus amont et aval) ; cas des rem-
blais sur sol mou (évaluation de la stabilité d’ensemble, définition
du mode de construction) ;
– travaux neufs (terrassements) dans un versant stable ou tout
juste stable : définition des précautions à prendre pour ne pas le
déstabiliser.
Les paragraphes qui suivent ont pour but de fournir à l’ingénieur
quelques éléments de réponse à ces divers problèmes.

2. Reconnaissance du site
2.1 Géologie et géomorphologie
Certaines formations géologiques sont réputées pour leurs ver-
sants fréquemment instables :
– les marnes noires du Lias en Lorraine, en Bourgogne ou dans
l’Aveyron ;

Figure 2 – Principaux éléments de description d’un glissement


Figure 1 – Exemples de glissement de terrain de terrain

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– STABILITÉ DES PENTES

– les argiles du Gault en Normandie ; la résistance à court terme (non drainée) et la résistance à long
– les argiles quaternaires varvées du sud de Grenoble, etc. terme (drainée). La forte perméabilité des sols grenus permet un
drainage quasi instantané : la distinction entre court terme et long
La première étape d’une étude de stabilité des pentes est l’éta- terme est alors sans objet. Dans un calcul de type long terme, les
blissement de la structure géologique du site : nature des terrains contraintes à considérer sont les contraintes effectives (s ′ = s - u),
du substratum, épaisseur des formations superficielles, présence car ce sont celles qui gouvernent le comportement du squelette
de failles, etc. Il est important que l’étude géologique s’étende sur
solide du sol. Dans un calcul à court terme, il est plus simple de
une zone plus large que l’emplacement précis de la zone instable.
raisonner en contraintes totales dans toutes les couches de sols
fins.

1
Ceci permet par exemple de mettre en évidence que le glisse-
ment actuel n’est qu’une partie d’un glissement ancien, de recher- L’enveloppe de rupture des sols dans le plan de Mohr (s, t) est,
cher une alimentation en eau souterraine extérieure à la zone étu- en général, assimilée à une droite d’ordonnée à l’origine c (cohé-
diée, ou d’utiliser l’information apportée par l’analyse d’autres sion) et de pente tan f (frottement).
glissements du même type dans les environs.
2.3.1 Sols grenus et sols fins
Sur un site potentiellement instable, on recherchera des indices
de mouvements anciens ou actifs, tels que moutonnements de la Les sols grenus, s’ils sont propres et secs, ont une cohésion
pente, zones humides, arrachements superficiels, fissures dans les nulle.
constructions rigides, etc.
Pour les sols fins, deux types de caractéristiques sont couram-
Les principaux moyens d’investigation utilisés sont les suivants : ment utilisées :
– dépouillement d’archives, de dossiers d’études d’ouvrages, – caractéristiques drainées : cohésion effective c ′, angle de frotte-
enquête auprès des gestionnaires d’ouvrages ; ment interne f ′ ;
– levés morphologique et géologique de terrain : affleurements, – caractéristiques non drainées : cohésion non drainée cu ainsi
indices de mouvements, zones humides ; que l = Dcu/Ds (coefficient d’accroissement de la résistance non
– photo-interprétation (à plusieurs dates, si possible) : géologie, drainée avec la contrainte de confinement). L’enveloppe de rupture
géomorphologie, etc. ; en contraintes totales est une droite horizontale d’ordonnée à l’ori-
– géophysique, fournissant par exemple la profondeur du subs- gine cu et de pente tan fu = 0.
tratum en place (sismique-réfraction notamment) [C 224] ;
– sondages destructifs ou carottés, diagraphies [C 216]. Des valeurs typiques de cohésion et de frottement sont présen-
tées dans le tableau 1.
Ces investigations sont complétées par des techniques détermi-
nant la géométrie des versants. Le développement et la miniaturi-
sation des techniques de positionnement et de mesure permettent 2.3.2 Résistance de pic, résistance résiduelle
d’obtenir des Modèles numériques de terrain (MNT) des sites à par-
L’existence d’un pic marqué sur les courbes d’évolution de la
tir de drones à vol autonome.
résistance en fonction de la déformation ou du déplacement
dépend de l’état de compacité du sol au début du cisaillement :
2.2 Hydrogéologie on l’observe dans les argiles surconsolidées et les sables denses.
Après un grand déplacement, la résistance tend vers une valeur
Étant donné le rôle primordial que joue l’eau dans les instabilités dite « résiduelle », caractérisée par une cohésion quasi nulle et un
de versants (on estime qu’environ 55 % des glissements ont une angle de frottement affaibli, en raison de la réorientation des parti-
cause hydraulique), l’étude hydrogéologique est très importante. cules sur la surface de glissement (figure 4).
Elle a pour but de connaı̂tre la répartition des pressions interstitiel-
les dans le sol, leur évolution dans le temps et, en prévision de la Les caractéristiques de résistance à utiliser sont donc différentes
réalisation d’un drainage, le fonctionnement des nappes (sens des selon qu’il s’agit de glissements nouveaux (valeur de pic) ou de
écoulements, alimentation…). Les techniques utilisées sont : réactivations de glissements anciens (valeur résiduelle).
– la piézométrie ;
– le repérage des niveaux d’eau dans les puits ;
– les mesures de débits de sources ;
– le recueil des données météorologiques.
Le suivi de ces paramètres doit se faire pendant une année au
minimum, afin de disposer d’une image représentative des condi-
tions hydrogéologiques du site [15].

La figure 3 présente, à titre d’exemple, la hauteur de pluie journa-


lière et les fluctuations piézométriques sur le site expérimental du
versant de Sallèdes (Puy-de-Dôme).

2.3 Caractéristiques mécaniques :


résistance au cisaillement
L’étude mécanique des glissements suppose l’estimation de la
résistance au cisaillement mobilisée le long d’une surface de rup-
ture ([3] [C 216]). La rupture en un point est caractérisée par de
grandes déformations ; il n’y a plus d’équilibre possible si ces
déformations ne sont pas contenues par ailleurs.
Le comportement au cisaillement d’un sol fin est différent selon
que l’on laisse ou non le temps aux surpressions interstitielles de Figure 3 – Pluviosité (bâtons) et pression interstitielle (courbe
se dissiper lors du cisaillement : on est donc amené à distinguer en trait noir) sur le site de Sallèdes pendant 600 jours

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C254

STABILITÉ DES PENTES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Tableau 1 – Valeurs indicatives des caractéristiques mécaniques de quelques sols


g c ′pic j ′pic c ′R j ′R cu
Types de sol
(en KN/m3) (en kPa) (en degrés) (en kPa) (en dégrés) (en kPa)

Vase organique 13 à 15 0 à 10 25 à 32 0 25 à 30 14 à 18

Argile molle 15 à 19 0 à 10 28 à 34 0 à 5 10 à 15 < 25

1 Argile raide non fissurée 18 à 20 10 à 40 15 à 25 0 à 5 6 à 15 80 à 200

Limon 17 à 19 0 à 40 25 à 35 0 20 à 30 40 à 50

Sable propre 16 à 21 0 30 à 45 (1) 0 25 à 35

Sables et graviers propres 16 à 22 0 35 à 48 (1) 0 30 à 35

g poids volumique, c ′ cohésion effective, f ′ angle de frottement interne.


(1) Valeurs correspondant à un matériau dans un état dense.

Figure 5 – Courbes inclinométriques mettant en évidence une surface


de rupture

– analyse à rebours : on détermine les caractéristiques par calage


sur un glissement déclaré (qui est un essai de cisaillement en vraie
grandeur) ; cela nécessite de faire des hypothèses sur le réseau
hydraulique au moment de la rupture et de bien connaı̂tre la géo-
métrie de la surface de rupture.

2.4 Étude cinématique


Figure 4 – Essai de résistance au cisaillement alterné à la boı̂te
sur l’argile de Villerville (Crédit Maquaire) Le premier objectif de l’étude cinématique est la délimitation en
plan et en profondeur du volume en mouvement. Pour cela, on
2.3.3 Évaluation de la résistance au cisaillement peut utiliser divers instruments, en particulier les nivelles et les
inclinomètres. Les nivelles micrométriques servent à mesurer les
On dispose de différentes méthodes pour évaluer la résistance rotations de la plaque support sur l’horizontale ; la plaque est
au cisaillement en un site donné : fixée sur un ouvrage ou sur un plot scellé dans le sol. La mesure
inclinométrique, réalisée au moyen d’une sonde descendue dans
– mesure in situ (scissomètre ou avec moins de fiabilité phicomè-
un tube scellé dans un forage, fournit l’inclinaison sur la verticale
tre) ou prélèvement d’échantillons pour essais en laboratoire
du tube et, par intégration, sa déformation (figure 5) ; elle permet
(appareil triaxial, boı̂te de cisaillement) ;
en particulier de déterminer la profondeur de la surface de rupture.
– estimation par l’expérience (« la formation des argiles du Keu-
per possède typiquement telles caractéristiques ») ou par l’utilisa- L’étude cinématique permet aussi d’obtenir un ordre de grandeur
tion de relations empiriques reliant la résistance à d’autres caracté- de la vitesse de mouvement, d’analyser la sensibilité aux facteurs
ristiques géotechniques ; extérieurs, ou de contrôler l’efficacité d’une stabilisation.

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42
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C257

Risques naturels gravitaires


Géologiques et torrentiels
par Didier HANTZ
1
Maître de conférences
Laboratoire ISTerre et Polytech Grenoble, Université Grenoble-Alpes (Grenoble, France)
Didier MAZET-BRACHET
Ingénieur géotechnicien
Alp’Géorisques (Domène, France)
et Jean-Pierre ROSSETTI
Ingénieur géologue
Alp’Géorisques (Domène, France) Laboratoire ISTerre et Polytech Grenoble, Université
Grenoble-Alpes (Grenoble, France)

1. Mouvements de terrain.............................................................................. C 257 - 2


1.1 Typologie ..................................................................................................... — 2
1.2 Caractérisation de l’aléa ............................................................................. — 5
1.3 Détermination et appréciation du risque .................................................. — 7
1.4 Gestion du risque........................................................................................ — 8
2. Les phénomènes torrentiels ...................................................................... — 9
2.1 Spécifictés des torrents .............................................................................. — 9
2.2 Typologie des phénomènes torrentiels .................................................... — 10
2.3 Crues torrentielles....................................................................................... — 10
2.4 Écoulements torrentiels.............................................................................. — 12
2.5 Caractérisation de l’aléa torrentiel............................................................. — 13
2.6 Détermination et appréciation du risque .................................................. — 14
2.7 Gestion du risque........................................................................................ — 14
3. Avalanches .................................................................................................. — 15
3.1 Manteau neigeux ........................................................................................ — 15
3.2 Caractérisation de l’aléa induit par les avalanches .................................. — 18
3.3 Détermination et appréciation du risque .................................................. — 19
3.4 Gestion du risque........................................................................................ — 19
4. Zonage réglementaire ................................................................................ — 24
4.1 Cadre légal français .................................................................................... — 24
4.2 Objectifs ....................................................................................................... — 25
Parution : novembre 2016 - Dernière validation : août 2021

4.3 Guides méthodologiques ........................................................................... — 25


4.4 Finalités du zonage réglementaire ............................................................ — 25
5. Conclusion ................................................................................................... — 27
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. C 257

es phénomènes gravitaires sont de formes multiples et affectent régulière-


L ment les personnes et les biens de façon plus ou moins intense.
Avant de débuter cet article il est nécessaire de définir précisément les
termes utilisés plus loin.
Le terme « phénomène » désigne la manifestation d’un agent naturel (ou
parfois anthropique) mettant en jeu les lois fondamentales de la physique du
globe (gravité, thermodynamique, hydraulique, géodynamique, etc.). Les phé-

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C 257 – 1

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RISQUES NATURELS GRAVITAIRES _____________________________________________________________________________________________________

nomènes abordés ici se limiteront aux mouvements de terrain, aux


phénomènes torrentiels et aux avalanches.
L’« aléa » (hazard en Anglais) est une notion plus complexe, qui peut être
définie comme un phénomène (inondation, mouvement de terrain, avalanche,
séisme, …) pouvant provoquer des dommages, et qui se caractérise par sa
probabilité d’occurrence (ou sa fréquence) dans une période donnée (période

1
de référence), ainsi que par ses caractéristiques physiques (type et intensité du
phénomène).
Les « enjeux » désignent les personnes, biens, activités, moyens, patri-
moines, susceptibles d’être affectés par un phénomène naturel. La notion
d’enjeu est donc indépendante de celle d’aléa. En revanche, la « vulnérabilité »
est la mesure des dommages de toutes sortes (humains, matériels, etc.), qui
dépendent de l’intensité de l’aléa. La vulnérabilité introduit donc une notion
financière et sociétale.
Le « risque » est une mesure de la probabilité et de l’importance des dom-
mages provoqués par un événement d’origine naturelle ou anthropique
affectant des enjeux.
Le risque résulte donc du niveau de l’aléa, de la nature et de la vulnérabilité
des enjeux exposés. Ainsi, un aléa concernant une zone non aménagée ne pré-
sente aucun risque. Au contraire, un aléa faible, peu intense et/ou peu
probable, impactant une zone très vulnérable, peut engendrer un risque fort.
On conçoit donc deux pistes principales pour réduire le risque, soit :
– en agissant sur l’aléa (par exemple en limitant la probabilité de déclenche-
ment du phénomène : stratégie de protection active ou en limitant la
propagation ou les effets : stratégie de protection passive) ;
– en agissant sur les enjeux et en réduisant leur vulnérabilité (par exemple
en réglementant les aménagements en zones exposées : stratégie de la pré-
vention par la cartographie réglementaire).
Il est également possible de réduire la vulnérabilité par l’acculturation des
populations aux risques. Cela se traduit par la formation des scolaires (la sen-
sibilisation aux risques majeurs est aujourd’hui inscrite dans les programmes
pédagogiques du primaire au secondaire) jusqu’à l’information du citoyen
(mise à disposition de l’information sur Internet, communications par les col-
lectivités, information acquéreurs-locataires, etc.).
Dans les paragraphes suivants, nous nous attacherons à décrire les phéno-
mènes gravitaires. Pour chacun d’eux, nous présenterons les méthodes
d’analyse de l’aléa et du risque, puis les moyens de réduction des risques envi-
sageables en agissant sur l’aléa ou la vulnérabilité des enjeux.

1. Mouvements de terrain 1.1 Typologie

L’expression « mouvement de terrain » est généralement utili- 1.1.1 Mouvements de pente


sée pour désigner un déplacement du terrain provoqué directe-
ment par la gravité, et n’englobe pas les mouvements vibratoires 1.1.1.1 Mouvements liés à la genèse de la pente
du sol provoqués par les séismes ou les tirs de mines, par On peut distinguer deux grands types de pentes :
exemple. Les mouvements de terrain peuvent être dus à la pente
– les premières ont été créées par érosion naturelle, mouvement
(mouvements de pente) ou à la présence de vides souterrains
tectonique ou excavation ;
(effondrements et affaissements).
– les secondes résultent de l’accumulation de matériaux (dépôts
Nous nous appuierons, pour les mouvements de pente, sur les volcaniques, éoliens, remblais).
recommandations [1] données par le comité technique sur les
mouvements de pente (JTC1), commun aux sociétés internatio- ■ Dans le premier cas
nales de mécanique des sols et de la géotechnique (ISSMGE), de La décompression produit inévitablement une dilatation du ter-
mécanique des roches (ISRM) et de géologie de l’ingénieur rain, que l’on appelle parfois « rebond élastique » (figure 1a). Ce
(IAEG), et pour les mouvements dus aux vides souterrains, sur le type de mouvement présente une composante verticale ascen-
guide technique INERIS-LCPC [2]. dante et une composante horizontale dirigée vers le vide.

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C 257 – 2

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_____________________________________________________________________________________________________ RISQUES NATURELS GRAVITAIRES

Volume excavé ou
érodé Plan de glissement

a
1
Surcharge

Figure 1 – Rebond élastique et tassement (indiqués par les flèches Plans


rouges)
de glissement

Des mouvements ascendants de plusieurs centimètres ont ainsi


été mesurés au fond d’excavations de plus de 100 m de profon-
deur. Le rebond provoqué par les grands travaux d’excavation
(qui se déroulent sur quelques années) peut être mesuré, mais
pas celui provoqué par l’érosion naturelle car il est beaucoup plus
lent. On peut cependant en observer les conséquences (fissures
ouvertes proches des escarpements).
■ Dans le cas des pentes formées par accumulation
Les couches inférieures sont comprimées sous le poids des
couches sus-jacentes. Il en résulte un tassement vertical et une
dilatation horizontale, souvent accompagnée par des fissures de
traction (figure 1b).

1.1.1.2 Glissements Figure 2 – Glissements translationnels sur 1 ou 2 plans

Un glissement est un mouvement d’une masse de sol ou de


roche, sur une surface de rupture (ou de glissement) individuali- Escarpement Fissures de traction
sée, ou sur une zone relativement mince de cisaillement intense.
Limite latérale
On distingue différents types de glissement correspondant à dif-
Bourrelet de pied
férentes formes de la surface de rupture.
■ Glissements translationnels
Ils se produisent généralement sur un ou deux plans (dièdre) de
discontinuité, pré-existants dans un massif rocheux (figure 2).
Cependant, ces « plans » peuvent comporter des « marches Surface de rupture
d’escalier » (glissements en escalier).
a glissement rotationnel
■ Glissements rotationnels
Ils se produisent sur une surface axisymétrique (figure 3a,
extraite de l’article [C254]). On les appelle parfois « glissements
circulaires », car, sur une coupe verticale la surface de rupture est
un arc de cercle.
Ils peuvent se produire dans des massifs continus (souvent
dans des sols) ou ne comportant pas de plans de discontinuité
permettant un glissement translationnel.
b glissement composite
■ Autres glissements
Ils sont appelés « glissements composites » (ou fractionnés), car
Figure 3 – Glissement rotationnel et glissement composite
ils impliquent une déformation interne ou un fractionnement de la
masse en mouvement (figure 3b) extraite de l’article [C254].
Le cas le plus simple est le glissement sur deux plans inclinés blocs). Le bloc aval, reposant sur le plan le moins incliné, est qua-
dans la même direction, qui implique le fractionnement en deux lifié de « bloc passif », car il est poussé par le bloc amont « bloc
compartiments de la masse en glissement (glissement à deux actif », qui glisse sur un plan plus incliné.

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C 257 – 3

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Glissement

Chute libre

1 Basculement Rebond

Chute libre
Enjeu

a basculement b chute

Figure 4 – Basculement (a) et glissement (b) suivis d’une chute

1.1.1.3 Basculements

Un basculement est un mouvement de rotation vers l’aval,


autour d’un axe situé sous le centre de gravité de la masse en
mouvement (figure 4a).

On distingue deux types de basculement :


– le basculement de bloc prédécoupé ;
– le basculement par flexion d’un banc rocheux ou d’un pan de
falaise (que l’on appelle parfois « fauchage »). a coulée boueuse

1.1.1.4 Chutes (ou éboulements)


Lorsque le glissement ou le basculement d’un bloc n’est pas
contenu (figure 4b), il peut se transformer en un mouvement qua-
lifié de chute, qui consiste en chutes libres, rebonds, roulements
et, éventuellement, chocs contre d’autres blocs. Ce type de mou-
vement est forcément très rapide (quelques km/h à quelques
dizaines de km/h).

1.1.1.5 Écoulements
b fluage
Dans un écoulement, la déformation du terrain n’est pas localisée
sur une surface de glissement, mais diffuse comme dans un fluide
visqueux. Mais la masse en mouvement peut éventuellement se Figure 5 – Écoulements rapide et lent (fluage)
déplacer sur une surface basale comme un glissement. Elle peut
alors accélérer et s’écouler sur le versant en aval de la zone de
départ (on parle alors de « coulée boueuse »). Un glissement peut À l’exception de la chute (forcément très rapide), les autres
évoluer en écoulement de ce type si la masse se fluidifie (figure 5a). types de mouvement peuvent avoir des vitesses très variables, de
Les chutes de roche impliquant un grand nombre de blocs (forte quelques mm/an à plusieurs dizaines de km/h.
interaction entre les blocs) peuvent se comporter comme un écou- Signalons enfin que plusieurs mécanismes peuvent intervenir
lement fluide. On parle alors d’« avalanche rocheuse ». simultanément ou successivement dans un même mouvement.
Dans le cas où il n’existe pas une surface basale de disconti-
nuité de déplacement, l’écoulement, généralement très lent, est
qualifié de « fluage » (figure 5b). 1.1.2 Mouvements liés à des vides souterrains
Ces mouvements peuvent être liés à des cavités naturelles ou
1.1.1.6 Remarques complémentaires artificielles. Dans le second cas, ils ne constituent plus un risque
Pour mieux caractériser un mouvement, les mécanismes décrits strictement naturel ; mais comme la majorité des cavités artifi-
ci-dessus peuvent être complétés par : cielles ne sont pas connues, le risque qu’elles représentent est
– le type de matériau impliqué (roche ou sol) ; souvent traité comme un risque naturel.
– le type d’activité (mouvement potentiel, actif, suspendu, inactif, Nous ne parlerons ici que des mouvements de surface, et pas
stabilisé) ; de l’instabilité des cavités lorsque celle-ci n’affecte pas la
– la vitesse du mouvement. surface.

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C 257 – 4

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_____________________________________________________________________________________________________ RISQUES NATURELS GRAVITAIRES

Lorsqu’il n’est pas fait référence explicitement à une durée,


l’aléa n’est pas totalement caractérisé et on parle de
« susceptibilité ». Suivant le type de mouvement, une intensité
peut être définie à partir :
– de l’énergie cinétique (chutes de roche, avalanches rocheuses) ;
– du déplacement total ou différentiel (glissements) ;
– du débit par unité de largeur ou de l’épaisseur (écoulements).

1
La caractérisation de l’aléa peut être effectuée à deux échelles
Effondrement différentes. On peut :
du toit des cavités
– chercher à identifier et délimiter les volumes de sol ou de
Cavités naturelles
ou artificielles
roche susceptibles de se mettre en mouvement (ou d’accélérer
s’ils le sont déjà) ;
– ou identifier des zones homogènes plus larges dans lesquelles
Figure 6 – Formation d’un fontis (Crédit Graphies/MEDD-DPPR) des mouvements, présentant des caractéristiques similaires,
risquent de se produire.
Dans le premier cas, on parle d’« aléas localisés », et dans le
second d’aléas diffus. La notion de probabilité d’occurrence ne se
1.1.2.1 Affaissements traduit pas de la même manière dans les deux cas.
Les affaissements sont des mouvements lents et progressifs ■ Pour un aléa localisé
dus au fléchissement des terrains, provoqués par l’exploitation
souterraine d’une couche à une profondeur suffisante pour que C’est la probabilité que le volume identifié se mette en mouve-
l’effondrement éventuel du toit de la couche ne se propage pas ment (probabilité de rupture ou de départ) ou qu’il atteigne un
brutalement jusqu’à la surface. Il se forme progressivement une enjeu (probabilité d’impact).
cuvette d’affaissement, dont les bords sont en pente douce, et qui
peut s’étendre sur plusieurs centaines de mètres.
On appelle « probabilité de propagation », la probabilité
Les exploitations profondes à l’origine des affaissements ont un (conditionnelle) que le volume atteigne l’enjeu, sachant qu’il
caractère industriel et sont généralement connues. Le problème s’est détaché de sa zone de départ.
du risque associé ne se pose alors pas de la même manière que
pour les risques naturels. Dans le cas simple où un seul volume menace l’enjeu, la
« probabilité d’impact » est le produit de la probabilité de
départ par la probabilité de propagation.
1.1.2.2 Effondrements
Les effondrements sont des mouvements plus brutaux, résul-
tant de la propagation jusqu’à la surface de l’instabilité d’une ■ Pour un aléa diffus
cavité souterraine naturelle ou artificielle (figure 6). Il se forme un On utilise plutôt la notion de fréquence temporelle, qui est le
« fontis » (ou « doline d’effondrement »), dont les bords sont nombre moyen d’évènements se produisant par unité de temps
beaucoup plus raides que ceux d’une cuvette d’affaissement. sur une certaine zone (ou celle de fréquence spatio-temporelle,
Les cavités souterraines naturelles peuvent être dues à la disso- qui est le nombre d’évènements par unité de temps et de surface
lution de la roche (cavités karstiques dans le calcaire ou le gypse), ou longueur de falaise).
ou au vide laissé par l’écoulement de la lave fluide sous une
croûte de lave durcie par le refroidissement en surface. Des cavi-
1.2.1 Détection et localisation des aléas
tés de taille plus modeste peuvent également être liées à l’entraî-
nement des grains d’un sol par une circulation d’eau souterraine Pour détecter les mouvements qui sont déjà actifs, on recherche
(phénomène de « suffosion »). des indices de mouvement, tels que :
Les effondrements liés à des cavités naturelles ont générale- – des fissures ouvertes ;
ment un diamètre inférieur à la centaine de mètres et leur profon- – des arbres penchés ;
deur peut être de plusieurs dizaines de mètres. – des bourrelets (qui se forment souvent en pied de glissement) ;
– des chutes de pierre fréquentes (qui peuvent indiquer un mou-
vement d’une masse plus importante).
1.2 Caractérisation de l’aléa On peut également utiliser des méthodes de télédétection
(satellitaires ou terrestres) pour détecter une déformation de la
Selon le JTC1 [1], la caractérisation de l’aléa doit comprendre :
surface du terrain ou le mouvement de certains points caractéris-
– sa localisation ; tiques.
– le volume concerné (ou la surface) ;
– le type de phénomène (avec la vitesse du mouvement Pour identifier des zones de mouvement potentiel, on recherche
potentiel) ; des situations typiques propices à chaque type de mouvement,
– sa probabilité d’occurrence dans une période donnée. par exemple :
Dans le contexte de l’aménagement du territoire (zonage à – parois rocheuses très raides pour les chutes de roche ;
l’échelle d’une commune par exemple), la période considérée est – sols argileux pour les glissements ;
souvent le siècle. Mais, lorsqu’un mouvement actif est identifié, le – roches solubles ou gisements exploités historiquement en sou-
délai pertinent à considérer peut être beaucoup plus court terrain pour les effondrements.
(quelques jours, voire quelques heures). Dans le cas d’un mouve- Cette recherche est basée sur l’expérience acquise collective-
ment lent identifié, la probabilité recherchée est alors celle qu’il se ment et individuellement par les géologues. Selon le niveau
transforme en un mouvement plus rapide représentant un nou- d’investigation, des zones d’aléa diffus (voir § 1.2.2) ou des aléas
veau risque. localisés (voir § 1.2.3) seront identifiés.

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C 257 – 5

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C257

RISQUES NATURELS GRAVITAIRES _____________________________________________________________________________________________________

1.2.2 Aléas diffus Le passage d’une fréquence à une probabilité suppose de


connaître la loi d’occurrence temporelle du phénomène. La loi la
1.2.2.1 Caractérisation de l’aléa plus utilisée pour les mouvements de pente est la loi de Poisson [8].

Le descripteur utilisé pour un aléa diffus est la fréquence spatio- 1.2.2.2 Évaluation de la susceptibilité
temporelle de rupture, déterminée par zone homogène et par
classe de phénomènes (types de mouvement et intensité). Pour Lorsque les données disponibles sont insuffisantes pour esti-
les chutes de roche, les petits glissements ou les effondrements, mer la fréquence spatio-temporelle des phénomènes, d’autres

1 c’est le nombre d’évènements par an et par km2 (ou par km). Le descripteurs peuvent être utilisés pour évaluer la susceptibilité à
tableau 1 donne quelques exemples de fréquences spatio-tempo- certains mouvements.
relles de mouvements de terrain déterminées à différentes Une première approche consiste à déterminer la densité spa-
échelles. tiale des évènements passés :
Lorsque ces mouvements peuvent se propager loin de la zone – densité de cicatrices sur une paroi rocheuse ;
de départ, il est nécessaire de déterminer leur distance de pro- – nombre de glissements par km2 ;
pagation afin de déterminer la fréquence d’impact sur des enjeux – ou pourcentage de surface affectée par des glissements.
(potentiels ou existants). Celle-ci s’exprime en nombre d’impacts Une approche plus poussée consiste à déterminer les facteurs
par unité de temps et par unité de longueur le long du versant de susceptibilité (géologiques, topographiques, hydrologiques,
(km de route par exemple). On peut aussi s’intéresser au nombre climatiques, …), dans le but d’identifier les zones les plus suscep-
d’impacts avec une énergie minimale. tibles. Ces facteurs peuvent être choisis en s’appuyant sur l’expé-
Deux méthodes peuvent être utilisées pour déterminer la dis- rience des géologues ou sur des méthodes statistiques associées
tance de propagation. à des systèmes d’information géographique (SIG). Cette approche
a donné lieu à des systèmes de notation de ces facteurs de sus-
■ Méthode de la ligne d’énergie ceptibilité [9].
Elle prend en compte globalement la perte d’énergie au cours
du mouvement (par frottement pour les glissements et par 1.2.3 Aléas localisés
rebonds successifs pour les chutes).
À l’échelle d’un volume identifié potentiellement instable (com-
À partir du point de départ d’un mouvement, la ligne d’énergie
partiment rocheux ou masse de sol), il n’existe pas de méthode
définit un cône, dont l’intersection avec la topographie donne les
quantitative éprouvée permettant d’évaluer la probabilité de rup-
points d’arrêt des blocs. Son inclinaison est appelée « angle de
ture en fonction du délai considéré.
propagation » (ou « angle d’énergie »). Il correspond à la perte
d’énergie par unité de distance horizontale. Dans le cas où un mouvement est déjà déclaré et suivi, il est
cependant possible dans certaines conditions de prédire une date
■ Méthode trajectographique à laquelle le compartiment risque de se propager dans la pente
Elle consiste à calculer la trajectoire de blocs ou d’une masse en sous-jacente (prédiction à court terme). Les méthodes de prédic-
mouvement à partir du principe fondamental de la dynamique. tion les plus utilisées reposent sur l’extrapolation du déplacement
mesuré [10] [11]. Des méthodes sismiques basées sur la détection
Elle nécessite de connaître, notamment, la topographie précise du
des microséismes ou la variation des fréquences de résonnance
versant et les paramètres de restitution d’énergie lors des
sont également expérimentées.
rebonds. Ces paramètres, comme l’angle d’énergie, sont le plus
souvent déterminés empiriquement à partir d’analyses en retour. Les méthodes d’analyse de la stabilité utilisées pour dimension-
ner les pentes (cf. [C254] et [11] [12]) permettent théoriquement
Compte tenu des incertitudes sur les différents paramètres, la d’évaluer l’état de stabilité actuelle d’une pente, mais pas de pré-
détermination des points d’arrêt est généralement effectuée de voir son évolution dans le temps, ce qui serait nécessaire pour
manière probabiliste. caractériser complètement l’aléa. En effet, dans le contexte du
dimensionnement (Eurocode 7), les incertitudes sont prises en
compte en adoptant des coefficients de sécurité partiels sur des
Notons que la fréquence d’impact peut être obtenue directe- « estimations prudentes » des différents paramètres et en choisis-
ment si un inventaire des impacts est disponible (par exemple
sant des modèles pessimistes, « du côté de la sécurité » (notam-
sur une voie de communication). ment sur la persistance des discontinuités), ce qui permet de

Tableau 1 – Exemples de fréquences spatio-temporelles de mouvements de terrain


Fréquences
Types de mouvement Types de terrain et étendue de la zone étudiée Sources
(en an–1.km–2 ou an–1.km–1)

Chutes de roche (volume > 1 m3) Falaise de calcaire stratifié (0,13 km2) 100 [3]

Chutes de roche (volume > 1 m3) Falaise de gneiss massif (0,37 km2) 8 [3]

Glissements Terres Noires (410 km2) 0,002 [4]

Mouvements de pente Vancouver Island (Canada) 0,004 – 0,012 [5]

Grands glissements (dépôt > 1 km2) Alpes calcaires (105 km2) 10–7 [6]

Effondrements de carrières souterraines Massif de gypse de l’Hautil (10 km2) Jusqu’à 1 [2]

Effondrements naturels Karst gypseux en Turquie (70 km de gazoduc) < 10–6 [7]

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C 257 – 6

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Référence Internet
C255

Amélioration et renforcement
des sols
Traitements sans adjuvants 1
par Philippe LIAUSU
Ancien directeur général de Ménard, ancien professeur de géotechnique à l’ESTP
et Claude PLUMELLE
Professeur honoraire du Conservatoire national des arts et métiers
Note de l’éditeur
Cet article s’appuie sur le livre « AMSOL – amélioration et renforcement des sols », publié
en 2018 par les éditions « Le Moniteur ». Les deux auteurs de cet article sont co-auteurs
d’AMSOL, avec Laurent Briançon et Bruno Simon.

1. Investigations géotechniques nécessaires à la conception


et à la réalisation des techniques d’amélioration des sols .............. C 255v2 - 2
1.1 Organisation des investigations géotechniques ........................................... — 3
1.2 Définitions des investigations géotechniques............................................... — 3
1.3 Classification des sols...................................................................................... — 8
2. Traitement des sols pulvérulents ............................................................ — 9
2.1 Compactage et substitution dynamiques ...................................................... — 9
2.2 Vibrocompactage ............................................................................................. — 16
2.3 Compactage à l’explosif .................................................................................. — 22
3. Traitement des sols cohérents ................................................................. — 24
3.1 Remplacement, allègement, compensation .................................................. — 24
3.2 Présentation des techniques d’allègement et de compensation ................. — 25
3.3 Préchargement avec remblai .......................................................................... — 27
3.4 Consolidation atmosphérique......................................................................... — 38
4. Conclusion...................................................................................................... — 41
Pour en savoir plus ...............................................................................................  Doc. C 255v2

et article est le premier d’une série de trois articles qui vont présenter
C un panorama complet des techniques d’amélioration et de renforce-
ment des sols.
En effet, entre les solutions classiques de fondations superficielles, adaptées
aux bons sols, et de fondations profondes, permettant de reporter les charges
aux horizons porteurs en cas de mauvais sols superficiels, s’est développé un
vaste champ de techniques visant à traiter en place les couches de sols
impropres pour pouvoir y fonder ensuite l’ouvrage projeté.
Ce sujet a fait l’objet d’un livre exhaustif « Amsol – amélioration et renforce-
ment des sols », publié en 2018 par les éditions « Le Moniteur ». Les deux
auteurs de cet article sont co-auteurs d’AMSOL, avec Laurent Briançon et
Bruno Simon.
Les trois articles qui vont suivre s’appuient sur le livre AMSOL auquel il
pourra être utile de se référer pour plus de détails et d’exemples d’applications
de ces techniques.
Parution : novembre 2022

Ce premier article Amélioration et renforcement des sols – Traitements sans


adjuvants va présenter, après un préliminaire sur les investigations géo-
techniques nécessaires à la conception et à la réalisation des travaux

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d’amélioration des sols, les différentes techniques de densification en masse sans


adjuvants, pour les sols pulvérulents d’abord et pour les sols cohérents ensuite.
Chacun des deux chapitres présente d’abord la technique étudiée, puis définit
les domaines d’application. L’analyse des avantages et limites permet de com-
parer les techniques et de faire le bon choix technico-économique. Les éléments
essentiels sont indiqués pour réaliser une bonne conception et un dimensionne-
ment précis de l’ouvrage géotechnique. Le paragraphe exécution et travaux est
1 suivi de conseils dans les suivis, les contrôles et les instrumentations des
ouvrages, indispensables dans le domaine complexe des techniques de renforce-
ment des sols.
L’article suivant Amélioration et renforcement des sols – Traitements avec
inclusions traite pour sa part des techniques de renforcement des sols par
inclusions souples et rigides.
Enfin, le dernier article Amélioration et renforcement des sols – Traitements
par injections est consacré aux techniques dans lesquelles une injection de
coulis de différentes natures, suivant le but recherché, est réalisée.

1. Investigations géotechniques illustration en est donnée dans le domaine des techniques d’injec-
tion (figure 1).
nécessaires à la conception L’importance de la reconnaissance dépend du type de tech-
nique d’amélioration, de la nature des sols en place, et également
et à la réalisation des exigences du maître d’ouvrage et du maître d’œuvre (en
des techniques matière de limitations des déplacements, de temps, de coût…).
Le but de ce chapitre est de rappeler l’organisation des investiga-
d’amélioration des sols tions géotechniques suivant la norme NF P 94-500 et les différentes
études, reconnaissances, sondages, essais, nécessaires à l’élabora-
tion d’un projet d’amélioration des sols. Il ne sera donc détaillé ni la
Des investigations géotechniques de qualité sont nécessaires au norme, ni les études, sondages, essais … mais on pourra trouver tous
meilleur choix de la technique d’amélioration des sols. Une bonne les développements nécessaires, par exemple dans [1] et [2].

Passant (% du poids)

Argile Cailloux
Limon Sable Gravier

100

80

60

40

20

0 Granulométrie
0 0,002 0,006 0,02 0,06 0,2 0,6 2 6 20 60 (mm)

Jet grouting Peu adapté


Injection de gels organiques Bien adapté
Solutions de silicate de sodium (basse viscosité)
Gels de silicate (haute viscosité)
Ciments ultra-fins
Coulis de ciment

Figure 1 – Domaines d’application des différentes techniques d’injection (Crédit Keller)

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1.1 Organisation des investigations 1.1.2 Étude géotechnique de conception G2


géotechniques Au stade de l’avant-projet, des reconnaissances de sol complé-
La reconnaissance géotechnique doit fournir à chaque étape mentaires sont réalisées selon les conclusions de la mission G1
du projet les éléments nécessaires au meilleur choix technico- afin de préciser le modèle géotechnique utilisé pour concevoir et
économique tout en réduisant les risques au fur et à mesure de dimensionner une technique d’amélioration des sols.
l’avancement du projet. Elle fournit les paramètres de calcul et Pour la phase de projet, il peut être utile dans certains cas de
de dimensionnement des ouvrages. réaliser quelques essais supplémentaires pour vérifier la perti-
La reconnaissance géotechnique est progressive et s’articule
comme les études en plusieurs phases. Elle s’inscrit donc dans
la norme NF P 94-500 de novembre 2013 « Missions d’ingénierie
nence des paramètres géotechniques.
La maille des sondages, leurs profondeurs et le nombre d’essais
1
dépendent du type d’ouvrage, de la nature des sols et de leurs
géotechnique ».
hétérogénéités. On pourra trouver des éléments dans l’annexe B3
1.1.1 Étude géotechnique préalable G1 de l’Eurocode 7-2 (EN 1997-2) qui donne des indications sur
l’espacement des sondages et les profondeurs de reconnaissance.
Elle se décompose en deux phases qui s’enchaînent :
– une phase d’étude de site, généralement documentaire, qui Dans certains cas (ouvrages exceptionnels, procédés nouveaux,
permet de définir le cadre général du projet et les risques majeurs ; incertitudes sur les performances de la technique retenue), il peut
– une phase d’investigations géotechniques qui fournit un premier être indispensable de prévoir des ouvrages d’essais (plots, rem-
modèle géotechnique et permet de proposer différents « Procédés blais, colonnes de jet-grouting, deep mixing method...).
généraux de construction (PGC) ».
■ L’étude de faisabilité ou étude de site 1.2 Définitions des investigations
Elle a pour objectif de prédéfinir le site géologique, hydrogéo- géotechniques
logique et géotechnique du terrain, sans nécessiter obligatoirement
d’investigations géotechniques. Elle ne comprend généralement La démarche de travail consiste à toujours aller du général au
que des études documentaires dont la liste est indiquée ci-après : particulier, c’est-à-dire de l’étude géologique jusqu’à l’essai de
laboratoire.
– étude géologique, cartes ;
– étude hydrogéologique, cartes, données ; ■ Programme de la reconnaissance géotechnique
– bases de données géotechniques (BRGM, Infoterre, archives
des BET, publications, thèses …) ; La reconnaissance géotechnique pourra comprendre tout ou par-
tie, suivant les techniques d’amélioration, du programme suivant :
– visite du site, enquête de terrain et de voisinage ;
– plans de prévention des risques prévisibles ; – les études géologiques donnent lieu à un modèle géologique ;
– études documentaires ; – les études hydrogéologiques permettent d’identifier les nappes
– sites pollués ; recoupées par le projet, nappes libres et captives. Elles doivent
– contraintes environnementales. prévoir l’évolution des niveaux d’eau des nappes durant la totalité
de la vie de l’ouvrage et définir les différents niveaux des hautes et
Le rapport de cette première étude définit un modèle géologique basses eaux ;
et géotechnique préliminaire sommaire mettant en évidence les
risques géologiques principaux. Il doit en outre proposer un pre- – les reconnaissances géophysiques, pour des projets sur de
mier ensemble de solutions techniques possibles en fonction des grandes surfaces, l’étude géologique est complétée par des recon-
contraintes d’exploitation du futur ouvrage. naissances géophysiques (méthode par sismique réfraction, sismique
en ondes de surface, cross-hole, down-hole, up-hole, méthode élec-
■ Les investigations géotechniques trique …) qui ont pour but de déterminer la lithologie des terrains, la
profondeur du substratum, le niveau de la nappe ou de quantifier
Ce rapport définit un programme complet d’investigations géo- l’amélioration des caractéristiques des terrains traités (compactage
techniques à réaliser lors de la phase PGC. Ce programme peut dynamique, injection solide, vibrocompactage par exemple) ;
dépendre des premiers choix des techniques retenues par le
maître d’ouvrage. – les sondages géologiques, le sondage carotté, pour les sols
assez cohérents, est le seul type de sondage qui permette le prélè-
Ces investigations géotechniques peuvent inclure des : vement d’échantillons « intacts » (EI). Bien qu’assez coûteux, sa
– investigations hydrogéologiques ; réalisation est indispensable pour obtenir une coupe lithologique
– reconnaissances géophysiques ; de référence. Il sert par ailleurs de validation des résultats des
– sondages géologiques avec prélèvements d’échantillons ; reconnaissances géophysiques, d’étalonnage pour les forages des-
– essais d’identification au laboratoire ; tructifs ou les diagraphies instantanées en forage, et pour l’inter-
prétation des résultats des essais au pénétromètre statique utilisé
– essais de détermination des paramètres mécaniques au
comme outil de reconnaissance géologique. La coupe de sondage
laboratoire ;
(figure 2) est établie à partir des carottes par un géologue.
– essais in situ.
Le rapport de l’étude d’avant-projet sommaire de la mission G1 ■ Le forage destructif déstructure le terrain et produit générale-
établit le modèle géologique, hydrogéologique et géotechnique ment des remontées de débris de sol ou de roche, appelés sédi-
nécessaire à l’étude de conception G2. Il fournit une classification ments ou cuttings, qui permettent au sondeur d’établir une coupe
précise des sols minéraux (gravier, sable, limon, argile), mais lithologique indicative (figure 3).
aussi des sols organiques (vase, tourbe) tout spécialement pour Généralement, le forage destructif est enrichi de diagraphies
les techniques de préchargement, colonnes ballastées, inclusions instantanées qui précisent la coupe lithologique. Ce type de
rigides et deep mixing method ou DMM. Il donne les paramètres forage destructif avec enregistrement des paramètres de forage,
physiques et mécaniques nécessaires à la conception de la tech- beaucoup plus rapide que le sondage carotté, est moins coûteux ;
nique d’amélioration des sols. mais il ne peut pas le remplacer, seulement le compléter. On le
Il propose un programme éventuel d’investigations complémen- constate en comparant la description lithologique détaillée de la
taires utile aux différentes techniques envisageables, à réaliser figure 2 (sondage carotté) et la description lithologique sommaire
lors de l’étude géotechnique de conception. de la figure 3 (sondage destructif) réalisées sur un même chantier.

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Projet de voierie SONDAGE CAROTTÉ SC1

X : 370335.04 Y : 290655.09


Z : + 2.77 m
Échelle 1:50e Profondeur de fin : 10.00 m

1
Caisse à carottes

Profondeur (m)

Niveau d’eau
Taux

Échantillons
de récup.
Altitude

Tubage
Outils
(%)
DESCRIPTION LITHOLOGIQUE

0 50 100
SABLE moyen GRIS noirâtre, à graves

Poinçonneur Ø
0.20 2.57
et racines

114 mm
SABLE moyen BEIGE grisâtre, à graviers,
EI
galets et racines.
Quelques traves noires de matières
organiques
1.00 1.77 1.00
1.15 1.62 SABLE moyen BRUN avec petits galets
SABLE moyen à grossier GRIS beige
à graviers et galets
1.50 1.27 EI
SABLE GRIS à gravillons, galets et traces
noirâtres
2.00 0.77 2.00
SABLE BRUN moyen à grossier
2.30 0.47 à graviers et galets

EI
SABLE GRIS à traces noirâtres (matières
organiques), à graviers et galets

3.00 − 0.23 3.00

Gravillons avec un peu d’argile beige EI


3.50 − 0.73 3.50
ARGILE BRUNE à quelques rares petits
graviers. EI
4.00 − 1.23 Passées tourbeuses entre 3.70 m et 3.73 m 4.00

Tubage, 140 mm
4.15 − 1.38 GRAVIERS et galets dans une argile
4.25 − 1.48

Poinçonneur Ø 100 mm
4.32 − 1.55 brune vasarde
4.40 − 1.63 ARGILE BRUNE vasarde, à traces noires
EI
de tourbe
TOURBE NOIRE et un peu d’argile
Mélange d’ARGILE BRUNE et TOURBE
5.00 − 2.23 5.00
ARGILE BRUN foncé à passées noirâtres
ARGILE vasarde BRUN foncé, noirâtre
à petits graviers
5.48 − 2.71
EI

TOURBE NOIRE
6.00 − 3.23 6.00

TOURBE NOIRE légèrement argileuse


6.42 − 3.65
EI
TOURBE NOIRE
6.70 − 3.93
6.77 − 4.00 TOURBE NOIRE à brunâtre
7.00 − 4.23 ARGILE GRISE à quelques passées ocres 7.00
et traces noires de tourbe

ARGILE GRISE, tourbeuse à quelques


passées ocres
7.60 − 4.83 EI

ARGILE GRISE
7.83 − 5.06
8.00 − 5.23 TOURBE NOIRE 8.00
8.10 − 5.33 ARGILE GRISE, vasarde et tourde noire

VASE BRUN noire (liquide)


8.54 − 5.77 EI
8.75 − 5.98 ARGILE GRISE tourbeuse
8.88 − 6.09 TOURBE NOIRE
9.00 − 6.23 SABLE NOIR 9.00
Poinçonneur Ø
116 mm

SABLE GRIS et alluvions

Figure 2 – Coupe lithologique sur un site d’argiles molles, de vases et de tourbes

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NF P 94-110-1
Sondes ou

Lithologie Résultats : Pf* – PL* – E (MPa)


tubages

Prof
Outils

(m) P. fluage P. limite Module E E


NGF 0,1 0,5 1 5 1 5 10 50 100 PL*
Logiciel DEPRESS . version 3.49 − Dépouillement d’essais pressiométrique selon norme NF P 94-110-1 − (DQ E158 − V.O au 03/06/2008)

R R

1
1 R R 0,24 0,30 2,9
R R
Remblai sablo-graveleux R R 9,7
2 R R
R R 0,20 0,28 3,1 11,1
2,9 00,30
3

4 0,15 0,27 2,5


9,3
5
Vase 0,17 0,31 3,2 10,3
6

7 0,17 0,28 2,2


9,6
8 8,4 − 05,20
0,35 0,52 4,7 9,1
9

10 0,37 0,58 4,5


8,0
11 Sable beige 0,31 0,50 4,1 8,1
12

13 0,44 0,68 5,2


7,6
14,1 − 10,90
Taillant Ø 66 mm

14
0,69 1,00 8,4 8,4
15

16 0,74 1,12 10,4


9,3
17 Sable graveleux gris-beige
0,89 1,03 7,4 7,2
18

19 1,00 1,54 13,7


8,9
20 20,4 − 17,20
1,28 1,83 16,5 9,0
21

22 1,49 2,21 19,0


9,6
23
4,27 48,4 < 10
24 Marne sableuse grise

25 3,34 5,39 40,2


7,5
26
4,10 7,08 49,4 7,0
27 27,4 − 24,20

28 4,58 56,0
< 12,2
29 Marno-calcaire
4,64 74,2 16,0
30
31 31 − 27,80

Figure 3 – Coupe lithologique indicative à partir des remontées de cutines et des essais pressiométriques

■ Les pénétromètres statiques et dynamiques peuvent être logiques des sols mous (argile, vase, sol organique, tourbe) qui
utilisés qualitativement pour déterminer, par exemple, la posi- peuvent compléter les sondages carottés.
tion du substratum dans les zones alluviales. Ils peuvent
Pour les CPT et CPTU, les abaques de Robertson, entre autres,
présenter l’inconvénient de connaître un refus sur des blocs ou
permettent une classification précise à partir des résultats des
des zones de terrain très compact avant d’avoir atteint la pro-
essais dans les différentes couches de sol.
fondeur de reconnaissance nécessaire au dimensionnement de
l’ouvrage. Les derniers développements des pénétromètres statiques à
pointes électriques permettent de présenter directement une
■ Le pénétromètre statique CPT et le piézocône CPTU à pointe coupe lithologique indicative. La figure 4 a été établie d’après
électrique sont des outils très performants pour les sondages géo- l’abaque normalisé de Robertson (1990).

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Résistance du cône Rapport de frottement Augmentation de la pression


normalisée normalisé interstitielle normalisée SBTn Plot Types de sols (SBT)

Sols fins sensibles


1 1 1 1 1
Sable limoneux et limon sableux
2 2 2 2 2
Argile

1
3 3 3 3 3
Sable et sable limoneux
4 4 4 4 4 Argile et argile limoneuse
Sols fins sensibles
5 5 5 5 5
Argile
6 6 6 6 6 Argile
Argile
7 7 7 7 7 Argile et argile limoneuse
8 8 8 8 8
9 9 9 9 9 Argile
10 10 10 10 10
11 11 11 11 11 Argile et argile limoneuse
12 12 12 12 12
Profondeur (m)

Profondeur (m)

Profondeur (m)

Profondeur (m)

Profondeur (m)
13 13 13 13 13
14 14 14 14 14
15 15 15 15 15 Argile
16 16 16 16 16
17 17 17 17 17
18 18 18 18 18
19 19 19 19 19
Argile et argile limoneuse
20 20 20 20 20 Argile
Argile et argile limoneuse
21 21 21 21 21 Argile
Argile
22 22 22 22 22
Argile et argile limoneuse
23 23 23 23 23
Argile
24 24 24 24 24 Argile et argile limoneuse
Sable limoneux et limon sableux
25 25 25 25 25 Argile et argile limoneuse
Argile et argile limoneuse
26 26 26 26 26 Sable
27 27 27 27 27 Sable
Argile et argile limoneuse
28 28 28 28 28
Sable et sable limoneux

0 50 100 150 200 0 2 4 6 8 10 − 0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1 2 3 4 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18

Qtn Fr (%) Bq Ic (Robertson 1990) SBTn (Robertson 1990)

SBTn légende

1. Sols fins argileux, limons sensibles 4. Limons argileux à argiles limoneuses 7. Sables à sables graveleux
2. Sols organiques et tourbes 5. Sables limoneux à limons sableux 8. Sables cimentés ou dilatants
3. Argiles à argiles limoneuses 6. Sables propres à sables limoneux 9. Sols fins intermédiaires très raides

Figure 4 – Exemple de dépouillement de CPTU à partir des abaques normalisés de Robertson 1990

■ Les essais de laboratoire Ces caractéristiques sont mesurées au laboratoire et in situ :

Ils déterminent les caractéristiques physiques et mécaniques e0 : indice de vides initial ;
des sols. Les caractéristiques physiques permettent de classer les  : contrainte effective initiale ;
sols, il ne faut jamais négliger leur importance puisque les para-
mètres mécaniques en dépendent. Il est important de mesurer les  : contrainte de préconsolidation ou limite élastique actuelle ;
ρs des vases, des sols organiques et des tourbes qui sont infé- Cc : indice de compression ;
rieurs à très inférieurs aux ρs des sols entièrement minéraux.
A contrario, les sols ferralitiques comme les latérites très répan- Cs : indice de décompression-recompression ;
dus dans le monde ont des ρs qui peuvent être très supérieurs à Cαe : indice de fluage.
2,7 Mg/m3.
On utilisera souvent des corrélations entre paramètres de sols
(figure 5). Ces corrélations établies, généralement localement, ne
■ Caractéristiques de consolidation et de fluage sont que des valeurs repères et ne dispensent en aucun cas de
l’obligation de procéder à tous les essais nécessaires à la bonne
On portera une attention particulière à la détermination précise
conception d’un projet sur un site précis.
et fiable des caractéristiques de consolidation et de fluage des
sols fins tout spécialement pour les techniques de préchargement Parmi ces paramètres la détermination de est délicate, et
et d’inclusions rigides. c’est d’autant plus problématique que la valeur de la contrainte de

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CC CS

4,5

1
CC
y = 0,0108 x
3,5
R2 = 0,98

2,5

1,5

1 y = 0,0012 x
CS R2 = 0,91

0,5

0 Teneur en eau
0 50 100 150 200 250 300 350 400 W (%)

Figure 5 – Corrélations pour les argiles de Bordeaux Cc et Cs = f (w) (Crédit Marache et al., 2009)

Tableau 1 – Déterminations des caractéristiques mécaniques des sols


Types d’essai cu Eu λcu ψ m
UU X X – – – – – – – – – –
CU – – X – – – – – – – – –
CU + u – – X X X – – – – – – –
CD – – – X X X X X – X
CD avec mesure de ΔV – – – X X X X X X X – X
CD avec mesure de ΔV
– – – X X X X X X X X X
et cycle de déchargement

préconsolidation, limite élastique actuelle, est déterminante pour ■ Caractéristiques mécaniques


le calcul des tassements de consolidation des sols compressibles. Les caractéristiques mécaniques des sols nécessaires à la
Une première difficulté de bien mesurer est que les essais conception et aux calculs des projets dépendent des lois de com-
œdométriques sur des sols mous sont difficiles à réaliser. Une portement retenues et sont classiquement mesurées à partir des
deuxième raison est que la détermination de est délicate et différents essais triaxiaux (tableau 1).
dépend des normes en vigueur. Pour ces motifs, il est recom-
La valeur de cu, cohésion non drainée, peut être déterminée par
mandé de procéder à une détermination aussi réaliste que pos-
un essai triaxial UU ; pour les sols fins saturés mous à moyenne-
sible en partant d’une étude générale géologique et en croisant
ment raides, on vérifiera que φu est nul. La cohésion non drainée
les essais œdométriques de laboratoire, les essais scisso-
peut également être mesurée par un scissomètre de chantier. Elle
métriques et pénétrométriques in situ [1.1].
est alors généralement nommée su. Enfin, la cohésion non drai-
■ Paramètres hydrauliques née peut être déduite d’un essai continu CPT ou CPTU [1.1]
Les paramètres hydrauliques sont en général les perméabilités Les valeurs de et sont déduites de 3 ou 4 essais triaxiaux CD
respectivement verticale et horizontale kv et kh et, pour les pro- (plus longs que les essais CU + u, mais plus fiables puisqu’ils ne
blèmes de consolidation, les coefficients de consolidation verti- nécessitent pas la mesure délicate de u) et/ou CU + u. Générale-
cale et horizontale cv et ch. ment, les dépouillements des essais sont effectués suivant plu-
La perméabilité verticale pour les sols fins est mesurée très sieurs critères : (σ1 – σ3)max, (σ1 / σ3)max, voire pour un pourcentage
ponctuellement lors des essais œdométriques classiques. La per- de déformation.
méabilité radiale cr étant, quant à elle, mesurée à partir d’œdo- On veillera à effectuer les essais triaxiaux en fonction de l’état
mètres radiaux spéciaux. initial du sol mesuré par son degré de surconsolidation Roc et des

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contraintes apportées par les futurs ouvrages (remblais, réservoir, Cette norme repose sur les paramètres de nature, granularité,
surcharges sur dallage...). Ces essais seront réalisés soit dans le argilosité (Ip et/ou VBS), et les paramètres d’état wn / wOPN, IC, IPI
domaine surconsolidé, soit dans le domaine normalement conso- (indice portant immédiat).
lidé. En ce qui concerne les techniques d’amélioration des sols, on
se situera pratiquement toujours dans le domaine normalement
consolidé (figure 6).
t (kPa)
Pour les sols cisaillés dans le domaine normalement consolidé, 40

1
Domaine Domaine normalement
la cohésion effective est proche de zéro. Pour les sols cisaillés surconsolidé consolidé
dans le domaine surconsolidé, les chemins de contrainte abou- (c´ ≈ 0, φ´ ≈ 30°)
tissent sur la surface de charge (de forme elliptique) et ne sont 30
pas alignés. La courbe sera toutefois généralement linéarisée pour θ ≈ 27°

calculer et (figure 6).
20

1.3 Classification des sols 10

1.3.1 Classification NF P11-300 ou GTR 2000


0
Cette classification (figure 7) repose sur le guide technique LCPC-
Setra dont découle la norme NF P11-300 ou GTR 2000 sur la classifi-
cation des matériaux utilisables dans la construction des remblais et – 10 s´ (kPa)
10 20 30 40 50 60 70
des couches de forme d’infrastructures routières. Elle est aussi très
utilisée dans les autres domaines de la géotechnique, dont les tech-
niques d’amélioration des sols, en France. Figure 6 – Détermination de et dans les domaines normalement

Passant à 80 μm (%)

12 25 40
100 Ip

A1 A2 A3 A4

35

Sols
B5 B6 Passant à 2 mm (%)
Dmax ≤ 50 mm

12 100
D1 B1 B2
70

D2 B3 B4
0
0 VBS
0 0,1 0,2 1,5 2,5 6 8

Passant à 80 μm (%)

Sols C1 ou C2
Dmax > 50 mm C1 : matériaux roulés et matériaux anguleux
peu charpentés (0/50 > 60 à 80 %)
C2 : matériaux anguleux très charpentés
12 (0/50 ≤ 60 à 80 %)

D3
VBS
0 0,1

Figure 7 – Classification des sols selon leur nature

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1.3.2 Classification géotechnique les caractéristiques mécaniques : le pilonnage proprement dit est
des sols LPC (Ifsttar) associé à un contrôle géotechnique particulièrement intensif de
manière à atteindre le plus rationnellement possible le but recherché.
Elle a été adaptée de la classification américaine, Unified Soil
Les impacts génèrent des ondes de vibrations qui se propagent
Classification System (USCS), aux pratiques et notations fran-
dans le volume de sol, ainsi qu’à la surface de celui-ci comme le
çaises, par le laboratoire central des Ponts et Chaussées (LCPC),
montre la figure 8.
aujourd’hui Institut français des sciences et technologies des
transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar). La classifi- Dans un milieu non saturé, les ondes de cisaillement déplacent les

1
cation complète élaborée par le LCPC est très utile pour particules de sol en les réarrangeant dans un état plus compact. Pour
l’ensemble des techniques d’amélioration des sols, elle est univer- des sols saturés, il se produit une augmentation rapide de la pression
selle et très importante pour tous les ouvrages réalisés à l’export. interstitielle qui est suivie, si le sol n’est pas trop fin, d’une dissipation
Elle classe de façon très détaillée [1] les sols grenus (grave, rapide de ces surpressions et du réarrangement des particules de sol.
sable), les sols fins (limon, argile) et les sols organiques en parti- Ce réarrangement des particules de sols se manifeste par un
culier les tourbes. tassement directement visible sous l’impact. Il en résulte un meil-
leur contact entre les grains et donc une amélioration des caracté-
ristiques mécaniques du sol compacté.
2. Traitement des sols 2.1.1.2 Matériel utilisé et mise en œuvre
pulvérulents Comme on peut le voir sur la figure 9, l’énergie d’impact est délivrée
par la chute répétée d’une lourde masse lâchée depuis une hauteur
importante (10 à 25 m). Ces masses sont le plus souvent constituées de
2.1 Compactage et substitution plaques de métal boulonnées et pèsent généralement entre 10 et
dynamiques 25 tonnes, exceptionnellement plus pour des applications particulières.
2.1.1 Présentation de la technique Les machines de levage couramment utilisées pour le compac-
du compactage dynamique tage dynamique sont des grosses grues sur chenilles de 75 à 150 t
équipées d’une flèche d’une trentaine de mètres de longueur ; ces
2.1.1.1 Principe grues sont souvent modifiées et renforcées pour cette tâche qui
Le principe de base du compactage dynamique consiste à trans- sollicite beaucoup plus le matériel qu’un levage classique.
mettre des impacts de forte énergie à la surface d'un sol initialement Le cycle habituel d’une chute de masse (levage + chute) prend
compressible et de faible portance, afin d'en améliorer en profondeur généralement moins d’une minute si celle-ci reste accrochée.

Ondes de Rayleigh Ondes de Rayleigh

Composante
+ horizontale


Composante
verticale

− + + − Amplitude
relative

+ Ondes de cisaillement S +

Ondes de compression P

Figure 8 – Ondes générées par un impact

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés C 255v2 – 9

57
1

58
Comportement d’ouvrages géotechniques sous
sollicitations complexes
(Réf. Internet 42706)

1– Comportement dynamique des sols et Eurocodes 8 2


2– Applications spécialisées Réf. Internet page

Comportement mécanique des sols non saturés C302 61

Sols non saturés. Applications au calcul des ouvrages C303 67

Géostructures thermiques. Présentation du fonctionnement thermique et mécanique C264 73

Modèles de comportement élasto-visco-plastiques des géomatériaux C218 81

Modèles de comportement micro-mécaniques des géomatériaux C221 87

Constructions métalliques. Fondations pour pylônes et mâts C2682 93

Fondations des éoliennes en sites terrestres C262 97

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59
2

60
Référence Internet
C302

Comportement mécanique
des sols non saturés

par Pierre DELAGE


Professeur à l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC)
Directeur de recherche au Centre d’enseignement et de recherche en mécanique des sols
2
(CERMES)
et Yu-Jun CUI
Directeur de recherche au Centre d’enseignement et de recherche en mécanique des sols
(CERMES)

1. Techniques et méthodes d’essai .......................................................... C 302 - 3


1.1 Généralités ................................................................................................... — 3
1.2 Essais à pression d’air contrôlée (« translation d’axes ») ........................ — 3
1.2.1 Appareil triaxial................................................................................... — 3
1.2.2 Œdomètre............................................................................................ — 3
1.2.3 Boîte de cisaillement .......................................................................... — 4
1.3 Essais à succion contrôlée par la technique osmotique........................... — 4
1.3.1 Œdomètre............................................................................................ — 4
1.3.2 Appareil triaxial................................................................................... — 5
1.4 Choix des vitesses de chargement lors d’essais à succion contrôlée..... — 6
2. Comportement mécanique.................................................................... — 7
2.1 Généralités ................................................................................................... — 7
2.2 Contraintes effectives ou variables indépendantes.................................. — 7
2.2.1 Hypothèse des contraintes effectives en sol non saturé................. — 7
2.2.2 Analyse en variables indépendantes ................................................ — 8
2.3 Déformations volumiques .......................................................................... — 9
2.4 Résistance au cisaillement.......................................................................... — 10
2.4.1 Résultats expérimentaux à la rupture............................................... — 11
2.4.2 Critères de résistance au cisaillement .............................................. — 11
2.4.3 Comportement avant rupture ............................................................ — 12
3. Modèles de comportement ................................................................... — 13
3.1 Généralités ................................................................................................... — 13
3.2 Choix des variables de contraintes ............................................................ — 14
3.3 Modèles élastiques...................................................................................... — 14
Parution : mai 2001 - Dernière validation : juillet 2020

3.4 Modèles élastoplastiques ........................................................................... — 15


4. Conclusion ................................................................................................. — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. C 304

es déformations et la résistance d’un sol non saturé dépendent, d’une part,


L de la nature minéralogique des particules qui constituent le squelette du sol
et, d’autre part, de l’état du sol (porosité, degré de saturation, pressions de
l’eau, pression du gaz, contraintes dues à la pesanteur et aux charges extérieu-
res). La description du comportement mécanique sous forme d’une relation
entre les charges (contraintes, pressions d’eau et de gaz) et la déformation du
sol s’appuie sur des essais où l’on peut contrôler séparément les contraintes
et la succion (voir article [C 301] « L’eau dans les sols non saturés »). Ces

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Construction C 302 − 1

61
Référence Internet
C302

COMPORTEMENT MÉCANIQUE DES SOLS NON SATURÉS ______________________________________________________________________________________

techniques d’essais, dérivées des appareils utilisés pour les études classiques
de comportement des sols (articles [C 214] « Compressibilité. Consolidation.
Tassement » et [C 216] « Résistance au cisaillement »), sont traitées dans la pre-
mière partie de cet article. Les caractéristiques principales du comportement
des sols non saturés (aspects volumiques et résistance au cisaillement) sont
ensuite décrites à la lumière des résultats des essais, après une analyse du
cadre d’interprétation des résultats (contraintes effectives ou variables indé-
pendantes). La troisième partie présente la formulation analytique de lois de
comportement adaptées aux connaissances actuelles sur le comportement des
sols non saturés.

2
Notations et symboles Notations et symboles

Symbole Définition Symbole Définition

Cc coefficient de compression V volume total

e indice des vides Vs volume des solides

ei indice des vides initial Vw volume d’eau


E module de Young w teneur en eau
ea indice des vides d’air wL limite de liquidité
F force ou fonction, suivant le contexte wopt optimum Proctor
G module de cisaillement élastique εs déformation de cisaillement
IP indice de plasticité εv déformation volumique
k coefficient de perméabilité ε1 déformation axiale
LC Loading-Collapse ϕ′ angle de frottement à l’état saturé
1
p contrainte moyenne p = --- ( σ 1 + 2 σ 3 ) ϕb angle de frottement lié à la succion
3
p 0* pression de préconsolidation à succion nulle ν coefficient de Poisson
Patm pression atmosphérique
ρs masse volumique des particules solides
pc pression de référence
ρw masse volumique de l’eau
q déviateur : q = σ1 – σ3
σ contrainte totale
s succion : s = ua – uw
σ′ contrainte effective
SI Succion Increase
σ – ua contrainte nette
Sr degré de saturation
σm contrainte moyenne
S rb degré de saturation en eau libre
σv ou σv 0 contrainte verticale
S rm degré de saturation en eau capillaire
σ1 contrainte axiale
S r0 degré de saturation en eau adsorbée
σ3 contrainte de confinement
u pression interstitielle
σc contrainte de compactage
ua pression d’air
τmax contrainte de cisaillement
uw pression d’eau
τoct contrainte de cisaillement octaédrique
v volume spécifique
τref contrainte de cisaillement octaédrique
vw volume spécifique d’eau de référence

Se reporter également aux définitions des dix paramètres du modèle de Se reporter également aux définitions des dix paramètres du modèle de
Barcelone (§ 3.4) Barcelone (§ 3.4)

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C 302 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Construction

62
Référence Internet
C302

______________________________________________________________________________________ COMPORTEMENT MÉCANIQUE DES SOLS NON SATURÉS

1. Techniques
et méthodes d’essai
Manomètre
(pression d'air ua )
1.1 Généralités Huile
Eau
Deux techniques de contrôle de la succion ont été présentées
dans l’article [C 301] L’eau dans les sols non saturés :
— dans la technique de « translation d’axes » ([C 301] § 2.3), on

2
applique une pression d’air contrôlée au sein de l’échantillon, dont Mercure
on maintient la pression d’eau nulle ; Disque en Cylindre en
— dans la technique osmotique ([C 301] § 2.4), on utilise une fibre de verre plexiglass
membrane semi-perméable et une solution de molécules de grandes
dimensions incapables de traverser cette membrane. Éprouvette triaxiale
Disque
Ces deux techniques ont été appliquées aux divers types céramique Tuyau d'air
d’essais de laboratoire de mécanique des sols.
Nota : on mentionne pour mémoire la technique de contrôle de fortes succions par
phase vapeur ([C 301] § 2.5), qui a fait également l’objet d’adaptation à l’œdomètre [107] et Pression d'eau uw
au triaxial [69].

1.2 Essais à pression d’air contrôlée


(« translation d’axes »)
Figure 1 – Triaxial à succion contrôlée [67]

1.2.1 Appareil triaxial

La figure 1 montre un des premiers appareils de mécanique des ment cohérente avec la diminution du volume de l’échantillon ; on
sols à succion contrôlée, qui est la cellule triaxiale mise au point note également, dès l’application de la charge, une chute de suc-
par Bishop et Donald [67], basée sur la technique de translation cion. Le degré de saturation a une évolution compatible avec les
d’axes. variations volumiques.

L’éprouvette repose sur un disque céramique à haute pression Ce système triaxial, qui s’adapte assez facilement sur une cellule
d’entrée d’air et la succion est imposée en appliquant en haut de classique, a été utilisé par différents auteurs [93] [96] [101] [114]
l’échantillon une surpression d’air ua . Par l’intermédiaire de ce [90], avec diverses variantes pour les mesures de volume. Le prin-
disque, l’eau de l’échantillon est maintenue à la pression atmo- cipe du contrôle de succion par surpression d’air impose, lors de
sphérique et on a uw = 0. Comme les membranes en latex usuelles l’application de la succion, d’augmenter simultanément et d’une
ne sont pas à long terme étanches à l’air, un dispositif permet valeur égale la contrainte de confinement, afin de se trouver dans
d’immerger l’échantillon dans un bain de mercure, qui sert une condition de contrainte nette (σ3 – ua ) constante. Il s’ensuit
également pour la mesure des variations de volume, par suivi du que l’on se retrouve limité en termes de succion maximale par la
déplacement d’une bille flottante par un cathétomètre ; cette contrainte de confinement maximale disponible, qui est souvent de
mesure de volume n’est en effet pas possible par le biais des l’ordre de 2 MPa. Ainsi, la plupart des essais à succion contrôlée
échanges d’eau interstitielle, puisque le sol n’est pas saturé. Le disponibles correspondent à des succions de quelques centaines
suivi en parallèle des volumes d’eau et d’air échangés est délicat de kilopascals.
car, d’une part, les volumes d’eau sont faibles et, d’autre part, l’air Des cellules de compression isotrope à succion contrôlée par
est compressible et son volume sensible aux variations de tempé- surpression d’air, analogues dans le principe au système triaxial
rature. décrit ici, ont été utilisées par Matyas et Radhakhrisna [104] et Fre-
Les possibilités d’un tel appareil sont larges, puisque l’on peut, dlund et Morgenstern [85]. Parallèlement aux cellules triaxiales à
en plus des essais à succion contrôlée, réaliser des essais à teneur succion contrôlées, des cellules avec mesure de succion lors du
en eau constante, en ajustant la pression d’eau pour qu’il n’y ait cisaillement ont été développées, basées sur l’emploi d’un
pas d’échange d’eau au cours de l’essai. La figure 2 montre un tel psychromètre [23] [55] [60] [127], ou d’un tensiomètre [103].
essai réalisé sur un limon lâche à un taux de cisaillement de
2,15 µm/min ; cet essai permet en particulier de connaître les varia-
tions de la succion s au cours du cisaillement : 1.2.2 Œdomètre
s = ua – u w La méthode de translation d’axes a été adaptée assez tôt sur des
œdomètres pour l’étude du gonflement à succion contrôlée [80] et
On observe une allure classique de la courbe efforts-déforma- pour les premiers travaux sur les effets de la succion sur les
tions, avec une rupture autour de 10 %. Les variations de volume propriétés de changement de volume des sols non saturés [64]. La
mettent en évidence une contractance (diminution de volume) nécessité d’appliquer une contre-pression d’air à l’éprouvette fait
avant rupture, normale pour un sol lâche. Il est intéressant de que les cellules œdométriques classiques ne sont pas adaptées et
remarquer le couplage entre les variations de succion et ces deux il est nécessaire d’inclure l’anneau œdométrique dans une cham-
grandeurs : la phase contractante avant rupture se traduit par une bre supportant les pressions d’air. La figure 3 montre la cellule
baisse de la succion depuis une valeur initiale s = 69 kPa, jusqu’à développée par Escario et Saez [119]. L’application de la contrainte
un palier de stabilisation à 32 kPa, atteint à la rupture, pour un se fait à l’aide d’un piston, ce qui exige des précautions parti-
déviateur maximal de 108 kPa. Une telle diminution est qualitative- culières au niveau de l’étanchéité entre la tige du piston et la cel-

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63
Référence Internet
C302

COMPORTEMENT MÉCANIQUE DES SOLS NON SATURÉS ______________________________________________________________________________________

q = (σ1 – σ3) (kPa)

100

50

Pression Pression

2
d'air ua d'air ua
0
0 4 8 12 16 20
ε1 (%)
0
s = (ua – uw ) (kPa)

ua = 124 kPa Pierre poreuse


Échantillon
50 Pression
d'eau uw
0 4 8 12 16 20 Membrane
ε1 (%) semi-perméable

+4
εv (%)

Figure 3 – Œdomètre à succion contrôlée [119]


+2

0
1.2.3 Boîte de cisaillement

–2 La première boîte de cisaillement à succion contrôlée a été pro-


0 4 8 12 16 20 posée par Escario [81], selon un principe qui découlait de la pre-
ε1 (%) mière version de l’œdomètre [80]. Le système est présenté sur la
figure 4. La chambre de confinement d’air de l’œdomètre initial
0
Sr (%)

s’est révélée assez vaste pour contenir une boîte de cisaillement de


50 × 50 mm. Une tige de 10 mm de diamètre transmet au piston
l’effort normal ; le piston se décompose en deux parties horizon-
50
tales, reliées entre elles par un roulement à billes, ce qui permet le
déplacement horizontal sous contrainte normale de la demi-boîte
50 supérieure. L’effort tangentiel est appliqué par une tige horizontale
0 4 8 12 16 20 qui donne, comme dans les boîtes de cisaillement classiques, la
ε1 (%) mesure de l’effort tangentiel. L’échantillon est placé sur une pierre
poreuse à haute entrée d’air. L’étanchéité du système est assurée
q déviateur entre les tiges verticale et horizontale et la cellule et autour de la
s succion pierre poreuse fine, qui est collée à un anneau fixé à l’embase de
la cellule par des joints toriques. Gan et al. [88] ont proposé un sys-
Sr degré de saturation
tème analogue, avec des roulements à billes placés sous la boîte,
ε1 déformation qui est mobile et se déplace lors du cisaillement sur le fond de la
chambre de confinement d’air (voir aussi [65] [73]).

Figure 2 – Essai à teneur en eau constante [67]


1.3 Essais à succion contrôlée
par la technique osmotique
lule de confinement de l’air ; pour cela, Escario place une quantité
importante de graisse dans une cavité spéciale située à la base du
contact cellule-tige (figure 3). Une membrane semi-perméable pla- 1.3.1 Œdomètre
cée sur une pierre poreuse joue ici le rôle de pierre poreuse à haute
pression d’entrée d’air. Les variations de hauteur de l’échantillon La figure 5 (voir p. 6) montre l’adaptation du principe osmotique,
sont déduites des mouvements de la tige, qui permet également décrit dans l’article [C 301], sur une cellule œdométrique, initiale-
d’appliquer la force axiale. ment développé par Kassif et Benshalom [98] ; il s’agit d’une
Parmi les améliorations apportées à ce type d’œdomètre, on cellule classique, dans laquelle les pierres poreuses inférieure et
peut citer la mise en œuvre de la mesure des contraintes supérieure ont été remplacées par des membranes semi-perméa-
horizontales [92] et le contrôle simultané de la succion et de la bles, posées sur des tamis ; dans le système initial, la solution de
température [109]. polyéthylène glycol (PEG) était mise en circulation dans les mailles

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C 302 − 4 © Techniques de l’Ingénieur, traité Construction

64
Référence Internet
C302

______________________________________________________________________________________ COMPORTEMENT MÉCANIQUE DES SOLS NON SATURÉS

50 mm

Chambre sous pression d'air


Boîte de
cisaillement
50 mm

Section A-A
2
10 mm

Pression d'air ua
Graisse
Roulement à billes d'étanchéité

10 mm

A A
Sol

Pression
d'eau uw

Joints Pierre Pierre Papier-filtre


toriques poreuse poreuse
céramique
Figure 4 – Boîte de cisaillement à succion
contrôlée [81]

du tamis, entre le métal de la cellule et la membrane, par un sys- cependant pas satisfaisant dans la mesure où il ne permet pas
tème de burettes. Une solution d’une concentration supérieure à d’appliquer une condition de contrainte homogène, car il n’est pas
celle qui serait en équilibre avec la succion initiale du sol a ten- possible d’appliquer l’intégralité de la contrainte de confinement
dance à aspirer l’eau de l’échantillon au travers de la membrane et au travers d’une membrane semi-perméable.
à le sécher.
Une adaptation plus simple au triaxial (figure 6) a été réalisée
L’adjonction d’un circuit fermé activé par une pompe péristal- par Delage et al. [75] et Cui et Delage [72]. L’échantillon de sol est
tique contenant la solution, la cellule osmotique et un réservoir de mis en contact en haut et en bas avec la membrane semi-perméa-
volume suffisamment important pour maintenir une concentration ble par le biais d’embases concentriques rainurées assurant la cir-
constante malgré les échanges avec le sol, a été proposée par culation de la solution de PEG. Un tamis fin est placé entre la
Delage et al. [76] ; le tube capillaire placé sur le réservoir obturé membrane semi-perméable et les rainures, afin de protéger la
permet de suivre les variations d’eau échangée et de garantir que membrane. Un orifice d’air est usiné sur l’embase inférieure afin
l’état d’équilibre est bien atteint, ce qui se produit au bout de 1 à d’assurer la pression atmosphérique dans le sol. Les variations de
3 jours, selon l’ampleur de l’incrément de succion appliqué, pour volume sont suivies à l’aide d’un système similaire à celui de
une épaisseur d’échantillon de 10 mm. Ce système requiert des Bishop et Donald [67] (figure 2), dans lequel le mercure est rem-
conduits et un réservoir thermostatés, pour que la mesure ne soit placé par de l’eau colorée recouverte d’une mince couche d’huile,
pas affectée par la dilatation thermique de la solution. Dineen et le confinement dans la cellule se faisant à l’air. La variation de
Burland [77] ont retenu le même principe, avec un contrôle des volume est mesurée de façon optique en suivant le déplacement
échanges d’eau par pesée continue du flacon de solution. du niveau de l’interface eau-huile à l’aide d’un cathétomètre.
La cellule triaxiale osmotique présente l’avantage de contrôler la
1.3.2 Appareil triaxial succion par les deux côtés, donc d’avoir une longueur de drainage
égale à la moitié de la hauteur de l’échantillon, ce qui est favorable
La première application du principe osmotique au triaxial a été à l’homogénéisation de la succion au cours du cisaillement. De
réalisée par Komornik et al. [99] pour l’étude du gonflement des plus, la méthode osmotique permet d’atteindre sans problème par-
sols, avec une éprouvette cylindrique creuse, la solution étant mise ticulier des valeurs de succion plus fortes (12 MPa) que la méthode
en circulation sous une pression égale à la pression de de surpression d’air, qui pose des problèmes de sécurité à fortes
confinement dans le vide cylindrique central. Ce système n’est pressions.

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65
2

66
Référence Internet
C303

Sols non saturés


Applications au calcul des ouvrages
par Yu-Jun CUI
Directeur de recherche au Centre d’enseignement et de recherche en mécanique des sols

et
(CERMES)
Pierre DELAGE 2
Professeur à l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC)
Directeur de recherche au Centre d’enseignement et de recherche en mécanique des sols
(CERMES)

1. Ouvrages en sol compacté .................................................................... C 303 - 2


1.1 Courbe de compactage ............................................................................... — 2
1.2 Surconsolidation des sols compactés ....................................................... — 4
1.3 Couplages hydromécaniques lors de la construction d’un remblai........ — 5
1.4 Barrages en terre ......................................................................................... — 6
1.5 Remblais....................................................................................................... — 7
2. Stabilité des pentes................................................................................. — 8
2.1 Méthodes classiques d’étude de la stabilité des pentes .......................... — 9
2.1.1 Méthode de Fellenius ......................................................................... — 9
2.1.2 Méthode de Bishop simplifiée........................................................... — 9
2.2 Critères de rupture pour l’analyse des pentes non saturées ................... — 9
2.2.1 Critère de rupture avec prise en compte
de la succion dans la cohésion.......................................................... — 10
2.2.2 Critère de rupture avec prise en compte
de la succion dans la contrainte normale......................................... — 10
2.3 Analyse en régime permanent ................................................................... — 10
2.4 Analyse en régime transitoire .................................................................... — 11
2.4.1 Approche non couplée ....................................................................... — 11
2.4.2 Approche couplée............................................................................... — 12
2.5 Conclusion.................................................................................................... — 12
3. Effet de la sécheresse sur les constructions ................................... — 13
3.1 Introduction.................................................................................................. — 13
3.2 Détermination de l’évaporation d’un sol ................................................... — 14
3.3 Effet de la végétation................................................................................... — 15
3.4 Évaluation des tassements pendant la sécheresse et des gonflements
après la sécheresse ..................................................................................... — 16
Parution : février 2003 - Dernière validation : juillet 2020

3.4.1 Gonflement ......................................................................................... — 16


3.4.2 Retrait .................................................................................................. — 17
3.5 Fissuration du sol due à la dessiccation .................................................... — 18
3.6 Estimation du gonflement sous une semelle............................................ — 19
3.7 Commentaires et recommandations pour les constructions................... — 19
4. Études de cas ............................................................................................ — 20
4.1 Affaissement d’une culée de pont.............................................................. — 20
4.2 Effondrabilité du lœss de Picardie ............................................................. — 21
5. Conclusion ................................................................................................. — 23
Tableau de « Notations et symboles »........................................................ — 24
Références bibliographiques ......................................................................... — 25

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Construction C 303 − 1

67
Référence Internet
C303

SOLS NON SATURÉS ____________________________________________________________________________________________________________________

a mécanique des sols non saturés (cf. articles C 301 « L’eau dans les sols
L non saturés » et C 302 « Comportement mécanique des sols non saturés »)
trouve son champ d’application dans beaucoup d’ouvrages géotechniques. À
côté des ouvrages en terre construits en sol compacté (remblais routiers,
barrages en remblai, digues), on sait que la stabilité des talus est souvent
conditionnée par l’état de non-saturation du massif. Les fondations
superficielles peuvent être affectées, comme le montre le cas extrême des
dégâts causés aux bâtiments par les effets de la sécheresse. Les excavations
en zone urbaine et les ouvrages de soutènements peuvent aussi être concernés.
Enfin, la géotechnique environnementale a recours à l’utilisation de matériaux
compactés pour l’isolation des déchets de tous ordres. L’interface entre la terre

2 et l’atmosphère est le plus souvent constituée d’une couche de sol non saturé
souvent soumise, dans les zones d’activité, aux infiltrations de polluants qui
posent des problèmes lors de la reconversion des friches industrielles.
Par rapport aux sols saturés, les sols non saturés ont des propriétés de
déformabilité et de rupture changeantes avec la teneur en eau. Il en résulte des
couplages complexes entre les mouvements d’eau, la redistribution des
contraintes internes et la réponse des massifs en termes de déformations. À état
de contrainte constant, il peut y avoir des réponses différées dans le temps qui
peuvent parfois paraître inattendues. Ces aspects sont décrits dans la première
partie de cet article, consacrée aux ouvrages en sol compacté. La seconde partie
concerne les effets de la non-saturation sur la stabilité des pentes et la troisième
replace le problème des effets de la sécheresse sur les constructions dans le
cadre des échanges sol-atmosphère. L’article se termine avec la description de
deux études de cas concernant l’affaissement d’une culée de pont et l’effondra-
bilité des lœss de Picardie.

1. Ouvrages en sol compacté


1,8
Masse volumique sèche ρd (t/m3)

Le comportement des ouvrages en sol compacté, également Courbe de


appelés ouvrages en terre, est complexe et a fait l’objet de saturation
nombreuses publications. On mentionnera en particulier, en 1,7
France, l’ouvrage d’Arquié et Morel [12], orienté vers la pratique de
la réalisation d’ouvrages en sol compacté, ainsi que les
Recommandations pour les terrassements routiers [65] et le Guide
technique pour la réalisation des remblais et couches de 1,6
forme [43], qui fournissent un grand nombre d’informations
pratiques nécessaires à la conception et à la réalisation des
remblais. L’ouvrage Introduction à la géotechnique [45] détaille
également divers aspects du compactage. Ces documents 1,5
n’abordent pas les problèmes de remblai sous l’aspect de la méca-
nique des sols non saturés. On présente dans ce qui suit quelques
aspects du comportement de ces ouvrages [29] à la lumière des
connaissances actuelles sur la mécanique des sols non saturés et 1,4
de quelques exemples. 10 15 20 25
Teneur en eau (%)

1.1 Courbe de compactage Figure 1 – Courbe Proctor d’un sol fin (limon de Jossigny)

Les caractéristiques de compactage d’un sol sont habituellement


représentées à l’aide de la courbe Proctor (figure 1), qui représente L’énergie est appliquée selon une norme bien définie
dans un diagramme masse volumique sèche ρd / teneur en eau w, (NF P 94-093 [3]) à l’aide d’un mouton cylindrique de diamètre
les masses volumiques obtenues en compactant à la même 50 mm, de masse donnée (2,49 kg pour l’essai Proctor normal et
énergie des échantillons du sol considéré à diverses teneurs en 4,535 kg pour l’essai Proctor modifié) que l’on fait chuter 25 fois
eau. Ces courbes sont parfois représentées en utilisant les poids d’une hauteur donnée (305 mm pour le Proctor normal et 457 mm
volumiques secs γd qui sont reliés aux masses volumiques par la pour le Proctor modifié) sur le sol contenu dans un moule cylin-
relation : drique de diamètre 101,5 mm et de hauteur 116,5 mm. Le
γd = ρ d g compactage se fait en trois couches pour l’essai Proctor normal et
en cinq couches pour le Proctor modifié. Comme on peut le voir,
avec g (m/s2) = 9,81 l’accélération de la pesanteur. l’essai Proctor modifié implique une énergie plus grande qui

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C303

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Ligne optimale de compactage Masses Volumes


Masse volumique sèche ρd

E4 ρsVs
0 Air e–w
ρw

M = ρsVs (1 + w )
w ρsVs
ρsVs

V = (1 + e) Vs
E3 Eau w
ρw
Texture
homogène
al
E2 o rm

2
Ms = ρsVs Solide Vs
rn
c to
P ro

E1 Texture agrégée

Teneur en eau Figure 3 – Schématisation d’un sol non saturé par séparation
E1 des phases liquide, solide et gazeuse
Énergie de compactage

E2
À l’état saturé, on a :
w ρs
E3 e = -------------
-
ρw

E4
ce qui permet de retrouver l’équation de l’hyperbole caractéris-
tique des sols non saturés sur le diagramme Proctor (ρd /w ), qui
limite la partie descendante de la courbe Proctor, du côté humide
de l’optimum (figure 1) :
ρs
ρ d = ----------------------
-
Figure 2 – Évolution de la structure d’une argile compactée w ρs
1 + ------------ -
en fonction de la teneur en eau et de l’énergie de compactage [21] ρw

À l’état non saturé, on a :


conduira, pour une même teneur en eau, à une densité plus grande w ρs
que l’essai Proctor normal. Les microstructures observées au e = ---------------
-
Sr ρw
microscope électronique à balayage sur des échantillons de limon
compactés statiquement au laboratoire ont été décrites dans l’arti- d’où la relation :
cle [C 301] L’eau dans les sols non saturés. Elles sont représentées ρs
schématiquement sur la figure 2 [21] pour différentes teneurs en ρ d = ---------------------------
-
eau et énergie de compactage. w ρs
1 + --------------- -
Sr ρw
Si l’on se réfère au schéma classique où les trois phases solide,
liquide et gazeuse d’un sol non saturé sont séparées (figure 3), on
qui montre que les courbes d’isovaleurs de degré de saturation
retrouve les relations classiques donnant les masses volumiques
sont également des hyperboles.
(ρ pour le sol, ρd pour le sol sec) en fonction :
La distance entre la partie décroissante de la courbe Proctor et
— de la masse volumique du solide ρs (en général proche de
l’hyperbole est liée à la présence de bulles d’air occlus, évoquée
2,7 t/m3) ;
dans l’article [C 301] lors de la présentation des variations de
— de celle de l’eau (ρw = 1 t/m3) ; perméabilité relative à l’air avec le degré de saturation.
— de la teneur en eau w = Mw /Ms et de l’indice des vides On retrouve sur le diagramme le fait que le poids volumique sec
e = Vv /Vs (où Mw et Ms sont respectivement les masses de l’eau et la teneur en eau ne sont pas suffisants pour caractériser
et de la phase solide et Vv et Vs et Vw les volumes des vides, de complètement un sol non saturé, dont le point représentatif est
la phase solide et de l’eau). situé quelque part entre les axes et l’hyperbole. L’état du sol
On a : nécessite, pour être entièrement défini, la connaissance de son
degré de saturation. Ce degré est, sur le diagramme Proctor, égal
ρs ( 1 + w ) ρs au rapport de la teneur en eau du point considéré (wnonsat ), à la
ρ = ----------------------------- , ρ d = -------------- , ρ = ρd ( 1 + w ) teneur en eau du point situé sur la même horizontale, sur
1+e 1+e
l’hyperbole de saturation (wsaturé ). Cela permet par exemple d’éva-
Vw w nonsat luer le degré de saturation à l’optimum Proctor de la figure 1
S r = --------- = --------------------
Vv w saturé (caractérisé par ρd = 1,65 t/m3 et w = 18 %), qui est voisin de 80 %.
M = Ms ( 1 + w ) La complexité des sols non saturés peut être en partie illustrée
à partir du diagramme de la figure 1. Sur l’hyperbole, le sol est
avec Sr le degré de saturation, saturé et on sait que son comportement peut être décrit par un
wnonsat la teneur en eau du sol, certain nombre de paramètres constitutifs, tels que les modules de
compression œdométrique Cc , les caractéristiques c ′ et ϕ ′ de
wsaturé la teneur en eau qu’aurait le sol s’il était saturé, résistance au cisaillement ; on peut également considérer les
M la masse du sol. paramètres M, κ, λ ... du modèle Cam-Clay ([C 218] Lois de

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SOLS NON SATURÉS ____________________________________________________________________________________________________________________

17 – 90,3 – 79,2 – 39 1 000

σ1 – σ3 (kPa)
Poids volumique sec γd (kN/m3)

σ3 = 100 kPa

Hy
ua – uw

pe
rb
80
90

70
800 kPa
60 800

40

120
30
20
50

ol
e
16,5

de
– 92,3 – 81,3 – 58

sa
400 kPa

tu
600

ra
io 200 kPa

t
n
16
400 100 kPa
– 93,7 – 79,5 – 59,2 – 43,5 – 26,6 – 5,7
50 kPa

2 15,5
Courbes d'isovaleurs de succion
200

0
15 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
– 95,2 – 81,3 – 61,9 – 44,4 – 29,2 – 15,7 Déformation (%)

a courbes efforts-déformation
14,5
14 16 18 20 22 24 26
19

γd (kN/m3)
Teneur en eau w (%) wsat
800 kPa
100 kPa 50 kPa
Figure 4 – Isovaleurs de succion d’un sol compacté [50]
18

comportement et modélisation des sols ). À l’intérieur de la zone


non saturée limitée par l’hyperbole, le champ de succion est 17
variable et dépend du couple (γd , w ). La succion décroît quand on
se rapproche de l’hyperbole par un remouillage à densité 400 kPa 200 kPa
constante (chemin horizontal, qui correspond pour les sols non 16
gonflants à la courbe de rétention d’eau en réhydratation). Lors
d’une compression à teneur en eau constante (chemin vertical vers
le haut), on observe en revanche que la succion reste constante
tant que l’on se situe à une certaine distance de la courbe de satu- 15
ration (figure 4 [50] [41]). Des incurvations s’observent à proximité 9 11 13 15 17 19
de la branche humide de la courbe Proctor où les courbes d’iso- w (%)
succion deviennent progressivement parallèles à l’hyperbole de b succions imposées aux échantillons compactés
saturation. Ce phénomène est relié à la structure en agrégats des
sols compactés du côté sec [C 301] : les agrégats étant saturés et
les pores interagrégats secs, la succion est gouvernée par les Figure 5 – Évolution des propriétés du limon de Jossigny compacté
agrégats. La compression se fait d’abord par l’écrasement des avec la succion [27]
pores interagrégats sans compression des agrégats et n’affecte
donc pas la valeur de la succion, jusqu’à une certaine proximité de
la courbe de saturation où la structure devient matricielle avec
occlusion de bulles d’air. mesurée au papier-filtre juste après le compactage à l’optimum.
Les points obtenus dans un diagramme Proctor sont représentés
Cette zone proche de la saturation où l’air est occlus constitue un sur la figure 5b. Les variations de succion se traduisent par des
problème sérieux rencontré lors de l’édification des barrages en changements de teneur en eau, et on se trouve sur une ligne
terre homogènes, qui est celui de l’apparition des surpressions horizontale indiquant une faible capacité de retrait-gonflement,
interstitielles. Vu la faible perméabilité des sols fins compactés, et sauf à 800 kPa, où un léger retrait du sol est observé. L’augmenta-
dans l’hypothèse d’une construction suffisamment rapide vis-à-vis tion du module de déformation avec la succion peut être observée
de la vitesse de transfert de l’eau, on peut en effet considérer que aux faibles déformations, ainsi que l’augmentation du déviateur à
la construction d’un ouvrage en remblai se fait en conditions non la rupture, à des déformations plus élevées.
drainées à l’eau (sans mouvement d’eau, mais avec expulsion
d’air), c’est-à-dire à teneur en eau constante. La construction
correspond bien à un chemin vertical. Quand la zone d’air occlus
est atteinte, on peut modéliser le comportement en adoptant
1.2 Surconsolidation des sols compactés
l’expression de la contrainte effective en milieu saturé, avec un
fluide compressible qui représente globalement la compressibilité Les sols compactés subissent une importante contrainte de
du mélange eau-air [23]. compactage lors du passage de l’énergie de compactage, qui peut
être approximativement évaluée au laboratoire lors d’essais de
Dans la zone non saturée du diagramme, les paramètres compactage statique, si l’on prend soin d’enregistrer la force
caractérisant la compressibilité ou la rupture du sol dépendent du exercée par le piston lors du compactage. En déchargeant ensuite
couple (densité-teneur en eau) ou (densité-succion). Ces varia- ces échantillons, qu’il est nécessaire d’ôter complètement de leur
tions sont actuellement mal connues. La figure 5a [27] montre les moule de compactage pour réduire effectivement à zéro l’état de
courbes effort-déformation à succion contrôlée obtenues sur le contrainte, on peut réaliser des essais de compression œdomé-
limon de Jossigny compacté et porté à des succions égales à 50, trique à teneur en eau constante, pour identifier l’effet de surcon-
100, 200, 400 et 800 kPa, sachant qu’une succion de 200 kPa a été solidation obtenu. La figure 6 montre les résultats d’un tel essai

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0 100 kPa 170 kPa


Tassement (%)

σcompacté = 220 kPa


2
σz – Patm
4

6
600 kPa
8

10 Figure 8 – Champ de contraintes dans un barrage

2
en fin de construction [56]
12

14 sèche (0,06 t/m3)


est prédominante sur l’augmentation de teneur
en eau, avec une compressibilité plus faible. De telles informations
16 sur l’influence relative de ces deux données sont encore rares,
10 100 1 000 10 000 mais elles sont essentielles pour une meilleure connaissance du
Contrainte verticale (kPa) comportement des sols compactés.

Figure 6 – Effet de surconsolidation d’un sol compacté


1.3 Couplages hydromécaniques
lors de la construction d’un remblai

0 La dépendance des propriétés des sols compactés vis-à-vis de


Tassement (%)

leur teneur en eau engendre des couplages complexes entre les


transferts d’eau et la réponse mécanique (en contraintes et défor-
2
mations) du matériau au sein des massifs compactés. Comme on
l’a vu (§ 1.1), on peut considérer que la construction d’un remblai
4 se fait à teneur en eau constante. La réponse en déformation du
matériau soumis au chargement dû aux couches déposées au-des-
6 sus de lui peut être déduite, comme pour le tassement des sols
saturés, de la courbe œdométrique présentée sur la figure 6. Cette
8 figure impose de faire une analyse intégrant la surconsolidation : si
C la contrainte liée à la hauteur des couches sus-jacentes est infé-
rieure à la pression de compactage, le tassement engendré par ces
10 couches sera faible ; si, en revanche, on dépasse cette hauteur, la
B contrainte due au poids des couches devient supérieure à la
12 contrainte de compactage, ce qui entraîne de plus fortes déforma-
A tions de nature irréversible, déterminées par la pente de la partie
14 normalement consolidée de la courbe. Pour un remblai compacté
10 100 1 000 10 000 à une masse volumique sèche de 2 t/m3 avec une contrainte de
Contrainte verticale (kPa) compactage de 220 kPa, cette condition est atteinte pour une cou-
che sus-jacente de 11 m environ, ce qui se produit dans les barra-
ges homogènes (dont la hauteur maximale est de 30 m).
Figure 7 – Effet combiné de la teneur en eau et de la masse Schématiquement, on peut considérer que tout élément de sol
volumique sèche sur la compressibilité d’un sol compacté situé à plus de 11 m dans le barrage est à l’état normalement
consolidé.
La construction engendre dans le massif de sol compacté un
sur le limon de Jossigny compacté à une masse volumique sèche champ de contraintes non homogène, représenté sur la figure 8,
de 1,56 t/m3 et à une teneur en eau de 22 %. La représentation sur tirée de calculs numériques qui seront décrits dans le para-
le diagramme de la contrainte maximale de compactage, égale ici graphe 1.4. Ce champ de contraintes crée des déformations de
à 220 kPa, est en bonne correspondance avec le coude de la courbe compression non homogènes dans le matériau. À court terme, à la
de compression. Cela confirme le phénomène de surconsolidation teneur en eau initiale, et dans l’hypothèse où le sol n’a pas atteint
du sol compacté identifié initialement par Yoshimi et Oster- la saturation, on aura donc des gradients de succion qui correspon-
berg [76]. dront au champ d’indices des vides (la succion étant d’autant plus
proche de zéro que le sol aura été comprimé) et donc au champ de
L’effet relatif de la masse volumique sèche et de la teneur en eau contraintes normales. On note ici une différence entre la zone
peut être illustré par les résultats de la figure 7, qui compare les supérieure surconsolidée, où ces effets sont plus faibles, et la zone
courbes de compression œdométrique obtenues sur trois échan- inférieure, normalement consolidée. La figure 8 montre que ces
tillons compactés à des couples masse volumique sèche - teneur zones de faible succion sont situées au centre de l’ouvrage, à
en eau respectivement égaux à (A : ρd = 1,595 t/m3, w = 18 % ; l’endroit où l’épaisseur des couches sus-jacentes est maximale.
B : ρd = 1,61 t/m3, w = 16 % ; C : ρd = 1,655 t/m3, w = 20 %). La Une fois la construction terminée, il y a une tendance à l’équili-
comparaison des courbes A et B de masse volumique sèche simi- brage des succions, qui se fait par un transfert d’eau depuis le cen-
laire, montre une moins grande déformabilité de l’échantillon B, tre du barrage vers la surface approximativement perpendiculaire
moins humide de 2 %. En revanche, l’échantillon C, plus humide de aux courbes d’isocontraintes. Aux densités optimales Proctor, sur
2 % (w = 20 %) montre que l’augmentation de masse volumique des matériaux peu plastiques, cette redistribution ne semble en

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190 Filtre et drain F < 1,3 F < 1,5


Altitude (m)

180 Amont
170
Argile
160
150
140 Paroi moulée

a projet initial

Figure 10 – Modélisation de l’apparition d’une rupture circulaire

2
dans un barrage en remblai [56]
190
Altitude (m)

Surfaces de
180 glissement On a vu que des zones plus humides au sein d’un massif
170 compacté correspondent à un matériau plus déformable et moins
résistant, et peuvent être favorables à l’apparition d’instabilités.
160 Afin d’étayer ce type d’analyse, une modélisation de la construc-
tion d’un barrage à l’aide d’un code de calcul spécialement déve-
150
loppé pour cela (code U-Dam [40] [56]) a été conduite. Les
140 hypothèses du calcul ont été reprises d’une approche proposée par
Alonso et al. [8] : les aspects déviatoriques sont pris en compte par
b rupture (1982) un modèle élastique non linéaire hyperbolique de Kondner-
Duncan [31] paramétré par la succion en se basant sur les résultats
de la figure 5b : une diminution de succion engendre une réduc-
Figure 9 – Rupture du barrage de Mirgenbach [56] tion du module et de la résistance au cisaillement maximale. Le
comportement volumique est basé sur l’approche en surfaces
d’état, avec une expression compatible avec la formulation hyper-
général pas induire de fortes variations de volume. Comme on le bolique évoquée dans l’article [C 302] Comportement mécanique
verra dans le paragraphe 1.5, ce n’est pas le cas dans les matériaux des sols non saturés. Les transferts d’air et d’eau sont régis par les
compactés plastiques susceptibles de gonfler. équations décrites dans l’article [C 301]. Ces hypothèses de
comportement sont compatibles avec la situation de construction
Cette redistribution d’eau va dans le sens du ramollissement des d’un barrage, dans la mesure où le chargement est monotone, ce
couches supérieures, qui engendre à son tour des déformations qui est favorable à l’adoption d’un modèle hyperbolique, et où les
volumiques et déviatoriques qui affectent la perméabilité et les degrés de saturation sont croissants, ce que nécessite l’approche
transferts d’eau, les propriétés mécaniques, etc. On a donc une en surface d’état.
interaction permanente entre les transferts d’eau et la réponse
mécanique du matériau, typique du fort couplage hydromécanique La figure 10 montre un résultat obtenu avec ce type de calcul, où
qui caractérise le comportement des ouvrages en terre. l’on représente les cartes d’isovaleurs d’un coefficient de sécurité
local F en fin de construction. Ce coefficient est défini par :
( σ 1 – σ 3 ) max
F = ----------------------------------
1.4 Barrages en terre ( σ1 – σ3 )

Pour des raisons évidentes de sécurité, les barrages en terre, qui avec (σ1 – σ3 ) la valeur locale du déviateur au point considéré,
sont réalisés en compactant les sols au voisinage de l’optimum (σ1 – σ3 )max la valeur maximale admissible, pour la succion
Proctor normal, sont l’objet d’un contrôle de compactage (teneur considérée.
en eau et densité) très méticuleux au cours de la construction [87]. Cette valeur est définie par l’asymptote du modèle hyperbolique
Un tel contrôle n’est pas envisageable en terrassements routiers, qui correspond au déviateur maximal atteint sous la contrainte de
vu les longueurs importantes considérées et la nécessité pour les confinement considérée.
entreprises de respecter des coûts et des délais très stricts. Pour
les mêmes raisons, le comportement du barrage en service (mise On observe sur la figure 10 que la zone où les valeurs de F sont
en eau, variations du niveau de retenue, vidange rapide) fait l’objet maximales est d’allure circulaire, et comparable à celles observées
d’auscultations précises et continues, en termes de déformations sur le barrage de Mirgenbach.
et de mesure de pressions interstitielles. La mise en eau d’un bar- Un calcul couplé de ce type intègre l’ensemble des couplages
rage et l’infiltration qui en résulte au sein du massif compacté hydromécaniques intervenant dans le massif et décrits dans le
représentent une sollicitation couplée très complexe, puisqu’au paragraphe 1.3. La résolution numérique de ces problèmes
moment même où l’ouvrage est chargé par la retenue, qui hautement non linéaires est délicate, mais les nombreuses
engendre un champ de contraintes déviatoriques importantes, les recherches menées récemment sur les couplages dans les sols ont
propriétés du matériau se dégradent du fait de la diminution de la permis de progresser et de mettre au point des techniques de
succion. résolution relativement fiables et raisonnablement convergentes.
L’attention des constructeurs de barrages en terre homogènes, La figure 11 montre les résultats obtenus en termes de pres-
vis-à-vis du risque lié à l’apparition de surpressions interstitielles sions interstitielles sur le barrage de La Ganne [20] [49]. On
lors de l’édification, a été renforcée en raison de la rupture du bar- observe que le calcul rend compte correctement de la présence
rage de Mirgenbach (1982), où de tels phénomènes ont été sus- d’un drain et du passage de l’état non saturé à l’état saturé, avec
pectés (figure 9). Cette rupture d’un barrage en argile homogène des pressions négatives (succions) et positives. La détermination
de 22 m de hauteur a été caractérisée par l’apparition en 15 jours des paramètres caractéristiques du sol a été réalisée par des essais
d’une marche de 4 m de hauteur sur le parement amont (à droite à succion contrôlée au laboratoire [25], sur des échantillons préle-
sur la figure 9). vés sur le barrage au cours de la construction.

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C264

Géostructures thermiques
Présentation du fonctionnement
thermique et mécanique
par Yvon DELERABLÉE
Ingénieur d’études
2
Terrasol – Setec (ex-Antea Group)
Julien HABERT
Ingénieur
Cerema, Direction territoriale Nord-Picardie
et Sébastien BURLON
Directeur d’études
Terrasol – Setec

1. Fonctionnement d’une géostructure thermique .................................. C 264 - 3


1.1 Principes ............................................................................................................ — 3
1.2 Les retours d’expérience .................................................................................. — 3
2. Interactions thermiques entre le terrain et une géostructure
thermique ........................................................................................................ — 5
2.1 Principes ............................................................................................................ — 5
2.2 Conduction ........................................................................................................ — 5
2.3 Advection........................................................................................................... — 6
2.4 Influence respective de l’advection et de la conduction................................ — 7
3. Estimation de l’efficacité énergétique .................................................... — 9
3.1 Les besoins énergétiques de l’ouvrage........................................................... — 9
3.2 Ressource du terrain......................................................................................... — 10
3.3 Application à un ouvrage type......................................................................... — 13
4. Justification mécanique des géostructures .......................................... — 18
4.1 Description des interactions mécaniques ....................................................... — 18
4.2 Méthodes de calcul disponibles ...................................................................... — 19
5. Justification des pieux ................................................................................ — 21
5.1 Types de justifications ...................................................................................... — 21
5.2 Effets de la durée d’application des charges .................................................. — 24
5.3 Exemple d’application ...................................................................................... — 24
6. Justification des écrans et des tunnels énergétiques ........................ — 26
6.1 Écrans énergétiques ......................................................................................... — 26
6.2 Les tunnels énergétiques ................................................................................. — 32
7. Conclusion....................................................................................................... — 32
8. Glossaire .......................................................................................................... — 32
9. Sigles, notations et symboles.................................................................... — 32
Pour en savoir plus ................................................................................................ C 264 doc
Parution : janvier 2020

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73
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C264

GÉOSTRUCTURES THERMIQUES _______________________________________________________________________________________________________

a chaleur présente dans les sols et dans les roches est connue et exploitée
L depuis très longtemps.
Au cours du 20e siècle, l’exploitation des ressources thermiques des terrains
s’est largement développée et a donné naissance à la géothermie. Plusieurs
types de géothermie existent selon la profondeur à laquelle est exploitée la res-
source thermique du terrain. La géothermie très basse énergie concerne les
premières centaines de mètres de terrain et permet d’exploiter la ressource ther-
mique de ce dernier pour chauffer ou refroidir des bâtiments. L’exemple le plus
simple d’application est le puits canadien. De l’air circule dans un tuyau à
quelques mètres de profondeur et débouche dans une habitation. En été, il
permet de refroidir l’habitation car, en circulant dans le tuyau, il se refroidit et,

2 en hiver, il permet de chauffer au moins partiellement l’habitation car, en circu-


lant dans le tuyau, il se réchauffe. Bien que la température du terrain augmente
avec la profondeur sous l’effet du gradient thermique naturel, cette technique
montre que la température du sol reste sensiblement constante depuis la
surface du terrain et jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de profondeur.
D’autres techniques se sont ensuite développées en exploitant ce constat. On
peut citer : les doublets géothermiques sur nappe, les sondes géothermiques
et les géostructures thermiques. Toutes ces techniques mettent par ailleurs en
œuvre une pompe à chaleur et l’idée est d’utiliser le sol comme une source
chaude (c’est-à-dire un milieu permettant l’extraction de chaleur) ou une
source froide (c’est-à-dire un milieu permettant l’injection de chaleur) pour pro-
duire du chaud ou du froid.
Dans un doublet géothermique, c’est l’eau de la nappe circulant dans le
terrain qui sert de source chaude ou froide. De l’eau est pompée à un endroit
dans le terrain à partir d’un puits d’extraction et est rejetée à un autre endroit
dans le terrain à partir d’un puits d’injection. L’écoulement de la nappe aux
abords des deux puits joue un rôle prépondérant et différentes questions rela-
tives aux interactions entre ces deux puits sont à considérer.
Pour une sonde géothermique, le principe est de faire circuler un fluide calo-
porteur dans un forage à l’intérieur d’un tube échangeur de chaleur, puis dans
une pompe à chaleur. En été, le fluide injecté a, par exemple, une température
de l’ordre de 30 °C et est extrait à une température de 25 °C. Le froid est alors
produit par la pompe à chaleur. En hiver, le fluide est injecté, par exemple, à
une température de l’ordre de 4 °C et est extrait à une température de 8 °C et la
chaleur reste toujours produite par une pompe à chaleur. Les coefficients de
performance atteints (rapport entre la puissance extraite et la puissance per-
mettant le fonctionnement de la pompe à chaleur) sont de l’ordre de 3 à 5.
À certaines périodes de l’année, notamment au printemps et en automne, il
est possible de ne pas faire appel à la pompe à chaleur. Par exemple, le fluide
injecté peut avoir une température de l’ordre de 19 °C et être extrait à une tem-
pérature de 14 °C, on parle alors de geo-cooling ou de free-cooling.
Pour les géostructures thermiques, appelées aussi « géostructures énergé-
tiques » ou « géostructures thermoactives », le principe est de faire circuler le
fluide caloporteur dans un pieu, un panneau de paroi moulée ou un voussoir
de tunnel. L’idée est de faire l’économie d’un forage dédié à la géothermie et
de lier directement le tube échangeur aux cages de ferraillage des pieux ou
des parois moulées. La technique des géostructures thermiques est née en
Autriche dans le courant des années 1980 et a connu dans le courant des
années 2000 et jusqu’à maintenant un intérêt considérable porté par la néces-
sité de développer des énergies renouvelables. Cette technique présente un
comportement complexe car elle permet d’utiliser des ouvrages géotechniques
à la fois comme éléments de fondation ou de soutènement avec un rôle méca-
nique évident et comme structures d’échanges thermiques. Les enjeux de
conception et de dimensionnement de ces structures obligent à décrire préci-
sément le comportement de celles-ci sur les plans thermiques et mécaniques.
Une présentation sur la manière d’appréhender ces problématiques et les
bases de justification vis-à-vis des aspects thermiques et mécaniques est pro-
posée dans cet article.

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1. Fonctionnement Q
d’une géostructure Chauffage
thermique
PACg

1.1 Principes
Tin Tout
Les géostructures thermiques sont des ouvrages géotechniques
(e.g. pieux de fondation, ouvrages de soutènement, tunnels, etc.),
qui assurent en premier lieu une fonction mécanique. Équipés de Tterrain > Tair Terrain
tubes échangeurs de chaleur, ces derniers permettent aussi
d’échanger de l’énergie avec le milieu encaissant afin de produire
du chauffage en hiver et de la climatisation en été par l’intermé-
Tin < Tout
2
diaire d’une Pompe à Chaleur géothermique (PACg) (figure 1).
Dans certains cas, en début d’été notamment, la pompe à chaleur
n’est pas nécessaire, et le terme de freecooling est utilisé.
Les géostructures thermiques entrent dans le cadre de la géo-
thermie très basse énergie. Cela signifie que le fluide caloporteur
qui circule dans les tubes échangeurs a une température comprise
Figure 1 – Schéma de principe du fonctionnement d’une géostructure
entre +1 et +35 °C. Cette technique n’est donc pas la plus adaptée thermique en hiver
pour produire de l’Eau chaude sanitaire (ECS).
Dans le cas des structures en béton armé coulé en place, les thermique génèrent également des déformations et des contraintes
tubes échangeurs sont directement liaisonnés aux cages d’arma- additionnelles (cf.§ 4).
tures afin de les guider, puis sont noyés dans le béton (figure 2)
[1]. Ils peuvent également être directement intégrés à ces derniers Néanmoins, le fonctionnement géothermique ne doit pas se
lorsqu’il s’agit d’éléments préfabriqués en béton (e.g. pieux, vous- traduire par des modifications substantielles de l’ouvrage (dimen-
soirs, etc.). sions, etc.). Dans le cas contraire, le TRI est susceptible d’aug-
menter et de remettre en cause l’opportunité de la technique.
Le Temps de Retour sur Investissement (TRI) constitue une donnée
importante pour décider de recourir à des géostructures thermo-
actives. En France, ce temps de retour est estimé entre 7 et 12 ans, 1.2 Les retours d’expérience
en fonction notamment des projets réalisés et des niveaux de sub-
vention. Le rapport [2] est un exemple d’optimisation de projet de Malgré l’utilisation de cette technologie depuis les années 1980 [3],
paroi moulée thermoactive (figure 3). L’espacement des tubes les retours d’expérience sont peu documentés et se concentrent prin-
échangeurs fait varier la quantité d’énergie récupérable, mais égale- cipalement sur l’utilisation des pieux énergétiques.
ment le coût d’installation. Il existe ainsi un optimum permettant de Néanmoins, ils ont permis d’éditer dans plusieurs pays européens
rentabiliser au plus tôt cet investissement. (Suisse, Royaume-Uni, France) des recommandations nationales
concernant leur conception et leur dimensionnement thermique et
Avant tout, les géostructures thermiques sont des éléments assurant mécanique :
une fonction mécanique : fondation, écran de soutènement, etc. Leur
usage en tant qu’échangeur géothermique ne doit pas compromettre – SIA, 2005 (Suisse) ;
le dimensionnement mécanique initial. En effet, les variations de tempé- – GSHP association, 2012 (Royaume-Uni) ;
rature permettant le transfert d’énergie entre le terrain et la géostructure – CFMS-Syntec, 2017 (France).

a b c

Figure 2 – Illustrations de l’assemblage des tubes échangeurs aux cages d’armatures pour : a) un pieu (Cerema), b) un panneau de paroi moulée
(Géothermie-professionnelle) et c) un voussoir préfabriqué

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De manière générale, les essais réalisés dans le cadre des diffé-


rentes expérimentations mentionnées (EPFL, Lambeth College,
Chauffage [kWh / m2.an] IFSTTAR) ne montrent pas d’effets significatifs des cycles de chauf-

Temps de retour sur investissement [an]


100.00 Climatisation [kWh / m2.an] 20.00 fage-refroidissement. Par ailleurs, durant ces cycles thermiques,
80.00 TRI [an] les mouvements du pieu, même sous une charge proche de la
Energie produite [kWh / m2.an]

60.00 charge de service, sont négligeables (de l’ordre de quelques milli-


15.00
40.00 mètres).
20.00 Enfin, des instrumentations concernant les groupes de pieux [9]
0 10.00 ont montré l’influence importante de la structure en tête des
Optimum

–20.00 pieux, mais également le rôle du champ de température dans le


–40.00 terrain autour des pieux et des variations volumiques associées.
5.00
–60.00

2 –80.00
–100.00 0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120130140
1.2.2 Écrans de soutènement
Les retours d’expérience concernant ces ouvrages sont plus
Espacement des tubes échangeurs [cm] rares. La dimension des ouvrages comportant des écrans de sou-
tènements (typiquement 120 m × 30 m × 50 m pour une station de
métro standard) implique des surfaces de contact importantes
Figure 3 – Estimation du TRI pour une paroi moulée thermoactive entre le terrain et l’écran. Par conséquent, d’un point de vue éner-
gétique, ces ouvrages ont un potentiel important.
1.2.1 Pieux Ainsi, plusieurs ouvrages majeurs ont été équipés en parois
moulées thermoactives ([2] [10] [11]) :
Historiquement, les pieux énergétiques sont les premiers types
de géostructures thermiques ayant été développés. Cela est – Uniqa Tower à Vienne (7 800 m2 de parois moulées thermo-
notamment lié à leur similitude géométrique avec d’autres sys- actives) ;
tèmes de géothermie très basse énergie comme les sondes géo- – EA General Centre à Vienne (4 200 m2 de parois moulées
thermiques verticales. C’est donc naturellement ces ouvrages qui thermoactives) ;
proposent le plus de retours d’expérience concernant les aspects – Columbus Centre à Vienne (12 400 m2 de parois moulées
thermiques et mécaniques. thermoactives) ;
Les premières structures fondées sur pieux énergétiques recen- – Station U2/2-Taborstraße du métro de Vienne (1 865 m2 de
sées ont été réalisées en Autriche et en Suisse. Les premiers parois moulées thermoactives) ;
retours d’expérience ont concerné l’efficacité énergétique de ces – Muséum d’histoire naturelle de Shanghai.
systèmes. Ainsi un suivi à long terme a pu être mené sur les pieux
du dock Midfield à Zurich en Suisse [4]. Ces premières instrumen- Concernant les aspects thermiques, il n’est pas possible de défi-
tations ont permis de valider le dimensionnement énergétique nir une puissance moyenne applicable pour ce type d’ouvrage car
effectué à partir de Tests de réponse thermique (TRT) qui avaient le contexte hydrogéologique, notamment la présence d’un écoule-
été réalisés dans le cadre de la conception de ce projet pour l’éva- ment, a une influence très forte sur les résultats. De plus, aucune
luation des propriétés thermiques des terrains. méthode de dimensionnement relative à ces aspects thermiques
n’a été développée dans le cadre de ces installations.
Cette approche a également été mise en œuvre pour évaluer
l’influence thermique des géostructures thermiques sur l’environ- D’un point de vue mécanique, ces études ont mis en évidence
nement [5]. Cela a montré la complexité de l’évolution du champ des variations d’effort vertical pouvant être appréhendées de
de température autour des géostructures, mais également l’impor- façon similaire à celles des pieux énergétiques. En sus de ces
tance des phénomènes transitoires. retours d’expérience, un ouvrage instrumenté en Italie [12] a mon-
tré la différence de comportement entre la fiche et le reste de
Parallèlement, du fait des questions mécaniques soulevées par le l’écran. Ainsi, la température dans la fiche est beaucoup plus
fonctionnement de ce type de structures, des expérimentations en stable dans le temps et il existe un gradient de température verti-
vraie grandeur sur des ouvrages réels ont été réalisées. Les pieux de cal dans l’ouvrage. De plus, les conditions d’exploitation de la
plusieurs bâtiments ont été ainsi instrumentés ([5] [6] [7]). Ces pieux, zone excavée (e.g. parking, centre commercial, etc.) modifient le
dimensionnés dans un premier temps avec une marge de sécurité comportement à court et long terme de l’écran.
importante, ont cependant mis en évidence la capacité des méthodes
de modélisation en une dimension à rendre compte du comporte- Enfin, plusieurs projets en France de parois moulées équipées
ment des pieux énergétiques, tant en termes d’efforts structuraux avec des tubes échangeurs peuvent également être citées : deux
additionnels (effort axial notamment) que de déformations et de stations du métro de Rennes, trois stations de l’extension des
déplacements verticaux. Ces expérimentations ont permis de justifier lignes 12 et 14 à Paris. Néanmoins, les retours d’expérience ne
le fait de négliger certains phénomènes lors de la modélisation du sont pas encore disponibles à l’heure actuelle.
comportement d’un pieu énergétique, et notamment :
– la composante horizontale des déformations thermiques, c’est- 1.2.3 Tunnels
à-dire les variations de diamètre du pieu ;
– la variation des propriétés mécaniques du terrain, mais égale- Plusieurs exemples de tunnels en Autriche ([1] [2]), pour lesquels
ment des interfaces terrain-pieu avec la température. des échangeurs géothermiques ont été mis en place entre le revête-
ment et le soutènement, peuvent être cités. De même, différentes
Des expérimentations spécifiques ont aussi été menées sur des
expérimentations en vraie grandeur ont été mises en œuvre sur le
pieux n’assurant pas le rôle de fondations de structures réelles.
prolongement du métro de Turin ([13] [14]). Cependant, les résultats
Une expérimentation a été réalisée sur trois pieux fondés dans
tirés de l’instrumentation thermique ne sont pas encore disponibles.
des formations sableuses [8]. Le chargement mécanique du pre-
mier pieu a conduit à estimer sa portance. Deux pieux identiques Néanmoins, une modélisation numérique sous la forme d’une
situés à proximité ont alors été soumis à plusieurs cycles de char- étude paramétrique a été menée. Elle a permis de construire des
gement thermique, puis ont fait l’objet d’un essai de chargement. abaques de prédimensionnement pour ce type d’ouvrage (figure 4 –
Ce test a ainsi mis en évidence une légère amélioration de la por- [13] [14]). Ces graphiques confirment et quantifient l’influence favo-
tance des pieux et des déplacements négligeables dans le temps. rable de la vitesse d’écoulement sur la quantité d’énergie transférée.

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Injection d’energie - hiver Injection d’energie - été


18 70 18
48 60
40

17 17
20

24

36
50 60
16 16
60
Température du terrain [°C]

Température du terrain [°C]


30

Seocheon 72
15 15

48
60
50
14
40
14 Torino
60
72 84

2
13 Katzenberg 50 13
20

24

36
10

12 Jenbach 40 12
30

84
11 40 11 96

48
72
30
10 10

60
20

30
9 9 96 8
10
84
10

24

36
20
8 8
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 1,8 2 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 1,8 2

Vitesse d’écoulement [m/jour] Vitesse d’écoulement [m/jour]

λ = 0,9 W/mK λ = 2,26 W/mK λ = 3,9 W/mK

Figure 4 – Influence de la vitesse d’écoulement sur les performances thermiques des tunnels énergétiques

2. Interactions thermiques du système (i.e. géostructure thermique et terrain environnant).


C’est donc cette valeur qui est utilisée pour le dimensionnement
entre le terrain thermique et mécanique des géostructures thermiques.

et une géostructure Les transferts d’énergie dans le terrain sont régis par une loi de
conservation d’énergie qui prend la forme suivante :
thermique
avec capacité thermique volumique effective du
2.1 Principes terrain (J/m3.K),
Les échanges thermiques entre la géostructure thermique et le T température (K),
terrain peuvent avoir deux objectifs : t temps (s),
– soit une utilisation immédiate de la ressource thermique du flux de chaleur par conduction (W/m2),
terrain ;
– soit une utilisation différée de cette ressource thermique et, dans flux de chaleur par advection (W/m2)
ce cas, il s’agit de stocker « du chaud » en été pour le récupérer l’hiver jint production de chaleur interne (W/m3). Ce dernier
et, inversement, stocker « du froid » en hiver pour le récupérer l’été. terme est négligeable à faible profondeur et dans
Dans les deux cas, il est fondamental de bien appréhender les les sols.
échanges énergétiques entre la géostructure thermique et le terrain Cette équation rend compte des deux phénomènes cités précé-
qui peuvent se faire de deux manières distinctes : d’une part, par demment : la conduction et l’advection. Son analyse permet de
conduction, et d’autre part, par advection du fait de la présence déterminer la contribution de chacun en prenant en compte un
d’une ou plusieurs nappes au sein du terrain. Il est évident que les contexte et une géométrie plus ou moins complexes.
performances thermiques de la géostructure thermique vont être
associées à la manière dont ces deux modes d’échanges vont se Par exemple, lorsque la divergence est nulle, l’équilibre est atteint.
mettre en place. De plus, une divergence positive (resp. négative) implique une dimi-
Les enjeux liés à l’étude des modes de transfert sont en rapport nution (resp. augmentation) de la température du système.
avec la prévision des échanges thermiques. Comme la forme de
l’ouvrage affecte les conditions d’écoulement de la nappe, l’esti-
mation des échanges thermiques est complexe et constitue 2.2 Conduction
aujourd’hui un vaste champ de recherches.
La variation de température du terrain et de la structure liée à La conduction est un phénomène de transfert thermique dans
l’activation d’une géostructure thermique est une anomalie ther- lequel l’énergie est transférée d’une source chaude vers une
mique. Celle-ci est positive en été (i.e. injection d’énergie) et néga- source froide de grain à grain. Il n’y a donc pas de transfert de
tive en hiver (i.e. extraction d’énergie). L’anomalie thermique masse. Elle est décrite par la loi de Fourier :
s’établit donc en régime transitoire en fonction des besoins du bâti-
ment et modifie à court et moyen terme le champ de température

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avec flux de chaleur par conduction (W/m2), 2.3 Advection


(T(x,y,z) gradient de température (K/m)
L’advection est un phénomène de transfert thermique qui fait, quant
λg,eff conductivité thermique effective du terrain (W/m.K) à lui, intervenir un transfert de masse. Ainsi, l’eau, sous la forme d’une
définie en première approche par : ou plusieurs nappes aquifères en mouvement, transfère l’énergie de
l’amont vers l’aval en suivant la direction de l’écoulement.
Sa composante peut être décrite sous la forme suivante (Eq.6) :
avec λg et λw respectivement conductivité thermique du
terrain et de l’eau (W/m.K),
n porosité (–) avec flux advectif (W/m2),
Sr saturation du milieu (–). masse volumique de l’eau (kg/m3),
ρw
Comme le montre la loi de Fourier, la conduction est dépen- chaleur spécifique de l’eau (J/kg.K),
Cw

2
dante du gradient de température et de la capacité du terrain à vitesse de Darcy (m/s),
conduire l’énergie (i.e. la conductivité thermique). Ainsi, quel que (T(x,y,z) gradient de température (K/m).
soit le système étudié, dès qu’une différence de température appa-
Le transfert thermique par advection est donc lié à la vitesse
raît, la conduction est activée. De plus, les formations géologiques
d’écoulement et au champ de température. Plus l’écoulement
rencontrées ont des propriétés thermiques variables mais des
est important, plus le potentiel énergétique augmente. Cette
ordres de grandeur peuvent être donnés (tableau 1 – [15]).
remarque est bien corrélée par les retours d’expérience. Concrè-
En règle générale, les terrains les plus grossiers (i.e. sables et tement, l’écoulement dissipe les anomalies thermiques dans le
graviers) sont les plus conducteurs. Il convient également de noter terrain et permet ainsi d’augmenter la sollicitation thermique
qu’un horizon saturé voit ses propriétés thermiques augmenter de admissible. C’est le phénomène de recharge thermique natu-
manière importante ([16] [17] [18]). Un terrain saturé conduit et relle. Cependant, l’énergie est diffusée vers l’aval de l’écoule-
stocke donc mieux l’énergie qu’un terrain partiellement saturé. ment et, sous certaines conditions, peut former un panache
L’augmentation de la densité du milieu implique également une thermique (figure 6 – [19]).
augmentation de la conductivité thermique. Ce comportement est Pour les structures à géométrie circulaire (e.g. pieux, tunnels,
traduit par les équations de Kersten (1949) : etc.), la dissipation thermique liée aux transferts par advection est
relativement homogène sur leur circonférence. Néanmoins, les
ouvrages qui présentent moins de symétrie (e.g. gare, parking, etc.)

avec λargile,limon
et λsable respectivement conductivités thermiques selon
Kersten pour les sols fins et les sols grossiers
Conductivité thermique λ (W/(m.K)

(W/m.K), 3,0
Sr = 20 %
w teneur en eau (–) Sr = 40 %
2,5 Sr = 60 %
ρd masse volumique sèche du sol (kg/m3). Sr = 80 %
Ces relations permettent de tracer les courbes de la figure 5 : 2,0 Sr = 100 %
ρd = 1 t / m3
En conduction pure, le terrain peut stocker efficacement de l’éner- ρd = 1,2 t / m3
gie. La quantité d’énergie et le volume impliqués dépendent de la 1,5 ρd = 1,4 t / m3
ρd = 1,6 t / m3
géométrie de l’ouvrage et des propriétés thermiques du milieu. ρd = 1,8 t / m3
1,0

Remarque 0,5
Il est à noter que la majorité des modèles de comportement a
thermique couramment utilisés pour les géostructures ther- 0,0
miques sont uniquement basés sur ce mode de transfert 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
d’énergie et négligent l’advection. Teneur en eau w (%)

3,0
Conductivité thermique λ (W/(m.K)

Sr = 20 %
Tableau 1 – Exemples de caractéristiques Sr = 40 %
thermiques pour différents types de sols saturés 2,5 Sr = 60 %
Sr = 80 %
et non saturés Sr = 100 %
2,0 ρd = 1 t / m3
Capacité thermique ρd = 1,2 t / m3
Types Conductivité Thermique λ 1,5 ρd = 1,4 t / m3
volumique Cv
de sol [W/m.K] ρd = 1,6 t / m3
[MJ/m3.K] ρd = 1,8 t / m3
1,0
Sol sec Sol saturé Sol sec Sol saturé
0,5
Argile 0,2 – 0,3 1,1 – 1,6 0,3 – 0,6 2,1 – 3,2 b
0,0
Limon 0,2 – 0,3 1,2 – 2,5 0,6 – 1,0 2,1 – 2,4 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Teneur en eau w (%)
Sable 0,3 – 0,4 1,7 – 3,2 1,0 – 1,3 2,2 – 2,4

Gravier 0,3 – 0,4 1,8 – 3,3 1,2 – 1,6 2,2 – 2,4 Figure 5 – Conductivité thermique en fonction de la teneur en eau
selon le modèle de Kersten : cas a) sables, cas b) limons et argiles

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0 100 200
120 120
T 0,5 ‰
0 100 200
120 120
T 1,0 ‰
0 100 200
120 120
T 2,0 ‰
0 0
0 100 200

Perméabilité croissante 0 0
0 100 200
0 100 200
120 120
U 0,5 ‰ 0 0 Différence de température [°C]
0 100 200
0 100 200
120 120
U 1,0 ‰ 0,0 – 0,1

2
0 100 200
120 120
U 2,0 ‰
0,1 – 0,5
0 0
0 100 200
0,5 – 1,0
0 0
0 100 200

120
0 100 200
120 0 0 1,0 – 5,0
fS 0,5 ‰ 0 100 200

> 5,0
0 100 200
120 120
fS 1,0 ‰ Direction de l’écoulement
0 0
0 100 200 0 100 200
120 120
fS 2,0 ‰

0 0
0 100 200 0 300 100 200
120 120
mS 0,5 ‰

0 0
0 100 200
0 100 200
120 120
mS 1,0 ‰
0 0
0 100 200 300

0 100 200
120 120
mS 2,0 ‰
0 0
0 100 200
0 100 200
120 120
gS 0,5 ‰

0 0
0 100 200 0 100 200
120 120
gS 1,0 ‰

0 0 0 100 200
0 100 200 120 120
gS 2,0 ‰

0 0
0 100 200

0 0
0 100 200

Figure 6 – Champs de température autour d’une sonde géothermique verticale à la fin de la 30e saison de chauffe pour 5 perméabilités diffé-
rentes et 3 gradients hydrauliques 0,5 %, 1 % et 2 %

et qui recoupent la direction de l’écoulement peuvent générer un 2.4 Influence respective de l’advection
effet barrage qui modifie le champ de vitesse dans le terrain
(figure 7 – [20] [21]).
et de la conduction
Un exemple très connu pour apprécier l’influence respective des
Comme le transfert thermique par advection est lié à la vitesse phénomènes de conduction et d’advection est celui d’un volume
d’écoulement, il est fortement hétérogène pour ce type d’ouvrage. de terrain horizontal parcouru par un écoulement hydraulique. En
Sa valeur peut même être nulle sur une section de la structure. Cela considérant le problème stationnaire et en supposant des condi-
signifie qu’en fonction du système, des zones stockent de l’énergie tions aux limites imposées en température, l’équation différentielle
(i.e. conduction pure) quand d’autres dissipent cette énergie est la suivante :
(i.e. advection dominante). De plus, chaque partie de l’ouvrage inte-
ragit avec les autres en fonction du champ de vitesse.

Cette interaction est également possible lorsque deux ouvrages avec T(0) = T1 et T(L) = T2.
suivent la même ligne de courant (figure 8 – [22]). Dans ce cas,
l’équilibre thermique du système à l’aval peut se dégrader ou La résolution de cette équation différentielle fournit la solution
s’améliorer en fonction de la vitesse d’écoulement, de la distance suivante :
et du mode de fonctionnement des structures (i.e. chauffage ou
climatisation). En effet, la valeur du gradient de température est
liée au champ de température global.

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Modèles de comportement élasto-


visco-plastiques des géomatériaux
par Félix DARVE
Professeur émérite, Institut Polytechnique de Grenoble
Laboratoire Sols, Solides, Structures, Risques – Université Grenoble Alpes (Grenoble,
France)

2
et Luc SIBILLE
Maı̂tre de Conférences – Institut universitaire de Technologie 1 Grenoble – Université
Joseph Fourier
Laboratoire Sols, Solides, Structures, Risques – Université Grenoble Alpes (Grenoble,
France)

1. Cadre général à l’élaboration des modèles


de comportement phénoménologiques ...................................... C 218v2 – 2
1.1 Fonctionnelle rhéologique ................................................................. — 3
1.1.1 Principe de déterminisme global ............................................ — 3
1.1.2 Propriétés de la fonctionnelle rhéologique ............................ — 3
1.2 Écriture incrémentale des lois de comportement ............................. — 3
1.2.1 Principe de déterminisme incrémental ................................... — 3
1.2.2 Propriétés de la fonction rhéologique incrémentale .............. — 4
2. Cas des géomatériaux non-visqueux........................................... — 4
2.1 Expression canonique des lois incrémentales élasto-plastiques ..... — 4
2.2 Classification des lois élasto-plastiques des géomatériaux ............. — 5
2.3 Expression des lois élasto-plastiques bi-linéaires non-associées
avec écrouissage ................................................................................ — 6
3. Visco-élasto-plasticité des géomatériaux .................................. — 7
3.1 Décomposition instantanée/différée .................................................. — 8
3.2 Décomposition réversible/irréversible ............................................... — 8
4. Applications ..................................................................................... — 8
4.1 Illustrations pratiques ........................................................................ — 8
4.1.1 Quatre critères de plasticité les plus employés ..................... — 8
4.1.2 Potentiel plastique le plus employé ........................................ — 12
4.1.3 Exemple de loi de comportement élasto-plastique :
le modèle dit « CAM-CLAY » ................................................... — 13
4.2 Cas des chargements complexes ...................................................... — 15
4.2.1 Loi multi-linéaire : « la loi octo-linéaire » ............................... — 15
4.2.2 Loi non-linéaire : « la loi non-linéaire du second ordre » ...... — 15
4.2.3 Exemple de chargement complexe : le chemin circulaire ...... — 16
4.3 Rupture des géomatériaux ................................................................. — 16
4.3.1 Rupture des sols dans les expériences ................................... — 17
Parution : janvier 2016 - Dernière validation : juillet 2020

4.3.2 Critère général de rupture pour les géomatériaux ................. — 17


4.3.3 Domaine de rupture et cônes d’instabilité ............................. — 19
5. Cas des géomatériaux non saturés ............................................. — 19
5.1 Propriétés mécaniques des sols non-saturés .................................... — 19
5.2 Modélisations du comportement des sols non-saturés .................... — 22
5.2.1 Courbes de rétention d’eau ..................................................... — 23
5.2.2 Expressions de la contrainte totale ......................................... — 23
6. Conclusion........................................................................................ — 23
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 218v2

egroupant sous le terme générique de « géomatériaux », les principaux


R matériaux du génie civil que sont les sols, les roches et les bétons, nous
tentons ici de donner à l’ingénieur tous les éléments pour pouvoir faire un
choix pertinent entre les différentes lois ou modèles de comportement de type

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MODÈLES DE COMPORTEMENT ÉLASTO-VISCO-PLASTIQUES DES GÉOMATÉRIAUX ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

phénoménologique que les codes industriels modernes mettent à sa disposi-


tion, dans le cadre de calculs par la « méthode des éléments finis » ou des « dif-
férences finies ». Et ce choix n’est jamais trivial entre des modèles simplistes ne
prenant pas en compte les aspects majeurs du comportement que l’ingénieur
veut décrire et des modèles complexes qui nécessiteront une détermination
coûteuse et longue des multiples paramètres mécaniques du modèle. Nous par-
tirons d’une analyse phénoménologique débouchant sur les principaux modè-
les visco-élasto-plastiques, que nous classerons de manière exhaustive. Le for-
malisme élasto-plastique général sera établi et des exemples de lois de
comportement utilisées dans les codes de calcul industriels seront donnés.
Nous aborderons le problème des chargements cycliques, importants dans la
pratique. Les limites des modèles phénoménologiques seront précisées à cette

2 occasion. Par ailleurs, la question, fondamentale pour l’ingénieur, de la rupture


de ces matériaux fait l’objet d’avancées très significatives depuis 20 ans et nous
présenterons un critère de rupture détectant les différents modes de ruine qui
peuvent être observés in situ sous des formes très variées (coulées de boues,
liquéfaction sous séismes, glissements de terrains par translation ou rotation en
masse, fissuration répartie ou fracturation localisée des roches, etc…). Des
conclusions majeures en seront tirées pour le génie civil pratique.
Par ailleurs, les géomatériaux in situ sont le plus souvent dans un état de non-
saturation et peuvent donc être considérés comme des matériaux tri-phasiques :
squelette granulaire solide, liquide interstitiel (eau, pétrole…) et gaz interstitiel
(air, vapeur d’eau, gaz naturel…). Alors que les modèles de comportement des
géomatériaux n’ont jusque là pris en compte que des états secs ou saturés, il
est établi depuis longtemps que leur comportement mécanique peut varier de
manière drastique avec leur degré de saturation. Ainsi une argile passera de
l’état d’une boue argileuse sans cohésion à celui d’une pierre tendre dotée
d’une très forte cohésion en faisant varier uniquement la quantité d’eau pré-
sente dans le matériau. Une meilleure compréhension des couplages sol-eau-
air permet aujourd’hui à la fois de donner un cadre pour la formulation de ce
comportement couplé et, pour la première fois, de mettre à la disposition des
ingénieurs des modèles numériques devenus réalistes.

Ces modèles sont bâtis au sein d’un cadre général dont les bases
1. Cadre général sont fournies par la mécanique des milieux continus et la rhéolo-
à l’élaboration des modèles gie. Certaines hypothèses générales seront admises. Ainsi, nous
supposerons que la matrice-gradient du champ des déplacements
de comportement suffit pour décrire la déformation du géomatériau. Nous ignorons
là les théories dites « du second gradient » [1], même si, dans les
phénoménologiques cas de forts gradients, elles pourraient être intéressantes. Le « prin-
cipe d’action locale » [2] sera supposé s’appliquer, impliquant que
seules les valeurs locales des variables interviennent dans l’expres-
sion des lois de comportement, qui seront ainsi valables pour un
point matériel ou un échantillon homogène. Des lois non-locales [3]
Notations :
ont cependant pu être appliquées avec succès aux bétons. Enfin,
– scalaire : a ; l’hypothèse sera faite de l’inexistence de couples ponctuels, le ten-

– vecteur : a ; seur de contrainte eulérien classique dit « de Cauchy », symétrique,
– tenseur d’ordre 2 (matrice) ou supérieur : a ou A ; sera utilisé et aucune mécanique de type « Cosserat » ne sera prise
 – un point entre deux vecteurs représente le produit scalaire : en compte. Nos lois de comportement ne feront ainsi intervenir
a ⋅b ; aucune longueur interne, ce qui nous interdira, par exemple, de
– on adopte la convention d’Einstein de sommation automa- pouvoir décrire la largeur d’une bande de cisaillement. En fait,
tique sur un indice répété deux fois : cette largeur de bande relève d’une mécanique discrète qui est
  abordée dans l’article [C 221].
a ⋅ b = ai bi = a1b1 + a2 b2 + a3 b3
Par ailleurs, nous ne traiterons du comportement des géomaté-
riaux que dans les situations où, ni la température, ni les inter-
– on adopte la convention de signe classique de mécanique
des sols où on compte positivement les contraintes de compres- actions chimiques ne jouent un rôle significatif. Naturellement, tou-
sion et les déformations de raccourcissement. tes ces lois de comportement seront supposées obéir au principe
d’objectivité. Ceci implique leur indépendance par rapport au

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– MODÈLES DE COMPORTEMENT ÉLASTO-VISCO-PLASTIQUES DES GÉOMATÉRIAUX

temps physique, l’utilisation de variables toutes de nature tenso- matériau. Dans le cas de déformations pour partie plastiques ou
rielles (c’est-à-dire respectant les règles de tensorialité lors de chan- avec endommagement, la fonctionnelle rhéologique sera donc sin-
gement de repères d’expression), l’invariance du comportement gulière en chacun de ses points.
par toute rotation spatiale (principe d’isotropie de l’espace) et la Ceci peut être visualisé simplement en considérant un comporte-
mise en œuvre d’opérateurs de dérivation temporelle objective ment mono-dimensionnel élasto-plastique. La contrainte et la
(tels que la dérivée de Jaumann). déformation sont alors des scalaires et le comportement est décrit
Tout domaine de la physique repose sur une distinction entre par une courbe dans le plan (s, e). En présence de déformations
causes et effets et se base donc sur un principe de déterminisme. plastiques, les modules tangents à la charge E+ et à la décharge E-
En rhéologie, deux formulations de ce principe ont dû être envisa- vont être différents, le module à la charge traduisant la plasticité,
gées (et nous verrons pourquoi). Nous les abordons maintenant tandis que le module à la décharge est élastique (leur rapport peut
successivement en relation avec les deux modes de formulation donc être arbitrairement grand au voisinage de la rupture plas-
des lois de comportement par la fonctionnelle rhéologique ou par tique, voir figure 1).
l’écriture incrémentale. Sur un plan mathématique, cela se traduit par le fait que les déri-

2
vées à gauche et à droite sont différentes, manifestant le fait que la
1.1 Fonctionnelle rhéologique fonctionnelle n’est pas dérivable en ce point : elle est donc
singulière.
1.1.1 Principe de déterminisme global & En conclusion, pour décrire la partie élasto-plastique du compor-
Soit un échantillon homogène de matériau, respectant les hypo- tement des géomatériaux, il nous faudrait utiliser une fonctionnelle
thèses formulées ci-dessus et dans un état de référence donné. Le rhéologique non-linéaire et non-différentiable. L’appareil mathéma-
principe de déterminisme, dans son énoncé global, implique que, tique nécessaire serait d’une telle complexité qu’il a fallu dévelop-
si l’expérimentateur applique à cet échantillon une histoire de per un autre formalisme : l’écriture incrémentale des lois de com-
déformation H(t), le chemin de réponse en contrainte est déterminé portement, qui fait l’objet du § 1.2.
unique.
Mathématiquement, cela se traduit par l’existence d’une fonc- 1.2 Écriture incrémentale des lois
tionnelle reliant la contrainte à l’instant courant t à l’histoire de la
déformation : de comportement
σ (t ) = ᑠ ⎡⎣H (τ )⎤⎦ Cette écriture repose sur une autre expression du principe de
(1) déterminisme : l’énoncé incrémental.
− ∞< τ ≤t

Il s’agit bien ici d’une fonctionnelle et non d’une fonction, 1.2.1 Principe de déterminisme incrémental
puisque l’opérateur considéré relie une fonction s (t) à une autre
fonction H(t). Soit un échantillon homogène de géomatériau dans un état
déformé quelconque, le matériau est supposé vérifier nos hypothè-
La déformation H(t) est ici le gradient du champ des positions
ses générales de départ. Le principe de déterminisme dans son
des particules matérielles. Cette matrice-gradient peut se décompo-
énoncé incrémental implique que, si l’expérimentateur applique
ser en le produit d’une rotation (caractérisée par une matrice ortho-
une petite sollicitation, quasi-statique, pendant l’incrément de
gonale) par une déformation pure (matrice symétrique) d’après le
temps dt, la petite réponse est déterminée unique.
théorème dit de « décomposition polaire ».
Pour respecter le principe d’objectivité, nous définissons la petite
L’application du principe d’objectivité, rappelé ci-dessus,
sollicitation comme le produit de la vitesse de déformation pure
implique que l’on peut se ramener à l’étude de la dépendance de
la fonctionnelle par rapport à la seule déformation pure.
σ
1.1.2 Propriétés de la fonctionnelle rhéologique
& La première propriété se déduit directement du principe d’objec- E
+

tivité et implique l’invariance de la fonctionnelle dans toute rotation −


E
spatiale (en d’autres mots, l’espace n’intervient pas sur le compor-
tement mécanique des matériaux qu’il contient). La fonctionnelle
est ainsi une fonction isotrope par rapport à l’espace.
& La seconde propriété, qui peut être discutée, est celle de sa
linéarité. Effectivement, si la fonctionnelle rhéologique est suppo-
sée linéaire et, si le vieillissement du matériau considéré est
négligé, on obtient ici l’ensemble des lois visco-élastiques linéaires,
souvent introduites sur la base du principe de superposition de
Boltzmann.
Ces hypothèses conduisent au large corpus des lois visco-élasti-
ques linéaires, dont le comportement est décrit par des intégrales
fonctions du temps. La visco-élasticité des roches et des bétons a ε
souvent été modélisée dans ce cadre-là.
Pour les géomatériaux, considérés dans cet article, en général
0
leur élasticité est non-linéaire et une partie de leurs déformations
est d’origine plastique ou due à leur endommagement. Leur fonc- σ et ε sont des scalaires. En tout point, les modules tangents
tionnelle ne peut donc pas être considérée comme linéaire. + −
différents en charge E et en décharge E impliquent des dérivées
& La troisième propriété est de nature beaucoup plus fondamen- à gauche et à droite différentes. La fonctionnelle rhéologique n’est
donc dérivable en aucun point.
tale et se rattache au théorème d’Owen et Williams [4] qui
implique que, pour tout matériau non-visqueux, faire l’hypothèse
d’une fonctionnelle régulière interdit toute dissipation interne au Figure 1 – Comportement élasto-plastique monodimensionnel

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MODÈLES DE COMPORTEMENT ÉLASTO-VISCO-PLASTIQUES DES GÉOMATÉRIAUX ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

(partie symétrique de la matrice-gradient du champ des vitesses Par contre, pour F, si l’échantillon comme la sollicitation incrémen-
des points matériels) par dt (la « déformation incrémentale ») et la tale tournent par rapport à l’espace, rien n’est changé : la réponse
petite réponse comme le produit de la dérivée de Jaumann du ten- tourne de manière identique.
seur de contrainte de Cauchy par dt (la « contrainte incrémentale »). Les géomatériaux présentent généralement une forte double ani-
Cependant, l’expérience met en évidence la possibilité d’imposer sotropie : inhérente (par exemple, les sols stratifiés ou ayant sédi-
des chargements mixtes (contrainte et déformation), comme, par menté dans le champ de pesanteur) et induite (produite par le che-
exemple, dans l’essai triaxial classique où l’expérimentateur min de sollicitation appliquée). La description de cette anisotropie –
impose, en axial, une vitesse de déplacement et, en latéral, une complexe – est une seconde difficulté importante de l’élasto-plasti-
pression constante. Dans de tels cas, la réponse de l’échantillon cité de ces matériaux (voir la partie 4 de l’article [C 221]).
est alors elle-aussi constituée par des variables mixtes.
& La deuxième propriété de F est sa non-linéarité. Bien que F relie
Notons alors que variables sollicitation et variables réponse de petites quantités, elle est essentiellement non-linéaire, ce qui
doivent vérifier une condition de conjugaison par rapport à implique que le « principe de superposition des sollicitations incré-
l’énergie. mentales » ne s’applique pas.

2 Mathématiquement, ce principe de déterminisme se traduit par


l’existence d’une fonction tensorielle reliant déformation incrémen-
Effectivement, si F était linéaire, cela signifierait que la fonction-
nelle rhéologique est différentiable, ce qui n’est pas vérifié pour les
géomatériaux dont les déformations présentent en général une par-
tale, contrainte incrémentale et dt. tie irréversible plastique.
Non-linéarité de la fonction incrémentale et non-différentiabilité
Fh (d ε, d σ, dt ) = 0 (2) de la fonctionnelle rhéologique sont ainsi intrinsèquement liées.
Particularisons maintenant l’analyse de F au cas des géomaté-
Nous avons là l’écriture incrémentale générale des lois de riaux non-visqueux (purement élasto-plastiques), dont le comporte-
comportement [5]. ment est indépendant du temps physique (seule la chronologie des
Ainsi dans les codes de calculs par la méthode des éléments événements intervient dans l’expression de leur comportement).
finis, le modèle de comportement sera-t-il toujours exprimé sous Nous reviendrons ensuite au cas général.
cette forme. Notons, cependant, que cette écriture ne permet pas,
a priori, de décrire des états de bifurcation avec perte d’unicité
incrémentale.
En petites déformations et rotations, la déformation incrémentale 2. Cas des géomatériaux non-
se calcule directement comme une petite variation de la petite
déformation et la contrainte incrémentale comme une petite varia-
visqueux
tion de la contrainte. Ceci n’est plus vrai en grandes transforma-
tions et il est donc préférable de parler de déformation et de
contrainte « incrémentales » plutôt que d’« incréments » de 2.1 Expression canonique des lois
contrainte et de déformation. incrémentales élasto-plastiques
La loi incrémentale de comportement caractérisée par la fonction
tensorielle F décrit le comportement du géomatériau pour un état Si le comportement ne dépend pas du temps physique, cela
déformé quelconque de l’échantillon. Évidemment, les propriétés signifie en particulier que la réponse incrémentale ne va pas dépen-
mécaniques incrémentales dépendent de cet état déformé. C’est la dre de l’incrément de temps dt pendant lequel la sollicitation incré-
raison pour laquelle figure comme argument F de la variable « h » mentale a été appliquée. Ainsi, que l’on marche rapidement ou len-
qui regroupe variables d’état et paramètres de mémoire, caractéri- tement sur le sable de la plage, l’empreinte que le promeneur
sant l’histoire de sollicitation du matériau jusqu’ à l’instant courant t. laisse est identique.
Par conséquent, la fonction incrémentale F va être indépendante
de l’incrément de temps dt. On pourra donc, soit exprimer ds en
Décrire ces paramètres h pour les géomatériaux représente fonction de de, soit l’inverse (dans la mesure où la relation incré-
l’une des difficultés majeures de l’élasto-plasticité. mentale est inversible) :
d ε = Gh (d σ ) ou d σ = Gh−1 (d ε ) (4)
1.2.2 Propriétés de la fonction rhéologique
incrémentale Nous allons procéder ici à un changement de notation, classique
parmi les numériciens, en associant aux matrices de et ds dans
De même que nous avons considéré les propriétés de la fonc-  
tionnelle rhéologique, nous passons maintenant en revue les pro- l’espace 3D physique les vecteurs à 6 composantes d ε et d σ dans
priétés de la fonction incrémentale. l’espace 6D associé :

& La première propriété de F est le fait qu’il s’agisse d’une fonction ⎡ d ε11 ⎤ ⎡ d σ11 ⎤
anisotrope de l’espace. Effectivement, l’expérience montre qu’un ⎢ d ε22 ⎥ ⎢ d σ22 ⎥
⎢ d ε33 ⎥ ⎢ d σ 33 ⎥
échantillon déformé ne possède pas en général des propriétés
d ε = [d εα ] = ⎢ ⎥ ; d σ = [d σ α ] = ⎢ ⎥
 
(5)
mécaniques identiques dans toutes les directions de l’espace. ⎢ 2d ε23 ⎥ ⎢ 2d σ23 ⎥
Cette anisotropie mécanique est décrite par une fonction incrémen- ⎢ 2d ε31 ⎥ ⎢ 2d σ 31 ⎥
tale anisotrope. ⎢ ⎥ ⎢ ⎥
⎣ 2d ε12 ⎦ ⎣ 2d σ12 ⎦
Naturellement, si on considérait la fonction F définie par :
les coefficients 2 permettant de transporter inchangée la métrique
Φ (h, d ε, d σ, dt ) = Fh (d ε, d σ, dt ) (3) de l’espace 3D dans l’espace 6D, par exemple :

incluant l’ensemble des variables, cette fonction F serait une fonc-


( 23 ) ( 31) ( 12 )
2 + d ε2 + d ε2 + 2 d ε 2 + 2 d ε 2 + 2 d ε 2 (6)

tion isotrope du fait du principe d’objectivité. Le fait, dans F, de sup- d ε = d ε = d εαd εα = d ε11 22 33
poser donnés les arguments tensoriels h fixe en quelque sorte
l’échantillon dans l’espace et alors, par rapport à un échantillon Dès lors, on peut aussi se préoccuper
 des propriétés des fonc-
fixe, les propriétés mécaniques sont effectivement anisotropes. tions vectorielles à 6 composantes G ou G−1.

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Ces fonctions seront des fonctions anisotropes (comme pour F), 2.2 Classification des lois élasto-
puisque les géomatériaux présentent en général une forte anisotro-
pie de texture.
plastiques des géomatériaux
Ces fonctions seront non-linéaires (comme pour F). Effective- Une question centrale dans l’élaboration d’une loi élasto-plas-
ment, du fait de l’irréversibilité des déformations plastiques, si on tique est la description – évidemment essentielle – de la dépen-
 
applique − d σ (ou respectivement − d ε ), la réponse du géomaté- dance du tenseur constitutif M ou N avec la direction de la sollicita-
  tion incrémentale.
riau ne correspondra pas à − d ε (ou respectivement − d σ ). La
déformation n’est pas totalement recouvrée à la décharge. Ces Si M ou N sont supposés directionnellement constants, les lois
fonctions sont donc bien non-linéaires. sont qualifiées d’ « incrémentalement linéaires » et nous trouvons
ici toutes les lois élastiques, linéaires si elles sont, en outre, indé-
Revenons maintenant à l’invariance du comportement par rap- pendantes des paramètres h, ou non-linéaires si elles dépendent
port au temps, et donc aussi par rapport aux vitesses de sollicita- de variables d’état (le plus souvent, il s’agit de la contrainte
tion et aux vitesses de réponse (rappelons que les vitesses sont courante).

2
respectivement proportionnelles aux déformations et contraintes
incrémentales). Cette invariance implique que, si toutes les vitesses & Élasto-plasticité « bi-linéaire »
sont multipliées par un même scalaire l positif, le comportement 
reste inchangé et donc les fonctions incrémentales restent elles- L’hypothèse la plus simple pour décrire la variation de M avec u

( )

   (ou de N avec v ) est de considérer que M peut prendre deux déter-
mêmes inchangées ; quel que soit l positif λd ε = Gh λd σ , donc : 
minations différentes en fonction de la direction de u . On obtient
alors l’élasto-plasticité « bi-linéaire » avec une matrice Me élastique
( ) ( )
   
Gh λd σ = λ Gh d σ (7) et une matrice Mep élasto-plastique. À la matrice Me est associé le

  domaine élastique dit de « décharge » dans l’espace 6D des d σ ,
ce qui prouve que G (et G−1) ont des expressions très spécifiques ep
tandis qu’à la matrice M , correspond le domaine de « charge ».
puisque, d’après (7), ce sont des fonctions homogènes d’ordre 1 – Ces deux domaines sont séparés par un hyperplan dans l’espace

propriété fameuse de toute l’élasto-plasticité. des d σ . Charge et décharge sont distinguées par le « critère de
charge-décharge » qui est défini par rapport à la surface de limite
( )
 
élastique : f σ, h = 0. Si le vecteur 6D, d σ est dirigé vers l’intérieur
Ces fonctions doivent donc nécessairement vérifier l’Identité
d’Euler des fonctions homogènes [5]. Par exemple, pour une de la surface de limite élastique, le matériau subit, par définition,
fonction de deux variables homogènes d’ordre 1 telle que une décharge, tandis que si ce vecteur est dirigé vers l’extérieur le
f ( x , y ) = xy / ( )
x 2 + y 2 on a :
matériau est en charge.
Le critère s’écrit donc :
∂f ∂f
∀x , y : f ( x , y ) ≡ x +y (8) ∂f 
 ⋅ d σ > 0 : charge,
∂x ∂y ∂σ

Dans le cas de la fonction Gh , il vient : ∂f 
 ⋅ d σ < 0 : décharge,
∂Gα ∂σ
d εα =
(
∂ dσβ ) ( )
d σ β = M αβ d σ γ d σ β (9)
∂f 
Tandis que  ⋅ d σ = 0 est l’équation de l’hyperplan frontière
∂σ
avec Mab(ds g ) = ∂Ga/∂(ds b) une matrice 6 par 6. séparant zone de charge et zone de décharge, puisque nous avons
ici une relation linéaire par rapport aux composantes du vecteur
d σ . Cet hyperplan contient l’ensemble des chargements incrémen-
Par ailleurs, les dérivées partielles d’une fonction homogène
taux dits « neutres ».
d’ordre 1 étant des fonctions aussi homogènes d’ordre 0, les
( )
 
36 fonctions M d σ ne vont dépendre que de la direction de d σ et & Élasto-plasticité « quadri-linéaire »
non de son intensité (ou de sa norme). Pour les géomatériaux, la nécessité de traduire de manière plus
Nous noterons ce vecteur direction : progressive le passage de l’élasticité à la plasticité s’est parfois tra-
duit par l’introduction de deux surfaces de limite élastique se croi-
sant au point courant de contrainte (ce point est alors appelé
  
u = dσ / dσ
« coin »). Dans ce cas, on obtient une élasto-plasticité quadri-
linéaire associée à quatre matrices Me1e2 , Me1p2 , Mp1e2 , Mp1p2 sui-
Et, finalement, nous obtenons l’expression canonique de tou- vant que les deux critères de charge/décharge sont respectivement
tes les lois élasto-plastiques : vérifiés ou pas (les exposants e1, p1 et e2, p2 traduisent ces condi-
 tions pour les deux critéres).
()
    dσ
d ε = Mh u d σ , avec u =  , (10) Ces deux critères permettent d’introduire deux hyperplans fron-
dσ 
tières dans l’espace d σ , qui délimitent quatre domaines, appelés
« zones tensorielles » ([5], figure 2).
()
     
ou, de manière équivalente : d σ = Nh v d ε , avec v = d ε / d ε Parfois, n surfaces de limite élastiques ont été introduites et on
(dans des espaces 6D des déformations et des contraintes). obtient les lois élasto-plastiques multi-linéaires, qui comprennent
2n zones tensorielles (figure 2).
Nous avons donc démontré ici l’existence d’un tenseur élasto- & Élasto-plasticité « incrémentalement non linéaire »
plastique (dit « tangent » puisque c’est la matrice-gradient de la 
fonction G), fonction des variables d’état et des paramètres de Enfin, si on considère une variation continue de M avec u (ou de

mémoire (l’ensemble étant noté « h ») et dépendant de la direction N avec v ), on trouve ici les lois dites « élasto-plastiques incrémen-
de la sollicitation incrémentale. talement non-linéaires ».

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C221

Modèles de comportement
micro-mécaniques des géomatériaux

par Luc SIBILLE


Maître de Conférences, Institut Universitaire de Technologie 1 de Grenoble – Université
Grenoble Alpes
Laboratoire Sols, Solides, Structures, Risques ; Université Grenoble Alpes ; Grenoble,
2
France
et Félix DARVE
Professeur émérite, Institut Polytechnique de Grenoble
Laboratoire Sols, Solides, Structures, Risques ; Université Grenoble Alpes ; Grenoble,
France

1. Aspect multi-échelle des géomatériaux ........................................... C 221v2 - 2


2. Micromécanique des matériaux granulaires ................................... — 3
2.1 Contact et frottement de contact ............................................................... — 3
2.2 Lois de contact régularisées....................................................................... — 3
2.3 Forme des grains et influence sur le comportement macroscopique .... — 5
3. MED : modèle numérique discret de matériaux granulaires....... — 6
3.1 Description du cycle de calcul de la Méthode des Eléments Discrets .... — 7
3.2 Condition de stabilité du schéma d’intégration ....................................... — 9
3.3 Conditions d’utilisations dans le cadre de la géomécanique .................. — 9
3.4 Exemples d’applications............................................................................. — 10
3.5 Couplage hydo-mécanique en condition saturée .................................... — 12
3.6 Intérêts et limitations .................................................................................. — 14
4. Relations constitutives micro-mécaniques ...................................... — 15
4.1 Concepts généraux ..................................................................................... — 15
4.2 Schéma de changement d’échelle par homogénéisation statistique..... — 16
4.3 Homogénéisation par localisation cinématique....................................... — 16
4.4 Éléments mésoscopiques........................................................................... — 17
5. Prise en compte de la micromécanique dans les modèles
de comportement phénoménologiques ............................................ — 18
5.1 Anisotropie des sols ................................................................................... — 18
5.2 Tenseurs de texture .................................................................................... — 18
5.3 Lois de comportement phénoménologiques intégrant un tenseur
de texture..................................................................................................... — 19
6. Conclusion................................................................................................. — 20
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. C 221v2

n regroupe sous le terme générique de « géomatériaux », les principaux


O matériaux du génie civil que sont les sols, les roches et les bétons. Les
géomatériaux présentent une microstructure formée par les particules ou agré-
gats élémentaires (les grains d’un sable, ou les assemblages cristallins d’une
roche par exemple). Aussi la description du comportement mécanique des
géomatériaux peut être abordée à plusieurs niveaux :
Parution : septembre 2021

– à partir d’une échelle grande vis-à-vis de la taille caractéristique des


hétérogénéités formant la microstructure, ils sont alors vus comme des
milieux continus et leur comportement peut être décrit par des modèles

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C221

MODÈLES DE COMPORTEMENT MICRO-MÉCANIQUES DES GÉOMATÉRIAUX ___________________________________________________________________

phénoménologiques élasto-visco-plastiques dans le cadre de la mécanique


des milieux continus ;
– ou bien en s’appuyant sur la description des interactions physiques (voire
physico-chimiques) en jeu à l’échelle de la microstructure, telles que les inte-
ractions de contact entre deux grains de sable, responsables des déformations
à grande échelle. Ces interactions à petite échelle sont décrites dans le cadre
de la micromécanique et il est possible de construire des modèles de compor-
tement mécanique des géomatériaux basés en totalité ou en partie sur ces
éléments micromécaniques.
Cet article présente les développements relatifs à ce deuxième niveau de

2 description. Les modèles de comportement qui en sont issus connaissent un


bel essor dans le cadre d’actions de recherche et développement pour le génie
civil. Ces modèles s’appuient en particulier sur une méthode numérique : « la
méthode aux éléments discrets » que l’on présentera dans cet article. Cette
méthode relève de la « Dynamique Moléculaire », l’une des méthodologies
numériques les plus puissantes de la physico-chimie contemporaine. Les outils
de modélisation numérique issus de cette approche, capables de prendre en
compte de manière distincte chaque grain de sol ou élément de roche ou de
béton, ouvrent de nouvelles perspectives pour l’ingénieur. Ces perspectives
sont d’ailleurs actuellement étendues par les possibilités de couplage de ces
outils avec des méthodes dites CFD (« Computational Fluid Dynamique ») pour
décrire la dynamique du liquide interstitiel et son interaction avec la phase
granulaire solide lors d’écoulements internes.
On s’intéressera également à des modèles analytiques, dits « relations
constitutives micromécaniques », constituant une alternative aux modèles
numériques basés sur la méthode aux éléments discrets, et pouvant être
implémentés à la place de modèles phénoménologiques dans des codes de
calcul classiques utilisant la méthode des éléments finis ou des différences
finies.
Enfin on remarquera qu’il est également possible d’enrichir des modèles
phénoménologiques existant en leur intégrant des éléments micromécaniques
décrivant l’anisotropie du géomatériau.

1. Aspect multi-échelle Ainsi il est possible de distinguer pour les géomatériaux au


des géomatériaux moins deux échelles différentes séparées l’une de l’autre :
– l’échelle dite « microscopique » relative à la taille des hétéro-
généités du matériau,
– l’échelle dite « macroscopique » pour laquelle le matériau
Notations : peut être vu comme un milieu continu homogène où il n’est
– scalaire : a plus possible de discerner l’influence d’une hétérogénéité
– vecteur : par rapport à une autre sur le comportement mécanique de
– tenseur d’ordre 2 (matrice) ou supérieur : a ou A l’ensemble.
– un point entre deux vecteurs représente le produit scalaire :

– le symbole ∧ représente le produit vectoriel de deux vec-


teurs : Le comportement mécanique à l’échelle macroscopique est le
– on adopte la convention de signe classique de mécanique résultat des phénomènes physiques mis en jeu à l’échelle microsco-
des sols où on compte positivement les contraintes de compres- pique. Par ailleurs ces phénomènes physiques peuvent dans certains
sion et les déformations de raccourcissement. cas être décrits de manière relativement simple (frottement sec de
Coulomb entre deux grains, résistance à la traction des ponts capil-
laires, etc.) à l’aide de paramètres porteurs de sens physique (et non
Les géomatériaux sont des matériaux micro-structurés dans le phénoménologiques). Aussi il est tentant de définir des lois de com-
sens où ils présentent des hétérogénéités (les granulats dans un portement pour les géomatériaux dont tout ou partie de leur élé-
béton, les grains d’un sable, les agglomérats de particules d’une ments constitutifs sont introduits à l’échelle microscopique sous la
argile, les assemblages cristallins d’une roche) dont la taille est forme d’ingrédients « simples », pour rendre compte à l’échelle
petite par rapport aux dimensions caractéristiques des problèmes macroscopique de comportements mécaniques complexes. De tels
de génie civil (de l’ordre du mètre par exemple pour un problème modèles basés sur la micromécanique traduisent le comportement
de fondation). mécanique d’un Volume Élémentaire Représentatif (VER).

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Le VER est le plus petit volume de matériau (considéré avec Ft Fn


ses hétérogénéités) dont le comportement mécanique soit iden- Fn tanφc
tique à celui du milieu continu équivalent, il constitue alors un
point matériel de ce dernier.
Δut Distance
– Fn tanφc inter-particules
Pour répondre à cette définition, le VER doit comporter un nombre
suffisamment grand d’hétérogénéités. Dans le cas des matériaux
granulaires la taille du VER doit idéalement atteindre 50 à 100 fois le a loi de Coulomb b principe d’unilatéralité
diamètre moyen des grains. Toutefois ce nombre est en pratique
souvent revu à la baisse pour limiter le coût en calcul. Figure 1 – Représentation de la force tangente de contact suivant
la loi de Coulomb et de la force normale de contact respectant
Dans cet article nous abordons dans un premier temps l’élabora- le principe d’unilatéralité
tion de modèles de comportement basés sur une description à
l’échelle microscopique de géomatériaux constitués par un assem-
blage de grains élémentaires. Ces modèles peuvent être de nature Par conséquent, la résolution du problème, permettant d’accéder
aux mouvements des grains et aux forces de contact, nécessite
2
numérique ou analytique. Puis, nous verrons qu’il est également
possible de rendre compte, au moins partiellement, de la micro- des outils appartenant au cadre de la mécanique non régulière.
structure des géomatériaux dans des lois de comportement phéno- Ces derniers sont pris en compte dans la méthode numérique dite
ménologiques telles que décrites dans l’article [C 218]. de la Dynamique des Contacts (DC, [1]) et pour laquelle la loi de
Coulomb et le principe d’unilatéralité sont strictement respectés.

2. Micromécanique 2.2 Lois de contact régularisées


des matériaux granulaires Il est possible de régulariser l’expression des forces de contact
normales et tangentielles en introduisant une rigidité de contact.
La loi de Coulomb et le principe d’unilatéralité ne sont alors plus
rigoureusement respectés mais les forces de contact s’expriment
2.1 Contact et frottement de contact de manière explicite en fonction du déplacement relatif au point
de contact. Il s’agit d’une approximation qui sera bien vérifiée
2.1.1 Loi de Coulomb pour des niveaux de rigidité κ, tel que définis à l’équation (33),
suffisamment grands.
Les spécificités de la rhéologie des géomatériaux reposent en Dans certains cas, l’introduction d’une rigidité de contact peut
grande partie sur le frottement sec au contact entre deux parti- aussi être représentative de la physique du contact.
cules ou grains. Le frottement sec constitue donc un ingrédient de
base des lois de contact prises en compte pour une description
des géomatériaux à la petite échelle. 2.2.1 Loi à rigidité constante purement frottante
Il existe une différence entre le frottement dynamique (une fois le
glissement déclenché) plus faible que l’angle de frottement statique Parmi les lois de contact régularisées, l’une des plus simples
(frottement mobilisé pour déclencher le glissement). Toutefois, les pour décrire un matériau frottant et pulvérulent est présentée sous
résultats numériques montrent que le rhéologie des géomatériaux la forme d’un modèle rhéologique sur la figure 2a. Cette loi corres-
à l’échelle macroscopique est représentée de manière satisfaisante pond à un comportement purement élastique dans la direction
en limitant la description du frottement au contact au seul frotte- normale au plan de contact, et élastique parfaitement plastique
ment statique. dans la direction tangente au contact. Ce modèle nécessite la défi-
nition de trois paramètres mécaniques :
Le frottement sec statique est décrit par la loi de Coulomb
– deux rigidités constantes kn et kt respectivement dans les
représentée sur la figure 1a et caractérisée par un angle de frotte-
directions normale et tangentielle ;
ment φc tel que :
– un angle de frottement φc caractérisant un patin qui est monté
en série avec le ressort de rigidité kt dans la direction tangentielle.
(1)
Ainsi, l’intensité de la force normale de contact est donnée par
avec Ft et Fn respectivement les forces tangente et normale au ((6)) :
contact.
Le déplacement relatif tangent ut est non nul si et seulement si (2)
il y a glissement, soit :
Fn correspond à une force de compression qui augmente linéai-
rement avec l’interpénétration δ définie sur la figure 2b (l’interpé-
nétration est l’opposé du déplacement relatif normal δ = –un). En
Dans cette relation, Ft s’oppose au déplacement relatif tangent ut. l’absence de cohésion aucune force de traction ne peut être sup-
portée, aussi si Fn vient à s’annuler (ou de manière équivalente δ),
le contact est considéré comme perdu.
2.1.2 Principe d’unilatéralité
Dans la direction tangentielle, la force de contact suit une loi
Il est également nécessaire d’exprimer la force normale au élastique parfaitement plastique. Du fait de la non-linéarité intro-
contact. L’expression de Fn doit respecter le principe d’unilatéra- duite par le frottement sec dans la direction tangentielle, la force Ft
lité géométrique, représenté sur la figure 1b et qui traduit la non- dépend de l’ensemble de l’histoire du déplacement relatif des par-
interpénétration des grains au contact. Le respect de la loi de ticules au point de contact depuis la création du contact. Par
Coulomb et du principe d’unilatéralité conduit à l’introduction de conséquent, il est nécessaire d’exprimer la force tangentielle Ft
fortes discontinuités dans la description de l’assemblage granu- sous forme incrémentale :
laire: discontinuité des vitesses des particules et des forces de
contact. (3)

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t
kt
n
kn

2 φc

a b

Figure 2 – Modèle rhéologique d’une loi de contact purement frottante à rigidité constante (a), et définition de l’interpénétration δ au contact
entre deux particules (b)

Cette composante tangentielle de la force de contact s’oppose 2.2.2 Loi avec adhésion
au déplacement relatif tangent ut. Enfin, la limite du domaine élas-
tique est donnée par le critère de Coulomb : De nombreux géomatériaux présentent par nature un aspect
cohésif (bétons, roches, argiles surconsolidées). Ce caractère cohé-
(4) sif traduit l’effet de forces d’adhésion aux contacts inter-granulaires
qu’il est aisé de prendre en compte en définissant des forces
Dès lors que ce dernier est vérifié, il y a glissement sous force d’adhésion tangentielle At, et normale An, telles que représentées
tangentielle constante, traduisant une dissipation plastique d’énergie sur la figure 4.
(voir figure 3). Ainsi la condition limite de glissement (6) est réécrite sous la
Le fait d’adopter des rigidités de contact constantes constitue forme plus générale :
une simplification proposée pour ce type de loi. En effet, cette rigi-
dité peut être considérée de manière générale comme non (5)
constante, c’est le cas par exemple du contact entre deux sphères
Le contact peut également supporter une force normale de traction
décrit par la loi de Hertz-Mindlin où les rigidité kn et kt s’expriment
d’intensité An, et le contact est perdu si :
comme des fonctions de l’interpénétration (ou de manière équiva-
lente de la force normale de contact). Toutefois, dans les pro- (6)
blèmes de géomécanique où les mécanismes irréversibles sont
souvent prépondérants la prise en compte de rigidités constantes Il est possible de jouer avec la nature fragile du matériau, en
s’avère en générale suffisante. supprimant les forces d’adhésion (At = An = 0) lorsque le critère de

Fn

Ft

Fn tanφc
kn

kt

Interpénétration δ ut

– Fn tanφc

Figure 3 – Forces de contact normale Fn et tangentielle Ft pour une loi de contact régularisée purement frottante

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Ft M

Adhésion
φc cassée : μr r Fn
At An = At = 0
kr
Contact
perdu φc

ωr
– An Fn

2
Figure 4 – Loi de contact avec adhésion fragile

– μr r F n
glissement (5) est vérifié. Le contact est alors conservé mais est
alors représenté par un comportement purement frottant tel que
défini au § 2.2.1 (figure 4).
Figure 5 – Loi de transfert de moment de roulement au contact entre
deux particules, il y a glissement de roulement avec dissipation
2.2.3 Loi avec frottement de roulement d’énergie lorsque le frottement de roulement est atteint
Du fait de la simplicité de la description du contact et de
l’expression des forces de contact entre deux sphères (voir § 3.1.1
et 3.1.2), les grains de forme sphérique sont souvent préférés lors 2.3 Forme des grains et influence
d’une représentation discrète des géomatériaux à des grains de sur le comportement macroscopique
forme plus complexe (allongée ou anguleuse). Toutefois, comme
expliqué dans le § 2.3, les grains sphériques, à cause de leur trop
grande mobilité en rotation, ne permettent pas de décrire quanti- 2.3.1 Dépendance de la résistance au cisaillement
tativement la résistance au cisaillement des géomatériaux.
Le comportement mécanique d’un sol est très fortement dépen-
Tout en conservant des grains sphériques, la manière la plus dant de la forme des grains. Ainsi l’angle de frottement interne φ
directe de palier à cette trop grande liberté en rotation des grains (à l’échelle du VER) d’un sol pulvérulent sera plus élevé pour des
est d’interdire toute rotation des grains qui ne peuvent alors se grains anguleux (produits par exemple par concassage) que pour
mouvoir qu’en translation. Bien que cette solution permette de des grains arrondis (roulés). D’ailleurs, la dépendance de la résis-
reproduire quantitativement une résistance au cisaillement typique, tance au cisaillement d’un sol pulvérulent est plus forte vis-à-vis
elle contraint de manière très forte la cinématique individuelle de la forme des grains (élongation, angularité) que vis-à-vis de
des grains, qui peuvent présenter des rotations non-négligeables l’angle de frottement au contact φc (figure 6).
notamment au sein des bandes de cisaillement.
Autrement dit, l’angle de frottement interne est très fortement
Une solution intermédiaire consiste alors à introduire une résis- influencé par l’enchevêtrement géométrique des grains et leur
tance au roulement au point de contact entre deux particules sous degré de blocage les uns par rapport aux autres. Comme repré-
la forme d’un frottement de roulement. Dans ce cas, on suppose senté sur la figure 6, cet enchevêtrement conduit à des valeurs
qu’un moment M de roulement peut être transmis au point de non nul de φ pour φc = 0.
contact entre deux particules et que l’intensité de ce moment est
Cette figure 6 montre qu’il y a, pour des grains sphériques, une
limité par une valeur seuil fonction de la force normale de contact
saturation de l’angle de frottement interne avec φc, à une valeur en
telle que :
générale assez faible, même pour un milieu dense, non représenta-
tive des valeurs typiques obtenues pour un sable par exemple. Une
(7) gamme beaucoup plus étendue de valeurs de l’angle de frottement
avec r rayon des particules, est balayée pour des grains de forme anguleuse ou allongée.
et μr coefficient de frottement de roulement (0 ≤ μr ≤ 1). Il paraît alors indispensable dans des modèles micromécaniques
de prendre en compte l’effet de la forme des grains sur la résis-
Cette résistance au roulement est décrite de manière tout à fait tance au cisaillement, soit directement en décrivant explicitement
parallèle à la résistance au glissement dans le direction tangentielle des grains de forme anguleuse ou allongée soit indirectement via
(où μ = tan φc est le coefficient de frottement). Dans le cas d’une loi par exemple un enrichissement des lois de contact (cf. § 2.2.3).
de contact régularisée, M peut être calculée en introduisant une
rigidité de roulement kr telle que (voir figure 5) :
2.3.2 Représentation de grains non sphériques
(8) dans les modèles numériques discrets
avec ωr rotation relative de roulement au point de contact, 2.3.2.1 Agrégats de particules sphériques
tout en respectant la condition de glissement de
roulement définie par l’expression (7). Toute géométrie de grain peut être approchée en formant des
agrégats plus ou moins raffinés de particules sphériques (figures 7a
et 7b). Il est alors possible d’utiliser les descriptions de la géométrie
Notons que la définition d’un frottement de roulement, des contacts et les lois de contact énoncées pour des grains sphé-
conduit à l’introduction d’une dissipation d’énergie lors du roule- riques, puisque les contacts entre agrégats se traduisent par la for-
ment de deux particules l’une sur l’autre, qui ne semble a priori mation d’un ou plusieurs contacts entre sphères élémentaires.
pas justifiée. En effet, le mouvement de roulement entre deux
En revanche, l’agrégation de sphères conduit à former des
particules ne constitue pas un mécanisme dissipatif comme l’est
grains qui présentent alors localement des formes non-convexes
le frottement sec.
souvent éloignées des géométries des granulats constitutifs des

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2

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C2682

Constructions métalliques
Fondations pour pylônes et mâts
par Gérard PHILIPPONNAT
Ingénieur de l’École Spéciale des Travaux Publics

2
Directeur Technique de la société SOPENA

1. Généralités et classification ................................................................. C 2 682- 2


2. Pylônes monopodes et leurs fonctions ............................................. — 2
2.1 Fondations superficielles ............................................................................ — 2
2.1.1 Reprise d’un effort horizontal associé uniquement à une charge
verticale centrée. Condition de non-glissement .............................. — 2
2.1.2 Reprise d’un moment de renversement associé à une charge
verticale centrée.................................................................................. — 3
2.2 Fondations semi-profondes par massifs parallélépipédiques................. — 4
2.2.1 Domaine d’application ....................................................................... — 4
2.2.2 Méthode du Réseau d’État................................................................. — 5
2.2.3 Méthode élastoplastique.................................................................... — 7
2.3 Fondation semi-profonde par virole métallique ou profonde par pieu
unique. Calcul élastoplastique.................................................................... — 8
2.3.1 Exposé du problème .......................................................................... — 8
2.3.2 Formulation dans le domaine élastique ........................................... — 8
2.4 Fondations profondes par micropieux multiples...................................... — 10
3. Pylônes multipodes et leurs fonctions....................................... — 10
3.1 Massifs en béton.......................................................................................... — 10
3.1.1 Massifs sollicités à l’arrachement ..................................................... — 10
3.1.2 Massifs sollicités en compression..................................................... — 11
3.2 Fondations profondes ................................................................................. — 13
3.2.1 Types de pieux utilisés ....................................................................... — 13
3.2.2 Justification vis-à-vis des efforts d’arrachement et de
compression — 13
Références bibliographiques ......................................................................... — 14

es fondations des mâts et des pylônes se distinguent des fondations des


L ouvrages courants de génie civil par la prédominance d’efforts d’arrachement
ou d’efforts horizontaux, eux-mêmes associés avec des moments de renverse-
ment en tête de la fondation.
Le lecteur se reportera utilement :
— aux articles de la rubrique Géotechnique. Mécanique des sols et des roches du présent
traité ;
— aux articles Lignes aériennes [D 4 420] à [D 4 439] du traité Génie électrique.
Parution : février 1992

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© Techniques de l’Ingénieur, traité Construction C 2 682 − 1

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CONSTRUCTIONS MÉTALLIQUES __________________________________________________________________________________________________________

1. Généralités et classification ■ Coefficients de sécurité


Il appartient à l’utilisateur de vérifier que les sollicitations trans-
mises aux fondations ainsi que les coefficients de sécurité totaux
Les pylônes monopodes appliquent des efforts horizontaux et des ou partiels sont conformes aux règlements en vigueur, ces
moments de renversement sur la fondation (figure 1a ). règlements pouvant être soit des règlements généraux [fascicule 62,
titre V : Règles techniques de conception et de calcul des
Les pylônes multipodes conduisent à des efforts d’arrachement fondations des ouvrages de génie civil. Cahier des Clauses
sur certains appuis et de compression sur d’autres ; des efforts Techniques Générales [11] ; Règles BAEL (articles spécialisés dans
horizontaux souvent modestes sont également à prendre en ce traité) ; Eurocodes...], soit des règlements particuliers à certains
compte (figure 1b ). organismes.
Les massifs d’ancrage des mâts et pylônes haubanés doivent Devant la complexité actuelle due au fait que de nombreux textes
résister à des efforts obliques d’arrachement (figure 1c ). d’application du calcul aux états limites ne sont pas encore parus

2
L’objectif est de décrire la conception des différentes fondations au moment où nous écrivons, aucune valeur des coefficients de sécu-
appropriées à chaque type de sollicitations et de fournir les méthodes rité n’est donnée ici (à l’exception des fondations superficielles [2]).
usuelles de dimensionnement.
En ce qui concerne la justification vis-à-vis des efforts verticaux
de compression, il y a lieu de se reporter selon le type de fondation
aux articles spécifiques de ce traité : 2. Pylônes monopodes
— Fondations superficielles [C 246] ;
— Fondations profondes [C 248]. et leurs fonctions
Pour le calcul des fondations semi-profondes, on se reportera au
paragraphe 3.1.2.2. Nous traiterons dans ce paragraphe des fondations soumises à
des efforts horizontaux et à des moments de renversement en tête.

2.1 Fondations superficielles

Ce type de fondation n’est applicable qu’à des ouvrages de faible


importance (panneaux de signalisation, panneaux publicitaires, etc.).
L’effort horizontal F h0 et le moment de renversement M 0 doivent
être associés à un effort de compression V qui est souvent constitué
pour l’essentiel par le poids propre de la fondation.

2.1.1 Reprise d’un effort horizontal associé


uniquement à une charge verticale centrée.
Condition de non-glissement

L’association de F h0 et de V conduit à une résultante inclinée F


(figure 2). Il convient de vérifier la stabilité au poinçonnement par
la méthode décrite dans l’article Fondations superficielles [C 246] du
présent traité.

Figure 1 – Sollicitations prépondérantes


Figure 2 – Fondation superficielle soumise à un effort horizontal

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_________________________________________________________________________________________________________ CONSTRUCTIONS MÉTALLIQUES

Par ailleurs, il faut également vérifier la stabilité au glissement à Si p 2 < 0, il y a décollement et il faut déterminer la largeur b ′
l’aide de la formule : (figure 3b ) sur laquelle la semelle reste en compression.
V tan δ + β c u A Cette condition ne peut être acceptable que pour des semelles
F G = ----------------------------------------- (1) en béton armé et sous ELU (états limites ultimes).
F h0
■ Justification de la semelle
avec FG coefficient de sécurité au glissement,
● Sécurité au renversement :
δ angle de frottement entre la fondation et le sol,
cu cohésion non drainée du sol d’assise, Vb
F R = -------------- (3)
2 M0
β coefficient inférieur à 1 (β c u = adhérence),
A aire de la fondation. avec F R coefficient de sécurité au renversement pris générale-
Les valeurs de β et de δ sont mal connues, aussi est-il usuel de ment égal à 1,5.
prendre tan δ = 0,67 tan ϕ (ϕ = angle de frottement interne) et de
négliger le terme de cohésion.
Si F h0 a une valeur élevée, il est judicieux de réaliser des bêches
● Poinçonnement du sol : conformément au DTU 13-12
Fondations superficielles [2], la condition suivante doit être vérifiée
sous ELU (états limites ultimes) :
2
comme indiqué en pointillé sur la figure 2. La résistance au cisaille- p1 + 3 p2
ment du sol est alors correctement mobilisée, et il est possible de -⭐q
------------------------ (4)
remplacer dans la formule (1) δ par ϕ et de prendre β = 1. 4
avec q contrainte de calcul selon le DTU précité.
2.1.2 Reprise d’un moment de renversement
2.1.2.2 Fondation rectangulaire sollicitée simultanément
associé à une charge verticale centrée selon les deux axes. Méthode de Hahn
2.1.2.1 Fondation circulaire ou fondation rectangulaire Le moment de renversement M0 est appliqué par l’intermédiaire
sollicitée selon un axe de la résultante F h0 des forces horizontales, qui est supposée
s’appliquer à une hauteur H au-dessus de l’assise de la fondation
V et M0 sont les sollicitations réduites au niveau de l’assise de
(figure 4), tel que :
la semelle (figure 3).
M 0 = F h0 H
La réaction du sol sous la semelle est supposée se répartir selon
une loi linéaire. Dans ces conditions, les contraintes extrêmes p1 Si la force F h0 est nulle, il suffit de la rejeter à l’infini.
et p 2 sont données par les formules : La semelle rectangulaire est définie par ses côtés a dans le
sens Ox et b dans le sens Oy .
V 6 M0 V 6 M0
p 1 = ----- – -------------
- et p 2 = ----- + -------------
- (2) Dans cette méthode, on va s’attacher à déterminer la contrainte
b b2 b b2 maximale pmax qui s’exerce sous la semelle (figure 4b ). Le problème
est beaucoup moins anodin qu’il n’en paraît à première vue. La valeur
de p max peut être obtenue par la méthode de Hahn [4] à l’aide de
la table de Pohl.
Les efforts au niveau de l’assise de la semelle peuvent être réduits
selon les axes Ox et Oy comme suit :
Fx ; M y = Fx H et Fy ; M x = Fy H
V = charge verticale de compression (y compris le poids propre de
la semelle et des terres qui la surmonte).
Le point d’application P de la résultante de F h0 et V a pour
coordonnées x et y telles que :
Fx H Fy H
x = ------------- et y = ------------- (5)
V V
La contrainte maximale est :
V
p max = µ ⋅ --------- (6)
ab
Le coefficient µ est donné par la table de Pohl (tableau 1) en fonc-
tion de x /a et y /b. (0)
■ Justification de la semelle :
● Sécurité au renversement : la sécurité au renversement est véri-
fiée selon les deux axes, comme précédemment [formule (3)], soit les
coefficients de sécurité F Rx et F Ry qui doivent être comparés aux
valeurs acceptables pour le cas de sollicitation considéré.
Figure 3 – Fondation superficielle soumise à un moment

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2

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Fondations des éoliennes


en sites terrestres
par Eric ANTOINET
Directeur technique Infrastructures

2
Antea Group, Olivet, France
et Maxime MARTHE
Responsable Activité Eolienne France
Antea Group, Lille, France

1. Généralités sur l’éolien terrestre en France ............................................ C 262 - 2


1.1 Développement du parc éolien.......................................................................... — 2
1.2 Opportunités et contraintes d’installation d’un parc éolien ............................ — 2
1.3 Spécificités des fondations des éoliennes ........................................................ — 2
2. Principes de fonctionnement des fondations des éoliennes .............. — 3
2.1 Le contexte normatif de conception.................................................................. — 3
2.2 Documentation technique fournie par les fabricants....................................... — 4
2.3 Géométrie des semelles ..................................................................................... — 4
2.4 Sollicitations de la nacelle à la base du mât..................................................... — 5
2.5 Exigences de conception.................................................................................... — 5
2.6 Maîtrise du décollement de la semelle ............................................................. — 6
2.7 Exigences géotechniques de conception.......................................................... — 6
2.8 Exemple de caractéristiques d’une éolienne .................................................... — 6
3. Les sollicitations transmises au sol ........................................................... — 7
3.1 Sollicitations appliquées au sol en l’absence de vent ..................................... — 7
3.2 Effet du basculement .......................................................................................... — 8
3.3 Accroissement des contraintes sous la semelle............................................... — 8
4. Conditions de site et impact des eaux souterraines ............................. — 10
4.1 Géologie du territoire français ........................................................................... — 10
4.2 Les eaux souterraines......................................................................................... — 10
5. Les investigations géotechniques .............................................................. — 12
6. Dimensionnement des fondations superficielles ................................... — 13
6.1 Fondations superficielles au rocher ou sur sol induré..................................... — 13
6.2 Fondations sur sol semi compressible et amélioration des sols .................... — 14
6.3 Drainage............................................................................................................... — 16
6.4 Fondations pour des sites en pente .................................................................. — 17
6.5 Raideur dynamique en rotation ......................................................................... — 18
7. Dimensionnement des fondations profondes ......................................... — 20
7.1 Sollicitations dans les pieux............................................................................... — 20
7.2 Fonctionnement des pieux................................................................................. — 21
7.3 Prise en compte des charges alternées............................................................. — 21
7.4 Effet de groupe et coefficient d’efficacité.......................................................... — 22
7.5 Efforts parasites et interactions ......................................................................... — 23
7.6 Raideurs horizontales et verticales.................................................................... — 23
8. La gestion des risques géotechniques ...................................................... — 23
8.1 L’organisation des missions d’ingénierie géotechnique ................................. — 23
8.2 Risque de remontée de la nappe ....................................................................... — 23
8.3 Risque lié aux cavités ......................................................................................... — 24
8.4 Risque retrait argile............................................................................................. — 25
8.5 Risque lié aux mouvements gravitaires............................................................ — 26
8.6 Risque sismique .................................................................................................. — 26
9. Remblaiement, accès et plateforme de montage................................... — 26
9.1 Le remblai de lestage.......................................................................................... — 26
9.2 Piste d’accès et plateforme de montage ........................................................... — 26
10. Réflexions sur le repowering ....................................................................... — 27
Parution : novembre 2020

11. Conclusions....................................................................................................... — 28
Pour en savoir plus .................................................................................................. Doc. C 262

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FONDATIONS DES ÉOLIENNES EN SITES TERRESTRES _____________________________________________________________________________________

epuis une vingtaine d’année, environ 9 000 éoliennes terrestres, réparties


D au sein de 1 400 parcs, ont été construites sur le territoire français. Le
rythme de construction des nouvelles éoliennes au cours des prochaines années
devrait être compris entre 600 et 700 par an.
Cet article traite des problématiques géotechniques associées à la concep-
tion et à la réalisation des fondations des éoliennes à axe horizontal (figure 4
dans la direction FHE), implantées en sites terrestres.
Les fondations des éoliennes terrestres sont conçues pour résister au mouve-
ment de renversement généré par l’effort horizontal que le vent développe sur
les pales et qui est retransmis au niveau de l’axe du rotor. Il s’agit probable-
ment du seul type d’ouvrage pour lequel la conception est totalement orientée
2 vers la maximisation du moment de renversement.
Les semelles des éoliennes sont soumises à des efforts répétés de basculements
pendant toute leur durée de vie, dans des directions susceptibles de varier de 360°.
Le fonctionnement d’une éolienne s’apparente donc à celui d’un culbuto
géant : le dimensionnement géotechnique des fondations a pour objectif de
maîtriser le basculement de la semelle, en vérifiant les critères de décollement
admissibles en fonction du cas de charge et de s’assurer que les déplacements
restent admissibles tout au long de la vie de l’éolienne. Trois paramètres sont
fondamentaux pour la conception géotechnique des fondations :
– le poids total de la semelle, avec prise en compte de la poussée d’Archimède
le cas échéant en cas de présence de la nappe (« fondation avec eau ») ;
– sa géométrie ;
– la capacité portante du sol et sa déformabilité.
Cet article synthétise le retour d’expérience des auteurs, qui ont étudié et par-
ticipé à la construction d’environ 2 500 fondations d’éoliennes en site terrestre
sur le territoire français depuis une quinzaine d’années.

culières généralement liées au relief ou à la possibilité d’installer


1. Généralités sur l’éolien des éoliennes de grande hauteur. En relation avec la force et la régu-
terrestre en France larité des vents marins, les territoires côtiers sont ceux présentant les
meilleures conditions de vent.
La France dispose du deuxième meilleur gisement de vent euro-
1.1 Développement du parc éolien péen, juste derrière le Royaume Uni.
L’implantation d’un parc éolien est soumise à de nombreuses
Depuis le début des années 2000, le marché de l’éolien terrestre contraintes liées à la politique d’aménagement du territoire (schéma
s’est fortement développé en Europe. En France, le milieu des régional éolien), aux espaces grevés de servitudes aéronautiques,
années 2000 a marqué l’essor de la construction du parc éolien. civiles ou militaires, aux radars de surveillance du territoire, mais
Fin 2019, la puissance éolienne terrestre installée en France également aux zones présentant un intérêt environnemental spéci-
dépassait 16 GW. Au cours des 10 prochaines années, l’accrois- fique : Zone Naturelle d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique
sement annuel de la puissance éolienne terrestre devrait dépas- (ZNIEFF), zones Natura 2000 et périmètres de protection des captages
ser 2 GW, ce qui correspond à la mise en service annuellement d’eau potable.De plus, les éoliennes doivent être implantées à au
d’environ 600 à 700 aérogénérateurs supplémentaires. moins 500 m des habitations.
L’ensemble des données économiques et statistiques est fourni D’un point de vue règlementaire, le contrôle technique est obli-
annuellement par la Fédération de l’Énergie Eolienne (FEE) dans le gatoire pour les éoliennes dont la hauteur du mât et de la nacelle
cadre d’un observatoire. On se réfèrera à leur site Internet pour trou- est supérieure ou égale à 12 mètres (article R111-38 du code de la
ver des informations économiques actualisées (https://fee.asso.fr/). construction et de l’habitation).
À la date de rédaction de cet article, le parc éolien français Les éoliennes entrent dans la catégorie des installations clas-
produisait environ 5 % de l’électricité consommée en France. sées au titre de la protection de l’environnement (ICPE) et sont
soumises aux décrets et arrêtés afférents à ces ouvrages. Elles
n’entrent pas le cadre des ouvrages dits à « risque spécial ».
1.2 Opportunités et contraintes
d’installation d’un parc éolien
1.3 Spécificités des fondations
L’opportunité d’installation d’un parc éolien dépend en premier lieu des éoliennes
des conditions de vent, qui sont caractérisées par la vitesse moyenne
annuelle à 50 m de hauteur (cf. figure 1). La vitesse moyenne du vent Les éoliennes sollicitent leur fondation avec un mode de fonction-
augmente avec la hauteur. D’une manière générale, les régions pré- nement atypique qui ne se rencontre qu’assez peu fréquemment
sentant une vitesse moyenne des vents inférieure à 4,5 m/s (soit pour d’autres types d’ouvrages. La production d’électricité par trans-
16,2 km/h) sont actuellement délaissées, sauf conditions locales parti- formation de l’énergie cinétique du vent en énergie mécanique puis

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Supérieur à 27Km/h

23 à 27Km/h

20 à 23Km/h

16 à 20Km/h
2
Inférieur à 16Km/h

Vents moyens à 50 mètres du sol

Figure 1 – Carte de la vitesse moyenne du vent pour la France métropolitaine

électrique par l’aérogénérateur nécessite de maximiser les efforts liés leur dimensionnement. Ainsi, le paragraphe 11.8 intitulé « évalua-
à l’action du vent sur les pales. Cet effort horizontal dont la résultante tion des conditions du sol » précise que « les propriétés du sol sur
s’applique dans l’axe du rotor génère, du fait du bras de levier que un site proposé doivent être évaluées par un ingénieur en géo-
représente le mât qui supporte l’aérogénérateur, un moment de ren- technique qualifié sur le plan professionnel, en se référant aux
versement très important à la base du mât : la fondation est conçue normes et règlements de construction locaux disponibles ».
pour résister et s’opposer à ce moment de renversement, à la
En se focalisant sur les aspects géotechniques, les normes
manière d’un culbuto géant.
françaises et recommandations qui vont guider la conception et la
D’autres ouvrages élancés sollicitent leurs fondations de manière réalisation des fondations pour leur composante géotechnique sont
similaire (tours de télécommunication, panneaux de signalisation, principalement :
panneaux solaires orientables), mais aucune de ces structures n’est
conçue pour maximiser la mobilisation des efforts horizontaux. ■ Normes géotechniques :
– norme NF P 94 500 de novembre 2013 définissant les missions
À retenir d’ingénierie géotechnique ;
– eurocode 7 (NF EN 1997) et ses documents d’application natio-
– Le territoire français dispose de conditions de vent favo- nale, principalement les normes de justification des ouvrages
rables sur une grande partie pour l’installation de parcs éoliens géotechniques :
terrestres, • Norme NF P 94 261 de juin 2013 – fondations superficielles,
– Des contraintes règlementaires fortes existent, elles limitent
les aires d’installation des parcs, • Norme NF P 94 262 de juillet 2012 – fondations profondes ;
– Une éolienne induit un mode de sollicitation des fonda- – normes d’essais (essais pressiométriques, essais au pénétro-
tions relativement unique dans le domaine du génie-civil et de mètre, essais en laboratoire…) ;
la géotechnique. – eurocode 8 (NF EN 1998) – Calcul des structures pour leur
résistance aux séismes

■ Recommandations et guides techniques


2. Principes Des recommandations professionnelles françaises existent :
de fonctionnement – groupe de travail « Fondations d’éoliennes » du Comité Français
de Mécanique des Sols (CFMS). Recommandations sur la concep-
des fondations tion, le calcul, l’exécution et le contrôle des fondations d’éoliennes,
5 juillet 2011 ;
des éoliennes – guide des Terrassements Routiers, Réalisation des remblais et
des couches de forme, LCPC, SETRA, 1992, dite GTR92 ;
– recommandations ASIRI pour la conception, le dimensionne-
2.1 Le contexte normatif de conception ment, l’exécution et le contrôle de l’amélioration des sols de
fondation par inclusions rigides (2012) ;
La norme NF EN 61 400 de juin 2006 précise les exigences de – colonnes ballastées : recommandations sur la conception, l’exé-
conception des éoliennes terrestres. Cette norme n’apporte néan- cution et le contrôle des colonnes ballastées sous bâtiments et sous
moins que peu d’éléments sur la conception des fondations et ouvrages sensibles au tassements, version 2 de 2011.

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2.2 Documentation technique fournie 2.3 Géométrie des semelles


par les fabricants
Au démarrage du développement du parc éolien terrestre,
Les fabricants d’aérogénérateurs fournissent une documenta- trois formes étaient couramment rencontrées pour les fondations :
tion propre à chaque machine de leur gamme, en fonction de la semelles carrées, semelles octogonales ou semelles pseudo-
classe de vent et de la hauteur des mâts. Ces documents, identi- circulaires (polygone présentant un très grand nombre de facettes).
fiés sous le terme usuel de « data sheet », comportent : Compte tenu du fait que la direction des vents est susceptible de
varier de 360°, les semelles circulaires constituent la géométrie opti-
– les cas de charges (« Design Load Case » ou « DLC ») à consi-
male. La forme circulaire s’est donc généralisée au fil du temps.
dérer. Le torseur des efforts à la base du mât ou à la base de la
semelle (effort horizontal, effort vertical, moment de renversement Dans la suite de cet article, seul le cas des semelles circulaires
et moment de torsion) pour les cas de charges correspondant aux sera évoqué.
vents extrêmes et aux vents de service. Ces torseurs sont fournis

2 non pondérés et parfois avec des coefficients pondérateurs définis Dans un plan vertical, les semelles présentent une forme tron-
spécifiquement par les constructeurs ; conique comme le montre la figure 2.
– des exigences propres à chaque fabricant (tassement absolu, La connexion du mât avec la semelle est assurée, soit par une
tassements différentiels, rotation maximale, raideur dynamique en virole comme sur la semelle représentée à gauche, soit par une
rotation). cage d’écureuil comme sur la semelle à droite de la figure 3.

Figure 2 – Vue d’une semelle de fondation

Figure 3 – Dispositif de connexion du mât à la semelle par virole (à gauche) et par cage d’écureuil (à droite)

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2.4 Sollicitations de la nacelle – HM : hauteur du mat ;


– MRE : moment de renversement (= FHE * HM) ;
à la base du mât – MTE : moment de torsion autour du mât.
Les sollicitations transférées au sol proviennent principalement ■ Le torseur des efforts à la base de la semelle, de hauteur HS est
du poids propre des éléments constitutifs de l’éolienne à savoir : le suivant :
l’aérogénérateur et ses trois pales, le mât, la semelle de fondation
– FVS = FVE + QSemelle + QLest ;
et le remblai de lest mis en place au-dessus de la semelle.
– FHS = FHE ;
La réaction des pales soumises au vent génère un effort hori- – MRS = (HM + HS) * FHE ;
zontal, dont le point d’application est l’axe de l’aérogénérateur. – MTS = MTE.
Compte tenu du bras de levier du mât, la semelle est soumise à
avec QSemelle : poids propre de la semelle,
un moment de renversement, qui génère son basculement. Le
dimensionnement géotechnique de la semelle de fondation est QLest : poids propre du remblai de lest au-dessus de la semelle.
basé sur la limitation de ce basculement en fonction de la nature
des sollicitations (États Limites de Service – ELS – ou États Limites
Ultimes – ELU) et sur la vérification de l’admissibilité par le sol
La figure 4 schématise les sollicitations appliquées à l’éolienne
et à la base de la semelle. 2
des contraintes verticales développées sous la semelle.

■ Le torseur des efforts qui s’applique à la base du mât est le suivant : 2.5 Exigences de conception
– FVE : force verticale (poids propre du mât, du générateur et D’après la norme NF P 61 400-1 (3e édition), le nombre de cas de
de pales) ; charges est compris entre 2 000 et 6 000 pour l’aspect génie éolien.
– FHE : force horizontale appliquée dans l’axe de l’aérogénérateur ; Les modèles de dimensionnement sont fortement dynamiques. Les

Pales
Aérogénérateur

FHE

HM

Mât

MTE

MRE

Remblai de lest
FVE
MTS
HS
Semelle MRS

ΦS F VS FHS

Figure 4 – Sollicitations appliquées par l’éolienne à sa semelle et au sol de fondation

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2.7 Exigences géotechniques


Tableau 1 – Cas de charge
de conception
Génie civil Génie éolien Le dimensionnement géotechnique de la fondation d’une
éolienne a pour objectif de justifier que :
Nombre de cas
10 à 15 2 000 à 6 000 – le sol est apte à reprendre les efforts verticaux et horizontaux,
de charge
statiques ou transitoires dus à l’éolienne pendant sa durée de vie
(20 ans) ;
Modèles « statique » « dynamique »
– les déplacements (tassements absolus et différentiels) restent
compatibles avec le bon fonctionnement de l’éolienne pendant sa
Dimensions 1 ou 2 3
durée de vie ;
– les phénomènes de résonnance entre la fondation et le sol

2
support sont évités.
aspects liés à la fatigue des matériaux sous l’effet des cycles répé-
tés doivent également être pris en considération. Outre la vérification des conditions de décollement, les exi-
gences géotechniques de conception des fondations sont défi-
Pour le génie-civil, le nombre de cas de charges est réduit à un nies d’une part par les documents normatifs, et en particulier
nombre compris entre 10 et 15, avec principalement des sollicita- les normes NF P 94 261 et NF P 94 262, et d’autre part par les
tions de type « statique ». Voir le tableau 1 exigences spécifiques des constructeurs, qui peuvent être de
Si on se focalise maintenant sur l’aspect géotechnique du différentes natures :
dimensionnement des fondations, 4 cas de charges sont à – angle maximum de rotation du mât en service ;
étudier : – tassement absolu et/ou différentiel à long terme ;
– États Limites de Service Quasi Permanents (ELS -QP) ; – contrainte maximale appliquée au sol par la semelle ;
– États Limites de Service Caractéristiques (ELS-Carac) ; – raideur statique en rotation ;
– États Limites Ultimes Fondamentaux (ELU-Fond) ; – raideur dynamique en rotation pour des fondations superfi-
– États Limites Ultimes Accidentels (ELU Acc). cielles, raideurs horizontales ou verticales pour les fondations
profondes.
La durée de vie conventionnelle d’une éolienne terrestre est au
moins égale à 20 ans (cf. § 6.2 de la norme NF EN 61400-1). Par ailleurs, les différents constructeurs d’éoliennes n’appliquent
pas tous les mêmes pondérateurs pour former leurs ELU. Les
recommandations du CFMS [1] permettent donc d’unifier les pondé-
2.6 Maîtrise du décollement rateurs à appliquer pour constituer les cas de charge aux ELU.
de la semelle D’après les Eurocodes, le pondérateur sur l’effet de l’eau est
normalement supérieur à 1. Dans le cas d’une semelle d’éolienne,
Le dimensionnement géotechnique d’une semelle de fondation soumise aux sous-pressions hydrauliques, les calculs sont menés
est basé sur la mobilisation de la capacité portante du sol porteur, en considérant que la nappe est subaffleurante au niveau du sol. Il
sur la capacité à résister au basculement et sur la maîtrise de son n’apparaît donc pas nécessaire de majorer la pression de l’eau au-
décollement en fonction des cas de charges. Les conditions à vérifier delà de la sous-pression qui correspond à cette condition de
sont généralement exprimées en termes de surface comprimée par nappe subaffleurante. Voir le tableau 2
rapport à la surface totale.
Lorsque l’éolienne est en production d’électricité c’est-à-dire dans
les cas correspondant au « vent de service », la fondation doit res- 2.8 Exemple de caractéristiques
ter totalement comprimée, ce qui signifie qu’aucun décollement d’une éolienne
n’est admis (condition dite de « no lift-off »).
L’article est illustré par des exemples de calcul. On retiendra pour la
Le non-décollement d’une semelle circulaire est basé sur le plupart de ces illustrations le cas particulier d’une éolienne de marque
respect d’un excentrement maximum. L’excentrement, noté « e » Nordex, type N117/3600, construite dans les Hauts-de-France et qui a
est défini comme le rapport entre le moment de renversement fait l’objet d’une instrumentation dans le cadre du projet de recherche
(MRS) et la force verticale (FVS). « FEDRE » (cf. § 10).
– puissance unitaire : 3,6 MW ;
– diamètre rotor : 117 m ;
avec e =  MRS / FVS – hauteur du mât : 91 m ;
et ΦS diamètre de la semelle – hauteur totale : 150 m.
Cette estimation du décollement ne fait pas intervenir la rai-
deur du sol sous-jacent et l’interaction entre la semelle et le sol
support. Il s’agit donc d’une construction purement géométrique Tableau 2 – Pondérateurs pour les différents cas
des sollicitations qui, en pratique, majore le décollement, en de charge
particulier pour les sols compressibles.
Facteurs partiels de pondération sur sollicitations
De nombreuses géométries de semelle de fondation sont sus-
ceptibles de respecter ces conditions géométriques, entre des
États Limites FVS FHS MRS Eau
semelles profondes de petit diamètre (le cas limite serait celui
d’une fondation « monopieu » que l’on rencontre dans le domaine
de l’éolien offshore mais jamais pour les sites terrestres) ou des ELS QP 1,0 1,0 1,0 1,0
semelles plus fines et de plus grand diamètre.
ELS Car 1,0 1,0 1,0 1,0
La recherche d’un optimum technico-économique conduit à réa-
liser des fondations enterrées entre 2 et 3,5 m de profondeur, et ELU Fond 1,0 ou 1,35 1,5 1,5 1,0
de diamètre compris entre 12 et 25 m en fonction du moment de
renversement et donc de la puissance du générateur, de la ELU Acc 0,9 ou 1,1 1,1 1,1 1,0
hauteur du mât et des conditions liées au sol.

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