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Oxygène parties 4, 5 et 6 (analyse

musicologique)
Posté dans 11 mars, 2009 dans Étude musicologique, Oxygène.
Cet article est basé sur l’analyse de Pierre Malle faite en 2003 dans son mémoire
de musicologie sur la musique électronique des années 70. La totalité de son travail
est disponible à la bibliothèque de Tours. Il a accepté d’en faire une version simplifiée
et d’expliciter tous les termes techniques pour une meilleure compréhension…
La musicologie est une discipline scientifique qui étudie les phénomènes en relation avec la
musique, dans leur évolution (histoire des idées et des théories musicales) et dans leur rapport avec
l’être humain et la société, domaines plus particulièrement abordés par l’ethnomusicologie et la
sociologie de la musique. Son caractère scientifique la fait se distinguer de la musicographie.
(Wikipédia)

1. Contexte historique

Il est important de considérer le contexte dans lequel Oxygène, l’album-référence de Jarre, a vu le


jour.  
Depuis 1974, le mouvement musical 100% électronique a émergé progressivement de son
statut underground pour atteindre peu à peu un public plus large, ainsi qu’en témoignent les coups
d’éclat de Kraftwerk avecAutobahn, de Tangerine Dream avec Rubycon, ou encore de Klaus
Schulze avec son Timewind, récompensé par un Grand Prix du Disque. Le chemin est donc déjà
balisé pour l’album de Jarre, qui connaît un succès retentissant en 1977, à l’échelle mondiale.
Oxygène, enregistré entre août et novembre 1976 dans la cuisine de Jarre, réaménagée en studio
d’enregistrement, parut à la fin de la même année et reste encore aujourd’hui unstandard du
répertoire électro.
Avant ce triomphe, Jean-Michel Jarre était déjà reconnu en
tant que parolier, grâce à ses fructueuses collaborations
avec les chanteurs Gérard Lenorman, Christophe ou
encorePatrick Juvet ; pour ce dernier, outre les
chansons Love et Unisex (1973), il a produit deux albums-
phares, Mort ou Vif (1976) et Paris By Night (1977).
Parallèlement, Jarre avait tenté à quelques reprises (mais
avec un succès bien mitigé) de s’imposer en tant que
musicien, avec le 45 tours de musique électro-acoustique à la diffusion ultra-confidentielle La Cage /
Erosmachine (1971), vendu à 117 exemplaires ; puis avec le 33 tours Deserted Palace (1973) et la
musique du film Les Granges Brûlées, dont les stridulations électroniques (issues du
synthétiseur VCS3) n’ont séduit que modérément le grand public.
Conséquence directe de ses succès en tant que parolier et de son activité de producteur et directeur
musical, Jarre s’est équipé de plusieurs synthétiseurs de pointe et se mit à la création d’Oxygène peu
après la fin de l’enregistrement de l’album Mort ou Vif de Patrick Juvet, utilisant les synthétiseurs ARP,
AKS, VCS3 et RMI, et plusieurs claviers telsl’orgue Farfisa, l’Eminent et le Mellotron. Une boîte à
rythmes, le Rythmin’ Computer, est venu compléter cet instrumentarium assez similaire, tout en étant
moins emphatique, auxarsenaux de Klaus Schulze et de Tangerine Dream. La durée
d’enregistrement du disque (quatre mois) fut en revanche un processus sensiblement plus long que
chez ses confrères allemands. (Tangerine Dream ne consacra qu’un mois à l’enregistrement et au
mixage de l’album Rubycon).
 

2. Analyse musicale d’Oxygène 


 

L’œuvre est scindée en 6 parties de durées variées, mais n’excédant jamais (ou à
peine) les 10 minutes. Ce découpage sans ambiguïté dénote d’une volonté certaine
de rendre distincts les différents passages musicaux, ce qui n’est pas le cas chez les
artistes allemands de l’époque, dont les pièces occupent la totalité d’une face ou d’un
disque : reprenons l’exemple de Rubycon, qui sous son austère découpage en deux parties de 17
minutes, cache en réalité une multitude de climats musicaux différents; quant à Schulze, ses œuvres
des années 70 ne peuvent être sectionnées en plusieurs parties puisque chacune est un bloc musical
fait de la même matière du début jusqu’à la fin. Pour en revenir à Oxygène, faire ainsi apparaître
la structure de l’œuvre (même si les plages sont enchaînées les unes aux autres) permet à l’auditeur
d’identifier chaque moment du disque de manière beaucoup plus évidente. Je vous propose ici une
approche musicologique de la face B de l’album, comprenant les quatrième,cinquième et sixième
parties d’Oxygène.  
 

2.1. Oxygène, partie 4

La quatrième partie est sans doute la pièce la plus connue de tout le répertoire de Jarre.  
À l’écoute, elle s’ouvre sur un effet de vent allant crescendo et dont le timbre est de plus en plus clair,
produit par le synthétiseur VCS3 (qui sera utilisé pour chaque bruitage naturaliste de l’album : vent,
vagues, respirations, cris d’oiseaux…) jusqu’à 0’16. Trois éléments musicaux répétitifs démarrent
alors simultanément, installant une tonalité de do mineur : une ligne de basse, dont la formule
rythmique à 4 temps en croches pointées / double possède un caractère assez allant, voire enlevé,
tout en étant très lié ; un ostinato en triolets sur la note do, situé dans le registre médium, et moins
présent dans le mixage que la ligne de basse ; et enfin une cellule rythmique, également assez
simple, inculquant à l’ensemble un caractère assez dansant. Le tempo est de 126 à la noire. De ces
trois éléments, seule la partie rythmique est répétée de façon automatique par une machine.    

Après cinq mesures, un thème très simple, dans la lignée des mélodies minimalistes de Kraftwerk,
rejoint ces trois éléments de base (à 0’26). Situé dans un registre médium et joué avec un son peu
attaqué mais distinct, tout en rondeur, il est constitué d’une cellule mélodique de deux mesures,
répétée deux fois sur le premier degré de do mineur, puis une seule fois, légèrement variée, sur le
cinquième degré. Cette mélodie aisément mémorisable ne contient que des mouvements
descendants. L’accompagnement harmonique est assuré par un son de cordes très lié, joué sur un
Eminent, auquel est appliqué un effet de phaser. Tout comme la séquence de basse et la séquence
secondaire dans le médium, la nappe harmonique est transposée sur le cinquième degré dès que la
mélodie l’exige. A l’instar des cinq mesures d’introduction (alors qu’on ne s’attendait qu’à quatre
mesures) cette carrure en six mesures crée un effet étrange ; nous avons en effet l’impression qu’il
manque deux mesures pour “conclure” l’exposition du thème après le cinquième degré.
Le thème est immédiatement re-enchaîné, à 0’37, mais se déroule cette fois sur 8 mesures : passées
les quatre mesures sur le premier degré et les deux mesures sur le cinquième, il aboutit, de façon plus
naturelle, sur un quatrième degré. Le son utilisé est doublé à l’octave supérieure par un son au timbre
plus ténu, très lié, à partir des deux dernières mesures et pendant toute la troisième exposition du
thème, qui s’enchaîne à celle-ci. Outre la mélodie doublée dans l’aigu, un petit effet décoratif, comme
un sifflement, placé sur le premier temps toutes les deux mesures, vient enjoliver cette troisième
occurrence du thème, en tous points semblable à la seconde. La carrure de 8 mesures semble être
définitivement adoptée. A 1’08, le thème est exposé une quatrième fois à l’identique.
Un changement intervient à 1’23. Le thème disparaît, remplacé par une sorte de développement,
d’abord assuré par le son cristallin qui le doublait dans l’aigu, puis par un son plus attaqué, plus court,
plus “acide”. Le schéma harmonique reste cantonné aux seuls accords de premier, cinquième et
quatrième degré, chaque accord durant deux mesures. Cette structure est répétée trois fois, soit un
total de 18 mesures. Passé cet épisode, le thème revient à 1’57. Il est directement ré-exposé sur 8
mesures en suivant le même parcours harmonique. Répété seulement trois fois, il est à nouveau
doublé à l’octave supérieure à partir de la seconde ; l’effet décoratif du synthétiseur VCS3 se greffe au
même moment à la rythmique.
A 2’44, nous retrouvons, sans surprise, le développement déjà entendu entre 1’23 et 1’57. Il suit le
même parcours harmonique, basé sur 2 mesures de premier, puis cinquième, puis quatrième degré.
Tandis que le schéma harmonique est répété ad libitum, la mélodie secondaire se fait plus rythmée,
puis monte dans le registre aigu, redescend dans le médium, et continue d’osciller ainsi à chaque
série d’accords. Tous ces éléments vont decrescendo à partir de 3’43, annonçant la fin de cette
quatrième partie. Une trame dense d’effets sonores fluides et tournoyants, suggérant le flottement en
apesanteur, assure l’enchaînement avec la suite.
 

2.2. Oxygène, partie 5

La cinquième partie d’Oxygène débute par un accord du premier degré de do majeur. Ce tapis
harmonique, créé grâce à la sonorité très liée et cristalline de l’Eminent, est traité par des effets de
vibrato et de résonance. Le registre aigu, dans lequel se succèdent des accords du premier et du
second degré de do majeur, sur la note-pédale do (note grave tenue), contribue à lui donner un
caractère éthéré et aérien. La trame d’effets sonores s’efface progressivement du paysage musical,
laissant le tapis harmonique au premier plan. La pédale de do prend fin à 0’49 : une suite d’accords
méditative, au caractère quasi-religieux, est alors exposée, sur 11 mesures. Le tempo est d’environ 52
à la noire.

Cette
suite de onze mesures est reprise trois fois. A chaque nouvelle exécution, une nouvelle sonorité est
ajoutée. On parlera ici d’écriture horizontale (dite « choral ») dans le sens où la musique est
constituée uniquement d’accords tenus, sans motifs mélodiques ou rythmiques se détachant, à l’instar
des partitions écrites pour des chorales.   
Ce « choral » s’achève à 4’05. La puissante sonorité du registre grave crée un motif simple mais
interrogateur mettant l’auditeur dans l’attente d’un changement imminent. Une guirlande de notes
assez rapide, donnant un effet “scintillant”, se greffe bientôt à l’ensemble, renforçant la sensation
d’”imminence”. 
Cette sorte de coda se termine à 5’05 de façon assez brutale. Tous les éléments sonores
disparaissent pour laisser place à une séquence de basse automatisée, reproduite par le l’arpégiateur
(fonction permettant la répétition à l’infini d’arpèges) du synthétiseur RMI. Il s’agit de la seule
séquence de l’album, d’après Jarre, qui n’ait pas été faite « à la main ». La transition semble manquer
de fluidité tant elle est rapide et inattendue ; il est ici évident que les deux sections ont été
enregistrées séparément, puis enchaînées au moment du mixage. Tout l’album a bien sûr été conçu
ainsi, mais c’est ici le seul moment où cette opération paraît artificielle. On peut d’ailleurs se demander
pourquoi cette seconde section n’a pas été délimitée comme étant une autre partie d’Oxygène.
La séquence de basse obstinée, sur les quatre notes do (aigu) – do (grave) – sol – si bémol, est
accompagnée d’une autre séquence automatisée, de nature rythmique. Elle consiste en de petits
“clap” (des « percussions noises » d’après Jarre) et apporte une dynamique supplémentaire à la ligne
de basse, déjà bien enlevée.
Au mixage, Jarre a joué avec l’effet de stéréophonie en passant ces deux séquences plusieurs fois
d’une enceinte à l’autre, entre 5’39 et 5’52, créant l’illusion auditive d’un tournoiement. Une mélodie
sinueuse constituée de mouvements souvent conjoints et majoritairement descendants fait son
apparition à 6’28. Proche des mélopées créées par Schulze ou Tangerine Dream sur leurs séquences
de basse obstinées, les notes qui la composent sont piochées dans la gamme do – ré – mi – fa -sol –
la- si bémol -do. La sonorité utilisée se caractérise par son timbre rappelant un instrument à vent et
son phrasé legato. Elle constitue l’unique élément « soliste » de cette section, et semble être
organisée en six phrases musicales, jusqu’à son arrêt à 9’03.
Ces six phrases se ressemblent beaucoup, sans être identiques ; certaines se prolongent en de
multiples arabesques. Ces motifs mélodiques tortueux, combinés à la basse obstinée, procurent un
effet hypnotique à la musique.
La conclusion est amenée à 9’03, par le biais d’un effet sonore évoquant une grande respiration ou
le bruit d’une vague qui s’échoue sur une plage, toujours produit par le VCS3. Comme à
l’accoutumée, un decrescendo progressif de tous les éléments musicaux et rythmiques opère la
transition en douceur. A 9’44, les vagues / respirations, ponctuées de quelques cris d’oiseaux
concluent cette cinquième partie d’Oxygène, et permettent l’enchaînement avec la sixième et dernière
partie.

2.3. Oxygène, partie 6

Une cellule rythmique assez simple, d’un tempo de 115 à la noire, émerge alors
progressivement du néant. A 0’27, un accord de do mineur rejoint la rythmique. Un
thème débute à 0’44, très lyrique, légèrement mélancolique ; sa carrure est de huit
mesures; mais il surprend surtout par le fait qu’il soit joué dans le registre grave. A
1’40 commence un développement dans lequel la sonorité est doublée dans le registre aigu, à la
tierce. La mélodie suit alors un dessin ascendant sur huit mesures en sol mineur.Le thème du début
reprend sans changement à 2’22 ; la seule nouveauté étant une doublure de la bassepar un son plus
attaqué, mais aussi plus court. Le développement tel que nous l’avons entendu la première fois est
reproduit de 3’08 jusqu’à 3’50. La pièce se conclut avec le thème, joué en boucle jusqu’à sa complète
disparition, par le biais d’un decrescendo amorcé à 4’38. Les respirations / vagues sont elles aussi 
progressivement amenées au silence par un decrescendo très progressif. C’est dans cette ambiance
très aérienne et très calme que se conclut Oxygène.  Jarre a voulu cette sixième partie très
figurative :   
 « Oxygène VI est (…) une musique ‘ambiant’, d’une façon très figurative, avec ses
bruits de vagues et d’oiseaux. Tout ceci a rapport avec votre mémoire, à vos
souvenirs, quand vous voyez des photographies de vos vacances, et qu’elles
charrient toutes sortes de sons, de musiques, de mots. Ce morceau, c’est un peu
comme si l’océan entier rapportait la musique au rivage. » [Citation de Jean-Michel
Jarre provenant d’une émission de radio de 2008 au cours de laquelle il commenta son propre album]

3. Plan musical

3.1. Oxygène, quatrième partie / durée : 4’28  


 0’00 – 0’26 : Introduction : 16 secondes d’effet suggérant le vent puis 5 mesures à 4 temps en
do mineur. Tempo : 126 à la noire
 A
0’26 – 1’13 : Répétition en boucle du thème, carrure de 8 mesures (4 mesures sur le Ier degré, 2
mesures sur le Vème, 2 mesures sur le IVème) à l’exception de la première exposition (6
mesures, sans IVème degré)
 B
1’23 – 1’57 : Développement sur un schéma harmonique de 3 fois deux mesures, sur le 1er,
2ème et 5ème degré. Enchaîné 3 fois, avec intervention de deux sonorités solistes (mélodies
secondaires)
 A
1’57 – 2’44 : Thème repris 3 fois (carrure de 8 mesures)
 B
2’44 – 4’28 (fin) Développement semblable au premier, répété jusqu’au decrescendo à 3’43.
Décorations sonores suggérant l’apesanteur.
 

3.2. Oxygène, cinquième partie, durée : 10’15  


 A ( première section) : 0’00 – 5’05
Pédale de do majeur, nappe harmonique très aérienne de 0’00 à 0’49
“Choral” de 11 mesures, répété quatre fois, avec ajout de parties supplémentaires jusqu’à 4’05  
(Tempo: 52 à la noire)
Coda, de 4’05 à 5’05.
 B (deuxième section) : 5’05 -10’15
Séquence de basse automatisée assez rapide, en do majeur, sur laquelle se posent des phrases
mélodiques sinueuses.(Tempo : 96 à la noire)
Disparition de la séquence de basse à 9’45. Enchaînement avec la suite par une respiration /
vague.

3.3. Oxygène, sixième partie, durée : 6’15


 0’00 – 0’44 Introduction : installation progressive d’une rythmique simple et d’une nappe
harmonique de do mineur. (Tempo : 115 à la noire)
 A
0’44 – 1’40 : Thème joué dans le registre grave, très lyrique, basé sur le Ier et le IVème degré.
 B
1’40 – 2’22 : Développement, avec 16 mesures de motifs mélodiques ascendants en sol mineur
puis en la mineur, et 4 mesures de motifs descendants sur le Vème degré de fa mineur.
 A
2’22 – 3’08 : Retour du thème. Peu de changement si ce n’est sa doublure par un son plus
attaqué.
 B
3’08 – 3’50 : Développement identique au premier.
 A
3’50 – 6’15 : Répétition ad libitum du thème.  Decrescendo à partir de 4’38.
Effet de vague (ou de) respiration

4. Caractéristiques du syle jarrien 

Après cette exploration détaillée de la matière musicale d’Oxygène, nous pouvons constater que Jarre
a partagé certains des choix esthétiques d’autres musiciens de l’électronique, tels Tangerine Dream et
Klaus Schulze : choix des sonorités, dans l’ensemble très fluides et aériennes ; décorations sonores
suggérant l’espace ou certains éléments tels que le vent et l’eau ; sans oublier enfin l’illustration même
de la pochette, véritable vision apocalyptique où la Terre, sous la forme d’un crâne humain-globe
terrestre à moitié décharné, se meurt du manque d’oxygène, en relation directe avec le titre de
l’œuvre et les fameuses respirations / vagues qui la concluent.

4.1. Jarre et l’école allemande

Il existe cependant un certain nombre de divergences entre le travail de Jarre et celui


de ses prédécesseurs allemands. Nous savons que Schulze enregistrait ses œuvres
de façon assez spontanée, et que ses enregistrements consistaient en des séances
d’expérimentation en studio, reproduites plusieurs fois jusqu’à obtention d’une pièce
satisfaisante pour le musicien. Il en découlait de grandes pièces de musique assez statiques, dans
lesquelles il n’existait aucune structure immédiatement identifiable par l’auditeur, notamment grâce à
l’absence totale de mélodies organisées en carrures. Ce que retient l’auditeur d’une œuvre de Klaus
Schulze, c’est une atmosphère, une ambiance, en bref une “totalité”. Cela reste assez vrai pour les
œuvres de Tangerine Dream, encore que l’album Rubycon, par sa richesse de climats, soit
assez comparable à Oxygène.   
Chez Jarre, le matériau musical, organisé de façon tout à fait “classique” – carrures mélodiques de
huit mesures, alternance régulière d’un thème et d’un développement (qui s’apparente d’ailleurs à
une structure couplet / refrain – voir quatrième et sixième parties), est aisément mémorisable, proche
de chansons pop : nous n’y avons pas trouvé de changements de tempo au cours d’une partie, pas de
séquences de basse déstabilisantes à cinq notes, pas d’atonalité. Nous pouvons supposer que
son activité de parolier l’ait en quelque sorte “formé” à la composition de mélodies simples. Le
passage d’Oxygène s’apparentant le plus aux œuvres de Schulze et de Tangerine Dream est la
deuxième section de la cinquième partie, avec sa ligne de basse obstinée et ses arabesques
mélodiques – bien que ce matériau mélodique, un peu moins construit qu’à l’accoutumée (pas de
carrure fixe), soit tout de même délimité en six phrases.
Les compositions de Jarre semblent, d’un strict point de vue musical, proches de celles de Kraftwerk,
avec qui il partage un sens aiguisé de la ritournelle populaire ; mais, tout en conservant cette
organisation du temps minutieuse, il a préféré, aux concepts sur-intellectualisés musicaux de
Kraftwerk et aux répétitions obsessionnelles de Tangerine Dream, un langage simple et efficace,
proche de la pop, le côté cosmique en plus. En composant Oxygène, il a d’ailleurs voulu se
démarquer clairement de ses confrères allemands :
 « J’étais assez obsédé, à ce moment-là, par l’idée de jouer en réaction aux
groupes allemands Kraftwerk et Tangerine Dream. Ces personnes avaient une
approche froide, déshumanisée et robotique du monde de  l’électronique. J’étais
totalement à l’inverse de cela. C’est ce que je voulais prouver avec Oxygène.
» [Citation de Jean-Michel Jarre provenant d’une émission de radio de 2008 au cours de laquelle il

commenta son propre album]

4.2. Jarre ou le virus de l’électronique 

Il en résulte une “accessibilité immédiate” de l’œuvre, qui est sans doute pour beaucoup dans
l’immense succès qu’obtint le disque. Il est du reste évident que c’est cette simplicité qui divise,encore
aujourd’hui, le monde de la musique (électronique ou non) au sujet de Jarre.  
“Que doivent les musiques électroniques d’aujourd’hui à Jean-Michel Jarre ? Sa
quête n’est ni mathématique, ni métaphysique. (…) Il ne veut que divertir. Mais
après tout, si l’on oublie ses dérives ultérieures et si l’on choisit ses soupes les plus
goûteuses au palais, l’homme est un électro-bidouilleur de talent cherchant à
plaire à tous (…). Et il inocule ainsi la fièvre électronique à bien des
adolescents…” [KYROU, Ariel, Techno Rebelle, 2002, éd. Denoël, p.64] 

Détails significatifs ? Jarre est un des rares artistes de l’électronique dont les œuvres sont éditées
en partition, à l’intention des musiciens amateurs ; c’est aussi l’artiste le plus fréquemment cité*
comme référence par d’apprentis claviéristes. [* BERTHIER, Nicole, “De quelques usages du
synthétiseur”, Vibrations n°2 : les musiques populaires, janvier 1986, p.146]
Ajoutons pour conclure que Jarre semble symboliser la fin de la condition underground du mouvement
planant : au prix de quelques concessions stylistiques (la musique de Jarre étant d’un accès infiniment
plus facile au néophyte que les longues méditations de Schulze !) la sortie d’Oxygène allait achever
de démocratiser la musique électronique.

> Dans la même série / Lire aussi : L’analyse musicologique de Rubycon, 1975, de Tangerine
dream.
 

Pour toute reproduction de ce travail d’analyse ou d’une partie de ce texte, contactez impérativement le webmaster. Reproduction avec

l’aimable autorisation de l’auteur, © Pierre Malle, 2003-2009.  


 
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6 commentaires

1. fabrice b dit :
11 mars 2009 à 9:31
Remarquable travail bravo !!! mais parfois compliqué à comprendre pour un novice

2. etiennefroes dit :
11 mars 2009 à 16:11
J’ai une question pour l’auteur de ces articles (Oxygène et Rubycon) dont le travail
ici présenté est très intéressant.

Quelle place accorde t-on dans des etudes de musicologie ou musicographie à la


musique dite populaire (rock; pop; musique électronique etc.)

3. Pierre dit :
12 mars 2009 à 2:05
@fabrice b & etiennefroes :

Merci d’avoir lu mes élucubrations jusqu’au bout!!!

fabrice b: J’ai essayé de simplifier au maximum tout ce qui était de l’analyse pure,
et j’ai d’ailleurs supprimé pas mal de choses. Un mémoire doit être le plus
« scientifique » possible,car pour pouvoir avancer une idée, poser une hypothèse,
ou tirer une conclusion, il faut tout démontrer par A B… pour la prochaine
j’essaierai d’éclaircir davantage.Promis!

etiennefroes: J’ai fait mes études de musico entre 1998 et 2003. A l’époque, je n’ai
pas eu un seul cours sur la musique « populaire ». J’ai d’ailleurs toujours trouvé ça
aberrant. J’ai donc volontairement choisi un sujet occulté dans le cursus des
études.Mis à part la musique « savante » (classique et contemporaine) seul le jazz
était étudié (en option). Je sais qu’aujourd’hui il y a enfin quelques cours consacrés
au rock, à la pop, etc… sous l’appellation « musiques actuelles ». C’est un gros
progrès,même si ça reste assez généraliste. Ca viendra…

4. Melotronic dit :
17 mars 2009 à 11:39
Félicitations à Pierre Malle pour la qualité de son mémoire.

C’est tellement intéressant, qu’il me parait indispensable de le lire dans son


intégralité … l’aspect théorique ne me rebutant pas au contraire, ayant suivi des
cours d’harmonie …. 

Étant loin de Tours, celui ci est-il disponible sous forme d’un Pdf ou d’un
document texte quelconque (doc, ps, …) ?

Merci pour votre réponse.

Musicalement et cordialement.

Pierre

5. Pierre dit :
18 mars 2009 à 23:41
Bonjour Melotronic, et merci pour le compliment.
Si tu veux lire tout le mémoire, je veux bien te l’envoyer en pdf.
Envoie un mail au bloggeur de ce site et il te donnera mon adresse.
A bientôt

6. Melotronic dit :
19 mars 2009 à 1:36
Un énorme merci à Pierre MALLE !!!!! de la part dun autre Pierre alias Melotronic

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