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En parlant de risque, je me demandais, ces

grands fonds spéculatifs et cette capacité qu'ils ont à prendre de grands risques
et à s'assurer,
comment cela affecte-t-il le marché ? – Les fonds spéculatifs sont
des sociétés d'investissement qui ne sont pas autorisées à participer
au marché général. Ils ne sont donc pas autorisés
à faire de la publicité. Ils ne sont pas connus, car ils ne sont
pas autorisés à se mettre en avant, sauf par le biais de conversations
privées, et pour investir dans ces fonds, il faut être un investisseur qualifié, et
pas juste un investisseur général. Ils sont donc autorisés à faire des choses
sophistiquées et dangereuses. L'idée est que la réglementation des fonds spéculatif
est adaptée aux personnes qui ont des conseillers
professionnels ou des family offices. Vous savez ce qu'est un family office ? Si
vous êtes très riche, vous ne vous
contentez pas d'engager un conseiller. Vous employez une équipe de conseillers, qui
travaillent à plein temps
sur vos investissements familiaux. C'est à cela que servent
les fonds spéculatifs. Ils sont donc dangereux
parce qu'ils ne sont pas... C'est un peu comme prendre des médicaments. [RIRE] Il
faut un médecin qui fasse l'intermédiaire
entre le médicament et vous-même. Et puis, par le passé, les fonds
spéculatifs ont souvent obtenu de très bons résultats. Mais ces dernières années,
la plupart d'entre eux
ne s'en sont pas très bien sorti, en moyenne. Je ne sais donc pas si je les
recommanderais. Je ne peux pas les recommander en tant que groupe. Mais si vous
êtes... est-ce que vous avez un family office ? [RIRE] Je suppose que non. – Hélas,
non.
– [RIRES] – Si votre family office le recommande, allez-y, si vous les avez
sélectionnés avec soin. Mais ils sont... enfin ils affirment être
les investisseurs les plus sophistiqués. L'autre chose à savoir sur les fonds
spéculatifs,
c'est qu'ils paient traditionnellement des bonus très élevés aux investisseurs
s'ils obtiennent des résultats meilleurs qu'attendus. Mais cet argent sort de votre
poche à vous. Et il y a des gens qui sont sceptiques sur les fonds spéculatifs
et qui disent : « jamais je ne paierai pour ces hauts cadres, ces dépenses, aux
personnes qui investissent mon argent. Car personne ne mérite de tels montants »,
et donc les fonds spéculatifs, du moins beaucoup d'entre eux,
ont été une bulle en soi. Ils se sont bien portés
pendant un certain temps. L'impression était qu'ils s'en sortaient bien,
beaucoup de gens se sont lancés, et ces derniers temps, ils
ne vont pas très bien. – Je suppose que ces grandes institutions
financières peuvent prendre beaucoup de risques, et ce risque qu'ils prennent a le
potentiel de
provoquer des crises financières de masse. Est-ce qu'il devrait exister un moyen de
réguler ce risque, ou disons, quelle part de ce risque devrait être réglementée
compte tenu de l'importance de ces risques pour le bon fonctionnement
inhérent de ces institutions ? – Oui, eh bien, je pense que nous
sommes dans une situation où nous avons une conscience plus élevée qu'avant de
l'importance
de réguler pour faire face à des risques importants,
c'est-à-dire faire face au risque systémique. Un risque systémique est donc un
risque
d'effondrement de l'ensemble du système, comme un château de cartes,
comme d'aucuns diraient. La réglementation, avant la crise de 2008-2009, était
essentiellement d'ordre microprudentielle. Cela signifie qu'ils voulaient s'assurer
que vous, en tant qu'investisseur, n'étiez pas escroqué par un courtier qui
se mettait votre argent dans la poche ou quelque chose du genre. La réglementation
vous voyait
d'abord comme un individu. Mais il existe désormais un nouvel élan
pour une réglementation microprudentielle, il s'agit maintenant de réglementer le
degré
d'interconnexion entre vous et les autres, ou avec des grandes entreprises, et de
savoir ce qui arrivera à telle entreprise si telle autre
fait faillite. Donc ce qu'on veut, ou admettons qu'on subisse une crise financière
mondiale,
comment telle entreprise s'en sortira-t-elle ? Donc depuis la crise financière de
2008-2009, nous avons vu apparaître beaucoup plus de
réglementations macroprudentielles et beaucoup plus de mesures du risque
sont développées. Il y a maintenant ce que nous appelons
des tests de stress des établissements financiers, qui mettent davantage
l'accent sur leur interconnexion, et sur ce qui se passerait pour eux, comment ils
s'en tireraient,
face à divers types de crises internationales. – Est-ce que vous pouvez donner des
exemples de mesures du risque
postérieurs à la crise de 2008, qui traitent plus directement des questions de
mesures ? – Quelle est la précision de ces mesures ? – Oui, en fait c'est un sujet
controversé. Avant la crise, il y avait une
réglementation, l'idée n'a rien de neuf, et il y a eu quelques inquiétudes
d'ordre macroprudentiel. Par exemple, avant la crise, il existait une méthode
appelée "value at risk", qui servait
à mesurer le risque d'une entreprise. En examinant l'actif et le passif de
l'entreprise et en considérant les probabilités que les valeurs prennent telle ou
telle grande orientation,
ce que ça entraînerait pour l'entreprise. Depuis la crise, nous avons maintenant
des
évaluations plus élaborées du risque macroéconomique, et les tests de stress
prendront en compte,
enfin le régulateur gouvernemental va indiquer que les institution financières
doivent estimer comment elles seraient affectée par
divers types de crises financières. La réglementation est donc de plus en plus
détaillé et
fait l'objet de plus d'efforts. Parce que la crise de 2008 nous a tous pris au
dépourvu, et les gens ne savaient pas à quel point
les banques et autres institutions financières étaient interconnectées et ils ont
dû agir
à l'aveugle, en faisant des suppositions. Parce qu'une part trop importante de
leurs
données étaient d'ordre microprudentielle. – J'aurais encore une question. — Oui. –
Je voudrais revenir sur l'idéal de la mesure
des risques dont vous avez parlé en classe, L'idée de cygne noir de Nassim Taleb.
Il dit que tous ces modèles de mesure
des risques sont, si vous lisez son livre, elles sont fondamentalement défectueuses
car elles ne tiennent pas compte des événements improbables. – En effet.
– Si on considère que la crise financière de 2007 était
un événement de ce type, pensez-vous qu'il y a moyen d'améliorer
ce modèle pour mieux prendre en compte des événements improbables de ce type.
– Oui. – La méthode est fondamentalement
incapable de prendre en compte... – Oui. Alors. Vous faites référence à Nassim
Taleb, qui avait un livre intitulé « Le cygne noir »,
qui disait que des évènements, très rares et peu probables
étaient parfois extrêmement importants. – Oui. – Vous pouvez donc travailler toute
une vie pour créer de la richesse en partant de l'hypothèse que quelque chose
ne peut pas arriver, et là, paf ! Tout, vous avez tout perdu, le travail de toute
une vie, parce que vous pensiez
que cela ne pouvait pas arriver. C'est un peu ce qui s'est passé
lors de la récente crise, les gens pensaient que les prix des logements
ne pourraient jamais baisser, parce qu'ils n'avaient jamais baissés, ou pas depuis
la Grande Dépression [RIRE] et donc... [INAUDIBLE] – C'est un exemple parfait,
mais c'est quelque chose de difficile à traiter,
sur le plan académique. Si on parle d'événements
rares et massifs, eh bien, vous n'avez pas assez de
données sur eux, parce qu'ils sont rares. Donc, c'est un problème. Les choses qui
se passent sur le marché,
ce que les spécialistes efficaces des marchés nous disent c'est que les marchés
doivent gérer
la probabilité de ces grands événements rares. Mais ils sont tellement intangibles,
c'est vraiment quelque
chose qu'on ne peut pas quantifier. Mais quand le marché baisse,
Eugene Farmer dirait sûrement [RIRE], quand le marché baisse, ne supposez
pas que c'est de la folie. Il s'agit peut-être d'un signe avant-coureur subtil
qu'un événement important pourrait se produire. Donc je dois l'admettre,
c'est une interprétation possible. On ne sait jamais. J'aimerais que ces cygnes
noirs
n'existent pas, les métiers de la finance
seraient bien mieux comme ça [RIRE]. Malheureusement, nous vivons
dans le monde réel. [RIRE] Je ne devrais pas le dire comme ça. – [RIRES]– Nous
vivons dans
un monde où il existe un risque de voir des événements énormes. – Il y a de très
nombreux risques
dans nos vies, comme nous le disions, si vous entrez sur le marché du
travail en période de récession. Ou, si quelque chose de négatif se produit,
vous devez trouver un moyen de le couvrir, nous avons des solutions pour nous
couvrir
contre le risque pétrolier ou le risque agricole. Existe-t-il des produits
financiers innovants pour se couvrir contre les risques
du marché du travail ? – Je suis ravi que vous ayez posé cette question
[RIRE] parce que c'est un de mes sujets de prédilection depuis longtemps, qu'il
faut une
protection du risque lié au marché du travail. Maintenant, il existe effectivement
quelque chose. L'assurance-chômage a été créée au
Royaume-Uni, je crois que c'était en 1911. Il s'agit d'une aide temporaire
pour trouver un bon emploi. En fait, au Royaume-Uni
ils se sont rendus compte, que les gens étaient souvent prêts à tout
quand ils perdaient leur emploi. Ils ont une famille, et souvent les
gens n'ont pas d'économies. Donc, la personne prend, doit
prendre la première offre d'emploi qui se présente, et ce n'est souvent pas une
bonne trajectoire
professionnelle pour eux, et après il est difficile pour eux
de changer de travail. Alors, donnons-leur du temps, donnons-leur
peut-être six mois de soutien afin qu'ils puissent trouver l'emploi qui convient,
et
peut-être qu'on peut aussi les aider à trouver un emploi. Ils auront un service
d'aide aux carrières à leur disposition. C'est une vieille idée. La question est de
savoir
si nous pouvons faire plus. L'assurance chômage est vraiment axée sur
la recherche d'un emploi à court terme. Mais il y a maintenant un problème : nous
voyons les inégalités s'accroître un peu partout dans le monde, et nous voyons
beaucoup
de gens qui se plaignent que cela se produit souvent
lorsqu'ils sont d'un certain âge, disons qu'ils ont 50 ans et
qu'ils perdent leur emploi. Ils se retrouvent soudainement,
ils peuvent trouver un emploi d'une manière ou d'une autre, mais seulement de
mauvais emplois,
parce que les gens veulent embaucher des jeunes,
et il faudrait remettre à niveau ces personnes, et on ne veut pas payer leur
formation parce qu'ils
ne resteraient pas très long temps, et donc ces catégories ont un problème. Donc
une idée, je l'appelle l'assurance
des moyens de subsistance, c'est une idée un peu futuriste, mais il y a Larry et
Robert, des économistes qui ont écrit
un article il y a environ 15 ans. Partant sur une idée similaire,
ils l'ont appelée l'assurance salaire. Leur idée est que lorsque
quelqu'un perd son emploi et doit prendre un emploi à un salaire inférieur, il
devrait
pouvoir toucher une assurance. Il est intéressant de noter que le
président Obama a évoqué cette idée lors de son discours sur l'état de l'Union en
2016. Donc le président des États-Unis
semble approuver l'idée. Malheureusement, beaucoup d'idées du président Obama ne
débouchent sur rien. – [RIRE]
– Mais l'autre aspect, c'est qu'il proposait que ce soit une sorte
d'assurance gouvernementale. Je ne vois pas pourquoi il devrait nécessairement
s'agir
d'une assurance gérée par le gouvernement. Il pourrait y avoir des assureurs privés
ou des marchés privés qui aideraient à protéger
les gens contre la perte de revenus. Mais je pense que c'est en fait très important
plus encore aujourd'hui qu'hier, en raison du développement rapide
de l'informatique et de la robotique, et de la vitesse à laquelle se fait la
mondialisation. Les choses peuvent donc aller très vite et rendre obsolète
l'investissement dans le capital humain. Et oui, absolument, il devrait y avoir des
dispositifs de gestion des risques pour cela. Et l'important, comme je le
dis dans mes livres, [RIRE] est que si vous aidez les gens à gérer
les risques, ils prendront plus de risques. C'est ce que nous voulons. Que les
gens, dans leurs décisions concernant leur éducation, prennent des risques.
Développer une spécialité qui
risque de devenir obsolète, mais qui sait, personne ne sait. Vous prenez un risque.
Encourageons les gens à prendre des risques.

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