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Alors, je vais vous expliquer Je vous ai fait un historique de la pensée qui s'est

développée sur l'efficience du marché. Sur ce que les gens ont pensé à travers le
temps. À partir du XIXe siècle, les technologies de l'information
commencent à se développer. Un homme du nom de Reuter qui, juste avant l'invention
du télégraphe, a eu l'idée que les marchés boursiers
avaient besoin d'informations à jour. Alors il s'est demandé « Comment faire en
sorte que
l'information soit juste, ou comment la vendre ? ». Alors, ce qu'il a fait, il
s'est dit que les pigeons voyageurs volaient plus vite
que n'importe quel transport impliquant des humains. Donc il a installé des bureaux
dans les grandes villes
européennes et acheté des pigeons. Et dès qu'un événement intéressant les
marchés survenait à Londres, il attachait un bout de papier à la patte du pigeon à
Londres et envoyait l'information à Paris. Combien de temps faut-il à un pigeon
pour faire un Londres-Paris ? Je ne sais pas. Le vol d'un pigeon de Londres à Paris
prends 4 à 6 heures. Cela donnait un avantage aux gens
dans leurs activités de trading. Son service à base de pigeons
a donc rencontré un grand succès, et plus tard, lorsqu'on a inventé le télégraphe,
ici à New Haven, Samuel F. B. Morse qui a inventé le télégraphe en... quelle
année ? Vers 1840 je crois ? Je ne me rappelle pas exactement. Les auteurs sont
passés au télégraphe pour
accélérer encore le système. À la fin de XIXe siècle, tout le monde recevait les
informations
à la vitesse de l'électricité. À partir du XXe siècle, les bipeurs sont arrivés.
Les gens étaient bipés quand
arrivaient des informations importantes. Ils l'avaient toujours sur eux, bien avant
qu'on ait les téléphones mobiles, on avait les bipeurs. Donc sur l'information,
l'idée c'est que il y a tellement de gens tout à fait intelligents
qui sont à l'affût d'informations qu'il devient très difficile de battre le marché,
ce qui le rend totalement imprévisible. C'est pour ça que la marche aléatoire est
devenue
plausible, parce que les gens se sont dit : A « Tout ce monde se bat comme des
beaux diables pour avoir les informations aussi vite que possible et qui font des
opérations
en bourse dès qu'ils les ont. » Donc ce que ça veut dire que si quelqu'un a une
idée... si le marché chute à Londres, il va probablement chuter aussi à Paris. Donc
si le marché londonnien s'effondre, votre intérêt, c'est de vendre à Paris. Le
problème, c'est que vous ne pouvez pas
joindre Paris assez vite. Mais maintenant, ça va très vite, donc le marché doit
s'adapter,
s'ajuster presque instantanément. Donc voilà la situation à laquelle on arrive. La
raison pour laquelle la théorie du marché efficient
semble plausible est qu'il faut éduquer les gens pour leur faire perdre cette idée
naïve qu'ils peuvent prédire le marché. Certaines personnes vont se rendre chez
leur courtier et dire « Vous savez, l'autre jour, j'ai lu dans le Wall Street
Journal que telle ou telle société s'apprête à sortir
tel ou tel nouveau médicament, donc est-ce que je ne devrais pas acheter ? » Là, le
courtier vous répondra, « vous avez lu ça quand ? La semaine dernière ? » Votre
courtier vous dira probablement « Quand la nouvelle est sortie, je me souviens que
j'ai été bipé immédiatement, et que
j'ai tout de suite été demander à mes collègues ce que cette information
impliquait. Et quelqu'un m'a répondu : « Vends, vends tout de suite. ».
Et donc j'ai passé un ordre dans les 15 secondes. Il m'a dit : « Tu dois aller plus
vite que les autres. » J'ai répondu « Je viens de voir l'info mais je n'ai même pas
eu 15 secondes pour en discuter. ». Ensuite, ils en parlent entre eux et se disent
« Tout compte fait, je n'aurais peut-être pas dû vendre. » Donc, 30 secondes plus
tard, ça rachète. Puis dans les deux minutes, ils reçoivent un conseil d'expert sur
ce qu'implique
cette nouvelle et à ce stade le marché est en train de devenir fou, et peu après,
l'échange se fait au nouveau niveau optimal. Donc, peut-être que le marché n'a pas
été
parfaitement efficace pendant les 15 premières secondes. Mais vous avez intérêt à
être très bien informé. Si vous avez lu une info dans un journal de la semaine
dernière, le marché s'est déjà adapté à l'information. Même en 1889, on n'avait pas
de bipeurs à l'époque, Voici un article de 1904, un article très intéressant de
Charles Conant tiré d'un magazine. Cet article traite de la beauté des marchés, il
parle du grand public et du fait que les non-initiés voient les marchés
comme un genre de casino, de jeu d'argent. Mais, disait-il, « un instant de
réflexion
devrait suffire à convaincre une telle personne qu'une fonction qui
occupe une place si importante dans le fonctionnement moderne du commerce doit
forcément être un élément utile et nécessaire de l'économie. » Ce qu'il veut dire,
c'est que les prix des marchés découlent de nombreuses
personnes qui cherchent les bonnes valeurs des choses. Et sans les marchés, nous
serions incapable d'évaluer
la valeur de quoi que ce soit. Tout business plan repose sur des prix. En tant
qu'entreprise, vous allez devoir acheter
des produits pour travailler, ou encore emprunter avec un certain taux d'intérêt.
Ces prix sont donc nécessaires pour
prendre une décision informée. Donc non seulement les marchés
sont efficients dans l'économie actuelle, mais ils sont mieux informés que
n'importe quel individu seul, car le marché est constitué d'une foule de gens qui
risquent
leur propre argent pour faire du trading. Tout cela fait émerger des valeurs et il
suppose implicitement en 1904 qu'elles sont les meilleures estimations
possibles de la valeur fondamentale, et que ça permet à l'économie de tourner
et de prendre des décisions, qu'il s'agisse de construire une nouvelle usine ou
d'embaucher de nouvelles recrues en fonction de ces prix. C'est donc un très beau
système qu'il décrivait là. Jusqu'à ce qu'arrive la crise financière. Les manuels
ne tarissaient pas d'éloges
à propos du marché financier. Même vos manuels. Dans une ancienne édition, en 2002,
Fabozzi déclare : « Les informations pertinentes, publiques, amèneront à une
tarification appropriée des valeurs mobilières librement négociées sur des
marchés qui fonctionnent normalement. » Voici une vieille édition d'un autre manuel
de finance, par Richard Brealey et Stewart Myers. La théorie des marchés efficients
est
vraiment restée dans les esprits à partir de la publication du livre de
[inaudible]. Ce fut une véritable révolution intellectuelle. Mais selon Brealey,
Myers et Allen : « Les prix des valeurs mobilières reflètent
précisément les informations disponibles et réagissent rapidement aux nouvelles
informations dès qu'elles deviennent disponible. » C'est une affirmation assez
osée, qu'ils ont ensuite nuancée. « Ne vous méprenez pas sur l'idée des marchés
efficients. Elle ne prétend pas que les choses
se font sans taxes ni coûts. Elle ne prétend pas qu'il n'y a pas de gens plus futés
que d'autres. Elle implique seulement que la concurrence
est très rude sur les marchés financiers. Il n'y a pas de machine à cash, le prix
des valeurs mobilières reflète la véritable valeur sous-jacente des actifs. »
Donc la nuance n'est pas non plus si importante. Ils ne nuancent pas tant que ça.
Ils affirment quand-même que vous devez considérer les prix
que vous voyez sur les marchés comme conformes à la réalité. Ils l'ont nuancée un
peu plus tard cependant, dans leur édition de 2008, donc après le début de la crise
financière. Ils ont nuancé leur position. Je ne cherche pas à me moquer. Ce sont
des gens très compétents. Si vous lisez un manuel, leurs idées sont à remettre dans
le contexte de leur époque. Je vous montre plutôt ça pour vous montrer combien les
temps ont changé.
Désormais, ils déclarent : « Il faudra encore beaucoup de recherches pour bien
comprendre pourquoi les prix des actifs sont parfois à ce point décorrélés de ce
qui
semble être les futurs gains escomptés. » Donc la crise financière a remis un peu
en question
l'hypothèse des marchés efficients, ce qui se voit bien dans les manuels. Donc je
dirais que la théorie des marchés efficients est une révolution scientifique
apparue dans les années 60 et dans les années 70, qui a ensuite amené aux marchés
extrêmement haussiers
un peu partout dans le monde dans les années 90. À l'époque, on a considéré que
quoi que fassent
les marchés boursiers, ils avaient toujours raison. Quoi que le marché du logement
fasse,
c'est le bon choix parce que ses marchés sont efficients. Malheureusement, ce
n'était pas tout à fait exact. Le terme de « marchés efficients » a été trouvé par
Harry Roberts, bien que d'après mes recherches,
l'idée remonte à près de 100 ans avant lui. Mais on n'appelait alors pas ça
l'hypothèse des marchés efficients. Selon lui, l'efficience du marché peut prendre
trois formes. Selon la forme faible, l'information sur les prix antérieurs
ne peut pas vous aider à faire des prédictions. Selon la forme semi-forte des
marchés efficients, toutes les informations publiques sont déjà prises en compte
dans les prix du marché. Et selon la forme forte, toutes les informations, y
compris les informations privilégiées encore détenues par les entreprises
sont prises en compte dans le cours des actions, parce qu'il y a nécessairement des
fuites. Les entreprises sont incapables de garder des secrets. Je pense qu'en
pratique, on se concentre sur la forme semi-forte. Je ne crois pas que les
entreprises
soient incapables de garder de secrets. Les fuites, ça arrive, mais ce n'est pas
systématique. Ma première question est donc la suivante : l'hypothèse des marchés
efficients a été formulée il y a 50 ans, pourquoi n'est-ce encore qu'une
hypothèse ? N'est-on pas censés avoir fait assez de recherches et
récolté assez de données pour l'accepter ou la rejeter ? Autre point encore moins
compréhensible, comment a-t-on pu attribuer à la fois un prix Nobel a
une personne qui défend clairement cette théorie, Eugène Fama, et à la fois à un
critique de cette théorie, vous-même, simultanément ? Il y a beaucoup à dire sur ce
sujet. L'une d'entre elles a même plus de 50 ans. On n'utilisait pas encore le
terme « hypothèse des marchés efficients » mais cela fait des siècles qu'il y a des
gens qui pensent que les marchés sont merveilleux et parfaits. Ils ne l'ont peut-
être pas dit de façon si éloquente. Le terme de marchés efficients a été popularisé
par Eugene Fama, qui a remporté le prix Nobel avec moi. Je suis en fait un grand
admirateur d'Eugène Fama, et ses articles sur le sujet sont très intéressants. Je
dirais que l'hypothèse efficace des marchés est une demi vérité. Elle est vraie
d'une certaine manière.
Elle est bénéfique. J'essaie de vous l'enseigner. J'espère avoir réussi. Peut-être
que je ne l'ai pas suffisamment mise en valeur, mais il est utile que vous l'ayez
en tête
si vous voulez vous lancer dans l'investissement parce que vous partez probablement
avec des
attentes exagérées quant à ce que vous pouvez faire. Donc, j'ai ça à en dire. Et
Eugene Fama serait heureux de l'entendre. Mais en même temps, j'ai aussi le
sentiment
qu'elle n'est pas si efficace que ça, qu'elle n'est pas parfaite et qu'il
ne faut pas lui faire confiance. Quelqu'un qui croit en la théorie des marchés
efficients pourrait se dire que le directeur d'une banque centrale ne devrait
jamais faire de commentaires à propos du marché boursier, parce que le marché est
lui-même plus intelligent que tout autre individu. Mais à ce stade, je pense plutôt
qu'en général
, ils ne devraient peut-être pas faire de commentaires, mais qu'à certains moments,
le marché semble fou. Et je suis désolé, mais je pense que la Fed ou le directeur
de
la Banque centrale est effectivement plus intelligent que le marché, enfin...
souvent, pas toujours. Et il faut que je me dévoile et que
je fasse connaître mon opinion à ce sujet. Par ailleurs, certaines anomalies sont
apparues. Par exemple, acheter des actions à faible ratio prix/bénéfices s'est
montré payant
historiquement. Ça fait très longtemps que c'est le cas. Je pense que les théories
les plus à même d'expliquer
ce phénomène sont celles issues de la psychologie, que certaines actions se font
oublier, qu'elles sont
sous-évaluées parce que personne ne se souvient d'elles. D'autres sont surévaluées
par effet de mode. C'est quelque chose à garder à l'esprit
pour comprendre les fluctuations du marché. Donc, ça reste une hypothèse. Enfin, je
dirais... peut-être que parler d'hypothèse
est inexact. Le nom qu'on devrait vraiment lui donner c'est :
« la demi-vérité des marchés efficients ».

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