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Du carré ROTAS à l’ARACOELI

La publication récente d’une figure alchimique (Fig.2) comportant la formule SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS
sous forme circulaire a retenu plus particulièrement mon attention, dans la mesure où le dessin d’un navire, encore
jamais rencontré comme élément conjoint, en est ostensiblement le centre.
Piqué par la curiosité, je me suis reporté au document d’origine (1) pour la situer dans son « contexte », et y ai
découvert une image complexe (Fig.1) dont je vais tenter de vous décrire les étapes du décryptage.

Le manuscrit est en vieil allemand, de surcroit difficilement lisible, dont je ne saurais que repérer quelques bribes
indiquant qu’il s’agit vraisemblablement de prières et d’éléments qualitatifs permettant de silouhetter un
personnage. Pour l’heure ce détail ne revêt guère d’importance, l’essentiel du message que véhiculent ces genres
de figures résidant plus dans ce que cèlent les dessins que dans les textes eux-mêmes.

L’image est composée de trois cercles s’inscrivant dans un triangle équilatéral invisible, pointe en l’air.
Elle est entourée de trois groupes de signes alchimiques délimitant eux-mêmes un triangle inversé, l’ensemble
formant une étoile de David. A l’intérieur de l’un des cercles, d’autres signes alchimiques dont nous verrons qu’ils
constituent une clé pour décrypter le message.

Dans un premier temps, nous ne décrirons que ce que nous voyons, cercle après cercle, et pouvons en déduire.
Puis nous tenterons de mettre en rapport les éléments des uns avec ceux des autres et d’y trouver, si possible, une
cohérence. Viendra ensuite le temps des hypothèses, suivi enfin par quelques interrogations sur les intentions de
l’auteur de cette figure.

NB : Pour un meilleur confort de lecture, j’invite le lecteur à imprimer les quatre premières figures pour les avoir
sous les yeux, le texte y faisant référence sur plusieurs pages.

(1) Bruchstück einer Schrift über Alchymie und Magie. Dazwischen Hauptpsalmen gegen geistliche und
leibliche Feinde (Cod. Guelf. 1077 Novi) -S. XVIIIe
Fragment d'un traité d'alchimie et de magie. Entre les principaux psaumes contre les ennemis
spirituels et physiques (Cod. Guelf. 1077 Novi)- XVIIIème siècle
http://diglib.hab.de/?db=mss&list=ms&id=1077-novi
F 118 - p.267/562
Fig.1
Fig.2

A l’intérieur de ce premier cercle on retiendra quatre éléments notoires :


1) Un navire de guerre
2) Une double étoile de David
3) 6 feuilles de laurier (en couronne autour du navire)
4) La formule SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS entourant l’étoile.

Fig.3

Dans ce second cercle, nous retiendrons les éléments suivants :

1) Le nom de Josua, en opposition à celui de Christo


2) Le mot Bischof , en opposition à celui, moins lisible de uberw : (uberweite ?)
3) Les mots stehe Sonne , le signe en guise du S de Sonne.

4) Les autres signes alchimiques : et


5) Au centre un soleil sous sa forme rayonnante
Fig.4

Dans le troisième cercle, au-delà des mots difficilement lisibles, nous trouvons une image encore jamais
vue :

1) Un enfant rayonnant crucifié à l’intérieur d’un triangle équilatéral pointe en l’air.


2) Un triangle inversé où se profile une barque et des silhouettes qui semblent s’y accrocher.

XXX

Que peut-on déduire de ces constatations ?

En ce qui concerne la Fig. 1

Si nous ne connaissons pas l’auteur du manuscrit Cod. Guelf. 1077 Novi, ni celui de l’éventuel manuscrit original,
nous pouvons affirmer que ce dernier est postérieur à 1571, une année exceptionnelle pour l’Eglise Catholique
marquée par la victoire navale de la Sainte Ligue contre les Ottomans à Lépante (2).
Seul un événement de cette importance peut justifier la présence d’un navire de guerre en lieu et place d’un
personnage dont on voit mal pourquoi l’on en tairait le nom. (3)

En effet, il est attesté qu’à cette époque (entre le XVIème et le XVIIIème siècle) le carré SATOR représente le Christ
tant pour les autorités religieuses catholiques qu’orthodoxes, toutes deux en ayant fait un élément de calcul de leurs
computs respectifs. Il est difficile d’admettre qu’un chrétien puisse voir un lien quelconque entre le Christ et un
navire mortifère.

(2) Le 7 octobre 1571, la flotte de la Sainte Ligue (coalition formée sous l’égide du Pape Pie V), s’affronte à la flotte
ottomane du Sultan Selim II, près de Lépante, dans le golfe de Patras, sur la côte occidentale de la Grèce.
202 bâtiments et 30.000 hommes de combat pour la Sainte Ligue, contre 230 navires turcs.
Au soir du même jour, les historiens rapportent que l’on dénombra au moins 7000 morts et 20.000 blessés chez les
chrétiens, avec une perte matérielle ne se montant qu’à une douzaine de galères ; les turcs enregistrèrent plus de
20.000 morts ou blessés, 3500 prisonniers, la perte de 130 navires capturés, 62 galères coulées… un déluge de fureur
et de feu. Au soir, les chrétiens ont gagné, mais la mer est rouge du sang des victimes.

(3) La flotte papale était en effet placée sous le commandement de Don Juan d’Autriche (24 ans).
Au commandement de la capitane La Reale, Marcantonio Colonna, un noble romain, qui offrit en action de grâce
le magnifique plafond en bois de l'église de Santa Maria in Aracoeli , à Rome, au lendemain de la victoire.
Tout porte à croire que l’évocation de la bataille de Lépante n’est qu’un leurre destiné aux yeux des autorités
religieuses de cette époque (4). Nous verrons plus loin qu’un détail pourrait nous mener sur une autre voie.

L’étoile de David, quant à elle, peut être vue sous plusieurs angles. Soit sous celui de l’alchimiste, avec la conjonction
de l’eau et du feu (5), soit sous celui de l’hermétiste, qui y voit la nature de l’homme (6).
La double étoile pourrait signifier la double nature du personnage, c’est-à-dire qu’il ait été considéré de son vivant
tout à la fois comme homme et dieu. Elle nous ramène à l’image du Messie.

Les feuilles de laurier, en forme de couronne, symbolisent la Sagesse et la Gloire. Depuis l’antiquité elles sont
associées au dieu Apollon (7).

En ce qui concerne la Fig. 3

1) Le nom de Josua, en apposition à celui de Christo

Josua désigne nommément le prophète Josué de l’ancien testament, qui a souvent été très tôt mis en parallèle avec
Jésus-Christ par les chrétiens, le traducteur Juif du livre de Josué en grec ayant rendu l'hébreu " ‫" יהושע בן נון‬
(Yehoshua ben Nun) par "Ιησους υιος Ναυη" (Yésous uios Naué)… et "Ιησους", c'est "Jésus".
On verra ainsi en Josué un précurseur, une préfiguration du Christ.(8)

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(4) On se souviendra du discours alchimique considéré comme discours hétérodoxe dans la seconde moitié du
XVIème et du XVIIème siècle. L’alchimiste allemand Heinrich Kuhnrath (1560-1605) en fit les frais lors de la parution
de son « Amphitheatrum sapientiae aeternae » où il écrivait :
« Celui-ci (le fils des philosophes), fils du Macrocosme est Dieu et créature…Celui-là (le Christ) est fils de Dieu,
theanthropos, à la fois Dieu et homme :le premier conçu dans le ventre du Macrocosme, le second dans le ventre du
Microcosme, les deux issus d’un ventre vierge…C’est sans blasphémer que je dis que dans le livre ou le miroir de la
Nature, la pierre des philosophes, le conservateur du Macrocosme, est le symbole de Jésus Christ mort sur la Croix,
sauveur de toute l’humanité, c’est-à-dire du Microcosme. Par la pierre vous connaîtrez le Christ sous une forme
naturelle, et par le Christ, la pierre. »
Son ouvrage fut condamné en 1625.

(5) L’eau étant représentée par un triangle équilatéral pointe en bas ; le feu par un même triangle pointe en haut.
Leur superposition, la croix de David, symbolise la dissolution par l’eau et la renaissance par le feu.

(6) Le triangle pointe en bas représentant la Sagesse de Dieu se répandant en l’Homme, celui la pointe en haut
représentant l’élan de l’Homme vers Dieu.

(7) Daphné, fille de Ladon, dieu des fleuves, était chérie d’Apollon. Lorsque le désir d’Apollon se fit trop pressant, elle
alla se réfugier auprès de sa mère Gaïa qui la métamorphosa en laurier (Laurus nobilis).
Pausanias rapporte que le plus ancien temple dédié à Apollon à Delphes était bâti en branches de laurier.
Quant à Pline, il confirme dans son « Histoire naturelle – Livre XV », qu’au premier siècle de notre ère,
« le laurier est consacré spécialement aux triomphes; il se plaît même dans les maisons ; il garde la porte des
empereurs et des pontifes; seul il orne les palais, et veille sur le seuil. Le laurier est pacifique (…) Ce n’est point parce
qu’il est toujours vert, qu’il est pacifique (à ces deux titres l’olivier lui serait préférable), mais c’est parce qu’il est le
plus bel arbre du Parnasse, et pour cela aimé d’Apollon (…) Dans la suite, Auguste, triomphateur, tint dans la main
une branche de ce laurier, et en porta sur la tête une couronne ; tous les empereurs ont suivi son exemple.

(8) Josué s'appelle d'abord Hoshea, fils de Noun, ‫ הושע‬en hébreu. C'est Moïse qui le renomme Josué dans le Livre des
Nombres 13:16 : « Tels sont les noms des hommes que Moïse envoya pour explorer le pays. Moïse donna à Hoshea,
fils de Noun, le nom de Josué. » (Wikipédia)
2) Le mot Bischof , en apposition à celui, moins lisible de uberw : (uberweite ?)

Le mot « Bischof » signifie « Evêque » en allemand, et « uberw… » pourrait correspondre à « très, très grand »
Josué n’était certes pas évêque, mais c’est lui qui donna l’ordre aux prêtres qui portaient l’Arche d’Alliance de
précéder le peuple pour traverser le Jourdain (9), et à sept autres, à Jéricho, de prendre les trompettes de jubilé et
de jouer sept jours durant, marchant devant l’Arche et suivis de quelque 40.000 combattants, en faisant le tour des
remparts.
Prophète et chef de guerre implacable (10).

3) Les mots stehe Sonne , le signe en guise du S de Sonne.


Les mots « stehe Sonne » peuvent évoquer l’arrêt du soleil durant la bataille de Gabaon (11), mais le signe
alchimique représentant la phase Calcination de l’Œuvre, laisserait plutôt à penser qu’il s’agirait de la bataille
d’Asor, que Josué incendiera, ainsi que toutes les villes voisines (12).
Ce signe correspond également au signe astrologique du Bélier.

4) Les autres signes alchimiques.


Au nombre de deux :

L’étoile à six branches , réalisable en un trait, représente la Pierre Philosophale,


pointée d’une flèche en direction du signe du Lion , qui représente essentiellement le Soufre (13).
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(9) Josué (III-6) : « Et il dit aux prêtres : Prenez l'arche d'alliance et précédez le peuple. Ils exécutèrent cet ordre,
prirent l'arche et marchèrent devant le peuple. »
Et ait ad sacerdotes. Josué parle comme prophète et commande même aux prêtres, ce qu'un chef ordinaire n'aurait
pu faire.

(10) Josué (VI- 19 et 21) : « Que tout ce qu'il y aura d'or et d'argent, et de vases d'airain, et de fer soit conservé au
Seigneur et déposé dans ses trésors » … « Et ils tuèrent tout ce qui s'y trouvait, hommes et femmes, enfants et
vieillards. Ils frappèrent aussi de la pointe du glaive les bœufs et les brebis, et les ânes. »

(11) Adonisédech, roi de Jérusalem, vient assiéger Gabaon avec quatre autres rois. A la demande des Gabaonites,
Josué vole à leur secours et met les ennemis en déroute. Pendant leur fuite le Seigneur fait tomber sur eux une grêle
de pierres. C'est alors que Josué commande au soleil et à la lune de s'arrêter pour que le jour se prolonge.
(Josué : X-13) : « Et le soleil et la lune s'arrêtèrent, jusqu'à ce que le peuple se fût venge de ses ennemis. N'est-ce pas
écrit dans le livre des Justes ? Le soleil s'arrêta donc au milieu du ciel et ne se hâta point de se coucher durant
l'espace d'un jour. »

(12) Josué (XI- 10-12) :


10. Et se retournant aussitôt il prit Asor et il frappa du glaive son roi. Car Asor tenait jadis le premier rang parmi tous
les royaumes.
11. Et il frappa tous les habitants qui demeuraient et il n'y laissa rien rester, mais il dévasta tout jusqu'à
l'extermination, et il détruisit la ville elle-même par l'incendie.
12. Et il prit, frappa et détruisit toutes les villes d'alentour et leurs rois, comme le lui avait ordonné Moïse, serviteur
du Seigneur.

(13) C’est Don Pernety qui écrit :


« Lion. Les Philosophes Chymistes emploient souvent ce terme dans leurs ouvrages, pour signifier une des matières
qui entrent dans la composition du magistère. En général c’est ce qu’ils appellent leur Mâle ou leur Soleil, tant avant
qu’après la confection de leur mercure animé. Avant la confection, c’est la partie fixe, ou matière capable de résister
à l’action du feu. Après la confection, c’est encore la matière fixe qu’il faut employer, mais plus parfaite qu’elle
n’était avant. Au commencement c’était le Lion Vert, elle devient Lion Rouge par la préparation. C’est avec le
premier qu’on fait le mercure et avec le second qu’on fait la pierre ou l’élixir. Lorsqu’on trouve dans les écrits des
Philosophes le terme de Lion employé sans addition, il signifie le soufre des Sages, soit blanc, qu’ils appellent aussi Or
blanc, soit rouge, qu’ils nomment simplement Or. »
5) Au centre un soleil sous sa forme rayonnante

En apposition avec le navire de guerre du cercle de gauche qui évoque un événement derrière lequel l’alchimiste
cache un personnage, ce soleil, quant à lui, peut figurer plusieurs choses :
Sous sa forme alchimique, il serait représenté par un cercle avec un point au milieu ( ). Signe qui correspond à l’Or.
Pour l’évangéliste, l’or que les mages lui présentèrent évoque la royauté de l’enfant Jésus (14).
Pour de nombreux chrétiens, le soleil figure la personnalité même du Christ (15).
On ne peut écarter ici la figuration du dieu Appolon.

En ce qui concerne la Fig. 4

1) Un enfant rayonnant crucifié à l’intérieur d’un triangle équilatéral pointe en l’air.

Le triangle est visiblement celui du feu couvrant celui de l’eau et le prédominant. C’est l’élément qui est attraction
vers le haut et les pieds de l’enfant agenouillé semblent vouloir échapper à la Nature elle-même, désignant ainsi
l’Enfant Jésus comme étant déjà Christ depuis sa naissance, avant même d’avoir subi l’Epreuve de la Croix
L’enfant crucifié rappelle la vision d‘Angela della Pace, stigmatisée en 1635 (16).

2) Un triangle inversé où se profile une barque et des silhouettes qui semblent s’y accrocher.

Le triangle inversé, symbole de l’eau, de la grâce qui émane de Dieu, dont même Jésus eut besoin (17)
La barque peut évoquer la scène de la pêche miraculeuse rapportée par l’évangéliste Luc (18)
Elle peut évoquer également la légende du « Santo Bambino » (19), l’une des silhouettes étant penchée par-dessus
bord pour en (r)attraper une autre.

(14) In (Matthieu 2-2) : « Ils demandaient : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? »

(15) Dans une méditation sur la Transfiguration, Pierre de Montboissier, dit Pierre le Vénérable (1092-1156),
neuvième abbé de Cluny, présente le Christ comme le Vrai Soleil. Origène (né vers 185 et mort vers 253), premier
commentateur des Ecritures, le nomme « Soleil de Justice ».
Entre le IIIème et le Vème siècle, la religion chrétienne eut peine à se distinguer des autres religions, et plus
particulièrement du culte solaire, qui les dominait toutes.

(16) « C’est en jetant les yeux dans une chapelle de saint François, sur l’image de sa stigmatisation, qu’Angela della
Pace crut entendre le saint lui parler et répondre à la demande qu’elle lui faisait. — Ce ne sont pas des plaies que tu
vois, mon enfant, dit-il à Angela, qui n’avait alors que neuf ans, ce sont des joyaux. Et comme la petite exprimait le
vœu d’en recevoir de semblables, elle vit soudain s’ouvrir la voûte de la chapelle et en descendre le Sauveur sous la
figure d’un enfant, crucifié, tout environné de lumière et lui imprimer les miraculeuses plaies. » (Alfred Maury. Les
mystiques extatiques et les stigmatisés. Article paru dans la revue « Annales médico-psychologiques », (Paris),
2e série, tome premier, 1855, pp. 181-232.

(17) « L'humanité du Christ n'est pas pour la divinité un instrument inanimé qui serait mû sans se mouvoir lui-même.
C'est un instrument animé par une âme rationnelle, qui se meut en même temps qu'il est mû. Et c'est pourquoi, pour
parfaire son action propre, il lui faut la grâce habituelle. » (SAINT THOMAS D’AQUIN- Somme théologique -Pars IIIa-
Le Verbe incarné- Question 7-Art.1-Sol.3)

(18) Luc (5, 10-11) : 10 Il en allait de même pour Jacques et Jean, les fils de Zébédée, les associés de Simon.
Jésus dit à Simon: «N'aie pas peur, désormais tu seras pêcheur d'hommes.»
11 Alors ils ramenèrent les barques à terre, laissèrent tout et le suivirent.

(19) http://notesditinerance.canalblog.com/archives/2013/06/01/27480987.html
XXX
Au vu de cet assemblage d’images, un nom vient à l’esprit, celui de Paracelse (20).
C’est peut-être avec les symboles alchimiques empruntés à Paracelse que l’auteur du manuscrit a tenté de nous
livrer un message.
En effet, nul ne saurait y voir la formule, cachée derrière des images, du processus du Grand Œuvre, c’est-à-dire « la
réalisation de la pierre philosophale susceptible de transmuter les métaux, de guérir à coup sûr et d'apporter
l'immortalité » ou tout autre « modus operandi » alchimique.

Les oppositions aux « idolâtries de l’Eglise Romaine » comme celle de Paracelse, étaient alors systématiquement
détruites par les autorités religieuses. Tout écrit « subversif » ne pouvait donc être lisible que par un public « initié »
et donc rédigé en style sibyllin nécessitant une ou plusieurs clés pour être interprété. (21)

Nous pouvons donc supposer que malgré l’habillage religieux s’appuyant sur des allusions à l’ancien testament, à la
crucifixion, à la victoire navale de la Sainte Ligue et au carré SATOR qui, pour les Eglises tant Romaine qu’Orthodoxe,
représentait le Christ, ces images recouvrent un autre sens qu’il était impératif de cacher, sous peine d’être
convaincu d’hérésie.
Y aurait-il la possibilité de voir autre chose derrière les figures du navire, du prophète et de l’Enfant crucifié ?
Existe-t-il un signe, dans l’une ou l’autre de ces trois figures, qui puisse servir de clé pour cette porte ouvrant sur
l’invisible ?

(20) C’est Théophraste Bombast de Hohenheim, dit Paracelse (1493 – 1541), médecin philosophe, théologien et
alchimiste, qui écrit :

" C'est donc de Feu et de Terre que Dieu doit former l'univers " …
" Tout ce qui existe et vit possède une âme. Qu'est-ce que l'âme, sinon une partie de l'âme divine" …
" La transmutation est une régénération de l'âme humaine. Grâce au feu, elle permet de passer de l'imperfection à la
perfection. C'est là le but suprême de l'alchimie : la purification de l'âme, les métamorphoses de l'esprit.
Ainsi, l'alchimiste doit-il être un croyant sincère, il doit vivre harmonieusement, s'affranchir du mensonge, être
dépourvu d'ambition, ne jamais tremper dans aucune entreprise coupable".

Profondément croyant, mystique, fondant essentiellement sa foi sur l’enseignement du Christ, il dénonce dans
un réquisitoire les comportements de l’Eglise Romaine, plus centrée sur les aumônes, les bénédictions et les
cérémonies pompeuses que sur les paroles du Christ recommandant « de vivre selon la pauvreté. »

Il n’y avait pour Paracelse qu’une religion, celle d’unir l’esprit de l’homme à l’esprit divin : « La croyance n’est pas la
foi... Dieu ne nous désire pas crédules ni sots... Nous devons apprendre à connaître Dieu et seulement en acquérant
la sagesse. Pour cela il nous faut l’amour de Dieu, mais ce dernier ne naîtra en nos cœurs qu’avec un ardent amour
pour l’humanité. Le Dieu du Macrocosme et le Dieu du Microcosme agissent l’un sur l’autre ; tous deux ne sont
qu’un en essence, car il n’y a qu’un Dieu, une loi, et une nature par lesquels la sagesse peut se manifester. »
(De Fundamento sapientiæ).

Des Quatre éléments fondamentaux (terre, eau, air et feu) existant en tout corps selon la théorie d’Empédocle
(Vème siècle avant J.C), Paracelse privilégie le Feu, l’Astrum, feu habitant les quatre éléments ; tout comme
Peripatos (IIème siècle avant J.C.), qui avait élaboré la théorie de la quintessence, la cinquième essence, l’éther.
Cicéron (Ier siècle avant J.C.) estimait que la quinte essence était la matière de l’âme.

Au mercure et au soufre, qui étaient jusque-là les substances de base de l’alchimie, il ajoute le sel,
vraisemblablement dans un esprit de cohérence avec sa conception trinitaire de Dieu.

(21) En 1536, Paracelse publia « Le Livre de la Pronostication », livre de prophéties s’étalant sur plus de vingt ans.
Il en écrit lui-même l’avant-propos : « Les figures et dessins qui suivent sont inspirés de la magie (haben ihren
Ursprung in der Magie) en accord avec les constellations des astres (und stimmen mit der Konstellation der Gestirne
überein)... Elles ne sont ni fausses, ni trompeuses. Il est donc possible, au moyen des corps et images magiques, de
montrer ce qui doit nous arriver dans notre imprévoyance. »
Le signe alchimique représentant la Digestion est aussi celui du Lion en astrologie.
Le signe alchimique représentant la Calcination est aussi celui du Bélier en astrologie.(22)

La Digestion se veut être une cuisson lente de la matière avec une chaleur humide.

Paracelse pensait que la seule manière de réussir à extraire la Quintessence de la plante était de la détruire, de la
tuer. Le « Feu » était alors considéré comme le principe combustible. (23)

La clé cherchée pourrait donc être ce qui se trouve derrière la Calcination, c’est-à-dire le Bélier.
Existerait-il un lien entre Josué et un bélier ?
Il y a bien les « cors de béliers » dans lesquelles soufflent les 7 prêtres lors de la prise de Jéricho, mais nous avons vu
que la bataille d’Asor est celle qui doit être retenue en fonction de l’arrêt du Soleil.
Il semble qu’il faille changer de paradigme et chercher un personnage en relation à la fois avec Josué et avec un
bélier.

Il ne faut pas chercher très loin pour le trouver, les historiens et les théologiens ayant depuis longtemps établi un
lien évident entre le Josué de la Bible et le Jason (24) de la mythologie grecque. (25)

Le problème étant que certains alchimistes contestaient l’antériorité des personnages bibliques à ceux des mythes
grecs plus anciens à leurs yeux. (26)
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(22) Lion et Bélier (tout comme le Sagittaire) étant liés au « Feu »

(23) Paracelse dit que ce qui brûle est Soufre, ce qui s’élève en fumée est Mercure, ce qui se résout en cendre est
Sel.
Le « Soufre » représentait le principe inflammable donc l’« Âme ».
Le « Mercure » était l' « Eau » ou l' « Esprit ».
Paracelse fait du « Sel » un corps de la terre. Par exemple, quand du bois brûle, la partie qui brûle réellement est le
Soufre, qui vaporise le Mercure, transformant les cendres en « Sel ».

(24) Jason est le fils d’Aeson, oncle d‘Ulysse et roi légitime de Iolcos, dont le demi-frère Pelias aurait usurpé le trône.
Couvert d’une peau de panthère, portant une lance dans chaque main, et le pied gauche dénudé il vient réclamer à
son oncle le pouvoir qui lui revient légitimement. Pelias lui demande en échange de lui ramener « la Toison d’or », la
peau de Chrysomallos, fils de Poséidon, bélier ailé à la toison et les cornes d’or doué de la parole, sacrifié en
l’honneur de Zeus et dont la peau a été donnée à Aetès, roi de Colchide, qui l’a suspendue à un chêne et la fait
garder par un dragon et quelques hommes armés. Médée, la fille du roi Aetès trahira son père en aidant Jason et ses
compagnons Argonautes à s’emparer de la Toison d’or.

(25) Saint Augustin dit que l’origine de la fable de Jason et des Argonautes est rapportée par les Grecs au temps où
les hébreux étaient gouvernés par des Juges, après Josué.
On lira avec intérêt le « JOSUE » du Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet :
https://www.levangile.com/Dictionnaire-Biblique/definition-calmet-2704-Josue.htm

(26) La mythologie grecque acquérant une réalité littéraire avec les écrits du poète Homère au VIIIème siècle avant
J.C., et à l’époque où a été rédigé « notre » manuscrit, les plus anciens textes religieux hébraïques connus
concernaient la codification des pratiques religieuses et avaient été rédigés durant la captivité babylonienne des Juifs
au VIème siècle avant J.C.
En se basant sur une tradition orale, les débuts de la civilisation grecque peuvent être estimés à 2.000 ans avant J.C.,
alors que les écrits hébraïques ne peuvent être plus anciens que l’Exode, estimée avoir eu lieu entre 1.400 et 1.240
avant J.C. par la quasi-totalité des archéologues . Seul l’un d’entre eux (Emmanuel Anati) propose le dernier quart du
IIIème millénaire avant J.C. et a, bien sûr, reçu les encouragements du Vatican.

XXX
Josué étant considéré par l’Eglise comme une figure du Christ, Sauveur du Monde, en quoi Jason pouvait-il lui être
comparé ?
En fait, nous voguons de paradigme en paradigme, car le « personnage » que nous montre avec insistance l’auteur
du manuscrit pourrait être le Bélier Chrysomallos qui, aux yeux des hermétistes, avait de grandes ressemblances
avec celui du sacrifice d’Isaac et évoquait aussi par ailleurs la venue dans le monde de Jésus s’offrant en sacrifice.

Chrysomallos est un passeur, comme le Christ sera passeur d’âmes. C’est un Sauveur.
Il ne sera transformé en Constellation qu’à la mort de Phrixos.
En transportant par les airs les deux enfants de Béotie en Colchide, il les fait entrer dans un autre espace, puis dans
un autre lieu où ils s’épanouiront en une autre nature. (27)
Le tracé de son vol représente les deux côtés d’un triangle équilatéral, pointe en l’air, dont la base sera le chemin
emprunté par Jason et les Argonautes. Triangle du Feu que l’on retrouve dans la Fig.4.

A ce stade de notre réflexion, il convient de mettre en évidence les points communs aux trois figures étudiées.

1) L’étoile de David, plus exactement les triangles Eau et Feu, se retrouve(nt) dans les Fig.2 et 4.

2) C’est le soleil qui domine dans les Fig.3 et 4. Il est inexistant dans la Fig.2

3) Le Sauveur est figuré par l’Enfant crucifié, le Passeur d’âmes dans la Fig.4 ; par Jason, le passeur d’hommes
qui fit traverser le Jourdain aux Hébreux et Chrysomallos, le Bélier, dans la Fig.3.

Le personnage suggéré par le navire de guerre devrait donc avoir à la fois un lien avec le soleil et la notion de
Sauveur.
Le jeune Don Juan d’Autriche ne semble guère lui correspondre, bien que pour les autorités religieuses de l’époque il
ait pu y être assimilé, tant parce que titulaire de la Toison d’Or que pour avoir reçu des mains du Pape « la Rose
d’Or » pour sa victoire sur les Ottomans à la bataille de Lépante. (28)

Nous verrons plus loin le lien pouvant exister entre le commandant de la capitane La Reale, Marcantonio Colonna,
mais aucun des deux vainqueurs de Lépante ne fut jugé digne d’être nommé « Sauveur » par l’Histoire.

Il nous faut donc revenir au dessin du navire de guerre de la Fig.2 et voir si l’on peut en extraire un détail signifiant.
En fait, ce qui semblait représenter une échelle pourrait être en fait une passerelle d’abordage, appelée « corbeau »,
que seuls les navires de guerre romains possédaient, lorsque les armes à feu n’existaient pas, et que les corps à
corps de l’infanterie devenaient nécessaires pour « neutraliser » l’ennemi et ramener ses navires intacts en prise de
guerre.

(27) Sans entrer dans le détail de la légende, rappelons brièvement que Zeus convoque Chrysomallos, le bélier ailé à
la toison et les cornes d’or doué de la parole, et lui donne pour mission d’aller sauver deux enfants, Phrixos et Hellé,
frère et sœur, tous deux en grand danger de mort, leur père, Athamas, fils d’Eole et roi de Béotie, ayant voulu
sacrifier Phrixos.
Chrysomallos enlève donc les enfants pour les emmener chez Aetès, fils du Soleil et roi de Colchide. Seul Phrixos
arrive à bon port, Hellé, prise de vertige, ayant lâché prise. Elle sera recueillie par Neptune à qui elle donnera deux
enfants.
Pour remercier le roi de son accueil, Phrixos sacrifie le Bélier, à la propre demande de ce dernier, en l’honneur de
Zeus et offre la toison d’or au roi.

(28) Ce fut la première victoire des Chrétiens contre les Ottomans, mais aussi importante qu’elle ait été sur le plan
idéologique, commercial et économique, elle ne fut pas le facteur de changement que L’Eglise en attendait, les
Ottomans conservant leur suprématie sur terre et reprenant en quelques années celle sur mer.
Pour autant, si ce fut une grande bataille, elle reste certainement la plus sanguinaire de l’Histoire, et la Ligue dut plus
sa victoire à la déroute totale des Ottomans, qui virent leur Commandant, l’Amiral Ali Pacha Müezzinzadé, fait
prisonnier et décapité par Don Juan en personne.
Il pourrait donc s’agir non pas d’une représentation de la bataille de Lépante, mais de celle d’Actium, qui eut lieu
en -31 avant J.-C., c’est-à-dire près de 1.600 ans auparavant.

Et là, la dissimulation du personnage prendrait tout son sens, dans la mesure où nous avons déjà envisagé (29)
l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’Octave, futur empereur Auguste, qui répondait aux titres suivants :

1) Fils d’Apollon qui refusa d’être divinisé de son vivant (30). Apollonisé après sa mort.

2) Maître du feu et de l’eau qui détruisaient depuis des siècles la ville de Rome.

3) « Sôter », « Sauveur des Hellènes et du monde entier ». Sauveur, car ayant apporté la Paix à ses contemporains.
On peut encore admirer l’Autel de la Paix d’Auguste ( Ara Pacis Augusti) à Rome.(31)

Un quatrième indice aurait pu le relier à la nature solaire du Bélier, une pièce


de bronze.
Un « Dupondius Octave et Agrippa », d’une valeur de 2 as, avec à son
revers une proue de galère surmontée d’un bouclier orné d’une tête de
bélier. Jusqu’il y a peu de temps on hésitait sur la signification de cette tête
de bélier, que l’on désignait souvent comme l’emblème des vétérans de la IIe
Légion Gallica. (Fig.5)

En effet, le signe astrologique de la naissance d’Octave était la Balance, mais


dès qu’on lui eut attribué le titre d’« Augustus », qui signait le passage de la
République à l’Empire, il exigea que toutes les monnaies soient ornées du
signe du Capricorne.
Fig.5

Des fouilles archéologiques récentes ont permis de découvrir d’antiques galères qui furent prises à Antoine lors de la
bataille d’Actium, galères qui portaient une tête de bélier en proue. Ces têtes de béliers n’avaient rien à voir avec le
personnage d’Octave, mais célébraient pour la postérité la victoire d’Actium.

Nous sommes loin d’avoir épuisé toutes les mises en relation des symboles hermétiques et alchimiques de ces
trois figures, mais on ne saurait conclure sans avoir tenté de trouver le lien qui peut exister entre l’Empereur
Auguste et l’Amiral Marcantonio Colonna, vainqueur de la bataille de Lépante.

Entre – 52 et – 49 avant J.-C., le poète Virgile écrit les « Bucoliques » qui, dans la quatrième églogue, y glorifie
Octave, le futur Auguste (d’autres diront plus tard le Christ) et prophétise la naissance d’un enfant initiateur d’un
nouvel âge d’or.
Il y évoque Octave, « Apollon déjà régnant », un nouveau navire Argo et un bélier paissant qui teindra sa blanche
toison des suaves couleurs de la pourpre ou du safran, et enfin l’enfant « digne rejeton de Jupiter », à qui il dit :
« Enfant, commence à connaître ta mère à son sourire ».

Un texte du XIIème siècle (32) rapporte la vision qu’aurait eu l’empereur Auguste après avoir convoqué la sybille
Tiburtine pour l’interroger s’il devait ou non se laisser adorer comme un dieu.
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(29) Voir l’ article : « Le carré ROTAS était-il un talisman ? »


https://www.facebook.com/groups/457148744346444/files/files
(30) Allusion à Chrysomallos qui ne sera déifié qu’après la mort de Phrixos, comme s’ils faisaient parties l’un et
l’autre d’une même identité, âme et corps.
(31) Le temple d’Auguste « Bienfaiteur et Sauveur » à Philae est daté de -13/-12 av. J.-C.
(32) « Mirabilia Urbis Romae »
« …aussitôt le ciel s’ouvrit et une extraordinaire splendeur s’offrit à lui. Il vit dans le ciel une très belle vierge debout
sur un autel et tenant un enfant dans les bras. Rempli d’une grande admiration, il entendit une voix qui lui disait : «
Voici l’autel du fils de Dieu ». Et aussitôt, tombant à terre, il l’adora. Il rapporta cette vision aux sénateurs, qui eux
aussi furent dans une grande admiration. » (33)

Auguste fit construire un autel portant l'inscription « Ara primogeniti


Dei » (« premier-né de Dieu ») à l’endroit même où il eut cette vision.

C’est sur cet emplacement que fut construite l’église Sainte-Marie d'Aracœli
où en 1.571 se tinrent les célébrations honorant Marcantonio Colonna, l’un
des vainqueurs de la bataille de Lépante, qui offrit en ex-voto le plafond en
caissons de bois dorés (34), dont le central représente une « Vierge à
l’Enfant », curieusement « non nimbés », à l’inverse des autres
représentations figurant dans la Basilique. (Fig. 6)

Ainsi l’Amiral Colonna, qui venait de voir périr plus de 7.000 soldats
chrétiens dans cette bataille à laquelle il avait survécu, aurait pu remercier
plus précisément la Vierge et l’Enfant entrevus par l’illustre Empereur
Auguste et qui l’avaient protégé.
Vierge qui fut promptement récupérée par les autorités religieuses
chrétiennes et assimilée à la mère du Christ.

Un autre indice peut attirer notre attention : L’un des caissons (Fig.7) est
orné d’une galère que l’on nous présente comme appartenant à la flotte
turque, avec pour description :
Fig.6 « Etendard militaire turc faisant signe de reddition ».

Or cette galère n’a strictement rien en commun avec les


galères turques de la bataille de Lépante, mais ressemble par
contre étrangement à celle de la Fig.5, dont l’avers représente
les visages opposés d’Octave et Agrippa.

Un grossissement de l’image permet de reconnaître un


ensemble de symboles, dont un Bélier (à gauche du tableau),
un Zodiaque à droite, avec le signe astrologique du Bélier mis
en évidence, mais surtout un Capricorne sur le flanc du bateau,
signe distinctif de l’Empereur Auguste.

Fig.7

(33) https://artifexinopere.com/blog/interpr/iconographie/donateurs/avec-la-madonne/visions-mystiques/3-2-1-
lapparition-a-auguste-la-vision-de-lara-coeli-sur-la-droite/

(34) Œuvre de Flaminio Boulanger, Charpentier du Cercle de Michel-Ange.

(35) Il sculptera dans la frise des motifs de rostres, de sirènes, de dauphins …et de dragons dorés (ce dernier figurant
sur les armes de la famille du Pape Grégoire XIII, nouvellement élu).
C’est Grégoire XIII qui réforma en 1582 le calendrier, en rattrapant les dix jours de retard par rapport au soleil.
http://gperilhous.free.fr/MGenealogie/Cours/Annexes/Changement.html
On peut alors imaginer, mais tout ne reste qu’hypothèse, que le dessinateur de « notre » manuscrit ait voulu nous
rappeler ce Santo Bambino en remplaçant le Christ par un enfant, genoux pliés, et nous guider ainsi de bond en
bond, vers l’Aracoeli et les légendes autour de sa construction, nous menant jusqu’à son plafond sculpté par un
« disciple » de Michel-Ange (35), résistant tout comme lui au Livre, à la théologie, refusant toute soumission au Pape
et l’honorant à sa manière en le représentant sous la forme d’un dragon ailé doré, symbole du gardien de la Toison
d’Or , mais aussi du Mal et des tendances démoniaques.

On peut aussi imaginer que son dessein ait été de nous amener à considérer que ce caisson central du plafond de
l’Aracoeli soit un immense talisman, bordé de quatre motifs en forme de T, enserrant chacun une roue représentant
l’univers tournoyant autour du Soleil, et que le personnage invisible symbolisé par le navire de guerre dans la Fig.1
est celui que représente réellement la formule du carré SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS, récupérée par les
Eglises au profit du Christ.(36)

XXX

Reste à proposer une interprétation des trois étoiles qui encadrent la Fig.2.
L’étoile représente l’Homme, deux traits verticaux « sphère en bas » représentent un jour, deux traits
« sphère en haut » représentent une nuit. Le carré sous l’étoile du bas représente la Terre.
Le « X » et le « S » au-dessus des étoiles du haut signifie CHRISTUS,
L’étoile du bas jointe au carré de la Terre désigne ADAM.

Fig.8

L’ensemble forme un triangle pointe en bas, et représente le triangle caché derrière celui de l’Enfant crucifié de la
Fig.4.

Une nuit et deux jours, le temps entre la Crucifixion et la Résurrection de Celui que Saint-Paul appelle « Le dernier
Adam ». (37)

C’est sous le pape Pie V, en l’an 1570, que fut révisé le missel romain, à la suite du Concile de Trente, et que la notion
de consubstantialité, notion pourtant introduite par les Pères de l’Eglise dès le Concile de Nicée (en 325) fut
introduite dans le Credo.
La consubstantialité, c’est l’Unité et l’identité de substance entre les trois personnes de la Trinité, ce qui revient à
dire que Jésus était déjà Dieu à sa naissance. On parle de « préexistence du Christ ».

(36) Avec encore un peu plus d’imagination, on peut remplacer les sirènes qui ornent les vases reposant sur les deux
lettres « T » latérales, ainsi que les « double S » reliant les « T » à la mandorle, par les lettres AREPO à gauche, et
OPERA à droite, le talisman le plus efficace, et donc le plus protecteur, étant celui qui se dissimule le plus aux yeux
des esprits malins.

(37) Première lettre de Saint Paul aux Corinthiens (15,45-49)


« C’est ainsi qu’il est écrit : Le premier homme, Adam, a été fait âme vivante ; le dernier Adam, esprit vivifiant.
Mais ce n’est pas le spirituel qui paraît d’abord ; c’est le psychique, puis le spirituel.
Le premier homme, issu du sol, est terrestre, le second, lui, vient du ciel.
Tel a été le terrestre, tels seront aussi les terrestres ; tel le céleste, tels seront aussi les célestes.
Et de même que nous avons porté l’image du terrestre, nous porterons aussi l’image du céleste. »
Mais dès le début du Christianisme de nombreuses sectes rejetèrent cette croyance et furent considérées comme
hérétiques et les sanctions prises à leur encontre par nombre de papes allèrent de l’exil à la torture jusqu’à la
condamnation au bûcher.

Il ne faisait guère bon d’exprimer une conception personnelle sur la nature de Jésus, notamment au XVIème siècle et
plus particulièrement sous le pape Pie V. (38) et l’on comprend que les idées non conformes au dogme aient été
transmises au moyen de langages codés sous forme de dessins inclusifs, de signes astrologiques et alchimiques,
échangés au sein de cénacles hétérodoxes.

Nos trois signes alchimiques révèlent donc que l’auteur du dessin signe sa croyance en un Nouvel Adam, né Homme,
comme tous les humains, et n’ayant acquis sa nature divine de CHRISTUS que par la Crucifixion.

Alors que l’orthodoxie nous enseigne que de sa double nature, humaine et divine, Jésus-Christ retourne en l’Unité
trinitaire (l’Enfant dans son triangle de Feu), l’auteur le ramène à notre propre condition humaine, puisque (selon
nos œuvres et l’orthodoxie), nous sommes tous voués au même destin ( ressusciter des morts) (39), et nous rappelle
qu’ en tant qu’hommes, nous sommes tous prêtres, prophètes et rois, membres du Corps du Christ.
Les Trois étoiles nous représentent tout autant qu’elles s’adressent au Christ, avec l’Espérance de participer au Corps
divin le jour de la résurrection.

L’auteur nous désigne, dans ce ternaire qui nous constitue, le Prêtre, qui est l’Enfant crucifié (40), le Prophète, qui
est Josué (41). Le personnage caché derrière le navire de guerre est le Roi.

XXX

Il y a bien d’autres messages cachés dans ce « Fragment d’un Traité d’alchimie et de magie », essentiellement dans
d’autres images et je vous invite à vous y reporter.
Celle-ci concernait l’origine présumée du carré SATOR, du moins celle que l’on avait transmise à l’auteur du fascicule.
Précaution ultime afin de ne pas éveiller quelque censeur, il dessina la formule en « couronne », de manière à ce que
l’on puisse la lire telle qu’elle pouvait l’être 1500 ans auparavant, c’est-à-dire ROTAS OPERA TENET AREPO SATOR.

G.H.

(38) Il fulmine la Bulle « De salute Gregis dominici » interdisant formellement et « ad vitam » les courses de
taureaux, « considérant que ces spectacles où taureaux et bêtes sauvages sont poursuivis dans l’arène ou sur la
place publique sont contraires à la piété et à la charité chrétiennes, et désireux d’abolir ces sanglants et honteux
spectacles dignes des démons et non des hommes »…sous peine d'excommunication immédiate ou d’anathème
contre tout catholique qui les autoriserait et y participerait.
Par ailleurs il forme la Sainte Ligue avec l’Espagne et la République de Venise qui remporte la Bataille de Lépante
contre les Ottomans. Le bilan en pertes humaines se montant à près de 60.000 hommes tués ou blessés en une
journée.

(39) « On est semé corps psychique, on ressuscite corps spirituel.) (Paul Cor-1,15-44)

(40) « Le Christ n’accède pas à la prêtrise en vertu d’une loi de filiation humaine, mais selon une puissance de vie
indestructible. (Heb 7, 16)

(41) « Car, si Josué leur eût donné le repos, il ne parlerait pas après cela d’un autre jour. 9 Il y a donc un repos de
sabbat réservé au peuple de Dieu. 10 Car celui qui entre dans le repos de Dieu se repose de ses œuvres, comme Dieu
s’est reposé des siennes. » (Heb 4, 8-10)

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