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La « Parole » cachée

J’ai toujours pensé que si un message avait été caché dans le carré
ROTAS, il devait être simple à déchiffrer, tout au moins pour les amateurs
de carrés magiques, autant romains qu’ils aient été ou modernes que nous
sommes.
L’interprétation de Félix Grosser, en 1926, y décelant un double PATER
NOSTER en croix, orné de deux A et de deux O dans lesquels il y vit deux
Alpha et deux Omega sembla confirmer celle des partisans d’une source
chrétienne de ce carré. Elle fut cependant contestée par de nombreux
chercheurs tout aussi respectables, et nous devons convenir que les
nombreux débats qui égayèrent depuis les colonnes de diverses revues
scientifiques furent toujours respectueux, sans qu’aucune autre solution
logique n’ait pu lui être opposée.
Je trouve la proposition de Félix Grosser logique, dans la mesure où elle
ne s’appuie que sur les seules lettres du carré, mais ne la trouve pas
satisfaisante pour deux raisons, la première étant qu’il faut prendre
chaque lettre une à une comme dans un jeu de lettres pour reconstituer
les deux mots visiblement cherchés, la seconde étant que ces deux mots
peuvent historiquement être attribués à deux personnages distincts qui
sont Mithra et Dieu, ce qui ne simplifie pas le problème.

Au cours de mes tâtonnements, et au lieu d’attribuer à chaque lettre la


valeur de son rang dans l’alphabet, j’ai construit un carré magique de 5x5
selon la méthode de Claude-Gaspard Bachet de Méziriac (1581-1638), et
y ai remplacé les chiffres par les lettres du carré ROTAS.
On dispose les chiffres de 1 à 25 selon des diagonales en rangées de 5
successives. On trace un carré de 5x5 autour du 13 central et l’on ramène
dans les cases vides de ce carré les chiffres restés à l’extérieur. (voir ci-
dessous fig.1)

Fig.1
Cela nous donne la configuration du carré suivante (Fig. 2)
Fig.2
Elle a pour particularité d’être en forme de miroir et vous l’avez peut-être
déjà rencontrée au cours de vos recherches ou de vos lectures.
Rien de bien parlant, me direz-vous ?
Effectivement si l’on s’en tient au premier abord, mais si l’on fait « un pas
de côté », si l’on tourne la tête de 90°, on peut lire : (Fig.3)

Fig.3
Nous sommes en présence de trois mots latins, de O et A surmontés du
Tau .

La signification de TENET nous est connue : « Il tient », mais cela signifie


aussi « savoir, posséder… »
Celle d’ORSA l’est moins.
Le premier sens du mot correspond à « entreprise », dans le sens
d’« entreprendre une œuvre ».
Le second sens est celui de « discours, paroles ». On le trouve sous
cette forme plus particulièrement chez des poètes et écrivains comme
Virgile et Ausone.

PER signifie « à travers, durant, par l’intermédiaire de, en, par, au nom
de… »

O et A semblent bien s’apparenter à un sujet.

Quant à T, le Tau grec, le Tav hébreu, le dieu Tammuz des Chaldéens, il


représente initialement « la marque, le signe, le sceau divin », mais aussi
« le Principe » que dans ses « Définitions », le Pseudo-Platon définit
comme « la cause première de ce qui est ».
Ces mots pourraient donc désigner un personnage, O et A, qui tiendrait
ses paroles de la divinité.

Les tenants de l’origine chrétienne du carré ROTAS pourraient y voir une


allusion au Christ. Les autorités religieuses catholiques, orthodoxes et
coptes qui dès les premiers siècles le christianisèrent en carré SATOR
durent appuyer leurs certitudes sur l’ambiguïté de cet O et A qui, même
en lisant l’autre moitié du carré en miroir, ne restait qu’un O et A. Difficile
à transformer en Alpha et Omega.

L’article « Le carré Rotas était-il un talisman ? » où je tentais de


déchiffrer l’énigme dans l’énigme du moine Agambertus, pourrait bien
être confirmé en ce qu’il proposait de voir en A et O, le dieu Apollo, et en
O et A , Octave devenu l’empereur Auguste.
On remarquera tout d’abord que dans le triangle miroir de celui de la Fig.3,
le O est le reflet du A, et le A le reflet du O, ce que signifiait déjà dans le
carré initial OPERA / AREPO. ASRO n’a de sens qu’en le reliant au T.
C’est notre conscience qui nous permet de transformer l’illisibilité en
lisibilité, l’invisible en visible, les Ténèbres en Lumière.
A la mort de son mari, Atia, la mère d’Octave, éleva ce dernier avec le
souci d’en faire un grand orateur. Différents auteurs nous rapportent qu’à
l’âge de 12 ans seulement il prononça en plein forum un éloge funèbre
pour sa grand’mère Julia. Suétone nous rapporte qu’« il ne passait pas
un seul jour sans lire, sans écrire et sans déclamer ».
Il étudia les lettres grecques et eut pour maître d’éloquence en cette
langue Apollodore de Pergame.
Suétone, Tacite et Aulu-Gelle s’accordent à dire que l’éloquence
d’Auguste était simple, élégante, facile, pleine de dignité, et surtout de
clarté.
Hormis les nombreux éloges qu’il eut à prononcer et de ce qui nous est
parvenu de ses interventions au Sénat, il ne reste que peu d’écrits
susceptibles de nous confirmer les talents oratoires d’Auguste, à
l’exception d’une déclaration de Cicéron qui le jugeait meilleur orateur
que lui-même.
Par contre, son éloquence militaire devait être puissante « lorsque au
milieu des guerres civiles il haranguait ses armées, en rappelant aux
soldats le meurtre de César, son père adoptif, pour les exciter à venger
sa mémoire, ou pour les entraîner contre Antoine, leur ancien général ».
Les promesses d’argent, de butin, de distributions de terres devaient en
faire un très grand orateur à leurs yeux, d’autant plus qu’il les menait
toujours à la victoire (du moins jusqu’en l’an 6 de notre ère, lors de son
combat avec Marbod, roi des Marcomans).

Auguste a veillé à être représenté sous différents aspects (chef militaire


et religieux, orateur et dieu) à travers différentes formes artistiques
(statues, monnaies…)
Il faut rappeler qu’Auguste, effectivement, était un chef religieux et que
depuis son enfance, il entretenait lui-même la légende qui faisait de lui le
fils d’Apollon.
Atia, sa mère, avait sur la peau une tache ressemblant à un serpent, qui
était apparue à la suite d’une nuit passée au temple d’Apollon.
Sidoine Apollinaire rapporte qu’Auguste « se réjouissait de ce que les
taches de sa mère le fissent regarder comme le rejeton de Phébus et
tirait vanité des empreintes épidauriennes laissées par le dragon
péonien ».
Auguste lui-même était couvert de taches.
Suétone écrit « Son corps était, dit-on, couvert de taches, de signes
naturels, parsemés sur sa poitrine et sur son ventre, qui reproduisaient
par leur disposition et par leur nombre la figure de l’Ourse »
La Grande Ourse. Ursa magna.

URSA, dont la prononciation en latin OURSA en faisait un jeu de mots


avec ORSA.

Bien sûr, tout ceci ne demeure qu’hypothèse et je suis persuadé que ce


carré recèle encore bien d’autres évidences qu’il nous reste à découvrir.

Gérard HAUET

NB : L’image mise en exergue de cet article est à l’origine de ma


réflexion.
Elle représente un fragment d'un manuscrit du XVIIème siècle.
Origine inconnue. Vraisemblablement calendrier orthodoxe.

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