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 21-250-A-45

Chirurgie de la cataracte assistée par laser


Laser-assisted cataract surgery
L. Trinh, A. Denoyer, F. Auclin, C. Baudouin

La chirurgie de la cataracte assistée au laser femtoseconde est annoncée comme une innovation technologique
majeure. Le laser femtoseconde, lors d’une phase de prétraitement, permet de préparer l’œil du patient à la
chirurgie proprement dite en réalisant les incisions cornéennes, la capsulotomie antérieure et la fragmentation
cristallinienne de manière automatisée. Ainsi, ces étapes sont réalisées de façon précise et reproductible, et la
préfragmentation cristallinienne pourrait diminuer la quantité d’ultrasons nécessaire en aval. Les inconvénients
de cette technologie sont à cette heure un temps opératoire plus long, une chirurgie plus délicate, ainsi qu’un
Mots-clés : surcoût élevé, tant pour la structure de soins que pour le patient. Le schéma organisationnel du bloc opératoire,
Cataracte le circuit du patient et le mode de financement de l’acte devront être repensés si cette technique s’impose
Laser femtoseconde pour adapter l’offre de soins à cette procédure. Les bénéfices apportés par cette évolution technologique en
Femtocataracte feront certainement un outil d’avenir incontournable, nécessitant cependant de réorganiser la chirurgie de la
Cristallin cataracte, en termes logistiques et économiques.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Femtosecond laser-assisted cataract surgery is assumed to be a major technological innovation. The femto-
second laser, during a pretreatment step, helps to prepare the eye to the surgery creating corneal incision,
anterior capsulotomy and lens fragmentation in an automatised procedure. Thus, these steps can be per-
formed with precision and reproducibility, and lens fragmentation could reduce ultrasound amount needed
during surgery. Drawbacks of this technology are a longer operating time, a more delicate surgical procedure
Keywords: and a much more expensive cost for the patients and the surgical centers. New models of organisation in the
Cataract operating room, patient flows, and financial systems have to be redesigned to adapt this procedure to our
Femtosecond laser practice. Benefits from this technological evolution make it as a potential and essential tool in the future of
Lens cataract surgery but would require to reconsider this surgery in terms of logistic and economic plans.
© 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Plan du sac capsulaire, le risque de rupture capsulaire, ou bien la dis-


pensation peropératoire d’ultrasons qui dégradent l’endothélium
■ Introduction 1 cornéen.
La chirurgie de la cataracte assistée au laser femtoseconde (fem-
■ Laser femtoseconde 1 tocataracte), dite FLACS (femtosecond laser-assisted cataract surgery),
■ Plateformes 2 est une évolution récente et une aide à la phacoémulsification
Victus® 2 permettant de répondre aux attentes de reproductibilité sup-
LenSx® 2 plémentaire. Cette innovation technique fournit des découpes
Lensar® 4 parfaitement standardisées des incisions cornéennes (principales,
Catalys® 4 secondaires et arciformes pour l’astigmatisme), et de la capsule
■ Procédures chirurgicales 5 antérieure, ainsi qu’une préfragmentation du cristallin. La sécurité
Procédure globale 5 en est donc accrue, même si une lourdeur technique, financière et
Particularités en fonction des plateformes 6 logistique ne permet pas encore d’affirmer s’il s’agit d’une simple

évolution technologique ou d’une véritable révolution, et que la
Avantages de la chirurgie au laser femtoseconde 6
supériorité en termes médicoéconomiques reste à démontrer.
■ Inconvénients de la chirurgie au laser femtoseconde 8
Sélection des patients 8
Difficultés, effets indésirables et complications pendant la chirurgie 8
■ Quel avenir pour la chirurgie de la cataracte au laser ? 9
 Laser femtoseconde
Schéma organisationnel 9
Le laser femtoseconde est utilisé depuis 2001 en chirurgie oph-
Surcoût de la technologie femtoseconde 10
talmologique réfractive pour la réalisation des capots dans la
■ Conclusion 10 technique du laser-assisted in situ keratomileusis (Lasik). Sa lon-
gueur d’onde est proche de l’infrarouge (1053 nanomètres). Ce
laser délivre des impulsions ultrabrèves de l’ordre de la femtose-
conde (10−15 secondes), lui permettant de ne pas être absorbé par
 Introduction les tissus transparents et donc d’atteindre son tissu cible, tel que la
cornée profonde, sans affecter les autres structures oculaires adja-
La chirurgie de la cataracte a connu ces dernières décennies centes. L’énergie du laser, en étant délivrée très précisément au
de nombreux progrès technologiques avec la généralisation de niveau de sa cible, va provoquer la formation de plasma, induisant
la phacoémulsification, des micro-incisions et des implants pre- en son sein des bulles de cavitation. Les bulles créées vont séparer
miums (toriques et/ou multifocaux) de plus en plus sophistiqués, les tissus par effet de dissection mécanique. Une photodisruption
fiables et performants. Cette chirurgie réalisée aujourd’hui est déjà est donc réalisée par la vaporisation de ces tissus en convertis-
sécurisée, rapide et efficace, tant pour restaurer la fonction visuelle sant l’énergie du laser en dissection mécanique. Ses applications
que pour corriger les amétropies préopératoires, mais des amélio- en chirurgie ophtalmologique cornéenne sont déjà nombreuses
rations peuvent encore être apportées, notamment au niveau de sa et bien établies : chirurgie réfractive (Lasik, small incision lenti-
reproductibilité et de son automatisation. En effet, même si le taux cule extraction [Smile]), découpe de kératoplasties transfixiantes
de complications peropératoires est très bas, il n’est pas nul. Il faut et lamellaires, incisions cornéennes arciformes, création de tun-
citer par exemple le capsulorhexis dont la réalisation n’est pas tou- nels pour anneaux intracornéens et le traitement intrastromal
jours parfaitement reproductible et qui a pu être incriminé dans cornéen au laser femtoseconde pour la presbytie (IntraCor® ). Les
un positionnement inadéquat de l’implant ou une fibrose accrue paramètres de laser peuvent être différents en fonction de leur

EMC - Ophtalmologie 1
Volume 12 > n◦ 1 > janvier 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0343(15)66090-7
21-250-A-45  Chirurgie de la cataracte assistée par laser

Tableau 1.
Tableau comparatif des caractéristiques des quatre machines de femtocataracte ayant les marquages de conformité européenne (marquage CE) en 2014.
Victus® LenSx® Lensar® Catalys®
Docking Contact avec ménisque Contact avec lentille Immersion liquide Immersion liquide
aqueux souple
Imagerie des structures oculaires OCT en temps réel OCT spectral domain Caméra Scheimpflug® OCT spectral domain
Guidage du laser Réglage par le chirurgien Alignement Alignement Automatique (Integral
guidé par l’OCT automatique sur l’OCT automatique sur l’OCT Guidance® )
Avantages Rapidité (30 secondes) Rapidité du traitement Précision de l’imagerie Précision des systèmes
Applications aux autres (< 60 secondes) (3D-CSI® ) intégrés automatiques
chirurgies (Lasik, IntraCor® ,
greffes)

OCT : optical coherence tomography ; Lasik : laser-assisted in situ keratomileusis.

application. Dans le Lasik, la découpe du capot cornéen est réa-


lisée par des spots de laser non contigus, laissant des ponts de
tissu nécessitant une dissection manuelle ultérieure, bien qu’à
cette heure une optimisation des profils énergétiques ait conduit
à un soulèvement aisé et une régularité de l’interface comparable
à la découpe mécanique avec un gain en précision et reproducti-
bilité. Dans la femtocataracte, les spots de laser doivent être plus
rapprochés pour ne pas laisser de pont résiduel comme pour la
capsulotomie et le plan de focalisation différent. De plus, pour la
découpe de capot en Lasik, l’énergie délivrée par le laser femto-
seconde est plus faible que pour la cataracte : par exemple, avec
la même machine qui peut être utilisée dans les deux indica-
tions, le Victus® , l’énergie totale pour la découpe d’un capot est de
700 nanojoules, alors que pour la cataracte, l’énergie est de 6000
à 8000 nJ pour la capsulotomie et la fragmentation cristallinienne,
et de 1800 à 2000 nJ pour les incisions cornéennes (principales,
secondaires et arciformes). Le champ d’action du laser femtose-
conde s’est donc élargi aujourd’hui à la chirurgie de la cataracte,
mais son évaluation est en cours et doit encore répondre à des
questions essentielles, tant techniques qu’organisationnelles.

 Plateformes
Figure 1. Machine Victus® .
Plusieurs machines ont obtenu les autorisations et validations
nécessaires pour réaliser les actes de femtocataracte. Ces machines
reposent sur le même principe de découpe de la cornée, de la pression (Sensor 3D® ). Ensuite, les structures intraoculaires sont
capsule antérieure et de fragmentation du cristallin par le laser visualisées à l’aide d’un OCT en temps réel. La cornée, la capsule
femtoseconde. Les différentes plateformes se différencient par antérieure et postérieure du cristallin sur l’OCT bénéficient d’un
leur ergonomie au niveau de l’interface avec le patient (interface repérage manuel pour guider le traitement laser (Fig. 3). L’OCT
directe ou liquide), des variétés, ou patterns, de fragmentation en temps réel permet de vérifier l’absence de mouvement de l’œil
cristallinienne et surtout du mode de repérage des structures pendant la procédure ainsi que la conformité de la réalisation des
oculaires (caméra Scheimpflug® ou tomographie par cohérence différentes étapes par le laser. Les patterns, ou motifs de fragmen-
optique en domaine spectral [optical coherence tomography (OCT), tation cristallinienne, sont circulaires et radiaires, et ils peuvent
spectral domain]). Il existe actuellement quatre machines ayant être combinés (sillons, quartiers, cubes). On peut obtenir ainsi un
obtenu les marquages de conformité européenne (marquage CE) puits central, facilitant l’extraction des fragments, et des segments
(Tableau 1). par quart ou par sixième. Pour réaliser la découpe des incisions
cornéennes, il faut faire une manipulation supplémentaire sur
l’anneau de succion après la découpe du cristallin.
Victus®
Le laser Victus® est une plateforme de laser femtoseconde per- LenSx®
mettant la préparation de la chirurgie de la cataracte ainsi que les
actes de chirurgie réfractive tels que la découpe de capot dans le La machine LenSx® est constituée d’un laser femtoseconde,
Lasik, le traitement intrastromal cornéen au laser femtoseconde d’un OCT, d’un ordinateur, d’un vidéomicroscope et d’une inter-
pour la presbytie (IntraCor® ), les incisions cornéennes arciformes face patient (Fig. 4). Cette machine est exclusivement destinée
et les tunnels pour les anneaux intracornéens. C’est à cette heure, à la chirurgie de la cataracte. En pratique, une lentille souple est
le seul pouvant offrir cette pluripotence. Concernant le module accolée à l’interface patient incurvée et permet d’épouser parfaite-
de chirurgie de femtocataracte, le Victus® se compose en plus du ment la forme de la cornée (Fig. 5). L’interface patient est ensuite
laser femtoseconde d’une interface patient spécifique et d’un OCT abaissée pour être appliquée directement sur l’œil du patient, le
en temps réel (Fig. 1). L’interface patient de la machine (disposi- dispositif intégrant un système de succion solidaire. Un OCT per-
tif jetable reliant la machine à l’anneau de succion) est incurvée met de visualiser les différentes structures oculaires. La cornée,
pour épouser au mieux la forme de la cornée (Fig. 2) et laisse la capsule antérieure et postérieure sont repérées par l’OCT de
un ménisque aqueux entre la face antérieure de la cornée et la manière automatisée (Fig. 6). Il n’y a donc pas besoin de repé-
machine. Un anneau de succion est placé sur l’œil du patient, rage manuel de ces structures, et les repères peuvent ensuite être
et le docking, geste consistant à emboîter l’interface patient dans affinés par le chirurgien s’il le souhaite. Les incisions cornéennes,
l’anneau de succion, est ensuite effectué. Le centrage de l’interface la capsulotomie et la fragmentation cristallinienne programmées
patient dans l’anneau de succion est guidé par un capteur de sont visualisées sur l’œil du patient sur le vidéomicroscope. Le

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Figure 5. Interface patient du LenSx® posée directement sur l’œil du


patient.

Figure 2. Interface patient du Victus® à face inférieure courbée pour


ne pas aplanir la cornée.

Figure 3. Tomographie par cohérence optique ou optical coherence


tomography (OCT) en temps réel du Victus® pour repérer les structures
intraoculaires.

B
Figure 6. Tomographie par cohérence optique ou optical coherence
tomography (OCT) du LenSx® pour repérage automatique de la capsule
antérieure (A), qui est déroulée sur 360◦ , et des limites du cristallin (B).
Le programme de photodisruption superpose la zone de traitement sur
l’image OCT. Celle-ci doit couvrir la totalité de la capsule antérieure pour
garantir une capsulotomie complète. Au niveau cristallinien, une zone de
sécurité est maintenue en arrière du cristallin mais elle peut être modifiée
manuellement.

chirurgien choisit l’architecture de son incision (angle, longueur,


trajet), le diamètre de sa capsulotomie et le pattern de frag-
mentation. Les différents profils de fragmentation proposés sont
circulaires et radiaires et tout récemment cubiques. Les découpes
au femtoseconde sont chronologiquement : capsulotomie, frag-
mentation cristallinienne et incisions cornéennes. Il n’y a pas
de manipulation supplémentaire à faire pour les incisions cor-
néennes qui sont réalisées dans le même temps que les autres
étapes. En revanche, l’OCT n’est pas en temps réel et il n’y a pas
de possibilité de voir d’éventuels mouvements du patient en cours
Figure 4. Machine LenSx® . de procédure ni de contrôler les différentes étapes.

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Figure 7. Machine Lensar® .

B
Figure 9. Reconstitution tridimensionnelle du cristallin par le système
d’imagerie du Lensar® en imagerie par caméra rotative de Scheimpflug®
(A), et reconnaissance automatisée des structures permettant le guidage
du faisceau laser (B).

Figure 8. L’anneau de succion du Lensar® est irrigué par une solu-


tion saline, puis l’interface patient s’emboîte dedans sans contact avec
la cornée (interface liquide)

Lensar®
Le Lensar® est une machine compacte et mobile sur roulettes
pouvant être déplacée d’une salle à l’autre. Elle est constituée d’un
laser femtoseconde, d’une interface patient, de deux écrans de
visualisation et d’une caméra rotative Scheimpflug® (Fig. 7). Un
anneau de succion est placé sur l’œil du patient puis l’interface
patient est abaissée pour être emboîtée dans l’anneau de succion
sous contrôle visuel sur l’écran de la machine. L’anneau de succion
est irrigué par une solution saline, ce qui permet de réaliser une
immersion liquide de l’interface qui n’est donc pas en contact
avec la cornée du patient (Fig. 8). Les structures oculaires sont
ensuite reconnues par le système d’imagerie 3D-CSI® (confocal
structured illumination) reposant sur le principe de la caméra rota-
tive Scheimpflug® . Différentes images sont capturées à différents Figure 10. Machine Catalys® .
angles d’incidence et permettent de réaliser une reconstitution
tridimensionnelle du cristallin (Fig. 9). Les patterns de fragmen-
tation proposés sont, en plus des découpes circulaires et radiaires, Catalys®
la réalisation de petits cubes (icecubes) dans le cristallin. La cornée
et la capsule du cristallin sont reconnues automatiquement par la Le Catalys® est une unité comportant un laser femtoseconde,
machine. Les paramètres peuvent être affinés de manière tactile un OCT de type spectral domain, une interface patient et un écran
sur l’écran. Dans l’ordre chronologique et comme communément de contrôle tactile (Fig. 10). Un anneau de succion est appliqué
à la majorité des systèmes : la capsulotomie, la fragmentation et sur l’œil du patient, dans lequel une solution saline est versée et
les incisions cornéennes sont réalisées. permet une immersion liquide de l’interface patient après docking,

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Figure 11. Anneau de succion du Catalys® s’emboîtant dans l’interface


patient dans une immersion liquide : liquid optics interface (LOI).

Figure 13. Réalisation de la capsulotomie au laser femtoseconde avec


le laser Victus® .

Figure 12. Système d’imagerie par tomographie en cohérence optique


ou optical coherence tomography (OCT) en domaine spectral du Catalys®
(Catalys Integral Guidance® ) pour repérage automatique des structures
oculaires.

le liquid optics interface (LOI) (Fig. 11). Il n’y a donc pas de contact
ou d’aplanation avec la cornée. L’anneau de succion est ensuite
monté vers l’interface patient. Un OCT 3D en spectral domain
visualise sur différents axes les structures de l’œil (Catalys Integral
Guidance® ) et permet une reconnaissance automatisée de la cor-
née et du cristallin (Fig. 12). Les patterns de fragmentation sont des
découpes radiaires et en icecube. La capsulotomie, la fragmentation
et les incisions cornéennes sont successivement réalisées. A

 Procédures chirurgicales
Procédure globale
La chirurgie de la cataracte assistée au laser femtoseconde se
décompose en deux parties. La première partie, dite d’amont
ou de prétraitement, consiste en la préparation de la chirurgie
par la réalisation de certaines étapes par le laser femtoseconde.
Le laser va découper certaines structures de manière automati-
sée et parfaitement reproductible, pour faciliter et préparer la
seconde partie, purement chirurgicale, qui se rapproche d’une
phacoémulsification classique, même s’il existe des différences
notables. Lors de cette première partie, le laser femtoseconde
va réaliser la capsulotomie (Fig. 13), la fragmentation du cris-
tallin (Fig. 14), les incisions cornéennes principales (Fig. 15) et
secondaires pour la chirurgie, et éventuellement des incisions
arciformes pour diminuer l’astigmatisme cornéen. La seconde par-
tie, dite d’aval, consiste en la phacoémulsification proprement
dite, avec complément de pulvérisation et aspiration du cristal-
lin, lavage du cortex et mise en place de l’implant. Par rapport à
B
une chirurgie classique, le chirurgien n’a plus théoriquement qu’à
ouvrir les incisions cornéennes au micromanipulateur (Fig. 16), Figure 14. Progression de la fragmentation cristallinienne au laser fem-
retirer la capsule antérieure découpée au laser, soit en l’aspirant toseconde avec des découpes radiaires et circulaires (Lensar® ) (A, B).
avec le phacoémulsificateur, soit en la retirant avec une pince à
capsulorhexis (Fig. 17), puis écarter, dissocier et aspirer les frag-
ments prédécoupés du cristallin (Fig. 18). L’hydrodissection doit
être douce pour ne pas trop augmenter la pression déjà induite par a été découpé avec la capsule et se trouve donc en retrait du bord
les bulles de gaz créées par le laser et l’injection de visqueux non capsulaire, peu accessible, et d’autre part car l’hydrodissection
requise. Le reste de la chirurgie est classique, même si le lavage semble se réaliser dans des plans différents de ceux d’une chirurgie
du cortex cristallinien est souvent plus difficile, d’une part car il conventionnelle du fait de la préfragmentation cristallinienne.

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Figure 16. Ouverture de l’incision cornéenne principale au microma-


nipulateur.

Figure 17. Ablation de la capsule découpée au laser femtoseconde avec


la pince à capsulorhexis.

B radiaires proposées par toutes les machines permettent d’obtenir


des quartiers qui peuvent être au nombre de 4, 6 ou 8 en fonc-
Figure 15. Programmation (A) puis réalisation (B) de la découpe de tion des préférences de l’opérateur (Fig. 19). Enfin, la découpe de
l’incision cornéenne principale au laser femtoseconde avec le LenSx® type icecube fragmente le cristallin en fins morceaux pour faciliter
(flèches). l’émulsification du noyau et certainement diminuer la quantité
d’ultrasons nécessaires (Fig. 20). Cette découpe est possible avec
le Lensar® et le Catalys® et désormais également le LenSx® .
Particularités en fonction des plateformes
Comme décrit précédemment, les quatre machines de femto-
cataracte présentent des différences au niveau de leur ergonomie
 Avantages de la chirurgie
pour le docking, pour l’imagerie, et pour les patterns ou motifs au laser femtoseconde
de fragmentation cristallinienne. En termes de temps de réa-
lisation de la procédure femtoseconde, il faut noter que les La chirurgie de la cataracte assistée au laser femtoseconde est
systèmes Scheimpflug® du Lensar® ainsi que le processus OCT 3D une avancée technologique importante et présente de nombreux
du Catalys® augmentent la durée d’acquisition des images avant avantages. Comme dans le Lasik, l’apport du laser femtoseconde
la procédure. En outre, la réalisation d’une préfragmentation de améliore significativement la reproductibilité, la précision et la
type icecube allonge le temps du laser. Au point de vue chirurgi- sécurité des découpes par son procédé automatisé [1] . Une illustra-
cal, la procédure est très semblable quelle que soit la plateforme tion de cette précision est particulièrement démonstrative pour
utilisée préalablement. C’est principalement pour l’étape de pha- la capsulotomie. En effet, le capsulorhexis manuel est un geste
coémulsification, en fonction du type de fragmentation et de la d’une reproductibilité moyenne, et il n’est pas exceptionnel dans
dureté initiale du noyau choisi par le chirurgien que les nuances la chirurgie conventionnelle de voir un capsulorhexis « filer » vers
se feront le plus ressentir. En effet, les découpes circulaires per- l’extérieur par un refend pouvant s’étendre jusqu’à la zonule ou
mettent d’extraire un bouchon central pour accéder au noyau du même en arrière, ou un capsulorhexis trop large ou trop petit,
cristallin et favorisent l’écartement des quartiers. Ces découpes voire asymétrique exposant à un phimosis fibrotique du sac. Ce
sont proposées par le Victus® , le LenSx® et le Lensar® . Les découpes geste est pourtant utile au bon centrage de l’implant qu’exigent les

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Figure 18. Écartement des fragments de cristallin découpés au laser


femtoseconde.

Figure 20. Réalisation d’une fragmentation cristallinienne en icecube


avec le Catalys® .

moderne et l’utilisation de plus en plus large d’implants premiums


car il a été montré que le calcul d’implant était significative-
ment plus prédictible, grâce au femtoseconde, qu’après chirurgie
manuelle [6] . Les incisions cornéennes découpées au laser femto-
seconde sont reproductibles, stables et d’une grande précision [7, 8]
réalisée de règle pour l’incision principale en trois plans. Leur
prédictibilité cependant pourrait être optimisée par un meilleur
repérage du limbe grâce probablement à une amélioration des
outils d’imagerie servant de guide. Les incisions transfixiantes ou
transépithéliales sont totalement contrôlées en termes de position
(axe), dimensions, et construction tridimensionnelle. Il semble
évident que cela améliorera la reproductibilité de cette étape,
minimisant l’astigmatisme cornéen induit, et sécurisant encore
plus l’étanchéité cornéenne per- et postopératoire. Les incisions
arciformes réalisées avec toutes ces machines sont aussi probable-
ment une solution d’avenir pour traiter dans le même temps que
la chirurgie de la cataracte un astigmatisme modéré, d’autant que
le couplage à des systèmes de reconnaissance d’image, avec repé-
rage des axes kératométriques, rend encore plus reproductible et
précise la réalisation d’incisions cornéennes de relaxation. Leurs
résultats seront à comparer avec ceux obtenus avec la mise en
place d’implants toriques.
L’autre avantage principal de la chirurgie assistée au laser
résiderait dans la diminution d’ultrasons délivrés lors de la pha-
coémulsification, grâce à la préfragmentation du cristallin réalisée
au laser. Le cristallin étant déjà prédécoupé, le cracking ou dislo-
cation des fragments, phase où le chirurgien rencontre parfois
de réelles difficultés techniques, est plus facile car il existe déjà
des quartiers voire des fragments cristalliniens plus petits et plus
aisés à aspirer. La puissance totale d’ultrasons nécessaire serait
Figure 19. Patterns de fragmentation cristallinienne réalisée avec le donc moindre [1] , et le temps de phacoémulsification effective
Victus® : découpes radiaires et/ou circulaires. après femtoseconde est diminué [9] . Il serait même possible dans
certains cas de ne plus avoir besoin d’utiliser d’ultrasons après
cette procédure [10] . Conrad-Hengerer et al. ont comparé la perte
implants dits premiums, c’est-à-dire de technologie avancée à but moyenne endothéliale entre une chirurgie assistée au laser et une
réfractif (toriques, multifocaux, accommodatifs, etc.), même s’il chirurgie classique dans une étude randomisée et ont retrouvé une
est actuellement impossible de centrer l’implant sur l’axe optique, perte moyenne de 7,9 % de cellules endothéliales à une semaine
et que la dynamique de rétraction capsulaire demeure imprévi- dans le groupe laser et une perte moyenne de 12,1 % dans le
sible. La chirurgie en femtocataracte apporte une amélioration sur groupe témoin (p < 0,001). Le temps effectif de phacoémulsifica-
ce point grâce à la double précision du laser et de l’imagerie. La tion (EPT) était de 0,0 seconde ± 0,1 dans le groupe laser, et de
capsulotomie réalisée est toujours plus précise, plus prédictible 1,4 seconde ± 0,1 dans le groupe témoin [11] . Ce bénéfice sur la
qu’un capsulorhexis manuel, d’une régularité et d’un centrage perte de cellules endothéliales semble mince mais suggère que
parfaits [2] . Plusieurs études ont montré que les capsulotomies l’assistance au laser pourrait présenter un avantage en cas de cornea
réalisées au laser femtoseconde étaient continues, et donnaient guttata. De la même manière, une étude a retrouvé une dimi-
des résultats réfractifs plus stables, moins de bascule, ou tilt, et nution de l’épaisseur de la couche nucléaire externe de la rétine
de décentrement de l’implant qu’un capsulorhexis manuel [3–5] . en postopératoire par rapport à la technique conventionnelle [12] .
Cette technologie est donc particulièrement adaptée à la chirurgie Enfin, cette technologie a montré ses capacités à pouvoir opérer

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des cataractes difficiles (blanches, avec myosis, syndrome de Mar-


fan, cataractes pédiatriques, etc.) en toute sécurité [13–17] . Tous ces
avantages sont donc conséquents et démontrent les bénéfices de
cette technologie.

 Inconvénients de la chirurgie
au laser femtoseconde
Même si ses avantages sont importants, la chirurgie de la cata-
racte assistée au laser femtoseconde présente encore quelques
difficultés et inconvénients que le chirurgien doit prendre en
compte avant d’aborder cette nouvelle technique. La gestion opé-
ratoire globale doit en effet s’adapter à cette technologie.

Sélection des patients


Tous les patients atteints de cataracte ne sont pas forcément
A
de bons candidats à cette chirurgie, du moins au début lors de la
phase d’apprentissage. Concernant la morphologie des patients,
la limite de la sélection se fera sur la possibilité de placer l’anneau
de succion ou l’interface patient sur l’œil du patient. L’ouverture
palpébrale devra être suffisamment grande pour pouvoir placer
l’interface patient, et l’orbite ne devra pas gêner le docking. Dans
certains cas, la procédure ne peut pas être réalisée pour ces motifs.
Le patient doit également pouvoir supporter la position de la tête
à plat pour être bien positionné sous la machine. Des problèmes
dorsaux ou cervicaux peuvent également contre-indiquer le laser.
Les petites pupilles peuvent aussi être une difficulté au début de
l’apprentissage. En effet, en cas de petite pupille, il faudra réduire
la taille de la capsulotomie, ce qui peut gêner la chirurgie en
aval. Certains proposent même de poser des écarteurs à iris ou
un anneau de Malyugin avant la découpe au laser de la capsule
et du cristallin, jusqu’à obtenir un diamètre pupillaire supérieur à
5,5 mm afin de faciliter la procédure [14, 15] .
Les cataractes blanches représentent également une difficulté
par une moins bonne efficacité du laser. La survenue de capsulo-
tomie incomplète est plus fréquente ainsi que la fragmentation B
partielle du noyau. Néanmoins, une étude sur 25 yeux avec
cataracte blanche intumescente a montré que la chirurgie était Figure 21. Pétéchies conjonctivales dues à la succion exercée sur l’œil.
possible avec une bonne sécurité [16] . A. Immédiatement après réalisation du prétraitement au laser femtose-
Une cornée claire est recommandée pour une efficacité opti- conde.
male du laser, car en cas de cicatrices cornéennes, il y a un risque B. Le lendemain de la chirurgie, aspect parfait de la cornée et du segment
de moins bonne pénétration du laser dans les tissus. Lors de la antérieur mais persistance de pétéchies.
consultation préopératoire et pendant sa phase d’apprentissage,
le chirurgien doit bien vérifier la morphologie et l’état oculaire de
son patient ainsi que sa capacité à coopérer avant de lui propo- possible afin de ne pas être gênante et douloureuse pour le patient.
ser cette technique, et le noter dans son dossier pour anticiper les L’élévation de la pression intraoculaire est de 10 à 20 mmHg. En
complications. cas de mouvement oculaire du patient ou d’effort de fermeture
palpébrale du patient, une perte de succion est donc possible [18] .
En cas de lâchage de succion pendant la procédure, la chirurgie
Difficultés, effets indésirables doit être convertie en chirurgie classique [21] .
et complications pendant la chirurgie
Myosis induit après laser femtoseconde
Pétéchies sous-conjonctivales Après le prétraitement, il est fréquent d’observer un myosis qui
Après l’étape du laser femtoseconde, des pétéchies voire une n’existait pas avant, probablement dû à la succion préalable ou
hémorragie sous-conjonctivales apparaissent fréquemment (dans à l’augmentation du taux de prostaglandines par la procédure au
34 % des cas d’après Nagy et al. [18] ) (Fig. 21) en raison de la suc- laser [22] . Ce phénomène se produirait dans 32 % des cas [18] . Pour
cion, une fréquence proche de celle observée après un Lasik où diminuer le risque de myosis, il est donc préconisé de traiter le
des pétéchies sont retrouvées dans 30 % des cas d’après Dada patient en préopératoire par des anti-inflammatoires non stéroï-
et al. [19] . Cet effet indésirable est bénin, mais esthétiquement diens en collyre et de prescrire une dilatation maximale avant
gênant en postopératoire pour le patient par rapport à une chi- l’intervention par un traitement mydriatique optimal (sympato-
rurgie conventionnelle. Ces pétéchies nécessitent plusieurs jours mimétique et parasympatolytique). Ce myosis rend la chirurgie
pour disparaître. Les machines avec interface liquide provoquent d’aval plus difficile et peut nécessiter l’adjonction d’adrénaline
moins d’hémorragies que les machines avec aplanation [20] . dans le liquide d’infusion, des écarteurs à iris ou un anneau de
Malyugin.
Lâchage de succion
Capsulotomie incomplète et déchirure
Comme pour le Lasik, un lâchage de succion peut survenir lors
de la découpe au femtoseconde sous la machine, d’autant plus
de la capsule
que le temps de laser est plus important pour la cataracte que pour Une capsulotomie incomplètement découpée survient parfois,
le Lasik. Une succion est nécessaire pour maintenir l’aplanation en raison d’une mauvaise orientation (tilt) du cristallin ou d’une
pendant la découpe, mais cette succion doit être la plus faible cataracte blanche [16] , mais ce risque se raréfie avec l’amélioration

8 EMC - Ophtalmologie
Chirurgie de la cataracte assistée par laser  21-250-A-45

Figure 24. Lavage de masses réalisé en chirurgie bimanuelle afin de


faciliter le geste notamment pour les masses proches de l’incision, rendues
Figure 22. Extension périphérique de la capsulotomie (flèches) en rai- plus difficiles à retirer après laser.
son de ponts persistants le long de la capsulotomie réalisée préalablement
au laser.
résiduel, plus difficile à aspirer qu’après la phacoémulsification.
Cette étape s’en retrouve plus longue et plus fastidieuse que dans
une chirurgie classique. Le chirurgien doit être vigilant pendant le
lavage des masses car une rupture capsulaire est possible en cas de
lavage brutal. Une solution pour faciliter le lavage des masses serait
de réaliser une chirurgie bimanuelle qui trouverait ici un véri-
table avantage par rapport à la chirurgie classique pour retirer les
masses proches de l’incision, grâce à l’inversion des instruments
d’irrigation et d’aspiration (Fig. 24).
Ainsi, les difficultés chirurgicales sont nombreuses après et pen-
dant le laser femtoseconde. Le chirurgien doit bien les connaître
et adapter ses gestes à cette technique nouvelle, ce qui nécessite
une période d’apprentissage et une vigilance permanente. Le laser
femtoseconde ne signe donc pas la fin du geste chirurgical par une
prétendue automatisation, mais reste bien au contraire un geste
complexe, car certains aspects s’avèrent plus difficiles en peropéra-
toire et nécessiteront toujours une compétence et une expérience
chirurgicales éprouvées.

 Quel avenir pour la chirurgie


Figure 23. Lavage de masses après laser femtoseconde : le cortex ayant de la cataracte au laser ?
été sectionné avec la capsule par le laser, il est d’accès plus complexe, et
son aspiration nécessite des gestes plus délicats, en particulier en regard Le laser femtoseconde est une avancée technologique consi-
de l’incision. dérable pour la cataracte mais sa mise en place, avant de
pouvoir devenir le standard de la chirurgie de la cataracte de
demain, soulève quelques questions cruciales. Comment intégrer
et la mise à jour des logiciels de programmation et l’optimisation cette nouvelle procédure dans le schéma organisationnel utilisé
des outils d’imagerie couplés au laser (de 20 % au début à 1 % aujourd’hui ? Comment financer le surcoût engendré par cette
maintenant) [18, 21] . Le tilt du cristallin peut être spontané par machine ?
l’anatomie naturelle du cristallin ou bien par un défaut de per-
pendicularité du laser lors du docking. Avant de retirer la capsule,
le chirurgien doit toujours vérifier que la découpe de la capsule est
Schéma organisationnel
bien complète car il risquerait dans le cas contraire de provoquer La chirurgie assistée au laser femtoseconde est plus longue que
une déchirure de la capsule (Fig. 22). la chirurgie classique car elle se déroule en deux étapes. De plus,
la partie chirurgicale d’aval est plus longue, de 20 % par rapport à
Aspiration des masses et du cortex cristalliniens une chirurgie conventionnelle, surtout au début durant la phase
Le lavage des masses est une difficulté chirurgicale notoire d’apprentissage [21] . Cette chirurgie n’est donc pas plus rapide
dans la femtocataracte. En effet, lors de la capsulotomie, le laser qu’auparavant, et cet inconvénient doit être parfaitement assi-
sectionne les mèches de masses sous-jacentes, qui dépassent habi- milé pour repenser l’organisation du bloc et le flux des patients.
tuellement sous le capsulorhexis. Il n’existe donc plus de prise Le circuit du patient au bloc opératoire peut être imaginé de deux
pour aspirer les masses, et il faut aller les chercher sous la capsulo- manières en fonction de l’emplacement de la machine femtose-
tomie (Fig. 23). De plus, ces masses sont plus adhérentes que dans conde et du choix du chirurgien.
une chirurgie classique car l’hydrodissection est moins efficace.
L’eau injectée, au lieu de passer intégralement entre la capsule
Machine femtoseconde dans une salle dédiée
et le cristallin, va se répartir préférentiellement dans les sillons Dans cette configuration, la machine femtoseconde est placée
de fragmentation du cristallin. Les masses seront donc moins dans une salle dédiée au prétraitement et permet de distribuer
décollées et il restera plus fréquemment une « bouée » de cortex les patients ayant bénéficié de la découpe laser à d’autres salles

EMC - Ophtalmologie 9
21-250-A-45  Chirurgie de la cataracte assistée par laser

opératoires pour la procédure d’aval. Les avantages de cette confi- Qui payera ce surcoût ?
guration sont importants. Le bloc opératoire ne nécessiterait Le tarif appliqué au Groupe homogène de soins (GHS) de la chi-
qu’une seule machine, laquelle pourrait être utilisée pour plu- rurgie de la cataracte, diminuant d’année en année, et le contexte
sieurs chirurgiens travaillant dans plusieurs salles opératoires. économique difficile, avec un déficit permanent de la sécurité
Permettant de distribuer plusieurs salles, le laser augmente ainsi sociale, ne vont pas favoriser le développement de la chirurgie
potentiellement le flux de patients. L’inconvénient principal est par femtocataracte en France. En conséquence, il est peu vraisem-
de devoir déplacer le patient de la salle dédiée à la salle opératoire, blable que les établissements de santé puissent absorber le surcoût
et d’augmenter le délai entre les deux étapes. de cette technologie en investissant des sommes importantes dans
Procédure femtoseconde dans la même salle ces machines. Le GHS de la cataracte en public a un tarif plus élevé
qu’en privé (1381,34 euros, intégrant les honoraires du chirurgien
opératoire que la phacoémulsification et de l’anesthésiste, contre 789,13 euros en privé, hors honoraires,
Une alternative est de placer le laser dans la même salle opé- en 2013). Il sera donc plus difficile financièrement pour les struc-
ratoire où se déroule la chirurgie d’aval. Les deux procédures se tures privées de se doter de cette technologie. Il est fort probable
réalisent donc successivement dans la même salle. L’avantage est que le surcoût de la femtocataracte soit principalement à la charge
de ne pas déplacer le patient, l’intervalle de temps entre les deux du patient comme c’est déjà le cas pour les implants premiums et
étapes est raccourci. Dans ce cas, l’opérateur peut être le même la chirurgie réfractive en général. Ce surcoût englobera le prix de
pour les procédures d’amont et d’aval. Ce schéma est préconisé la machine, le prix du consommable par procédure, la logistique
par certains, pour des raisons d’hygiène, car la découpe cornéenne et le personnel supplémentaire. L’addition variera par patient
au laser créerait en certains points de la cornée des découpes entre 550 euros et 730 euros par procédure en fonction du nombre
transfixiantes [23] . Le déplacement des patients d’une salle à l’autre d’yeux opérés dans l’établissement annuellement. À ce surcoût, il
pourrait être potentiellement plus dangereux au niveau bacté- faut rajouter pour le patient celui de l’implant (en cas d’implant
riologique si la salle dédiée au laser n’est pas aux normes d’une premium) et les honoraires du chirurgien en cas d’intervention
véritable salle opératoire, ce qui peut être le cas pour des actes réalisée en privé. L’addition totale pour le patient risque d’être
de chirurgie de surface, comme dans la chirurgie réfractive. En lourde. Quelle proportion de patients pourra s’acquitter d’une
revanche, les inconvénients de cette deuxième configuration sont telle facture ? Il est évident que la question économique est un
nombreux. En effet, le laser n’est utilisé que dans une salle du obstacle à la diffusion de la femtocataracte en France.
bloc opératoire et pourrait nécessiter l’acquisition de plusieurs Plusieurs options sont envisageables afin d’amortir le coût
machines si d’autres chirurgiens souhaitaient bénéficier de cette de la procédure. Un copaiement avec l’implant premium pour-
technologie dans le même temps. Le laser est monopolisé dans la rait diminuer le prix global de cette intervention. La réalisation
salle opératoire pendant l’acte d’aval et ne peut être utilisé pen- concomitante d’incisions arciformes pour traiter les faibles astig-
dant ce temps. Le flux de patients est donc plus lent que dans la matismes, et donc de se dispenser des implants toriques dans ces
première configuration. cas, pourrait encourager l’offre de cette technologie auprès des
patients, à condition de démontrer la précision et la reproducti-
Circuit optimal à mettre en place bilité de cette procédure. L’application du laser aux autres actes
Afin d’améliorer le flux de patients, le schéma optimal semble en dehors de la cataracte, tels que le Lasik, la découpe de tunnels
de faire réaliser la découpe au laser dans une salle dédiée, par un pour anneaux intracornéens ou la préparation aux kératoplasties
opérateur distinct, et de faire opérer le patient dans une autre avec la même machine, permettrait sans doute d’amortir son coût
salle par son chirurgien. De cette manière, il est possible d’opérer à condition que le laser femtoseconde offre cette polyvalence. Si
six patients par heure [21] , alors qu’en plaçant le laser dans la même la phacoémulsification sans ultrason aboutit dans l’avenir grâce à
salle opératoire que l’acte chirurgical, le flux diminuerait à deux l’utilisation du laser, il serait même possible d’imaginer une éco-
par heure [21] . Pour optimiser le flux, il faut donc confier l’acte nomie sur le matériel nécessaire lors de la phacoémulsification
de découpe laser à un autre opérateur, mais la question se pose avec la disparition d’une des deux pièces à main et de nouvelles
de savoir qui sera en charge de cette étape. L’acte pourrait-il être machines à aspiration sans ultrason et donc moins onéreuses. De
délégué à un autre chirurgien, dédié uniquement au prétraite- plus, la généralisation de ces actes dans un futur proche entraînera
ment, à un interne, voire à un médecin par délégation de tâche ? probablement une diminution du prix initial de cette technique,
Quel que soit le schéma choisi, une nouvelle organisation du bloc à l’instar de l’OCT et du Lasik dans le passé. Le laser femtoseconde,
opératoire devra répondre à ces interrogations. devenu aujourd’hui incontournable en chirurgie réfractive malgré
le surcoût engendré par rapport au microkératome, rappelle qu’il
existe, parmi les patients, un marché et une demande en termes
Surcoût de la technologie femtoseconde de sécurité et de qualité.
La technologie du femtoseconde est très onéreuse et la question
économique peut représenter un frein à son développement.
 Conclusion
Coût du laser femtoseconde Le laser femtoseconde est une avancée considérable dans la
La femtocataracte entraîne un surcoût majeur tant dans le prix chirurgie de la cataracte avec une reproductibilité, une auto-
du matériel que dans la logistique nécessaire. En effet, le prix matisation, une précision et une sécurité accrues. Cependant,
d’une machine femtoseconde des quatre fabricants actuels varie cette procédure est plus longue, elle nécessite une courbe
pour l’heure de 300 000 à 400 000 euros hors taxe. Le consomma- d’apprentissage avec des gestes chirurgicaux plus délicats, elle est
ble comprenant le kit interface nécessaire pour chaque procédure plus onéreuse avec un surcoût très élevé pour le patient. Le gain
varie en fonction du fabricant, de 200 à 330 euros hors taxe par apporté par le laser pour le patient et pour le chirurgien justifie-t-il
œil. À cela, il faut ajouter également la maintenance de la machine le prix considérable de cette innovation ? À l’aide d’une modéli-
(de 35 000 à 45 000 euros par an) et les éventuelles mises à jour sation, Abell et al. ont conclu que la chirurgie au laser n’a pas un
logicielles des machines. Enfin, la structure de soins doit mettre à rapport coût/efficacité suffisant par rapport à la chirurgie classique
disposition une salle dédiée ainsi qu’une infirmière formée pour tant que les machines et les consommables ne diminueront pas
aider l’opérateur pendant le prétraitement. L’augmentation du de prix [24] . Il faut en outre souligner que la chirurgie convention-
temps de l’intervention induit en outre un surcoût par l’utilisation nelle n’est pas une perte de chance pour le patient par rapport
prolongée de la salle d’opération et du personnel. L’ensemble à une chirurgie assistée au laser, mais l’exigence des patients en
de ces surcoûts reviendrait en moyenne de 550 à 730 euros par termes de résultats et de moyens est croissante. En cas de résul-
patient, si plus de 1000 procédures sont réalisées annuellement tat peu satisfaisant après pose d’un implant premium, on peut
dans le centre de soins [24] . Plus le nombre de procédures augmen- s’interroger sur la réaction d’un patient mécontent s’il a connais-
tera, plus la machine sera amortie et plus le surcoût sera diminué sance de l’existence de la chirurgie au laser réalisée ailleurs, avec
pour le patient. Cette technologie sera donc plus facilement acces- des avantages potentiels qui ne lui auraient pas été expliqués et
sible aux structures réalisant un grand nombre de chirurgies. proposés.

10 EMC - Ophtalmologie
Chirurgie de la cataracte assistée par laser  21-250-A-45

L’arrivée de cette technologie de pointe doit remettre entiè- [8] Alio JL, Abdou AA, Soria F, Javaloy J, Fernandez-Buenaga R, Nagy ZZ,
rement en question la pratique quotidienne avec de nouveaux et al. Femtosecond laser cataract incision morphology and corneal higher-
schémas organisationnels, logistiques, financiers et chirurgicaux. order aberration analysis. J Refract Surg 2013;29:590–5.
On est à une période charnière de transition avec l’avènement de [9] Mayer WJ, Klaproth OK, Hengerer FH, Kohnen T. Impact of crystalline
lens opacification on effective phacoemulsification time in femto-
la femtocataracte qui bouleversera certainement les habitudes des
second laser-assisted cataract surgery. Am J Ophthalmol 2014;157:
ophtalmologistes et risque de rendre caduques les petites struc- 426–32.
tures opérant bien avec les techniques actuelles mais disposant de [10] Abell RG, Kerr NM, Vote BJ. Toward zero effective phacoemul-
trop peu de ressources pour pouvoir réaliser des investissements sification time using femtosecond laser pretreatment. Ophthalmology
considérables. 2013;120:942–8.
Malgré les difficultés rencontrées décrites précédemment, [11] Conrad-Hengerer I, Al Juburi M, Schultz T, Hengerer FH, Dick HB. Cor-
l’histoire de la médecine et de l’ophtalmologie a cependant ensei- neal endothelial cell loss and corneal thickness in conventional compared
gné qu’une nouvelle technique apportant une meilleure sécurité with femtosecond laser-assisted cataract surgery: three-month follow-up. J
et une plus grande reproductibilité avec une automatisation des Cataract Refract Surg 2013;39:1307–13.
[12] Nagy ZZ, Ecsedy M, Kovacs I, Takacs A, Tatrai E, Somfai GM, et al.
gestes finissait toujours par supplanter les techniques antérieures.
Macular morphology assessed by optical coherence tomography image seg-
Il faut dorénavant trouver une réponse adéquate aux questions mentation after femtosecond laser-assisted and standard cataract surgery. J
posées, afin de rendre enfin accessible au plus grand nombre Cataract Refract Surg 2012;38:941–6.
de patients cette avancée technologique indiscutable et peut-être [13] Schultz T, Ezeanosike E, Dick HB. Femtosecond laser-assisted cata-
prochainement incontournable. ract surgery in pediatric Marfan syndrome. J Refract Surg 2013;29:
650–2.
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en [14] Conrad-Hengerer I, Hengerer FH, Schultz T, Dick HB. Femtosecond laser-
relation avec cet article. assisted cataract surgery in eyes with a small pupil. J Cataract Refract Surg
2013;39:1314–20.
[15] Burkhard Dick H, Schultz T. Laser-assisted cataract surgery in small pupils
 Références [16]
using mechanical dilation devices. J Refract Surg 2013;29:858–62.
Conrad-Hengerer I, Hengerer FH, Joachim SC, Schultz T, Dick HB. Fem-
[1] Alio JL, Soria F, Abdou AA. Femtosecond laser assisted cataract sur- tosecond laser-assisted cataract surgery in intumescent white cataracts. J
gery followed by coaxial phacoemulsification or microincisional cataract Cataract Refract Surg 2014;40:44–50.
surgery: differences and advantages. Curr Opin Ophthalmol 2014;25:81–8. [17] Dick HB, Schultz T. Femtosecond laser-assisted cataract surgery in infants.
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cond laser capsulotomy and manual continuous curvilinear capsulorrhexis D, et al. Optical patient interface in femtosecond laser-assisted cataract
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cular lens tilt and decentration measured by Scheimpflug camera following ton R, et al. Femtosecond laser-assisted cataract surgery. J Cataract Refract
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ract incisions: architectural stability and reproducibility. J Cataract Refract ract surgery versus phacoemulsification cataract surgery. Ophthalmology
Surg 2010;36:1048–9. 2014;121:10–6.

L. Trinh.
Service d’Ophtalmologie III, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
Centre d’investigation clinique (CIC) 503, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
A. Denoyer.
Service d’Ophtalmologie III, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
Centre d’investigation clinique (CIC) 503, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
Institut de la Vision, Inserm UMRS968, Université Pierre-et-Marie-Curie Paris 6, Paris, France.
F. Auclin.
Service d’Ophtalmologie III, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
Centre d’investigation clinique (CIC) 503, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
C. Baudouin (cbaudouin@quinze-vingts.fr).
Service d’Ophtalmologie III, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
Centre d’investigation clinique (CIC) 503, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
Institut de la Vision, Inserm UMRS968, Université Pierre-et-Marie-Curie Paris 6, Paris, France.
Service d’ophtalmologie, Hôpital Ambroise-Paré, AP–HP, Université de Versailles, Saint-Quentin-en-Yvelines, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Trinh L, Denoyer A, Auclin F, Baudouin C. Chirurgie de la cataracte assistée par laser. EMC - Ophtalmologie
2015;12(1):1-11 [Article 21-250-A-45].

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