Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
La chirurgie de la cataracte assistée au laser femtoseconde est annoncée comme une innovation technologique
majeure. Le laser femtoseconde, lors d’une phase de prétraitement, permet de préparer l’œil du patient à la
chirurgie proprement dite en réalisant les incisions cornéennes, la capsulotomie antérieure et la fragmentation
cristallinienne de manière automatisée. Ainsi, ces étapes sont réalisées de façon précise et reproductible, et la
préfragmentation cristallinienne pourrait diminuer la quantité d’ultrasons nécessaire en aval. Les inconvénients
de cette technologie sont à cette heure un temps opératoire plus long, une chirurgie plus délicate, ainsi qu’un
Mots-clés : surcoût élevé, tant pour la structure de soins que pour le patient. Le schéma organisationnel du bloc opératoire,
Cataracte le circuit du patient et le mode de financement de l’acte devront être repensés si cette technique s’impose
Laser femtoseconde pour adapter l’offre de soins à cette procédure. Les bénéfices apportés par cette évolution technologique en
Femtocataracte feront certainement un outil d’avenir incontournable, nécessitant cependant de réorganiser la chirurgie de la
Cristallin cataracte, en termes logistiques et économiques.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Femtosecond laser-assisted cataract surgery is assumed to be a major technological innovation. The femto-
second laser, during a pretreatment step, helps to prepare the eye to the surgery creating corneal incision,
anterior capsulotomy and lens fragmentation in an automatised procedure. Thus, these steps can be per-
formed with precision and reproducibility, and lens fragmentation could reduce ultrasound amount needed
during surgery. Drawbacks of this technology are a longer operating time, a more delicate surgical procedure
Keywords: and a much more expensive cost for the patients and the surgical centers. New models of organisation in the
Cataract operating room, patient flows, and financial systems have to be redesigned to adapt this procedure to our
Femtosecond laser practice. Benefits from this technological evolution make it as a potential and essential tool in the future of
Lens cataract surgery but would require to reconsider this surgery in terms of logistic and economic plans.
© 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
EMC - Ophtalmologie 1
Volume 12 > n◦ 1 > janvier 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0343(15)66090-7
21-250-A-45 Chirurgie de la cataracte assistée par laser
Tableau 1.
Tableau comparatif des caractéristiques des quatre machines de femtocataracte ayant les marquages de conformité européenne (marquage CE) en 2014.
Victus® LenSx® Lensar® Catalys®
Docking Contact avec ménisque Contact avec lentille Immersion liquide Immersion liquide
aqueux souple
Imagerie des structures oculaires OCT en temps réel OCT spectral domain Caméra Scheimpflug® OCT spectral domain
Guidage du laser Réglage par le chirurgien Alignement Alignement Automatique (Integral
guidé par l’OCT automatique sur l’OCT automatique sur l’OCT Guidance® )
Avantages Rapidité (30 secondes) Rapidité du traitement Précision de l’imagerie Précision des systèmes
Applications aux autres (< 60 secondes) (3D-CSI® ) intégrés automatiques
chirurgies (Lasik, IntraCor® ,
greffes)
Plateformes
Figure 1. Machine Victus® .
Plusieurs machines ont obtenu les autorisations et validations
nécessaires pour réaliser les actes de femtocataracte. Ces machines
reposent sur le même principe de découpe de la cornée, de la pression (Sensor 3D® ). Ensuite, les structures intraoculaires sont
capsule antérieure et de fragmentation du cristallin par le laser visualisées à l’aide d’un OCT en temps réel. La cornée, la capsule
femtoseconde. Les différentes plateformes se différencient par antérieure et postérieure du cristallin sur l’OCT bénéficient d’un
leur ergonomie au niveau de l’interface avec le patient (interface repérage manuel pour guider le traitement laser (Fig. 3). L’OCT
directe ou liquide), des variétés, ou patterns, de fragmentation en temps réel permet de vérifier l’absence de mouvement de l’œil
cristallinienne et surtout du mode de repérage des structures pendant la procédure ainsi que la conformité de la réalisation des
oculaires (caméra Scheimpflug® ou tomographie par cohérence différentes étapes par le laser. Les patterns, ou motifs de fragmen-
optique en domaine spectral [optical coherence tomography (OCT), tation cristallinienne, sont circulaires et radiaires, et ils peuvent
spectral domain]). Il existe actuellement quatre machines ayant être combinés (sillons, quartiers, cubes). On peut obtenir ainsi un
obtenu les marquages de conformité européenne (marquage CE) puits central, facilitant l’extraction des fragments, et des segments
(Tableau 1). par quart ou par sixième. Pour réaliser la découpe des incisions
cornéennes, il faut faire une manipulation supplémentaire sur
l’anneau de succion après la découpe du cristallin.
Victus®
Le laser Victus® est une plateforme de laser femtoseconde per- LenSx®
mettant la préparation de la chirurgie de la cataracte ainsi que les
actes de chirurgie réfractive tels que la découpe de capot dans le La machine LenSx® est constituée d’un laser femtoseconde,
Lasik, le traitement intrastromal cornéen au laser femtoseconde d’un OCT, d’un ordinateur, d’un vidéomicroscope et d’une inter-
pour la presbytie (IntraCor® ), les incisions cornéennes arciformes face patient (Fig. 4). Cette machine est exclusivement destinée
et les tunnels pour les anneaux intracornéens. C’est à cette heure, à la chirurgie de la cataracte. En pratique, une lentille souple est
le seul pouvant offrir cette pluripotence. Concernant le module accolée à l’interface patient incurvée et permet d’épouser parfaite-
de chirurgie de femtocataracte, le Victus® se compose en plus du ment la forme de la cornée (Fig. 5). L’interface patient est ensuite
laser femtoseconde d’une interface patient spécifique et d’un OCT abaissée pour être appliquée directement sur l’œil du patient, le
en temps réel (Fig. 1). L’interface patient de la machine (disposi- dispositif intégrant un système de succion solidaire. Un OCT per-
tif jetable reliant la machine à l’anneau de succion) est incurvée met de visualiser les différentes structures oculaires. La cornée,
pour épouser au mieux la forme de la cornée (Fig. 2) et laisse la capsule antérieure et postérieure sont repérées par l’OCT de
un ménisque aqueux entre la face antérieure de la cornée et la manière automatisée (Fig. 6). Il n’y a donc pas besoin de repé-
machine. Un anneau de succion est placé sur l’œil du patient, rage manuel de ces structures, et les repères peuvent ensuite être
et le docking, geste consistant à emboîter l’interface patient dans affinés par le chirurgien s’il le souhaite. Les incisions cornéennes,
l’anneau de succion, est ensuite effectué. Le centrage de l’interface la capsulotomie et la fragmentation cristallinienne programmées
patient dans l’anneau de succion est guidé par un capteur de sont visualisées sur l’œil du patient sur le vidéomicroscope. Le
2 EMC - Ophtalmologie
Chirurgie de la cataracte assistée par laser 21-250-A-45
B
Figure 6. Tomographie par cohérence optique ou optical coherence
tomography (OCT) du LenSx® pour repérage automatique de la capsule
antérieure (A), qui est déroulée sur 360◦ , et des limites du cristallin (B).
Le programme de photodisruption superpose la zone de traitement sur
l’image OCT. Celle-ci doit couvrir la totalité de la capsule antérieure pour
garantir une capsulotomie complète. Au niveau cristallinien, une zone de
sécurité est maintenue en arrière du cristallin mais elle peut être modifiée
manuellement.
EMC - Ophtalmologie 3
21-250-A-45 Chirurgie de la cataracte assistée par laser
B
Figure 9. Reconstitution tridimensionnelle du cristallin par le système
d’imagerie du Lensar® en imagerie par caméra rotative de Scheimpflug®
(A), et reconnaissance automatisée des structures permettant le guidage
du faisceau laser (B).
Lensar®
Le Lensar® est une machine compacte et mobile sur roulettes
pouvant être déplacée d’une salle à l’autre. Elle est constituée d’un
laser femtoseconde, d’une interface patient, de deux écrans de
visualisation et d’une caméra rotative Scheimpflug® (Fig. 7). Un
anneau de succion est placé sur l’œil du patient puis l’interface
patient est abaissée pour être emboîtée dans l’anneau de succion
sous contrôle visuel sur l’écran de la machine. L’anneau de succion
est irrigué par une solution saline, ce qui permet de réaliser une
immersion liquide de l’interface qui n’est donc pas en contact
avec la cornée du patient (Fig. 8). Les structures oculaires sont
ensuite reconnues par le système d’imagerie 3D-CSI® (confocal
structured illumination) reposant sur le principe de la caméra rota-
tive Scheimpflug® . Différentes images sont capturées à différents Figure 10. Machine Catalys® .
angles d’incidence et permettent de réaliser une reconstitution
tridimensionnelle du cristallin (Fig. 9). Les patterns de fragmen-
tation proposés sont, en plus des découpes circulaires et radiaires, Catalys®
la réalisation de petits cubes (icecubes) dans le cristallin. La cornée
et la capsule du cristallin sont reconnues automatiquement par la Le Catalys® est une unité comportant un laser femtoseconde,
machine. Les paramètres peuvent être affinés de manière tactile un OCT de type spectral domain, une interface patient et un écran
sur l’écran. Dans l’ordre chronologique et comme communément de contrôle tactile (Fig. 10). Un anneau de succion est appliqué
à la majorité des systèmes : la capsulotomie, la fragmentation et sur l’œil du patient, dans lequel une solution saline est versée et
les incisions cornéennes sont réalisées. permet une immersion liquide de l’interface patient après docking,
4 EMC - Ophtalmologie
Chirurgie de la cataracte assistée par laser 21-250-A-45
le liquid optics interface (LOI) (Fig. 11). Il n’y a donc pas de contact
ou d’aplanation avec la cornée. L’anneau de succion est ensuite
monté vers l’interface patient. Un OCT 3D en spectral domain
visualise sur différents axes les structures de l’œil (Catalys Integral
Guidance® ) et permet une reconnaissance automatisée de la cor-
née et du cristallin (Fig. 12). Les patterns de fragmentation sont des
découpes radiaires et en icecube. La capsulotomie, la fragmentation
et les incisions cornéennes sont successivement réalisées. A
Procédures chirurgicales
Procédure globale
La chirurgie de la cataracte assistée au laser femtoseconde se
décompose en deux parties. La première partie, dite d’amont
ou de prétraitement, consiste en la préparation de la chirurgie
par la réalisation de certaines étapes par le laser femtoseconde.
Le laser va découper certaines structures de manière automati-
sée et parfaitement reproductible, pour faciliter et préparer la
seconde partie, purement chirurgicale, qui se rapproche d’une
phacoémulsification classique, même s’il existe des différences
notables. Lors de cette première partie, le laser femtoseconde
va réaliser la capsulotomie (Fig. 13), la fragmentation du cris-
tallin (Fig. 14), les incisions cornéennes principales (Fig. 15) et
secondaires pour la chirurgie, et éventuellement des incisions
arciformes pour diminuer l’astigmatisme cornéen. La seconde par-
tie, dite d’aval, consiste en la phacoémulsification proprement
dite, avec complément de pulvérisation et aspiration du cristal-
lin, lavage du cortex et mise en place de l’implant. Par rapport à
B
une chirurgie classique, le chirurgien n’a plus théoriquement qu’à
ouvrir les incisions cornéennes au micromanipulateur (Fig. 16), Figure 14. Progression de la fragmentation cristallinienne au laser fem-
retirer la capsule antérieure découpée au laser, soit en l’aspirant toseconde avec des découpes radiaires et circulaires (Lensar® ) (A, B).
avec le phacoémulsificateur, soit en la retirant avec une pince à
capsulorhexis (Fig. 17), puis écarter, dissocier et aspirer les frag-
ments prédécoupés du cristallin (Fig. 18). L’hydrodissection doit
être douce pour ne pas trop augmenter la pression déjà induite par a été découpé avec la capsule et se trouve donc en retrait du bord
les bulles de gaz créées par le laser et l’injection de visqueux non capsulaire, peu accessible, et d’autre part car l’hydrodissection
requise. Le reste de la chirurgie est classique, même si le lavage semble se réaliser dans des plans différents de ceux d’une chirurgie
du cortex cristallinien est souvent plus difficile, d’une part car il conventionnelle du fait de la préfragmentation cristallinienne.
EMC - Ophtalmologie 5
21-250-A-45 Chirurgie de la cataracte assistée par laser
6 EMC - Ophtalmologie
Chirurgie de la cataracte assistée par laser 21-250-A-45
EMC - Ophtalmologie 7
21-250-A-45 Chirurgie de la cataracte assistée par laser
Inconvénients de la chirurgie
au laser femtoseconde
Même si ses avantages sont importants, la chirurgie de la cata-
racte assistée au laser femtoseconde présente encore quelques
difficultés et inconvénients que le chirurgien doit prendre en
compte avant d’aborder cette nouvelle technique. La gestion opé-
ratoire globale doit en effet s’adapter à cette technologie.
8 EMC - Ophtalmologie
Chirurgie de la cataracte assistée par laser 21-250-A-45
EMC - Ophtalmologie 9
21-250-A-45 Chirurgie de la cataracte assistée par laser
opératoires pour la procédure d’aval. Les avantages de cette confi- Qui payera ce surcoût ?
guration sont importants. Le bloc opératoire ne nécessiterait Le tarif appliqué au Groupe homogène de soins (GHS) de la chi-
qu’une seule machine, laquelle pourrait être utilisée pour plu- rurgie de la cataracte, diminuant d’année en année, et le contexte
sieurs chirurgiens travaillant dans plusieurs salles opératoires. économique difficile, avec un déficit permanent de la sécurité
Permettant de distribuer plusieurs salles, le laser augmente ainsi sociale, ne vont pas favoriser le développement de la chirurgie
potentiellement le flux de patients. L’inconvénient principal est par femtocataracte en France. En conséquence, il est peu vraisem-
de devoir déplacer le patient de la salle dédiée à la salle opératoire, blable que les établissements de santé puissent absorber le surcoût
et d’augmenter le délai entre les deux étapes. de cette technologie en investissant des sommes importantes dans
Procédure femtoseconde dans la même salle ces machines. Le GHS de la cataracte en public a un tarif plus élevé
qu’en privé (1381,34 euros, intégrant les honoraires du chirurgien
opératoire que la phacoémulsification et de l’anesthésiste, contre 789,13 euros en privé, hors honoraires,
Une alternative est de placer le laser dans la même salle opé- en 2013). Il sera donc plus difficile financièrement pour les struc-
ratoire où se déroule la chirurgie d’aval. Les deux procédures se tures privées de se doter de cette technologie. Il est fort probable
réalisent donc successivement dans la même salle. L’avantage est que le surcoût de la femtocataracte soit principalement à la charge
de ne pas déplacer le patient, l’intervalle de temps entre les deux du patient comme c’est déjà le cas pour les implants premiums et
étapes est raccourci. Dans ce cas, l’opérateur peut être le même la chirurgie réfractive en général. Ce surcoût englobera le prix de
pour les procédures d’amont et d’aval. Ce schéma est préconisé la machine, le prix du consommable par procédure, la logistique
par certains, pour des raisons d’hygiène, car la découpe cornéenne et le personnel supplémentaire. L’addition variera par patient
au laser créerait en certains points de la cornée des découpes entre 550 euros et 730 euros par procédure en fonction du nombre
transfixiantes [23] . Le déplacement des patients d’une salle à l’autre d’yeux opérés dans l’établissement annuellement. À ce surcoût, il
pourrait être potentiellement plus dangereux au niveau bacté- faut rajouter pour le patient celui de l’implant (en cas d’implant
riologique si la salle dédiée au laser n’est pas aux normes d’une premium) et les honoraires du chirurgien en cas d’intervention
véritable salle opératoire, ce qui peut être le cas pour des actes réalisée en privé. L’addition totale pour le patient risque d’être
de chirurgie de surface, comme dans la chirurgie réfractive. En lourde. Quelle proportion de patients pourra s’acquitter d’une
revanche, les inconvénients de cette deuxième configuration sont telle facture ? Il est évident que la question économique est un
nombreux. En effet, le laser n’est utilisé que dans une salle du obstacle à la diffusion de la femtocataracte en France.
bloc opératoire et pourrait nécessiter l’acquisition de plusieurs Plusieurs options sont envisageables afin d’amortir le coût
machines si d’autres chirurgiens souhaitaient bénéficier de cette de la procédure. Un copaiement avec l’implant premium pour-
technologie dans le même temps. Le laser est monopolisé dans la rait diminuer le prix global de cette intervention. La réalisation
salle opératoire pendant l’acte d’aval et ne peut être utilisé pen- concomitante d’incisions arciformes pour traiter les faibles astig-
dant ce temps. Le flux de patients est donc plus lent que dans la matismes, et donc de se dispenser des implants toriques dans ces
première configuration. cas, pourrait encourager l’offre de cette technologie auprès des
patients, à condition de démontrer la précision et la reproducti-
Circuit optimal à mettre en place bilité de cette procédure. L’application du laser aux autres actes
Afin d’améliorer le flux de patients, le schéma optimal semble en dehors de la cataracte, tels que le Lasik, la découpe de tunnels
de faire réaliser la découpe au laser dans une salle dédiée, par un pour anneaux intracornéens ou la préparation aux kératoplasties
opérateur distinct, et de faire opérer le patient dans une autre avec la même machine, permettrait sans doute d’amortir son coût
salle par son chirurgien. De cette manière, il est possible d’opérer à condition que le laser femtoseconde offre cette polyvalence. Si
six patients par heure [21] , alors qu’en plaçant le laser dans la même la phacoémulsification sans ultrason aboutit dans l’avenir grâce à
salle opératoire que l’acte chirurgical, le flux diminuerait à deux l’utilisation du laser, il serait même possible d’imaginer une éco-
par heure [21] . Pour optimiser le flux, il faut donc confier l’acte nomie sur le matériel nécessaire lors de la phacoémulsification
de découpe laser à un autre opérateur, mais la question se pose avec la disparition d’une des deux pièces à main et de nouvelles
de savoir qui sera en charge de cette étape. L’acte pourrait-il être machines à aspiration sans ultrason et donc moins onéreuses. De
délégué à un autre chirurgien, dédié uniquement au prétraite- plus, la généralisation de ces actes dans un futur proche entraînera
ment, à un interne, voire à un médecin par délégation de tâche ? probablement une diminution du prix initial de cette technique,
Quel que soit le schéma choisi, une nouvelle organisation du bloc à l’instar de l’OCT et du Lasik dans le passé. Le laser femtoseconde,
opératoire devra répondre à ces interrogations. devenu aujourd’hui incontournable en chirurgie réfractive malgré
le surcoût engendré par rapport au microkératome, rappelle qu’il
existe, parmi les patients, un marché et une demande en termes
Surcoût de la technologie femtoseconde de sécurité et de qualité.
La technologie du femtoseconde est très onéreuse et la question
économique peut représenter un frein à son développement.
Conclusion
Coût du laser femtoseconde Le laser femtoseconde est une avancée considérable dans la
La femtocataracte entraîne un surcoût majeur tant dans le prix chirurgie de la cataracte avec une reproductibilité, une auto-
du matériel que dans la logistique nécessaire. En effet, le prix matisation, une précision et une sécurité accrues. Cependant,
d’une machine femtoseconde des quatre fabricants actuels varie cette procédure est plus longue, elle nécessite une courbe
pour l’heure de 300 000 à 400 000 euros hors taxe. Le consomma- d’apprentissage avec des gestes chirurgicaux plus délicats, elle est
ble comprenant le kit interface nécessaire pour chaque procédure plus onéreuse avec un surcoût très élevé pour le patient. Le gain
varie en fonction du fabricant, de 200 à 330 euros hors taxe par apporté par le laser pour le patient et pour le chirurgien justifie-t-il
œil. À cela, il faut ajouter également la maintenance de la machine le prix considérable de cette innovation ? À l’aide d’une modéli-
(de 35 000 à 45 000 euros par an) et les éventuelles mises à jour sation, Abell et al. ont conclu que la chirurgie au laser n’a pas un
logicielles des machines. Enfin, la structure de soins doit mettre à rapport coût/efficacité suffisant par rapport à la chirurgie classique
disposition une salle dédiée ainsi qu’une infirmière formée pour tant que les machines et les consommables ne diminueront pas
aider l’opérateur pendant le prétraitement. L’augmentation du de prix [24] . Il faut en outre souligner que la chirurgie convention-
temps de l’intervention induit en outre un surcoût par l’utilisation nelle n’est pas une perte de chance pour le patient par rapport
prolongée de la salle d’opération et du personnel. L’ensemble à une chirurgie assistée au laser, mais l’exigence des patients en
de ces surcoûts reviendrait en moyenne de 550 à 730 euros par termes de résultats et de moyens est croissante. En cas de résul-
patient, si plus de 1000 procédures sont réalisées annuellement tat peu satisfaisant après pose d’un implant premium, on peut
dans le centre de soins [24] . Plus le nombre de procédures augmen- s’interroger sur la réaction d’un patient mécontent s’il a connais-
tera, plus la machine sera amortie et plus le surcoût sera diminué sance de l’existence de la chirurgie au laser réalisée ailleurs, avec
pour le patient. Cette technologie sera donc plus facilement acces- des avantages potentiels qui ne lui auraient pas été expliqués et
sible aux structures réalisant un grand nombre de chirurgies. proposés.
10 EMC - Ophtalmologie
Chirurgie de la cataracte assistée par laser 21-250-A-45
L’arrivée de cette technologie de pointe doit remettre entiè- [8] Alio JL, Abdou AA, Soria F, Javaloy J, Fernandez-Buenaga R, Nagy ZZ,
rement en question la pratique quotidienne avec de nouveaux et al. Femtosecond laser cataract incision morphology and corneal higher-
schémas organisationnels, logistiques, financiers et chirurgicaux. order aberration analysis. J Refract Surg 2013;29:590–5.
On est à une période charnière de transition avec l’avènement de [9] Mayer WJ, Klaproth OK, Hengerer FH, Kohnen T. Impact of crystalline
lens opacification on effective phacoemulsification time in femto-
la femtocataracte qui bouleversera certainement les habitudes des
second laser-assisted cataract surgery. Am J Ophthalmol 2014;157:
ophtalmologistes et risque de rendre caduques les petites struc- 426–32.
tures opérant bien avec les techniques actuelles mais disposant de [10] Abell RG, Kerr NM, Vote BJ. Toward zero effective phacoemul-
trop peu de ressources pour pouvoir réaliser des investissements sification time using femtosecond laser pretreatment. Ophthalmology
considérables. 2013;120:942–8.
Malgré les difficultés rencontrées décrites précédemment, [11] Conrad-Hengerer I, Al Juburi M, Schultz T, Hengerer FH, Dick HB. Cor-
l’histoire de la médecine et de l’ophtalmologie a cependant ensei- neal endothelial cell loss and corneal thickness in conventional compared
gné qu’une nouvelle technique apportant une meilleure sécurité with femtosecond laser-assisted cataract surgery: three-month follow-up. J
et une plus grande reproductibilité avec une automatisation des Cataract Refract Surg 2013;39:1307–13.
[12] Nagy ZZ, Ecsedy M, Kovacs I, Takacs A, Tatrai E, Somfai GM, et al.
gestes finissait toujours par supplanter les techniques antérieures.
Macular morphology assessed by optical coherence tomography image seg-
Il faut dorénavant trouver une réponse adéquate aux questions mentation after femtosecond laser-assisted and standard cataract surgery. J
posées, afin de rendre enfin accessible au plus grand nombre Cataract Refract Surg 2012;38:941–6.
de patients cette avancée technologique indiscutable et peut-être [13] Schultz T, Ezeanosike E, Dick HB. Femtosecond laser-assisted cata-
prochainement incontournable. ract surgery in pediatric Marfan syndrome. J Refract Surg 2013;29:
650–2.
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en [14] Conrad-Hengerer I, Hengerer FH, Schultz T, Dick HB. Femtosecond laser-
relation avec cet article. assisted cataract surgery in eyes with a small pupil. J Cataract Refract Surg
2013;39:1314–20.
[15] Burkhard Dick H, Schultz T. Laser-assisted cataract surgery in small pupils
Références [16]
using mechanical dilation devices. J Refract Surg 2013;29:858–62.
Conrad-Hengerer I, Hengerer FH, Joachim SC, Schultz T, Dick HB. Fem-
[1] Alio JL, Soria F, Abdou AA. Femtosecond laser assisted cataract sur- tosecond laser-assisted cataract surgery in intumescent white cataracts. J
gery followed by coaxial phacoemulsification or microincisional cataract Cataract Refract Surg 2014;40:44–50.
surgery: differences and advantages. Curr Opin Ophthalmol 2014;25:81–8. [17] Dick HB, Schultz T. Femtosecond laser-assisted cataract surgery in infants.
[2] Reddy KP, Kandulla J, Auffarth GU. Effectiveness and safety of femtose- J Cataract Refract Surg 2013;39:665–8.
cond laser-assisted lens fragmentation and anterior capsulotomy versus [18] Nagy ZZ, Takacs AI, Filkorn T, Kranitz K, Gyenes A, Juhasz E, et al.
the manual technique in cataract surgery. J Cataract Refract Surg Complications of femtosecond laser-assisted cataract surgery. J Cataract
2013;39:1297–306. Refract Surg 2014;40:20–8.
[3] Friedman NJ, Palanker DV, Schuele G, Andersen D, Marcellino G, Sei- [19] Dada T, Sharma N, Vaypayee RB, Dada VK. Subconjuctival hemor-
bel BS, et al. Femtosecond laser capsulotomy. J Cataract Refract Surg rhages after LASIK. Laser in situ keratomileusis. J Cataract Refract Surg
2011;37:1189–98. 2000;26:1570–1.
[4] Kranitz K, Takacs A, Mihaltz K, Kovacs I, Knorz MC, Nagy ZZ. Femtose- [20] Talamo JH, Gooding P, Angeley D, Culbertson WW, Schuele G, Andersen
cond laser capsulotomy and manual continuous curvilinear capsulorrhexis D, et al. Optical patient interface in femtosecond laser-assisted cataract
parameters and their effects on intraocular lens centration. J Refract Surg surgery: contact corneal applanation versus liquid immersion. J Cataract
2011;27:558–63. Refract Surg 2013;39:501–10.
[5] Kranitz K, Mihaltz K, Sandor GL, Takacs A, Knorz MC, Nagy ZZ. Intrao- [21] Donaldson KE, Braga-Mele R, Cabot F, Davidson R, Dhaliwal DK, Hamil-
cular lens tilt and decentration measured by Scheimpflug camera following ton R, et al. Femtosecond laser-assisted cataract surgery. J Cataract Refract
manual or femtosecond laser-created continuous circular capsulotomy. J Surg 2013;39:1753–63.
Refract Surg 2012;28:259–63. [22] Schultz T, Joachim SC, Kuehn M, Dick HB. Changes in prostaglandin
[6] Filkorn T, Kovacs I, Takacs A, Horvath E, Knorz MC, Nagy ZZ. Compari- levels in patients undergoing femtosecond laser-assisted cataract surgery.
son of IOL power calculation and refractive outcome after laser refractive J Refract Surg 2013;29:742–7.
cataract surgery with a femtosecond laser versus conventional phacoemul- [23] Dick HB, Gerste RD. Plea for femtosecond laser pre-treatment and cataract
sification. J Refract Surg 2012;28:540–4. surgery in the same room. J Cataract Refract Surg 2014;40:499–500.
[7] Masket S, Sarayba M, Ignacio T, Fram N. Femtosecond laser-assisted cata- [24] Abell RG, Vote BJ. Cost-effectiveness of femtosecond laser-assisted cata-
ract incisions: architectural stability and reproducibility. J Cataract Refract ract surgery versus phacoemulsification cataract surgery. Ophthalmology
Surg 2010;36:1048–9. 2014;121:10–6.
L. Trinh.
Service d’Ophtalmologie III, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
Centre d’investigation clinique (CIC) 503, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
A. Denoyer.
Service d’Ophtalmologie III, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
Centre d’investigation clinique (CIC) 503, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
Institut de la Vision, Inserm UMRS968, Université Pierre-et-Marie-Curie Paris 6, Paris, France.
F. Auclin.
Service d’Ophtalmologie III, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
Centre d’investigation clinique (CIC) 503, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
C. Baudouin (cbaudouin@quinze-vingts.fr).
Service d’Ophtalmologie III, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
Centre d’investigation clinique (CIC) 503, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.
Institut de la Vision, Inserm UMRS968, Université Pierre-et-Marie-Curie Paris 6, Paris, France.
Service d’ophtalmologie, Hôpital Ambroise-Paré, AP–HP, Université de Versailles, Saint-Quentin-en-Yvelines, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Trinh L, Denoyer A, Auclin F, Baudouin C. Chirurgie de la cataracte assistée par laser. EMC - Ophtalmologie
2015;12(1):1-11 [Article 21-250-A-45].
EMC - Ophtalmologie 11
Cet article comporte également le contenu multimédia suivant, accessible en ligne sur em-consulte.com et
em-premium.com :
1 autoévaluation
Cliquez ici
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 16/01/2016 par CERIST ALGERIE (353213)