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Les matériaux multiferroïques

I – Le défi du couplage entre


magnétisme et ferroélectricité
Jens Kreisel1 (Jens.Kreisel@inpg.fr), Wolfgang Kleemann1, 2, Raphaël Haumont3
1 Laboratoire des Matériaux et du Génie Physique (CNRS), INP Grenoble - MINATEC, 38016 Grenoble
2 Angewandte Physik, Universität Duisburg-Essen, 47048 Duisburg, Allemagne
3 Laboratoire de Physico-Chimie de l’État Solide, ICMMO, CNRS, Université Paris XI, 91405 Orsay

L’origine et la compré-
Un matériau est généralement considéré beaucoup moins étudiés. À ce jour, il n’existe
hension du couplage comme « fonctionnel » s’il possède une propriété aucune application qui profite d’une telle multi-
de différentes propriétés physique utilisable dans une application. fonctionnalité, bien qu’il ait été suggéré, par
Actuellement, un grand nombre de recherches exemple, que l’aimantation magnétique M et la
physiques au sein se concentrent sur l’étude de matériaux multi- polarisation électrique P pourraient indépen-
d’un même matériau fonctionnels, dans lesquels plusieurs propriétés damment encoder une information dans un
peuvent être potentiellement exploitées. Une seul bit de mémoire. La réelle faisabilité d’une
est un sujet central des questions clés pour le futur développement telle mémoire à quatre états (deux magnétiques
de la physique de la et la compréhension des matériaux multifonc- M↓↑ et deux ferroélectriques P↓↑) n’a d’ailleurs
tionnels concerne le couplage mutuel entre les été démontrée que très récemment [5], et on
matière condensée et différentes propriétés physiques. Par ailleurs, si peut espérer des vitesses de réponse assez grandes
interpelle les scientifiques un tel couplage existe, il faudra aussi se demander pour des applications pratiques. À noter que le
s’il est fort, quels sont les mécanismes mis en fonctionnement d’une telle mémoire ne demande
depuis des siècles. jeu, et s’il est exploitable dans des applications. pas de couplage entre ces deux propriétés
Nous nous intéressons Afin de répondre à de telles questions, nous physiques : un fort couplage serait même
nous intéressons particulièrement à une classe désastreux.Au contraire, pour certains matériaux,
ici à une classe de de matériaux appelés multiferroïques, qui attirent il faut considérer que l’ordre magnétique et la
matériaux qui possèdent actuellement un intérêt considérable [1-4]. ferroélectricité puissent être couplés ; la polari-
Les multiferroïques sont des matériaux multi- sation électrique P serait alors contrôlable par
simultanément plusieurs fonctionnels par excellence, puisqu’ils possèdent un champ magnétique et l’aimantation M
propriétés dites ferroïques simultanément plusieurs propriétés dites ferroïques : contrôlable par un champ électrique : on parle
ferromagnétisme, ferroélectricité et/ou ferroélas- de couplage magnéto-électrique. Si un tel couplage
(ferromagnétisme, ticité.Le préfixe ferro fait historiquement référence des deux grandeurs physiques existe au sein
ferroélectricité et/ou au fer, qui montre une aimantation spontanée M d’un matériau à la fois magnétique et ferro-
qui peut être contrôlée (et notamment être électrique, on peut alors envisager un autre
ferroélasticité), renversée) par un champ magnétique. De la fonctionnement original d’une mémoire :
dont le couplage même manière, la polarisation électrique P d’un écrire une information électriquement et la
matériau ferroélectrique est contrôlée par un lire magnétiquement.
dépend de la mise en champ électrique, de même que la déformation Le peu d’études du passé sur les ferro-
forme, de la structure ferroélastique eij l’est par une contrainte électriques-magnétiques s’explique par le fait
mécanique (voir encadré 1, p. 11). La classe des que ces deux propriétés semblent s’exclure. En
cristallographique multiferroïques a été élargie aux matériaux effet, la présence d’électrons d des éléments de
et de l’arrangement présentant des propriétés antiferroïques : transition (favorables au magnétisme) défavorise
antiferromagnétisme, antiferroélectricité. Les une hybridation avec l’oxygène et donc un
des spins magnétiques, matériaux ferroélectriques-ferroélastiques ont déplacement cationique (nécessaire pour la ferro-
et constitue un sujet été étudiés depuis longtemps et sont à l’origine électricité, voir encadré 1) [6]. De plus, un ferro-
de nombreuses applications. Un des exemples électrique doit être isolant pour que les charges
qui combine un fascinant phares de cette classe est le standard industriel mobiles ne détruisent pas la polarisation élec-
défi scientifique avec PbZr1-xTixO3 (PZT), dans lequel le couplage trique, alors que la plupart des ferromagnétiques
entre déformation et polarisation électrique sont des conducteurs. Enfin, si les multiferroïques
un grand potentiel conditionne une forte réponse piézoélectrique ferroélectriques-magnétiques se font rares,
d’applications. qui dépasse largement celle du quartz. ceux qui présentent un couplage des deux pro-
Cependant, les matériaux qui sont à la fois priétés – on les appelle multiferroïques magnéto-
ferroélectriques et ferromagnétiques ont été électriques – le sont encore bien plus.

10 Reflets de la Physique n°8


Avancées de la recherche
Les matériaux dits « ferroïques » encadré 1

Le terme « ferroïque » unifie des aspects Le ferromagnétisme est la plus ancienne des
M , P, e similaires des matériaux ferromagnétiques, propriétés ferroïques connues, utilisée par
ferroélectriques et ferroélastiques. Une exemple dans la boussole inventée par les
des propriétés clés, commune à ces trois Chinois en 100 avant J.C. Un matériau ferro-
classes de matériaux, est la présence magnétique montre une aimantation M spon-
H , E,
d’un cycle d’hystérésis (cf. figure) qui tanée qui peut être contrôlée par l’application
traduit le contrôle d’une caractéristique d’un champ magnétique H. Le mouvement des
physique (aimantation, polarisation, électrons dans le nuage électronique est
déformation) par un champ extérieur responsable de l’existence d’un magnétisme dit orbital, alors que leur
(magnétique, électrique, mécanique). Deux rotation sur eux-mêmes est responsable du magnétisme de spin qui est
conséquences importantes découlent d’un généralement l’effet prépondérant.
cycle d’hystérésis : 1) la caractéristique physique
reste non nulle – rémanente ou spontanée – en champ nul ( ) ; La déformation ferroélastique a été pendant
2) l’inversion du champ permet de renverser le signe de la caractéristique longtemps considérée comme une propriété
physique (↓↑). liée au ferromagnétisme (donnant lieu à
la magnétostriction) et à la ferroélectricité
Bien que le phénomène correspondant ait été étudié (électrostriction). Ce n’est que dans les
depuis le 17e siècle, le terme ferroélectricité n’a été années 70 que la ferroélasticité a été
introduit qu’en 1912 par Erwin Schrödinger. La ferro- réellement reconnue comme une propriété
électricité a été longtemps considérée comme un indépendante. La figure ci-contre illustre
phénomène rare. Mais on connaît aujourd’hui un le mécanisme microscopique d’une défor-
très grand nombre de matériaux ferroélectriques, mation ferroélastique permanente, même
notamment sous forme de pérovskites ABO3. Un en absence d’une contrainte, à l’exemple de la pérovskite SrTiO3 (en
matériau ferroélectrique est caractérisé par une polari- jaune le Sr, en rouge les oxygènes, les Ti étant aux centres des octaèdres).
sation électrique spontanée P dont la direction peut être Une contrainte mécanique σ peut modifier l’angle et la direction de la
renversée par un champ électrique E. Cette polarisation rotation des octaèdres (à gauche), et donc l’état de déformation
macroscopique est à l’échelle microscopique directement liée à un macroscopique e du matériau (à droite). Tout comme pour les autres
déplacement des cations chargés positivement (en vert sur la figure) propriétés ferroïques, un cycle d’hystérésis ferroélastique est ainsi
par rapport au barycentre des anions chargés négativement (en rouge). obtenu en appliquant un cycle de contrainte uniaxiale.

Différents matériaux – grand effort de recherche des dernières autour de TFM et elle n’est que très peu
années a en effet conduit à la découverte dépendante d’un champ magnétique.
différents mécanismes de nouveaux matériaux multiferroïques Aussi, il apparaît vraisemblable qu’un
En conséquence, la recherche de nou- magnéto-électriques. L’étude de ces diffé- couplage fort nécessite un ingrédient
veaux systèmes modèles est la condition rents matériaux a notamment permis de supplémentaire : il faut que le matériau soit
sine qua non pour mieux comprendre la mettre en évidence une grande variété de également ferroélastique, afin de favoriser un
physique relative au couplage magnéto- mécanismes de couplage. Discutons deux couplage des ordres magnétique et ferro-
électrique et pour envisager d’éventuelles exemples instructifs pour illustrer comment électrique à travers le sous-système élastique.
applications. On observe aujourd’hui il est possible d’anticiper qualitativement Dans un deuxième type de matériaux,
essentiellement deux démarches pour l’apparition et le type de couplage magnéto- la (faible) ferroélectricité n’est pas directe-
répondre à cet objectif. électrique selon le matériau considéré. ment associée à une instabilité structurale,
(i) La première démarche, qui connaît Il existe une première famille de mais est induite indirectement par un
actuellement un essor considérable, matériaux où l’ordre magnétique et l’ordre ordre de charge et/ou un ordre magnétique
consiste à construire des multiferroïques ferroélectrique sont associés avec deux particulier, comme illustré sur la figure 1.
artificiels en combinant un matériau ferro- cations différents. On peut alors anticiper On considère aujourd’hui que les matériaux
électrique avec un matériau magnétique, intuitivement que le couplage entre avec des dipôles électriques induits par un
sous forme d’une hétérostructure de aimantation magnétique et polarisation ordre magnétique présentent potentielle-
couches minces ou de diverses formes de électrique n’est que faible. Prenons le cas ment un couplage magnéto-électrique
composites (multiferroïque extrinsèque). de la pérovskite BiMnO3 (BMO) où le fort, puisque ces dipôles électriques peuvent
Le lecteur se référera à l’article de Prellier magnétisme est associé aux électrons 3d être directement ajustés par l’application
et al. (pp. 14-16) pour plus de détails et les du Mn3+, alors que la ferroélectricité est d’un champ magnétique [7]. En effet, un
références sur cette démarche. conditionnée par le déplacement du cation tel contrôle de propriétés électriques par
(ii) La deuxième démarche vise à Bi3+. BMO montre une transition ferro- un champ magnétique a été démontré
trouver des nouveaux systèmes multiferroïques électrique vers TFE = 800 K et une transition dans des systèmes à magnétisme frustré,
intrinsèques, c’est-à-dire des multiferroïques ferromagnétique vers TFM = 110 K, c’est-à-dire des systèmes dans lesquels une
dans lesquels les propriétés ferroélectriques au-dessous de laquelle l’aimantation et la compétition des interactions magnétiques
et magnétiques existent au sein du même ferroélectricité coexistent. Néanmoins, empêche la mise en place d’un ordre
matériau. Pour répondre à cet objectif, les cette coexistence ne suffit pas à en faire magnétique simple [7]. Est-ce que l’inverse
chercheurs s’intéressent notamment à la un matériau multiferroïque avec un fort est vrai ? Malheureusement, les forts effets
synthèse de nouvelles formulations chi- couplage magnéto-électrique : en effet, d’un champ magnétique sur la polarisa-
miques dans des matériaux sous forme l’évolution de la constante diélectrique ε tion électrique et sur la constante diélec-
massive ou de couches minces. Le très ne montre qu’une très faible anomalie trique ne conditionnent pas forcément

Reflets de la Physique n°8 11


Moment magnétique du Mn
M om ent m agnéti que du M n
P
0
b

a Déplacement atomique du Mn
D épl acem ent atom i que du M n
P Δz

b c

Figure 1: Ordre de charge et structure une forte dépendance des propriétés magnéti- d’un électromagnon permettrait notamment
magnétique comme origine de ferro- ques envers un champ électrique. En effet, des de mieux estimer les constantes du couplage
électricité. exemples pour lesquels une structure magnéti- magnéto-électrique, similairement aux magnons
a,b) Illustration schématique d’une ferro-
électricité induite par deux types d’ordre que complexe peut être contrôlée par un pour le magnétisme ou encore aux vibrations
de charge (les cations rouges et bleus champ électrique restent très rares. du réseau (phonons) pour les distorsions ferro-
portent une charge positive plus ou Néanmoins, de très récents résultats montrent électriques ou ferroélastiques. Bien que déjà
moins importante). La flèche rouge
qu’un champ électrique peut, dans certains cas, prédits théoriquement dans les années 80, ce
représente le vecteur de polarisation
électrique P résultant du déplacement contrôler le sens – horaire ou anti-horaire – n’est que récemment [8] que de tels électro-
atomique induit par l’ordre de charge. d’une hélice magnétique, suggérant que l’on magnons ont été observés.
[Figure d’après S-W. Cheong et M. Mostovoy, peut encore s’attendre à des effets tout à fait
Nature Materials 6 (2007) 13.]
c) Illustration d’une modulation de la
surprenants. Applications multiferroïques
ferroélectricité par une structure Les deux exemples ci-dessus illustrent com- ou magnétoélectriques –
magnétique. La figure de gauche repré- ment il est possible, qualitativement, d’anticiper
sente schématiquement la structure un couplage magnéto-électrique dans un Réalité et défis
cristalline de TbMnO3 (en bleu : Tb, en
rouge : Mn, en vert : O) et la modulation
matériau. Néanmoins, il faut souligner que La rareté des matériaux multiferroïques
de la structure magnétique (direction et l’existence ou non d’un tel couplage ne peut magnéto-électriques n’a pas découragé les
taille des flèches oranges). Les deux formellement être comprise et prévue que par chercheurs à réfléchir sur leurs applications
figures de droite illustrent la corrélation des considérations de symétrie (structurale et potentielles en « spintronique » (technologie
entre la variation du moment magnétique
du cation Mn et son déplacement ferro-
magnétique). Une telle analyse permet de utilisant les spins et leurs moments magnétiques
électrique selon l’axe b du composé. prévoir si le couplage est direct (linéaire ou plutôt que les charges des électrons).
[Figure d’après T. Kimura et al., Nature non linéaire) ou indirect par le sous-système D’un côté, les travaux récents [5] sur le
426 (2003) 55] élastique (électrostriction/piézoélectricité ou multiferroïque Bi0,9La0,1MnO3 (ferromagné-
magnéto-striction/piézomagnétisme) – voir tique-ferroélectrique, mais sans couplage
l’encadré 2 pour plus de détails. magnéto-électrique) ont ouvert le chemin
Un des défis actuels des multiferroïques pour l’introduction d’une logique quaternaire,
Références magnéto-électriques est l’observation expéri- qui a le potentiel de révolutionner la technologie
[1] M. Fiebig, J. Phys. D:Appl. mentale du couplage. Parmi toutes les approches des ordinateurs. Néanmoins, un sévère dés-
Phys. 38 (2005) R1-30. explorées, la recherche d’une excitation fonda- avantage de ce système reste sa température de
[2] W. Eerenstein et al., Nature 442 mentale, dite électromagnon, qui résulterait Curie ferromagnétique trop basse,Tc ≈100 K.
(2006) 759.
directement du couplage magnéto-électrique, Par ailleurs, certains matériaux magnéto-
[3] W. Kleemann & J. Kreisel (eds),
“Current Progress in Multiferroics
paraît particulièrement intéressante. L’existence électriques (mais pas multiferroïques) offrent un
and Magnetoelectrics”, Phase
Transitions, 79 (12) (2006)
(special issue).
[4] N. Mathur & M. Bibes (eds),
« Coupler ou ne pas coupler, telle est la question… » encadré 2
“Multiferroic and magnetoelectric
epitaxial thin films and devices”,
ou « Le rôle éminent de la symétrie »
Philosophical Magazine 87 La multifonctionnalité des matériaux magnétoélectriques (ME) est basée sur la relation entre les
(3-4) (2007) (special issue). champs électrique E et magnétique M et les propriétés physiques des matériaux, respectivement la polarisation
P et l’aimantation M :
[5] M. Gajek et al., Nature materials EM
= Mji E
Pi ME = iEj M H j et M iME = iMj E E j où ij sont les tenseurs des susceptibilités.
6 (2007) 296-302.
[6] N.A. Hill, J. Phys. Chem. B Il a été montré qu’une susceptibilité ME non nulle n’est autorisée que dans peu de cristaux magnétiques,
104 (2000) 317-338. possédant un groupe ponctuel particulier. De façon générale, ni une symétrie d’inversion ni une symétrie
[7] S.W. Cheong & M. Mostovoy, d’espace-temps ne sont autorisées pour un matériau magnétoélectrique. En conséquence, un système
Nature materials 6 (2007) 13-20. magnétoélectrique est souvent polairement et magnétiquement ordonné, comme par exemple l’antiferro-
[8] A.B. Sushkov et al., Phys. Rev. magnétique trigonal Cr2O3. Dans les cas où la symétrie n’autorise pas l’existence d’un couplage direct, les termes
de couplage d’ordres supérieurs interviennent. De façon générale, ces termes sont souvent inférieurs aux
Lett. 98 (2007) 027202.
termes linéaires ; aussi, le couplage s’effectue plutôt par le biais d’un couplage indirect contrainte-tension,
[9] P. Borisov et al., Phys. Rev. c’est-à-dire que les ordres ferroélectriques et ferromagnétiques se produisent par et s’accompagnent de
Lett. 94 (2005) 117203. contraintes électrostrictives et magnétostrictives. Ce mécanisme est tout aussi valable pour les multiferroïques
[10] X. Chen et al.,Appl. Phys. intrinsèques que pour les multiferroïques composites – lesquels sont constitués d’une phase ferroélectrique
Lett. 89 (2006) 202508. (électrostrictive) mêlée intimement à une phase ferromagnétique (magnétoélastique).

12 Reflets de la Physique n°8


Avancées de la recherche
Fig.2 : Architecture d’une mémoire RAM
magnéto-électrique (MERAM). Le champ
magnétique Hp et l’aimantation de la
(111) couche ferromagnétique épaisse (FM I)
restent “up” en permanence. Pour
écrire, une tension électrique positive ou
négative est appliquée entre la ligne lire/
écrire (R/W) et l’électrode métallique M.
L’information (“0” ou “1”) est stockée
dans la structure de domaine antiferro-
magnétique de la couche ME-AF de Cr2O3,
qui joue le rôle de mémoire, et qui
contrôle l’aimantation de la multicouche
chemin alternatif. Un des matériaux prometteurs à motiver des chercheurs du monde entier, ferromagnétique FM II, parallèle ou
est l’oxyde Cr2O3, qui n’est ni ferromagnétique toujours à la recherche du « Graal ». Certains antiparallèle à celle de FM I. Les données
ni ferroélectrique, mais magnéto-électrique et chercheurs voient le multiferroïque historique sont lues, tout comme dans une RAM
magnétique, en mesurant la magnéto-
antiferromagnétique en dessous de sa température BiFeO3 [3] comme le « Graal magnéto-
résistance « géante » de valeur basse
de Néel, TN = 307 K. De façon surprenante, électrique », mais ce matériau n’est qu’anti- (“0”) ou élevée (“1”), respectivement,
cette combinaison de propriétés est avantageuse : ferromagnétique. Cependant, sa remarquable entre la ligne R/W, le long de l’électrode
un refroidissement magnéto-électrique (application polarisation ferroélectrique fait de BiFeO3 un FM II, une couche non magnétique
isolante (NM) et l’électrode FM I. On
simultanée d’un champ électrique et d’un champ matériau phare de la dernière génération des peut s’attendre à un temps de réponse
magnétique à une température inférieure à TN) mémoires ferroélectriques (Ferroelectric RAM – en dessous de 100 ns, en utilisant des
conduit à un domaine antiferromagnétique qui FERAM). Concernant son potentiel magnétique, cellules MERAM de taille 130 nm. Pour
peut tourner l’aimantation d’un dépôt ferro- BiFeO3 sera probablement dépassé par des plus de détails, voir Chen et al. [10].
magnétique “up” et “down”, selon l’arrangement matériaux dérivés d’un composé chimiquement
de ses spins par des interactions d’interfaces similaire : BiMnO3.
(“exchange bias”) [3, 9]. La figure 2 illustre La demande d’une symétrie suffisamment
Remerciements
l’architecture d’une mémoire RAM magnéto- basse pour permettre la magnéto-électricité Nos recherches sur les matériaux multi-
électrique (MERAM) basée sur ce principe, et implique une symétrie cristalline et une structure ferroïques sont effectuées dans le cadre
qui permet de répondre à la demande d’une de spin particulières. En conséquence, il ne de différents réseaux et actions.
JK remercie le réseau européen d’excel-
dissipation minimale de chaleur des futures serait pas surprenant de découvrir des matériaux
lence FAME (www.famenoe.org/),
mémoires RAM à haute densité et à trois désordonnés qui répondraient aux espoirs de le STREP européen MaCoMuFi
dimensions. trouver un couplage magnéto-électrique à (www.macomufi.eu/) et l’ANR pour
température ambiante, et pourquoi pas même le soutien financier. WK remercie
Défis futurs à une température bien supérieure. Un autre le STREP européen Multiceral
(http://multiceral.web.ua.pt/).
La vraie solution d’un composant multi- espoir réside sur les avancées faites dans le Ce manuscrit a été préparé pendant le
ferroïque à fort couplage magnétoélectrique domaine des multiferroïques artificiels, comme séjour sabbatique de WK en tant que
n’a pas encore été trouvée et ce défi va continuer l’expose W. Prellier dans l’article suivant.■ professeur invité à l’INP Grenoble.

École Thématique CNRS


Transformations de phases
avec diffusion dans les solides
île de Porquerolles (Var) - 18 au 23 mai 2008

Organisateurs Groupe de Physique des Matériaux


D. Blavette (GPM Rouen) UMR 6634
A.Finel (LEM-ONERA) Avenue de l’Université - BP 12
76801 St Étienne du Rouvray
Inscription et renseignements tél. : 0232955169
Johan.guiot@univ-rouen.fr Fax : 0232955032

www.univ-rouen.fr/gpm/gdr-transiff.htm

Reflets de la Physique n°8 13

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