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TROISIÈME PARTIE

CRISTALLOCHIMIE
Puisque la très grande majorité des minéraux sont des
composés chimiques cristallisés, il est normal d’essayer de
comprendre les relations entre la composition chimique et la
structure cristalline adoptée par une espèce minérale.
La cristallochimie, dont on trouvera ci-après les notions
très succinctes, conduit à expliquer non seulement les
propriétés chimiques et physiques des minéraux mais peut
encore permettre une approche des conditions de formation.

3.1. Principes de cristallochimie

Parmi les facteurs orientant la structure, interviennent


le type des liaisons, la structure des atomes et leur état
d’ionisation qui conditionnent leurs dimensions.
Dans les minéraux, les liaisons sont principalement
ioniques et covalentes et plus accessoirement métalliques.
Cette distinction classique n’est pas rigoureuse et des
minéraux présentent bien souvent des liaisons mixtes. La
structure d’un cristal ionique peut être représentée par un
assemblage compact de sphères et est dès lors principalement
commandée par des impératifs d’ordre géométrique. L’état
cristallin représente, pour l’état solide, l’accomplissement
de la tendance vers un équilibre avec le milieu. Les atomes
s’arrangent de façon à réaliser une valeur minimum de
l’énergie libre du système, soit l’assemblage énergétique le
plus stable. Dans la nature en effet, seuls des composés très
stables se rencontrent; les autres, s’ils se forment, sont
rapidement altérés.

3.1.1. Energie du réseau

La formation et la stabilité des minéraux dépend de


l’énergie du réseau, grandeur que l’on peut calculer (en
Kcal/môle), proportionnelle aux charges et au nombre d’ions et
inversement proportionnelle à la somme des rayons ioniques
dans un composé binaire. Le volume et la liaison des atomes
étant prépondérants dans l’édification d’un réseau cristallin,
il n’est pas exclu que des liaisons interatomiques subissent
certains aménagements suivant les conditions de
cristallisation. La formation du cristal est en effet aussi

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pilotée par le chimisme du contexte générateur et les
paramètres thermodynamiques que sont la pression et la
température.
Outre les conditions de pression et de température, les
facteurs qui pilotent le type de structure dans lequel
s’engage un atome sont nombreux, notamment : la taille, la
charge, la réalisation de l’équilibre électrostatique. En plus
de la charge de l’ion, déterminante pour réaliser l’équilibre
électrostatique, la taille de l’ion - ou son volume ionique -
est de loin le facteur le plus important.

3.1.2. Volume ionique

Le volume d’un ion est lié à sa structure atomique. Cette


relation, capitale en cristallochimie, l’est également en
géochimie. Le Tableau 3.l donne, pour les éléments chimiques
fréquemment rencontrés dans les minéraux.

Tableau 3.1. Rayons ioniques des éléments chimiques rencontrés


dans les minéraux.

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Dans les familles du tableau périodique des éléments, la
valeur du rayon ionique croît de haut en bas; suivant les
périodes horizontales, elle croît de droite à gauche. D’autre
part, la relation entre rayon ionique et charge est illustrée
à la Figure 3.1. On constate que :

• Pour un même cation polyvalent, la charge la plus forte


correspond au rayon le plus faible (Fe, Mn),
• Pour les cations de même structure électronique, le
volume ionique diminue de gauche à droite du tableau
(avec l’augmentation de charge) pour chaque période (ex.
Na+ → S6+).
• Au sein d’une famille, le volume augmente avec le nombre
atomique (ex. Be2+ → Ba2+).

Figure 3.1. Relation entre le rayon ionique et la charge


ionique.

La règle est assez générale pour les éléments de même


charge et de même population électronique externe. Une
situation inverse existe chez les terres rares où le rayon
ionique diminue avec l’accroissement du nombre atomique (La3+ →
Lu3+). Cette ”contraction des lanthanides” engendre ainsi un
jumelage entre éléments encadrant les terres rares qui

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possèdent de ce fait un comportement cristallochimique
similaire : Hf et Zr, Ta et Nb, W et Mo. Il s’ensuit des
possibilités de remplacement parmi ces éléments dans des
minéraux de composition variable.

3.1.3. Coordination

Les éléments chimiques constituant un cristal participent


à la structure de façon à ce que le système soit affecté de
l’énergie potentielle minimum. A cet effet, un certain ordre
est requis et chaque élément tend à se placer suivant
l’environnement qui lui convient le mieux en relation avec son
volume et sa charge. Ainsi, la stabilité d’un édifice
cristallin est notamment liée à la coordination des
constituants, c’est-à-dire la manière dont se répartissent des
atomes identiques premiers voisins autour d’un autre atome
appelé atome central. Il est habituel de considérer un cation
comme atome central et son rayon ionique va déterminer la
coordination, c’est-à-dire le nombre d’anions, premiers
voisins, qui vont l’entourer.

Le nombre d’anions entourant un cation central est appelé


nombre de coordination. Les droites joignant de centre à
centre les anions liés à un cation délimitent un polyèdre de
coordination (Figure. 3.2).

Quand un cation est engagé dans une structure suivant la


coordination qui lui sied au mieux, il est plus difficile de
le déloger que son homologue engagé suivant une coordination
moins confortable. Les relations entre le rapport des rayons
ioniques, R cation/R anion, la coordination et la symétrie du
polyèdre de coordination sont reprises dans le Tableau 3.2.

Tableau 3.2. Relation entre R cation/R anion et la


coordination.

Rcation Nombre de Distribution des


/Ranion coordination anions
0,15-0,22 3 Triangle [CO3]
0,22-0,41 4 tétraèdre [SiO4]
0,41-0,73 6 Octaèdre
0,73-1,00 8 Cube
1,00 12 Cuboctaèdre

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Ces cinq possibilités de coordination sont illustrées à
la Figure 3.2. Du point de vue minéralogique, il est
intéressant d’appliquer la règle du Tableau 3.2 au cas des
composés oxygénés, comme les silicates, et de supputer quelle
sera la coordination d’élection de certains cations engagés
dans ces composés. Une excellente corrélation existe entre les
prédictions formulées par le Tableau 2.3 et les coordinations
observées dans les minéraux. Aussi, est-il fondé d’assimiler,
dans ces cas, les cations et les anions à des sphères de rayon
relativement rigide. Il faut cependant admettre une certaine
approximation vis-à-vis des cations plus volumineux que O2- ou
voisins d’une valeur limite entre deux possibilités théoriques
de coordination.

Figure 3.2. Les polyèdres de coordination.

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Cette dernière situation se présente, par exemple, pour
Al3+ qui s’engage effectivement dans des polyèdres de
coordinations 4 ou 6. Parmi les responsables du choix dans
cette alternative, se trouvent les paramètres physico-
chimiques (pression et température) régnant lors de la
cristallisation du minéral aluminifère. La coordination 6 la
plus élevée, celle qui ne gaspille pas l’espace, a tendance à
s’établir à pression élevée ou basse température.
Effectivement, c’est dans les minéraux de haute température
qu’intervient la coordination 4 de Al, lui permettant
d’ailleurs de se substituer à Si. Al, en coordination 6, peut
d’autre part se substituer à d’autres cations de même
coordination tels que Fe3+, Mg2+.
Signalons finalement que pour un cation de même charge,
le rayon ionique effectif augmente progressivement avec le
nombre de coordination (Figure 3.3). La Figure 3.4 présente
les rayons ioniques et la coordination des cations les plus
fréquemment rencontrés dans les minéraux.

Figure 3.3. Relation entre le nombre de coordination et le


rayon ionique de cations fréquents.

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Figure 3.4. Rayons ioniques et coordination des principaux
ions.

3.1.4. Règles de Pauling

Les considérations précédentes relatives aux structures


ioniques reposent sur des observations dont les résultats sont
codifiés dans des principes cristallochimiques qualifiés de
règles de Pauling. Celles-ci régissent la stabilité des
structures cristallines qui peuvent être représentées par des
associations de divers polyèdres.

1. Chaque cation est entouré d’anions formant un polyèdre de


coordination. La distance cation - anion est déterminée par la
somme de rayons ioniques respectifs. Le rapport des rayons
fixe la coordination.

Les charges des ions sont, autant que possible dans un


composé ionique, neutralisées par leurs voisins immédiats. Le
minimum d’énergie potentielle exige la neutralisation des
charges sur une courte distance par un entourage de signe
contraire. Les plus proches voisins d’un ion positif seront
donc des ions négatifs et inversement. L’empilement des ions
tend à être aussi compact que possible, sans que la distance
entre deux ions puisse être inférieure à la somme de leur
rayon.

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2. Dans une structure stable, la somme des valences associées
aux liaisons, ou « forces de liaisons » qui lient les cations
à un anion, est égale à la charge de cet anion. La « force de
liaison » est la charge du cation divisée par sa coordination.
C’est le principe de valence électrostatique
(valence/coordination).

Soit la halite, NaCl (Figure 3.5a)

Na+ : coordination 6, force de liaison = 1/6


Cl+ : coordination 6, somme des forces de liaisons = 6 x 1/6 =
1.

Soit la fluorite, CaF2 (Figure 3.5b, c)

Ca2+ : coordination 8, force de liaison = 2/8 = 1/4.


F- : coordination 4, somme des forces de liaisons = 4 x ¼ = 1.

Soit la pérovskite, CaTiO3

Ca2+ : coordination 12, force de liaison = 2/12.


Ti4+ : coordination 6, force de liaison = 4/6.
O2- : coordination 6 (2 Ti + 4 Ca), somme des forces de
liaisons = (2 x 4/6) + (4 x 2/12) = 2.

Figure 3.5. Forces de liaisons dans la halite (a) et la


fluorite (b, c).

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3. Lorsque les polyèdres de coordination mettent en commun des
arête ou des faces, la stabilité de la structure s’en trouve
diminuée ; c’est pourquoi ces polyèdres s’associent de
préférence en mettant en commun des sommets.

Cet effet est surtout marqué pour les cations de charge


élevée et de coordination faible. L’accolement de polyèdres
par la mise en commun d’arêtes ou de faces rapproche les
cations et tend à croître l’énergie potentielle de répulsion,
d’où instabilité et distorsion éventuelle. Cet effet est
particulièrement marqué si le rapport des rayons ioniques est
proche de la limite inférieure de stabilité du polyèdre (Fig.
3). Dans les silicates, les tétraèdres SiO4 n’ont que des
sommets communs.

3.2. Phénomènes cristallochimiques


De nombreuses espèces minérales présentent des analogies
structurales ou de composition chimique, soit les deux à la
fois. La composition chimique d’un minéral varie parfois dans
des limites assez larges, alors que, dans certains cas, les
remplacements n’existent pratiquement pas. Ces phénomènes sont
précisés dans les lignes qui suivent.

3.2.1. Isotypisme

Historique

L’examen des propriétés des cristaux de formules


chimiques similaires a conduit WOLLASTON (1766-1829) en 1812 à
comparer entre eux, d’une part, les carbonates rhomboédriques
CaCO3, MgCO3, FeCO3, ZnCO3 et MnCO3 et, d’autre part, les
carbonates orthorhombiques CaCO3, SrCO3, BaCO3 et PbCO3 et à
mettre en évidence, dans chaque série, un ensemble de
similitudes. En 1821, MITSCHERLICH (1794-1863) a étudié
d’autres séries, telles que celles comprenant les phosphates
et arséniates acides de potassium, KH2PO4, KH2AsO4. Pour
interpréter ces similitudes cristallographiques, MITSCHERLICH
a énoncé la loi suivante qui porte son nom : ”Le même nombre
d’atomes, combinés de la même manière, produit les mêmes
formes cristallines et la forme du cristal ne dépend pas de la
nature des atomes constituants mais de leur nombre et de leur
mode de liaison”. L’étude par diffraction des rayons X des
nombreuses séries analogues, que l’on trouve notamment parmi
les minéraux, a montré qu’il existait un type de structure
cristalline, commun à chaque série.

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Définition

On caractérise le type structural (ou la structure type)


d’un cristal par :

• La formule chimique générale


• La classe cristalline (ou le groupe spatial)
• La géométrie et le mode de groupement des polyèdres de
coordination (mode d’arrangement des atomes)

Par exemple, dans le système cubique, les données de la


formule générale, du groupe spatial et de l’occupation de
toutes les positions atomiques permises suffisent à définir un
type structural. La forme et le groupement des polyèdres de
coordination en découlent donc sans équivoque. Ainsi, la
structure type halite ou structure NaCl (Figure 3.6) est
définie par la formule chimique de type AB, par la classe
holoédrique et avec les coordonnées atomiques pour A : 000,
0½½, ½0½, ½½0, et pour B : ½½½, ½00, 0½0, 00½. Ce type
structural caractérise près de 200 composés chimiques
différents parmi lesquels des halogénures, des oxydes et des
sulfures. Nous retiendrons LiF, LiCl, LiBr, LiI, NaF, NaCl,
NaBr, NaI, KF, KCl, MgO, FeO, CoO, NiO, MnO, MgS, CaS, SrS,
BaS, PbS. Ces composés appartiennent tous au même type
structural: ils sont isotypes (ou isostructuraux, suivant les
auteurs anglo-saxons).

Figure 3.6. La structure halite.

L’isotypisme exige l’identité de la formule chimique type


et du groupe spatial (ou de la classe cristalline), ainsi que
l’identité ou l’analogie de forme et de groupement de
polyèdres de coordination. Ce deuxième aspect correspond à
l’occupation des positions équivalentes (sites) identiques
ayant des coordonnées atomiques identiques ou analogues.

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Autres exemples :

Il y a isotypisme entre, d’une part, KNO3 (nitre) et les


carbonates orthorhombiques de la série de l’aragonite et,
d’autre part, entre NaNO3 (nitronatrite) et les carbonates
rhomboédriques de la série de la calcite. Les groupements [CO3]
et [NO3] sont plans et de dimensions voisines. Les rayons
ioniques des cations bivalents intervenant dans les carbonates
sont soit supérieurs à 1,00 Å (rayon de Ca2+ en coordination 6)
: Sr - Pb - Ba, soit inférieurs à cette valeur : Mn - Fe - Mg
- Zn. Les rayons ioniques de K et Na sont respectivement dans
les mêmes conditions.

Composés isotypes de la calcite:


Rhomboédriques R 3 c, Formule R2+CO3 avec R2+ en coordination 6.

NOM FORMULE a α Rayon


CHIMIQUE (Å) ionique du
cation [6]R2+
(Å)

NITRONATRITE NaNO3 6,33 47°15 1,02



CALCITE CaCO3 6,37 46°07 1,00

MAGNESITE MgCO3 5,85 103°2 0,72
0’
SIDERITE FeCO3 6,03 103°0 0,78
5’
RHODOCHROSITE MnCO3 6,02 102°5 0,83
0’
SMITHSONITE ZnCO3 5,88 103°3 0,74
0’

Composés isotypes de l’aragonite:


Orthorhombiques Pmnc, Formule R2+CO3 avec R2+ en coordination 9.

NOM FORMULE Rayon


CHIMIQUE ionique du
cation [6]R2+
(Å)

NITRE KNO3 1,55


ARAGONITE CaCO3 1,00
STRONTIANITE SrCO3 1,31
CERUSITE PbCO3 1,35
WITHERITE BaCO3 1,47

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3.2.2.Homéotypisme

Lorsque l’isotypisme n’est pas réalisé, qu’une des


conditions énoncées dans la définition n’est pas vérifiée, on
peut encore observer, dans certains cas, des analogies très
marquées qui conduisent alors à l’homéotypisme. Malgré
l’identité ou l’analogie de forme et d’arrangement des
polyèdres de coordination, des différences peuvent encore
apparaître.
C’est le cas du diamant, C, et de la sphalérite, ZnS
(Figure 3.7). Alors que la géométrie et le mode d’agencement
des polyèdres de coordination sont analogues pour ces deux
minéraux, le groupe spatial n’est pas le même. Dans ces
cristaux cubiques, comme un atome de carbone sur deux est
remplacé par un atome de Zn et l’autre, par un atome de S, la
symétrie de la structure atomique de ZnS est abaissée. La
sphalérite est antihémiédrique tandis que le diamant est
holoédrique.

a b
Figure 3.7. Structures du diamant (a) et de la sphalérite (b),
minéraux homéotypes.

Si on compare la calcite, CaCO3, ou la magnésite, MgCO3,


avec la dolomite, CaMg(CO3)2, les structures sont voisines. Il
s’agit d’un autre exemple d’homéotypisme. Les liaisons Ca – O
et Mg – O sont différentes, ce qui modifie la symétrie interne
de la dolomite par rapport à celle de CaCO3 ou de MgCO3. La
dolomite est parahémiédique, alors que la calcite ou la
magnésite sont holoédriques.
L’homéotypisme peut également se traduire par le
doublement de paramètres de maille, comme par exemple dans le
cas du quartz (SiO2) et de la berlinite (AlPO4), ou de la
sphalérite (ZnS) et de la chalcopyrite (CuFeS2) (Figure 3.8).

141
Figure 3.8. Structures cristallines de la sphalérite et de la
chalcopyrite, minéraux homéotypes.

3.2.3. Solutions solides

Deux ou plusieurs composés chimiques différents


présentant des propriétés cristallochimiques très voisines
sont fréquemment capables de se mélanger en proportions
variables pour former des cristaux mixtes ou solutions
cristallines. De plus, très souvent, ces composés ont une
constitution chimique analogue, ainsi les carbonates de Fe,
Mg, Zn, Mn. Certains constituants chimiques sont donc capables
de se substituer l’un à l’autre sans que cette opération
entraîne des différences importantes dans les propriétés
cristallographiques. Mg, Fe, Mn, Zn parmi les éléments
bivalents; Fe, Al, Cr parmi les trivalents. Ces constituants
de remplacement font varier la composition chimique du
minéral.
La syncristallisation totale ou limitée peut engendrer
des solutions cristallines de substitution. La sphalérite,
ZnS, admet une certaine proportion de Fe, localisé en sites
normalement dévolus à Zn, alors que sa structure cristalline
est différente de celle de FeS.
Deux composés isotypes et chimiquement analogues ne sont
pas nécessairement syncristallisables. Pour qu’un élément
chimique puisse en remplacer un autre sans bouleverser le
réseau, il doit présenter un volume ionique analogue de celui
du premier. Les solutions cristallines peuvent former une
série discontinue, c’est-à-dire limitée, ou continue en toutes
proportions entre les deux termes extrêmes.

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3.2.4. Isomorphisme

Des composés à la fois isotypes et syncristallisables


sont appelés isomorphes. Ils résultent de la conjugaison de
ces deux phénomènes : isotypisme et solution solide. Il s’agit
donc d’un isotypisme accentué par la possibilité de
syncristallisation. Si des composés isotypes témoignent d’une
forte propension à la participation à des solutions solides,
il convient cependant de distinguer les deux phénomènes.
Isomorphisme et solution solide sont des concepts
différents. Evidemment, l’isotypisme constitue un terrain
favorable aux solutions solides. En revanche, des minéraux
isotypes ne forment pas toujours des solutions solides ou
seulement à un faible degré. Ainsi en est-il de la halite,
NaCl, et de la galène, PbS. Inversement, des solutions solides
sont susceptibles d’affecter des minéraux non isomorphes : Fe
intervient dans la sphalérite alors que ZnS et FeS sont
architecturés différemment, nous venons de le voir.

Exemples :

Considérons, dans la série de la calcite, les carbonates


rhomboédriques d’éléments bivalents. Ainsi que le montre le
tableau ci-dessus, leurs propriétés cristallographiques sont
similaires et certains rayons ioniques voisins. Les quatre
minéraux, magnésite, sidérite, rhodochrosite et smithsonite,
avec des volumes moléculaires très voisins, peuvent se
mélanger en toutes proportions (isomorphisme). En revanche, la
calcite diffère assez bien des autres carbonates. Quand elle
se mélange avec la magnésite, par exemple, c’est pour former
une nouvelle espèce, la dolomite, dont la composition est
CaMg(CO3)2. Entre calcite et magnésite, les solutions solides
sont donc limitées à 16% Mg dans la calcite et à 10% Ca dans
la magnésite (Figure 3.9). Calcite et dolomite ont des
structures voisines mais leur classe cristalline est
différente; ils illustrent le phénomène d’homéotypisme.

143
Figure 3.9. Solutions solides dans les carbonates
rhomboédriques.

Dans la série des feldspaths, l’albite représente le


terme sodique et l’anorthite le pôle calcique. Les rayons
ioniques similaires de ces cations expliquent l’existence
d’une solution solide continue entre ces minéraux, appelée
« série des plagioclases ». Au contraire, l’orthose et
l’albite, bien que chimiquement semblables, ne forment pas de
cristaux mixtes mais une solution solide limitée car Na+ est
nettement plus petit que K+ (Figure 3.10).

Nom Formule Système Rayon


chimique cristallin ionique
du
cation
(Å)
ORTHOSE K[A1Si3O8] Monoclinique 1,51
ALBITE Na[A1Si3O8] Triclinique 1,18
ANORTHITE Ca[A12Si2O8] Triclinique 1,12

144
Figure 3.10. Solutions solides dans la famille des feldspaths.

On constate que la condition de l’isomorphisme est bien


plus d’ordre géométrique que d’ordre chimique.

Deux ou plusieurs éléments chimiques qui peuvent occuper les


mêmes sites d’une structure cristalline sont dits diadochiques
dans cette structure. Ainsi, Mg2+ et Fe2+ sont diadochiques dans
la structure olivine. On dit qu’ils se substituent l’un à
l’autre, ce qui signifie en fait que le même site
cristallographique les accepte indifféremment.

Les remplacements les plus courants chez les minéraux


s’établissent entre Mg2+ et Fe2+ , Mn2+ et Fe2+ , Fe3+ et Al3+.

3.2.5. Polymorphisme

Certains composés chimiques peuvent présenter des phases


minéralogiques totalement distinctes correspondant à des
structures différentes, partant des systèmes cristallins ou
des classes cristallines différentes. Ces composés sont dits
polymorphes et leurs différentes phases se présentent sous
certaines conditions de pression et de température, illustrées
par un diagramme de phases.
Pour les éléments, c’est l’allotropie : par exemple, le
soufre orthorhombique et monoclinique ; le diamant cubique et
le graphite hexagonal.
Voici quelques exemples de polymorphisme :

• SiO2 : en dessous de 575°, SiO2 est le quartz α (R), entre


575° et 870°C le quartz β (H), entre 870° et 1470°C la
tridymite (H), entre 1470° et 1675°C la cristobalite (C).

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• CaCO3 : calcite (R) - aragonite (O)
• FeS2 : pyrite (C) - marcasite (O)
• Al2O[SiO4] : andalousite (O) - cyanite (T) - sillimanite
(O)

Dans de nombreux cas, une structure donnée ne peut


exister qu’entre certaines limites de température et le
passage d’une forme à l’autre s’effectue à une température et
à une pression déterminée, limitant des domaines de stabilité.
Un minéral formé à haute température conserve souvent sa
morphologie après refroidissement bien qu’il existe une forme
plus stable à la température ordinaire. La plupart de ces
phases se trouvent dans la nature et leur présence dans une
roche permet des déductions sur la température de formation.
Le phénomène de polymorphisme est réversible ou irréversible.
La transformation polymorphique implique un changement de
structure cristalline affectant éventuellement la coordination
ainsi que les propriétés physiques. En général, une pression
élevée favorise une coordination élevée à l’inverse d’une
température élevée. Ainsi, une structure compacte sera plus
stable à pression élevée et basse température.
Le polymorphisme est la notion par laquelle on indique que
plus d’une structure peut être construite avec les mêmes
atomes pris dans les mêmes proportions. En d’autres termes, la
structure cristalline n’est pas exclusivement fixée par la
composition chimique. L’illustration habituelle est fournie
par la relation entre le diamant et le graphite, tous deux
exclusivement constitués de carbone. Dans le diamant, chaque
atome C est lié à quatre autres atomes C par des liaisons
identiques, homopolaires et covalentes. Dans le graphite,
chaque atome C est lié à trois autres atomes C par des
liaisons homopolaires, ce qui aboutit à la formation d’une
couche plane d’atomes C ; les couches sont reliées entre elles
par de faibles forces résiduelles dites forces de van der
Waals (Figure 3.11).

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Figure 3.11. Structures cristallines du diamant (a) et du
graphite (b).

Les différents polymorphes d’une même substance sont


dépendants des conditions de formation, c’est-à-dire la
pression, la température et l’environnement chimique. Dès
lors, la présence d’un polymorphe dans une roche donne souvent
une information sur les conditions dans lesquelles la roche
s’est formée. Par exemple, la présence de marcasite dans un
dépôt tend à indiquer l’intervention de solutions acides à des
températures inférieures à 300°C, dans l’histoire génétique de
ce dépôt.
On distingue trois types de polymorphisme (ou transitions
de phase) : transformation displacive, transformation
reconstructive et le phénomène d’ordre-désordre.

Les transformations displacives

Appelées aussi « inversions haute température - basse


température » ou « α - β inversions ».
Ce type de transformation a lieu rapidement, la structure
de la première phase se change en structure de la seconde dès
que la première phase se trouve dans le domaine de stabilité
de la seconde.
Pendant la transformation displacive, les polyèdres de
coordination restent inchangés dans leur géométrie mais
modifient leur articulation. Aucune liaison atomique n’est

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rompue, seules les directions de ces liaisons subissent des
modifications.
L’exemple est l’inversion à 573°C entre le quartz-β
(classe 622) et le quartz-α (classe 32). La forme stable de
SiO2 à une température inférieure à 573°C est le quartz-α, dit
« low quartz ».
Les caractéristiques de cette transformation sont:

• Elle est complète, rapide, quasi immédiate lorsque la


température (ou la pression) d’inversion est atteinte;
• Elle est réversible;
• Entre le polymorphe de HT et celui de BT, les différences
entre les états énergétiques sont faibles;
• La présence d’une autre phase, associée à une variété
polymorphe, ne modifiera jamais la transition (altération
ou effet catalytique);
• Il peut exister une hystérésis de température: lors de la
diminution de température, l’inversion a lieu à une
température inférieure à celle observée pour l’inversion
se produisant lorsque la température augmente. La moyenne
des deux températures est la température d’inversion.
• Importantes pour le géologue.

Les transformations reconstructives

Appelées transformations diffuses ou inversions lentes,


ces transformations d’un polymorphe en un autre impliquent
deux étapes:

1.Rupture des liaisons atomiques et effondrement de l’ancienne


structure;
2.Réorganisation et diffusion des atomes vers les positions
dans la nouvelle structure stable.

On assiste à de profondes modifications des polyèdres de


coordination eux-mêmes, d’où rupture et réarrangements de
liaisons entre atomes premiers voisins. Exemple: graphite →
diamant.
Ce type de transformation a rarement lieu à l’état solide.
Normalement, le quartz-β (high quartz) chauffé à 867°C doit
subir une transformation reconstructive en tridymite. En
l’absence de « minéralisateur » (Li2O, Na2O, K2O,...), cette
réaction est extrêmement lente. En fait, la tridymite contient
des traces de ce flux nécessaire à sa stabilité. Pour
certains, elle n’est pas vraiment un polymorphe de SiO2.
En opposition avec les transformations displacives, les
caractéristiques des transformations reconstructives sont:

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1.Lenteur de la réaction; tridymite et cristobalite peuvent
persister sur terre pendant des millions d’années à des
températures auxquelles seul le quartz-α est stable!
2.Les états énergétiques entre deux tels polymorphes montrent
des différences considérables.
3.Des « minéralisateurs » peuvent accélérer la réaction.

3.2.6. Pseudomorphisme

Le pseudomorphisme est un remplacement par moulage d’une


cavité laissée vacante par un minéral disparu. Parfois,
l’altération est telle qu’il y a disparition totale du minéral
attaqué. Si la cavité résultant de la dissolution est remplie
ultérieurement par un autre minéral, ce dernier forme un
véritable moulage du premier. Ainsi, du quartz peut remplir
des cavités délaissées par des cubes de fluorite ; ce sont des
cubes de quartz, pseudomorphes de fluorite.
La paramorphose résulte d’une transformation polymorphique
sans changement de forme extérieure. C’est aussi une
pseudomorphose, mais affectant une substance polymorphique ;
par exemple calcite-aragonite ou rutile-brookite. La
composition chimique et la morphologie sont intactes, mais il
y a changement de structure. On observe donc des cristaux de
calcite, uniaxe, épousant la forme de l’aragonite, biaxe. Un
autre exemple est fourni par la leucite, parfaitement cubique
au-dessus de 600°C. Ce minéral est tétragonal à température
ambiante, comme le montrent une infinité de minuscules macles
lamellaires observables au microscope polarisant. Malgré ce
changement de symétrie, la morphologie externe du minéral à
température ambiante est le trapézoèdre, caractéristique du
système cubique.
L’épigénie résulte de la transformation d’un minéral atome
par atome, avec conservation de la morphologie originelle. Des
minéraux sont fréquemment altérés par les eaux
superficielles ; ainsi, des sulfures peuvent se transformer en
sulfates, en oxydes ou en carbonates. Cette altération, très
lente, progresse molécule par molécule, le minéral conservant
sa forme extérieure. Des exemples fréquents d’épigénie sont :

• Cuprite [Cu2O] → Malachite [Cu2CO3(OH)2] (morphologie


octaédrique préservée)
• Pyrite [FeS2] → Goethite [FeOOH]
• Anhydrite [CaSO4] → Gypse [CaSO4.H2O]

149
3.3. Structures cristallines types

Depuis la détermination de la structure cristalline par


diffraction des rayons X, cet élément apparaît comme
responsable des propriétés physiques des minéraux : structure
et composition chimique sont indépendants. De plus, la
composition chimique seule ne suffit plus à élaborer la
classification des espèces minérales, dont la base est
actuellement essentiellement cristallochimique.
Quelques structures types de familles de minéraux vont
être examinées ci-dessous.

3.3.1. Les éléments natifs

Les corps à l’état natif sont généralement caractérisés


par des liaisons métalliques. Les atomes peuvent ainsi être
considérés comme des sphères, qui s’empilent en assemblages
compacts. Lorsque ces atomes sont disposés en une couche, ils
présentent une disposition hexagonale (Figure 3.12a). La
structure cristalline du graphite est basée sur ce type de
couche atomique (Figure 3.11b).
En empilant deux couches de ce type, on obtient une
structure tridimensionnelle qui montre aussi une symétrie
hexagonale : c’est l’assemblage hexagonal compact, dont la
séquence d’empilement peut être représentée par les deux
positions ABABAB… (Figure 3.12b).
Lorsqu’une troisième couche se dépose sur cet assemblage,
en une position différente de celles des deux premières
couches, on obtient une séquence ABCABCABC… et la symétrie de
l’ensemble devient cubique : c’est l’assemblage cubique
compact (Figure 3.12c). Cet assemblage est caractéristique de
la structure de nombreux éléments natifs, notamment celles du
fer natif (Fe, cubique centré) et du cuivre natif (Cu, cubique
à faces centrées). La structure du diamant est basée sur un
assemblage cubique compact à faces centrées, contenant 4
atomes supplémentaires à l’intérieur de la maille cristalline
(Figure 3.11a).

150
Figure 3.12. Assemblages compacts d’atomes.

3.3.2. Les sulfures

Les sulfures présentent des liaisons variées, notamment


covalentes. Plusieurs types structuraux communs sont :

• La structure sphalérite, (Zn,Fe)S, est analogue à celle


du diamant. Les atomes de S sont en position cubique
faces centrées, et les Zn occupent les 4 positions
internes (Figure 3.8a). La chalcopyrite est apparentée à
cette structure, Cu2+ et Fe2+ remplaçant alternativement
Zn2+ en site tétraédrique. Le paramètre c de la maille
s’en trouve doublé (Figure 3.8b).
• La structure de la covellite, CuS, montre des atomes de
Cu coordonnés de deux manières différentes (Figure 3.13).
La structure peut être décrite comme deux couches de
tétraèdres CuS4, entre lesquelles se trouve une couche
constituée de sites triangulaires CuS3. Deux couches
tétraédriques adjacentes sont reliées entre elles par des
liaisons covalentes S-S.

151
Figure 3.13. Structure de la covellite.

• La galène, PbS, présente la structure halite (Figure


3.6). La pyrite, FeS2, montre également une structure
semblable, dans laquelle une paire de S liés de manière
covalente occupe les positions de Cl dans NaCl ; les
autres positions sont occupées par Fe (Figure 3.14a).

Figure 3.14. Structures de la pyrite (a) et de la marcasite


(b).

152
3.3.3. Les oxydes et hydroxydes

Les oxydes et hydroxydes sont généralement caractérisés


par un assemblage cubique ou hexagonal compact des atomes
d’oxygène. Les cations sont en coordination 4 ou 6.

• Dans la structure du rutile, TiO2, les Ti4+ occupent le


centre et les sommets d’une maille tétragonale (Figure
3.15a). Ils sont situés au centre d’octaèdres liés entre
eux par une arête, et formant ainsi des chaînes alignées
le long de l’axe cristallographique c (Figure 3.15b). La
cassitérite, SnO2, et la pyrolusite, MnO2, sont isotypes
du rutile.

Figure 3.15. La structure du rutile.

• La structure du corindon, Al2O3, montre des oxygènes en


assemblages à peu près hexagonal compact. Entre les
cavités entre deux couches de cet assemblages se trouvent
les Al, qui occupent 2/3 des vides octaédriques (Figure
3.16). L’hématite, Fe2O3, est isotype du corindon, et
l’ilménite, FeTiO3, est homéotype de cette structure. Dans
l’ilménite, Fe2+ et Ti4+ remplacent alternativement Al3+.

Figure 3.16. Structure cristalline du corindon.

153
• La structure spinelle est un assemblage cubique compact
d’atomes d’oxygène, au sein duquel 2/3 des cations sont
en coordination 6, et 1/3 en coordination 4. Des exemples
de minéraux appartenant à ce type structural sont la
magnétite, Fe3O4, et la chromite, FeCr2O4.
• La brucite, Mg(OH)2, ainsi que la gibbsite, Al(OH)3,
présentent une structure en feuillets constitués de deux
couches de OH- en assemblage hexagonal compact, entre
lesquels se localisent les atomes de Mg ou d’Al. Dans la
gibbsite, Al n’occupe que 2/3 des vides octaédriques
(structure dioctaédrique), alors que dans la brucite, Mg
occupe 3/3 de ces positions (structure trioctaédrique)
(Figure 3.17).

Figure 3.17. Structure de la brucite.

3.3.4. Les halogénures

• La structure de la halite, NaCl, est cubique à faces


centrées. Na et Cl occupent alternativement des sommets
du cubes, et montrent une coordination 6 (Figure 3.6).
• Dans la structure fluorite, CaF2, Ca en disposition
cubique faces centrées est entouré de 8 F en coordination
cubique. F est entouré de 4 Ca en coordination
tétraédrique (Figure 3.18).

154
Figure 3.18. Structure de la fluorite.

3.3.5. Les carbonates

Les carbonates sont caractérisés par le groupement


anionique complexe CO32-, dans lequel le carbone est coordonné
par trois oxygènes disposés en triangle.
La structure de la calcite, CaCO3, montre des plans de
groupements CO32- disposés dans des plans, entre lesquels se
trouvent des plans d’atomes de Ca. Chaque Ca est coordonné par
6 oxygènes des groupements CO32- (Figure 3.19). Dans la
structure aragonite, les groupements CO32- sont localisés dans
deux plans distincts ; la coordination de Ca devient 9 (Figure
3.20).

Figure 3.19. Structure de la calcite.

155
Figure 3.20. Structure de l’aragonite.

3.3.6. Les sulfates et phosphates

Les sulfates et phosphates sont caractérisés par les


groupes tétraédriques SO42- et PO43-.
Dans la structure apatite, Ca5(PO4)3(F,OH,Cl), des
3- 2+
tétraèdres PO4 sont liés aux ions Ca , qui entourent eux-
mêmes les anions (F, OH, Cl)- localisés eu centre de canaux
parallèles à l’axe cristallographique c (Figure 3.21).

Figure 3.21. La structure apatite.

156
3.3.7. Les silicates

Les silicates sont caractérisés par le groupement (SiO4)4-,


constitué d’un cation Si4+ coordonné par quatre oxygènes en
disposition tétraédrique. La classification des silicates
repose sur le mode d’assemblage de ces tétraèdres.
En accord avec la règle de Pauling, le cation Si4+ situé
au centre du tétraèdre doit recevoir 1 charge négative de la
part de chaque atome d’oxygène qui l’entoure, afin de
neutraliser sa charge positive. Il reste donc à chaque oxygène
du tétraèdre une charge négative, qui peut être utilisée pour
compenser la charge positive d’un autre cation. Plusieurs cas
se présentent, correspondant à divers degrés de polymérisation
des tétraèdres(SiO4)4- :

Les nésosilicates, [SiO4]4-

Dans les nésosilicates (du grec νεσος, île), les


tétraèdres [SiO4]4- sont isolés (Figure 3.22), et chaque
oxygène possède une charge négative disponible pour
neutraliser la charge positive d’un autre cation.
Ainsi, dans la structure du zircon, Zr[SiO4], chaque
oxygène partage 0,5 charge négative avec deux atomes Zr4+
distincts. Il faudra donc que le zirconium soit coordonné par
8 oxygènes afin de neutraliser totalement sa charge positive
(Figure 3.23). Dans la structure olivine, (Fe,Mg)2[SiO4], les
tétraèdres partagent leurs sommets avec des sites octaédriques
contenant les cations bivalents ; ces octaèdres peuvent
partager des arêtes entre eux (Figure 3.24). La structure des
grenats, R2+3R3+2[SiO4]3, montre également des tétraèdres [SiO4]4-
isolés, partageant arêtes ou sommets avec des octaèdres
contenant les cations trivalents, et avec de gros sites
cubiques déformés occupés par les cations bivalents (Figure
3.25).

Remarque : Dans les formules chimiques des silicates, on


représente entre crochets le groupement caractéristique de la
sous-classe de chaque minéral. Il est ainsi aisé d’identifier
cette sous-classe directement, à la simple observation de la
formule chimique du minéral.

157
Figure 3.22. Classification structurale des différentes sous-
classes de silicates.

158
Figure 3.22. Classification structurale des différentes sous-
classes de silicates (suite).

159
Figure 3.23. La structure zircon.

Figure 3.24. La structure olivine.

Figure 3.25. La structure grenat.

160
Les sorosilicates, [Si2O7]6-

Dans les sorosilicates (de σορος, groupe), un oxygène est


partagé entre deux tétraèdres, et une moitié de sa charge
négative ira compenser chacun des deux Si4+ qui le coordonnent.
Cette configuration conduit au groupement [Si2O7]4-, au sein
duquel deux tétraèdres sont attachés par un sommet (Figure
3.22).
Parmi les sorosilicates, on trouve l’hémimorphite,
Zn4[Si2O7](OH)2.H2O, qui montre les groupements [Si2O7]6-
partageant leurs oxygènes avec Zn en coordination tétraédrique
(Figure 3.26). Dans la structure épidote,
Ca2(Al,Fe)3[Si2O7][SiO4]O(OH), on observe clairement une
combinaison de groupements [Si2O7]6- et de tétraèdres [SiO4]4-
isolés (Figure 3.27).

Figure 3.26. Structure de l’hémimorphite. Les petits atomes


représentent Zn, et les gros les groupements (OH)-.

Figure 3.27. Structure de l’épidote.

161
Les inosilicates, [Si2O6]4- ou [Si4O11]6-

Dans les inosilicates (de ινος, fibre), chaque tétraèdre


partage deux oxygènes avec les tétraèdres avoisinants, formant
ainsi des chaînes infinies (Figure 3.22). Ces chaînes simples,
observées dans les pyroxènes, XY[Si2O6], et les pyroxénoïdes,
sont caractérisées par le groupement [Si2O6]4-. Dans la
structure des pyroxènes, les tétraèdres partagent également
des oxygènes avec d’autres cations localisés entre les
chaînes. Le clivage {110} de ces minéraux, fournissant deux
plans orientés à 90° l’un de l’autre, peut être expliqué par
la géométrie des chaînes de tétraèdres, comme l’illustre la
Figure 3.28.

Figure 3.28. Relation entre les plans de clivage {110} et la


structure cristalline, dans les pyroxènes.

Les inosilicates peuvent aussi former des chaînes doubles,


produites par l’accolement de deux chaînes simples (Figure
3.22). Ces chaînes doubles, caractérisées par le groupement
[Si4O11]6-, sont observées dans la structure des amphiboles, W0-
1X2Y5[Si8O22](OH,F)2. La Figure 3.29 montre la relation entre la
morphologie des chaînes doubles et le plan de clivage {110} à
120° des amphiboles.

Figure 3.29. Relation entre les plans de clivage {110} et la


structure cristalline, dans les amphiboles.

162
Les cyclosilicates, [Si3O9]6-, [Si4O12]8- ou [Si6O18]12-

La mise en commun de deux oxygènes peut conduire à des


chaînes simples infinies, comme dans le cas des pyroxènes.
Mais ce type d’assemblage peut également former des
groupements cycliques, caractéristiques des cyclosilicates (de
κυκλος, cercle) (Figure 3.22). Les cycles ainsi formés peuvent
comporter 3 tétraèdres ([Si3O9]6- ; structure bénitoïte,
BaTi[Si3O9] ; Figure 3.30), 4 tétraèdres ([Si4O12]8-) ou encore 6
tétraèdres ([Si6O18]12- ; structures béryl, Be3Al2[Si6O18], et
tourmaline, XY3Z6(BO3)3[Si6O18](OH)4; Figure 3.31).

Figure 3.30. Structure de la bénitoïte. Les gros atomes


représentent Ba, et les petits Ti.

Figure 3.31. Structure du béryl. Les tétraèdres représentent


les groupements BeO46-, et les atomes représentent Al.

163
Les phyllosilicates, [Si4O10]4-

Dans les phyllosilicates (de φυλλον, feuille), chaque


tétraèdre partage 3 oxygènes avec ses voisins, formant ainsi
de véritables couches tétraédriques, de composition [Si4O10]4-.
Entre ces couches tétraédriques viennent se loger des
couches octaédriques (Figure 3.32), et l’alternance entre ces
différents types de couches est à la base de la classification
des phyllosilicates. Dans ces minéraux, on distingue plusieurs
types de feuillets, selon l’alternance entre les couches qui
les constituent : les feuillets TE-OC, les feuillets TE-OC-TE,
et les feuillets TE-OC-TE-OC (Figure 3.33).

Figure 3.32. Mode de liaison des couches tétraédriques et


octaédriques, dans les phyllosilicates. Le schéma de gauche
représente la structure kaolinite.

Dans les phyllosilicates TE-OC, les feuillets sont


constitués d’une seule couche tétraédrique, liée à une seule
couche octaédrique (Figure 3.33 ; c ~ 7 Å). La couche
octaédrique peut être de type gibbsite, Al(OH)3, et conduire
ainsi à la kaolinite, Al4[Si4O10](OH)8 (Figure 3.32). Dans ce
cas, seulement 2/3 des positions octaédriques sont occupées ;
on parle alors de phyllosilicate dioctaédrique. La couche
octaédrique peut également être de type brucite, Mg(OH)2, et
conduire aux serpentines, Mg6[Si4O10](OH)8. Ici, toutes les
positions octaédriques sont occupées et l’on parle de
phyllosilicate trioctaédrique. Dans ces phyllosilicates TE-OC,
les liaisons entre les feuillets sont assurées par des
liaisons de type pont-hydrogène.

164
Figure 3.33. Classification structurale des phyllosilicates.

Dans les phyllosilicates TE-OC-TE, les feuillets sont


constitués d’une couche octaédrique comprise entre deux
couches tétraédriques (Figure 3.33 ; c ~ 9 Å). La couche
octaédrique peut être de type gibbsite, comme dans la
pyrophyllite, Al2[Si4O10](OH)2 (dioctaédrique, Figure 3.34), ou
bien de type brucite, comme dans le talc, Mg3[Si4O10](OH)2
(trioctaédrique). La liaison entre les couches est assurée par
les forces de Van der Waals ; la faiblesse de ces liaisons est
responsable de l’excellent clivage (001) de ces
phyllosilicates.

165
Figure 3.34. Structure de la pyrophyllite.

Un autre type de phyllosilicates TE-OC-TE existe


également, dans lequel l’espace interfoliaire n’est pas vide
mais occupé par de gros cations comme K+ ou Na+ (Figure 3.33 ;
c ~ 10 Å). Ce sont les micas, parmi lesquels on compte la
muscovite, KAl2[Si3AlO10](OH)2 (Figure 3.35 ; dioctaédrique) et
la phlogopite, KMg3[Si3AlO10](OH)2 (trioctaédrique). Dans les
micas, la cohésion entre les feuillets est assurée par les
liaisons électrostatiques induites par les cations
interfoliaires. Le clivage (001) est parfait.

Figure 3.35. Structure de la muscovite.

166
Finalement, on observe également des feuillets TE-OC-TE-OC
parmi les phyllosilicates (Figure 3.33 ; c ~ 14 Å). Dans ce
cas, la liaison entre deux feuillets TE-OC-TE est assurée par
une couche octaédrique supplémentaire. Cette structure est
caractéristique des chlorites, (Fe,Mg)5Al[Si3AlO10](OH)8 (Figure
3.36), qui présentent aussi un plan de clivage (001) parfait.

Figure 3.36. Structure des chlorites.

167
Les tectosilicates, [SiO2]0

Dans les tectosilicates (de τεκτονεια, charpente), chaque


tétraèdre partage ses 4 oxygènes avec des tétraèdres voisins,
formant ainsi une charpente tétraédrique tridimensionnelle
(Figure 3.22). Dans le quartz, SiO2, ainsi que dans ses
polymorphes, tridymite et cristobalite, cette charpente
silicatée est parfaitement équilibrée électrostatiquement et
ne nécessite l’incorporation d’aucun cation supplémentaire.
Dans les feldspaths, par contre, la substitution de Si4+ par
Al3+ sur certains sites tétraédriques de la charpente provoque
un déficit de charge positive, qui est comblé par de gros
cations comme K+ (orthose, K[AlSi3O8]), Na+ (albite,
2+
Na[AlSi3O8]) ou Ca (anorthite, Ca[Al2Si2O8]).
Dans les feldspathoïdes, la charpente alumino-silicatée
comporte des canaux, alors que dans les zéolites, elle est
caractérisée par des cages de grandes dimensions. Les
structures détaillées de ces tectosilicates seront abordées
l’an prochain.

168

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