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Prix de Transfert Dans Les Groupes de Sociétés: Risques Spécifiques Et Démarche D'audit Dans Le Cadre D'une Mission de Commissariat Aux Comptes
Prix de Transfert Dans Les Groupes de Sociétés: Risques Spécifiques Et Démarche D'audit Dans Le Cadre D'une Mission de Commissariat Aux Comptes
Décembre 2010
Remerciements
Je tiens d’abord à remercier Monsieur Abderrahmen Fendri pour le grand soutien qu’il m’a
apporté dans la direction de ce mémoire, ainsi que pour ses précieux conseils et son
encadrement tout au long de ma période de stage. Je lui dois par ce travail, une haute
considération et un profond respect.
Mes remerciements s’adressent également à mon maître de stage Monsieur Ahmed Belaifa
qui m’a généreusement initié aux pratiques du métier d’expert comptable et m’a offert
l’occasion, durant les années que j’ai passées au sein de son honorable cabinet, d’apprendre le
sens du professionnalisme et de l’intégrité.
Mes remerciements s’adressent également à tous mes enseignants et aux membres du Jury qui
ont accepté de juger ce travail.
Je remercie enfin tous ceux qui m’ont aidé de près ou de loin dans la réalisation de ce travail.
Sommaire
Introduction générale…………………………………………………………………1
Première Partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de
sociétés…………………………………………………………………………………7
2. L’abus de majorité…………………………………………………………………..……58
1. Risque douanier…………………………………………………………………………..62
2. Risque économique……………………………………………………………………….62
2. Responsabilité pénale……………………………………………………………………..65
3. Responsabilité disciplinaire………………………………………………………………69
Deuxième Partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert
dans le cadre d’une mission de commissariat aux comptes……………………….73
Introduction…………………………………………………………………………………74
Sommaire
3. Proposition d’outils pratiques pour le commissaire aux comptes pour la conduite de cette
étape………………………………………………………………………………………95
1. Objectifs de cette phase dans le cadre précis de l’audit des prix de transfert……..……101
2.1. Compréhension des contrôles mis en place par l’entité pour couvrir les risques liés
aux prix de transfert…………………………………………………………….102
1. Synthèse des travaux effectués par le commissaire aux comptes et exploitation des
résultats de ces travaux………………………………………………………………….110
Conclusion…………………………………………………………………………………..113
1. L’analyse de la méthode retenue par l'entreprise pour les prix de transfert et des risques
qui en découlent : Proposition d’outils pratique (arbres de décision)…………………..115
1. Utilisation des travaux des commissaires aux comptes des filiales du groupe.…………130
Conclusion………………………………………………………………………………….138
Section 1 : Conséquences des anomalies relevées au titre des prix de transfert sur le
rapport général du commissaire aux comptes……………………………139
2. Diligences requises en cas d’irrégularité constitutive d’un délit et impact sur le rapport du
commissaire aux comptes……………………………………………………………….142
2. Démarche pour apprécier le caractère réglementé des conventions : proposition d’un arbre
de décision………………………………………………………………………………147
Conclusion générale………………………………………………………………………..153
Bibliographie ………………………………………………………………………………159
Annexes…………………………………………………………………………………….169
Liste des abréviations
Liste des abréviations
Code de l’IRPP et de l’IS : Code de l’Impôt sur les Revenus des Personnes Physiques et de
l’Impôt sur les Sociétés
DT : Dinar tunisien
Introduction générale
Le commerce international a connu ces dernières années une croissance importante, soutenue
par un large mouvement de mondialisation de l’économie et un progrès rapide des moyens de
communication. Au fur et à mesure du démantèlement des barrières douanières, on a assisté à
la naissance de groupes de sociétés qui se sont progressivement « internationalisés » afin de
profiter d’avantages compétitifs et réglementaires augmentant ainsi les flux de transactions
intra-groupe.
En Tunisie, les groupes se sont particulièrement développés dans les années quatre-vingt
après une dizaine d’années de croissance connue par l’ensemble de l’économie tunisienne.
Cette croissance a permis à certains entrepreneurs privés de remettre dans le circuit
économique les bénéfices obtenus en les réinvestissant soit dans leur activité d’origine, soit
dans de nouvelles activités. Aussi, certains groupes, en profitant de certains avantages d’ordre
financier, ont investi dans des secteurs jugés très rentables et totalement indépendants de leurs
activités d’origine, tels que l’agriculture, le tourisme et la promotion immobilière.
Cette stratégie reste imprégnée d’une logique financière plutôt que d’une recherche de
synergie1. En effet, la plupart des groupes ont investi dans des secteurs de l’économie au gré
de l’apparition d’opportunités à caractère financier et fiscal. Cependant, l’ouverture de
l’économie tunisienne commence à exercer une forte influence sur les choix stratégiques des
groupes.
Certains groupes Tunisiens ont été amenés à orienter leurs investissements vers des secteurs
bien déterminés en tenant compte de leurs compétences et des spécificités de l’environnement
surtout international. L’adoption de ces stratégies intensives et intégratives a renforcé la
présence de certains groupes Tunisiens sur le marché international. En effet, à part les
opérations d’exportation, des groupes comme Poulina, Sangho, Chakira et Altea Packaging se
sont développés par des stratégies d’internationalisation en créant des filiales autonomes ou
des joint-ventures dans certains pays. Ce choix a été dicté par la taille réduite du marché local,
l’importance des capacités de production de ces groupes et la volonté de leurs dirigeants de
croître davantage et de s’ouvrir au marché international.
1
A. JARBOUI, « Impact des mécanismes de gouvernance sur la stratégie de diversification des groupes
tunisiens », Management & Avenir n° 17, 2008/3
Introduction générale 3
D’un autre côté, le nombre d’entreprises étrangères filiales de grands groupes internationaux
installés en Tunisie a enregistré une nette augmentation ces dernières années.
Dans ce contexte, les échanges intra-groupes ont connu un développement significatif. Ils
représentent, aujourd’hui, selon les sources de l’Organisation de Coopération et de
Développement Economiques (OCDE)2, plus de 60% du commerce mondial3. De ce fait, les
«Prix de transfert » ou « Prix de cession interne » représentent désormais un enjeu stratégique
pour les entreprises multinationales et pour les groupes nationaux. Le prix de transfert
pouvant être défini comme le prix auquel une entreprise transfère des biens corporels, actifs
incorporels ou rend des services à des entreprises associées. Il pourrait concerner la vente de
marchandises (produits finis ou semi-finis), les prestations de services (étude de marché,
étude de rentabilité, formation du personnel,…), les refacturations de frais de siège, la cession
d’immobilisations corporelles (équipements de production, …) ou incorporelles (marques
commerciales, brevets,…).
Le prix de transfert joue donc le même rôle que le prix classique et devrait suivre, en théorie,
les lois économiques du marché afin d’affecter le juste prix à chaque transaction, que
l’échange intervienne entre deux sociétés indépendantes ou deux sociétés liées. Cependant, la
détermination du prix de transfert fait intervenir un élément supplémentaire qui est l’« intérêt
du groupe ». En effet, les transactions effectuées entre les sociétés sont souvent conclues à des
conditions favorisant l’intérêt commun du groupe, au détriment, parfois, des intérêts
individuels des sociétés membres. Cette dualité de l’unité économique du groupe et de
l’autonomie juridique des sociétés liées pose, de toute évidence, des problèmes au niveau de
l’appréciation de la justesse des prix de cession interne appliqués.
Un prix de transfert déterminé d’une manière pertinente est un outil d’optimisation financière
au sein du groupe et un instrument efficace de mesure de performance. L’utilisation par une
filiale d’un prix excessivement bas (ou basé sur le coût marginal) pour vendre sa production
au sein du groupe, ne permettrait pas de refléter la réalité économique et entraînerait une
détérioration de ses résultats. Cette situation pourrait s’accompagner d’une démotivation du
personnel de cette entreprise, ce qui aura pour conséquence directe et rapide une
augmentation de ses coûts de production, et ne contribuerait pas, par conséquent, à servir
2
Institution internationale, basée à Paris et créée en 1960. Elle regroupe 30 pays membres, tous attachés à
l’économie de marché.
3
A. DE L’ETOILE-CAMPI, J.-C. SAUZEY, P.-S. THILL, F. GERNER, E. MILHAC et M.R. IBANEZ, « Accords préalables
sur les prix de transfert, la France doit encore faire ses preuves », Bulletin fiscal Francis Lefebvre, 2/2000, p.86.
Introduction générale 4
l’intérêt global du groupe. Ainsi, si l’intérêt du groupe demeure l’objectif ultime recherché,
l’intérêt propre de chaque entité ne devrait pas être sacrifié.
Un autre rôle, non moins important, est assigné au prix de transfert, à savoir l’optimisation de
la charge d’impôt. En effet, dans un groupe de sociétés la manipulation des prix de transfert
pourrait induire un transfert de bénéfice d’une entité bénéficiaire vers une autre déficitaire, ou
d’une filiale située dans un pays à forte pression fiscale vers un autre dont la fiscalité est plus
avantageuse, impliquant dans les deux cas une baisse de la charge d’impôt du groupe.
Cependant, que ce soit sur le plan international ou sur le plan national, la gestion des prix de
transfert expose les groupes de sociétés à des risques fiscaux et juridiques importants.
Sur le plan fiscal, et comme précisé précédemment, la tentation est grande pour le groupe
multinational de réduire l’assiette imposable dans le pays où la pression fiscale est élevée,
pour l’augmenter dans un pays à fiscalité plus faible ou inexistante en transférant ses résultats
positifs de l’un vers l’autre moyennant une fixation du prix de transfert adaptée entre ces deux
entités. L’expression « prix de transfert », dans sa connotation péjorative désigne alors la
technique de transfert de la marge bénéficiaire vers un territoire non imposé à laquelle
procède le groupe multinational soit en obligeant une filiale de production à vendre ses
produits à bas prix, soit en interposant une filiale, imposée dans un paradis fiscal, qui achètera
bon marché à la filiale de production ses produits et qui les revendra cher dans un autre Etat à
la filiale de commercialisation.
Afin d’éviter tout abus, notamment les transferts anormaux et frauduleux de fonds d’une
société à une autre, ou à une échelle plus large, d’un pays à un autre, les législateurs de
différents pays, isolés ou en commun, ont mis en place une batterie de mesures tendant à
cadrer et réglementer ces flux. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’un des textes les plus
importants se rapportant aux prix de transfert : « Prix de transfert et entreprises
internationales » publié par l’OCDE en 1979.
A l’échelle internationale, les contrôles portant sur les prix de transfert se multiplient et les
montants des redressements fiscaux s’y rattachant ne cessent d’augmenter d’une année à
l’autre, les sommes représentées par ces transactions étant gigantesques4. Les redressements
fondés sur les prix de transfert sont vingt fois plus rentables que ceux effectués en matière de
4
F. BAUMERT, « La gestion des prix de transfert par les sociétés Françaises », Mémoire de DEA de droit des
affaires, Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion - Université Robert SCHUMAN, 2003-2004, p.9.
Introduction générale 5
TVA5 et aucune autre matière fiscale ne met en jeu autant d’argent ; ainsi, la remise en cause
des prix de transfert est devenue un moyen d’accroître les recettes d’un Etat et un
redressement légitimé par la lutte contre l’évasion fiscale.
En Tunisie, Il n’existe pas de textes fiscaux traitant directement du prix du transfert. Ceci
étant, la répression fiscale liée à la manipulation des prix de transfert passe essentiellement
par la théorie de « l’acte anormal de gestion ».
De même, les conventions fiscales internationales conclues par la Tunisie et qui s’inspirent du
modèle des conventions fournies par l’OCDE conforte le principe de normalité des
transactions en précisant que : « le bénéfice imputable à un établissement stable doit
s'entendre du bénéfice que cet établissement aurait pu réaliser s'il avait constitué une
entreprise distincte et séparée exerçant des activités identiques ou analogues dans des
conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il
constitue un établissement stable. Le résultat imposable de l’établissement stable est
déterminé après déduction des charges se rapportant à l'activité de cet établissement, y
compris les charges et les frais généraux réels d'administration engagés par l’entreprise dans
le cadre de sa gestion normale soit dans l'Etat où est situé cet établissement soit ailleurs. »
Sur le plan juridique, les risques encourus par les groupes de sociétés et leurs dirigeants et se
rapportant à des manipulations de prix de transfert sont importants et peuvent relever du délit
d’abus de biens et crédits sociaux, du délit d’abus de majorité, du risque d’action en
comblement de passif, de l’extension de faillite ainsi que le non respect de la réglementation
relative à la concurrence et aux prix.
5
P.RASSAT et G. MONSELLATO, « Les prix de transfert », Editions Maxima, 1998, p.154
Introduction générale 6
Face à ce risque croissant, la profession se trouve confrontée à une question de plus en plus
fréquente : Quels sont les travaux et les diligences à mettre en œuvre par le commissaire aux
comptes pour couvrir les zones de risques liées aux prix de transfert, qui lui permettraient
d’avoir une assurance raisonnable quant à la sincérité, la régularité et l’image fidèle des
comptes sur lesquels il se prononce ; et quel serait l’impact d’une manipulation des prix de
transfert sur l’opinion exprimée par le commissaire aux comptes ?
Pour tenter de répondre à ces questions et rendre plus aisé le recensement et le contrôle par le
commissaire aux comptes des opérations intra-groupe, nous essayerons de rappeler dans un
premier temps les notions clés liées au groupe de société et au prix de transfert. Ensuite, nous
nous proposons de recenser les risques fiscaux, juridiques ou autres encourus par les groupes
de sociétés, ainsi que les risques encourus par les commissaires aux comptes et se rapportant à
la manipulation du prix de transfert (Partie 1).
Ensuite, nous essayerons de proposer une démarche d’audit qui couvrira aussi bien la phase
de prise de connaissance, d’évaluation du contrôle interne, ainsi que celle relative au contrôle
des comptes. Nous tenterons enfin d’analyser les implications d’une manipulation des prix de
transfert sur l’opinion du commissaire aux comptes sur les comptes de la société auditée ainsi
que sur son rapport spécial (Partie 2).
Première Partie
Introduction
Alors que les paradis fiscaux, l’évasion fiscale internationale, les bonus, la régulation de
l’activité économique mondiale, les marchés financiers ou bien encore les banques sont au
cœur des débats actuels, les prix de transfert font étrangement relativement peu parler d’eux.
Sans doute s’agit-il là d’une question complexe difficilement « vendable » sur le plan
médiatique et politique. Sans doute aussi mettent-ils en question des intérêts et des enjeux
financiers tels qu’il est extrêmement délicat d’en parler publiquement6.
Il est en effet tout à fait normal que des ventes de biens et de services soient facturées, quand
bien même ces factures sont émises entre entités d’un même groupe. Il arrive même que les
prix soient avantageux, ce qui là encore peut souvent s’expliquer, à condition toutefois que
l’avantage consenti s’inscrive dans le cadre d’une stratégie de développement économique,
d’une démarche commerciale, qui peut procurer un « retour sur investissement » au groupe
concerné. Là encore, la pratique est courante et le groupe peut justifier par un intérêt
commercial.
Cependant, du fait de la confusion ou du décalage qu’il peut y avoir entre l’intérêt social
d’une entité et celui du groupe auquel elle appartient, l’utilisation des prix de transfert flirtent
facilement avec les limites de la légalité fiscale et juridique.
Quels seraient les risques encourus par les groupes de sociétés dans l’utilisation des prix de
transfert ? Et quelle serait l’incidence de ces risques sur la mission du commissaire aux
comptes ?
Pour répondre à ces questions, nous essayerons dans le cadre du premier chapitre de dresser
les contours de la notion de groupe telle que définie par le droit commercial, fiscal et
comptable, ainsi que celle du prix de transfert (Section 1). Nous tenterons ensuite de définir
les objectifs assignés au prix de transfert (Section 2).
6
Union SNUI – SUD Trésor Solidaires, « Prix de transfert : Un enjeu central », novembre 2009, p.1.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 9
Introduction
Enfin, nous consacrerons le troisième chapitre à un examen des risques fiscaux (Section 1),
juridiques (Section 2), ou douanier et économique (Section 3) liés à l’utilisation des prix de
transfert, et leur incidence sur la mission du commissaire aux comptes dans un groupe de
sociétés (Section 4).
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 10
Chapitre 1 : Place des prix de transfert dans les groupes de sociétés
10
Chapitre 1 : Place des prix de transfert dans les groupes de
sociétés
Ce chapitre aura pour objectif de présenter les notions de base liées à la problématique du prix
de transfert. Ainsi, une première section sera consacrée à la définition des notions clés telles
que la notion de groupe, telle que définie par le droit commercial, fiscal et comptable, ainsi
que celle du prix de transfert. Nous tenterons ensuite, dans une deuxième section, de définir
les objectifs assignés au prix de transfert.
Alors qu’ils constituent des réalités économiques tangibles, les groupes de sociétés étaient,
jusqu’à une époque très récente, très rarement organisés juridiquement. A l’échelle
internationale, hormis en Allemagne où le législateur a eu le mérite d’être le premier à
instaurer un cadre juridique relatif aux groupes de sociétés lors de la réforme du droit des
sociétés qu’il a effectuée en 1965, rares sont les systèmes juridiques qui ont consacré une loi à
ce phénomène économique, et ce, malgré le nombre important d’études et de projets établis
dans ce domaine7.
Sur le plan national, la réalité économique des groupes de sociétés était presque ignorée par le
droit positif tunisien jusqu’à l’apparition de la loi 96-112 du 31 décembre 1996 relative au
système comptable des entreprises selon laquelle le législateur a imposé aux sociétés qui
contrôlent totalement ou partiellement les opérations de direction d’une ou de plusieurs
entreprises ou qui exercent une influence notable sur le déroulement de leur activité, d’établir
des états financiers consolidés selon les conditions, les modalités et procédures prévues par
les normes comptables.
Quatre ans plus tard, la loi n° 2000-98 portant promulgation de la loi de finances pour la
gestion 2001 a institué le régime d’intégration des résultats pour les groupes de sociétés, et un
an plus tard, la loi n° 2001-117 complétant le code des sociétés commerciales a instauré un
cadre juridique pour les groupes de sociétés.
7
B. Maatar, « Maîtrise des risques inhérents aux opérations intra-groupe », Mémoire élaboré en vue de
l’obtention du diplôme national d’expertise comptable, Tunis, Juillet 2006.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 11
Chapitre 1 : Place des prix de transfert dans les groupes de sociétés
11
Nous distinguons en général trois types de groupes, avec des combinaisons possibles entre ces
catégories :
− Les groupes financiers : qui se caractérisent par l’existence d’une société mère, qui
détient directement ou indirectement des actions ou des parts sociales dans des sociétés
dites filiales.
− Les groupes personnels : qui se caractérisent par une unité de direction, résultant d’une
communauté d’associés ou de dirigeants sans qu’il y ait forcément un lien de capital entre
les différentes sociétés.
Cette catégorie de groupes est très répandue en Tunisie. En effet, la majorité des groupes
tunisiens sont constitués de sociétés familiales, n’ayant pas de lien de capital entre-elles.
Ces sociétés sont contrôlées par une ou plusieurs personnes physiques, qui jouent en fait
le rôle de la société mère.
− Les groupes contractuels : Ils se caractérisent par une dépendance contractuelle résultant
d’accord tel que les contrats d’exclusivité, de concession ou de sous-traitance. Ces
relations contractuelles peuvent être soit temporaires comme les sociétés en participations
ou les «joint ventures » dans les activités pétrolières, soit durables, comme les contrats de
franchise.
Les premiers auteurs qui ont tenté de définir la notion de groupe se sont principalement basés
sur les aspects économiques de ce dernier. C’est dans ce contexte que C. Chapaud définit le
8
J. MONTIER, « La diversité de la notion de groupe », Revue Française de Comptabilité, n° 271, Octobre 1995,
pages 78-91.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 12
Chapitre 1 : Place des prix de transfert dans les groupes de sociétés
12
groupe comme étant : «…une unité de contrôle patrimonial destinée à assurer une décision
économique »9.
Selon le même auteur, « Il y a groupe industriel de sociétés lorsque des sociétés par actions,
ayant des activités identiques, proches ou complémentaires, sont soumises à une direction
économique unique résultant du contrôle de leur patrimoine par l’une d’entre elles qui exerce
sa domination par le jeu de multiples participations financières ».
Une autre définition présente le groupe comme étant « …un ensemble de sociétés qui, tout en
étant juridiquement distinctes, se trouvent cependant liées les unes aux autres de telle sorte
que l’une d’entre elles, qualifiée de société mère ou de société dominante, est en mesure
d’imposer, de fait ou de droit, une unité de décision aux autres composantes du groupe qui se
trouvent ainsi dans la situation de sociétés dominées »10.
Le mémento « Groupes de sociétés » des éditions Francis Lefebvre définit le groupe comme «
…un ensemble constitué de plusieurs sociétés ayant chacune leur existence juridique propre
mais unies entre elles par des liens divers en vertu desquels l’une d’elles, dite société mère,
qui tient les autres sous sa dépendance, exerce un contrôle sur l’ensemble, et fait prévaloir une
unité de décision ».
De ce qui précède, nous retenons que l’existence d’un groupe de sociétés repose sur la
réunion des deux éléments :
− Une direction unique capable de lui apporter des techniques de gestion générale, une aide
financière, commerciale…etc.
La stratégie de filialisation dans le cadre d’une structure de groupe permet généralement une
plus grande souplesse dans la gestion, qu’une organisation simple d’entreprise. Elle permet la
maximisation de la performance globale suite à une meilleure allocation des ressources aux
9
C. Chapaud, Thèse Rennes, 1962, « Le pouvoir de concentration de la société par action », cité par Laure
NURIT-PONTIER, « Les groupes de sociétés », Paris, Editions Ellipses, Collection Le droit en questions, 1998, p.9-
10.
10
Droit des affaires, tome 2, PUF, 1992, cité par Laure NURIT-PONTIER, « Les groupes de sociétés », Paris,
Editions Ellipses, Collection Le droit en questions, 1998, p.9.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 13
Chapitre 1 : Place des prix de transfert dans les groupes de sociétés
13
emplois (économie d’échelle, optimisation du rendement du capital,…), la croissance interne
et externe du fait de l’existence d’une stratégie commune pour l’ensemble des sociétés
composant le groupe et enfin, une certaine sécurité dans le processus d’approvisionnement et
de commercialisation, par le biais de l’intégration en amont et en aval.
Selon l’article 461 du CSC, le groupe est « un ensemble de sociétés ayant chacune sa
personnalité juridique, mais liées par des intérêts communs, en vertu desquels l’une d’elles,
dite société mère, tient les autres sous son pouvoir de droit ou de fait et y exerce un contrôle,
assurant ainsi une unité de décision »11.
− La notion de contrôle : Est considérée comme étant contrôlée par une autre société, au
sens de l’article 461 du CSC,
« Toute société :
▪ Dont une autre détient une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de
vote ;
▪ Ou dont une autre société y détient la majorité des droits de vote, seule ou en vertu
d’un accord conclu avec d’autres associés ;
11
Article 461 du CSC, ajouté par la loi n° 2001-117 du 6 décembre 2001, complétant le code des sociétés
commerciales.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 14
Chapitre 1 : Place des prix de transfert dans les groupes de sociétés
14
▪ Ou dont une autre société y détermine, en fait, les décisions prises dans les
assemblés générales, en vertu des droits de vote dont elle dispose en fait.
Le contrôle est présumé dès lors qu’une société détient directement ou indirectement
quarante pour cent aux moins des droits de vote dans une autre société et qu’aucun autre
associé n’y détienne une fraction supérieure à la sienne »12.
D’un point de vue général, contrôler une société consiste à exercer une influence
dominante sur sa gestion13. Le contrôle peut être soit direct à travers la détention par la
société mère de la majorité des droits de vote de sa filiale, soit indirect par le biais d’une
autre société, laquelle détient la majorité des droits de vote de la société concernée.
12
Article 461 du CSC, ajouté par la loi n° 2001-117 du 6 décembre 2001, complétant le code des sociétés
commerciales.
13
P. SCHEVIN, « Notion de contrôle et réglementation des groupes », Revue Française de Comptabilité, n°227,
Octobre 1991, pages 86-96.
14
Loi n° 96-112 du 30 décembre 1996 relative au système comptable des entreprises, article 24.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 15
Chapitre 1 : Place des prix de transfert dans les groupes de sociétés
15
vu le jour que 7 ans après la promulgation de cette loi, soit à la fin de l’année 2003 15. Cette
norme a défini les conditions, les modalités et les procédures d’établissements desdits états.
Le groupe de sociétés a été clairement défini par la norme comptable n°35, à travers les règles
de détermination du périmètre de consolidation. Ce dernier inclut toutes les entreprises qui
sont contrôlées par la société mère, autres que les filiales dont le contrôle est destiné à être
temporaire, ou qui sont soumises à des restrictions durables et fortes qui limitent de façon
importante leur capacité à transférer des fonds à la société mère.
Selon la même norme dans son paragraphe 10, la notion de contrôle existe « … lorsque la
mère détient, directement ou indirectement par l'intermédiaire de filiales, plus de la moitié
des droits de vote d'une entreprise, sauf si dans des circonstances exceptionnelles, il peut être
clairement démontré que cette détention ne permet pas le contrôle. Le contrôle existe
également lorsque la mère, détenant la moitié ou moins de la moitié des droits de vote d'une
entreprise, dispose :
(a) du pouvoir sur plus de la moitié des droits de vote en vertu d'un accord avec d'autres
investisseurs ;
(d) du pouvoir de réunir la majorité des droits de vote dans les réunions du conseil
d'administration ou de l'organe de direction équivalent.
Le contrôle est présumé exister, dès lors qu'une entreprise détient directement ou
indirectement quarante pour cent au moins des droits de vote dans une autre entreprise, et
qu'aucun autre associé n'y détienne une fraction supérieure à la sienne ».
Ainsi, nous retrouvons les mêmes critères de définition prévue par le CSC.
15
B. MAATAR, « Maîtrise des risques inhérents aux opérations intra-groupe », Mémoire élaboré en vue de
l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Tunis, Juillet 2006.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 16
Chapitre 1 : Place des prix de transfert dans les groupes de sociétés
16
1.4. Définition fiscale
Les conditions d’accès au régime d’intégration des résultats ont été révisées par la suite dans
le cadre de la loi n° 2003-80 du 29 décembre 2003 portant promulgation de la loi de finances
pour la gestion 2004.
En vertu de l’article 49 bis paragraphe I du code de l’impôt sur le revenu des personnes
physiques et de l’impôt sur les sociétés, deux conditions sont nécessaires pour pouvoir
bénéficier du régime d’intégration des résultats :
− Statuts de la société mère et des sociétés filiales : La société mère doit être cotée à la
Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis ou s’engager à y introduire ses actions dans un
délai ne dépassant pas la fin de l’année qui suit celle de l’entrée en vigueur du régime
d’intégration des résultats. En outre, les sociétés devraient être établies en Tunisie, être
soumises à l’impôt sur les sociétés et avoir la même date de clôture.
La lecture de cette définition nous permet de conclure que la définition du groupe de sociétés
selon la réglementation bancaire se résume dans le fait que deux ou plusieurs sociétés ont un
lien étroit d’activité ou elles sont contrôlées par les mêmes dirigeants. Ceci implique que le
qualificatif « groupe » peut être attribué à un ensemble de sociétés qui ont comme unique
point en commun les actionnaires majoritaires, et ce contrairement au droit commercial et au
droit comptable qui définissent la notion de groupe en se basant sur deux éléments à savoir,
l’existence d’une société mère et l’existence de l’unicité de décision, le droit bancaire définit
la notion de groupe en se basant uniquement sur l’existence d’une unité de décision.
Généralement, les prix de transfert sont définis comme étant « les prix pratiqués pour toute
transaction réalisée entre sociétés affiliées, que le transfert soit commercial, financier ou
technique ». L’OCDE16 définit les prix de transfert dans un contexte international comme «les
prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, actifs incorporels, ou rend des
services à des entreprises associées ». Deux entreprises sont considérées comme « associées »
si l’une d’entre elles participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au
capital de l’autre, ou si « les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la
direction, au contrôle ou au capital».
Cette définition est donnée par l’OCDE, aussi bien dans son rapport « principes applicables
en matière de prix de transfert » que dans son « modèle de conventions fiscales ».
Ainsi, l’expression « prix de transfert » recouvre les prix entre sociétés appartenant à un
même groupe, lorsqu’il y a passage d’une frontière. Par mesure de simplification, et compte
tenu de la diversité des définitions, les termes de prix de cession intra-groupe et de prix de
16
L’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) est une institution internationale,
basée à Paris et créée en 1960. Elle regroupe trente pays membres, tous attachés à l’économie de marché. Ses
relations de travail avec plus de soixante dix autres pays, des ONG et la société civile lui confèrent une
envergure mondiale. Renommée pour ses publications et ses statistiques, ses travaux couvrent tout le champ
économique et social.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 18
Chapitre 1 : Place des prix de transfert dans les groupes de sociétés
18
transfert sont utilisés indifféremment au cours de cette étude, dès lors que les transactions sont
effectuées entre entités juridiques distinctes, qu’il y ait ou non passage de frontières.
Le modèle le plus récent est celui développé par R. Eccles. Ce dernier définit trois types de
groupes auxquels correspondent trois types de prix de transfert que nous synthétisons ci -
après :
Les groupes de type Les prix de transfert seront fixés Cette méthode donnerait une
«Conglomérat» avec une sur la base des prix du marché. meilleure vision de la rentabilité
dominance de la stratégie des différentes entités.
financière.
Les groupes fortement intégrés Les prix de transfert seront fixés Cette méthode permettrait d’avoir
verticalement (où les transactions sur la base du coût marginal. une vision exacte de la rentabilité
internes sont plus nombreuses). de chaque entité et d’optimiser les
résultats du vendeur final (sur le
marché externe).
Les groupes ayant une stratégie Les prix de transfert seront fixés Cette méthode donnerait une
matricielle18 sur la base du prix de marché. meilleure vision de la rentabilité
des différentes entités et assurerait
l’équité envers les responsables
d’unités du groupe.
17
Le coût marginal de production est le coût de revient de la dernière unité vendue.
18
Ayant à la fois une stratégie d’intégration et de diversification
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 19
Chapitre 1 : Place des prix de transfert dans les groupes de sociétés
19
Ce modèle montre que toute politique de prix de transfert a pour objectif ultime de maximiser
les profits du groupe. Les prix de transfert constituent donc, avant tout, un outil économique
et de gestion, et non une contrainte fiscale uniquement.
Si le rôle primaire des prix de transfert qui consiste en la valorisation des échanges intra-
groupe paraît évident, il n’en demeure pas moins qu’ils peuvent contribuer à réaliser d’autres
objectifs.
La littérature assigne aux prix de transferts un certain nombre d’objectifs, parmi lesquels
ceux d'allocation optimale des ressources, de maximisation du profit, d’évaluation des
performances, de motivation des managers d’unités, etc. Cette profusion d’objectifs est aussi
à l’origine des trois principales approches théoriques des prix de transfert. Il s’agit des
approches : économique, sociologique, et organisationnelle.
L'approche sociologique préfère voir dans l’établissement des prix de transfert l'expression
d'une série de sous-objectifs pouvant être renégociés par les parties. La fixation des prix de
cession interne résulterait, selon cette approche, d'un processus de marchandage dans lequel
chaque partie chercherait à résoudre ses problèmes ; les managers des unités ayant obtenu de
moins bons résultats s'activant par exemple à trouver de nouvelles règles de prix de cession
interne.
19
T. MADIE`S, « Prix de transfert optimaux et comportement stratégique des multinationales », Louvain
Economic Review, n° 69(4), 2003, pages 387-406.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 20
Chapitre 1 : Place des prix de transfert dans les groupes de sociétés
20
L’approche organisationnelle des prix de transfert est surtout l’œuvre de Watson et Baumler
(1975) et, plus récemment, d’Eccles (1985)20. Dans la veine des travaux de Lawrence et
Lorsch (1967), Watson et Baumler (1975) développent l'idée selon laquelle les prix de
transfert favorisent à la fois la différenciation, car ils affectent le profit individuel des unités,
et un certain degré d'intégration, grâce aux règles et procédures. A l'issue d'un imposant
travail de terrain, Eccles (1985) établit des liens entre les politiques de prix de cession interne
et la stratégie. Il dresse ensuite une typologie des politiques de prix de cession interne où à
quatre types de stratégies et de structure (la relation stratégie-structure étant indissociable), il
fait correspondre quatre types d’organisations avec des politiques de PCI21 distinctes. Il s’agit
des organisations de style collectif, de style coopératif, de style participatif et de style
concurrentiel.
− Les organisations de style collectif sont nouvelles et de petite taille. Les prix de transfert
n'ont pas d'intérêt dans cette structure.
− Les organisation de style coopératif sont généralement très intégrées, et adoptent une
structure fonctionnelle. La principale finalité des prix de transfert dans ce type
d’organisation est de faire apparaître le coût de revient complet du processus de
production ; d’où la préférence pour les cessions imposées et fondées sur les coûts. Les
organisations de style participatif combinent les caractéristiques des organisations de
styles coopératif et concurrentiel. Les unités en tant que centres de profit, et du fait de la
diversification, se font concurrence ; mais doivent aussi coopérer dans le cadre de la
stratégie d'intégration verticale du groupe. Leur structure est généralement matricielle,
avec une forte coopération par le biais de la négociation des objectifs. Les prix de cession
interne sont le plus souvent imposés et négociés sur la base du prix de marché.
− Les organisations de style concurrentiel partagent peu de ressources communes (cas des
conglomérats ou des sociétés de holding). La diversification y est forte, et l'intégration est
limitée à une logique financière. Le prix de marché est la règle et aucune priorité n'est
accordée aux cessions internes.
20
M. CATALO, « Cessions internes et contrôle organisationnel : Le cas d’une grande entreprise de
Télécommunication », 2001.
21
Prix de cession interne.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 21
Chapitre 1 : Place des prix de transfert dans les groupes de sociétés
21
2. Les prix de transfert et l’optimisation de la charge d’impôt
La fixation de prix de transfert permet d’optimiser la charge globale d’impôt d’une entité
juridique et d’un groupe, tant en matière d’impôt sur les sociétés, de TVA ou de droits de
douanes.
Afin d’illustrer le rôle que peuvent jouer les prix de transfert à cet égard, prenons l’exemple
d’un groupe qui comprend des filiales réalisant des résultats bénéficiaires et d’autres
déficitaires. Dans ce cas, les prix de transfert peuvent être utilisés comme moyen de transférer
une partie des résultats des filiales bénéficiaires vers les filiales déficitaires.
Le même schéma peut être appliqué au niveau international en transférant une partie des
bénéfices réalisés dans les pays à forte pression fiscale vers les pays à fiscalité allégée ou
privilégiée. Ainsi, les prix de transfert, même s’ils constituent une contrainte fiscale lourde
pour les groupes, contribuent à la réalisation d’objectifs qui dépassent la simple obligation de
valorisation des échanges. Ils peuvent mêmes être utilisés comme instrument pour orienter les
décisions stratégiques ou justifier des décisions prises au préalable comme la restructuration
d’une filiale déficitaire ou l’abandon d’une branche d’activité moins rentable.
Une étude réalisée à cet effet par Ernst & Young (1995) sur un échantillon (non représentatif)
de vingt-cinq entreprises multinationales ayant des activités dans huit pays différents (dont le
Canada, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon) fait clairement apparaître que la question
des prix de transfert est primordiale pour les multinationales de tous les pays étudiés. En effet,
selon 80% des multinationales qui ont participé à cette étude, la fixation des prix de transfert
serait leur problème fiscal international le plus important à l’heure actuelle.
Après avoir défini les prix de transfert, nous allons approfondir cette notion dans un deuxième
chapitre à travers l’étude du cadre règlementaire applicable aux prix de transfert et aux
méthodes de leur détermination.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 22
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
22
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et
méthodes de détermination
L’importance des enjeux liés aux prix de transfert a été à l’origine de la mise en place d’une
batterie de dispositifs visant à réglementer au mieux la valorisation des flux intra-groupe.
Dans ce chapitre, nous essayerons d’apporter un éclairage sur le cadre réglementaire
applicable en Tunisie tout en essayant de faire le parallèle avec les dispositifs mis en place
dans d’autres pays avant de présenter les normes et les méthodes de détermination des prix de
transfert préconisées par l’OCDE.
Selon le législateur Tunisien, la théorie de l’acte anormal de gestion est principalement fondée
sur la notion juridique d’intérêt social. A cet effet, ce principe a été consacré en matière de
déductibilité des charges, par l’article 12 du Code l’Impôt sur le Revenu des Personnes
Physiques et de l’Impôt sur les Sociétés qui prévoit que le résultat net est établi après
déduction de toutes les charges nécessaires à l’exploitation. Ainsi, une charge injustifiée ou
engagée en dehors de l’activité normale d’exploitation ne peut être déduite du bénéfice
imposable.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 23
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
23
Une entreprise a normalement pour objet la réalisation d’un bénéfice. Dès lors, un acte qui à
priori va à l’encontre de ce but ne pourra être considéré comme normal que si l’entreprise
peut espérer obtenir une contrepartie. Ainsi, il ne suffit pas que les dépenses exposées ou le
manque à gagner subi soit la conséquence d’un engagement en bonne et due forme pour que
le montant correspondant soit déductible du bénéfice imposable. Si l’engagement est
contracté sans contrepartie utile à l’exploitation, il sera qualifié d’acte anormal de gestion et
les charges susceptibles d’en résulter ne seront pas déductibles.
Par ailleurs, l’article 48 du code de l’IRPP et de l’IS, a consacré l’une des formes de la théorie
de l’acte anormal de gestion en précisant que les résultats soumis à l’impôt doivent
comprendre, selon ledit article, les intérêts calculés au taux de 8%, non décomptés ou
décomptés à un taux inférieur à ce taux au titre des sommes mises par la société à disposition
des associés22.
Seul l’intérêt social de l’entreprise devra être pris en considération en matière fiscale. Les
relations entre sociétés ne seront pas interdites mais elles devront s’attacher à garder un
caractère normal, la seule exception au principe de la personnalité de l’impôt est le régime
optionnel d’intégration fiscale institué pour la première fois par la loi de finances pour la
gestion 2001. Ce régime permet, sous certaines conditions, à la société mère de se substituer
aux sociétés membres du groupe pour le paiement de l’impôt sur les sociétés sur la base du
résultat global tenant compte des résultats bénéficiaires et déficitaires réalisés par ces sociétés.
Les principes de l’acte anormal de gestion ne sont pas uniquement applicables pour les
sociétés basées en Tunisie, mais peuvent être en effet appliqués, dans le cadre des transactions
effectuées entre une société mère étrangère et sa filiale ou son établissement stable en Tunisie.
Il est cependant à signaler que la théorie de l’acte anormal de gestion ne s’applique qu’en
matière d’impôt directs. Les tentatives d’extension du champ d’application de ladite théorie
ont été rejetées par la juridiction fiscale23. Ainsi, la commission spéciale de taxation d’office
22
Article 48, paragraphe VII, alinéa 2 du code de l’IRPP et de l’IS.
23
B. MAATAR, « Maîtrise des risques inhérents aux opérations intra-groupe », Mémoire élaboré en vue de
l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Tunis, Juillet 2006, p. 99.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 24
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
24
de Sfax24, dans son arrêt n°46/97, a considéré que la théorie de l’acte anormal de gestion ne
peut être appliquée en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée, qui correspond à un impôt
indirect payé par le consommateur final, et que le rôle du contribuable consiste en la collecte
de ladite taxe au profit de l’Etat. Ainsi le pouvoir de contrôle de l’administration fiscale se
limite aux montants inscrits sur les factures, tant que les conditions de forme sont respectées.
Elle ne peut en aucun cas modifier les prix de vente prévus au niveau des factures détenues
par le contribuable.
Ces dispositions s’appliquent dans les cas où il est prouvé que les prix appliqués aux
opérations entre les sociétés du groupe diffèrent de ceux appliqués aux autres clients ou de
ceux pratiqués entre des sociétés indépendantes ayant une activité similaire, et dans les cas où
il est établi que des charges non justifiées ont été subies, et que l’impôt supporté s’en est
trouvé diminué.
Cet article marque une avancée importante en matière de réglementation des opérations intra-
groupe dans le droit fiscal tunisien, et ce par l’introduction par le législateur, d’une manière
explicite, du principe de pleine concurrence et de la notion de prix de marché pour déterminer
le caractère normal d’une transaction.
Notons à ce niveau que l’article en question ne fait pas de différence dans le traitement entre
les groupes nationaux et internationaux et que par conséquent, l’application de cette règle
24
Commission spéciale de taxation d’office de Sfax, Arrêt n° 46/97, 26 novembre 1999, Revue de la
jurisprudence et de la législation, n° 2, 44ème année, février 2002, pages 213-237.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 25
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
25
couvre aussi bien les groupes implantés en Tunisie, que ceux dont la société mère, sœur ou
filiale est implantée à l’étranger.
Les opérations intra-groupe ne font pas non plus l’objet d’un droit particulier en Tunisie, mais
elles sont abordées dans le droit des sociétés à plusieurs reprises. Ainsi dans le droit
commercial tunisien, l’existence d’un quelconque intérêt du groupe est ignorée pour ne
prendre en compte que l’autonomie juridique des filiales. De ce fait, les échanges intra-groupe
doivent suivre encore une fois les mêmes règles que si les entreprises n’étaient pas liées.
Cependant, le législateur a conscience des cas particuliers qui peuvent exister dans les
groupes et il a prévu pour cela des procédures spéciales, il s’agit des conventions
réglementées. En effet, selon l’article 475 du CSC : « Lorsque deux sociétés ou plus
appartenant à un groupe de sociétés ont les mêmes dirigeants, les conventions conclues entre
la société mère et l’une des sociétés filiales ou entre sociétés appartenant au groupe sont
soumises à des procédures spécifiques de contrôle consistant en leur approbation par
l’assemblée générale des associés de chaque société concernée, sur la base d’un rapport
spécial établi par le commissaire aux comptes à l’effet si la société concernée est soumise à
l’obligation de désignation d’un commissaire aux comptes. Le contrôle n’est pas obligatoire
si la convention porte sur une opération courante conclue à des conditions normales ».
Par ailleurs, la loi n° : 2009-16 du 16 Mars 2009 portant réforme du code des sociétés
commerciales a confirmé les principes de l’article 475 dans la rédaction de l’article 200
nouveau sur :
Hormis les opérations libres (infra), aucune exception n’a été prévue par l’article 200
(nouveau) du CSC. Ces disposition sont en harmonie avec les dispositions de l’article
475 du CSC qui oblige toute société anonyme qui dès lors qu’elle fait partie d’un
«groupe» et qu’elle a les mêmes dirigeants qu’une autre société appartenant au groupe,
toute convention qu’elle conclut avec cette autre société est soumise aux « procédures
spécifiques de contrôle »25.
25
Dans son ancienne version l’article 200 du CSC présentait une divergence par rapport l’article 475 dans le
sens où celui-ci limitait le champ d’application des conventions réglementées aux opérations de prêts, avances,
subventions, garanties, sûretés, cession des fonds de commerce ou de l'un des éléments qui le composent,
emprunts importants ou location gérance de fonds de commerce alors que l’article 475 couvrent toutes les
conventions.
26
Pour l’exclusion du champ des conventions réglementées, l’article 200 du CSC abandonne donc l’ancien
critère d’« opérations courantes nécessaires à la réalisation de l'objet social ». En effet, l’ancienne exclusion se
limitait aux opérations courantes nécessaires à la réalisation de l'objet social que ces opérations soient
conclues à des conditions normales ou anormales. En retenant le critère de normalité, le législateur rejoint
aussi les dispositions régissant les groupes de sociétés où, en vertu des dispositions de l’article 475 du CSC, le
contrôle n’est pas obligatoire si la convention porte sur une opération courante conclue à des conditions
normales.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 27
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
27
Il est à signaler que le Droit tunisien n’a pas réservé une définition à la notion de normalité.
C’est la raison pour laquelle on s’est référé à la doctrine française qui s’est penchée sur la
question pour y apporter des éléments de réponse.
Une réponse ministérielle française a considéré que « les conditions peuvent être considérées
comme anormales lorsqu’elles sont habituellement pratiquées par la société dans ses rapports
avec les tiers de telle sorte que l’administrateur intéressé ne retire pas de l’opération un
avantage qu’il n’aurait pas eu s’il avait été un fournisseur ou un client quelconque de la
société. Il faut aussi tenir compte des conditions en usage pour les conventions semblables
dans d’autres sociétés ayant la même activité27 ».
Aussi et pour apprécier si une condition est conclue à des conditions normales, on ne doit pas
s’attacher uniquement aux critères de prix mais aussi aux conditions générales entourant la
convention telles que les délais de livraison, les conditions de paiement et les modalités de
garantie etc.
− N’est pas conclu à des conditions normales, le contrat d’entreprise pour l’édification d’un
bâtiment à usage de bureaux dès lors que le prix ne correspond pas à ceux habituellement
27
Rép. M. Lebas, J.O. Déb. A.N. 4 avril 1969 p. 870. « Selon la C.O.B. (Rapport sur 1976, p. 40), même conclues à
des conditions normales, les conventions entre une société et sa filiale devraient, en principe, être autorisées
au préalable par les conseils d'administration, sauf pour les opérations courantes au regard de chacune d'elles.
Pour la COB (Bull. C.O.B., 1981, n° 138), ces opérations sont celles qui sont effectuées de manière habituelle
par la société dans le cadre de son activité et s'agissant de relations entre sociétés d'un même groupe, il faut
tenir compte essentiellement de l'activité de la société à l'intérieur du groupe. Ainsi, une société industrielle et
commerciale peut, de manière courante, fournir des prestations informatiques à ses sociétés sœurs pour
rentabiliser le matériel dont elle dispose et dont elle n'a pas l'utilisation totale. De même, une société qui n'a
pas pour vocation de consentir des prêts peut, couramment, en octroyer à des sociétés de son groupe dans le
cadre d'un accord de trésorerie.
La Commission estime que le caractère normal d'une convention s'apprécie par référence aux conditions du
marché ou au prix de revient du bien vendu ou des prestations fournies. Dans un groupe de sociétés, le prix
payé à la société prestataire de services ne se limite pas à la somme déboursée, il s'y ajoute des contreparties,
quelquefois difficilement chiffrables, consistant en avantages divers qui résultent de l'appartenance au groupe
(approvisionnements privilégiés, facilités de trésorerie...). C'est compte tenu de tous ces éléments qu'il faut
tenter d'apprécier la normalité des opérations. Elle considère que les conventions importantes passées entre
sociétés du même groupe doivent faire l'objet d'un écrit pour permettre une bonne information des
actionnaires et des commissaires aux comptes. Tel est le cas de prestations facturées pour des sommes très
élevées par une filiale agissant en qualité de sous-traitant d'un contrat d'ingénierie dont la société mère était
titulaire (Bull. C.O.B., 1980, n° 123) » (Source, Lamy sociétés, op. cit., § 3352).
Cours de Droit des sociétés, Société Anonyme, Chapitre 4, « Conventions règlementées », disponible sur
www.prosocietes.com.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 28
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
28
pratiqués dans le même secteur d’activité et fait apparaître une marge nette qui n’est pas
conforme aux taux relevés sur les autres chantiers28.
− Les avances en comptes courants entre sociétés de groupe ne sont pas des opérations
courantes si l’objet social de la société prêteuse ne prévoit pas de consentir des prêts30.
Par ailleurs, l’article 200 nouveau tel qu’amendé par la loi de 2009 dans son paragraphe III
interdit à certaines personnes de contracter sous quelque forme que ce soit et sous peine de
nullité du contrat, des opérations définies comme suit :
- Les avances,
- Le bénéfice de subventions,
- Le président-directeur général ;
- Le directeur général,
- L’administrateur délégué,
28
Com., 9 avril 1996, Rev. Soc. 1996, p. 788, note, GUYON, Com. 11 juillet 2000, Bull. Joly 2001, p. 34, note le
Cannu ; Rapportés in J. MESTRE, M.E. PANCRAZY, Droit commercial, Editions L.G.D.J, 25ème édition, 2001, §
478-1.
29
Bull. COB. 1980, n° 129 (Lamy sociétés, op. cit., § 3352).
30
Rép. Min., n° 34164, JOANQ, 20 octobre 1980, p. 4453 ; Rép. Min., n° 37140, JOANQ, 9 mars 1981, p. 1028
(Lamy sociétés, op. cit., § 3352).
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 29
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
29
- Les conjoints, ascendants, descendants et toute personne interposée au profit de l’un
d’eux.
La norme comptable tunisienne n° 39 relative aux informations sur les parties liées, n’a pas
évoqué expressément la notion et les critères de normalité des transactions intra-groupe.
Toutefois, elle a proposé des méthodes acceptables de fixation du prix de transfert. Il s’agit
principalement de trois méthodes, à savoir :
− La méthode du coût majoré : elle cherche à ajouter une majoration appropriée au coût du
fournisseur.
− La méthode du prix de revente : cette méthode est utilisée lorsque des biens sont
transférés entre des parties liées avant leur vente à une partie indépendante. Le prix de
transfert est déterminé par déduction à partir du prix de revente d’une marge qui
représente un montant par lequel le revendeur cherche à couvrir ses coûts et à réaliser un
profit approprié.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 30
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
30
2. Les législations internationales
En matière de prix de transfert, le « fer de lance » est l’administration fiscale des États-Unis
d’Amérique, à travers l’« Internal Revenue Service » (IRS), qui bénéficie à cet égard de
l’appui du Congrès et d’autres dirigeants politiques américains.
En effet, une des toutes premières lois en matière des prix de transfert est apparue aux Etats
Unis en 1928 (section 45 de la loi fiscale de 1928). Cette loi autorisait l’administration fiscale
à faire des ajustements sur le niveau des résultats des différentes filiales, afin que chacune
affiche un niveau de résultat réel ou économique et n’échappe plus artificiellement à l’impôt.
Aux États-Unis, les risques de manipulation des prix de transfert ont entraîné l’adoption de
règles détaillées, assorties de dispositions qu’on peut considérer comme lourdes en matière
d’observation et de production de documents, et de pénalités fiscales passablement sévères.
Les entreprises actives aux États-Unis sont très conscientes de ces mesures (et surtout des
pénalités)31.
A cet effet, le 1er janvier 1994 marque l’entrée en vigueur aux Etats-Unis d’une réforme de la
réglementation fiscale visant à doter l’administration fiscale américaine des moyens
appropriés à la répression de l’évasion fiscale. En effet, les autorités américaines estimaient
que les entreprises étrangères implantées sur leur territoire ne payaient pas leur juste part
d’impôt. Cette réforme change notamment une donnée fondamentale en renversant la charge
de la preuve. Ainsi, les prix de transfert pratiqués par l’entreprise sont réputés erronés jusqu’à
preuve du contraire. Par ailleurs, la hiérarchie des méthodes prônée par l’OCDE est
abandonnée, le contribuable peut choisir une méthode forfaitaire s’il le souhaite, mais, il
devra prouver qu’elle est le reflet de la réalité économique sous peine de lourdes amendes.
Les Etats-Unis se sont aussi orientés vers une méthode de répartition des bénéfices
consolidés. Ils estiment qu’un groupe multinational qui possède des entreprises sur leur
territoire et qui réalise des bénéfices consolidés doit payer un impôt aux Etats Unis même si
31
Dans un sondage Ernst & Young mené en 1996 auprès de plus de 200 entreprises multinationales ayant des
activités aux États-Unis 89% des répondants ont déclaré avoir produit de la documentation sur leurs politiques
en matière de prix de transfert sous une forme compatible avec les règlements de l’IRS, pour éviter de se voir
imposer des pénalités par les autorités américaines.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 31
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
31
toutes les entreprises américaines du groupe génèrent des pertes. Ainsi, plusieurs mesures
importantes ont été prises aux États-Unis.
Avant tout, les autorités fiscales américaines ont publié sous forme d’ébauche, puis en version
définitive, le règlement 482 régissant les transactions entre apparentés32. Fondamentalement,
ce règlement exige la production de documents établis au moment de l’exécution de la
transaction et justifiant la méthode que les entreprises utilisent pour déterminer les résultats de
leurs transactions inter-compagnies, à défaut de quoi tout redressement peut les rendre
passibles de pénalités équivalant soit à 20%, soit à 40% de la minoration de l’impôt
exigible33. En outre, les autorités américaines ont publié des règles détaillées sur les accords
de partage des coûts et mis à jour leurs procédures relatives aux accords de fixation préalable
des prix de transfert.
Le règlement précise les dix principaux documents à fournir pour justifier la méthode
optimale employée par l’entreprise34 :
− Description de la ou des méthodes utilisées pour fixer les prix de transfert, avec les motifs
de leur choix ;
− Description et analyse des opérations comparables utilisées pour justifier ces choix ;
32
Dans l’ensemble, les entreprises américaines sont tenues de produire des documents établis au moment de
la transaction pour justifier leurs méthodes de fixation des prix de transfert à partir du moment où elles ont
déposé leurs déclarations de revenu de 1994 aux États-Unis; dans le cas des entreprises dont l’exercice se
terminait le 31 décembre, ces renseignements devaient être compilés au plus tard le 15 septembre 1996.
33
La pénalité est de 20% si le supplément d’impôt exigible dépasse 5 millions de dollars ou 10% des rentrées
brutes; dans le cas des redressements excédant 20 millions de dollars ou 20% des rentrées brutes, la pénalité
est de 40%. Des dispositions particulières s’appliquent aux petites entreprises et aux cas où les entreprises
avaient des motifs raisonnables d’agir comme elles l’ont fait.
34
Ces documents doivent être préparés au cours de la même période que celle du dépôt de la déclaration de
revenu de l’entreprise aux États-Unis et fournis à l’IRS au plus tard 30 jours après que celui-ci en a fait la
demande.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 32
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
32
− Explication de l’analyse et des projections économiques;
En plus d’exiger des contribuables ces documents établis lors de l’exécution de la transaction
qui doivent être disponibles, mais n’ont pas à être produits avec la déclaration de revenu,
l’IRS leur impose l’obligation de joindre aux déclarations certains renseignements sur leurs
transactions entre apparentés et sur leurs activités à l’étranger.
En général, les autres pays ont réagi défensivement aux initiatives américaines dans ce
domaine. La plupart d’entre eux ont opté pour des mesures administratives, mais quelques-
uns, comme la France, l’Australie et le Mexique, ont adopté une législation plus dure en ce
qui concerne les prix de transfert.
L’OCDE a, quant à lui, publié en 1995 une refonte des lignes directrices de son rapport de
1979 sur « Les principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des
entreprises multinationales et des administrations fiscales », intitulé « Prix de transfert et
entreprises multinationales » et a procédé à de nouvelles mises à jour en 1996. Dans cette
nouvelle version, l’OCDE réaffirme avec force la nécessité d’appliquer les méthodes
traditionnelles, mais concède la possibilité, comme nous allons le voir, d’utiliser dans des cas
exceptionnels où ces méthodes ne s’appliqueraient pas, des méthodes transactionnelles de
bénéfices.
Cependant, la mise à jour du rapport n’a eu que peu d’échos, et certains pays, soucieux de ne
pas voir migrer les revenus imposables vers d’autres Etats à fiscalité agressive, ont eux-
mêmes durci leur dispositif de contrôle. C’est le cas de la France à titre d’exemple.
En effet, l’arsenal juridique français relatif aux prix de transfert repose sur les articles 57 du
Code Général des Impôts (CGI) et L 13 B du Livre des Procédures Fiscales (LPF). L’article
57 du CGI prévoit, sous certaines conditions, que les bénéfices indirectement transférés à
l’étranger sont réintégrés aux résultats de l’entreprise. Pour l’application de cet article,
l’administration doit démontrer :
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 33
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
33
− L’existence d’un lien de dépendance, qu’il soit juridique ou de fait, entre l’entreprise
française et l’entreprise étrangère. Lorsque les transferts sont effectués au profit
d’entreprises établies dans des Etats dont le régime fiscal est privilégié (“paradis
fiscaux”), l’administration est cependant dispensée d’établir l’existence de ce lien de
dépendance.
− Achats à prix majorés, ventes à prix minorés, prêts consentis dans des conditions plus
avantageuses que celles du marché ;
− Commissions anormales ;
− Abandons de créances ;
− Prise en charge de frais sans contrepartie (par exemple frais généraux du siège non
justifiés) ;
L’élément de référence pour l’administration est donc le prix de pleine concurrence, c’est-à
dire celui qui serait établi pour des transactions se déroulant dans des conditions normales de
marché libre, à savoir dans les mêmes conditions qu’entre entreprises non liées. C’est la
méthode du prix comparable sur le marché.
Afin de renforcer les moyens dont dispose l’administration fiscale pour contrôler les
opérations internationales, l’article L 13 B du LPF a institué une procédure particulière de
renseignements.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 34
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
34
Contrairement aux Etats anglo-saxons (USA, Canada, Royaume-Uni), cet article n’impose
pas aux groupes de détenir une documentation préalable sous peine de sanctions. Toutefois,
l’entreprise vérifiée doit pouvoir fournir à l’administration les informations et documents
précisant :
− La nature des relations qu’elle entretient avec la ou les entreprises établies hors de
France;
− Les activités exercées par les entreprises liées et exploitées hors de France ;
− Le traitement fiscal réservé aux opérations réalisées par les entreprises étrangères placées
sous la dépendance ou le contrôle de la société française.
Au niveau de l’union européenne, il n’existe pas encore de législation fiscale unique, et même
si les textes de base sont similaires sur les grandes lignes, certaines divergences persistent et
peuvent, dans certains cas, créer des tensions entre les administrations fiscales des pays
membres. Lorsque l’administration fiscale d’un pays redresse les comptes d’une société
installée sur son territoire pour transfert indirect de résultat à une société du même groupe
installée dans un autre Etat de l’Union, les dirigeants du groupe sont fondés à exiger un
ajustement corrélatif (c’est à dire la contrepartie, dans la deuxième filiale, de l’ajustement
primaire subi par la première). En dehors de l’Union Européenne, ce type d’ajustements n’est
pas obligatoire.
Par ailleurs, les principes directeurs de l’OCDE prévoient une procédure d’arbitrage dans ces
cas mais sans fixer des obligations de résultat. A cet effet, les Etats membres de l’Union
Européenne ont signé en 1990 une convention relative à l’élimination de la double imposition
et qui rend obligatoire, dans le cadre des procédures d’arbitrage, la suppression de la double
imposition subie par les groupes de sociétés au sein de l’Union suite à un ajustement primaire.
Cette convention est en vigueur depuis le 1er janvier 1995.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 35
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
35
Un comparatif des réglementations en vigueur dans les principaux pays européens est
présenté au niveau de l’Annexe 1.
Le droit fiscal égyptien se caractérise quant à lui par des avancées significatives concernant le
contrôle des relations intra-groupe. Des modifications récentes de la législation fiscale37, tout
en réaffirmant la primauté du principe de pleine concurrence dans la détermination des prix
des transactions réalisées par des entreprises égyptiennes avec des entreprises étrangères qui
leur sont liées, fournissent d'importantes précisions sur les méthodes que l'administration peut
utiliser pour déterminer le prix d'une transaction internationale en conformité avec le principe
de pleine concurrence. En outre, la possibilité est désormais ouverte pour les contribuables de
valider par anticipation les méthodes de détermination de leurs prix de transfert.
35
Par exemple, Algérie: article 189 du Code des Impôts Directs, Maroc: article 213.II CGI, Mauritanie : article 22
CGI.
36
Article 213.III du CGI marocain.
37
Extrait du CGI égyptien, dispositions relatives aux prix de transfert.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 36
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
36
Section 2 : Les méthodes de détermination des prix de transfert
Outre les états développés comme les Etats Unis, le Canada, la France, le Japon ou
l’Angleterre, ainsi que certains pays en voie de développement, l’OCDE a été l’organisme qui
a traité et tenté de normaliser et solutionner la problématique des prix de transfert, et
corrélativement celle des conventions fiscales internationales.
Sur le plan du droit international, les pays du Maghreb se positionnent actuellement en tête
des Etats africains par leurs réseaux de conventions fiscales38. Dans le reste du continent, des
pays tels l'Afrique du Sud, l'Egypte, le Nigeria, le Côte d'Ivoire et le Sénégal disposent
également chacun d'un réseau assez dense de conventions.
L'analyse de ces traités internationaux rédigés à partir des modèles de conventions OCDE et
ONU permet de mettre en exergue des mécanismes de contrôle des prix de transfert.
Le principe de pleine concurrence est une norme internationale qui, comme en sont convenus
les pays membres de l’OCDE, doit être mise en œuvre, à des fins fiscales, par les groupes
multinationaux et les autorités fiscales pour la fixation des prix de transfert.
« Lorsque :
38
Tunisie a signé à ce jour 35 conventions fiscales de non double imposition, dont 34 traités bilatéraux (1er
pays africain par son réseau de conventions), le Maroc 31 et l'Algérie 14.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 37
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
37
2. Les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle
ou au financement d'une entreprise d'un Etat contractant et d'une entreprise de l'autre Etat
contractant, et que dans l'un et l'autre cas, les deux entreprises sont, dans leurs relations
commerciales ou financières, liées par des conditions acceptées ou imposées, qui diffèrent de
celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui sans ces
conditions, auraient été obtenus par l'une des entreprises mais n'ont pu l'être en fait à cause
de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en
conséquence ».
Le commentaire de l’OCDE relatif à l’article 9 indique qu’en vertu de ces dispositions, les
autorités fiscales d’un Etat contractant peuvent, pour calculer les sommes imposables,
rectifier la comptabilité des entreprises associées si, par suite des relations spéciales existant
entre ces dernières, leurs livres ne font pas apparaître les bénéfices réels imposables qu’elles
réalisent dans cet Etat. On entend par bénéfices réels imposables, ceux qui auraient été
réalisés dans des conditions de pleine concurrence. Le commentaire souligne que cette
disposition ne s’applique pas lorsque les transactions se sont déroulées « aux conditions
commerciales normales du marché libre (de pleine concurrence) » ; les comptes ne peuvent
être rectifiés que lorsque « des conditions spéciales ont été convenues ou imposées entre les
deux entreprises ». L’enjeu de l’article 9 est donc de savoir si les conditions des relations
commerciales ou financières entre entreprises associées sont des conditions de pleine
concurrence ou s’il existe une ou plusieurs « conditions spéciales » (c’est à dire des
conditions qui ne sont pas de pleine concurrence).
Rappelons à cet effet, que la Tunisie est le seul pays de l’Afrique du Nord qui n’a pas traité
dans son droit interne d’une manière explicite la question des échanges internationaux entre
des entreprises étrangères qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle
d’entreprises tunisiennes. Toutefois, les conventions fiscales conclues par la Tunisie se sont
basées sur le modèle fourni par l’OCDE et comportent toutes un article similaire à l’article 9.
Aussi, et comme mentionné précédemment, le législateur tunisien a confirmé, dans la loi de
finances pour la gestion 2010, le principe de la pleine concurrence dans les transactions intra-
groupes sans limiter la portée aux entreprises locales.
Bien que la notion de pleine concurrence, rallie généralement les pays, c’est dans son
application dans l'environnement politique et juridique particulier d’un pays donné que la
divergence de vues des diverses autorités devient évidente. En fait, il est de plus en plus
difficile pour les multinationales d’utiliser des politiques de prix de transfert acceptables dans
tous les pays où elles ont des activités. L’harmonisation pose aussi problème aux spécialistes
en prix de transfert qui essaient de documenter la politique de la multinationale à cet égard de
la façon la plus rapide et la plus pratique.
Dans certains cas, la difficulté liée à la détermination du prix de pleine concurrence est
difficile à mettre en œuvre. C’est le cas notamment des groupes multinationaux produisant de
façon intégrée des biens hautement spécialisés, traitant des biens incorporels uniques et
fournissant des services spécialisés.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 39
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
39
Le principe de pleine concurrence présente, à notre avis, une autre limite liée aux
informations nécessaires pour évaluer les transactions sur le marché libre. En effet, ces
informations peuvent être incomplètes ou difficiles à interpréter. Elles peuvent être
inaccessibles, pour des raisons de confidentialité.
De plus, le principe de pleine concurrence ne tient pas toujours compte des économies
d’échelle entre les diverses activités qui résultent de l’intégration des entreprises.
Enfin, les entreprises associées peuvent s’engager dans des opérations dans lesquelles des
entreprises indépendantes ne s’engageraient pas. Ces opérations ne sont pas forcément
réalisées dans le but d’échapper à l’impôt mais parce que lorsqu’elles traitent entre elles, les
entreprises d’un même groupe évoluent dans un contexte différent de celui d’entreprises
indépendantes. Nous pouvons citer, à titre d’exemple, le cas d’une entreprise propriétaire d’un
bien incorporel qui hésiterait à autoriser une entreprise indépendante à exploiter ce bien, sous
licence, de peur qu’il soit dévalorisé. Par contre, elle peut accorder à des entreprises associées
des conditions d’exploitation moins restrictives car elle pourra contrôler, de très près, l’usage
qui serait fait du bien incorporel.
L’OCDE a publié au milieu de l’année 1995 une mise à jour exhaustive des lignes directrices
sur les prix de transfert qu’elle avait faites paraître en 1979. Fondamentalement, l’OCDE y
réaffirme le principe de pleine concurrence pour la fixation des prix de transfert, en
manifestant sa préférence pour les méthodes fondées sur les transactions plutôt que sur les
bénéfices. Néanmoins, elle considère comme acceptables deux méthodes fondées sur les
bénéfices, la méthode transactionnelle de la marge nette et celle du partage des bénéfices.
Après avoir exposé le principe de pleine concurrence dans un premier paragraphe, nous allons
dédier les deux paragraphes suivants à l’étude des différentes méthodes de détermination des
prix de transfert, les traditionnelles et les plus récentes.
Les méthodes traditionnelles sont les plus anciennes identifiées par l’OCDE. Elles sont
fondées sur les transactions. Elles sont au nombre de trois : la méthode du prix comparable
sur le marché libre, la méthode du prix de revente, et la méthode du prix de revient majoré.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 40
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
40
2.1. La méthode du prix comparable sur un marché libre
« La méthode du prix comprable sur un marché libre consiste à comparer le prix d’un bien ou
d’un service dans le cadre d’une transaction contrôlée, à celui d’un bien ou d’un service
transféreé dans les conditions comparables [sur le marché libre]…Une transaction sur le
marché libre est comparable à une transaction contrôlée pour l’application de la méthode du
prix comparable sur le marché libre si l’une des deux conditions suivantes sont remplies :
- Aucune différence entre les transactions faisant l’objet de la comparaison ou entre les
entreprises effectuant ces transactions n’est susceptible d’avoir une incidence sensible sur
le prix du marché libre ; ou
- Des correctifs suffisamment exacts peuvent être apportés pour supprimer les effets
matériels de ces différences »39.
Les déterminants de la comparabilité décrits dans le chapitre I du rapport de l’OCDE sont les
suivants :
- Il faut une comparabilité des situations économiques. Les prix de pleine concurrence
peuvent varier selon les marchés, même pour des transactions portant sur un même bien
ou service, et même sur le territoire national d’une région à l’autre. Ainsi, il faudra
analyser entre autres la localisation géographique du marché, sa dimension, le degré de
concurrence, l’existence de bien ou de services de substitution…
39
Rapport de l’OCDE de 1979 sur « Les principes applicables en matière de prix de transfert », chapitre II.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 41
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
41
- Il faut également prendre en compte les stratégies des entreprises. Ainsi, comme nous
l’avons observé, une stratégie de pénétration de marché peut avoir comme incidence une
réduction des bénéfices (et par exemple des prix de transfert) et corrélativement une
prévision d’augmentation de ces bénéfices (et des prix de transfert) à moyen terme. Une
telle stratégie peut justifier un prix de transfert différent du prix sur le marché libre.
La difficulté de cette méthode réside dans la comparabilité des transactions avec le marché
libre, car, comme nous venons de le voir, de nombreux paramètres rentrent en ligne de
compte dans une transaction de sorte qu’il est quasiment impossible de se retrouver dans une
situation identique entre deux autres entités.
Cependant, tout groupe ayant des échanges en son sein doit tenter de mettre en place une telle
méthode pour cerner les caractéristiques de ses échanges, quitte à utiliser ensuite une méthode
plus facile d’application, s’il ne parvient pas à trouver des opérations comparables sur le
marché libre.
Ainsi, et compte tenu de la difficulté liée au recours à la méthode de prix comparables sur le
marché libre ainsi que son inadaptation aux transactions portant sur des produits élaborés,
l’OCDE a prévu des méthodes alternatives.
« Avec la méthode du prix de revente, le point de départ est le prix auquel un produit acheté à
une entreprise associée est revendu à une entreprise indépendante. On défalque ensuite de ce
prix (prix de revente) une marge brute appropriée (la « marge sur prix de revente »)
représentant le montant sur lequel le revendeur couvrirait ses frais de vente et autres dépenses
d’exploitation et, à la lumière des fonctions assumées (en tenant compte des actifs utilisés et
40
Rapport de l’OCDE de 1979 sur « Les principes applicables en matière de prix de transfert », chapitre II.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 42
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
42
des risques encourus) réaliserait un bénéfice convenable. Le prix obtenu après défalcation de
la marge brute peut être considéré, après correction des autres coûts liés à l’achat du produit
(par exemple les droits de douanes), comme un prix de pleine concurrence pour un transfert
initial de propriété entre entreprises associées »41.
Cette méthode, qui semble assez adaptée aux opérations de commercialisation repose donc
sur la détermination d’une « marge de revente » permettant d’obtenir un « bénéfice
convenable » au revendeur. Ces notions font une fois de plus référence au marché car
comment déterminer un « bénéfice convenable » si ce n’est par rapport aux bénéfices du
marché. Selon cette méthode, la comparaison par rapport au marché « peut servir
d’indicateur » mais ne semble pas devoir être obligatoire.
Cette méthode pose également le problème de répartition des gains liés à la qualité de la
gestion qui peut avoir un impact direct sur la rentabilité. Ainsi, une entreprise qui dans une
activité de commercialisation gère efficacement ses stocks doit avoir un « bénéfice
convenable » supérieur à une entreprise qui, à l’inverse, se retrouve fréquemment avec des
stocks obsolètes. Ces notions doivent donc être prises en compte dans l’application de cette
méthode.
Cette méthode n’est pas utilisable lorsque les produits sont transformés et perdent leur identité
avant d’être revendus, par exemple lorsqu’ils sont incorporés dans un procédé industriel pour
donner un produit fini ou semi-fini. Dans ce cas il serait préférable d’utiliser la méthode du
prix de revient majoré.
C’est la méthode la plus utilisée par les groupes car les informations nécessaires sont en
grande partie présentes au sein du groupe : Il s’agit des coûts et des marges que la filiale
obtient lorsqu’elle procède à des transactions identiques avec des entreprises indépendantes.
Lorsque la filiale vend le même type de produit à l’extérieur du groupe, cette méthode comme
celle du prix comparable sur un marché libre, peut être utilisée. Elle apporte les mêmes
avantages (dynamisme, adaptation permanente aux contraintes du marché…). En fait, cette
méthode doit être, parfois, préférée à celle du prix comparable sur le marché libre, car certains
41
Rapport de l’OCDE de 1979 sur « Les principes applicables en matière de prix de transfert », chapitre II.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 43
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
43
aspects de la transaction génèrent des prix différents mais des marges identiques (comme par
exemple l’inclusion dans le prix du coût du transport).
Lorsqu’il n’existe pas de relations entre la filiale et une entreprise indépendante, la marge
existante sur le marché libre doit servir d’indicateur. Or bien souvent, les groupes se
contentent de déterminer les coûts et d’y ajouter une marge qui leur semble cohérente sans
que cette dernière ne soit validée par des informations en provenance du marché entre
entreprises indépendantes. Dans ce cas, cette méthode présente l’inconvénient majeur de
déconnecter la filiale de la réalité du marché.
Ainsi, si la filiale n’est pas suffisamment productive elle ne sera pas sanctionnée puisque le
groupe va lui payer une marge définie quelque soit le niveau de sa gestion de production. A
l’inverse si cette filiale fait d’importants gains de productivité, elle n’en sera pas le
bénéficiaire directe.
Cette méthode est utile pour les produits intermédiaires sans marché, pour lesquels, elle est la
seule solution valable. Sa difficulté d’application réside dans le choix du type de coût à
retenir. Il faut en effet, déterminer si la marge doit être ajoutée à un coût complet, un coût
standard, un coût direct…
Le coût complet réel inclut tous les coûts de l’unité vendeuse ; de ce fait il semble être le coût
le plus indiqué puisque la marge qui y sera rajoutée représentera le bénéfice final. Cependant
ce coût inclut des charges liées au mode de fonctionnement et à la compétitivité de l’entité
vendeuse qui seront subis par l’entité acheteuse.
Le coût complet standard élimine ce problème car il est fondé sur la répartition des charges
par rapport à un volume de production et donc une productivité préétablie. Il peut être retenu,
par exemple, comme productivité standard, la meilleure productivité du marché. Ainsi, si
l’unité vendeuse est très performante elle sera gagnante et inversement. L’inconvénient de ce
choix est que l’entité vendeuse ne peut pas influer sur le volume de ses ventes qui est
finalement fixé par l’entité acheteuse. De ce fait, si les quantités finalement transférées sont
inférieures aux quantités préétablies prises en compte dans le calcul du coût standard, l’entité
vendeuse risque de se retrouver en difficultés. Enfin l’utilisation d’un coût standard implique
sa mise à jour fréquente sous peine d’être déconnecté du marché.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 44
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
44
Ces trois méthodes sont, malgré les difficultés éventuelles de mise en place, celle que
préconise l’OCDE. En effet, le rapport indique qu’« elles sont préférables aux autres
méthodes ». Cependant, ce même rapport reconnaît que « du fait de la complexité des
situations dans lesquelles se trouvent concrètement les entreprises » l’application de ces
méthodes « peut soulever un grand nombre de difficultés pratiques ».
Dans cette partie, nous examinerons les autres méthodes qui permettent de se rapprocher des
conditions de pleine concurrence, lorsque les méthodes traditionnelles fondées sur les
transactions ne sont pas suffisamment fiables. Ces méthodes sont appelées méthodes
transactionnelles de bénéfices. Elles s’inspirent assez largement de la nouvelle approche
américaine de la détermination des prix de transfert. En effet, la section 482 du code fiscal
américain dispose que: « il est nécessaire de prendre en compte l’effet combiné de l’ensemble
des transactions entre le contribuable sous contrôle et les autres membres du groupe afin que
le bénéfice définitif reflète le revenu imposable réel du contribuable sous contrôle ».
Comme son nom l’indique, la méthode de répartition des bénéfices consiste à partager un
bénéfice entre des sociétés liées. La répartition se fait, en fonction d’une base
économiquement valable, dans un accord réalisé en pleine concurrence.
Le rapport de l’OCDE précise que la contribution de chaque partie est déterminée sur la base
d’une analyse fonctionnelle et évaluée, dans la mesure du possible, sur la base de données
externes fiables relatives au marché qui sont disponibles.
Bien entendu, l’analyse fonctionnelle tiendra compte des actifs mis en œuvre et des risques
assumés par chaque entreprise. Les critères extérieurs ayant trait au marché peuvent être, par
exemple, les pourcentages de partage des bénéfices ou les rendements observés dans les
relations entre des entreprises indépendantes exerçant des fonctions comparables.
La force de cette méthode est qu’elle ne se fonde pas sur les transactions elles-mêmes mais
sur un mode logique de répartition lié aux fonctions de chacune des parties prenantes de
l’ensemble des transactions intra-groupes réalisées. Ainsi, il n’est pas nécessaire de retrouver
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 45
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
45
des transactions comparables sur le marché libre. De plus, ce type d’approche peut permettre
par exemple la répartition des économies d’échelles réalisées par le groupe.
Paradoxalement, la faiblesse de cette méthode est justement liée au fait qu’elle se fonde sur un
résultat global sans s’intéresser dans le détail aux transactions. Ceci peut conduire à une
répartition subjective surtout si les liens entre les entreprises sont importants et complexes. De
plus, les entreprises indépendantes n’utilisent pas de méthode de partage des bénéfices pour
déterminer leurs prix : aucun exemple d’application de ces méthodes ne peut donc être trouvé
sur le marché libre.
Cette méthode revient donc à allouer une marge nette et non brute, comme pour la méthode
du prix de revente, prédéterminée à l’entreprise considérée, les prix de transfert constituant la
variable permettant d’atteindre cet objectif de marge nette.
La marge nette cible sera exprimée comme un pourcentage d’une grandeur telle que :
- Le chiffre d’affaires, pour des sociétés de distribution, par exemple, lorsque la nature
commerciale de leur activité justifie que leur profit soit proportionnel au chiffre
d’affaires ;
- Les charges d’exploitation, pour des prestataires de service, par exemple, lorsque la valeur
du service rendu dépend de l’étendue des charges engagées pour le rendre et lorsque cela
justifie que leur profit soit proportionnel au chiffre d’affaires qu’elles génèrent ;
- Tout ou partie de l’actif pour des façonniers, par exemple, ayant un outil de production
important et lorsque cela justifie que leur profit soit proportionnel aux investissements
réalisés.
La force de cette méthode est que les marges nettes sont moins sensibles aux différences
affectant les transactions que ne l’est le prix. Reste qu’il est difficile d’obtenir des éléments
42
Rapport OCDE 1979, chapitre II, paragraphe 3.26.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 46
Chapitre 2 : Les prix de transfert, cadre réglementaire et méthodes de détermination
46
détaillés pour permettre la comparabilité entre la marge nette d’une entreprise indépendante et
celle d’une entreprise associée. Cette méthode est donc moins utilisée que la précédente. A sa
création, elle était d’ailleurs considérée comme une méthode de dernier recours.
Des exemples d’application ainsi qu’un comparatif des méthodes de détermination des prix de
transfert sont présentés respectivement au niveau des Annexes 2 et 3.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 47
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
47
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
Que ce soit sur le plan international que sur le plan national, la gestion des prix de transfert
expose les groupes de sociétés à des risques fiscaux et juridiques importants.
En effet, la particularité des groupes de sociétés repose fréquemment sur leur synergie
économique, et leur indépendance juridique. Même si la conclusion des opérations intra-
groupe est avant tout, l’expression d’une nécessité économique et organisationnelle,
l’importance des enjeux juridiques et fiscaux qui leurs sont attachés ne doit pas être négligée.
En effet, ces opérations font l’objet d’une attention soutenue dans le cadre des contrôles
fiscaux. Par ailleurs, ce type d’opérations peut comporter, sur le plan juridique, des risques de
mise en cause de la responsabilité pénale des dirigeants sociaux, notamment dans le cadre de
l’incrimination légale pour abus de biens sociaux.
Nous tenterons dans ce chapitre d’apporter des éclairages sur les enjeux juridiques et fiscaux
liés à l’utilisation des prix de transfert ainsi que leur incidence sur la mission du commissaire
aux comptes dans un groupe de sociétés.
Au niveau international, les prix de transfert revêtent une importance capitale pour les
administrations fiscales. C’est à ce niveau que les lois sont les plus draconiennes et les
contrôles plus fréquents.
En effet, à l’échelle internationale, les contrôles portant sur les prix de transfert se multiplient
et le montant des redressements est en hausse d’une année à l’autre, les sommes représentées
par ces transactions étant gigantesques43. Les redressements fondés sur les prix de transfert
sont vingt fois plus rentables que ceux effectués en matière de TVA44 et aucune autre matière
fiscale ne met en jeu autant d’argent ; ainsi, la remise en cause des prix de transfert est
43
BREZILLON et MONSELLATO, Option Finance n°538, 8 mars 1999 cité par F. BAUMERT, « La gestion des prix
de transfert par les sociétés Françaises », Mémoire de DEA de droit des affaires, Faculté de droit, de sciences
politiques et de gestion - Université Robert SCHUMAN, 2003-2004, p.9.
44
P.RASSAT et G. MONSELLATO, « Les prix de transfert », Editions Maxima, 1998, p. 154.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 48
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
48
devenue, un moyen d’accroître les recettes d’un Etat, redressement légitimé par la lutte contre
l’évasion fiscale45.
Les sondages mondiaux effectués par Ernst & Young révèlent que les prix de transfert
demeurent le premier sujet d’intérêt des multinationales en matière de fiscalité. Ce facteur
n’est guère surprenant si l’on tient compte de l'augmentation du nombre de pays, qui est passé
à plus de 38 en 2007, comparativement à cinq en 1997, qui ont adopté des règles sur la
documentation des prix de transfert.
Selon les mêmes sondages, pour 80% des multinationales qui ont participé à l’étude, la
fixation des prix de transfert serait leur problème fiscal international le plus important à
l’heure actuelle. Environ la moitié a déclaré que c’est son problème fiscal le plus urgent,
toutes catégories confondues.
Il est donc nécessaire et intéressant d’examiner les règles internationales car elles influencent
celles au niveau national.
Le principal risque fiscal encouru par les groupes internationaux en matière de prix de
transfert demeure le transfert de bénéfice à l’étranger. En effet, dès qu’il s’agit de transactions
intra-groupes, il y a présomption de transfert de bénéfice.
Une entreprise résidente d’un pays donné et qui exerce des activités hors de ses frontières doit
vérifier si les transactions qu’elle effectue ne peuvent pas entrer dans l’assiette de l’impôt du
pays où elle exerce ses activités. Sans une telle vérification, elle risque d’inclure à tort les
résultats de ses activités dans son assiette imposable dans son pays alors qu’un autre Etat peut
être fondé à les imposer. Une telle situation conduirait à une double imposition.
En droit fiscal international, l’attribution de l’assiette d’imposition est réglée par l’existence
ou non d’une exploitation ou d’un établissement stable. Les détails d’élimination des doubles
45
En France, entre 1988 et 1992 le montant de base de ces ajustements a été multiplié par trois, passant ainsi
de 421 millions à 1287 millions de francs. Le montant des redressements fondés sur l’article 57 du Code
Générale des Impôts (CGI) s’élevait à plus de 7,8 milliards de francs en 2001. Depuis les statistiques du
ministère des Finances publiées en 2001 sur les redressements en matière de prix de transfert, la courbe
ascendante s’est véritablement accentuée, dès lors que dans les sociétés internationales il n’existe presque
plus de contrôle fiscal sans examen des prix de transfert (Source : P-J. DOUVIER et B. GILBERT, « Prix de
transfert : comment préparer son contrôle fiscal ? », Option finance, 26 mai 2003, n° 738, page 27).
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 49
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
49
impositions sont dans la majeure partie des cas précisés dans des conventions fiscales
bilatérales conclues sur la base du modèle de l’OCDE46. Une fois entrée en application, une
convention de non double imposition a une valeur juridique supérieure à celle des lois
internes.
En Tunisie, la territorialité de l’impôt sur les sociétés est régie par les articles 45 et 47 du code
de l’IRPP et de l’IS qui stipule que « Les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont
ceux réalisés dans le cadre d'établissements situés en Tunisie et ceux dont l'imposition est
attribuée à la Tunisie par une convention fiscale de non double imposition».
Aussi et en l’absence de conventions de non double imposition, la Tunisie n’est pas en mesure
d’imposer les bénéfices réalisés par une société Tunisienne par l’intermédiaire d’une
exploitation située à l’étranger.
Par contre lorsqu’on est en présence d’une convention de non double imposition, la Tunisie
est en mesure de soumettre à l’impôt sur les sociétés les bénéfices réalisés par les sociétés
tunisiennes dans le cadre d’exploitation situées en Tunisie, conformément aux principes posés
par le droit commun ainsi que ceux dont l’imposition est attribuée à la Tunisie par une
convention de non double imposition même si une telle imposition n’est pas possible par
l’application des seules dispositions du droit commun. Dans le cas d’une entreprise nationale
de transport international qui dispose de succursales à l’étranger, seuls sont imposables en
Tunisie, les bénéfices réalisés par les succursales situées en Tunisie, mais lorsqu’on est en
présence d’une convention de non double imposition, la Tunisie est en mesure de soumettre à
l’impôt sur les sociétés aussi bien les bénéfices réalisés en Tunisie que ceux réalisés dans le
cadre des succursales situées à l’étranger.
Si dans la majorité des pays les dispositions des conventions de non double impositions sont
supérieures à celle des lois internes, la situation n’est guère claire dans d’autres états tels que
les Etats Unis d’Amérique où lorsqu’une loi interne, postérieure à un traité international, est
contraire à ce dernier, c’est la loi interne qui s’applique, lorsque l’intention du congrès
américain est de déroger aux principes des traités internationaux.
46
Rappelons qu’avec 35 conventions fiscales de non double imposition, dont 34 traités bilatéraux, la Tunisie est
le 1er pays africain par son réseau de conventions.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 50
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
50
1.2. La position d’un pays précurseur en matière de prix de transfert : Les Etats Unis
d’Amérique
Le premier janvier 1994 marque l’entrée en vigueur aux Etats-Unis d’une réforme de la
réglementation fiscale. Cette réforme débattue depuis de longues années avait pour objectif de
doter l’administration fiscale américaine de moyens appropriés à l’évolution économique. En
effet, les autorités américaines, sur la base d’une étude qui se révélera non pertinente par la
suite, estimaient que les entreprises étrangères implantées sur le territoire ne payaient pas leur
juste part d’impôt. Il semblait que les entreprises étrangères étaient moins rentables très
certainement car elles utilisaient les prix de transfert pour payer moins d’impôts sur le
territoire américain. Il fallait donc trouver une façon de les taxer davantage.
La réforme mise en place en 1994 change notamment une donnée fondamentale : elle
renverse la charge de la preuve. Ainsi, les prix de transfert pratiqués par l’entreprise sont
réputés erronés jusqu’à preuve du contraire. Par ailleurs, la hiérarchie des méthodes prônée
par l’OCDE est abandonnée, le contribuable peut choisir une méthode forfaitaire s’il souhaite,
mais il devra prouver qu’elle est le reflet de la réalité économique sous peine de lourdes
amendes.
En fait, les Etats-Unis s’orientent vers une méthode de répartition des bénéfices consolidés.
Ils estiment qu’un groupe multinational qui possède des entreprises sur leur territoire et qui
réalise des bénéfices consolidés doit payer un impôt aux Etats-Unis mêmes si toutes les
entreprises américaines du groupe génèrent des pertes. Il s’agit quasiment de faire payer un
droit d’entrée sur le marché américain.
Une telle attitude des Etats-Unis a déclenché une véritable guerre des prix de transfert47
Pour les entreprises multinationales l’enjeu des prix de transfert n’a plus été la localisation
d’une partie maximale de leurs bénéfices vers des pays à fiscalité avantageuse mais vers des
pays à fiscalité agressive comme les Etats-Unis pour ne pas risquer de se voir appliquer des
redressements et des pénalités importantes.
47
P.RASSAT et G. MONSELLATO, « Les prix de transfert », Editions Maxima, 1998.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 51
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
51
L’OCDE a alors tenté de rétablir le consensus sur les méthodes traditionnelles en éditant en
1995 une mise à jour de sont rapport de 1979 « Les principes applicables en matière de prix
de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales ». Dans
cette nouvelle version, l’OCDE réaffirme avec force la nécessaire application des méthodes
traditionnelles mais concède la possibilité, comme nous l’avons vu, d’utiliser dans des cas
exceptionnels où ces méthodes ne s’appliqueraient pas, des méthodes transactionnelles de
bénéfice.
Selon la dernière étude Global Transfer Pricing 2009 d’Ernst & Young qui analyse les
approches et positions des autorités fiscales dans 49 pays, sur la moitié des pays interrogés,
certains secteurs sont officiellement ou officieusement ciblés. Seize autorités fiscales ont
déclaré viser des secteurs spécifiques et huit autres semblent adopter une approche similaire
sur les 49 pays couverts par l’étude. Les principaux secteurs concernés sont l’automobile, les
produits de consommation, les services financiers, le pétrole et le gaz ainsi que le secteur
pharmaceutique.
L’étude révèle également la nette émergence d’une tendance au contrôle des transactions
effectuées avec des pays considérés comme des paradis fiscaux ainsi qu’avec les pays inscrits
sur des « listes noires ». Les autorités auditent également un éventail plus large de
transactions, ce qui rend les contrôles encore plus approfondis.
Parmi les situations de nature à déclencher un contrôle plus approfondi des prix de transfert
figurent :
- Des pertes inhabituellement élevées au niveau d'une société donnée membre du groupe ;
- Des opérations avec une société affiliée située dans un paradis fiscal ; ou encore
Toujours, selon la même étude (Ernst & Young, 2009), les transactions intra-groupe les plus
souvent contrôlées sont dans l’ordre :
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 52
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
52
- Les frais facturés pour les services d’administration et/ou de gestion ;
- Les redevances et les autres frais facturés pour des biens incorporels ;
A l’instar de ce qui peut se passer pour les groupes multinationaux, la tentation est grande
pour un groupe national dont certaines entités sont bénéficiaires alors que d’autres
déficitaires, ou dont les sociétés sont soumises à différents taux et régimes d’imposition, de
manipuler les prix de cession interne pour transférer les produits des entreprises bénéficiaires
ou à taux d’imposition élevé vers les entités déficitaires ou à taux d’imposition réduit.
En effet, et dans le cadre du droit commun, et comme il a déjà été exposé48, l’administration
fiscale, lorsqu’elle relève une anormalité quelconque, est en droit de requalifier l’opération ou
l’acte de gestion contesté, sous le contrôle du juge de l’impôt dans le seul but du redressement
des bases d’imposition et le recalcul de l’impôt dû par le contribuable.
Dans le contexte d’un groupe de sociétés, la réintégration d’une charge jugée anormale ou de
la fraction qui excède la normale ou encore l’imposition d’un produit fictif au niveau de la
première société n’aura pas pour conséquence une modification du résultat fiscal de la
deuxième société. En effet, en cas de dépenses injustifiées dans leur principe ou leur montant,
la société ayant réalisé l’opération est redressée et se voit réduire la déduction à la fraction de
48
Voir Chapitre 2, Section 1 : Législations applicables au prix de transfert, § 1.1.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 53
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
53
la dépense considérée comme normale alors que la société bénéficiaire demeure imposée à
raison des sommes perçues, et sa situation reste inchangée. A l’inverse, en cas de
rémunération insuffisante, il y a imposition de la société ayant réalisé l’opération pour le
montant estimé du manque à gagner. La société bénéficiaire n’aura droit qu’à la déduction du
montant réellement supporté. Par ailleurs, en cas de rémunération gratuite, la société ayant
réalisé l’opération se trouve taxée pour le profit qui aurait dû être perçu et la société
bénéficiaire n’aura pas le droit à la déduction puisqu’elle n’a effectivement pas supporté la
charge. De ce fait la théorie de l’acte anormal de gestion se présente comme une exception au
principe de transparence fiscale49.
En conclusion, au niveau d’un groupe pris dans son ensemble, la répression de l’acte anormal
de gestion conduit à une double imposition. Le redressement des opérations intra-groupe
aboutit à un traitement non symétrique50. La conséquence de la rupture de la symétrie fiscale
et du redressement sur la base de la normalité aboutit à un appauvrissement du groupe.
Par contre, dans un régime fiscal se caractérisant par la détermination d’un résultat fiscal de
groupe (régime de l’intégration des résultats) et par l’effacement plus ou moins de la
personnalité fiscale des sociétés intégrées au profit de celle du groupe, la question de la
normalité dans les relations entre membres du groupe se pose dans des conditions
radicalement différentes de ce qui se passe en droit commun. Alors qu’en droit commun, la
matière imposable est propre à une société prise isolément, dans un régime de groupe, la
matière imposable est composée de la somme algébrique des résultats des sociétés composant
le groupe. Alors que dans le droit commun le fait de consentir un avantage à un membre du
groupe modifie la localisation de la matière imposable qui est déterminée individuellement,
dans le régime du groupe, un tel évènement est en principe, sans effet ; si l’avantage modifie
deux résultats individuels, il n’affecte pas le résultat collectif. Modifiant dans sa composition
la somme algébrique servant à la détermination du résultat d’ensemble, il n’affecte pas son
montant.
49
Théoriquement, et en vertu du principe de la transparence fiscale, la fiscalité devrait être perçue comme
neutre sur les relations économiques et ce en aidant les contribuables à échapper à la double imposition.
50
La symétrie en droit fiscal suppose l’imposition d’un côté et la déduction de l’autre coté.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 54
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
54
C’est la raison pour laquelle, dans le régime de groupe, les effets fiscaux du droit commun
attachés aux avantages intra-groupes consentis dont ceux constituant des actes anormaux de
gestion, font en principe l’objet d’une neutralité fiscale51.
En droit fiscal tunisien et dans le cadre du régime d’intégration des résultats, et à l’exception
de la déduction des intérêts non décomptés au niveau des résultats individuels des sociétés
membres et de la déduction des pertes résultant des créances abandonnées par les sociétés
membres entre elles mêmes au moment de la détermination du résultat consolidé, le spectre
de l’acte anormal de gestion trouvera son plein essor en conduisant à des cas de double
imposition.
Comme nous l’avons préalablement mentionné, la difficulté dans les groupes réside dans le
fait qu’il existe une motivation indiscutable supérieure à toutes les autres : l’intérêt du groupe.
Or cet intérêt n’est pas reconnu dans les textes juridiques. De ce fait, les risques de dérapages
sont multiples.
Les risques juridiques liés au prix de transfert sont beaucoup plus méconnus que les risques
fiscaux. Cela provient certainement du fait que les conséquences financières, au moins à court
terme, sont moins significatives pour les sociétés. En revanche, ces risques représentent une
réelle menace pour les dirigeants des entités et des responsables du groupe.
En effet, la manipulation des prix de transfert peut constituer un abus de biens sociaux ou
entraîner la rupture de l’égalité entre les actionnaires. Ainsi, nous présenterons dans cette
section, les différentes infractions qui peuvent être associées à la manipulation des prix de
transfert, avant d’étudier l’impact de ces risques sur la position du commissaire aux comptes.
51
En droit français, et même en présence d’un groupe fiscalement intégré, l’intérêt du groupe n’est pas
reconnu par la jurisprudence. Toutefois, le législateur en reconnaissant l’existence du groupe, a organisé au
sein du régime optionnel de l’intégration fiscale en vigueur à partir du 1 er janvier 1988 certains avantages dans
les relations intra-groupe qui permettent de neutraliser sur le plan fiscal les conséquences de l’application de la
théorie de l’acte anormal de gestion.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 55
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
55
1. L’abus de biens sociaux
Le délit d’abus de biens ou du crédit de la société, plus connu sous le nom « d’abus de biens
sociaux »52, se définit essentiellement « comme étant le fait, pour un dirigeant de se servir de
mauvaise foi des biens ou du crédit de la société contre les intérêts de celle-ci »53.
Dans le contexte d’un groupe de sociétés, les fraudes réalisées à l’aide de conventions
conclues entre sociétés d’un même groupe consistent d’une manière générale à favoriser une
société par rapport à une autre, soit au moyen de prêt et des crédits divers notamment par
compte courant, soit sans sortir de l’activité normale de la société et sans s’écarter de l’objet
social, par l’octroi des conditions contractuellement, financièrement et économiquement
injustifiées.
Le délit d’abus de biens et crédits sociaux est prévu par l’article 223 du C.S.C (relatif aux
sociétés anonymes) qui dispose que : « Sont punis d’une peine d’emprisonnement d’un an au
moins et de cinq ans au plus et d’une amende de deux mille à dix mille dinars ou de l’une de
ces deux peines seulement...les membres du conseil d’administration qui, de mauvaise foi, ont
fait, des biens ou du crédit de la société un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-
ci, dans un dessein personnel ou pour favoriser une autre société dans laquelle ils étaient
intéressés directement ou indirectement… ».
Cette disposition est, pratiquement, reprise par l’article 146 du C.S.C relatif aux S.A.R.L,
seulement les gérants de la S.A.R.L encourent une peine qui varie entre un et cinq ans
d’emprisonnement et une amende comprise entre 500 et 5.000 dinars.
Pour que la responsabilité des dirigeants sociaux soit engagée en cas d’abus de biens et crédit
sociaux, il est impératif que les conditions suivantes soient réunies :
52
Y. CHAPUT, Droit des sociétés, Editions PUF, Paris, 1993 (1ère édition), n°372, p.175.
53
F. RENUCCI et M. CARDIX, « L’abus des biens sociaux », Collection « Que sais-je ? », Editions PUF, Paris, 1998,
p.4.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 56
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
56
1.2.1. Un usage des biens ou des crédits de la société :
L’usage d’un bien est réalisé à travers un acte de disposition ou d’administration, même
momentané, qui porte atteinte au patrimoine social. Par contre, l’usage du crédit est
caractérisé par l’utilisation de la signature sociale, de manière à ce que la société court un
risque auquel elle n’aurait pas dû être exposée. Cependant, des difficultés pratiques surgissent
concernant la détermination des actes répréhensibles. En effet, le législateur incrimine ces
faits sans les définir, ni même fixer des critères d’appréciation qui sont de nature à éclairer la
position qui devrait être prise en considération par certains professionnels en l’occurrence le
commissaire aux comptes garant, dans une large mesure, de l’intégrité du patrimoine social.
La notion d’usage retenue par le législateur permet d’appréhender tous les procédés qui
peuvent porter atteinte au patrimoine social. En effet, en utilisant le terme « usage », le
législateur veut réprimer non seulement les actes de constitution de droit ou de sureté sur les
biens de la société mais de simples actes administratifs peuvent être poursuivis à l’instar des
baux commerciaux, les prêts et les avances.
L’acte contraire à l’intérêt social est le point déterminant du délit d’abus de biens sociaux, il
constitue à lui seul l’élément sans lequel, il ne pourrait y avoir d’infraction. Cette dernière ne
doit pas être confondue avec une faute de gestion, laquelle n’est susceptible d’engager que la
responsabilité civile de son auteur54.
Pour être délictueux, l’usage doit être contraire à l’intérêt social, c'est-à-dire à l’intérêt de la
société, lequel ne se confond ni avec l’intérêt d’un associé précis, ni avec celui de la majorité
des associés, ni même avec celui de l’unanimité des associés ; il en résulte alors que le
consentement de tous les associés n’entraîne aucune présomption de conformité à l’intérêt
social.
L’acte devient en effet punissable dans la mesure où le dirigeant a agit à des fins personnelles
ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle il avait un intérêt direct ou indirect.
54
Dictionnaire permanent, Droit des affaires, 2ème partie, « Abus de biens sociaux », feuillet 149, 1er
décembre 1998, n°9, page 2005.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 57
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
57
L’intérêt personnel « s’entend le plus souvent comme la cause de l’agissement frauduleux et
de la méconnaissance de l’intérêt social »55.
La nature de l’intérêt personnel poursuivi par le dirigeant peut être aussi bien matérielle que
morale. Le plus souvent l’intérêt qui anime le dirigeant est d’ordre matériel. Toutefois, le
dirigeant social peut user des biens ou des crédits de la société en poursuivant un intérêt
personnel moral. La formule légale est assez large pour embrasser tout avantage, pourvu que
cet intérêt soit contraire à l’intérêt de la société56.
Appliquée au délit d’abus de biens sociaux, la mauvaise foi réside dans le fait d’être conscient
de la déviance de l’acte de gestion par rapport à sa finalité normale. Cette mauvaise foi du
dirigeant doit être caractérisée. Elle ne peut se déduire des faits mais doit être consacrée
expressément des tribunaux répressifs. A ce titre la cours de cassation tunisienne a décidé que
la mauvaise foi du dirigeant social doit être spécialement constatée par les juges de fonds. En
effet, c’est le parquet, ou la victime si elle est constituée partie civile qui doit rapporter la
preuve de l’intention frauduleuse de la personne poursuivie.
1.3. L’abus de biens sociaux dans le cadre particulier d’un groupe de sociétés
S’il ne peut être contesté, par aucun, que le groupe de sociétés est une réalité incontestable de
l’économie moderne, il paraît, cependant, difficile d’admettre qu’une société participe au bien
commun si elle-même ne retire aucune satisfaction de l’aide qu’elle accepte de fournir en
faveur d’une société du groupe. Le groupe de sociétés n’ayant pas de personnalité juridique,
ces dirigeants ne peuvent agir dans l’intérêt du groupe en tant qu’une « entité individualisée ».
L’intérêt du groupe doit être entendu comme celui de l’ensemble des sociétés groupées. Il ne
55
J. PAILLUSSEAU, « La société anonyme, technique d’organisation de l’entreprise », Thèse en droit, Université
de Rennes, 1967, p.192.
56
B. BEN HADJ YAHIA, « L’abus de biens et de crédit sociaux en droit positif », Thèse en droit. Université Paris I,
1975, p119.
57
M. MEZGHANI, « Les transactions non financières intra-groupe, enjeux juridiques et fiscaux et impact sur le
contrôle légal des comptes », Mémoire élaboré en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Tunis,
Décembre 2006, p.134.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 58
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
58
serait donc être soutenu l’existence d’un intérêt supérieur du groupe, mais plutôt un intérêt de
groupe vu comme étant un intérêt commun à l’ensemble des sociétés groupées.
A cet effet, le législateur tunisien dans l’article 474 du C.S.C a institué un cadre juridique
pour les relations financières entre les membres d’un groupe applicable à une catégorie
spécifique du groupe de sociétés, celle précisément des sociétés liées à la société mère par un
lien fort de participation de plus de la moitié du capital social, à titre direct ou indirect.
Ainsi, et se référant audit article, les opérations financières entre les différentes sociétés du
groupe ne peuvent être effectuées qu’aux conditions que :
- l’opération financière soit normale et n’engendre pas de difficultés pour la partie qui l’a
effectuée ;
- l’opération soit justifiée par un besoin effectif pour la société concernée et qu’elle ne
résulte pas de considérations fiscales ;
- l’opération comporte une contrepartie effective ou prévisible pour la société qui l’a
effectuée ;
- l’opération ne vise pas la réalisation d’objectifs personnels pour les dirigeants de droit ou
de fait des sociétés concernées.
D’une manière générale, la levée de l’incrimination pénale pour abus de biens sociaux au titre
des opérations financières intra-groupe ne peut être opérée que si lesdites opérations ont été
réalisées dans le cadre d’un groupe fortement structuré et ont été accomplies dans des
conditions bien précises telles que l’existence d’une contrepartie et le respect des possibilités
financières de la société contribuante.
Cependant, il est à noter que l’intérêt manifesté par le législateur tunisien à définir les
contours de la légalité des opérations financières intra-groupe se trouve amoindri par le fait
qu’aucun texte spécifique n’a été prévu pour les opérations non financières intra-groupe.
2. L’abus de majorité
Les associés majoritaires sont, en principe, en raison du droit de vote qu’ils possèdent,
responsables de la planification et des décisions des actes de la société (notamment les
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 59
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
59
opérations intra-groupe). Cependant, ce droit ne doit pas constituer une prérogative
discrétionnaire qui pourrait être exercée en totale liberté. En effet, les résolutions prises
contrairement à l’intérêt général de la société et dans l’unique but de favoriser les associés
majoritaires au détriment des associés minoritaires peuvent être contestées en vertu de
l’article 477 du C.S.C qui dispose que « la minorité des associés dans une société
appartenant à un groupe de sociétés dont la participation n’est pas inférieure à dix pour cent
peut exercer l’action sociale contre les associés représentant la majorité dans la société
mère, en cas de prise d’une décision portant atteinte aux intérêts de la société et ayant pour
objectif de servir les intérêts de la majorité au détriment des droits légitimes de la minorité ».
Il en découle de ce qui précède que deux conditions nécessaires doivent se réunir pour que
l’abus de majorité soit constitué, à savoir :
A titre d’exemple, on peut considérer comme abusives toutes les décisions et conventions
tendant à vider le patrimoine d’une société au profit d’une autre du même groupe ou à prendre
en charge des dettes d’une société affiliée, sans que ces opérations puissent présenter un
intérêt quelconque pour la société en cause.
- Des conventions dites « d’assistance » et « de groupe » conclues entre une société mère et
sa filiale dès lors qu’elles étaient sans contrepartie réelle pour cette filiale ;
- La location gérance consentie par une société à une autre société constituée par les
actionnaires majoritaires de la première dès lors qu’en pratique, cette opération avait pour
but de transférer l’actif social à la société locataire.
Signalons par ailleurs que les décisions prises conformément à l’intérêt du groupe ne sont pas
nécessairement abusives si elles respectent l’intérêt social. Tel est le cas du soutien financier
d’une filiale en difficulté afin de préserver une source d’approvisionnement.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 60
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
60
2.2. Les sanctions prévues par le législateur tunisien
Le droit de vote dans les assemblées générales d’associés ne peut être exercé de façon
discrétionnaire et les tribunaux tempèrent la liberté du vote par l’application de la notion
d’abus de droit. Il en découle de ce fait, et en toute logique, que la sanction des auteurs
responsables de l’abus de majorité devrait viser, à rétablir les faits et à rendre ce qui aurait été
dû aux personnes victimes ; comme si la décision litigieuse n’a pas été adoptée. En ce sens,
deux principales sanctions pourront être prononcées :
En cas de liquidation judiciaire, soit ouverte directement, soit après l'échec d'une
restructuration, le dirigeant de la société visée par la liquidation peut être poursuivi en
comblement du solde du passif. Cette action est prévue au niveau des articles 121 et 214 du
C.S.C respectivement pour les S.A.R.L et les S.A..
Sont visés les dirigeants de droit (gérant, président, directeur général, administrateurs) ou les
dirigeants de fait (personne qui exerce l'administration de la société aux lieu et place du
représentant légal). Aussi, dans le contexte d’un groupe de société, la notion de dirigeant de
fait s’applique parfaitement à une société mère du seul fait de la détention d’un pouvoir de
contrôle sur l’ensemble des sociétés affiliées et de l’unité de décision qu’elle constitue pour
fixer la politique générale du groupe et tracer les politiques financières et opérationnelles de
toutes les sociétés membres du groupe.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 61
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
61
Si l’une des sociétés du groupe et notamment la société mère a été qualifiée de dirigeant de
fait, l’insuffisance d’actif de la société faillie ou en redressement peut entraîner la mise en jeu
de sa responsabilité pour comblement du passif de cette société. Du moment que l’action en
comblement de passif vise la réparation d’un dommage subi par les créanciers sociaux
consistant dans le non remboursement de l’intégralité ou de la totalité ou d’une fraction de
leurs créances faute d’actif social suffisant au moment de l’ouverture des procédures
collectives, la société mère condamnée doit en toute logique s’acquitter du montant de cette
insuffisance mise à sa charge par le juge.
Pour cela, il faut prouver que le dirigeant poursuivi a commis une faute de gestion, antérieure
à l'ouverture de la liquidation, ayant contribué à l'insuffisance d'actifs. Celle-ci peut résulter
de deux situations :
- Si la société mère exige trop d’une société du groupe, et que cela conduit cette dernière à
des difficultés, ses créanciers pourront valablement lui en faire le reproche. La faute de
gestion invoquée sera d’avoir demandé à la filiale des efforts qui dépassaient les limites de
ses possibilités financières. A titre d’exemple, la faute de gestion peut être relevée lorsque
la société mère expose une société membre à des investissements et à une activité
commerciale auxquels elle ne pouvait faire face, ou lui demande de supporter des charges
de personnel importantes, compte tenu du haut niveau de qualification requis, dans le but
de satisfaire les besoins des autres sociétés du groupe. De même, la pratique de délais de
paiement anormalement longs ou le calcul de prix trop rigoureux sont répréhensibles.
- Si au contraire la société mère cherche à trop soutenir une de ses filiales en difficulté, elle
peut être sanctionnée au motif qu’elle a contribué à la poursuite abusive d’une activité
déficitaire. Sans ce soutien, la société n’aurait pas aggravé sa situation et les tiers
n’auraient pas continué leurs relations avec ladite société puisqu’ils se seraient aperçus
des difficultés rencontrées par cette société58.
De plus, le lien de causalité entre la faute de gestion et l'insuffisance d'actifs doit être
démontré.
58
S. SAAD, « Caractéristiques des opérations intra-groupe et diligences du commissaire aux comptes
consolidés », Mémoire élaboré en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Tunis, Avril 2005,
p.138.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 62
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
62
Section 3 : Autres risques liés aux prix de transfert
1. Risque douanier
L’administration des douanes retient pour l’application des tarifs douaniers à la valeur des
marchandises la notion de prix de pleine concurrence.
Le non respect de ce principe en matière de déclaration des valeurs en douane peut avoir de
lourdes conséquences allant des pénalités financières à la mise en cause de la responsabilité
des dirigeants sociaux si le cas de la fraude a été établi.
A ce titre, il convient de noter également que les manipulations des prix de transfert
constituent un transfert de fonds effectué en contravention avec la réglementation applicable
en matière de contrôle des changes.
2. Risque économique
Les prix de transfert constituent avant tout un problème économique et de gestion. Ainsi,
l’intérêt des entreprises pour le sujet ne provient pas seulement d’une volonté d’optimisation
fiscale : il s’agit avant tout d’optimiser les résultats financiers globaux du groupe. Les prix de
transfert retenus par le groupe doivent permettre de maximiser les ventes à l’extérieur du
groupe (donc le chiffre d’affaires consolidé) et d’encourager les efforts de productivité dans
chaque filiale. Or, un choix non judicieux en matière de prix de transfert peut avoir l’effet
inverse et donc de lourdes conséquences financières pour le groupe (à travers par exemple la
démotivation des dirigeants des filiales déficitaires, un manque de productivité des filiales de
production qui vendent aux autres filiales à des prix standards,…).
Le rôle important que joue le commissaire aux comptes dans la prolifération de l’actionnariat
et le développement des sociétés implique une responsabilité accrue qui peut se trouver
engagée tant au plan de la responsabilité civile que celui de la responsabilité pénale, et ce en
plus des peines disciplinaires nées du fait de son appartenance à un ordre professionnel.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 63
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
63
1. Responsabilité civile du commissaire aux comptes
En plus, dans son article 258, le C.S.C dispose que « le commissaire aux comptes vérifie, sous
sa responsabilité, la régularité des états financiers de la société et leur sincérité …».
Aussi, l’article 272 du même code dispose pour sa part que « les commissaires aux comptes
sont responsables tant à l’égard de la société qu’à l’égard des tiers des conséquences
dommageables des négligences et fautes par eux commises dans l’exercice de leurs fonctions.
Ils ne sont civilement responsables des infractions commises par les membres du conseil
d’administration ou les membres du directoire sauf si en ayant eu connaissance, ils ne les ont
pas révélés dans leur rapport à l’assemblée générale ».
En effet, la responsabilité civile est l’obligation, pour une personne, de réparer un dommage
subi par autrui, à la suite de l’événement dont elle est responsable. Hormis les quelques cas là
où la fonction du commissaire aux comptes engendre une obligation de résultat du fait que les
diligences sont suffisamment précises pour que leur inexécution soit présumée fautive
(mention à l’Assemblée Générale de la modification des comptes présentés, établissement
d’un rapport spécial en cas d’existence de convention règlementée…), dans le cas le plus
général, le commissaire aux comptes a une obligation de moyen donc une responsabilité de
moyen dans l’exercice de sa mission, c’est à dire que la charge de la preuve pèse sur le
demandeur qui prétend mettre en jeu la responsabilité du commissaire aux comptes. Dans ce
cas, la responsabilité de ce dernier ne peut se trouver engagée qu’en présence des trois
éléments suivants :
- La faute ;
- Le préjudice ;
59
Ordre des Experts Comptables de Tunisie.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 64
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
64
- Le lien de causalité entre la faute et le préjudice.
1.1. La faute
Il y a faute du commissaire aux comptes toutes les fois qu’un préjudice est causé, et qui
n’aurait pas été, s’il avait agi avec la prudence et la diligence qu’on est en droit d’attendre de
lui.
La faute suppose que le commissaire aux comptes n’ait pas satisfait à une obligation de sa
mission (de mauvaise foi ou par négligence) ou ait mal exécuté une de ses missions. Par
conséquent, il ne peut jamais y avoir faute lorsque la mission est correctement exécutée même
si un préjudice en est résulté. Dans les fautes les plus couramment relevées nous trouvons :
Dans les faits, la responsabilité civile du commissaire aux comptes sera mise en jeu lorsque
l’anomalie non relevée aura été grossière et qu’il ne l’aura pas décelée du fait d’un manque de
diligence. La responsabilité sera, d’une manière générale, partagée avec l’auteur. A contrario,
lors de procédés élaborés, indétectables au moyen des travaux habituels du professionnel, la
responsabilité de ce dernier ne serait systématiquement recherchée.
Par ailleurs, la responsabilité civile du commissaire aux comptes peut être mise en jeu pour
les fautes commises par les dirigeants de la société contrôlée et ce, en respect des dispositions
de l’article 272 du C.S.C. Sur cette base, les commissaires aux comptes sont ainsi
solidairement responsables avec les dirigeants sociaux des fautes commises par ces derniers
si, en ayant eu connaissance, ils ne les ont pas mentionnées aux actionnaires.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 65
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
65
Dans cette situation, la faute du commissaire aux comptes consiste dans le défaut
d’information et non pas dans la faute initialement commise par les dirigeants.
1.2. Le préjudice
Le commissaire aux comptes ne sera responsable vis à vis des actionnaires et vis à vis des
tiers, que dans la mesure où sa faute aura causé un préjudice. Le préjudice doit être effectif et
certain. Il peut être pécuniaire ou moral.
Le préjudice doit, de plus, être invoqué par le demandeur et être juridiquement réparable.
Le dommage subi doit résulter et être la conséquence directe d’une faute commise par le
commissaire aux comptes.
Si la faute n’a pas directement causé le préjudice constaté ou si celui-ci ne résulte pas de la
faute, la responsabilité du commissaire aux comptes ne peut pas être engagée. L’existence
d’une faute et d’un préjudice causé directement par cette faute engage la responsabilité du
commissaire aux comptes.
Quelles que soient les insuffisances de contrôle, le commissaire aux comptes n’est pas
civilement responsable dès lors que le demandeur ne peut justifier que son préjudice est en
relation de causalité juridiquement utile avec la faute commise. Cependant, si le manquement
à l’obligation professionnelle de comportement normalement diligent est accompagné d’une
expression de contrôle de nature à tromper le demandeur, alors le lien de causalité est établi.
2. Responsabilité pénale
La responsabilité pénale est dominée par des principes sacrés qui sont : pas d'infraction sans
texte et pas de peine sans texte (nullum crimen, nulla poena, sine lege). D'une manière
générale, l'établissement d'une infraction suppose la réunion de trois conditions : l'élément
légal, l'élément matériel et l'élément moral (intentionnel).
Le commissaire aux comptes peut être sanctionné pour des infractions qu'il commet
personnellement ou pour celles auxquelles il participe ou dont il facilite la réalisation. Il est
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 66
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
66
respectivement auteur principal de l'infraction, complice ou co-auteur. Dans tous ces cas, dès
lors que les conditions légales de l'infraction sont réunies, il s'expose à la répression pénale.
Concernant l’élément légal, la législation tunisienne ne comporte actuellement aucun texte qui
engage, directement, la responsabilité pénale du commissaire aux comptes.
Bien que sa responsabilité pénale en tant qu’auteur principal est difficile à engager, le
commissaire aux comptes peut se trouver à l’occasion de l’accomplissement de sa mission
complice dans des infractions commises par les dirigeants et/ ou commissaires aux comptes
d’autres sociétés (inclut par exemple dans le périmètre de consolidation d’un groupe pour
lequel il est appelé à certifier les comptes consolidés). Les principales infractions qui peuvent
lui être reprochées, à titre d’auteur principal comme à titre de complice, concernent
notamment :
Les principaux délits retenus du fait de l’exercice de la mission du commissaire aux comptes
s’analysent comme suit :
L’article 271 du C.S.C dispose « est puni d’un emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende
de 1.200 à 5.000 dinars ou de l’une de ces deux peines seulement, tout commissaire qui a
sciemment donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de la société….»
- Le caractère mensonger des informations : La doctrine française considère que les simples
appréciations tendancieuses ou exagérées n’ont pas de caractère mensonger. Les
informations pour être mensongères, devraient être inexactes.
- La mauvaise foi: Le terme « sciemment » employé dans le texte légal signifie que la
preuve formelle de la connaissance par le commissaire aux comptes du caractère
mensonger de l’information doit initialement être apportée pour qu’il y ait délit.
60
R. TMAR, Eléments de cours de commissariat aux comptes pour la préparation du Certificat de révision
comptable, ISCAE Tunis, 2008.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 68
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
68
- L’existence de faits délictueux devant être dénoncés par le commissaire aux comptes ;
- La connaissance par le commissaire aux comptes de ces faits délictueux : C’est l’élément
intentionnel de l’infraction. Le ministère public doit apporter la preuve de cette
connaissance. A ce niveau, il y a lieu de signaler que le droit français (art. L457) en
utilisant le terme « dont le commissaire aux comptes aura eu connaissance » vise aussi
bien les infractions dont il a eu connaissance que celles qu’il aurait décelé, s’il avait
procédé attentivement et avec beaucoup de diligence aux contrôles mis à sa charge.
La responsabilité du commissaire aux comptes vient, une fois encore, d'être renforcée, et ce à
travers la réforme de la législation des entreprises en difficultés économiques. En effet, de par
les nouvelles dispositions de la loi 2003-79 du 29 décembre 2003 portant amendement de la
loi 95-34 du 17 Avril 1995, relative au redressement des entreprises en difficultés
économiques, telle que modifiée par la loi n° 99-63 du 15 Juillet 1999, le commissaire aux
comptes qui s'abstient de la notification à la commission de suivi des entreprises
économiques, bien qu'il ait eu connaissance des difficultés de l'entreprise, est passible d'une
amende de 500 à 10.000 dinars.
Le commissaire aux comptes est tenu au secret professionnel. L’article 271 du C.S.C, déclare
applicable les dispositions de l’article 254 du code pénal. Les éléments de cette infraction sont
les suivants :
− L’existence de faits secrets : Il s’agit des informations détenues par le commissaire aux
comptes de par ses fonctions et dont la divulgation est de nature à nuire à l’entreprise.
C’est l’intérêt de la société qui constitue le critère du secret professionnel.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 69
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
69
− La révélation du secret : Il s’agit de toute divulgation du secret aux tiers. Certains auteurs
estiment qu’une révélation à l’assemblée peut être aussi une violation du secret
professionnel.
L’article 82 du code de l’IRPP et de l’IS soumet les personnes qui font profession
indépendante de tenir ou d’aider à tenir les livres comptables et qui auront sciemment établi
ou aidé à établir de faux comptes et documents comptables pour amoindrir la base de l’impôt
ou l’impôt lui-même, à une peine d’emprisonnement de 16 jours à cinq ans et à une amende
de 500 à 10.000 dinars.
Ces dispositions s’appliquent aux commissaires aux comptes qui dissimulent une fraude
fiscale qu’ils auraient découverte. Ils auraient indirectement aidé à établir de faux comptes. Le
commissaire aux comptes est dans tous les cas considéré complice puisqu’en certifiant les
comptes, il aide dans une intention frauduleuse, les administrateurs à dissimuler une part des
sommes assujetties à l’impôt.
3. Responsabilité disciplinaire
« Il est institué auprès de l’Ordre des Experts Comptables de Tunisie une chambre de
discipline chargée notamment de sanctionner les infractions à la réglementation
professionnelle et au règlement intérieur de l’Ordre »61 .
La faute disciplinaire peut, notamment, être engagée dans les cas suivants :
61
Article 27 de la loi 88-108 du 18 août 1988.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 70
Chapitre 3 : Risques liés aux prix de transfert
70
− Négligence grave du commissaire aux comptes dans l’exercice de sa mission ;
Afin de se prémunir contre les risques civil et disciplinaire, le commissaire aux comptes doit
se comporter en professionnel diligent. Il doit être en mesure de justifier, à tout moment, qu’il
a effectué les contrôles nécessaires et les diligences requises par les normes de la profession.
C’est la raison pour laquelle, il doit consigner dans son dossier de travail tous les éléments qui
permettent de relater précisément la nature et l’étendue des investigations pratiquées, ainsi
que les conclusions dégagées. Dans le cadre de la certification des comptes consolidés, ce
dossier devra indiquer, particulièrement la méthodologie appliquée pour l’audit des opérations
intra-groupe et préciser les diligences effectuées lors de l’utilisation des travaux des
commissaires aux comptes des sociétés consolidées.
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 71
Conclusion
Dans cette première partie, nous avons souligné la place, de plus en plus importante,
qu’occupent les prix de transfert au sein des groupes de sociétés. Cette importance trouve son
origine de prime abord dans la nécessité de fixer des prix pour les divers échanges intra-
groupe, et d’autre part, dans les différentes opportunités offertes par les prix de transfert en
matière de gestion, de mesure des performances des sociétés du groupe et d’optimisation
fiscale.
Cette importance se trouve désormais amplifiée par le regain d’intérêt des administrations
fiscales envers ce sujet. En effet, les réglementations, locales ou internationales, qui traitent de
la matière sont en perpétuelle évolution, ce qui complique davantage la donne pour les
groupes qui doivent manier leur prix de transfert avec la plus grande prudence afin d’être en
permanence en accord avec les réglementations en vigueur. A ce titre, une mauvaise
détermination des prix de transfert représente des risques réels pour les groupes et leurs
dirigeants.
L’importance des risques que nous venons de développer dans cette première partie varie
d’une entreprise à une autre en fonction, d’une part, du contexte économique et juridique dans
lequel elle évolue, et d’autre part, de sa capacité à gérer efficacement ses transactions sur le
plan fiscal, compte tenu des dispositifs légaux mis en place.
En appréciant l’importance des risques liés aux prix de transfert, aussi bien juridiques que
fiscaux, le commissaire aux comptes détermine la manière dont ils peuvent affecter les
comptes audités ou l’opinion à émettre.
En effet, et compte tenu des risques qu’une mauvaise détermination des prix de transfert peut
avoir sur les comptes à certifier, le commissaire aux comptes se doit d’en prendre compte, ce
qui nous met face à une question primordiale, à savoir : Dans quelle mesure le commissaire
aux comptes peut-il remettre en cause les prix de transfert retenus par l’entreprise auditée sans
pour autant violer le principe sacro-saint de la non immixtion dans la gestion ?
Par ailleurs, une grande partie des risques développés relève de l’aspect fiscal, autrement dit,
ce sont des risques latents qui ne peuvent avoir un impact sur les comptes –même en cas de
non respect de la réglementation en vigueur – qu’en cas de contrôle fiscal. A ce stade, une
1ère partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de sociétés 72
Conclusion
autre question se pose, à savoir : Si le commissaire aux comptes estime que des manipulations
des prix de transfert présentent un risque fiscal significatif, doit-il en faire mention dans son
rapport général, sachant que ce dernier n’est pas destiné uniquement aux actionnaires de la
société mais au public, y compris l’administration fiscale ?
Et enfin, quels sont les travaux et les diligences à mettre en œuvre pour couvrir toutes les
zones de risques liées à cette problématique et permettant au commissaire aux comptes
d’avoir une assurance raisonnable quant à la sincérité, la régularité et l’image fidèle des
comptes certifiés ?
Ainsi, dans la deuxième partie de ce mémoire, nous allons essayer d’apporter des éléments de
réponses à ces différentes questions, l’objectif étant de déterminer la manière dont le
commissaire aux comptes doit intégrer les risques liés aux prix de transfert dans sa démarche
d’audit globale.
Deuxième Partie
Introduction
Après avoir étudié dans la première partie la notion de prix de transfert, leur place dans les
groupes de sociétés ainsi que les risques qui leurs sont inhérents, nous essayerons dans cette
deuxième partie de définir une méthodologie d’audit des prix de transfert dans le cadre d’une
mission de commissariat aux comptes.
La démarche proposée dans cette partie n’est pas une démarche entièrement distincte de celle
adoptée par le commissaire aux comptes dans ses missions d’audit en général, mais elle
s’intègre dans la démarche globale d’appréciation des risques d’anomalies significatives
incluses au niveau des états financiers. Elle passe nécessairement par une phase de prise de
connaissance, d’appréciation du dispositif de contrôle interne en place pour finir avec
l’exécution des travaux substantifs sur les comptes.
Cette démarche s’appuiera essentiellement sur deux normes de l’IFAC62, qui consciente de
l’importance et de la spécificité des transactions intra-groupe dans la démarche d’audit, a
consacré à ce sujet l’ISA 60063 et l’ISA 55064. Celles-ci traitent respectivement, des
considérations particulières de l’audit des états financiers des groupes de sociétés, et de la
responsabilité qui incombe à l’auditeur en ce qui concerne les relations avec les parties liés
dans le cadre d’un audit des états financiers.
Il est à noter à ce titre que notre étude sera basée sur les versions « clarifiées » des normes
ISA et ce, dans un souci d’actualité et afin d’anticiper sur les évolutions du référentiel d’audit.
62
IFAC ou « International Federation of Accountants », est l’organisation mondiale de la profession comptable.
Elle travaille avec ses 159 membres et associés dans 124 pays pour protéger l’intérêt général en encourageant
les comptables du monde entier à suivre des pratiques de haute qualité. Les membres et les associés de l’IFAC,
qui sont principalement des organisations nationales d’experts-comptables, regroupent 2,5 millions de
comptables travaillant dans des cabinets d’exercice libéral, dans l’industrie et le commerce, l’administration et
les universités (www.ifac.org).
Il est à noter à ce titre que l’OECT a adopté officiellement en juin 2002 les normes de l’IFAC dans leur version
anglaise. En Septembre 2006, l’OECT a décidé d’adopter les normes de l’IFAC en leur version française (à partir
de juin 2006 et suivants) et de stabiliser le référentiel d’audit jusqu’au 31 décembre 2008.
63
ISA 600 clarifiée: « Audits d’états financiers de groupe (y compris l’utilisation des travaux des auditeurs des
composantes) — Considérations particulières », publiée en anglais par l’IFAC en avril 2009 et s’applique aux
audits d’états financiers des périodes ouvertes à compter du 15 décembre 2009.
64
ISA 550 clarifiée: « Parties liées », publiée en anglais par l’IFAC en avril 2009 et s’applique aux audits d’états
financiers des périodes ouvertes à compter du 15 décembre 2009.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert… 75
Introduction
Nous détaillerons dans les deux premiers chapitres de cette partie la démarche de l’auditeur.
Ainsi, le premier chapitre sera dédié à la phase de prise de connaissance générale du groupe,
sa stratégie, son organisation et son environnement, et à l’évaluation du contrôle interne. Le
deuxième chapitre sera consacré à la phase de contrôle des comptes.
Pour finir, le troisième chapitre portera sur l’analyse de l’impact de la problématique soulevée
sur l’opinion du commissaire aux comptes. A cet effet, nous essayerons de voir à ce niveau
les conséquences que peuvent avoir les anomalies et les irrégularités relevées en matière de
prix de transfert sur l’opinion exprimée par le commissaire aux comptes au niveau du rapport
général ou sur les informations mentionnées au niveau du rapport spécial.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 76
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
Selon la norme ISA 31565, « l’objectif de l'auditeur est d'identifier et d'évaluer les risques
d'anomalies significatives, provenant de fraude ou résultant d'erreur, au niveau des états
financiers et des assertions, au travers de la connaissance de l'entité et de son environnement,
y compris de son contrôle interne, fournissant ainsi une base pour concevoir et mettre en
œuvre des réponses aux risques évalués d'anomalies significatives ».
Plus spécifiquement, le paragraphe 17 de l’ISA 600 « clarifiée » précise que : « L’auditeur est
tenu d’identifier et d’évaluer les risques d’anomalies significatives en acquérant une
compréhension de l’entité et de son environnement. L’équipe affectée à l’audit du groupe doit
approfondir la compréhension du groupe, de ses composantes et de leurs environnements, y
compris des contrôles globaux au niveau du groupe … ».
Notre première partie avait pour objectif de permettre à l’auditeur d’avoir une meilleure
connaissance de la notion de prix de transfert et des risques qui lui sont rattachés et ce, à
travers la présentation des règles régissant les prix de transfert. Ainsi, nous allons nous
intéresser dans une première phase à la prise de connaissance relative au groupe de sociétés
ainsi qu’aux entreprises liées à un groupe. Pour ce faire, nous allons commencer par l’aspect
général à savoir la stratégie du groupe (Section 1), pour finir par les aspects plus particuliers,
65
Paragraphe 3 de l’ISA 315 clarifiée: « Identification et évaluation des risques d'anomalies significatives au
travers de la connaissance de l'entité et de son environnement», publiée en anglais par l’International
Federation of Accountants (IFAC) en avril 2009 et s’applique aux audits d’états financiers des périodes ouvertes
à compter du 15 décembre 2009.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 77
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
à savoir la fonction précise de chacune des entités du groupe (Section 2). En effet, comme
nous l’avons explicité dans la première partie, ces éléments ont une incidence directe sur les
prix de transfert.
Pour finir, nous nous intéresserons aux contrôles mis en place (Section3). Nous essayerons de
voir comment la problématique des prix de transfert impacte l’évaluation par le commissaire
aux comptes du système de contrôle interne de l’entreprise.
Selon le paragraphe A29 de la norme ISA 31566 « clarifiée » : « L’entité exerce ses activités dans
un contexte caractérisé par des facteurs sectoriels et réglementaires et par d’autres facteurs
internes et externes. En réponse à ces facteurs, la direction de l’entité ou les responsables de la
gouvernance définissent des objectifs, qui constituent les plans d’ensemble de l’entité. Les
stratégies sont les moyens par lesquels la direction compte atteindre ses objectifs. Les stratégies
et les objectifs de l’entité peuvent évoluer avec le temps ».
La stratégie d'entreprise (ou management stratégique ou politique générale) est « le pilotage des
modifications de relations du système entreprise avec son environnement et de la frontière de ce
système avec ce qui n'est pas lui »67.
Selon M. Porter68, la stratégie d'entreprise consiste à faire des choix d'allocation de ressources
(financières, humaines, technologiques, etc.) qui engagent l'entreprise dans le long terme, afin de
la doter d'un avantage concurrentiel « durable, décisif et défendable ». Elle est communément
considérée comme l'apanage du dirigeant d'entreprise même si une approche collégiale est
envisageable. La finalité de la stratégie n’est pas seulement de dégager un profit ponctuel, mais
d'assurer la pérennité de l'entreprise.
66
ISA 315 clarifiée: « Identification et évaluation des risques d'anomalies significatives au travers de la
connaissance de l'entité et de son environnement», publiée en anglais par l’International Federation of
Accountants (IFAC) en avril 2009 et s’applique aux audits d’états financiers des périodes ouvertes à compter du
15 décembre 2009.
67
Viardot E., "Dix leçons de Stratégie à l'usage des dirigeants et de ceux qui veulent le devenir", Editions
Thebook, 2010.
68
Viardot E., "Dix leçons de Stratégie à l'usage des dirigeants et de ceux qui veulent le devenir", Editions
Thebook, 2010.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 78
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
- Quel modèle de création de Valeur utiliser afin d'assurer des profits durables à l'entreprise
(quel est son modèle économique) ?
- Peut-on éviter l'Imitation de ce modèle de création de valeur par les concurrents, afin de
dégager un avantage concurrentiel ?
Ces trois dimensions, Valeur-Imitation-Périmètre (ou VIP), résument l'essentiel des questions
stratégiques.
Le problème est que, bien souvent, la véritable stratégie de l’entreprise n’est pas exactement celle
qui est annoncée. En effet, la stratégie est l’atout déterminant de l’entreprise face à ses
concurrents pour les années à venir : elle est donc jalousement gardée et l’on ne peut que
difficilement obtenir des informations à son propos.
A ce niveau de l’étude, il est important de comprendre l’impact de la stratégie d’un groupe dans le
cadre de l’audit des prix de transfert et de voir quelles sont les outils qui pourraient aider le
commissaire aux comptes à orienter et bien planifier son approche d’audit.
La stratégie du groupe n’impacte pas uniquement la nature et l’importance des échanges intra-
groupe, mais impacte aussi les prix de transfert qui seront déployés entre les différentes
sociétés du groupe et dont la société mère constitue le principal moteur.
Pour bien comprendre ceci, prenons l’exemple du groupe dont la stratégie est d’atteindre une
taille critique essentiellement par croissance externe. Cette stratégie génère un besoin
important de fonds et la société mère doit être crédible vis-à-vis de ses partenaires financiers
(actionnaires, banquiers). Dans ce contexte, le commissaire aux comptes devrait être en
mesure de répondre à l’issue de cette étape à la question suivante : Est-il possible que les prix
de transfert soient orientés pour générer des profits au niveau de la société mère ?
En revanche, pour un groupe familial, la stratégie n’est pas clairement établie, mais elle
s’oriente vers la préservation du patrimoine familial et l’optimisation fiscale. Dans ce cas, le
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 79
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
commissaire aux comptes devrait évaluer le risque que ce groupe puisse jouer sur les prix de
transfert pour atteindre son objectif d’optimisation fiscale.
Par ailleurs, si la stratégie des dirigeants du groupe est de se séparer d’une branche d’activité
pour se recentrer sur son métier principal, dans ce cas, le commissaire aux comptes devrait
être en mesure de répondre à l’issue de cette étape à la question suivante : Est-il possible que
les prix de transfert soient orientés pour justifier plus facilement le choix d’abandon aux
actionnaires ?
Ceci est confirmé par le paragraphe 11 de la norme ISA 315 qui précise que : « l’auditeur doit
acquérir une compréhension… des objectifs et des stratégies de l’entité ainsi que des risques
d’entreprise connexes pouvant donner lieu à des anomalies significatives dans les états
financiers ».
Nous rappelons à ce titre que cette prise de connaissance par le commissaire aux comptes est
destinée à permettre l’identification et l’évaluation des risques liés aux prix de transfert afin
qu’il puisse être apte à définir l’étendue et le calendrier des travaux d’audit nécessaires.
Voici des exemples d’éléments que le commissaire aux comptes peut prendre en
considération pour acquérir une compréhension de la stratégie d’une société ou d’un groupe:
- Exigences réglementaires (par exemple, un risque d’entreprise potentiel pourrait être lié à
un risque accru de poursuites judiciaires);
Tous ces éléments orientés vers le contrôle des prix de transfert devraient permettre au
commissaire aux comptes de répondre aux deux questions suivantes :
La phase de compréhension de la stratégie générale d’un groupe peut passer par « des
demandes d’informations auprès de la direction et d’autres personnes au sein de l’entité qui,
selon le jugement de l’auditeur, peuvent posséder des informations susceptibles de l’aider à
identifier les risques d’anomalies significatives résultant de fraudes ou d’erreurs »69.
La fixation de la stratégie d’entreprise étant du ressort des dirigeants, ils seraient les
personnes les mieux placées auprès desquelles le commissaire aux comptes peut obtenir des
informations concernant les objectifs et les orientations stratégiques.
Ces informations pourraient être obtenues, soit par entretien direct avec les dirigeants du
groupe, sinon via un questionnaire qui va être directement renseigné par eux avant la fin de
l’année (lors de l’audit intérimaire).
Il est aussi souhaité de croiser les informations données par les dirigeants du groupe avec
celles qui proviennent du «terrain» pour comparer la stratégie annoncée par le groupe avec
celle comprise et déployée dans les filiales. Dans cette optique, nous estimons qu’il est utile
de rencontrer également les directeurs des filiales lorsque le commissaire aux comptes des
comptes consolidés est aussi auditeur légal de la filiale. Quand ce n’est pas le cas, une
69
ISA 315 clarifiée: « Identification et évaluation des risques d'anomalies significatives au travers de la
connaissance de l'entité et de son environnement», paragraphe 6.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 81
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
coordination avec les commissaires aux comptes desdites filiales est souhaitée dans cette
étape. Ceci pourrait se faire par exemple par une participation de ce dernier dans la conduite
de ces entretiens avec les dirigeants de la filiale, ou par une communication d’instructions
d’audit à l’intention des auditeurs des filiales qui couvrent cet aspect.
Ces choix ne sont pas figés ; il est bien sûr conseillé d’interroger toute personne qui semble,
au sein du groupe, la plus apte à répondre à ces questions.
Nous proposerons ci-après un «check-list » des questions que le commissaire aux comptes
devrait poser aux dirigeants du groupe et un autre pour celles à poser aux directeurs des
filiales, ainsi qu’une sorte d‘« aide mémoire » à l’attention du commissaire aux comptes
récapitulant les questions qu’il doit se poser après l’examen des deux premiers questionnaires.
Vu les contraintes de temps qui sont généralement importantes, ces listes de questions doivent
être brèves et concises pour aller directement à l’essentiel. Nous rappelons que celles-ci sont
proposées à titre indicatif et n’ont aucune prétention d’exhaustivité. Elles pourraient être
étoffées en fonction des particularités du groupe et du temps accordé par les dirigeants du
groupe.
Par ailleurs, il est fortement conseillé d’éviter les questions fermées car il est préférable de
laisser les dirigeants s’exprimer pour obtenir un maximum d’informations en peu de temps.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 82
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
Questions Réponses
Les questions à l’attention des dirigeants des filiales sont plus délicates à élaborer du fait
qu’elles dépendent de la situation particulière de la filiale et de la place qu’elle occupe au sein
du groupe. Il est à noter que les questions proposées sont proposées à titre indicatif et n’ont
aucune prétention d’exhaustivité.
Questions Réponses
Pour compléter et bien exploiter les deux questionnaires ci-dessus, le commissaire aux
comptes peut utiliser un « aide-mémoire » récapitulant les questions qu’il doit se poser pour
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 84
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
vérifier qu’il a atteint son objectif, à savoir une bonne compréhension de la stratégie du
groupe et son impact sur les prix de transfert.
A cet effet, il doit s’assurer qu’il dispose de réponses suffisamment claires aux questions
suivantes :
Questions Réponses
Bien évidemment, ces questions ne sont pas exhaustives et devraient être affinées et
complétées par le commissaire aux comptes en fonction des particularités du groupe et/ou de
la filiale qu’il contrôle.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 85
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
Pour mieux illustrer nos propos, prenons l’exemple d’un groupe A intégré horizontalement
avec une structure pyramidale et dont la stratégie déclarée est d’atteindre une taille critique
essentiellement par croissance externe. Cette stratégie génère un besoin important de fonds et
la société mère doit être crédible vis-à-vis de ses partenaires financiers (actionnaires,
banquiers). Dans ce contexte, le commissaire aux comptes devrait être en mesure de répondre
à l’issue de ces différents entretiens à la question suivante : Est-il possible que les prix de
transfert soient orientés pour générer des profits au niveau de la société mère ? En fonction de
la réponse à cette question, il devrait diligenter des contrôles au niveau des échanges entre la
société mère et ses filiales.
Prenons aussi l’exemple d’un groupe B dont la stratégie n’est pas clairement établie, mais elle
se dessine comme étant la préservation du patrimoine familial et l’optimisation fiscale du
groupe. Dans ce cas, il est possible que ce groupe joue sur ses prix de transfert pour atteindre
son objectif d’optimisation fiscale. Par conséquent, le commissaire aux comptes devrait faire
des tests approfondis sur les prix appliqués entre les filiales bénéficiaires et celles qui sont
déficitaires ou dont le résultat est proche de l’équilibre.
Par ailleurs, dans certaines situations, les dirigeants d’un groupe décident de se séparer d’une
branche d’activité pour recentrer le groupe sur le métier principal. Dans ce cas, ils peuvent
avoir tendance à orienter les prix de transfert de telle sorte que la branche à abandonner
apparaisse comme peu rentable. Ainsi, ils pourront justifier plus facilement leur choix aux
actionnaires. A l’inverse, pour céder la branche à un bon prix, ils peuvent orienter les prix de
transfert pour la favoriser. Dans ces deux cas, le commissaire aux comptes devrait plus
particulièrement contrôler les prix de transfert intervenant entre les sociétés faisant partie de la
branche d’activité en cours d’abandon et les autres sociétés du groupe.
L’analyse menée par le commissaire aux comptes à ce stade reste très générale. Il reste à
étudier à présent, les objectifs opérationnels qui découlent de la stratégie. Cette seconde étape
permet également de valider la stratégie identifiée initialement. En effet, si les objectifs
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 86
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
opérationnels sont en opposition avec la stratégie globale annoncée, cela peut signifier que
cette dernière n’est pas la stratégie réelle70.
Les objectifs opérationnels sont l’émanation directe de la stratégie globale, ils constituent le
mode opératoire mis en place pour permettre au groupe de tendre vers le but défini au niveau
de la stratégie. Pour atteindre le but stratégique, plusieurs solutions sont possibles, les
objectifs opérationnels renseignent sur ceux choisis par le groupe.
En règle générale, même si la réflexion sur la stratégie n’est pas clairement et officiellement
menée dans les entreprises, les objectifs opérationnels peuvent être appréhendés à travers les
orientations chiffrées données par la direction. Ces objectifs sont alors le moyen de
comprendre la stratégie « de fait » de l’entité.
Cette étape est essentielle dans la démarche du commissaire aux comptes dans la mesure où
ce sont les objectifs opérationnels qui vont dicter très directement la politique de prix de
transfert.
Pour mener à bien cette étape, le commissaire aux comptes devrait faire preuve de pertinence
au niveau du choix des interlocuteurs. En effet, si cette phase constitue la continuité des
entretiens évoqués au niveau de la phase de prise de connaissance de la stratégie du groupe, il
est cependant utile d’étendre les entretiens à des interlocuteurs qui centralisent les
informations chiffrées relatives aux objectifs stratégiques comme le directeur financier du
groupe ou le responsable des budgets.
Nous proposerons ci-après des outils pratiques un «check-list » des questions à adresser aux
dirigeants du groupe et au directeur financier et un autre pour celles à poser aux directeurs des
filiales, ainsi qu’une sorte d‘« aide mémoire » à l’attention du commissaire aux comptes
récapitulant les questions qu’il doit se poser après l’examen des deux premiers questionnaires.
70
Z. NORBERT, « Les prix de transfert dans les groupes français de taille moyenne, incidence sur la mission de
commissaire aux comptes », Centre de documentation des experts-comptables et des commissaires aux
comptes, 1999.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 87
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
2.1. Proposition d’outils pratiques pour le commissaire aux comptes pour la conduite
de cette étape
Questions Réponses
Questions Réponses
7. Quels sont les objectifs précis qui ont été fixés par le
siège pour votre filiale en termes de production, de
chiffre d’affaires et de rentabilité ?
Questions Réponses
A l’issue de ces entretiens et des travaux de synthèse, le commissaire aux comptes devrait,
encore une fois, avoir une pré-orientation concernant les prix de transfert.
Pour illustrer ces propos, nous reprenons l’exemple du groupe A dont le principal objectif
stratégique est d’atteindre un certain chiffre d’affaires à l’horizon de 5 ans par une
progression en interne et une croissance externe. Pour ce faire, il doit recapitaliser la société
mère et il envisage une introduction en bourse de celle-ci.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 90
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
Pour faire face à cette croissance externe, le groupe envisage de se séparer à un bon prix
d’une filiale qui intervient dans un métier secondaire, particulier, rentable, mais qui demande
une forte capitalisation. Le groupe a fait le choix de se développer dans son métier principal,
il doit donc se séparer de cette filiale. Les moyens prévus au service de la stratégie annoncée
sont donc cohérents et ceci confirme que le commissaire aux comptes devra être attentif aux
prix de transfert entre la société mère et ses filiales, mais également entre la société qui va être
cédée et les autres sociétés du groupe.
Prenons aussi l’exemple du groupe B qui est, lui, en phase stratégique de stabilisation de
certaines de ses filiales ; ses objectifs stratégiques sont donc déclinés en terme de résultats
positifs précis qui doivent être atteints grâce à des gains de rentabilité (mise en place de
procédures achats plus efficaces…). Les prix de transfert sensibles seraient donc ceux des
échanges entre les entreprises déficitaires (ou proche de l’équilibre) et les autres entreprises
du groupe. En effet, les dirigeants du groupe peuvent avoir intérêt à orienter les prix de
transfert de telle sorte que les filiales antérieurement déficitaires deviennent bénéficiaires.
Ainsi, les dirigeants pourront démontrer aux actionnaires, « l’efficacité » des mesures qu’ils
ont prises pour rentabiliser certaines filiales du groupe71.
Sur le plan pratique, une comparaison des conditions pratiquées dans le cadre des relations
intra-groupe par rapport à celles du marché doit être précédée d'un diagnostic qui prend
généralement la forme d'une analyse fonctionnelle.
71
M. MEZGHANI, « Les transactions non financières intra-groupe, enjeux juridiques et fiscaux et impact sur le
contrôle légal des comptes », Mémoire élaboré en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Tunis,
Décembre 2006, p. 338.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 91
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
Dans toutes les méthodes de fixation des prix de transfert édictées par l’OCDE et présentées
au niveau de la première partie, l’analyse fonctionnelle est primordiale. Cette analyse doit
d’abord être globale au niveau du groupe puis précise au niveau de chaque filiale. Elle a pour
but d'identifier et de comparer les activités et responsabilités significatives sur le plan
économique qui sont ou seront exercées par les entreprises associées et par les entreprises
indépendantes. Elle est donc très importante pour le commissaire aux comptes dans la
conduite de sa mission, en particulier pour l’appréciation de l’importance et de la justesse des
transactions intra-groupe, et est, par conséquent, déterminante dans la définition de l’étendue
des travaux que celui-ci doit mettre en place pour couvrir les risques y afférents.
Nous commencerons cette section par une définition de ce qu‘est l’analyse fonctionnelle (1),
puis nous exposerons les différentes méthodes possibles pour la mener (2). Ensuite, nous
proposerons un outil pratique pour le commissaire aux comptes pour bien mener cette étape
(3), et enfin nous conclurons par l’exploitation des résultats de cette analyse fonctionnelle à
travers une appréciation des opérations intra-groupe (4).
Selon le guide OCDE, l'analyse fonctionnelle se définit comme étant l'« analyse des fonctions
exercées tenant compte des actifs utilisés et des risques assumés par des entreprises associées
dans des transactions contrôlées et par des entreprises indépendantes dans des transactions
sur le marché libre ». Le guide précité précise que dans le cadre de transactions entre deux
entreprises indépendantes, la rémunération correspond en général aux fonctions assumées par
chaque entreprise compte tenu des moyens mis en œuvre et des risques assumés. Par
conséquent, pour déterminer si des transactions entre entreprises associées et entreprises
indépendantes sont comparables, ou si des entités associées ou des entités indépendantes sont
comparables, il faut comparer les fonctions exercées par les différentes parties.
En effet, les fonctions exercées par une entreprise influencent directement les risques qu'elle
supporte et les actifs qu'elle détient. La rémunération des différentes entités d'un groupe est
généralement proportionnelle à ces paramètres.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 92
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
En pratique, l'analyse fonctionnelle peut être effectuée suivant deux approches, une approche
classique qui consiste à énumérer les différentes fonctions exercées et une approche
dynamique fondée sur la notion de création de valeur.
Mais dans les deux cas, cette analyse doit inclure une étude de l’organigramme du groupe.
L’étude de l’organigramme du groupe pourrait renseigner le commissaire aux comptes sur les
risques éventuels pouvant être attachés aux prix de transfert. Si la maison mère détient des
participations majoritaires dans les différentes entités composant le groupe et y exerce un
contrôle sans partage, le risque de voir les prix de transfert fixés en dehors de l’intervalle de
pleine concurrence sera réel et devra être surveillé attentivement.
De même, si les administrateurs et dirigeants des filiales et de la maison mère sont communs,
l’intérêt du groupe peut parfois primer sur l’intérêt direct des filiales dont ils ont la charge.
L'approche classique de l'analyse fonctionnelle débute par une première phase dite
préparatoire au cours de laquelle des questionnaires préliminaires sont envoyés à l'entreprise.
Elle s'accompagne d'une revue des documents internes, la réalisation d'une série d'entretiens
auprès des responsables des fonctions-clés et la visite de sites opérationnels72 pour avoir une
meilleure appréhension des faits.
Généralement, les fonctions sont divisées en trois principales catégories ; d'une part, les
fonctions de management, c'est-à-dire notamment de définition de la stratégie générale, de la
politique financière et juridique, du contrôle de gestion, des technologies de l'information, des
ressources humaines ; d'autre part, les fonctions développement produit et fabrication ; et
enfin, les fonctions marketing, publicité, distribution et service après-vente.
Les fonctions exercées déterminent dans une certaine mesure la répartition des risques entre
les parties, et donc les termes dont chacune d'entre elles devrait bénéficier si les transactions
se faisaient dans des conditions de pleine concurrence.
Dans le cas d'un fabricant, on s'intéressera par exemple aux fonctions de recherche et
développement (R&D), stratégie du produit et design, définition du processus de fabrication
et assemblage, planification de la production, gestion des stocks, fonction achat, logistique,
contrôle de qualité. Un fabricant qui ne prend pas de risque important, n'aura droit qu'à un
revenu limité.
Dans le cas d'un distributeur, on s'intéressera notamment aux fonctions de vente, aux aspects
stratégiques et opérationnels du marketing, la gestion des stocks, le service après-vente,
l'administration et les finances. Par hypothèse, si un distributeur assume la responsabilité de la
commercialisation et de la publicité en risquant ses propres ressources dans ces activités, il est
en droit d'en attendre un revenu proportionnellement plus élevé et les termes de la transaction
ne seront pas les mêmes que si le distributeur intervient uniquement en qualité d'agent, se fait
rembourser ses frais et perçoit le revenu approprié à son activité.
Dans la logique économique, la prise en charge d’un risque a toujours une contrepartie en
termes de rémunération permettant de dégager un bénéfice correct. Dans le cas contraire, une
société indépendante choisirait de ne pas assumer ce risque. De ce fait, le risque assumé par
une société liée dans une transaction intra-groupe est une donnée essentielle pour déterminer
le prix de cette transaction.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 94
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
L'analyse des risques a pour but d'étudier comment ceux-ci se répartissent entre les entités.
Sur le plan pratique, on peut distinguer différents types de risques notamment le risque de
marché, le risque R&D, le risque produit, le risque client, le risque de change, le risque de
stock73 et le risque de garantie.
L’annexe 4 de la présente étude illustre un exemple d’une grille d’analyse fonctionnelle pour
la répartition des risques encourus par 3 entreprises associées au regard des fonctions
assumées.
Les actifs d’exploitation nécessaires sont, avec les fonctions et les risques, le troisième pilier
permettant la détermination du prix d’une transaction. A titre d’exemple, le travail à façon
réalisé par les filiales d’un groupe doit être effectué par des usines nécessitant des
investissements matériels importants. Ces investissements doivent générer un revenu cohérent
car, dans le cas contraire, aucune entreprise sur le marché libre n’investirait dans ces
équipements. La juste rémunération des actifs, qu’ils soient corporels ou incorporels, doit être
prise en compte dans les transactions intra-groupe.
A cet effet, il est nécessaire de déterminer les actifs utilisés dans chacune des filiales pour les
besoins des transactions intra-groupe.
Les actifs incorporels à identifier au cours de l'analyse fonctionnelle sont en particulier les
actifs incorporels de fabrication et de marketing. En ce qui concerne les incorporels de
fabrication, on peut citer le savoir-faire technologique de fabrication, les brevets spécifiques
et les formules. En ce qui concerne les incorporels marketings, on énumérera les marques, les
noms commerciaux, les listes de clients.
L’annexe 4 présente un exemple de grille d’analyse fonctionnelle pour la répartition des actifs
utilisés/coûts engagés par 3 entreprises associées au regard des fonctions assumées.
73
Exemple : obsolescence, perte, casse.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 95
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
L'approche dynamique de l'analyse fonctionnelle est basée sur la notion de création de valeur.
D'un point de vue managérial, il y a création de valeur lorsque les capitaux investis dans
l'exploitation permettent de dégager un résultat suffisant pour couvrir le coût des capitaux
engagés.
Pour cette étape, il est nécessaire de continuer l’entretien commencé avec un dirigeant social
dans les phases précédentes. Par ailleurs, pour déterminer dans le détail la place d’une filiale
au sein du groupe, il semble nécessaire de rencontrer le dirigeant de la filiale ainsi que les
personnes qui assument des fonctions clés (directeur financier, directeur de production,
directeur commercial,…).
Encore une fois ces choix ne sont pas figés ; il est bien sûr conseillé d’interviewer toute
personne qui semble, au sein du groupe ou de la filiale, la plus apte à répondre aux questions
ci-dessous.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 96
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
Questions Réponses
3.2. « Check-list » des questions à adresser aux directeurs des filiales et les personnes
qui occupent les fonctions clés
Questions Réponses
74
M. MEZGHANI, « Les transactions non financières intra-groupe, enjeux juridiques et fiscaux et impact sur le
contrôle légal des comptes », Mémoire élaboré en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Tunis,
Décembre 2006, p.342.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 98
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
Questions Réponses
1. Les réponses aux questions identiques sont-elles
cohérentes entre elles ? Si oui expliquer en quoi,
sinon, expliquer et faire des recherches plus
approfondies.
2. Les réponses de cette phase sont-elles
conciliables avec celles des phases précédentes ?
Si oui, expliquer en quoi, sinon faire des
recherches plus approfondies.
3. Quels sont les principales fonctions du groupe et
comment se répartissent-elles ?
4. Quels sont les principaux risques d’exploitation
du groupe et comment se répartissent-ils ?
5. Quels sont les principaux actifs corporels
d’exploitation et comment se répartissent-ils
(propriétaire/utilisateurs) ?
6. Quels sont les principaux actifs incorporels du
groupe et comment se répartissent-ils ?
7. Tracer l’organigramme fonctionnel ou valider
celui qui existe.
8. Tracer l’organigramme des échanges intra-
groupe.
9. Existe-il des échanges similaires dans des
conditions comparables entre une entreprise du
groupe et une société indépendante du groupe ?
10. Existe-t-il des échanges pour lesquels nous
n’avons pas obtenu de contrats ? Si oui,
demander s’il existe un contrat, s’il n’en existe
pas faire une feuille de travail sur les modalités
de ces échanges ?
11. Existe-il des exceptions significatives dans
l’organisation ? Si oui, prévoir des contrôles plus
approfondis à ce niveau.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 99
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
L'analyse fonctionnelle permettra au commissaire aux comptes de décrire dans les faits, le
rôle et les responsabilités de chaque entité dans le cadre d'une ou de plusieurs transactions
intra-groupe données, de caractériser les entités parties aux flux75, d'identifier le type de
comparables qu'il faudra rechercher et de déterminer le niveau de rémunération approprié.
Elle aboutira en fin de compte à l'identification de l'« entrepreneur principal »76. Au sein du
groupe, l'entrepreneur principal reçoit la rémunération résiduelle, c'est-à-dire le bénéfice (ou
les pertes) restant une fois que toutes les entités ont été justement rétribuées.
Ainsi, après avoir pris connaissance de l’organisation générale et des flux internes pouvant en
résulter, le commissaire aux comptes, s’il estime que ce type de flux pouvait avoir une
incidence significative sur les comptes à certifier, devrait analyser en détail les flux en
question afin d’en cerner la nature et l’importance.
Pour ce faire, il doit recueillir les documents disponibles en matière de transactions intra-
groupe et de fixation des prix de transfert. Si ces derniers ne sont pas disponibles, il peut
s’appuyer sur les informations contenues au niveau de la liasse de consolidation qui peut être
d’une grande aide.
En effet, celle-ci reprend, par nature de compte comptable, l’ensemble des flux intra-groupe
que réalise une société avec l’ensemble des autres sociétés du groupe. Il sera alors facile d’en
déduire la nature exacte des transactions en se référant à l’activité des entités concernées.
75
Exemples : concepteur, R&D, fabricant ou producteur, assembleur, prestataire de services, acheteur ou
vendeur de biens corporels, distributeur, sous-traitant, financier, cessionnaire ou concessionnaire d'actifs
incorporels.
76
Ministère français de l’Economie des Finances et de l’Industrie, Direction Générale des Impôts, « Prix de
transfert : Guide d’usage pour les PME », Novembre 2006, op. cit. page 19 : L'« entrepreneur principal » c'est «
l'entreprise qui assume les risques principaux (qu'ils se concrétisent ou non) et qui prend les décisions
stratégiques ». En général, c'est cette dernière qui est également propriétaire des immobilisations
incorporelles clés (marques, brevets, savoir-faire...) et supporte les dépenses y afférentes (recherche et
développement, gestion des marques et de la publicité).
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 100
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
Le travail préliminaire réalisé pourra lui être utile au moment de l’établissement du rapport
spécial sur les conventions réglementées. Par ailleurs, si l’étude précédente révèle que les
transactions intra-groupe ont une importance non négligeable, le commissaire aux comptes
devrait approfondir ses analyses.
Cependant, avant de fixer définitivement l’étendue des tests de détail qu’il faudrait effectuer
sur les prix de transfert, il va falloir évaluer le contrôle interne mis en place pour garantir leur
fiabilité.
« L’auditeur doit acquérir une compréhension des aspects du contrôle interne pertinents pour
l’audit. Bien qu’il y ait des chances que la plupart des contrôles pertinents pour l’audit
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 101
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
1. Objectifs de cette phase dans le cadre précis de l’audit des prix de transfert
(a) identifier, comptabiliser et communiquer les relations et les opérations avec les parties
liées conformément au référentiel comptable applicable ;
(b) autoriser et approuver les opérations et les accords importants intervenus avec les parties
liées ; et
(c) autoriser et approuver les opérations et les accords importants intervenus qui sortent du
cadre normal des activités ».
Ainsi, le premier objectif assigné à la phase de contrôle interne pour ce qui est des prix de
transfert, est de comprendre les procédures qui ont été instituées pour :
- Garantir que les facturations intra-groupe font l’objet d’un échange réel de biens ou de
services ;
- Garantir que les prix de transfert sont proches du prix de pleine concurrence, et qu’une
mise à jour périodique de ces prix est effectuée ;
77
ISA 315 clarifiée: « Identification et évaluation des risques d'anomalies significatives au travers de la
connaissance de l'entité et de son environnement», paragraphe 12.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 102
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
- Garantir que ces prix font l’objet d’une autorisation par une personne compétente et
dûment mandatée.
Le second objectif est d’évaluer le risque que ces procédures ne parviennent pas à déceler une
erreur égale ou supérieure à l’erreur tolérée. Pour cela, des tests sur les contrôles devraient
alors être menés. Le but final étant de déterminer dans quelle mesure il sera possible de
s’appuyer sur le contrôle interne et donc de réaliser moins de tests de détail.
2. Démarche à adopter
2.1. Compréhension des contrôles mis en place par l’entité pour couvrir les risques liés
aux prix de transfert
L’ISA 550 précise que pour acquérir une compréhension des contrôles mis en place par
l’entité pour couvrir les risques liés aux transactions avec les parties liées, le commissaire aux
comptes peut examiner les éléments de l’environnement de contrôle pouvant contribuer à
réduire les risques d’anomalies significatives associés à ces opérations, tels que :
- « les codes d’éthique internes qui régissent les situations où l’entité peut conclure des
types particuliers d’opérations avec des parties liées, et que l’entité communique à son
personnel et fait respecter de manière appropriée ;
- Les politiques et procédures pour une communication transparente et dans les meilleurs
délais des intérêts que les membres de la direction et les responsables de la gouvernance
ont dans des opérations avec des parties liées;
- Des lignes directrices claires pour l’approbation des opérations avec des parties liées
génératrices de conflits d’intérêts réels ou apparents, par exemple leur approbation
préalable par un sous-comité des responsables de la gouvernance comprenant des
personnes indépendantes de la direction;
- Des mesures préventives prises par la direction pour résoudre les cas problématiques en
matière d’informations à communiquer sur les parties liées, par exemple l’initiative de
consulter l’auditeur ou un conseiller juridique externe;
Tous ces points pourraient être vérifiés par le commissaire aux comptes par l’utilisation d’un
questionnaire de contrôle interne dédié aux opérations intra-groupe. Nous proposons dans ce
qui suit des outils pratiques pour lui permettre de mener à bien cette phase.
Nous rappelons que l’objectif premier de ce questionnaire est de cerner les processus de
contrôles prévus par l’entité pour gérer les risques liés aux opérations intra-groupes et qu’il
n’est en aucun cas prétendu exhaustif.
78
ISA 550 clarifiée : « Parties liées », paragraphe A17.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 104
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
Questions Réponses
2.1.1.2. Feuille de travail pour la vérification de la mise à jour des prix de transfert
Un autre aspect très important doit être couvert par le commissaire aux comptes à savoir la
mise à jour des prix de transfert. L’entité contrôlée doit avoir mis en place une procédure de
mise à jour des prix de transfert ainsi qu’un contrôle interne approprié pour vérifier que les
mises à jour sont correctement effectuées. L’absence d’une telle procédure indique au
commissaire aux comptes qu’il existe un risque élevé que les prix de transfert recèlent une
erreur significative.
Lorsqu’une procédure de mise à jour existe, le commissaire aux comptes doit décrire et
analyser les risques qui en découlent. Pour cela, il doit se poser notamment les questions
suivantes :
Questions Réponses
Par ce biais, l’auditeur se forge une opinion, a priori, de la capacité des procédures de
l’entreprise à assurer la fiabilité des contrôles de ces mises à jour. Il doit ensuite procéder à
des tests sur les contrôles.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 106
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
2.1.1.3. Feuille de travail pour le commissaire aux comptes : La matrice des contrôles
A l’issue de ces entretiens, le commissaire aux comptes devrait assimiler les procédures mises
en place en matière de contrôle des prix de transfert de manière à couvrir toutes les assertions
d’audit, et notamment :
- Les procédures assurant la correcte présentation et divulgation sur les transactions intra-
groupe.
Pour ce faire, une feuille de travail sous la forme d’une matrice peut être utilisée :
Assertions d’audit79
Exhaustivité
obligations
Evaluation
Droits et
Exactitude
Réalité
Présentation
Rattachement
et information
Procédures Contrôle clé
79
Selon ISA 315 clarifiée : « Identification et évaluation des risques d'anomalies significatives au travers de la
connaissance de l'entité et de son environnement», publiée en anglais par l’International Federation of
Accountants (IFAC) en avril 2009 et s’applique aux audits d’états financiers des périodes ouvertes à compter du
15 décembre 2009.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 107
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
Contrôle P3- C2 X
Contrôle P3- …
L’avantage d’une telle matrice est de présenter d’une manière synthétique la couverture par
les contrôles clés liés au prix de transfert des assertions d’audit et de dégager, d’ores et déjà,
les insuffisances des procédures mis en place par la société.
A travers la matrice des contrôles, le commissaire aux comptes pourrait détecter quelles sont
les assertions non couvertes par des procédures de contrôles. Ainsi si le commissaire aux
comptes juge que les procédures de contrôles mises en place par l’entité ne permettent pas de
répondre à un risque d’anomalies significatives qu’il aurait identifié et évalué, il qualifiera le
risque d’anomalies significatives d’élevé. Pour répondre à ce risque, il déterminera par voie
de conséquence la nature, le calendrier et l’étendue des procédures d’audit complémentaires.
Ces insuffisances pourraient faire l’objet de recommandations spécifiques à l’attention de la
Direction du groupe ou de l’entité auditée dans le rapport sur le contrôle interne.
Toutefois, il est à préciser que quelle que soit la qualité du contrôle interne mis en place, il ne
faut pas omettre qu’en matière de prix de transfert, le risque d’ingérence de la direction est
élevé. En effet, nous avons déjà constaté que des circonstances particulières peuvent inciter la
direction du groupe à passer outre les contrôles si certaines pressions l’amènent à déclarer, par
exemple, une augmentation ou une diminution du résultat de telle ou telle filiale.
En tout état de cause, des tests sur les contrôles devront être menés pour vérifier que les
procédures décrites sont appliquées correctement et d’une manière permanente par des
personnes compétentes.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 108
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
L’ISA 330 clarifiée80 précise dans son paragraphe 8 que « L'auditeur doit concevoir et
réaliser des tests de procédures pour recueillir des éléments probants suffisants et appropriés
quant à l'efficacité du fonctionnement des contrôles internes concernés si :
- il prévoit sur la base de son évaluation des risques d'anomalies significatives au niveau
des assertions, que les contrôles fonctionnent avec efficacité (c'est-à-dire qu'il envisage de
s'appuyer sur le fonctionnement efficace des contrôles pour déterminer la nature, le
calendrier et l'étendue des contrôles de substance) ; ou
- les contrôles de substance seuls ne peuvent fournir des éléments probants suffisants et
appropriés au niveau des assertions ».
Le commissaire aux comptes doit effectuer des tests de procédures pour obtenir l’assurance
raisonnable que les procédures de contrôles interne sont appliquées selon les règles prescrites
et fonctionnent efficacement. Les tests englobent diverses techniques comme l’observation,
l’examen des documents…. Ils doivent être conçus de façon à pouvoir fournir les éléments
probants concernant l’existence et le fonctionnement d’une manière efficace et permanente du
contrôle interne.
En ce qui concerne les prix de transfert, le contrôle interne doit intervenir particulièrement à
deux niveaux. Le premier est le contrôle de l’exhaustivité des échanges pris en compte, ainsi
que leur réalité. Le second est le contrôle de la détermination des prix de transfert (leur
approbation et leur mise à jour).
Pour ce qui est de l’exhaustivité des échanges, les sociétés devaient mettre en place des
procédures permettant d’appréhender tous les échanges opérés avec des sociétés liées.
Si l’on reprend l’exemple du groupe A, la société a mis en place les contrôles suivants:
80
ISA 330 clarifiée «Réponses des auditeurs aux risques évalués», International Federation of Accountants
(IFAC), avril 2009 applicable pour les exercices ouverts à compter du 15 décembre 2009.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 109
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
- Suivi des expéditions de marchandises sur des bons de sortie spécifiques pré-numérotés.
Ce contrôle permet d’effectuer une revue périodique pour s’assurer du respect du suivi
séquentiel et identifier les numéros manquants ;
- Les comptes sont réconciliés régulièrement avec les autres sociétés du groupe.
Au niveau du groupe B où les transactions concernent également des services, la société a mis
en place un suivi des heures qui permet d’affecter le travail des techniciens aux différentes
filiales concernées.
Dans ces différentes situations, le commissaire aux comptes devrait vérifier que les contrôles
sont effectifs et ce, en effectuant directement des tests sur les contrôles identifiés.
Pour s’assurer de la correcte détermination des prix de transfert et leur approbation, les tests
de contrôles à mettre en place devraient permettre de s’assurer de la fiabilité et de la
permanence du contrôle mis en place pour s’assurer que les prix de transfert sont
correctement calculés par une personne compétente, et qu’ils sont validés par une personne
habilitée à le faire. Le commissaire aux comptes vérifie à ce niveau la matérialisation des
contrôles et des approbations.
Les tests de contrôles doivent fournir des éléments probants permettant de s’appuyer sur le
contrôle interne. Ils doivent porter tout d’abord sur la matérialisation des contrôles, sur leur
cadence et sur le rapprochement des référents au marché. Ensuite le commissaire aux comptes
doit faire des contrôles de cohérence entre l’évolution des référents et l’évolution des prix de
transfert.
Les tests effectués à ce niveau doivent fournir des éléments probants suffisants et appropriés
permettant de s’appuyer sur le contrôle interne. Ils doivent porter tout d’abord sur la
matérialisation des contrôles des personnes responsables (signatures), sur la cadence des
contrôles (fréquence), sur le rapprochement des variables du marché (visa du contrôle).
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 110
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
Ensuite le commissaire aux comptes doit faire des contrôles de cohérence entre l’évolution
des variables et l’évolution des prix de transfert.
Plus le contrôle interne est important et fiable, moins le commissaire aux comptes devra
effectuer des tests de vérification directs.
Si les tests sur les procédures se révèlent positifs, les tests de substance seront réduits comme
prévu dans la planification car en principe les échanges intra-groupe sont identifiés et
valorisés par des personnes compétentes. Le commissaire aux comptes, ne fait dans ce cas,
que des contrôles directs sur le calcul des prix de transfert principaux pour valider qu’ils sont
conformes au principe de pleine concurrence.
En revanche, si le contrôle interne portant sur les prix de transfert n’existe pas ou ne
fonctionne pas efficacement, le commissaire aux comptes doit effectuer des tests de
vérification directe plus nombreux pour compenser cette carence et pour déterminer si les prix
de transfert ne recèlent pas d’erreurs significatives telles que la non exhaustivité de facturation
des services rendus, la non application du principe de pleine concurrence…
Rappelons, à ce niveau, qu’en matière de prix de transfert, il est peu probable d’être en
situation de risque faible ou très faible vu que le risque d’ingérence de la direction du groupe
est souvent présent.
1. Synthèse des travaux effectués par le commissaire aux comptes et exploitation des
résultats de ces travaux
Le commissaire aux comptes doit préparer une note de synthèse récapitulant les points clés.
Cette note doit reprendre succinctement la stratégie du groupe, les objectifs opérationnels
principaux et l’organigramme fonctionnel réel qui a été découvert. Cet organigramme
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 111
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
devrait reprendre, pour chaque filiale les fonctions, les risques assumés et les principaux actifs
utilisés.
Une première conclusion sera alors formulée sur la cohérence d’ensemble de ces éléments et
sur l’impact que cela risque d’avoir sur les prix de transfert.
La seconde partie de la conclusion devrait faire ressortir une évaluation du contrôle interne lié
aux prix de transfert. Enfin, la dernière partie devrait donner un avis général sur
l’environnement de contrôle comme par exemple l’attitude de la direction générale du groupe
et les pressions externes qui s’exercent sur la société mère… En ce sens, le commissaire aux
comptes se doit d’être vigilent quant aux possibilités de la direction d’outrepasser les
contrôles conduisant à des risques d’anomalies significatives provenant de fraude81.
81
M. MEZGHANI, « Les transactions non financières intra-groupe, enjeux juridiques et fiscaux et impact sur le
contrôle légal des comptes », Mémoire élaboré en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Tunis,
Décembre 2006, p.368.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 112
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 113
Chapitre 1 : Prise de connaissance du groupe… et évaluation du contrôle interne
Conclusion:
Afin d’établir un plan de travail détaillé ayant pour objectif d’adresser les risques identifiés, le
commissaire aux comptes se doit de comprendre les contrôles en place et de les évaluer. En
effet, il devra recueillir l’assurance à travers les contrôles efficaces en place afin qu’il puisse
définir l’étendue et la nature des procédures substantives qui seront requises afin de recueillir
des éléments probants suffisants et adéquats liés aux risques identifiés quant aux prix de
transfert.
Ainsi, dans le chapitre suivant, nous allons étudier les procédures substantives (contrôles de
substance) pouvant être établies par l’auditeur afin d’adresser les risques préalablement
identifiés quant aux prix de transfert.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 114
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
La norme ISA 550 « Parties liées » dans son paragraphe 20 précise que l’auditeur « définit et
met en œuvre des procédures d'audit…. pour recueillir des éléments probants suffisants et
appropriés concernant les risques évalués d'anomalies significatives associés aux relations et
aux opérations avec des parties liées ».
A cet effet, le premier contrôle pouvant être effectué par le commissaire aux comptes est un
examen analytique de substance. Celui-ci constitue une première étape indispensable qui
permet de relever les premières anomalies qui conduisent à un examen plus approfondi de
certaines transactions. Cette première étape pourrait d’ailleurs être menée lors de phase
intérimaire. En effet, selon la norme ISA 31582, les procédures d’évaluation des risques
doivent comporter, en plus des demandes d'informations auprès de la direction et d’autres
personnels au sein de l'entité, des procédures analytiques réalisées en tant que procédures
d’évaluation des risques.
En fonction des conclusions de cette revue, des tests de détail doivent être engagés. Ces
vérifications peuvent être déterminées en s’appuyant sur des sondages ou en fonction du
jugement du commissaire aux comptes.
Dans ce deuxième chapitre, nous allons essayer de développer une proposition de tests de
détail à effectuer par le commissaire aux comptes dans le cadre de la démarche d’audit des
prix de transfert qui lui permettraient de collecter des éléments probants notamment, par :
- L’examen des méthodes retenues par l’entreprise pour la fixation des prix de transfert ;
- La comparaison des prix de transfert, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du groupe ;
et
- L’utilisation des travaux d’autres auditeurs.
Il est bien entendu que ces tests sont loin d’être exhaustifs et devront faire l’objet d’une
adaptation en fonction des particularités de chaque mission.
82
ISA 315 clarifiée: « Identification et évaluation des risques d'anomalies significatives au travers de la
connaissance de l'entité et de son environnement», paragraphe 6.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 115
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
Les premières étapes de la démarche de contrôle des prix de transfert ont conduit le
commissaire aux comptes à prendre connaissance de l’organisation globale des échanges et du
rôle de chaque entité dans le groupe. Il lui faut à présent aller dans le détail de l’élaboration
des prix de transfert.
Ainsi, il est très important dans un premier temps d’approfondir l’analyse et la compréhension
des méthodes retenues par l’entreprise dans la fixation des prix de transfert et les risques qui
en découlent. A ce titre, le commissaire aux comptes devrait, entre autres, examiner la
documentation fournie par l’entreprise pour justifier ses prix de transfert.
Des contrôles de substances devraient ensuite être menés. Ces contrôles seraient basés sur des
examens analytiques ainsi que sur des tests de détail sur les transactions et les contrats.
1. L’analyse de la méthode retenue par l'entreprise pour les prix de transfert et des
risques qui en découlent : Proposition d’outils pratiques (arbres de décision)
Les entretiens avec les dirigeants des filiales ont permis au commissaire aux comptes de
mettre en évidence la plupart des échanges entre les différentes entités du groupe. Avant toute
analyse, ces échanges devraient être classés. La norme ISA 550 « Parties liées »83
recommande une première classification qui conduit à séparer les échanges routiniers de ceux
qui revêtent un caractère exceptionnel ou ne rentrent pas dans le cadre normale d’activité de
l’entité.
Par la suite, il y a lieu de classer les échanges en question par nature : échanges de biens
corporels, incorporels, de services ou enfin échanges financiers.
Pour chacun de ces échanges ou famille d’échanges, le commissaire aux comptes devrait
procéder à une description minutieuse de l’objet de l’échange et de la façon dont il est
valorisé. Cette description, tirée du contrat lorsque celui-ci existe, doit être rapprochée des
échanges réels pour contrôler les cas de distorsions entre la réalité et le contrat
éventuellement.
83
Paragraphe 23.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 116
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
celles recommandées par l’OCDE. Cependant, dans les groupes exclusivement Tunisiens,
nous avons vu que les prix de transfert étaient, très souvent, fixés sans faire référence aux
méthodes de l’OCDE. De ce fait, le commissaire aux comptes doit tenter de déterminer de
quelle méthode préconisée par l’OCDE, celle utilisée par l’entreprise se rapproche. Il
détermine ensuite quels sont les risques de la méthode retenue.
A titre d’exemple, et pour l’évaluation des risques juridiques et fiscaux le commissaire aux
comptes devra être attentif aux opérations inhabituelles compte tenu des circonstances, telles
que les :
Il est ainsi évident que la réalisation des opérations intra-groupe met en relief plusieurs
risques juridiques et fiscaux. L’évaluation de ces risques a déjà fait l’objet d’une analyse au
niveau de la première partie de ce mémoire. Nous proposerons, dès lors, dans ce qui suit des
arbres de décisions sur lesquels le commissaire aux comptes peut se baser pour l’évaluation
de ces risques. Les arbres proposés constituent un cadre de référence général qui mérite d’être
adapté à chaque situation rencontrée. Ils concernent, particulièrement l’évaluation du risque
fiscal, du risque d’abus de biens et crédits sociaux, du risque d’action en comblement du
passif, et du risque d’extension des procédures de faillite et de redressement.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 117
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
Oui
Non
Oui
Opérations financières
Opérations non financières
- Le taux de rémunération des
prêts n’est pas normal
- Le prix de pleine
concurrence est non respecté L’acte vise t-il à tromper le
- Absence de rémunération
dans les transactions fisc
des cautionnements et
commerciales courantes
garanties octroyées aux
sociétés du groupe
- les transactions sur les
immobilisations a été effectué
- Les intérêts sur avances en
selon un prix différent de celui
comptes courants dépassent
du marché
le seuil défini par l’article 48
al. 7 du Code IRPP/IS Oui
- La répartition des frais
généraux n’est pas normale
- Les subventions accordées
- le détachement du
- Les abandons de créances
personnel n’est pas facturé
selon le taux normal de
rémunération
84
S. SAAD, « Caractéristiques des opérations intra-groupe et diligences du commissaire aux comptes
consolidés », Mémoire pour l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Tunis, Avril 2005, p114.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 118
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
Non
Oui
Oui
Les possibilités
financières de la société qui
Oui
réalise l’opération sont elles
dépassées
Oui
85
S. SAAD, « Caractéristiques des opérations intra-groupe et diligences du commissaire aux comptes
consolidés », Mémoire pour l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Tunis, Avril 2005, p115.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 119
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
Oui
La responsabilité de la
société mère peut elle être
engagée :
- Direction de droit ou de fait
- une faute de gestion
- un lien de causalité entre la Non
faute et le préjudice
Oui Oui
86
S. SAAD, « Caractéristiques des opérations intra-groupe et diligences du commissaire aux comptes
consolidés », Mémoire pour l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Tunis, Avril 2005, p116.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 120
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
Oui
Non
Non
Non
Oui
Non
Pas de risque d’extension de faillite et de redressement aux autres L’extension des procédures de faillite et de
sociétés du groupe redressement aux autres sociétés du groupe est
(sauf s’il est établi que la faillite est due à leur fait) possible
87
S. SAAD, « Caractéristiques des opérations intra-groupe et diligences du commissaire aux comptes
consolidés », Mémoire pour l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Tunis, Avril 2005, p117.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 121
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
Une bonne documentation des prix de transfert pourra utilement contenir des informations
d’ordre juridique, économique, fiscal, comptable et méthodologique quant aux modalités de
détermination et de validation des prix de transfert. Elle permettra ainsi de préciser :
- La nature des relations qui lient les deux sociétés (organigramme, liens capitalistiques
directs et indirects, droits de vote, pacte d’actionnaires, courant d’affaires…) ;
- Les méthodes de valorisation et les tarifications retenues ainsi que les risques encourus et
les actifs engagés par chacune des entreprises liées ;
- Les modalités pratiques de facturation des produits vendus et des prestations réalisées.
Il est à signaler à cet effet que même le rapport de l’OCDE ne donne pas de listes exhaustives
d’informations nécessaires à la détermination des prix de transfert du fait que celles-ci varient
en fonction des cas. Cependant, l’entreprise doit fournir toute information raisonnablement
utile pour comprendre et vérifier les prix de transfert.
Ce contrôle est très important à plusieurs titres. Tout d’abord, il permet de confirmer que la
stratégie découverte dans la prise de connaissance du groupe est bien celle qui est appliquée.
Ensuite, il est essentiel car cette stratégie est souvent utilisée pour justifier les écarts entre le
prix de transfert et les prix des transactions comparables sur le marché libre. Cependant, le fait
88
ISA 240 clarifiée, « Les obligations de l'auditeur en matière de fraude lors d’un audit d'états financiers »
publiée en anglais par l’IFAC en avril 2009 et s’applique aux audits d’états financiers des périodes ouvertes à
compter du 15 décembre 2009.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 123
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
que la stratégie corresponde aux choix de prix de transfert ne garantit pas que ces prix soient
conformes au prix de pleine concurrence.
Au sens des normes ISA 520, les procédures analytiques s'entendent « des évaluations
d'informations financières faites à partir d'une analyse des rapports plausibles entre des
données financières et non-financières. Ces procédures englobent également toute
investigation jugée nécessaire des fluctuations ou des rapports relevés qui sont incohérents
avec d'autres informations pertinentes ou qui s'écartent de façon importante des valeurs
attendues »89. Elle constitue une méthode d’obtention d’éléments probants utilisables par le
commissaire aux comptes à plusieurs stades de la démarche d’audit. Elle est déjà intervenue
au niveau de la prise de connaissance générale et de la planification pour aider le commissaire
aux comptes à déterminer les zones à risques. Cet outil intervient, maintenant, pour le
contrôle de substance.
- Évaluer la fiabilité des données sur lesquelles sont fondées ses attentes par rapport à des
montants enregistrés ou à des ratios, en tenant compte de leur source, de leur degré de
comparabilité, et de la nature et de la pertinence des informations disponibles ainsi que
des contrôles ayant encadré leur préparation ;
89
ISA 520 clarifiée : « Procédures analytiques », paragraphe 4, publiée en anglais par l’International (IFAC) en
avril 2009 et s’applique aux audits d’états financiers des périodes ouvertes à compter du 15 décembre 2009.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 124
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
- Définir une attente de montants enregistrés ou de ratios et apprécier si cette attente est
suffisamment précise pour identifier une anomalie qui, prise individuellement ou en
cumulé avec d'autres anomalies, peut conduire à ce que les états financiers soient erronés
de manière significative ; et
- Fixer le montant de tout écart acceptable entre les montants enregistrés et les valeurs
attendues, au delà duquel il lui faudra entreprendre des investigations complémentaires90.
Pour les prix de transfert qui sont clarifiés par le contrôle analytique et qui demandent plus
d’approfondissement, le commissaire aux comptes devrait effectuer un rapide contrôle des
calculs sur la base des contrats ou des formules préconisées par le groupe.
Si ces tests révèlent une erreur, le commissaire aux comptes doit demander un ajustement des
états financiers lorsque l’écart globalisé est significatif. A l’inverse, si les tests de calcul ne
révèlent aucune erreur, il devrait déterminer si l’entreprise (ou le groupe) est capable de lui
prouver que le calcul retenu est le plus approprié pour parvenir aux prix de pleine
concurrence.
90
ISA 520 clarifiée : « Procédures analytiques », paragraphe 5, publiée en anglais par l’IFAC en avril 2009 et
s’applique aux audits d’états financiers des périodes ouvertes à compter du 15 décembre 2009.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 125
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
Dans le cas contraire, le commissaire aux comptes collectera les principaux contrats ou
conventions intra-groupe qui lui serviront à la réalisation de tests de détail et à la rédaction de
son rapport spécial le cas échéant. Il devra notamment s’assurer que les transactions intra-
groupe respectent un certain formalisme juridique : l’existence de contrats ne doit pas
exonérer les sociétés d’émettre des factures, seules pièces probantes et permettant la
déduction des charges sur le plan fiscal.
En outre, le commissaire aux comptes se fera une opinion sur la réalité des prestations de
service facturées au sein du groupe en rassemblant les éléments probants nécessaires. En
l’absence de tels éléments, le risque de redressement fiscal serait très important pour la
société.
Après avoir vérifié que les principes retenus étaient satisfaisants et correctement matérialisés,
le commissaire aux comptes devrait s’assurer que ces principes sont correctement appliqués :
les montants figurant au niveau de la comptabilité doivent être l’émanation des conditions
contractuelles ou des factures émises ou reçues. Il convient alors de réaliser des tests par
sondage.
Lors de ces premiers travaux effectués, le commissaire aux comptes a utilisé les informations
fournies par le groupe et il n’a pas encore réalisé par lui-même une comparaison entre les prix
de transfert et les prix de pleine concurrence (section 2).
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 126
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
Comme toute politique de gestion au sein des entreprises, la stratégie retenue en matière de
prix de transfert est susceptible de changer d’un exercice à l’autre. Cependant, cette décision
de gestion peut, notamment dans le cadre de sociétés fortement intégrées au sein du groupe et
réalisant un volume de transactions significatif avec les autres sociétés du groupe, avoir des
impacts très importants sur les comptes des sociétés concernées.
En face d’une telle décision de gestion, le commissaire aux comptes devrait essayer de
déterminer les motivations du changement de méthode : si celles-ci ont pour but de donner
une meilleure image des performances réelles de la société, donc se rapprocher de la notion de
pleine concurrence, cela n’engendrera pas de risques supplémentaires. En revanche, si les
motivations du changement de méthode sont avant tout fiscales, les risques de redressement
sur ce point pourront être importants et devront être évalués aussi précisément que possible.
En tout état de cause, un changement de méthode de détermination des prix de transfert, s’il a
des impacts significatifs sur les comptes des sociétés auditées, devrait impérativement être
mentionné au niveau des notes aux états financiers. En effet, il est tout à fait envisageable que
le résultat d’une société appartenant à un groupe et réalisant une part importante de ses
résultats en interne, soit en grande partie imputable aux modalités retenues en matière de prix
de transfert.
Au sein du groupe, le commissaire aux comptes devrait faire deux types de contrôle. Tout
d’abord, il devrait vérifier la cohérence des prix de transfert pour un produit identique entre
les différentes filiales, ce contrôle devrait être réalisé même si le commissaire aux comptes est
amené à certifier les comptes d’une seule filiale. En effet, les informations nécessaires sont
présentes au sein du groupe et donc, normalement, accessibles.
Par ailleurs, le commissaire aux comptes devrait s’attacher à trouver à l’intérieur du groupe
des ventes de produits comparables vers des sociétés indépendantes du groupe91. Ce type
d’informations lui sera normalement donné dans la documentation évoquée ci-dessus et lors
des entretiens précédents. Dans ce cas, il devrait procéder à des tests pour confirmer
l’exactitude des données incluses dans la documentation.
S’il est commissaire aux comptes de toutes les sociétés du groupe, il aura accès à toutes ces
données lors de ses différents contrôles. Aussi, après la prise de connaissance et les premiers
tests, il déterminera les prix de transfert significatifs et sensibles et établira une feuille de
collecte d’informations pour chacun d’eux. Cette feuille devrait comporter les informations
suivantes :
- Une description succincte des entreprises parties de l’échange (filiale du groupe ou/et
société indépendante) ;
- Une description succincte de l’échange comprenant les biens ou services attachés, les
fonctions de chaque entité et les risques assumés par chacune d’elles ;
91
ISA 550 clarifiée : « Parties liées », paragraphe A43.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 128
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
- Le prix pratiqué (prix de transfert ou prix « classique ») et son mode de calcul [prendre
une copie de la fiche de calcul, si elle existe, et la rapprocher des prix réellement facturés].
Le commissaire aux comptes établit ensuite une synthèse de ces différents points et observe
notamment si les échanges identiques au sein du groupe sont valorisés de manière identique.
Il procède, alors, à des tests complémentaires si des anomalies sont relevées.
En revanche, si le commissaire aux comptes n’intervient que pour une seule entité du groupe,
il n’aurait pas accès à toutes ces données, il doit donc utiliser d’autres outils. Il peut, par
exemple, se mettre en relation avec le commissaire aux comptes principal du groupe.
Enfin, le commissaire aux comptes d’une seule entité peut également procéder par écrit à la
manière des confirmations directes, et demander alors à son client de questionner, soit les
personnes responsables des prix de transfert dans le groupe, soit directement les sociétés du
groupe ayant le même type d’échanges à l’intérieur du groupe et /ou vers l’extérieur.
Ce dernier mode de contrôle a une force probante inférieure au précédent car les informations
sont filtrées par le personnel du groupe.
La comparaison avec les transactions identiques sur le marché libre est nécessaire.
L’entreprise doit fournir ce type d’informations dans sa documentation, mais il est très utile
au commissaire aux comptes de faire la démarche par lui-même afin d’éviter les filtres
éventuels du groupe.
Cette comparaison est confirmée par l’ISA 550 dans son paragraphe 24 qui précise que « Si
les états financiers audités contiennent une assertion de la direction indiquant qu’une
opération avec une partie liée a été conclue selon des termes et conditions équivalents à des
conditions de concurrence normale, l’auditeur doit obtenir des éléments probants suffisants et
appropriés sur cette assertion ».
Selon ladite norme, on entend par une «opération conclue dans des conditions de concurrence
normale», une opération conclue selon des termes et conditions analogues à ceux dont
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 129
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
A cet effet, la première source d’informations extérieure au groupe est représentée par les
instances professionnelles de la branche d’activité dans laquelle le groupe ou l’entité auditée
interviennent. Il peut s’agir, de groupements, d’associations professionnelles….etc. Ces
organismes centralisent les informations sur la profession en question et sont, en général,
capables de fournir à leurs membres des informations chiffrées et suffisamment précises sur la
profession par type d’activité et, parfois, par type de produits ainsi que d’autres ratios clés.
La seconde source d’informations est l’expérience accumulée par le cabinet dans le secteur
d’activité du client. Dans son portefeuille, le commissaire aux comptes peut avoir d’autres
clients intervenant dans la même activité et qui procèdent à des transactions similaires avec
des entreprises indépendantes. En prenant soin de respecter le secret professionnel, le
commissaire aux comptes peut utiliser cette information pour forger son idée sur les prix
« normaux » du marché.
Cependant, et bien que des éléments probants permettant de comparer le prix d'une opération
conclue avec une partie liée avec celui d'une opération similaire conclue à des conditions de
concurrence normale puissent être immédiatement disponibles, il existe généralement des
difficultés qui limitent la capacité du commissaire aux comptes à recueillir des éléments
probants sur le fait que tous les autres aspects de l'opération sont également équivalents à
ceux d'une opération conclue à des conditions de concurrence normale.
Par exemple, il peut ne pas être possible de confirmer que les autres termes de l'opération (tels
que les termes de crédit, les engagements pris ou les coûts spécifiques liés) sont équivalents à
ceux sur lesquels des parties indépendantes se seraient mises d'accord. En conséquence, il
peut exister un risque que l'assertion de la direction portant sur le fait qu'une opération avec
une partie liée a été conclue sur la base de termes équivalents à ceux prévalant pour une
opération conclue à des conditions de concurrence normale, soit grossièrement erronée.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 130
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
Enfin, l’ISA 550 recommande, en cas de besoin, de recourir à un expert externe chargé de
déterminer une valeur de marché et de confirmer que l’opération a été conclue selon des
termes et conditions conformes au marché92.
1. Utilisation des travaux des commissaires aux comptes des filiales du groupe
L’audit des comptes des groupes de sociétés ainsi que la communication avec les
commissaires aux comptes des filiales sont régis par l’ISA 600 : « Audits d’états financiers de
groupe (y compris l’utilisation des travaux des auditeurs des composantes) — Considérations
particulières ». Ainsi, le commissaire aux comptes de la société mère doit prendre en compte
les points significatifs soulevés par l'audit réalisé par les commissaires aux comptes des
filiales.
Le commissaire aux comptes de la société mère se suffira à la prise en compte des résultats
significatifs des commissaires aux comptes des filiales, comme il pourra consulter leurs
dossiers de travail. Son degré de supervision sera fonction de l’importance des risques ainsi
que de la confiance accordée a priori à leur compétence professionnelle.
La revue des dossiers de travail n’est pas obligatoire, mais, lors d’une première certification,
elle représente pour l’auditeur principal l’un des meilleurs moyens d’appréciation de la qualité
92
ISA 550 clarifiée : « Parties liées », paragraphe A43.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 131
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
des travaux menés par les autres auditeurs et de leur prise de connaissance des sociétés
consolidées.
Dans le cas où l’auditeur principal décide de ne pas faire une revue des dossiers de travail
d’un confrère, il serait nécessaire de vérifier au moyen d’un questionnaire que les autres
auditeurs ont effectué toutes les diligences requises.
Par ailleurs, et pour les filiales importantes, le commissaire aux comptes de la société mère
doit intervenir dans l’évaluation des risques effectués par les auditeurs de la filiale afin
d’identifier les risques importants d’anomalies significatives dans les états financiers du
groupe. La nature, le calendrier et l’étendue de cette intervention dépendent de la mesure dans
laquelle l’équipe affectée à l’audit du groupe connaît le commissaire aux comptes de la filiale.
Toutefois, l’équipe doit au minimum s’entretenir avec lui « des possibilités que les
informations financières de la composante comportent des anomalies significatives résultant
de fraudes ou d’erreurs… »93.
Les conditions d’utilisation des travaux de l’auditeur interne sont prescrites par la norme ISA
610 : « Utilisation des travaux des auditeurs internes ». Selon le paragraphe 11 de cette
norme, et « …afin qu'il puisse utiliser des travaux spécifiques effectués par les auditeurs
internes, l'auditeur externe doit évaluer et mettre en œuvre des procédures d'audit sur ces
travaux pour déterminer leur caractère adéquat pour ses besoins propres ».
D’une manière générale, et dans le cadre particulier de l’audit des prix de transfert, les travaux
effectués par le personnel interne à l’entreprise doivent être utilisés avec précaution. En effet,
à l’inverse des confrères, le personnel interne a un lien de subordination qui peut entacher la
qualité et la fiabilité de ses travaux pour les besoins de l’auditeur. Ainsi, la direction générale
du groupe peut, par exemple, faire en sorte d’éviter que certains contrôles soient effectués par
le personnel de l’audit interne sur des échanges « stratégiques ».
Ainsi, le commissaire aux comptes de la société mère doit considérer l’opportunité d’utiliser
les travaux des auditeurs internes qui peuvent être une source considérable d’informations.
Pour ce faire, il doit évaluer précisément leur degré de fiabilité.
93
ISA 600, paragraphe 30.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 132
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
Avant de fonder son opinion, le commissaire aux comptes doit impérativement finaliser ses
travaux par la réalisation de tests de cohérence et la rédaction d’un mémo de synthèse. Il doit
aussi estimer les risques pouvant avoir un impact sur les comptes (risques fiscaux) pour
proposer à l’entreprise auditée les ajustements nécessaires. Mais avant tout cela, il doit
examiner les évènements post-clôture.
Les événements postérieurs à la date de clôture sont très difficiles à identifier car, par
définition, ils ne sont pas inclus dans les comptes de l’exercice contrôlé et parfois ils ne le
sont même pas encore dans ceux de l’exercice suivant. Cependant, le commissaire aux
comptes devrait y porter une attention particulière en prenant en considération les événements
intervenus entre la date de clôture et la date de son rapport pour émettre son opinion sur les
comptes.
A cet effet, la norme ISA 56094 qui traite des évènements postérieurs à la clôture précise dans
son paragraphe 2 que « les états financiers peuvent être affectés par certains événements qui
surviennent après la date de clôture des comptes. De nombreux référentiels comptables
relatifs à l'établissement des états financiers font spécifiquement référence à ce type
d’événements95.
94
ISA 560 clarifiée : « Evènements postérieurs à la clôture», paragraphe 5, publiée en anglais par l’IFAC en mai
2009 et s’applique aux audits d’états financiers des périodes ouvertes à compter du 15 décembre 2009.
95
Par exemple, la Norme comptable internationale (International Accounting Standard (IAS) 10, "Evénements
postérieurs à la date de clôture" précise le traitement dans les états financiers des événements, soit favorables,
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 133
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
- Ceux qui contribuent à confirmer des situations qui existaient à la date de clôture ;
La Norme ISA 700 explique, quant à elle, dans son paragraphe 38 que « la date indiquée sur
le rapport du commissaire aux comptes informe le lecteur que celui-ci a pris en considération
l'incidence des événements et des transactions dont il a eu connaissance et qui sont survenues
jusqu'à la date de son rapport » 96.
L’exemple type d’événements post-clôture ayant une incidence sur les prix de transfert est la
conclusion d’un contrat ayant un effet rétroactif dans l’exercice précédent. Ces types de
contrats sont conclus parfois pour encadrer une situation existante mais qui n’avait pas encore
été prise en compte. Par exemple, la société mère rend un nouveau service à ses filiales durant
les derniers mois de l’exercice et le contrat n’est conclu qu’au début de l’année suivante.
Cette contractualisation est souvent l’occasion d’une analyse précise de l’échange et les prix
de transfert alors fixés sont réputés s’appliquer depuis l’origine des transactions.
Il peut s’agir également d’un contrôle fiscal qui conclut à un acte anormal de gestion
concernant la fixation de certains prix de transfert et qui conduit l’entreprise à les modifier, ou
à des avoirs émis sur des transactions intra-groupe de l’année précédente et modifiant
sensiblement le prix de transfert appliqué.
Pour identifier ce type d’événements et s’assurer qu’ils ont été correctement enregistrés dans
les comptes (s’il y a lieu), le commissaire aux comptes devrait tout d’abord s’assurer de
l’existence d’une procédure interne à ce sujet valable et qui fonctionne correctement
(description de la procédure, tests de procédures,…). Ensuite, il doit interroger la direction de
l’entité qu’il contrôle ou éventuellement la direction du groupe pour avoir une confirmation
par écrit qu’aucun événement de ce type n’est survenu depuis la date de clôture. Enfin,
l’auditeur peut procéder à des tests de vérification directe.
soit défavorables, qui surviennent entre la date des états financiers (visée comme "date du bilan") et la date à
laquelle les états financiers ont été approuvés pour publication. Op.cité par ISA 560, paragraphe 2.
96
ISA 700 clarifiée : «Fondement de l’opinion et rapport sur des états financiers», publiée en anglais par l’IFAC
en mai 2009 et s’applique aux audits d’états financiers des périodes ouvertes à compter du 15 décembre 2009.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 134
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
Ainsi, le commissaire aux comptes devrait procéder à quelques travaux de vérification dont
les principaux sont :
- La revue des principales factures reçues et émises post-clôture concernant les échanges
intra-groupe.
Ces contrôles sont également utiles même si les nouveaux contrats n’ont pas d’incidence sur
les prix de transfert de l’exercice précédent, car, ils peuvent aider le commissaire aux comptes
à les valider.
Le commissaire aux comptes doit dans cette étape, vérifier qu’il a recueilli suffisamment
d’éléments probants appropriés pour motiver son opinion sur les prix de transfert. Il réalisera
donc une revue de tous ses travaux en commençant par classer les résultats obtenus par ordre
d’importance, ensuite il effectuera un test de cohérence globale en répondant notamment aux
questions suivantes :
- Existe-t-il des contrôles qui présentent des conclusions inconciliables sur les mêmes
familles de prix de transfert ?
- Si oui, quels tests complémentaires a-t-on réalisé pour valider l’un ou l’autre des résultats?
- Quels prix de transfert présentent une orientation originale par rapport à la stratégie du
groupe ?
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 135
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
- Ces prix de transfert sont-ils applicables par des mesures particulières identifiées et
validées ?
- Existe-t-il des prix de transfert validés intégralement par les tests réalisés ? [Si oui, en
faire une liste exhaustive].
A l’issue de ce test de cohérence globale, le commissaire aux comptes pourrait avoir besoin
d’approfondir certains points pour obtenir plus d’éléments probants. Il réalise alors la
synthèse de tous les contrôles effectués. Cette synthèse devrait se référer aux papiers de
travail traitant des problèmes principaux et des prix de transfert non conformes au principe de
pleine concurrence. Il devrait ensuite faire ressortir les transactions dont les prix de transfert
erronés génèrent des erreurs significatives au niveau des états financiers, et reprendre les
anomalies relevées lors des exercices précédents et qui continuent à avoir de l’importance.
Cette synthèse doit enfin déboucher sur un résumé de tous les ajustements que le commissaire
aux comptes pense proposer à la société. Tous les écarts devraient être globalisés et
récapitulés pour permettre de mesurer leur impact sur les états financiers s’ils n’étaient pas
corrigés. Ce résumé des ajustements devrait, en fait, être rempli au fur et à mesure des
découvertes des écarts au cours de l’audit, il est ensuite finalisé au moment de la synthèse.
Enfin le commissaire aux comptes doit obtenir des confirmations écrites de la part de la
direction et, le cas échéant, des personnes responsables de la gouvernance confirmant : «
- Qu’elles ont communiqué à l’auditeur l’identité des parties liées à l’entité et toutes les
relations et opérations avec les parties liées dont elles ont connaissance ;
En constituant ces éléments, le commissaire aux comptes se forge une opinion sur les prix de
transfert et sur l’incidence que les erreurs les concernant peuvent avoir sur les états financiers.
97
ISA 550 clarifiée : « Parties liées », paragraphe 26.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 136
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
A ce titre, le commissaire aux comptes a le devoir de s’assurer que ces risques ont été
correctement inventoriés, évalués et, le cas échéant, provisionnés. Pour se forger une opinion,
le commissaire aux comptes se basera sur les informations qu’il aura déjà recueillies:
réalisation d’études fonctionnelles, existence d’une documentation, de comparables,
réalisation des tests de contrôles et de substance nécessaires…etc.
Si la société n’a pas évalué les risques liés aux prix de transfert, le commissaire aux comptes
devrait réaliser lui-même cette évaluation : pour les redevances, il se référera aux normes en
vigueur (sa position privilégiée lui permettant de connaître les taux pratiqués dans d’autres
sociétés), pour les achats et ventes de produits, il pourra comparer les prix de transfert aux
tarifs pratiqués vis à vis d’entreprises extérieures,…etc.
S’il s’avère que les risques ainsi identifiés sont significatifs pour la société, le commissaire
aux comptes devrait demander à ce qu’une provision pour risques soit comptabilisée ou, en
cas de désaccord de la société, tenir compte de l’impact de ce désaccord sur son opinion lors
de l’émission de son rapport.
Ainsi, et en cas de contrôle fiscal ayant donné lieu au redressement d’une société, le
commissaire aux comptes devrait s’assurer que les comptes de cette société enregistrent tous
les impacts significatifs de ce redressement. Cela signifie non seulement les impacts déclarés
et certains (charge d’impôt supplémentaire, pénalités,…) mais également de tous les impacts
prévisibles mais non encore déclarés, c’est à dire la prise en compte des conclusions de la
notification de redressement sur les exercices non encore contrôlés.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 137
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
En effet, et si par exemple, l’administration fiscale a remis en cause le taux des redevances
versées à la société mère et que le contrôle fiscal a porté sur la période 2004-2009, le nouveau
taux de commission, considéré normal par l’administration, devrait être appliqué à l’exercice
2010 (exercice audité) afin d’évaluer et de provisionner le risque fiscal latent. Il en est de
même si l’administration fiscale a remis en cause, dans une autre société du groupe, les prix
de transfert utilisés.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 138
Chapitre 2 : Les contrôles de substance
Conclusion :
Ainsi, après avoir recueilli les éléments probants suffisants et adéquats nécessaires pour
fonder son opinion et préparer une synthèse de ces travaux et des ajustements éventuellement
nécessaires, il devra étudier l’impact de ces ajustements/conclusions sur son opinion. Dans le
chapitre suivant, nous essayerons de voir dans quelle mesure les conclusions des travaux du
commissaire aux comptes impactent son opinion sur les comptes aussi bien au niveau de son
rapport général que de son rapport spécial.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 139
Chapitre 3 : Certification des comptes
Compte tenu de toutes les vérifications effectuées tout au long des différentes étapes de la
mission d’audit, le commissaire aux comptes devrait émettre une opinion fondée sur les états
financiers dans le cadre d’un rapport général accompagné d’un rapport spécial. L’objectif de
ce chapitre est de mettre l’accent sur l’impact que peuvent avoir les conclusions des travaux
effectués et les différentes exceptions et anomalies relevées sur l’opinion exprimée par le
commissaire aux comptes.
Le rapport général doit être en cohérence avec la synthèse globale de la mission dont il est
l’expression finale. A cet égard, la revue des transactions intra-groupe peut s’exprimer sous
des formes variables au niveau du rapport général.
Ainsi, les anomalies relevées au titre des prix de transfert pourraient avoir un impact sur
l’opinion d’audit quand celles-ci ne permettent pas de traduire une image fidèle des comptes.
En outre, elles pourraient impacter l’opinion du commissaire aux comptes lorsque celui-ci se
retrouve dans l’impossibilité de recueillir des éléments probants suffisants et appropriés pour
conclure que les états financiers pris dans leur ensemble ne comportent pas d'anomalies
significatives d’exprimer une opinion.
L’auditeur devra en outre, étudier l’impact de la conclusion de ses travaux sur les vérifications
spécifiques que le commissaire aux comptes doit effectuer dans le cadre de sa mission d’audit
légal conformément aux obligations prévues par des textes en vigueur.
Ainsi, lorsque le commissaire aux comptes relève des irrégularités relatives à la détermination
des prix de transfert, il doit juger si elles sont constitutives d’un délit auquel cas il devra faire
une révélation de faits délictueux et en faire mention dans son rapport. Cette décision dépend
de la nature et de la gravité des éléments relevés.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 140
Chapitre 3 : Certification des comptes
Dans le contexte d’un référentiel reposant sur le principe d’image fidèle98, « les relations et
opérations avec les parties liées peuvent faire en sorte que les états financiers ne donnent pas
une image fidèle lorsque, par exemple, la réalité économique de telles relations et opérations
n’est pas correctement reflétée dans les états financiers. Ainsi, l’objectif d’image fidèle peut
ne pas être rempli si la vente d’un bien par l’entité à un actionnaire détenant le contrôle pour
un prix supérieur ou inférieur à sa juste valeur de marché a été comptabilisée comme une
opération entraînant un profit ou une perte pour l’entité alors qu’elle constitue peut-être un
apport ou un remboursement de capital, ou le versement d’un dividende »99.
Par ailleurs, la norme ISA 705 précise que l’'auditeur doit modifier l'opinion formulée dans
son rapport d'audit « lorsqu'il conclut que, sur la base des éléments probants recueillis, les
états financiers pris dans leur ensemble ne sont pas exempts d'anomalies significatives…»100.
Ainsi, lorsque le commissaire aux comptes a globalisé les écarts, il obtient le total de l’erreur
connue, il estime alors l’erreur estimée sur les prix de transfert. En fonction du nombre et de
l’importance des erreurs trouvées ou des risques identifiés dans les vérifications directes, le
commissaire aux comptes estime l’erreur globale qu’il aurait trouvée s’il avait contrôlé la
totalité des transactions. Pour cela, il doit prendre en compte le fait qu’il a normalement
réalisé des tests sur les transactions qui présentaient le plus de risques.
98
Selon la norme ISA 200 clarifiée, paragraphe 13 : Le terme «référentiel reposant sur le principe d’image
fidèle» désigne un référentiel d’information financière qui, tout en comportant des exigences auxquelles il est
obligatoire de se conformer :
i) soit reconnaît explicitement ou implicitement que, pour que les états financiers donnent une image fidèle, il
peut être nécessaire que la direction fournisse des informations qui vont au-delà de celles qui sont
expressément exigées par le référentiel ;
ii) soit reconnaît explicitement qu’il peut être nécessaire que la direction déroge à une exigence du référentiel
pour que les états financiers donnent une image fidèle. De telles dérogations sont censées n’être nécessaires
que dans des situations exceptionnelles.
99
ISA 520 clarifiée « Procédures analytiques », paragraphe A2.
100
ISA 705 clarifiée : « Modifications apportées à l’opinion formulée dans le rapport de l’auditeur
indépendant », publiée en anglais par l’IFAC en avril 2009 et s’applique aux audits d’états financiers des
périodes ouvertes à compter du 15 décembre 2009.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 141
Chapitre 3 : Certification des comptes
L’importance de ces irrégularités doit s’apprécier par rapport au seuil de signification global.
Ainsi, selon la nature et l’importance des irrégularités relevées à l’issue des travaux
précédemment décrits, il peut :
Lorsqu'il n'est pas en mesure de recueillir des éléments probants suffisants et appropriés pour
conclure que les états financiers pris dans leur ensemble ne comportent pas d'anomalies
significatives, le commissaire aux comptes pourrait aussi émettre une opinion modifiée en
expriment une impossibilité d’émettre une opinion.
Ceci pourrait être le cas lorsque les contrôles à l’égard des relations et opérations avec les
parties liées sont inefficaces ou totalement inexistants. La norme ISA 550 dans son
paragraphe A18 cite quelques situations :
- Une indifférence volontaire à l’égard de tels contrôles de la part de la direction du fait que
les informations communiquées sur les parties liées pourraient comporter des informations
considérées comme sensibles.
101
ISA 706 clarifiée : « Paragraphes d’observation ou paragraphes descriptif d’autres questions dans le rapport
de l’auditeur indépendant », paragraphe 6, publiée en anglais par l’IFAC en mai 2009 et s’applique aux audits
d’états financiers des périodes ouvertes à compter du 15 décembre 2009.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 142
Chapitre 3 : Certification des comptes
Lorsque l'auditeur inclut dans son rapport d'audit un paragraphe d'observation, il doit 102:
- Mentionner dans le paragraphe une référence claire au point sur lequel il attire l'attention
et l'endroit dans les états financiers où cette information qui donne une description
détaillée de la question est fournie; et
- Indiquer que son opinion d'audit n'est pas modifiée au regard du point mis en exergue.
Dans le cadre de l’audit des prix de transfert, le commissaire aux comptes pourrait avoir
besoin d’insérer un paragraphe d’observation dans son rapport général si les transactions
intra-groupe identifiées traduisent des irrégularités n’ayant pas d’impact significatif sur les
comptes annuels. Elles doivent, cependant, être portées à la connaissance des associés dans la
deuxième partie du rapport général.
Il peut s’agir :
- Du respect des conditions de forme exigées par la réglementation fiscale en vigueur lors
de la conclusion de transactions non-financières intra-groupe ;
- Liaison du rapport général avec le rapport spécial dans le domaine des conventions
réglementées.
Lorsque le commissaire aux comptes relève des irrégularités relatives à la détermination des
prix de transfert, il doit juger si ces irrégularités sont représentatives d’un délit, auquel cas il
devra faire une révélation de faits délictueux et doit en faire état dans son rapport au niveau du
paragraphe sur les vérifications spécifiques.
102
ISA 706 clarifiée : « Paragraphes d’observation ou paragraphes descriptif d’autres questions dans le rapport
de l’auditeur indépendant », paragraphe 7.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 143
Chapitre 3 : Certification des comptes
Le commissaire aux comptes doit procéder à l’analyse des faits et notamment s’assurer qu’ils
sont significatifs et qu’il ne s’agit pas d’une simple erreur ou omission. Il lui appartient donc
de déterminer le caractère délictueux des faits dont il a eu connaissance, les conséquences de
l’infraction et le but poursuivi par ceux qui en portent la responsabilité104.
Ainsi, la révélation se limite aux infractions significatives tout en écartant les erreurs et les
omissions ainsi que les faits jugés non significatifs. La norme 10 de l’OECT105 ajoute que les
informations révélées sont considérées significatives lorsqu’ils correspondent à un fait ou un
ensemble de faits ayant pour effet de soustraire l’entreprise ou ses dirigeants à des
dispositions légales, comme par exemple :
103
Article 270 du CSC : « Les commissaires aux comptes doivent également signaler à l'assemblée générale les
irrégularités et les inexactitudes relevées par eux au cours de l'accomplissement de leur mission. En outre ils
sont tenus de révéler au procureur de la république les faits délictueux dont ils ont eu connaissance sans que
leur responsabilité puisse être engagée pour révélation de secret professionnel ».
104
Norme 10 de l’OECT relative à la révélation des infractions par le commissaire aux comptes, paragraphe 14.
105
Paragraphe 16.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 144
Chapitre 3 : Certification des comptes
Il est important de noter que le commissaire aux comptes devra informer les dirigeants de son
intention de révéler les faits au procureur de la république.
Lorsque les faits relevés ne sont pas jugés significatifs, le commissaire aux comptes écarte la
mauvaise foi de leur auteur dans la mesure où il constate ou obtient une régularisation
complète et rapide.
La révélation des faits délictueux au ministère public doit être effectuée antérieurement à la
date d’émission du rapport général sur les comptes de l’exercice au cours duquel l’infraction a
été commise106.
La norme ISA 700 dans son paragraphe 39 précise que le rapport de l’auditeur peut comporter
une section distincte concernant d’autres obligations en matière de rapport. Ce paragraphe
communément intitulé « Vérifications spécifiques » doit suivre le « Rapport sur les états
financiers ».
De même, la norme 10 de l’OECT précise (dans son paragraphe 37), que la mention des
irrégularités relevées à l’assemblée prend la forme d’un chapitre spécial du rapport général du
commissaire aux comptes et doit contenir une description des faits et son incidence financière,
la qualification de l’infraction ainsi que la date de révélation au ministère public.
Ainsi, dans cette deuxième partie de son rapport général, le commissaire aux comptes est
notamment amené à se prononcer notamment sur le respect de l’égalité entre les actionnaires
de la société.
Nous avons précisé, dans la première partie du mémoire, que les prix de transfert étaient
susceptibles d’engendrer des distorsions d’intérêts entre les actionnaires majoritaires et
minoritaires.
Ainsi, si les prix de transfert ont un impact significatif sur les comptes de la société et si le
commissaire aux comptes, après avoir réalisé les travaux décrits précédemment, établit que
106
Norme 10 de l’OECT, paragraphe 34.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 145
Chapitre 3 : Certification des comptes
les prix de transfert appliqués généraient une rupture d’égalité entre les actionnaires (voire un
abus de biens sociaux), il doit le mentionner dans cette seconde partie de son rapport général.
L’abus de biens sociaux peut être établi lorsque les prix de transfert au sein d’un groupe
appauvrissent l’une des sociétés au profit d’une autre. Ces transactions sont alors réalisées,
soit dans l’intérêt d’un actionnaire (Personne physique ou morale), soit dans l’intérêt du
groupe, mais non dans l’intérêt de la société.
Le commissaire aux comptes devrait rester proche des réalités économiques et apprécier, en
toute objectivité, si l’opération est réellement réalisée dans l’intérêt de la société. S’il estime
que les dirigeants en retirent un avantage direct ou indirect, il devrait conclure à l’abus de
biens sociaux. Si au contraire, il juge que l’opération est profitable à l’ensemble du groupe,
elle l’est, d’une manière indirecte, à la société qu’il contrôle. Dans ce cas, le commissaire aux
comptes devrait s’assurer que l’opération n’est pas démunie de contrepartie, qu’elle n’aboutit
pas à une rupture d’équilibre entre les engagements des sociétés concernées (cette rupture
pourrait être constatée dans le cas où des pertes de la société seraient générées par les prix de
transfert), et que les concours apportés par la société n’excèdent pas ses possibilités
financières.
L’observation formulée par le commissaire aux comptes dans son rapport général en cas
d’existence d’infraction devrait reprendre les modalités de prix de transfert qui amènent à la
rupture d’égalité entre les actionnaires et, dans la mesure du possible, chiffrer les montants en
jeu107.
107
A ce niveau, il est légitime de se poser la question de savoir si l’application stricte de la procédure
d’autorisation des conventions réglementées prévue par le CSC pour les conventions réglementées n’exclut pas
l’existence de faits délictueux pouvant faire l’objet d’une révélation. Le non respect des procédures prévues
pour les conventions réglementées ne constitue pas, par lui même, un fait délictueux commis par
l’administrateur intéressé et ne donne pas lieu à des sanctions pénales et révélation de faits délictueux par le
commissaire aux comptes. Néanmoins, cette absence pourrait pousser le commissaire aux comptes à chercher
si elle ne cache pas d’autres abus (de pouvoirs ou de biens sociaux). Ainsi, le défaut d’observation de
l’autorisation préalable ne donne pas lieu systématiquement au délit d’abus de pouvoirs. Toutefois, lorsque les
autres éléments constitutifs du délit sont réunis, le manquement à cette obligation légale pourra conforter le
commissaire aux comptes dans son appréciation de la mauvaise foi du dirigeant partie à la convention.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 146
Chapitre 3 : Certification des comptes
Bien évidement, le commissaire aux comptes ne devrait pas se limiter à mentionner dans son
rapport spécial, uniquement, les informations communiquées par les dirigeants, mais il doit
aussi insérer toutes les opérations qu’il a identifiées tout au long de sa mission. Ceux
communiqués par la direction viendraient corroborer les conventions qu’il a relevées.
108
Article 200 du CSC, paragraphe II, alinéa 3.
109
Article 200 du CSC, paragraphe IV, alinéa 2.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 147
Chapitre 3 : Certification des comptes
110
A. EL FAIZ, « L’appréciation par le commissaire aux comptes des risques juridiques et fiscaux liés aux
opérations intra-groupe : Essai de comparaison entre le Maroc et la France », Mémoire élaboré en vue de
l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Maroc, Novembre 2002.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 149
Chapitre 3 : Certification des comptes
Le contenu du rapport spécial du commissaire aux comptes doit permettre de répondre aux
objectifs recherchés par le législateur. Il s’agit de :
- Fournir les éléments permettant à l’assemblée générale d’apprécier l’intérêt attaché à ces
obligations et engagements en vue de leur approbation.
Le rôle du commissaire aux comptes au niveau du rapport spécial ne consiste donc pas à se
prononcer sur le bien fondé de ces obligations et engagements ou à apprécier l’intérêt qui s’y
attache. En revanche, il doit relater les faits découlant de ses contrôles et les éléments
permettant in fine, à l’assemblée générale d’apprécier l’intérêt qui s’attache à ces
engagements et obligations en vue de leur approbation111.
Les incidences des résultats du contrôle des transactions intra-groupe sur la structure du
rapport spécial du commissaire aux comptes diffèrent en fonction de la situation :
111
Ordre des Experts Comptables de Tunisie (OECT), « Note d’orientation sur les diligences du commissaire aux
comptes en matière de rémunération des dirigeants », mars 2010, paragraphe 20.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 150
Chapitre 3 : Certification des comptes
générale pourvu qu’il continue à considérer que ladite convention relève du domaine des
conventions libres (convention courante conclue à des conditions normales), le
commissaire aux comptes peut, en premier lieu, se faire confirmer par écrit quant à la
position du conseil d’administration et son intention de soumettre ou non la convention
réglementée à l’approbation de l’assemblée générale. A défaut de présentation de la
convention à l’assemblée générale pour approbation, le commissaire aux comptes en fait
état dans son rapport spécial et relèvera ce point en tant qu’irrégularité dans son rapport
général.
Pour contrôler et valider les prix de transfert utilisés par la société, la démarche d’audit à
adopter par le commissaire aux comptes doit s’intégrer dans la démarche générale d’audit.
Ainsi, ce dernier se doit, dans un premier temps, d’avoir une connaissance générale de l'entité
et de son secteur d'activité. Cela constitue un cadre de référence lui permettant d'exercer son
jugement professionnel. Il s’agit d’une phase préalable et obligatoire à toute mission d’audit.
Il se doit ensuite de procéder à une évaluation des contrôles mis en place pour couvrir les
assertions d’audit.
Si les tests sur les procédures se révèlent positifs, les tests de substance seront réduits. En
revanche, si le contrôle interne portant sur les prix de transfert n’existe pas ou ne fonctionne
pas efficacement, le commissaire aux comptes doit effectuer des tests de substance plus
étendus pour compenser cette carence et pour déterminer si les prix de transfert ne recèlent
pas d’anomalies significatives provenant de fraudes ou d’erreurs.
Les contrôles de substance devraient s’articuler au moins autour d’un examen des méthodes
retenues par l’entreprise pour la fixation des prix de transfert et une comparaison de ces prix
de transfert, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du groupe.
A l’issue de ces travaux, le commissaire aux comptes devrait conclure et évaluer l’impact des
anomalies soulevées sur son rapport général. En fonction de l’importance des anomalies
relevées, il pourrait inclure une réserve au niveau de son rapport relatant l’anomalie relevée
ou un refus de certification.
Lorsqu'il n'est pas en mesure de recueillir des éléments probants suffisants et appropriés pour
conclure que les états financiers pris dans leur ensemble ne comportent pas d'anomalies
significatives, le commissaire aux comptes pourrait aussi émettre une opinion modifiée en
expriment une impossibilité d’émettre une opinion.
Il pourrait aussi être amené à insérer un paragraphe d’observation dans le cas où les
transactions intra-groupe identifiées traduisent des irrégularités n’ayant pas d’impact
significatif sur les comptes annuels.
2ème partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert 152
Chapitre 3 : Certification des comptes
Par ailleurs, le commissaire aux comptes se doit de relever aux actionnaires dans son rapport
général (paragraphe sur les vérifications spécifiques), tout fait délictueux qu’il a identifié dans
le cadre de ces travaux et se rapportant à une manipulation des prix de transfert (abus de
pouvoirs, abus de biens sociaux,…), en plus de son obligation de révéler ce fait délictueux au
procureur de la république conformément à la règlementation en vigueur (article 270 du
CSC).
Pour la rédaction de son rapport spécial, le commissaire aux comptes, devrait avant tout
identifier si les transactions intra-groupe qu’il a identifiées relèvent du champ d’application de
les articles 200 et 475 du CSC, auquel cas, ces conventions devraient être mentionnées dans
son rapport spécial.
Il est important à ce niveau de différencier entre, d’une part, les conventions réglementées non
soumises à l’approbation de l’assemblée qu’il doit lui, faire apparaître dans son rapport
spécial et relèvera ce point en tant qu’irrégularité dans son rapport général, et d’autre part les
convention réglementées soumises à l’approbation de l’assemblée, qu’elles soient nouvelles
ou anciennes, qu’il doit mentionner au niveau de son rapport spécial.
Conclusion générale
Conclusion Générale 154
Conclusion générale :
Ainsi, le prix de transfert défini comme étant le prix auquel une entreprise transfère des biens
corporels, actifs incorporels ou rend des services à des entreprises associées, est considéré
comme un levier important au service de la stratégie du groupe. Cette importance trouve son
origine de prime abord dans la nécessité de fixer des prix pour les divers échanges intra-
groupe, et d’autre part, dans les différentes opportunités offertes par les prix de transfert en
matière de gestion, de mesure des performances des sociétés du groupe et d’optimisation
fiscale.
Cependant, la détermination des prix de transfert découlant de ces transactions pose, d’une
manière générale, de sérieux problèmes tant sur le plan théorique que pratique. Les dirigeants
sociaux en souffrent assez ou les manipulent pleinement et le commissaire aux comptes
répond difficilement aux risques qui leur sont liés, qu’il soit en présence d’une situation subie
ou au contraire, commandée et recherchée.
Les réflexions développées dans le cadre de cette étude, avaient pour objectif de permettre la
compréhension des spécificités liées au prix de transfert dans un groupe de société, ainsi que
les risques y afférents en vue de rendre plus aisés leurs recensement et contrôle par le
commissaire aux comptes.
Cette étude nous a permis, dans un premier temps, de relever que les risques liés au prix de
transfert sont essentiellement fiscaux et juridiques.
Sur le plan fiscal, et à l’échelle internationale, les enjeux liés aux prix de transfert sont
majeurs et les risques omniprésents. Ainsi, pour les Etats, le prix de transfert détermine
Conclusion Générale 155
l’assiette imposable d’un pays et permet d’éviter le transfert des bénéfices à l’étranger.
Chaque Etat est tiraillé entre, d’une part réduire la fraude sur son territoire, et d’autre part,
attirer les capitaux et les entreprises susceptibles de s’installer et d’investir. Trouver
l’équilibre entre ces deux objectifs n’est pas toujours évident.
C’est d’ailleurs dans ce cadre que s’inscrit l’un des textes les plus importants se rapportant au
prix de transfert : « Prix de transfert et entreprises internationales » publié par l’OCDE en
1979, et dans lequel le principe de pleine concurrence est une norme internationale qui,
comme s’y sont convenus les pays membres de l’OCDE, doit être mise en œuvre, à des fins
fiscales, par les autorités fiscales pour la fixation des prix de transfert.
Pour les entreprises, les prix de transfert représentent un risque de double imposition, mais
aussi une source d’optimisation fiscale. Dans les groupes internationaux, et vu l’importance
du sujet, certains choisiront de mettre en place, au sein de leur direction fiscale ou financière,
une fonction dédiée à la gestion des prix de transfert. Grâce à cette fonction interne, le groupe
multinational pourra notamment établir, en amont de tout contrôle fiscal, une documentation
spécifique destinée à justifier la politique de prix de transfert suivie par les sociétés du groupe.
D’autres seront intéressés par la mise en place d’accords préalables sur les prix de transfert
avec les administrations fiscales, afin de sécuriser le traitement fiscal de certaines
transactions.
Sur le plan local, il n’existe pas en Tunisie de textes fiscaux traitant directement et d’une
manière explicite de la problématique des prix de transfert. La répression fiscale liée à la
manipulation des prix de transfert passe essentiellement par la théorie de « l’acte anormal de
gestion ». En décembre 2009, le législateur a vu bon de clarifier et de définir les règles
applicables en matière de valorisation de ces échanges, en introduisant pour la première fois
dans sa loi de finance pour la gestion de l’année 2010, le principe de pleine concurrence et de
la notion de prix de marché pour déterminer le caractère normal d’une transaction.
Sur le plan juridique, la difficulté dans les groupes réside dans le fait qu’il existe une
motivation indiscutable supérieure à toutes les autres : l’intérêt du groupe. Or cet intérêt n’est
pas reconnu dans les textes juridiques. De ce fait, les risques de dérapages sont multiples. A
cet effet, la jurisprudence administrative française fait prévaloir la situation juridique sur la
situation économique, c'est-à-dire l’indépendance juridique des sociétés membres du groupe et
Conclusion Générale 156
l’absence de personnalité morale du groupe sur l’unité économique du groupe caractérisée par
l’unité de décision économique112.
Cependant, l’appartenance à un groupe, n’a pas, comme le souligne Maurice Cozian113, cette
vertu magique qui est de transformer le mal en bien, les conditions anormales en conditions
normales114. Aussi, les relations entre les sociétés d’un même groupe doivent-elles respecter
ce que Jérôme Tutrot115 appelle la règle de «l’égoïsme sacré»116.
Ces relations peuvent avoir des conséquences dommageables pour les actionnaires
minoritaires et autres créanciers. Outre le fait qu’ils n’ont aucune influence sur la politique
poursuivie par la société qui est déterminée au niveau du groupe, et par une manipulation des
prix de transfert, ceux-ci sont susceptibles de voir une partie des bénéfices normalement
destinée à la distribution sous forme de dividendes (en faveur de tous les actionnaires) ou au
paiement du passif social, être confisquée par l’actionnaire majoritaire, le groupe, dont ils ne
sont pas forcément actionnaires. Les risques d’abus de majorité, d’abus de biens sociaux, ou
le risque de comblement de passif, sont alors omniprésents dans le cadre des transactions
intragroupe. Les dirigeants devraient y apporter une attention toute particulière, d’autant plus
que les répercussions, souvent pénales, sont lourdes de conséquences.
Vu leur importance, les risques fiscaux et juridiques précités ont aussi des répercussions
directes sur la mission et la démarche d’audit du commissaire aux comptes des groupes de
sociétés ou de l’une de ses filiales. En effet, étant garant du respect de l’égalité entre
actionnaires, de la sincérité des comptes, et du respect des obligations légales, il se doit de
contrôler et valider les prix de transfert utilisés par la société.
Ainsi, nous avons examiné l’impact que pourraient avoir la stratégie et les objectifs
opérationnels du groupe sur la fixation du prix de transfert. Pour cela, le commissaire aux
comptes se doit, dans un premier temps, d’acquérir une très bonne compréhension de cette
stratégie. Cette étape lui permettra de gérer et apprécier dans de meilleures conditions les
risques liés au prix de transfert.
Ensuite, et bien que les opérations intra-groupe relèvent du domaine des données répétitives
qui sont censées être couvertes par des procédures de contrôle interne susceptibles de prévenir
ou de détecter et corriger les anomalies significatives pouvant leur être associées, la pratique
témoigne que le risque d’ingérence de la direction est élevé en ce qui concerne cette catégorie
d’opérations. Ainsi des circonstances particulières peuvent inciter la direction du groupe à
passer outre les contrôles internes si certaines pressions l’amènent à opérer des opérations de
gestion du résultat. Sur cette base, nous estimons fort que le risque de contrôle interne au titre
des opérations intra-groupe ne peut jamais être à un niveau faible.
A l’issue de ces travaux, le commissaire aux comptes doit faire intervenir son jugement
professionnel pour voir dans quelles mesures les irrégularités relevées sont de nature à
impacter son opinion d’audit.
L’un des enjeux liés à cette partie pourraient aussi être, pour le commissaire aux comptes, de
procéder à une révélation de faits délictueux dont il a eu connaissance, et ce conformément à
l’article 270 du CSC. L’assemblée des actionnaires doit aussi en être informée par le biais du
rapport général.
Conclusion Générale 158
Enfin, l’existence d’une structure telle que le groupe a une incidence sur la procédure de
contrôle des conventions réglementées à la charge du commissaire aux comptes. D’une part,
des difficultés d’application de cette procédure au sein d’un groupe, et qui ont trait
essentiellement au périmètre des opérations réglementées, sont souvent rencontrées. D’autre
part, le caractère normal des conditions de ces conventions devra, en tout état de cause, être
justifié par la société et apprécié par le commissaire aux comptes au vu des informations qu’il
aurait collectées tout au long de sa mission.
Il va sans dire que, même en suivant la démarche proposée, le commissaire aux comptes se
trouverait face aux limites inhérentes à l’audit des prix de transfert. Ces limites se rapportent,
essentiellement, aux difficultés d’application du principe de pleine concurrence. Difficultés
qui sont surtout liées à l’identification de prix comparables sur le marché. En effet, les
entreprises réalisant des prestations semblables sont peu prédisposées à donner ce type
d’informations dans la mesure où elles sont souvent les concurrents directs des sociétés du
groupe. De plus, même dans le cas où les tarifs de prestations comparables seraient obtenus, il
est très rare que toutes les conditions des transactions en question soient comparables. En
effet, la nature des produits ou services pouvant être légèrement différents, les conditions de
livraison ou de règlement peuvent fausser la comparabilité.
Les limites du pouvoir d’investigation du commissaire aux comptes se posent aussi dans la
démarche proposée, lorsque le commissaire aux comptes exerce sa mission dans une ou
plusieurs sociétés du groupe, mais pas dans le groupe dans son intégralité. Le commissaire
aux comptes n’a accès qu’aux informations dont dispose la société qu’il contrôle. Or, il ne
peut parfois apprécier le caractère normal ou non de certaines facturations ni la réalité des
opérations qu’elles recouvrent en l’absence d’éléments sur les coûts enregistrés par la société
émettrice. L’exemple des facturations des frais de siège par la société mère illustre bien ce
point.
Par ailleurs, en l’absence de textes et réglementations spécifiques et plus explicites sur les
prix de transfert en Tunisie, la réflexion menée dans la présente étude ne constitue qu’une
contribution qui mériterait d’être approfondie suite à l’adoption éventuelle par le législateur
Tunisien de textes spécifiques sur la problématique de prix de transfert.
Bibliographie
Bibliographie 160
Bibliographie
I. Ouvrages :
− CHAPUT Y., Droit des sociétés, Editions PUF, Paris, 1993 (1ère édition), 175 pages.
− DOUVIER P., « Fiscalité internationale : 20 études de dossier », Editions Litec, 1996, 264
pages.
− LEFEBVRE F., « Mémento pratique : Groupes de sociétés 2003 – 2004, ‘juridique ; fiscal
et social’ », Editions Francis Lefebvre, 2002.
− RASSAT P. et MONSELLATO G., « Les prix de transfert », Editions Maxima, 1998, 160
pages.
− RENUCCI F. et CARDIX M., « L’abus des biens sociaux », Collection « Que sais-je ? »,
Editions PUF, Paris, 1998, 128 pages.
− SERLOOTEN P., « Droit fiscal des affaires », Editions Dalloz, 1999, 500 pages.
− VERON M., « Droit pénal des affaires », Editions Masson, Paris, 1992, 288 pages.
− VIARDOT E., « Dix leçons de Stratégie à l'usage des dirigeants et de ceux qui veulent le
devenir », Editions Thebook, 2010.
Bibliographie 161
− « Abus de biens sociaux », Dictionnaire permanent –Droit des affaires, 2ème partie, n°9,
1er décembre 1998, feuillet 149, page 2005.
− DOUVIER P-J. et GILBERT B., « Prix de transfert : comment préparer son contrôle
fiscal ? », Option finance, 26 mai 2003, n° 738, page 27.
− DOUVIER P-J., « Une nouvelle bataille économique : Les prix de transfert », Bulletin
fiscal Francis Lefebvre, n°12/95, 1995, pages 666-679.
− OUIRFELLI A., « L’acte anormal de gestion en droit fiscal Tunisien », L’expert, Février
2006.
− BAUMERT F., « La gestion des prix de transfert par les sociétés Françaises », Mémoire
de DEA de droit des affaires, Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion -
Université Robert SCHUMAN, 2003-2004.
− DESFEUILLET M., « Les groupes de sociétés confrontés à la théorie des actes anormaux
de gestion », Mémoire de DEA de droit des affaires, Université Robert Schuman,
Strasbourg III, Année universitaire 2002-2003.
− EL AKKRAOUI I., « Les prix de transfert dans les groupes de sociétés : Risques
spécifiques et proposition de diligences à mettre en œuvre par le commissaire aux
comptes », Mémoire élaboré en vue de l’obtention du diplôme national d’expert-
comptable, ISCAE Maroc, Mai 2006.
− EL FAIZ A., « L’appréciation par le commissaire aux comptes des risques juridiques et
fiscaux liés aux opérations intra-groupe : Essai de comparaison entre le Maroc et la
France », Mémoire élaboré en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable,
Maroc, Novembre 2002.
− MAATAR B., « Maîtrise des risques inhérents aux opérations intra-groupe », Mémoire
élaboré en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable, Tunis, Juillet 2006.
− Décret n°001 du 09 juillet 1913, portant promulgation du « Code Pénal », JOT n°79 du 1er
octobre 1913.
− Loi n°88-61 du 02 juin 1988, portant promulgation du « Code de la Taxe sur la Valeur
Ajoutée », JORT n°39 du 10 juin 1988, page 827-846.
− Loi n° 91-64 du 29 juillet 1991, relative à la concurrence et aux prix, JORT n°55 du 06
août 1991, pages 1393-1398.
− Loi n°2000-82 du 09 août 2000, portant promulgation du « Code des Droits et Procédures
Fiscaux », JORT n°64 du 11 août 2000, pages 1874-1887.
V. Publications officielles :
− Ministère des Finances, Direction Générale des Impôts (DGI), Note commune n°26/2003
« Commentaire des dispositions de l’article 70 de la loi n°2002-101 du 17 décembre 2002,
portant loi de finances pour l’année 2003 relatives aux obligations des sociétés
dépendantes», Texte n° DGI 2003/35, 2003, Tunisie.
− Ministère des Finances, Direction Générale des Impôts (DGI), Note commune n°28/2003,
« Commentaire de la Convention de non double imposition et de la prévention de
Bibliographie 165
− Ministère des Finances, Direction Générale des Impôts (DGI), Note commune n°32/2003
« Commentaire des dispositions de la Convention de non double imposition conclue entre
le Gouvernement de la République Tunisienne et le Gouvernement de la République du
Mali », Texte n° DGI 2003/51, 2003, Tunisie.
− Ministère des Finances, Direction Générale des Impôts (DGI), Note commune n°18/2004
« Aménagement du taux des intérêts au titre des comptes courants associés », Texte n°
DGI 2004/22, 2004, Tunisie.
2. Normes professionnelles
− Ordre des Experts Comptables de Tunisie (OECT), « Norme relative à la révélation des
infractions par le commissaire aux comptes », Norme n°10, Avril 1987, (8 pages).
− Ordre des Experts Comptables de Tunisie (OECT), « Note d’orientation sur les diligences
du commissaire aux comptes en matière de rémunération des dirigeants », mars 2010, (10
pages).
VI. Rapports :
− Union SNUI – SUD Trésor Solidaires, « Prix de transfert : Un enjeu central », note
d’actualité du 24 novembre 2009. Disponible sur <www.snui.fr>.
− DE KERGOS Y., « Les prix de transfert en Europe, vers une meilleure sécurité fiscale ? »,
Université de Paris Dauphine, Colloque du 19 mai 1999.
− NORBERT Z., « Les prix de transfert dans les groupes français de taille moyenne,
incidence sur la mission de commissaire aux comptes », Centre de documentation des
experts-comptables et des commissaires aux comptes, 1999.
Bibliographie 168
VIII. Cours :
X. Sites internet
− www.icca.ca
− www.lesaffaires.com
− www.oecd.org
− www.prosocietes.com
− www.transferpricing.com
− www.tunisie.com
Annexes
Sommaire des annexes
Champs -Transaction entre une -Transaction entre une -Transaction entre -Transaction entre -Transaction entre une -Transaction entre une
d’application société résidente et une société résidente et une une société résidente une société résidente société résidente et une société résidente et une
société étrangère. société étrangère ; et une société et une société société étrangère ; société étrangère
étrangère. étrangère.
-Existence d’un lien de -Contrôle de l’une sur -Contrôlées -Contrôle de l’une sur
dépendance. l’autre ou contrôle par -Contrôlées -Contrôle de l’une directement ou l’autre ou contrôle par
les mêmes intérêts ; directement ou sur l’autre ou indirectement par les les mêmes intérêts
-Preuve apportée par indirectement par les contrôle par les mêmes intérêts.
l’administration -Preuve apportée par mêmes intérêts. mêmes intérêts. -Preuve apportée par
concernant l’existence l’administration fiscale l’administration fiscale
d’un avantage anormal concernant l’existence -Preuve apportée par -Preuve apportée par -Preuve apportée par concernant l’existence
par rapport au prix de d’un avantage anormal l’administration l’administration l’administration fiscale d’un avantage anormal
pleine concurrence. par rapport au prix de fiscale concernant fiscale concernant concernant l’existence par rapport au prix de
pleine concurrence. l’existence d’un l’existence d’un d’un avantage anormal pleine concurrence.
avantage anormal par avantage anormal par par rapport au prix de
rapport au prix de rapport au prix de pleine concurrence.
pleine concurrence. pleine concurrence.
Exemple 1 :
Supposons qu’une société tunisienne A vende un produit X à l’une de ses filiales étrangères B.
- Le prix de vente du produit X par A à une société de distribution tierce C (c’est à dire ne
faisant pas partie du groupe auquel A appartient ) ; tel pourrait être le cas d’une société de
fabrication A qui distribue ses produits sur certains marchés étrangers à travers des filiales et
sur d’autres marché étrangers où son groupe n’est pas implanté, à travers des sociétés tierces,
il pourra être envisagé de fixer les prix de vente aux filiales de distribution par référence aux
prix de vente aux sociétés de distribution tierces ) ;
- Le prix d’achat du produit X par B à une société tierce D ; cela pourra concerner une société
de distribution B qui se fournit auprès de A mais aussi, auprès d’une société tierce, pour le
même produit ;
- Le prix de vente du produit X par une société E à une société F, E et F étant des sociétés
indépendantes l’une de l’autre et ne faisant pas partie du même groupe que A et B.
Le prix de transfert entre A et B pourra être égal au prix de la transaction de référence (dans les
exemples ci-dessus, celle entre A et C, ou celle entre B et D, ou celle entre E et F), à condition que
celle-ci porte sur un même produit , mais aussi que ses conditions contractuelles soient les mêmes que
celles valant pour la transaction entre A et B.
En cas de différence portant sur le produit ou sur les conditions contractuelles ayant un impact sur le
prix, il sera nécessaire d’ajuster le prix de la transaction de référence, un tel ajustement suppose de
pouvoir quantifier les différences constatées pour les neutraliser.
Exemple 2 :
Une société française vend directement à sa filiale Tunisienne un produit A, que cette dernière utilise
elle-même. Ce produit est couramment employé en Tunisie, où il existe un prix de vente quotidien
moyen. Ce prix représente le prix de livraison et inclut le fret (30 DT la tonne) et les droits de douane
Annexes 175
(20 DT la tonne). Selon l’accord conclu entre la société française et la société tunisienne, la filiale
prend possession du produit, chez la société mère.
Le prix de transfert par tonne, pour une livraison donnée, est calculé comme suit :
Exemple 1 :
Une société de distribution B achète un produit à une société de fabrication liée A et les revend à des
clients tiers pour un prix de 150. La méthode du prix de revente permettra de définir le prix de B à A,
soit le prix de transfert. S’il est décidé d’allouer à B une marge brute de 30% du chiffre d’affaires,
celle-ci sera égale à 30% x 150 = 45 ; le prix de vente de A à B sera alors égal à 150 – 45 = 105.
Exemple 2 :
Une société Tunisienne T distribue en Tunisie un produit X pour sa maison mère française F. D’un
autre côté, une société Tunisienne TI indépendante de la société F distribue un produit Y (similaire à
X), pour le compte de la société F. Pour cela, F verse une commission à TI de 15% sur les ventes
nettes de rabais et escompte.
La principale différence fonctionnelle entre l’opération contrôlée et celle qui ne l’est pas (outre les
différences mineures sur le produit) est que F assume le risque de la garantie dans le cadre de la
transaction avec l’entreprise TI alors que c’est T qui assume le risque, dans l’autre cas.
Exemple 1 :
Une société X française fabrique un produit A pour des clients n’ayant aucun lien de dépendance avec
elle, selon des concepts fournis par ces derniers. Elle récupère ses coûts plus une majoration de 10%,
lors de la vente du produit A. Selon les accords conclus entre les parties, le prix de revient correspond
à la somme des coûts directs (main d’œuvre et matière première) et des coûts indirects (y compris les
frais généraux) qui sont évalués à 50% des coûts directs.
La société X fabrique également un produit B, pour sa filiale tunisienne, X Tunisie, en utilisant les
concepts fournis par cette dernière. Selon l’entente conclue avec la filiale, le prix de revient
correspond à la somme des coûts directs et indirects, y compris les frais généraux.
X France a calculé ses coûts indirects et les a attribués aux différents projets, en fonction des heures de
travail de main d’œuvre imputées à chaque projet.
D’après les calculs, le montant réel des coûts indirects (y compris les frais généraux) devant être
imputés à chaque projet correspond à 45% des coûts directs.
Le prix de revient des opérations comparables doit être corrigé pour déterminer la majoration
appropriée.
ii. Calcul de la majoration, selon les accords avec des tiers indépendants, en utilisant le prix de
revient corrigé :
Soit une majoration du prix, en fonction du prix de revient corrigé de 200 Euros (1650 – 1450) et une
majoration, selon le prix de revient majoré de 13,8% (1650-1450)/1450 .
- Coûts directs de fabrication de X France, selon le contrat avec X Tunisie : 900 Euros
Exemple :
Un produit est fabriqué par une société A, avec un prix de revient de 10 DT et revendu, pour un
montant de 100 DT, par une société de distribution dont les coûts sont de 30 DT.
Ce profit global de 60 DT devra être réparti entre A et B, au prorata d’une grandeur reflétant les
contributions de A et B à la génération du profit (en fonction des actifs utilisés, charges d’exploitation,
nombre d’employés,…). Une clef de répartition combinant ces différentes grandeurs pourra être
utilisée).
Une clef de répartition prenant en compte les charges d’exploitation aboutirait par exemple à un profit
de 60 DT x10/40, soit 15 DT pour A et 60 DT x30/40, soit 45 DT, pour B.
Annexe 3
Comparatif des différentes méthodes de détermination des
prix de transferts
Annexes 179
La méthode du prix Comparer le prix d'un bien Transactions sur les produits Difficultés à trouver les S’assurer de la cohérence
comparable sur le marché ou d'un service contrôlé aux tels que les matières transactions comparables entre les transactions du
opérations comparables premières ou les produits pour certaines transactions groupe et les transactions de
réalisées entre entreprises courants commercialisés en telles les cessions de biens référence → retenir le prix
indépendantes. Le prix quantités suffisantes pour incorporels. du marché.
retenu est celui du marché. définir facilement un marché.
La méthode du prix de Reconstituer le prix que la Les biens en question sont Difficultés à déterminer la Partir du prix auquel le bien
revente « resale minus » société cédante aurait vendus également à des tiers marge à appliquer compte est cédé à l’extérieur du
pratiqué dans l’éventualité non liés. tenu de la nature et de la groupe et déduire la marge
d’une cession à une comparabilité des services brute applicable à l’activité.
entreprise indépendante. offerts.
Méthode du prix de revient Reconstituer le prix en Les contrats de sous-traitance Difficultés liées à la Déterminer la marge à partir
majoré « cost- plus » appliquant une marge au prix et les échanges comme la détermination de la marge de des transactions avec des
de revient. vente de produits semi-finis pleine concurrence. entreprises indépendantes ou
auxquels on ne peut trouver en utilisant les marges
Mise en place de
un marché. appliquées par les sociétés du
comptabilité analytique
Annexes 180
La méthode du partage des Déterminer la clef de Transactions atypiques qui Difficultés liées à la Déterminer deux éléments :
bénéfices répartition des profits que ne peuvent être comparées détermination des clefs de
• les bénéfices distribuables :
des parties indépendantes directement par référence à répartition des bénéfices.
que les entreprises intégrées
auraient négociés au vu des un prix de marché en raison
pouvaient planifier au début
apports respectifs et des de la forte intégration de
de l’opération ;
résultats envisagés. l’opération.
• la fraction sur laquelle un
associé est rémunéré de ses
apports.
Méthode transactionnelle de Traiter une transaction sur la Cette méthode diminue Définition de la rentabilité Comparer la marge nette de
la marge nette base de la marge nette l’influence des variations des nette sans éléments de la transaction à celle que la
qu’elle permet de dégager et courts sur les prix de comparaison permettant de société réalise lors de
comparer cette marge à cette transfert. pondérer les spécificités de transactions comparables sur
que la société réalise lors de l’entreprise, alors qu’elle le marché libre.
transactions comparables sur peut être influencée par des
Nécessité d’une analyse
le marché libre. facteurs indépendant de la
fonctionnelle.
transaction elle même.
Annexe 4
Grille d’analyse fonctionnelle
Annexes 182
Exemple de répartition des risques encourus par chaque entreprise A, B ou C au regard des
fonctions assumées :
Très
Nature du Risque Faible Moyen Important
important
FONCTIONS A B C
Recherche et développement
Développement de produits nouveaux
Développement des conditionnements
Gestion de la production
Achats de matières premières et fournitures
Réception matières premières
Contrôle qualité des matières premières
Planification de la production
Elaboration des produits
Contrôle qualité et tests
Conception des procédés de fabrication
Gestion des stocks
Gestion des marques
Création
Fixation de la politique de prix
Image
Distribution
Allocation des ressources
Publicité
Etude de consommation
Etude de marché
Prévision des ventes
Marketing au plan local
Publicité
Etudes sur la demande des consommateurs
Etudes de marché
Prévisions des ventes
Vente et distribution
Transport des marchandises
Formation des forces de ventes
117
Source : « Les Prix de transfert, Lexique et exemple d’analyse fonctionnelle »,
http://www2.impots.gouv.fr/documentation/prix_transfert/lexique.htm.
Annexes 183
Introduction générale……………………………………………………..…………..1
Première Partie : Les enjeux et risques des prix de transfert dans les groupes de
sociétés……………………………………………………………………………..…..7
1.2. La position d’un pays précurseur en matière de prix de transfert : Les Etats Unis
d’Amérique………………………………………………………………………50
1.3. L’abus de biens sociaux dans le cadre particulier d’un groupe de société……….57
2. L’abus de majorité………………………………………………………………………..58
1. Risque douanier…………………………………………………………………………..62
2. Risque économique……………………………………………………………………….62
1.1. Le préjudice………………………………………………………………………64
2. Responsabilité pénale……………………………………………………………………..65
3. Responsabilité disciplinaire………………………………………………………………69
Deuxième Partie : Mode opératoire pour contrôler et valider les prix de transfert
dans le cadre d’une mission de commissariat aux comptes……………………….73
2.1. Proposition d’outils pratiques pour le commissaire aux comptes pour la conduite
de cette étape……………………………………………………………………..87
3. Proposition d’outils pratiques pour le commissaire aux comptes pour la conduite de cette
étape………………………………………………………………………………………95
3.2. « Check-list » des questions à adresser aux directeurs des filiales et les personnes
qui occupent les fonctions clés…………………………………………………..97
1. Objectifs de cette phase dans le cadre précis de l’audit des prix de transfert…………...101
2. Démarche à adopter……………………………………………………………………..102
2.1. Compréhension des contrôles mis en place par l’entité pour couvrir les risques liés
aux prix de transfert…………………………………………………………….102
1. Synthèse des travaux effectués par le commissaire aux comptes et exploitation des
résultats de ces travaux………………………………………………………………….110
Conclusion………………………………………………………………………………….113
1. L’analyse de la méthode retenue par l'entreprise pour les prix de transfert et des risques
qui en découlent : Proposition d’outils pratique (arbres de décision)………………….115
1. Utilisation des travaux des commissaires aux comptes des filiales du groupe…..……...130
Conclusion…………………………………………………………………………………..138
Section 1 : Conséquences des anomalies relevées au titre des prix de transfert sur le
rapport général du commissaire aux comptes……………………………139
2. Diligences requises en cas d’irrégularité constitutive d’un délit et impact sur le rapport du
commissaire aux comptes……………………………………………………………….142
2. Démarche pour apprécier le caractère réglementé des conventions : proposition d’un arbre
de décision……………………………………………………………………………....147
Conclusion générale………………………………………………………………………..153
Bibliographie………………………………….……………………………………………159
Annexes………………………………………………………………………………….….169