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LA SOCIÉTÉ À CAPITAL VARIABLE EN DROIT OHADA REGIME JURIDIQUE

La société à capital variable se définit comme celle dont le capital social est susceptible
d’augmentation par des versements successifs des associés ou l’admission d’associés nouveaux et de
diminution par la reprise totale ou partielle des apports effectués 1. Cette particularité oppose les
sociétés à capital variable aux sociétés à capital fixe pour lesquelles la modification du capital social
obéit à des règles strictes et contraignantes aussi bien dans les conditions à remplir que dans la mise en
œuvre de cette modification du capital social. Il s’agit d’une véritable innovation en droit OHADA.

Il faut d'emblée souligner que la société à capital variable n’est pas une forme particulière de
société au même titre que la société anonyme. En effet, la variabilité du capital social constitue une
simple modalité du fonctionnement de la société qui peut être adoptée par les associés lorsque la loi
leur en offre la possibilité. Cette modalité affectant le capital social de ce type de société n’altère pas
la forme sociale adoptée par les associés. La réglementation particulière de la société à capital variable
se trouve aux articles 269-1 et suivants de l’AUS.
Les règles communes constituent le statut fondamental des sociétés à capital variable et à ce titre
l’AUS porte principalement sur la variation du capital mais il convient également de préciser les
conditions d’adoption de la variabilité du capital et les conditions de constitution d’une telle société.

I- Les conditions d’adoption du statut de société à capital variable

Les associés peuvent décider lors de la création de la société d’insérer dans les statuts la variabilité du
capital social, sans omettre de vérifier que l’activité envisagée pour la société ou que la forme sociale
retenue est compatible avec le statut de société à capital variable. De manière générale, les statuts
feront référence expressément aux textes sur la société à capital variable, principalement l’article 269
de l’AUS.
Par ailleurs, une société créée à l’origine avec un capital fixe peut, au cours de sa vie sociale, avoir
recours à la variabilité du capital. Comme cela a été admis précédemment, l’adoption de la variabilité
du capital social est une simple modalité de fonctionnement, la société à capital variable ne constituant
pas une forme sociale. Dès lors, cette modification pratiquée au cours de la vie sociale ne peut être
qualifiée de transformation, cette opération correspondant à un changement de forme sociale.
Les formalités liées à la transformation n’ont pas à être accomplies par les associés. L’adoption de la
variabilité du capital social dans une société à capital fixe se réalise par une modification des statuts en
introduisant les clauses établissant la variation du capital social et la nouvelle situation des associés.
Comme toute modification statutaire, elle est de la compétence de l’assemblée générale extraordinaire,
quelle que soit la forme de la société. Une difficulté apparaît pour déterminer à quelles conditions
l’assemblée statue, conditions normales ou unanimité si la modification est considérée comme une
augmentation des engagements des associés. Les auteurs se divisent sur ce point. La réponse peut être
nuancée en fonction de la forme de la société qui adopte la variabilité du capital social. D’une part, la
règle de l’unanimité doit, à notre sens, être respectée dans les sociétés à responsabilité illimitée qui
prévoit que les associés sont responsables envers les associés et les tiers, pendant cinq ans, de toutes
les obligations existant au moment de leur retrait de la société. Cette responsabilité plus lourde que
celle retenue classiquement conduit à une augmentation des engagements des associés. D’autre part, il

1
Cette définition est déduite de l’article 269-1 DE L’AUS
est possible de se demander si la faculté d’exclusion des associés inhérente à l’adoption de la
variabilité du capital social ne constitue pas une augmentation de leurs engagements justifiant dans
toutes les sociétés l’exigence de l’unanimité. La réponse paraît pouvoir être négative, l’exclusion
réduisant les droits des associés, notamment celui de demeurer dans la société, mais ne constituant pas
un engagement supplémentaire468.

II- La constitution de la société à capital variable

Comme la constitution de toute société, celle de la société à capital variable obéit à des conditions de
fond et de forme qui doivent être respectées pour que la société soit valablement constituée.
S’agissant des conditions de fond, d’une part, la société à capital variable n’étant pas une forme
particulière de société, sa constitution obéit aux règles ordinaires applicables à toutes les
sociétés, en tenant compte de la forme sociale choisie. Il en est ainsi pour les conditions tenant au
siège social, à l’objet social, associés ou aux dirigeants.
D’autre part, comme dans toutes les sociétés, le capital social est constitué par is apports effectués
par les associés. La société à capital variable ne déroge pas à cette règle et la nature des apports
pouvant intervenir est déterminée en fonction de la forme de société adoptée. Ainsi, quelle que soit
cette forme, les apports en nature et en numéraire peuvent être réalisés ; l’existence d’apports en
industrie est, an revanche, limitée et ils ne concourent pas à la formation du capital. Les associés
déterminent le capital social en tenant compte des règles légales Impératives qui imposent parfois
l’existence d’un capital minimum comme celle de la SA, elle devra être dotée d’un capital au moins
égal à 10 000 000 de F CFA (sur la libération).
Pour ce qui est des conditions de fond, il faut relever que la constitution d’une société à capital
variable est soumise aux règles classiques qui commandent la rédaction des statuts de la société
et l’accomplissement des formalités de publicité.

La rédaction des statuts d’une société à capital variable demande une attention particulière, car il
convient de respecter les dispositions applicables à la forme de société choisie 2 et celles propres aux
sociétés à capital variable. Au titre de ces dernières, il faut souligner qu’une stipulation expresse de
variabilité du capital social est impérative dans les statuts. En effet, le principe en droit des
sociétés étant celui de la fixité du capital social, pour y déroger il convient de le préciser clairement
lors de la rédaction des statuts. En l’absence de cette clause statutaire, le fonctionnement de la société
ne pourrait être soumis aux règles des sociétés à capital variable. Les changements dans la
composition des associés et le montant du capital relèveraient des règles classiques de la forme de
société constituée, sauf à adopter ensuite la forme de société à capital variable. En outre,
conformément à l’article 269-5 de l’AUS, les statuts devront déterminer la somme en dessous de
laquelle le capital ne peut être réduit ainsi que les conditions de retrait et d’exclusion des
associés, fréquents dans les sociétés à capital variable qui doivent obéir à une procédure aisée à
mettre en œuvre, mais protectrice des droits des associés.
Par ailleurs, les formalités de publicité à accomplir lors de la constitution d’une société à capital
variable sont, en premier lieu, commandées par la forme de société choisie. Ainsi, pour obtenir
l’immatriculation de la société, il est nécessaire de faire enregistrer les statuts de la société, d’insérer

2
Il est important de rappeler que l’article 269-1 de l’AUS limite les formes de société pouvant être soumises au
régime des sociétés à capital variable. Il s’agit en effet de la SA et de la SAS.
un avis dans un journal d’annonces légales et de déposer un exemplaire desdits statuts au greffe du
tribunal compétent.

III- La variabilité du capital social

La singularité des sociétés relevant des articles 269 et suivants de l’AUS réside dans la possibilité de
faire varier le capital social en s’affranchissant des règles normalement applicables aux
augmentations ou aux réductions de capital. Les textes réglementent la mise en œuvre de la
variabilité du capital social en ayant préalablement fixé ses modalités.
Pour ce qui est des modalités, notons que l’adoption de la clause de variabilité du capital social dans
une société, si elle offre aux associés une certaine souplesse dans le fonctionnement de la société,
n'autorise pas sans limites toutes les opérations sur le capital.
D'abord il faut souligner que lorsque l'article 269-1 mentionne que le capital social est susceptible
d'augmentation par versements successifs des associés ou l'admission d'associés nouveaux et de des
diminutions par la reprise totale ou partielle des apports effectués, cela signifie que ces deux modalités
de variations sont indissociables dans les sociétés à capital variable, comme le suggère l'utilisation de
la conjonction « et ». Les associés n'ont donc pas le loisir de retenir l'une ou l'autre des modifications
du capital ; la variabilité implique que le capital peut diminuer ou augmenter sans formalités.
Ensuite, la variation du capital, en dehors de toute formalité, ne pourra s'effectuer que dans certaines
limites. L'appréhension du capital social doit se faire en distinguant différentes situations qui confèrent
aux sociétés à capital variable l'une de leurs particularités.
Dans une première conception, il est possible de distinguer trois approches du capital social.
Lors de la constitution de la société à capital variable, les fondateurs doivent déterminer le montant
du capital statutaire. Pour cette détermination, ils doivent tenir compte des dispositions légales qui
imposent un capital minimum pour certaines formes de société. La clause de variabilité du capital
social ne permet pas de descendre en dessous de ce montant. De plus, l’article 269-5 de l’AUS
indique que les statuts doivent déterminer une somme en dessous de laquelle le capital ne pourra être
réduit par les reprises d’apport et l’alinéa 2 ajoute que cette somme ne peut être inférieure au dixième
du capital social. Ainsi, pour une SA à capital variable dont le capital statutaire est fixé à cinquante
millions de francs, ce texte impose que le capital ne descende pas en dessous de cinq millions de F
alors que le minimum légal est de 10 000 000 de F CFA. En revanche, si la SA est constituée avec un
capital statutaire de 10 000 000 F CFA, la variation du capital par réduction n’est pas envisageable
sous peine de descendre en dessous du minimum légal. Dès lors, dans cette hypothèse, il est possible
de s’interroger sur la réalité de la qualification de société à capital variable, aucune diminution par
reprise des apports ne pouvant être réalisée. Le capital statutaire ne pourra être modifié que selon les
règles classiques d’augmentation et de réduction du capital social.
Quant à la mise en œuvre de la variation du capital, comme cela a été précédemment signalé, la
reconnaissance de l’existence d’une société à capital variable suppose que son capital puisse
augmenter ou diminuer dans des conditions qui lui sont propres, c’est-à-dire sans que les formes
attachées à ces opérations sociétaires soient nécessaires.

Pour les augmentations de capital dans les sociétés à capital variable, il convient de distinguer selon
que cette modification vise le capital statutaire ou le capital souscrit. L’augmentation du capital
statutaire correspond à la modification par les associés de la valeur théorique en dessus de laquelle le
capital ne peut se situer, Il faut remarquer que les textes régissant les sociétés à capital variable ne
fournissent aucune indication concernant ce montant qui doit être impérativement fixé dans les statuts.
Toutefois, pour que la variabilité du capital de la société soit effective, il est nécessaire de fixer le
montant maximum du capital à une valeur supérieure au capital souscrit. Les règles à observer
pour cette modification sont celles applicables aux modifications statutaires et non celles propres aux
augmentations de capital, le changement consistant seulement en une variation du capital théorique et
non en une augmentation réelle des fonds propres de la société. Ainsi, la modification sera de la
compétence de l'assemblée générale extraordinaire statuant aux conditions normales de majorité.
L'augmentation du capital souscrit à l'origine est envisagée par l'article 269-1 sous la forme de
versements successifs par les associés ou l'admission d'associés nouveaux, donc d'un
accroissement des fonds propres de la société. Il faut distinguer cette situation de celle résultant de la
libération du capital souscrit qui s'effectuera également par des versements successifs dans les années
qui suivront la constitution de la société à capital variable. Mais ce mécanisme n'est pas propre aux
sociétés à capital variable ; il se retrouve dans toutes les sociétés pour lesquelles le législateur n'a pas
imposé une libération immédiate du capital social souscrit.
Cette forme simplifiée d’augmentation du capital social retenue à l’article 269-I doit être appliquée
restrictivement. D’une part, la mention dans le texte de « versements successifs » vise exclusivement
les augmentations de capital souscrites en numéraire. Ainsi, lorsque l’opération doit se réaliser par
des apports en nature, les dispositions du droit commun des sociétés, plus formalistes, doivent
être respectées. Cette position apparaît raisonnable eu égard aux difficultés d’évaluation que soulève
cette catégorie d’augmentation de capital qu’il serait dangereux de laisser intervenir sans contrôle.
D’autre part, la mention de versements faits par les associés exclut également cette procédure
dérogatoire lorsque l’augmentation de capital est réalisée par incorporation des réserves, par exemple.
La solution peut paraître singulière, car cette augmentation du capital qui se traduit par un simple jeu
d’écriture comptable sera soumise dans les sociétés à capital variable à une procédure plus lourde que
celle de l’augmentation souscrite au moyen d'apports en numéraire. Cela crée une disparité avec le
droit commun qui simplifie la mise en œuvre de la première de ces formes d'augmentation de capital.
Les textes autorisent dans les sociétés à capital variable la réduction du capital social, qui dans les
autres sociétés est une procédure très encadrée, car elle conduit à réduire le gage des créanciers et
représente donc un danger pour eux. Dans les sociétés à capital variable, cette réduction du capital
social intervient au moyen de la reprise totale ou partielle de leurs apports par les associés.
L'article 269-5 de l'AUS dispose que la réduction du capital social ne peut dépasser un certain seuil
déterminé dans les statuts et cette somme, en dessous de laquelle le capital ne peut descendre, ne peut
être inférieur à un dixième du capital. La réduction du capital statutaire ne pourra intervenir que dans
les conditions applicables aux modifications statutaires, solution identique à celle retenue pour les
augmentations de ce même capital. Toutefois, il ne pourra jamais être inférieur au minimum fixé
par la loi pour certaines formes de sociétés.
Cependant, la diminution du capital effectif résultant de cette reprise partielle ou totale des apports
n’est pas sans limites. L’article 269-5 AUS dispose que les statuts détermineront une somme au-
dessous de laquelle le capital ne pourra être réduit par les reprises des apports autorisées et il ajoute
que cette somme ne pourra être inférieure au dixième du capital social. Cette disposition a été édictée
dans l’intention évidente d’éviter que les retraits d’associés ne réduisent à rien ou presque rien
le capital social. En outre, lorsque la société à capital variable est dotée par le législateur d’un
capital minimum, la diminution du capital social ne peut autoriser de descendre en dessous de
cette somme. Ainsi, il convient, lors de la création de la société, de ne pas adopter un capital social
trop proche du capital minimum, sous peine d’interdire rapidement les réductions de capital, ce
qui peut même conduire à douter du bien fondé de la qualification de société à capital variable.
La règle de l’article 269-5, alinéa 2, de l’AUS n’étant que supplétive, les statuts peuvent fixer un
minimum supérieur au minimum légal (un quart, un cinquième du capital social, par exemple).
Toutefois, dans la vue de conserver au capital un montant suffisant, ils ne pourraient valablement
décider que le capital irréductible a toujours égal au chiffre le plus élevé qui a été atteint depuis
l’origine de la société ; ce serait par-là, en effet, supprimer le droit de retraite et la faculté de sera
variation du capital dans le sens de la diminution. De même, le montant retenu par les statuts ne doit
pas s’aligner sur le montant du capital statutaire, une telle clause conduisant alors à exclure toute
diminution du capital social.

Au-delà de tout ce qui vient d’être noté, il faut féliciter le législateur OHADA d’avoir intégré ces
mécanismes dans notre droit des sociétés. La société à capital variable ne pourrait dans notre droit
connaître qu'un grand succès, car, elle présente des avantages liés à ses caractéristiques propres, à
savoir la possibilité de modifier le montant du capital social sans être soumis aux contraintes
légales de ce genre d'opération et l'admission de l'exclusion et du retrait des associés dont
l'utilisation est restreinte dans les sociétés à capital fixe. De ces deux spécificités, il découle que
l'adoption de la société à capital variable sera principalement recommandée lorsque seront envisagés
des changements fréquents d'associés, cette modalité facilitant leur entrée et leur sortie. Ainsi,
cette modalité peut être adoptée dans les sociétés qui souhaitent faire entrer les salariés dans le
capital. La variabilité du capital social, le retrait et l'exclusion confèrent une grande souplesse pour les
deux parties. La société à capital variable paraît également de nature à favoriser l'entrée des
sociétés de capital-risque dans les entreprises en procurant une liquidité à l'investissement
réalisé du fait de la faculté de retrait.

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