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Colette SOLER, L’inconscient à ciel ouvert de la psychose, Presses

universitaires du Mirail, 2002.

Introduction
La psychose : une problématique
Incidence causale du signifiant à chaque étape du processus : « déclenchement, déroulement,
stabilisation »
« Perturbation signifiante, effet imaginaires, compensations signifiantes »
Le psychotique ne se soigne pas par l’imaginaire
Pour Lacan l’inconscient est le lieu de l’Autre, l’instance de la chaîne signifiante
Parce que la psychose présente un sujet non inscrit dans la fonction phallique : elle nous donne accès
aux effets de cette fonction
« enveloppe formelle du symptôme »
Exhibition de jouissance (chez le névrotique : il s’agit plutôt de la faire affleurer)
Cahiers pour l’analyse : La paranoïa « identifi[e] la jouissance au lieu de l’Autre »
Le nom du père opère une séparation à priori entre le désir (de l’Autre) et la jouissance (du côté de la
chose)
« le sujet Schreber fait un usage du signifiant qui ne le sépare pas de l’Autre »
Comment le sujet se maintient ?
- 1956 : identification par laquelle le sujet assumait le désir de la mère (compensation par
l’imaginaire, par le « comme si ») « Tandis que dans la névrose, une identification ébranlée
fait place à une autre, fondamentale, là, l’identification ébranlée ouvre sur la dissolution de
l’imaginaire » Suppléance signifiante de la métaphore délirante
- Suppléance restrictive de la jouissance ou fonction de localisation (délire partiel)
Cette suppléance peut-elle s’opérer dans le transfert ?
Pb : transfert dans la psychose est un élément déclenchant
« Lacan indiquait qu’effectivement, prendre un sujet prépsychotique en analyse a pour effet,
généralement, de déclencher la psychose. C’est que la mobilisation du sujet supposé savoir dans
l’association libre est équivalente à ce qu’il désigne comme un appel au nom du père ».

Les phénomènes perceptifs du sujet


En quoi le psychanalyste est concerné par la perception ?
« Le fou, qui est justement quelqu’un qui voit, qui entend et qui croit des choses dont tous les autres,
les supposés pas fous, sont prêts à dire qu’elles n’existent pas, parce qu’ils ne les voient pas, ne les
entendent pas et ne les croient pas. »
« foi perceptive » Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible
Croyance que « Nous voyons les choses mêmes, le monde est cela nous voyons ».
Transfert comme trouble de la perception, depuis Freud si bien « qu’un certain courant du mouvement
analytique a poussé les choses jusqu’à vouloir neutraliser ce que l’analyste donne à percevoir. C’était
aller très au-delà de la neutralité bienveillante, jusqu’à rêver parfois d’une uniformité telle qu’il ne lui
faudrait pas même changer de cravate, afin de ne point introduire une variante perceptive risquant de
troubler l’émergence de l’image inconsciente ».
« C’est le sujet de l’inconscient lui-même, en tant qu’il est en jeu dans le transfert, qui introduit le
problème de la perception dans la psychanalyse »
Lacan balaie toute la philosophie de la perception depuis Platon jusqu’à Merleau-Ponty car : elle
échoue à rendre compte de l’hallucination
« perceptum sans objet »
Elles demandent raison au percipiens : partent du principe que celui qui perçoit est responsable de sa
perception, qu’il en est l’agent
Le percipiens unifie les impression reçues du réel : unité du perceptum
Merleau ponty « imposture hallucinatoire ». La perception est présence au monde médiée par le corps.
Et l’hallucination n’est pas perception car elle est fausse
Boucle : on en revient toujours à l’esprit comme dernière instance de jugement de la réalité des choses,
même quand on situe l’origine de la perception dans le corps
Lacan : image = réalité psychique (et non pas réalité dégradée)
Le rapport à la réalité est lié à l’inconscient : découverte d’une autre réalité. « La thèse est donc celle-
ci : le champ de la perception est un champ ordonné, mais ordonné en fonction des rapports du sujet au
langage, et non pas ordonné par l’appareil cognitif, non pas ordonné par la visée perceptive ».
« Ce que je vois, je ne le verrais pas – je peux le dire ainsi – si je n’étais pas tel sujet produit par le
langage »
« Contrairement à ce que disent toutes les théories classiques postulant que le perceptum résulte d’une
activité du percipiens, le perceptum est déjà structuré. Que la structure, donc ne vient pas du
percipiens, qu’elle est déjà dans le perceptum, et qu’en outre, c’est elle qui détermine le sujet, lequel
n’est tout simplement pas un percipiens.
Asujetti au perceptum
Concernant la perception visuelle, trois textes :
« De nos antécédents »
Les temps modernes 1961 Vers Freud Jacques Alain Miller
Séminaire XI
Le stade du miroir n’est pas un phénomène de vision. Image visuelle subordonnée à l’effet de
langage : « l’image du miroir ne prend son importance, et ne captive le sujet, que parce qu’elle est déjà
corrélée à l’effet de langage majeur qu’est l’effet de manque » (1966)
Image narcissique pas liée avec le fait de voir mais avec le regard. Opposition vision-regard
« Le visible, le seuil du monde visible, suppose qu’une soustraction ait été produite sous l’effet du
langage, autrement dit que le regard ait été perdu ». c’est ce qui crée la pulsion scopique
Pour que le monde soit visible, « il faut qu’il soit visé par un désir de voir »

Structure et fonction des phénomènes érotomaniaques de la psychose


Erotomanie (phénoménologie) : conviction délirante d’être aimé
1920 Clérambault
Avec Schreber Freud croit pouvoir identifier la cause libidinale des psychoses dans la pulsion
homosexuelle. L’érotomanie vient rétablir l’hétérosexualité (de façade)
Dans la névrose on aime ; dans la psychose on est aimé. « Ce qui a été aboli du dedans revient du
dehors » (Freud, Cinq psychanalyses)
Logique de la passion érotomaniaque (Clérambault) : postulat, évidence, démonstration
Structure de la position érotomaniaque :
- l’Autre « s’impose comme le lieu d’émission de la libido qui prend le sujet pour cible »
- « un sujet qui n’est pas question, mais certitude » « La certitude échappe à la problématique
du savoir » « Le sujet hystérique interroge le sens des phénomènes […]. Le sujet érotomane
interroge les mêmes phénomènes sur leur écart à l’endroit du postulat ».
« Dans un premier temps, cette jouissance de l’Autre, imposée, délétère, effractive par rapport aux
frontières du corps et perturbatrice de ses fonctions, est liée à la menace de l’éviration – Entmannung –
qui connote non la castration, mais son défaut, c’est-à-dire la signification d’une jouissance non
phallique »
Le sujet est joui plus qu’il n’est aimé. Pas de référence au sexuel dans cette jouissance
Régulation de la jouissance chez Schreber : « elle se localise dans le scénario transsexuel », « se noue
désormais à l’image et à la pulsion scopique » « le femme-Schreber supplée à la fonction du père »
Fonction de l’amour dans la névrose : « corriger l’absence du rapport sexuel ». Dans la psychose :
« invoqué pour parer à l’imminence d’un rapport mortifère »
Conséquence : opposition entre « l’éroticomanie persécutive qui est le symptôme même et, de l’autre,
la manière d’amour, comme prothèses, différentes, mais parfois combinées, des effets de la
forclusion ».

Innocence paranoïaque et indignité mélancolique


Le sentiment de culpabilité, nous dit Colette Soler, s’inscrit dans un rapport causal au malheur. «  La
culpabilité est ce qu’il se passe quand la cause prend la forme de la faute » (p. 51).
La culpabilité présente quatre paradoxes : elle se déploie indépendamment de la responsabilité
factuelle de l’individu ; son sentiment n’a rien à voir avec le fait de commettre des actes coupables, au
contraire (les coupables se croient innocents, les innocents se pensent coupables) ; elle est impuissante
à réformer la conduite du sujet ; elle pousse au crime.
Il faut formuler un distinguo « entre les sentiments de culpabilité qui sont éprouvés et énoncés, et ceux
qui ne le sont pas ». D’un côté, les autoreproches, « autodiffamation » dit Lacan, qui concernent la
névrose obsessionnelle et la mélancolie. De l’autre, une culpabilité non vécue mais «  déduite des
conduites d’échec » : « Tout se passe comme si tel sujet cherchait à échouer, d’où sa notion d’un
besoin de punition, qu’il réfère à un sentiment inconscient de culpabilité. » Chez Freud, la culpabilité
est le seul sentiment inconscient.
La culpabilité proprement dite « n’est pas tant un sentiment qu’une position du sujet qui accepte de se
tenir pour responsable de ce qui lui arrive ». Elle est, en quelque sorte, la condition de la psychanalyse.
Est-ce à dire que la culpabilité appartient au symbolique ?
La mythologie tient l’individu coupable de deux choses : d’avoir voulu savoir (la pomme) et d’avoir
voulu tuer le père (Œdipe). La culpabilité est dans un cas comme dans l’autre liée à la limite de la
jouissance, limite qui est de l’ordre du symbolique. Dans son rapport à la jouissance, la culpabilité est
à la fois un manque-à-jouir, et/ou une inappropriation de la jouissance qui induit le sentiment de la
faute, face au surmoi qui dit commande l’impossible au sujet : « jouis ». La culpabilité ne peut qu’être
la faute du « Je » car lui seul peut porter la charge de la jouissance : ça ne peut pas être l’Autre, pour
ça il faudrait qu’il existe, et ça ne peut pas non plus être le « mauvais arrangement de la société ».
Les sujets psychotiques et névrotiques se placent différemment par rapport à la jouissance. Le
psychotique fait exister l’Autre. Sa jouissance n’est pas bornée par le symbolique. Pour le névrosé,
c’est la faute qui est la cause du malheur mais pour le psychotique, c’est l’Autre.
Le « paranoïaque innocent », ça n’est pas de la culpabilité qu’il ressent. Son attitude manifeste un
« refus de la Chose ». Colette Soler prend l’exemple de Jean-Jacques Rousseau, qui a commis une
faute réelle (il a mis ses enfants à l’assistance publique) et s’acharne à persuader de son innocence.
C’est l’Unglauben freudien – l’incroyance, le rejet de la culpabilité. Face au non-sens de la
responsabilité antérieure (Rousseau, en naissant, tue sa mère), le sujet paranoïaque refuse « d’admettre
dans le symbolique les signifiants qui feraient trace de l’implication du sujet – un refus d’en répondre
». « La culpabilité forclose lui revient du dehors, sous la formes de reproches que les autres sont
censés lui adresser ».
Le paranoïaque cherche à justifier la jouissance, c’est en ce sens qu’il la place « au lieu de l’Autre ».
L’Autre, ici, existe réellement. « Identifier la jouissance au lieu de l’Autre, cela veut ire à la fois la
localiser dans ce lieu et la nommer, dire ce qu’elle est ». Le névrosé, quant à lui, cherche à justifier son
existence.
A l’autre extrême, le « mélancolique coupable » est accablé du « poids de la Chose ». Il s’approprie
toute la faute et s’accable d’autoreproches, d’ « autodiffamation ». Ce qu’on appelle dépression
appartient à la mélancolie, il s’agit plutôt d’ « inhibition vitale » (anorexie, insomnie…) accompagnée
d’une « conviction puissante et douloureuse de perte ». Il s’agit de phénomènes de retour dans le réel.
Le rejet psychotique de l’inconscient découvre « l’incidence mortifiante du langage ».
Dans le délire d’indignité, le mélancolique n’est pas seulement coupable, il est le seul coupable. Le
paradoxe est que son « hyperculpabilité de principe » l’affranchit de tout devoir – c’est en ce sens que
la culpabilité pousse au crime. Contrairement à la dynamique du délire paranoïaque, le mélancolique
est figé dans la stupeur d’une faute qui l’accable entièrement. Il y a là une forme de jouissance  : « la
figure ambigüe du supplicié où la douleur rejoint la jouissance ».
Le névrosé borne la jouissance par le symbolique. « Dans le transfert il fait appel à l’Autre, au sujet
supposé savoir comment régler la jouissance » et il réussit pour une part à résorber sa culpabilité dans
des solutions symboliques. Pour le paranoïaque comme pour le mélancolique, il en va autrement. Le
devoir du psychotique, c’est, en quelque sorte, d’inventer de nouvelles manières de borner la
jouissance. Autrement dit, la question qui se pose à nous dans la psychose n’est pas structurellement
celle de la culpabilité, qui est la problématique de la névrose (pourquoi suis-je au monde ?) mais celle
de la jouissance de l’Autre.

L’expérience énigmatique du psychotique, de Schreber à Joyce


Est-ce que le psychotique a un inconscient ?
Peut-on lire l’inconscient du psychotique ?
Quelle est la fonction du signifiant pour le psychotique ?
Quelle est la fonction du symptôme psychotique ?
Comment la pensée de Lacan, d’Aimée à Joyce, a évolué sur ce points ? Dans quelle mesure le
changement dans le fonction du signifiant fait évoluer ses propositions cliniques ?
Il y a un paradoxe, dit Colette Soler, à ce que la psychanalyse ait voulu faire entrer dans son champ les
sujets psychotiques, hors-discours, elle qui se définit d’abord comme une opération de dévoilement de
sens par la parole. Le signifiant, chez le psychotique, au premier abord ne signifie rien. Freud dira
même que le psychotique n’a pas d’inconscient.
La première chose à retenir est que l’usage que les psychotiques ont de la cure n’est pas d’analyse de
l’inconscient. D’ailleurs Joyce, comme Schreber, s’auto-soignent.
La psychose, en 1955 (D’une question préliminaire…) est définie comme une variante de la névrose,
où le sujet est également soumis au langage – à « ce qui se déroule dans l’Autre ». La psychose est
définie par rapport à celle-ci comme un manque. Le psychotique connaît la double-absence « du Nom-
du-Père dans le symbolique, et du phallus dans l’imaginaire ». De même, c’est d’abord la névrose qui
a donné sa définition au symptôme comme fonction de métaphore entre le signifiant et le signifié. Le
symptôme psychotique, également, donc, soumis au signifiant, est calqué sur la structure du symptôme
névrotique, manque le symbolique : sans l’effet de la métaphore, le signifiant est « hors chaîne, dans le
réel ».
Un retournement s’opère en 1975 (Séminaire RSI). Le symptôme est pensé à partir de la psychose, qui
devient « le modèle du noyau réel de tout symptôme ». Le symptôme est une fonction de la lettre. Il
n’a plus fonction de « métaphore fixant le signifié au signifiant », mais de la lettre « fixant la
jouissance, sans Autre ». Cela n’annule pas la fonction métaphorique du symptôme, mais l’inscrit dans
un plan ultérieur moyennant l’adjonction du Nom-du-Père, qui ne vient qu’en second lieu. La
forclusion devient le phénomène à partir duquel penser la psychanalyse.
Qu’est-ce que « l’expérience énigmatique » ? Dans « Vers Freud » (Ecrits, chap. I, p. 538), Lacan dit
que les hallucinations verbales manifestent « la structure de la parole, en tant que cette structure est
déjà dans le perceptum ». Les paroles hallucinatoires sont d’abord un effet de signifiant – une
signification de signification. L’expérience énigmatique est donc à situer au niveau des effets de
signification, mais pas que, et c’est justement là qu’un vide émerge. Au premier degré, celui du vide
énigmatique (absence de signification) vient se superposer le second degré, celui de la certitude,
« certitude que ça signifie, inhérente au signifiant ». Pour simplifier, on dira que le premier et le
second degré se cumulent en un même lieu, celui de l’énigme : il y a quelque chose dont on est sûr que
ça veut dire quelque chose, mais ça ne veut rien dire.
Quand on parle de certitude, il ne s’agit pas de la conviction du sujet quant à la vérité des énoncés,
mais de la certitude que ces énoncés signifient quelque chose (signification de signification). Cela ne
veut pas dire que tout fait sens, non plus. La certitude qu’il y a sens n’exclut pas la perplexité. C’est
pour ça qu’on peut dire que le psychotique vit une énigme, énigme qu’il doit prendre en charge. C’est
cette énigme qui donne sa densité au « signifiant surgi dans le réel ». En gros, « plus ça signifie et
moins ça signifie ». « Ainsi l’expérience énigmatique se dédouble-t-elle, entre l’expérience de non-
sens aperçu au premier degré et celle de sa conversion en certitude de signification au deuxième degré,
dans une temporalité d’anticipation qui n’a rien de psychologique, qui relève de la subordination de
toute signification possible à l’ordre signifiant. »
Le signifiant dans le réel, c’est « du signifiant tout seul » privé de la métaphore, c’est la langue : S1,
S1, S1... Il ne répond plus à la règle de l’ « au-moins-deux », la chaîne signifiante S1-S2. Alors que
devient la signification, quand la chaîne est brisée ? Elle est cette expérience énigmatique. C’est la
langue elle-même qui est hallucinée. C’est pourquoi le sujet n’est pas entièrement déterminé par ces
signifiants. L’instance de la signification n’est pas réduite, mais libérée. Si on comprend le signifiant
comme métaphore, l’imaginaire est subordonné au symbolique. Ici au contraire, « le symptôme défini
comme fonction de la lettre, où la jouissance est en jeu sans Autre, n’est pas tissé de signification. Il
est réponse du réel, mais il n’éteint pas plus la signification que tout autre signifiant dans le réel, voire
même l’appelle et l’engendre. Il le fait sans la déterminer – d’où le fameux propos de Lacan : « tous
délirants » – et aussi sans y trouver son ressort, ce qui est bien le problème pour la psychanalyse dont
l’effet thérapeutique relève de l’élaboration de sens. » L’implication de cela, pour la clinique, c’est que
« l’imaginaire peut fonctionner comme recours, ou prothèse ».
Chez Joyce, c’est autre chose que Schreber. Il n’hallucine pas, il cultive son rapport énigmatique à la
langue « par élision de l’imaginaire de la signification », entretenant le signifiant hors-sens comme
artifice de création. Il parvient à « transformer toute la joui-sens que la littérature véhicule
habituellement, en jouissance de la lettre, hors sens ».
C’est aussi la jouissance qui est énigmatique chez le psychotique. « Le symptôme est donc à mettre au
compte du réel. D’abord parce que le signifiant y apparaît dans le réel avec sa frange de signification
énigmatique. En ce sens, le symptôme de Schreber comme la littérature de Joyce abolit le langage, et
comme ce dernier, il est lui-même « désabonné à l’inconscient ». Mais ensuite, et corrélativement,
parce qu’il est surgissement de la jouissance délocalisée et non chiffre, autre. »
Qu’est-ce qui protège le névrosé de l’expérience énigmatique ? « C’est d’un côté la signification
phallique qui obture le champ de la signification, de l’autre, le chiffrage de la jouissance qui refoule
suffisamment la jouissance autre […]. Ainsi, la réponse du réel est-elle masquée dans la névrose par la
réponse de l’Autre, le S(A barré) par le s(A), tandis que la jouissance autre reste limitée par la
jouissance phallique. » C’est-à-dire que le sujet se protège du réel par le symbolique et de la
jouissance par le narcissisme (?). « Et peut-être est-ce par la considération de la psychose que Lacan
en est venu à mettre l’accent sur le fait que le symptôme névrotique n’est pas-tout réponse de l’Autre,
et peut-être même, pour l’essentiel, pas tout. »

Le dit schizophrène
Colette Soler interroge ici la possibilité d’établir un transfert avec le schizophrène :
« Etrange que ce soit ces sujets, en réalité les plus rebelles au transfert, que l’on ait voulu faire entrer
dans la psychanalyse. C’est que pour être aussi bien hors transfert qu’ils sont hors discours, ces sujets
n’en établissent pas moins une éventuelle relation de confiance à quelques-uns de leurs semblables. Ça
ne fait pas un transfert à proprement parler, car le transfert est une relation symbolique qui inclut le
sujet supposé savoir, et le schizophrène n’y entre pas. Mais ça laisse la place possible à une relation
d’objet, à la fois imaginaire et réelle, qui prête à confusion avec le transfert, et d’où l’on peut parfois
obtenir quelques effets. Qu’ils soient analytiques reste douteux, mais ils peuvent être parfois
bénéfiques pour le sujet. »
A propos de la fonction de la psychanalyse, elle dit encore, dans « Innocence paranoïaque et indignité
mélancolique » : « La psychanalyse, en effet, se pique de n’être ni une religion, ni une morale, et de ne
pas relever de la direction de conscience. Il s’agit donc de savoir si on peut définir un devoir qui ne se
confonde pas avec les normes de l’Autre. On croit volontiers que les devoirs se définissent par rapport
à ce que j’appellerais les trois « I » de l’Autre : l’interdit, l’idéal et l’impératif. L’interdit qui limite,
l’idéal qui prescrit les formes les bonnes formes de la jouissance, et l’impératif qui fait obligation.
Mais la psychanalyse, quant à elle, définit un devoir sans Autre, car là où l’Autre ne répond pas, à
savoir sur la jouissance, le sujet seul peut répondre, et c’est à lui qu’incombe la charge de la
jouissance. »

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