Vous êtes sur la page 1sur 4

Fiche rédigée par Éric Vigo Images de presse

Dans la main du pouvoir


Andrzej Krauze / Yannis Kontos

© Andrzej Krause (Royaume-Uni), 2003.


Paru dans The Guardian (Londres) en 2003.

© Yannis Kontos (Grèce) / Polaris, 2005


Dimanche 1er mai 2005, Pyongyang, République populaire démocratique de Corée. Monument de Pyongyang célébrant la
création du Parti des travailleurs de Corée. Les tours représentent un marteau, une faux et un pinceau respectivement tenus par
un ouvrier, un paysan et un intellectuel. Le tout s’élève à 50 m. (Version intégrale et V.O. page 4)

© CRDP de l’académie de Versailles – 2010 1/4


Images de presse Fiche rédigée par Éric Vigo

Dans la main du pouvoir


Andrzej Krauze / Yannis Kontos
Le fait
La Corée du Nord est une dictature communiste depuis 1948. Dernier héritier du stalinisme, le régime
maintient d’une main de fer une population qui vit dans des conditions souvent très difficiles, isolée du
reste du monde, victime des privations de liberté, des pénuries et parfois même de la famine.
Le pouvoir, détenu par la famille du premier dirigeant historique, Kim Il-sung, prolonge les anciennes
structures économiques, sociales et culturelles des systèmes communistes datant des années de la Guerre
Froide. L’actuel président omnipotent est Kim Jong-il.
Construit en 1995, haut de 50 m, le monument à la gloire des travailleurs est un parfait exemple du style
réaliste socialiste tel qu’il a été imaginé dans l’URSS des années 1930. Il représente trois avant-bras levés
vers le ciel, brandissant respectivement un marteau, une faucille et un pinceau.

Focus
Une main colossale envahit la plus grande partie du dessin de Krauze. Elle enserre un groupe humain
dont on ne voit que les visages envahis par la peur et la souffrance. Du sang coule sur les doigts, tombe en
goutte au-dessus d’un espace indéterminé dans lequel se tient un minuscule bonhomme qui regarde ce
spectacle. L’obscurité envahit le reste de l’image. Elle nous plonge non pas dans l’ombre d’un lieu réel, mais
dans un espace qui nous montre notre ignorance même.
Le contraste est fort avec les figures claires du premier plan, tracées d’un léger trait de plume, colorées de
couleurs légères, en dehors du rouge sanglant. Il ajoute à la violence exprimée par la scène, accentue l’ap-
parition menaçante de la main.
La main est un symbole toujours riche d’expression. Celle-ci sort donc du néant, géante, telle la main d’un
Dieu. Le poignet recouvert d’une manche kaki évoque un uniforme militaire, un ordre sans appel. Elle est
la main de fer de la dictature qui maintient si fermement sa population qu’elle finit par l’écraser, symbole
d’une force et d’une volonté implacables. Face à elle, le spectateur, qui pourrait être nous, est extérieur à
l’emprise et sans possibilité d’action.
Le photographe Yannis Kontos a, lui aussi, pris le parti d’isoler son sujet de son contexte. Hormis le ciel bleu
éclatant, nous n’en voyons rien d’autre que le monument. L’effet est le même, le sujet s’en trouve idéalisé.
Le point de vue en forte contre-plongée amplifie la perspective ascendante produite par les bras levés, les
mains qui empoignent vigoureusement le marteau, la faucille et le pinceau, dressés vers le ciel en un élan
conquérant.
Le spectateur, par le choix du point de vue, est invité à suivre ce mouvement. Par le cadrage, les mains sont
essentielles dans la photographie comme dans le monument. Les formes sculptées en pierres apparentes
sont puissantes. Les masses sont imposantes, les arêtes droites, les angles nets. C’est une géométrie de
mains de travailleurs surhumains.
Dans les deux images, la main est l’allégorie de la force et de la volonté. Si dans le dessin de Krauze elle
montre l’horreur de la dictature, dans la photographie de Kontos, en épousant par son choix de prise de
vue la signification du monument, elle offre une glorieuse vision du projet communiste, tel qu’il a été pro-
bablement imaginé par ses créateurs. Mais en prenant ce parti, Kontos ne révèle-t-il pas aussi ce qu’il y a de
manifestement écrasant dans l’esthétique du monument ?

2/4 © CRDP de l’académie de Versailles – 2010


Fiche rédigée par Éric Vigo Images de presse

Activités
L’enseignant adaptera ces brèves propositions pédagogiques aux besoins de ses élèves. Pour le second
degré, les activités suggérées pour le premier degré pourront être reprises et approfondies.

À l’école
• Faire verbaliser les premières impressions et susciter les interrogations sur ces images. Comparer les élé-
ments qui dans les compositions relèvent du changement d’échelle, de la création d’un espace de re-
présentation non réaliste et signifiant. Repérer les signes qui montrent la violence de la situation dans le
dessin de Krauze.
• Décrire les signes qui montrent quel point de vue a été choisi dans la photographie de Kontos. Évoquer
les significations que l’on peut associer à ce choix.
• Analyser simplement les caractéristiques plastiques du monument lui-même et la manière dont Kontos
les met en avant.
• Rechercher un titre au dessin, puis à la photographie.

Au collège et au lycée
• S’appuyer sur des images présentant des éléments de composition proches : détachement des figures
sur un fond uni, identifiable ou non. Comparer les deux images étudiées et un choix de reproductions
d’affiches relevant du réalisme socialiste. Situer dans le temps et l’espace l’origine de ce style d’images.
• Constituer un ensemble documentaire qui mette en avant la manière dont les régimes dictatoriaux ont
utilisé les images dans la propagande. Définir le terme de propagande.
• Rechercher d’autres exemples d’utilisation allégorique de la figure de la main. Réaliser des productions
plastiques utilisant cette figure allégorique.
• Expérimenter des prises de vues photographiques utilisant de façon signifiante un angle de prise de vue
affirmé.
• S’informer sur les contextes géographique, économique et politique de la Corée du Nord.

Pour aller plus loin


Des sites
„„ www.cartoons.ac.uk/artists/andrzejkrauze/biography
La biographie (en anglais) d’Andrzej Krauze
„„ www.guardian.co.uk/gall/0,8542,575866,00.html
Une galerie de ses dessins sur le site du Guardian
„„ www.yanniskontos.com
Le site du photographe Yannis Kontos

Des livres
Murmure à la lune, Kim Huang-yi, Flammarion, coll. Chan-Ok, 2010.
Les Larmes du phénix, Pascal Vatinel, Le Rouergue, 2010.

© CRDP de l’académie de Versailles – 2010 3/4


Images de presse Fiche rédigée par Éric Vigo

Légende intégrale de la photo de Yannis Kontos


Dimanche 1er mai 2005, Pyongyang, République populaire démocratique de Corée. Monument de
Pyongyang célébrant la création du Parti des travailleurs de Corée. Les tours représentent un mar-
teau, une faux et un pinceau respectivement tenus par un ouvrier, un paysan et un intellectuel. Le tout
s’élève à 50 m.
Le monument à la gloire du parti des travailleurs de Corée à Pyongyang a été dressé pour célébrer
l’histoire glorieuse du Parti des travailleurs de Corée, composé d’ouvriers, de paysans et d’intellectuels.
Construit à l’occasion du 50e anniversaire du PTC le 9 octobre 1995, il est situé au milieu de la rue
Munsu, face à la rivière Taedong. Sa superficie est de 25 hectares. Sa hauteur est de 50 m. Pendant des
décennies, la Corée du Nord a été l’une des sociétés les plus secrètes du monde. C’est un des derniers
pays communistes. La crise nucléaire actuelle a balayé les espoirs de voir la fin de ce régime isola-
tionniste strict. La Corée du Nord a été créée en 1948 dans le chaos après la fin de la Seconde Guerre
mondiale. Son histoire est dominée par son grand dirigeant, Kim Il-sung, qui a façonné la vie politique
pendant presque un demi-siècle.
Sa philosophie politique, connue sous le nom de Juche, est devenue l’idéologie officielle de l’État
autarcique de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) en 1972. Souvent décrite
comme « l’autonomie », elle est présentée par Kim Il Sung comme la matrice de la révolution et de la
reconstruction dans son propre pays. La philosophie du Juche, créée par Kim Il Sung, met en œuvre
des principes marxistes-léninistes dans la vie politique moderne de la Corée du Nord, ainsi que trois
principes précis : l’indépendance politique et idéologique, tout particulièrement vis-à-vis de l’Union
soviétique et de la Chine ; l’autonomie économique et l’autosuffisance, ainsi qu’un système de dé-
fense nationale fort.

Version anglaise
Sunday May 1, 2005, Pyongyang, Democratic People’s Republic of Korea (DPRK). The monument to
the founding of the workers’ party of Korea in Pyongyang. The tower body depicts a hammer, sickle
and brush held by a worker, farmer and intellectual with the height of 50 m.
The monument to the founding of the workers’ party of Korea in Pyongyang. It was erected to convey
down the glorious history of the Workers’ Party of Korea composed of workers, farmers and intellec-
tuals.
Built on the occasion of the 50th birthday of the WPK on October 9, 1995, it is situated in the heart of
Munsu Street opposite the Taedong River. It occupies an area of 25 hectares. The tower body depicts
a hammer, sickle and brush held by a worker, farmer and intellectual with the height of 50 m. For
decades North Korea has been one of the world’s most secretive societies. It is one of the few remai-
ning countries still under communist rule. Hopes that its rigid isolation might have been coming to an
end have been scotched by an ongoing nuclear crisis. North Korea emerged in 1948 amid the chaos
following the end of World War II. Its history is dominated by its Great Leader, Kim Il-sung, who shaped
political affairs for almost half a century.
The political philosophy known as Juche became the official autarkic state ideology of the Democratic
People’s Republic of Korea (DPRK) in 1972. Often described as «self-reliance», Kim Il Sung explains it as
being the master of revolution and reconstruction in one’s own country. The Juche philosophy is Kim Il
Sung’s creative application of Marxist-Leninist principles to the modern political realities in North Korea
with three specific applications: political and ideological independence, especially from the Soviet
Union and China; economic self-reliance and self-sufficiency; and a viable national defense system.

4/4 © CRDP de l’académie de Versailles – 2010

Vous aimerez peut-être aussi