Vous êtes sur la page 1sur 5

Mélanges

de la Casa de Velázquez
Nouvelle série
35-2 | 2005
Lire les territoires des sociétés anciennes

Jean PASSINI, Casas y casas principales urbanas. El


espacio doméstico de Toledo a fines de la Edad
Media

Pierre Guichard

Éditeur
Casa de Velázquez

Édition électronique Édition imprimée


URL : http://mcv.revues.org/2435 Date de publication : 15 novembre 2005
ISSN : 2173-1306 Pagination : 308-311
ISBN : 978-8495555854
ISSN : 0076-230X

Référence électronique
Pierre Guichard, « Jean PASSINI, Casas y casas principales urbanas. El espacio doméstico de Toledo a fines
de la Edad Media », Mélanges de la Casa de Velázquez [En ligne], 35-2 | 2005, mis en ligne le 18 octobre
2010, consulté le 02 octobre 2016. URL : http://mcv.revues.org/2435

Ce document a été généré automatiquement le 2 octobre 2016.

© Casa de Velázquez
Jean Passini, Casas y casas principales urbanas. El espacio doméstico de Tole... 1

Jean PASSINI, Casas y casas principales


urbanas. El espacio doméstico de
Toledo a fines de la Edad Media
Pierre Guichard

RÉFÉRENCE
Jean PASSINI, Casas y casas principales urbanas. El espacio doméstico de Toledo a fines de la Edad
Media, Toledo, Universidad de Castilla-La Mancha, 2004, 725 pp.

1 Jean Passini, chercheur du CNRS doté d’une formation d’architecte et d’une longue
expérience de travail en Espagne, d’abord sur les villes et villages du Chemin de Saint-
Jacques, puis sur le bâti de la ville de Tolède, présente dans ce très gros et luxueux volume
de 725 pages, surabondamment illustré, les résultats de nombreuses années d’enquête de
terrain sur les édifices de cette célèbre et emblématique cité. Ses recherches se sont
déroulées avec l’aide de la Casa de Velázquez de Madrid (dont il a été membre de la
section scientifique), et dans le cadre de l’UMR lyonnaise 5648 (Histoire et archéologie des
mondes chrétiens et musulmans médiévaux ; Université Lumière-Lyon II-CNRS-EHESS). Elles
ont reçu l’indispensable concours de diverses institutions tolédanes et castillanes (Real
Fundación de Toledo, Junta de Comunidades de Castilla-La Mancha, Colegio de arquitectos
de la même communauté, en particulier). Ces travaux, déjà présentés dans plusieurs
publications, lui ont valu en 1998 la reconnaissance officielle d’un prix de la Real
Fundación de Toledo.
2 Le présent ouvrage se situe dans le prolongement des recherches antérieures sur
différents quartiers, et s’attache, pour l’ensemble de la ville, à « comprendre la genèse de
l’espace urbain médiéval, à en suivre les transformations et les réappropriations
successives », principalement dans le but de saisir, pour l’une des anciennes capitales
provinciales d’al-Andalus, les modalités du passage de la ville musulmane de la fin du XIe

Mélanges de la Casa de Velázquez, 35-2 | 2008


Jean Passini, Casas y casas principales urbanas. El espacio doméstico de Tole... 2

siècle (époque de son occupation par les chrétiens) à la ville castillane de la fin du Moyen
Âge. La base documentaire principale du travail est un inventaire très important et très
détaillé des biens immobiliers du Chapitre cathédrale, inventaire réalisé en 1491-1492, qui
porte sur un patrimoine considérable de 557 édifices divers situés dans 64 sites ou
quartiers. L’identification et la localisation des maisons, boutiques, mesones ou fondouks
et autres édifices urbains, souvent difficiles sur le parcellaire actuel, a cependant abouti à
l’étude minutieuse de plus de la moitié de ces édifices anciens. La comparaison
systématique du texte de la fin du Moyen Âge avec les vestiges encore visibles hors sol ou
en sous-sol (et ce très minutieux et patient travail au niveau des caves des actuelles
maisons tolédanes est l’une des grandes originalités de la recherche de Jean Passini) a
donné les résultats qui sont présentés dans cette dernière publication.
3 Une première partie présente une vision synthétique de l’espace domestique tolédan, et
quelques aspects de la dynamique urbaine médiévale. Le premier chapitre (pp. 5-23) est
consacré aux « Casas, casas puerta y mesones ». Si la séparation entre la fonction
commerciale et la fonction résidentielle qui caractérisait les villes musulmanes
médiévales est encore un fait fréquent dans la Tolède du XVe siècle, on constate
l’apparition croissante de maisons « bivalentes » qui associent un rez-de-chaussée
consacré à une activité commerciale à des étages de résidence, et cela aussi bien dans les
aires commerciales fermées – les alcaicerías typiques de la même tradition musulmane –
que le long des rues commerçantes. Parmi ces maisons bivalentes figurent les édifications
avec casa puerta, dont le rez-de-chaussée était doté d’une pièce intermédiaire ou vestibule
entre la rue et la maison proprement dite, ou constituait un niveau consacré à une
activité commerciale ou artisanale, dispositifs qui ne se trouvent pas dans les maisons des
quartiers seulement résidentiels ; ainsi dans le célèbre Zocodover trouvait-on quatorze
immeubles de ce type. Il s’agirait, pour l’auteur, de la réunion de deux anciennes
boutiques, ou parfois davantage, au-dessus desquelles on aurait édifié ultérieurement en
étage. La casa puerta constituerait le stade final d’une évolution au bas Moyen Âge des
boutiques commerciales et des échoppes d’artisans de la ville musulmane traditionnelle,
qui s’agrandissent et, de ce fait, se dédensifient, et auxquelles s’ajoutent des espaces
d’habitation au niveau supérieur, ce qui conduit au rapprochement des lieux de travail et
des lieux de résidence. L’évolution vers des structures nouvelles est surtout visible dans
les quartiers qui ont fait l’objet de reconstructions après des incendies, et la comparaison
entre quartiers anciens à évolution plus lente et quartiers ainsi réaménagés est
particulièrement instructive.
4 Un autre type de construction – qui était en même temps presque une institution –
spécifique aux villes musulmanes traditionnelles était le fondouk, sorte de halte-
hôtellerie, où les voyageurs et marchands extérieurs à la ville pouvaient faire étape,
entreposer leurs marchandises, parquer leurs montures et bêtes de somme. Comme la
majorité des « unités architecturales » qui définissaient la ville traditionnelle, ces
ensembles étaient organisés autour d’une cour. On les retrouve à Tolède après la
conquête chrétienne sous le nom de mesones. Ils connaissent eux aussi une évolution,
d’abord dans le sens d’une diminution de leur nombre, mais aussi en fonction
d’utilisations probablement quelque peu différentes, qui conduisent éventuellement à les
fractionner ; ils semblent rester cependant liés à des fonctions économiques, et portent
encore les noms des produits qu’ils recevaient ou dont ils abritaient le commerce, et peut-
être les transformations (Mesón de la madera, de las yerbas…).

Mélanges de la Casa de Velázquez, 35-2 | 2008


Jean Passini, Casas y casas principales urbanas. El espacio doméstico de Tole... 3

5 Un second chapitre de la première partie (pp. 27-106) est consacré aux « Casas y casas
principales », à leur typologie : maisons à cour et sans cour, et à leurs éléments
constitutifs et différentes parties. Au niveau inférieur, se détachent les « salons » ou
palacios, la cuisine, éventuellement un ou des locaux appelés cuadras, mot qui désigne
actuellement une étable, mais dont la fonction ancienne ne peut pas toujours être
précisée. Le chapitre inclut l’étude de plusieurs véritables « palais », plus vastes que la
majorité des maisons, dont plusieurs ont été ou sont des couvents et monastères.
6 Un troisième chapitre, assez court (pp. 109-118), étudie la « dynamique de l’espace urbain
médiéval » sous deux aspects : l’un relatif à l’espace habité, le second à la localisation
dans la ville de lieux connus des historiens, mais que l’on n’avait pas pu localiser
exactement jusqu’à présent. L’étude des adarves (ou impasses) montre qu’ils tendent à
être privatisés. Particulièrement intéressante pour l’histoire de la transformation des
édifices urbains à l’époque chrétienne est la constatation (p. 110) d’une tendance « au
transfert du décor de porte du salon (palacio) principal de la maison à cour à la porte
d’entrée de la maison » : il s’agit évidemment d’une évolution due à la différence des
mentalités et pratiques sociales d’une époque à l’autre. C’est en effet à l’époque
chrétienne que l’« extériorité » de la maison urbaine prend de l’importance, et que « le
rang des propriétaires ou des occupants de la maison ne se traduit pas seulement par la
grandeur du palacio (il s’agit ici du palais) et par sa décoration. Elle se manifeste aussi
dans la décoration de la porte principale donnant sur la rue ». Il est seulement un peu
dommage que ces constatations viennent après l’étude faite dans le premier chapitre de
ces portes, ou portales, d’aspect relativement monumental et richement décorées,
intérieures et extérieures, qui sont l’un des aspects les plus remarquables de ces
anciennes maisons tolédanes.
7 Dans la seconde partie de l’ouvrage, qui occupe les pages 123 à 617, sont réunies les
« fiches » ou notices individuelles correspondant à 280 maisons, boutiques, mesones et
casas principales appartenant pour la plupart au cabildo de la cathédrale ou au monastère
de Santo Domingo el Real, plus quelques palais et bains rencontrés au cours de la
recherche de terrain. Dans cette partie, à la présentation de chaque édifice est jointe la
documentation historique, la description que l’on possède pour la fin du XVe siècle, le plan
de la maison actuelle, la reconstitution du plan de chacun des niveaux que présentait la
maison à la fin du Moyen Âge, et, éventuellement, quelques remarques sur l’évolution
récente. Dans cette partie, comme dans la précédente, se déploient l’impressionnante
quantité et qualité de l’illustration. Sans doute certaines photographies sont-elles
esthétiquement réussies, mais ce n’est évidemment pas là ce qu’a voulu l’auteur en
premier lieu. Toujours d’excellente qualité technique, les illustrations photographiques
sont en premier lieu pédagogiques et démonstratives. Le texte est illustré d’un nombre
considérable de vues d’ensemble et de détail des édifices et de leurs différentes parties,
vues prises si l’on peut dire sous tous les angles, ainsi que d’un grand nombre de
reproductions de décors. Mais la richesse de l’illustration est loin de se limiter aux
photographies. La variété et la qualité des images de toutes sortes, vues cavalières,
dessins et plans anciens, remarquables plans actuels de maisons, d’ensembles d’habitat ou
manzanas, plans de quartiers, restitutions d’édifices et de groupes d’édifices en élévation
constituent une documentation d’une abondance et d’un intérêt considérable, toujours
rigoureusement mise en page pour servir vraiment d’illustration à un texte dont les
images ne se détachent jamais.

Mélanges de la Casa de Velázquez, 35-2 | 2008


Jean Passini, Casas y casas principales urbanas. El espacio doméstico de Tole... 4

8 En feuilletant cet ouvrage, et bien sûr en le lisant plus attentivement, on est donc
emmené dans une incomparable visite du bâti tolédan dont on a l’impression que
n’échappe aucun aspect, si minime soit-il. C’est un extraordinaire instrument de travail,
d’une richesse d’information vraiment remarquable, que nous livre Jean Passini. Ce livre
n’est probablement pas parfait. Cette richesse même le rend un peu touffu et difficile
d’accès. Imprégné de son sujet, l’auteur n’a pas toujours assez pensé que ses lecteurs
auraient parfois besoin de plus de repères qu’il ne leur en donne. Le glossaire des pages
623-624 est minimaliste ; il ne donne pas, par exemple, de façon claire, le sens spécifique
de « salon » que le mot palacio revêt dans l’ouvrage. Il aurait d’ailleurs fallu d’une façon ou
d’une autre mieux distinguer les passages où le mot est pris dans ce sens, et celui où il
apparaît dans sa signification habituelle en français, car il y a parfois à cet égard quelque
équivoque (comme dans la citation de la page 110 reproduite plus haut). On regrettera
aussi une entrée en matière un peu abrupte, et l’on encouragera le lecteur à aller
chercher à la fin de l’ouvrage (pp. 711-721) quelques pages d’un « résumé » en français et
en anglais, dont la lecture pourra être fort utile au non-spécialiste, et même à
l’archéologue ou à l’historien hispanisant. Il y trouvera une mise en place claire et
accessible des axes principaux et conclusions de l’ouvrage, qui lui en facilitera la lecture.
9 Il n’existe guère d’étude comparable à celle-ci, portant sur l’ensemble d’un espace urbain
et basée sur la comparaison minutieuse de la documentation écrite et des données du
terrain, apportées par une archéologie sans fouille remarquablement productive
d’informations. À cet égard, le livre méritera d’être pris comme modèle. Des fouilles sont
actuellement menées sur divers sites urbains tolédans, et Jean Passini lui-même prépare
un colloque sur « La ville médiévale : histoire, archéologie et réhabilitation de la
maison », qui devrait fournir un premier cadre de réflexion sur la façon dont pourraient
s’articuler, pour l’étude de la ville, une étude d’archéologie du bâti comme la sienne, et de
tels travaux archéologiques en un sens plus « classiques ». Les deux approches sont sans
doute indispensables et complémentaires. On saura gré à l’auteur d’avoir livré à cette
date à tous les chercheurs intéressés, alors même qu’une archéologie urbaine locale
semble devoir connaître des développements nouveaux, ce remarquable instrument de
travail.

AUTEURS
PIERRE GUICHARD
Université Lumière-Lyon II

Mélanges de la Casa de Velázquez, 35-2 | 2008

Vous aimerez peut-être aussi