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EXPERTISE

Fiche pratique
JUDICIAIRE

DÉFAUT D’IMPLANTATION
ET IMPROPRIÉTÉ À DESTINATION
L’affaire • le bénéficiaire des travaux pouvant solliciter à l’origine de la construction. S’il n’existe pas de
M. et Mme X confient, suivant contrat de construc- la délivrance d’une attestation justifiant définition légale de l’impropriété à destination,
tion de maison individuelle avec fourniture de de l’absence de contestation régulière de la jurisprudence donne les contours de la
plan en date du 9 février 2009, la construc- la conformité de l’ouvrage lorsque cette notion conçue de façon extensive.
tion d’une maison à usage d’habitation à la conformité n’a pas été contestée par l’autorité Ainsi, cette notion d’impropriété est retenue
société Y, assurée par la société A. Une police compétente dans les formes et délais prévus même en l’absence de dommage matériel à
Dommages-Ouvrage est également souscrite par les articles L.462-2 et R.462-6 du Code l’ouvrage, ce qui est le cas notamment d’une
auprès de cette même compagnie. Suite à la de l’urbanisme, la cour d’appel ne pouvait erreur d’implantation ou de non-respect des
réception des travaux, une erreur d’implanta- déduire que le seul refus de délivrance du règles parasismiques. Seuls les critères de
tion altimétrique est constatée. certificat de conformité était susceptible dangerosité et/ou d’inaptitude de l’ouvrage
Les consorts X sollicitent la désignation d’un de caractériser l’existence d’un dommage semblent donc être retenus.
expert judiciaire qui constate un défaut d’alti- décennal, sans méconnaître ces mêmes La Cour de cassation retient l’impropriété à
métrie de 32 cm résultant de la décision du dispositions, ensemble l’article R.462-10 du destination en cas d’erreur d’implantation
constructeur de relever le niveau de la maison Code de l’urbanisme. si l’erreur d’altimétrie entraîne un risque
pour éviter les risques d’inondation du sous- d’inondation (C. cass., 3e ch. civ., 8 avril 1998,
sol, risque constaté et confirmé au cours des L’arrêt n° 96-12.119).
opérations d’expertise. La solution de reprise Par un arrêt du 18 mars 2021, la 3e chambre de Une cour d’appel a même été censurée dès
consiste à démolir puis reconstruire l’ouvrage. la Cour de cassation rejette purement et sim- lors que : « Pour limiter la condamnation de la
Partant, les maîtres d’ouvrage assignent la plement le pourvoi au motif que « l’erreur d’im- société A [N.D.L.R. : l’assureur] à une somme
société Y et son assureur A aux fins d’être plantation faisait actuellement courir le risque de correspondant au plafond de garantie, l’arrêt
indemnisés de leurs préjudices. la démolition de l’ouvrage » de sorte que « la cour retient que seule la responsabilité contractuelle
La cour d’appel de Paris en date du 15 mai 2019 d’appel a pu, de ces seuls motifs, en déduire que du constructeur est retenue au titre de l’erreur
décide que la non-conformité de la construc- le désordre, qui rendait l’ouvrage impropre à sa d’implantation et que la police souscrite auprès
tion aux prescriptions du permis de construire destination, était de nature décennale » (C. cass., de la société A intègre une garantie “erreur
constitue un désordre de nature décennale 3e ch. civ., 18 mars 2021, n° 19-21.078). d’implantation” qui relève des garanties facul-
et que par conséquent la compagnie A doit tatives et est assortie d’un plafond de garantie ;
sa garantie décennale. La cour condamne Le commentaire en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le
ainsi la compagnie d’assurances à payer aux La notion d’impropriété à destination doit lui était demandé, si l’erreur d’implantation de
consorts X le coût des travaux de démolition- être appréciée par rapport à l’ensemble de la maison rendant nécessaire la démolition et la
reconstruction de la maison. l’ouvrage au regard de la destination convenue reconstruction de la maison ne rendait pas l’ou-
La compagnie d’assurances se pourvoit en vrage impropre à sa destination, la cour d’appel
cassation au motif que : n’a pas donné de base légale à sa décision. »
• si une erreur d’implantation non régulari- POUR EN SAVOIR PLUS (C. cass., 3e ch. civ., 4 mai 2016, n° 15-15.899).
sable, susceptible d’aboutir à la démolition En revanche, si la démolition, liée à un défaut
de l’immeuble, peut porter atteinte à la Ouvrages disponibles d’altimétrie, est justifiée uniquement pour
destination de l’immeuble et constituer un • Les notes de jurisprudence rédigées par le respecter des règles d’urbanisme, la jurispru-
désordre de nature décennale, c’est à la Cneaf (Collège national des experts architectes dence ne retient pas la notion d’impropriété à
français) dans la revue de l’Ordre Les cahiers
condition que la démolition de l’immeuble destination et préfère privilégier la respon-
de la profession.
soit certaine dans le délai décennal, ce qui sabilité contractuelle (C. cass., 3e ch. civ.,
n’était pas démontré ; 15 décembre 2004, n° 03-17.876 ; C. cass.,
• la cour d’appel qui n’a pas même constaté Agence Qualité Construction 3e ch. civ., 14 mars 2001, n° 99-14.572). Enfin,
l’existence d’une diligence quelconque de https://qualiteconstruction.com nous soulignerons, que si l’erreur d’implan-
la commune manifestant son intention de tation est constatée avant la réception des
saisir le tribunal aux fins de démolition de Cette fiche a été rédigée par Laurine Bernat, travaux, seule la responsabilité contractuelle
l’immeuble dans le délai de prescription, dans avocat à la cour. du constructeur pourra être retenue (C. cass.,
les conditions prévues à l’article L. 480-14 du 3e ch. civ., 9 juillet 2013, n° 12-10.801). n
Code de l’urbanisme, n’a pas caractérisé de
façon concrète le risque de voir ordonner la
démolition de l’ouvrage dans le délai requis ;

26 QUALITÉ CONSTRUCTION • N° 187 • JUILLET / AOÛT 2021

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