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Alexandre Galand
© Audimat Éditions | Téléchargé le 08/07/2022 sur www.cairn.info via Université Paris 8 (IP: 193.54.180.221)
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de terrain
Écouter
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2012 d'un formidable livre sur le sujet (éd. Le Mot et le Reste) et
défenseur de la sphère « terrienne » plutôt qu'humaine, aborde
ici le field recording comme écoute et usage du monde à
l'heure où celui-ci se présente comme « Capitalocène ». Selon
Galand, le microphone du documentariste doit se faire cap-
teur des fantômes qui hantent les ruines du capitalisme. Pour
nous déconditionner, nous devons prêter attention aux sons
de la faune et de la flore, mais également aux sons industriels
ou mécaniques qui résonnent à la surface de notre planète.
Écouter ces bruits, c'est les mettre en commun, les localiser,
les faire exister plus fort que les fréquences assourdissantes
de l'apathie. S'appuyant aussi bien sur l'étude des signatures
acoustiques de certains animaux que sur un disque d'enre-
gistrements de terrain réalisés dans le région de Tchernobyl,
Galand nous montre comment l'écoute de ces documents
audio peut recréer un lien entre terriens, qu'ils soient femmes,
hommes, enfants, insectes ou oiseaux.
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Où êtes-vous ?
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les Occidentaux de prédateurs comme le rat, le Huia
dimorphe rejoint la liste déjà longue des espèces éteintes
dans le cadre de ce qu’on nomme désormais la sixième
grande extinction.[2]
[1] Une première version de ce texte a été présentée lors d’une confé-
rence à Paris le 16 avril 2018 suite à l’invitation de l’Addor (Association pour le
développement du documentaire radio et de la création sonore), ainsi que de Julie
Michel et Olivier Crabbé du collectif Nightowl, que je remercie chaleureusement.
[2] Si le rapport annuel du WWF donne un aperçu global de ces
multiples phénomènes de raréfaction et d’extinction, ce sont des milliers d’études
à propos des populations d’insectes, d’oiseaux, d’amphibiens, de grands mammi-
fères… qui sonnent le glas. Le dernier rapport du WWF, en octobre 2018 : https://
wwf.be/fr/actualites/rapport-planete-vivante-2018-en-40-ans-nous-avons-perdu-
60-des-populations-danimaux-sauvages-sur-terre/ On peut également se reporter
à la synthèse d’Elizabeth Kolbert, La 6e extinction. Comment l’homme détruit la
vie, Vuibert, 2015 et aux travaux de Thom Van Dooren, par exemple Flight Ways:
Life and Loss at the Edge of Extinction, Columbia University Press, 2016.
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pénétration des mondes humains et autres qu’humains, le
chant et le cri de l’oiseau. Issu des collections du Whanganui
Regional Museum, un disque daté de 1949 et retrouvé dans
les archives du fermier et preneur de sons Robert Batley,
comprend un enregistrement d’Henare Hamana, un vieil
homme maori qui en 1909 avait guidé une expédition natu-
raliste à la recherche du Huia. On y entend le vieillard imiter
l’oiseau alors disparu depuis plusieurs décennies.[3]
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L’historien François Hartog définit notre rapport au temps
comme le « présentisme »[5]. Tandis que le futur n’est plus
le temps de promesses et d’accomplissements qu’annon-
çaient les promoteurs du Progrès, le « Passé » a depuis
longtemps été relégué au rang de l’histoire et du patrimoine.
À cheval sur la ligne du temps, nous regardons nos pieds.
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ne sont pas l’apanage de cet Anthropos, occidental, extrac-
tiviste et productiviste qui est le coupable de notre temps
de catastrophes.
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obscurs ». Tentons dès lors d’envisager ce que pourraient
être des enregistrements de terrain qui seraient autant fan-
tômes que fictions potentielles.
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d’exclusion de Tchernobyl. Là, il se pose la question de
savoir ce qu’on peut apprendre des sons qu’émettent des
lieux dangereux. Vingt ans après la catastrophe nucléaire
du 26 avril 1986, la région est toujours soumise aux effets
de la catastrophe. Cusack y scrute ses effets sur les pay-
sages, la vie animale, ainsi que le quotidien et l’imaginaire
des habitants. Il y enregistre aussi bien les chants d’oiseaux,
que ceux des femmes et des hommes. Il capte également le
son de l’électricité qui passe sans cesse dans les câbles qui
alimentent « l’arche de Tchernobyl », c’est-à-dire le dispo-
sitif de maintenance du réacteur accidenté de la centrale.
Produits avec soin, réflexion et attention, ces sons disposent
d’un puissant potentiel narratif et géopolitique. Par leur
caractère fantomatique, ils viennent interroger et bouscu-
ler la confiance renouvelée que le monde accorde encore
à l’énergie nucléaire. Rien à voir donc avec le tourisme de la
catastrophe, ce qu’on appelle parfois le « dark tourism », et
sa quête de sensations fortes.
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tion des résidents de Prypiat. Signe de son intérêt pour la
complexité et l’enchevêtrement des mondes, Cusack nous
signale que dans le folklore ukrainien, le chant du coucou
est considéré comme un indicateur du temps qui passe.
[9] Pape Møller, A., Morelli, F., Mousseau, A. T., Tryjanowski, P., « The
number of syllables in Chernobyl cuckoo calls reliably indicate habitat, soil and
radiation levels. » dans Ecological Indicators, 2016, n° 66, p. 592-597.
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le Nord du Nouveau-Mexique.[10] En s’intéressant à cette
variété, Dunn souligne un problème écologique majeur :
la prolifération des scolytes. Ces coléoptères xylophages
consomment habituellement le bois des arbres les plus
faibles et participent ainsi à la régénération des forêts.
Avec le changement climatique et les hivers plus chauds
qui en découlent, ces insectes ont tendance à se multiplier
de manière exponentielle et à décimer des forêts entières
pour satisfaire leur appétit. Par exemple, l’Ips confusus, une
espèce de scolyte, a détruit selon les endroits entre cin-
quante et cent pour cent des « pinyons » de la région prise
en compte par David Dunn.
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tions sonores. Des expériences ont montré que les insectes
étaient fort dérangés dans leur comportement, et ce qui
intéresse les conservateurs, dans leur reproduction, par
le chaos acoustique créé par David Dunn. Cet emploi du
son comme arme de lutte contre les nuisibles permettrait
d’éviter le recours aux insecticides. Bien entendu, ceci pose
question. On ne peut s’empêcher de penser aux travaux de
Juliette Volcler sur les usages militaires et policiers du son.[11]
Évoquons par exemple les bombardements sonores de
l’armée américaine en Irak, ainsi que la diffusion de heavy
metal par la même armée dans les camps de Guantanamo.
Le travail de composition de David Dunn relève d’approches
esthétiques et scientifiques, mais aussi d’une réflexion
éthique.
[11] Juliette Volcler, Le son comme arme, les usages policiers et mili-
taires du son, La Découverte, 2011 et Contrôle. Comment s’inventa l’art de la
manipulation sonore, La Découverte / La Rue musicale, 2017.
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composition sonore de David Dunn. Les Humains sont ceux
qui continuent à nier la nature, à se bercer des illusions du
progrès et à aggraver les effets néfastes du Capitalocène.
Les Terriens, par contre, sont ceux qui prennent acte cou-
rageusement des catastrophes en cours et choisissent de
revenir sur Terre, afin de retrouver des formes de complicité
propres à rendre le monde plus habitable.
[12] Voir notamment Bruno Latour, Face à Gaïa. Huit conférences sur le
nouveau régime climatique. La Découverte, 2015, ainsi que Deborah Danowski et
Eduardo Viveiros de Castro, L’Arrêt du monde dans Emilie Hache (dir.), De l’univers
clos au monde infini, Éditions Dehors, 2014, p. 271-339.
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humains, mais aussi avec les autres qu’humains. L’histoire
de l’enregistrement de terrain regorge de documents-fan-
tômes illustrant des types d’interactions que la modernité
occidentale a oubliées ou gagnerait à connaître. Ce qui est
intéressant avec notre présent, c’est qu’il nous impose un
regard neuf sur ces enregistrements. Les prises de sons ne
devraient plus être seulement considérées pour leur poten-
tiel esthétique ou informatif. Elles ne devraient plus être
envisagées dans le cadre d’une quête nostalgique d’authen-
ticité ou d’exotisme, mais bien en tant que traces et motifs
d’inspiration pour d’autres cosmopolitiques.
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Il ne veut donc a priori rien dire, si ce n’est, pour emprunter
les mots de George Sand qui était fascinée par la brio-
lée, « qu’il n’en est pas moins un beau chant, et tellement
approprié à la nature du travail qu’il accompagne, à l’allure
du bœuf, au calme des lieux agrestes, à la simplicité des
hommes qui le disent, qu’aucun génie étranger au travail
de la terre ne l’eût inventé et qu’aucun chanteur autre qu’un
fin laboureur de cette contrée ne saurait le reproduire. »[14]
Cette dernière affirmation de George Sand est tellement
vraie que cette forme musicale a disparu lors de la première
moitié du 20e siècle alors que la paysannerie occidentale
se voyait offrir le moyen de mécaniser sa manière d’user la
terre. S’il n’est pas certain que ce chant ait été enregistré sur
le terrain et s’il est même très possible qu’il ait été lissé et
discipliné pour les besoins de l’enquête, il peut cependant
être considéré comme une trace, peut-être imparfaite, mais
rare et poignante, d’un mode de collaboration entre homme
et animal qui se fait de plus en plus rare. Peut-être ne faut-
il pas seulement l’envisager comme un document figé, mais
comme un récit riche en potentialités.
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Diversité
des formes de vie
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valeur en tant que témoins de l’histoire de l’incroyable diver-
sité des formes de vie. Ils sont des preuves sonores qu’il y a
des manières distinctes d’être humain, d’être vivant. Il s’agit
par le biais de l’écoute « d’honorer des singularités », pour
reprendre l’expression de Marielle Macé dans sa synthèse
consacrée à la nécessité de construire la critique d’une sty-
listique de l’existence et des formes de vie.[15]
[15] Marielle Macé, Styles. Critique de nos formes de vie, Gallimard, 2016.
[16] Philippe Descola, « Apologie des sciences sociales », dans la Lettre
du Collège de France, mai 2013.
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mot d’ordre. Il nous faut d’autres formes de vie. »[17]
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historique, mais dynamique, et potentiellement politique de
l’enregistrement de terrain est nécessaire dans un contexte
qui impose de reconfigurer les liens qui nous attachent au
vivant, à l’altérité, à d’autres vies que les nôtres.
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tourner à petits pas autour du grain et chantent, sur l’unique
voyelle o, leur stupéfiante incantation, qui monte lentement,
comme des ténèbres souterraines s’élèvera vers la lumière la
semence qui fortifie. »
Séparer
le naturel du culturel ?
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vail... Or, ces bruits donnent un caractère intime et unique
aux interprétations. Souvent, ces bruits permettent aussi
de mieux comprendre les musiques captées. Le nettoyage
sonore visant à les éliminer est le produit d’une pensée
typiquement occidentale de la séparation. On connaît
quantité de chants et de musiques qui interagissent avec
l’environnement, qui tissent des liens entre manifestations
sonores humaines et non-humaines. Cette approche « par-
delà nature et culture » est suggérée par les travaux de
Philippe Descola, mais aussi ceux de Tim Ingold ou de John
Baird Callicott.[21]
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notre époque est justement marquée par l’altération irrémé-
diable de l’ensemble de la Terre. Choisir d’habiter nos temps
obscurs et d’écouter dans les ruines du capitalisme, cela ne
devrait probablement pas consister à entretenir le mythe de
cette fameuse wilderness, soit de la survivance d’une nature
qui n’aurait pas été transformée par la main de l’homme.
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intérieure et l’Altérité voisine autant que l’Altérité exotique ;
c’est une leçon qui s’applique tant aux hommes qu’au reste
de la nature. Et il nous faut tout particulièrement trouver
un terrain neutre commun sur lequel tous ces lieux, de la
ville à la wilderness, pourraient être inclus dans ce que nous
considérons être notre habitat. Après tout, ce dernier est
l’endroit où l’on construit sa vie, celui pour lequel on prend
des responsabilités, l’endroit que nous tentons de conserver
afin de pouvoir transmettre à nos enfants ce qu’il a (et ce
que nous avons) de plus précieux. »[23]
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approche extensive correspond, en caricaturant un peu
les choses, à la « chasse aux sons », c’est-à-dire le collec-
tionnisme et la multiplication de missions d’enregistrement
aux quatre coins du monde pour en rapporter les dernières
beautés. Comme conséquences de cette approche, l’art
d’observer s’en voit diminué, la connaissance de ce qui est
rapidement enregistré tronquée, la pertinence éthique et
politique dévoyée.
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pédagogiques et cosmopolitiques.
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musicale à partir d’objets trouvés, ou encore de la phono-
graphie animalière... En 2009, il est invité avec sa compagne
Wan-Shuen Tsai à travailler avec le village de Taoshan de
la communauté Atayal, qui est un des groupes aborigènes
de Taïwan. Là, ils s’engagent dans une démarche d’échange,
de mise en partage du regard et de l’écoute. Il s’agit de tis-
ser, de mettre en connexion des éléments qui s’ils n’avaient
été envisagés que dans une démarche extensive, n’auraient
peut-être pas émergé. Les deux artistes collectent des his-
toires, des récits historiques et des mythes auprès de la
population locale. Cette approche relève de l’enquête et
met en jeu une curiosité réciproque.
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semailles du millet mentionné plus haut. Lors des ateliers
de création sonore, les enfants ont également trouvé leur
inspiration dans les cris stridents, les coassements et autres
structures complexes des productions sonores animales.
Pistage écosensible
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positif de réflexion visant à favoriser différents modes de
cohabitation.[26] Le pistage écosensible est un de ces outils.
Le pistage entretient plus d’un lien avec l’enregistrement de
terrain. Il s’agit dans les deux cas d’un art de l’écoute, d’une
pratique de l’attention aux signes et aux traces, d’une quête
patiente de l’invisible. L’expression « chasseur de sons »,
même si elle est rejetée par les preneurs de sons à cause de
son association à la chasse, souligne bien cette proximité.
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peut plus être considéré selon la vision des Modernes occi-
dentaux, c’est-à-dire comme inerte, indifférencié, séparé,
prêt à être exploité. Non, le monde ainsi envisagé est animé,
il bruisse de vies, déborde de potentialités écologiques,
mais aussi géopolitiques.
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c’est-à-dire les sons issus de l’activité humaine. « Il n’y a pas
de silence » donc, mais si au cours de sa vie, Bernie Krause a
archivé les sons de plus de 15 000 espèces animales, il nous
apprend que près de 50 % de ces sons sont aujourd’hui
dégradés ou éteints.
Perspectivisme
[28] Les disques de Bernie Krause sont édités par le label Wild
Sanctuary. Une exposition a été consacrée à son travail par la Fondation Cartier
pour l’art contemporain en 2016-2017, Le grand orchestre des animaux. Voir par
ailleurs Bernie Krause, Le grand orchestre animal, Flammarion, 2013 et Chansons
animales et cacophonie humaine : Manifeste pour la sauvegarde des paysages
sonores naturels, Actes Sud, 2016.
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vie en faisant l’effort d’imaginer comment celles-ci voient le
monde, en font usage et vivent leurs relations inter- et intra-
spécifiques. Pour être efficace, le pisteur doit, en effet, se
mettre dans la peau de l’animal qu’il suit.
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Il y a bien entendu une dimension poétique et fictionnelle
dans ces extraits. Aussi perspectivistes soient-elles, notre
volonté et nos techniques ne peuvent nous donner entiè-
rement accès aux mondes de cet autre qu’humain qu’est
le lapin.
Suite [30] —> Voir également l’association Allo la Terre et la réédition en 2017 par
l’Institute for Danish Sound Archaeology de ses disques Images et Ambiances parus
en 1972 sur le label l’Oiseau musicien.
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qu’on pourrait aisément emprunter une des définitions que
donne Walter Benjamin de l’aura qui est " l’unique appari-
tion d’un lointain, même proche" ».[31]
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telles « promenades en des mondes inconnaissables »,
comme des tentatives d’incursions dans d’autres Umwelten,
pour y entendre d’autres mélodies et formes de la vie.
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SOLEILS-FILAMENTS
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