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Chapitre I : Les huiles

essentielles

Chapitre I : Les huiles essentielles

I.1. Historique

Les huiles essentielles sont connues et utilisées depuis la plus haute antiquité.
Environ 4 000 ans avant Jésus-Christ, en effet, leurs diverses propriétés étaient
exploitées en parfumerie, en cosmétique et en pharmacothérapie par les Egyptiens, les
Perses, les Indiens, les Chinois, les Grecs et les Romains. Les Egyptiens, en
particulier, extrayaient déjà, par distillation sèche, l'essence du bois de cèdre et
l'utilisaient comme parfum pour embaumer les morts. La première essence signalée
dans un traité médical est celle de romarin utilisée au 13 ème siècle pour ses propriétés
curatives (Lograda et al., 2010).

L'hydrodistillation qui est la technique la plus courante pour l'extraction des


huiles essentielles fut découverte par les Chinois vers l'an 2 000 ans avant Jésus-
Christ. Elle s'est ensuite répandue dans tout le monde antique (Logradaet al., 2010).

De nos jours, la recherche, par les parfumeurs de senteurs toujours nouvelles et


le regain d’intérêt du grand public pour les médecines douces ont favorisé le
développement de la chimie et de la technologie des huiles essentielles (Ouamba,
1991).

I.2. Définition

Une huile essentielle est un liquide aromatique issu de plantes. On l’extrait de certaines
organes-fleurs, feuille, écorce, racine, graine-de plantes dites aromatiques. Car riche en
essence odorante, elle a des actions différentes par rapport aux autres extraits de plantes.
Encore appelées « essences », « essences aromatiques », ou « huiles volatiles». On peut dire
que ce sont des super-concentrés de plantes (Festy, 2012).

Propriétés des huiles essentielles :

Elles sont touts antiseptiques des intoxicantes revitalisantes et électives, de plus,


elles ont chacune des propriétés spécifiques, les mélanges d’HEs en synergie

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augmentent les bienfaits des HEs par rapport à une indication donnée (Grosjeau,
2010).

I.3. Localisation et stockage

Le végétal aromatique fabrique de faibles quantités des huiles


essentielles dans ses cellules excrétrices, de 0.01% à 5% de son poids
(Degryse et al., 2008), qu'il concentre ensuite dans tous ses organes ; par
exemple : dans les sommités fleuries (menthe, lavande), les feuilles
(eucalyptus, laurier), les rhizomes (gingembre), les fruits (agrumes, badiane,
anis), les racines (vétiver), les graines (muscades), bien que cela soit moins
habituel dans des écorces (cannelier) (Yahyaoui, 2005).

Les HEs sont élaborées par des glandes sécrétrices qui se trouvent sur
presque toutes les parties de la plante. Elles sont sécrétées au sein du
cytoplasme de certaines cellules spécialisées (Degryse et al., 2008), des
poches sécrétrices schizogènes (myrtacées), des canaux sécréteurs
(térébinthacées, ombellifères) (Fig. 01) (Malekey, 2008) ou se rassemblent
sous forme de petites gouttelettes comme la plupart des substances lipophiles
(Bouamer et al., 2004).

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Figure 01: Quelques organes sécréteurs des huiles essentielles


(Tayoub, 2006)

I.4. Biosynthèse

La biosynthèse des huiles essentielles emprunte deux voies utilisant


comme intermédiaires soit l’acide mévalonique, soit l’acide shikimique,
respectivement pour les terpénoïdes et les phénylpropanoïdes (Fig. 02)
(Helander et al., 1998).

Figure 02: Voies de la synthèse des terpènes et des phenylpropanoïdes


(Benchaar et Greatherd, 2011)
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I.4.1. Biosynthèse des terpènes

L’unité de base de la biosynthèse des terpènes est en réalité


l’isopentényl diphosphate (pyrophosphate d’isopen tén-3yle : PPI 3) et son
isomère le diméthylallyl diphosphate (pyrophosphate de diméthylallyle : PPI 2)
(Fig. 02). Deux voies de biosynthèse conduisent à ces unités de base à 5
atomes de carbone : La première est la voie du mévalonate et la seconde est
celle du méthyl érythritol phosphate (Benchaar et Greatherd, 2011).

 La voie du mévalonate
Cette voie prend son origine au niveau de l’Acétyl Coenzyme A
(CH3COS CoA), produit de la glycolyse (catabolisme des sucres). Elle débute
par la condensation de trois unités d’Acétyl CoA, passe par un composé en
C6 (le mévalonate) et conduit au PPI 3. Après hydrolyse et réduction par le
NADPH (Nicotine Adénine Di nucléotide Phosphate), l’acide mévalonique se
forme (MVA) (Benchaar et Greatherd, 2011). La déshydratation et la
décarboxylation de l’acide mévalonique par une élimination concertée après
sa pyrophosphorylation par l’ATP (Adénosine tri phosphate), permettent
d’aboutir aux deux intermédiaires en C 5, bio-précurseurs des terpènes: le
isopentényle diphosphate et le diméthyl allyle diphosphate. Ces deux
intermédiaires réagissent entre eux pour générer le pyrophosphate de
géranyle (PPG) point de départ de tous les monoterpénoïdes. La
condensation d’une autre unité de PPI 3 sur le pyrophosphate de géranyle
donne le pyrophosphate de farnésyle, précurseur de tous les sesquiterpènes.
Selon ce processus, les autres terpénoïdes sont obtenus (Fig. 02) (Benchaar
et Greatherd, 2011).

 La voie du méthyl érythritol phosphate


La voie du méthyl érythritol phosphate (MEP) ou encore nommée voie
non mévalonique, se fait au niveau des plastes. Elle commence par la
condensation d’une unité pyruvate (C3) avec une unité de glycéraldéhyde 3-
phosphate (C3) et conduit au méthyl érythritol phosphate, un composé
intermédiaire en C5. Plusieurs étapes enzymatiques conduisent ensuite à la
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synthèse de PPI3 (Fig. 03). Cette voie n’a été mise en évidence qu’à la fin des
années 90, mais elle s’est rapidement avérée être la voie majoritaire pour la
biosynthèse de la majeure partie des terpènes (Benchaar et Greatherd,
2011).

Figure 03: La voie du méthyl érythritol phosphate (Benchaar et Greatherd,


2011)

I.4.2. Biosynthèse des phénylpropanoides

La biosynthèse des dérivés du phénylpropane se fait par l’intermédiaire


de l’acide shikimique qui représente le principal mode d’accumulation des
phénols dans les plantes (Fig. 02). Cet acide est obtenu par condensation de
l’acide pyruvique activé par phosphorylation sur un sucre phosphorylé.
L’addition d’une deuxième molécule d’acide pyruvique activé fournit l’acide
préphénique qui par déshydratation et décarboxylation donne l’acide
phénylpyruvique. Cet acide aromatique se transforme en phénylalanine, acide
aminé aromatique, qui est à l’origine du métabolisme des composés
aromatiques (Hahlbrock and Scheel, 1989 ; Benchaar et Greatherd, 2011).

I.5. Propriétés physiques

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Les huiles essentielles sont en général liquides à température


ambiante, volatiles, d’odeur très forte, incolores, jaunes pâles ou quelques fois
bleues. Leur indice de réfraction est élevé et leur densité est inférieure à 1
sauf pour celles de clou de girofle, cannelle et Sassafras. Elles sont insolubles
dans l’eau mais solubles dans les solvants organiques (éther, alcool, hexane,
pentane, …) et s’oxydent au contact de l’aire et de la lumière (Téusher,
2005).

Les huiles essentielles diffèrent des huiles grasses par leurs propriétés
physiques et leur composition, car ils s'évaporent lorsqu'elles sont chauffées
et leurs taches sur le papier sont temporaires (Sallé, 1991).

I.6. Composition chimique

Comme toute substance, les HEs se caractérisent par une composition chimique
analysable et très variable. Le nombre de composants isolés est d’environ des
milliers et il en reste beaucoup à découvrir. Ces constituants appartiennent, de
façon quasi exclusive, à deux groupes caractérisés par des origines biogénétiques
distinctes: le groupe des terpénoїdes (les composés terpéniques) et le groupe des
composés aromatiques dérivés du phenylpropane, beaucoup moins fréquents.
Elles peuvent également renfermer divers produits issus du processus de
dégradation mettant en jeu des constituants non volatils (Festy, 2012).

I.6.1. Composés terpéniques

Les terpènes sont des hydrocarbures formés par assemblage de deux


ou plusieurs unités isopréniques. Ce sont des polymères de l’isoprène de
formule brute (C5H8)n (Bruneton, 1993). Selon le nombre d’unités associées,
on distingue : les mono- en (C 10); les sesqui- en (C15); les di- en (C20) ; les
tri- en (C30); les tétra- en (C40) et les poly- en (Cn) terpènes. Ces unités

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peuvent se lier entre elles par des liaisons dites irrégulières de type artémésyl,
santolinyl, lavandulyl et chrysanthémyl (Guignard, 2000).

Les terpènes sont des structures très diverses (acycliques,


monocycliques, bicycliques, …) (Fig. 04) et contiennent la plupart des
fonctions chimiques des matières organiques (Poulter et al., 1977).

Figure 04 : Structures chimiques de quelques composés terpènoides


(Bakkali et al., 2008)

I.6.2. Composés aromatiques

Les composés aromatiques dérivent du phénylpropane (C 6-C3). Ils


sont moins fréquents que les terpènes. Cette classe comprend des composés
odorants comme la vanilline, l’eugénol, l’anéthole, l’estragole, …
(Fig. 05). Ils sont fréquemment rencontrés dans les huiles essentielles

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d’Apiaceae (anis, fenouil, persil, …) et sont caractéristiques de celles de la


vanille, de l’estragon, du basilic, du clou de girofle. Ils se distinguent entre eux
par le nombre et la position des groupements hydroxyle et méthoxy, la
position de la double liaison de la chaîne latérale, allylique ou propénylique et
le degré d’oxydation de la chaîne aliphatique (alcool, aldéhyde, cétone ou
acide,…) (Kurkin, 2003).

Figure 05 : Structures chimiques de quelques composés aromatiques des


huiles essentielles (Bakkali et al., 2008)

I.6.3. Composés d’origines diverses

En général, les composés d’origines variées de faible masse


moléculaire, entraînables lors de l’hydrodistillation, sont des hydrocarbures
aliphatiques à chaîne linéaire ou ramifiée porteurs de différentes fonctions. A
titre indicatif, on peut citer l’heptane et la paraffine (camomille), l’acétate de
butyle (pomme), l’acétate d’isoamyle (banane), l’octanal et le décanal (Citrus),
… (Selles, 2012).
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I.7. Rôles dans la plante

Longtemps considérées comme des produits du métabolisme et de


défense de la plante, les huiles essentielles sont vues attribuées plus
récemment un rôle de mobilisateur d'énergie lumineuse et de régulateur
thermique au profit de la plante. En effet, par l'intermédiaire de leurs
constituants riches en doubles liaisons conjuguées, elles participent à la
régulation thermique: elles absorbent de la lumière et de la chaleur au cours
de leur évaporation, limitant ainsi, la quantité de chaleur atteignant les tissus
de la plante et de ce fait, la transpiration (Belaiche, 1979).

Les travaux de ces dernières années ont montré que les mono et les
sesquiterpènes considérés traditionnellement comme des produits du
métabolisme sans fonction, peuvent jouer des rôles très variés et importants
dans la médiation des plantes avec l'environnement. C'est le cas du
l,8-cinéole et du camphre qui inhibent la germination des organes de
propagation ou d'infection et la croissance des agents pathogènes et de ce fait
agissent comme agents allélopatiques, ou des groupes cyclopropyles et
furanne qui donnent un grand degré de stabilité biologique avec une
possibilité d'être toxiques pour les autres formes de vie. La participation de
mono terpènes de Pinaceae dans le système de défense et dans la réponse à
l'attaque induite par les coléoptères est bien connue comme est connu un
grand nombre de phytoalexines sesquiterpéniques qui s'accumulent comme
conséquence d'infection ou d'autres traumatismes (Capo et al., 1990).

Grâce à leur pouvoir attracteur sur les insectes, certaines huiles


essentielles favorisent la pollinisation. D'autres par leur pouvoir d'irritation
protègent la plante contre les parasites et les animaux nuisibles (Belaiche,
1979).

I.8. Domaines d’utilisation

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Les huiles essentielles sont largement utilisées dans la vie quotidienne ;


en alimentaire, aromathérapie, chimie, agriculture, parfumerie et cosmétique.
En alimentation, les huiles essentielles sont utilisées comme condiments,
parfums ou épices. C'est le cas du gingembre, des clous de girofle, de l'extrait
de vanille, du basilic, du poivre, des agrumes, …. Les industries
pharmaceutiques profitent de ses propriétés bactériostatiques, fongicides,
insecticides, .... On connaît par exemple que la peste (1720), la grippe
espagnole (1918), la dysenterie amibienne (1938) et les maladies pulmonaires
(1947) ont été combattues grâce aux huiles essentielles (Roux et Catier,
2007). Ces huiles essentielles sont souvent utilisées dans les industries de la
parfumerie et de la cosmétique de base. C'est le cas des essences de rose,
d'ylang-ylang, de lavande, de vétiver, du jasmin, ... L'industrie chimique extrait
certaines huiles essentielles et convertit les matières premières en produits
chimiques plus fins (Grysole, 2004). Enfin, les huiles essentielles des plantes
font partie ces dernières années des voies les plus explorées dans la
régulation des ravageurs. Leur toxicité s’exprime de différentes manières ;
activités ovicides, larvicides et anti nutritionnelles (Roger, 2002). Leur effet
insecticide par contact et par ingestion a été bien démontré contre les
déprédateurs des denrées entreposés et les nématodes (Amjed, 2005). Elles
possèdent également des effets biocides contre les parasites spécifiques et
des actions bactéricides et fongicides contre quelques agents pathogènes
importants de plantes (Zoubiri et Baaliouamer, 2011).

I.9. Méthodes d’extraction

Différentes méthodes sont mises en œuvre pour l’extraction des


essences végétales (Tableau 01). En général, le choix de la méthode
d’extraction dépendra du matériel végétal à traiter (graines, feuilles, rameaux),
de la nature des composés (flavonoïdes ou tanins, par exemple), du
rendement en l’huile et de la fragilité de certains constituants des huiles aux
températures élevées (Crespo et al., 1991 ; Hellal, 2011).

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Tableau 01: Principales méthodes d’extraction des huiles essentielles


Méthodes Références
d’extraction Principe bibliographiques
Le matériel végétal à distiller est placé dans
un ballon avec de l’eau, en chauffant, l’eau
s’évapore entrainant avec elle les molécules
aromatiques. En passant dans un réfrigérant, l’eau
se condense. Elle est ensuite récupérée dans un
erlenmeyer où on distingue deux phases : l’huile
essentielle et l’eau aromatique (ou hydrolat)

Bruneton (1999),
Hydrodistillation Lucchesi (2005),
Originale (2022)

Le matériel végétal ne se macère pas


directement dans l’eau, il est placé sur une grille
perforée au travers de laquelle passe la vapeur
d’eau. Cette dernière endommage la structure des
cellules végétales et libère ainsi les molécules
volatiles qui sont ensuite entraînées vers le
réfrigérant.
Franchomme et
al. (1990),

Entraînement à la Richard (1992),

vapeur d’eau Lucchesi (2005)

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Méthodes Principe Références


d’extraction bibliographiques
Cette technique consiste à faire passer du
haut vers le bas et à pression réduite (0,02-0,15
bar), la vapeur d’eau à travers la matière végétale.

Franchomme et
al. (1990),
Hydrodiffusion Richard (1992),
Lucchesi (2005)

Il s’agit du plus simple des procédés mais ne


s’applique qu’aux agrumes. Le principe de ce
traitement mécanique est fondé sur la rupture des
péricarpes riches en cellules sécrétrices en
essences. L’essence libérée est recueillie par un
courant d’eau puis est isolée par décantation.

Dugo et
Extraction à
DiGiacomo
froid
(2002), Roux
(2008)

La matière végétale est chauffée par micro-


ondes dans une enceinte close dans laquelle la
pression est réduite de manière séquentielle. Les
composés volatils sont entrainés par la vapeur
d’eau formée à partir de l’eau propre à la plante. Ils
sont ensuite récupérés à l’aide des procédés

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Principe Références
Méthodes
bibliographiques
d’extraction
classiques: condensation, refroidissement et
Extraction assistée décantation. Hemwimon et al.
par micro-ondes (2007)

Cette méthode consiste à pratiquer une


diffusion des composés odorants dans une masse de
matière grasse animale. Si le procédé se fait à froid, il
s’agit d’une extraction par enfleurage, si par contre, il
se pratique à chaud, les graisses étant fondues au
bain-marie (50°C-70°C), il s’agit alors d’une digestion

Besombes
(2008)
Enfleurage

1 : Foyer, 2 : Chaudière, 3 : Vase à fleurs, 4 :


Vidange de condensation, 5 : Col de cygne, 6 :
Réfrigérant avec serpentin, 7 : Sortie d’eau chaude,
8 : Arrivée d’eau froide, 9 : Essencier servant à la
décantation de l’essence et de l’hydrolat

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