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Mise à part cette complexité, la vie religieuse en Haïti intéresse beaucoup de

chercheurs. Bien entendu, de nombreuses recherches ont été réalisées pour mettre en
lumière la réalité du culte vaudou en Haïti et ses impacts sur le croire haïtien, dont la
majorité a été effectuée par des chercheurs étrangers8. Ces recherches se donnaient
plusieurs objectifs divergents. Certain chercheurs qui s’intéressent à la culture haïtienne
sont obligés d’étudier le vaudou afin de mieux comprendre cette culture dans sa
globalité. D’autres l’ont abordée dans le but de valoriser les éléments du culte vaudou
en Haïti. Puis, un dernier groupe de chercheurs a voulu montrer par un discours
théologique à visée apologétique que le vaudou est un système diabolique, opposé au
progrès. La même tendance est visible à l’inverse : ceux qui sont pour le vaudou
accusent aussi le christianisme haïtien.
La plupart de ces recherches et surtout celles de notre dernière catégorie ne font
qu’augmenter la tension entre les vodouisants et les chrétiens en Haïti. Car, qu’on le
veuille ou non, Haïti est un pays très religieux. Et la religion joue un rôle majeur dans
l’affermissement du pays. Dans son ouvrage, Haïti et la mondialisation de la culture,
François Houtart retrace l’importance de la religion dans la société haïtienne en ces
termes :
6 J.RICHARD, « Thèses pour une théologie pluraliste des religions », in : Laval théologique et
philosophique, p. 27-42, vol. 58, n° 1, 2002, p. 29.
7 Les spécialistes du vaudou (ou vodou) ne s’entendent pas sur l’orthographe du mot. Voilà la raison qui
explique la double représentation orthographique du concept. Donc, dans le cadre de ce travail de
recherche, le terme vaudou est utilisé à la place de vodou et vodouisant au lieu de vaudouisant. En ce sens
nous adoptons la structure orthographique de Laennec Hurbon, l’un des plus grands spécialistes du
vaudou haïtien. Toutefois, nous tenons à respecter l’orthographe utilisée par les auteurs. Cela veut dire
que les mots vodou et vaudouisant ne seront utilisés dans le texte que dans les citations des auteurs qui
adoptent cette orthographie.
8 R. BASTIDE, W. SEABROOK, A. CORTEN, L. DELISLE, A. METRAUX et d’autres écrivains
étrangers peuvent faire partir de cette liste.
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La religion imprègne profondément la culture haïtienne. Pratiquement, tous les aspects de cette dernière
sont traversés de références religieuses. Cela s’est manifesté dans l’histoire, comme dans le présent.
Qu’on se rappelle le rôle du vodou dans la résistance des esclaves(…). Le catholicisme, a joué un rôle
important dans le système scolaire. Mais aussi sous la forme du mouvement de « Ti Kominote Legliz
»(les communautés ecclésiales de base), il a une part importante dans la légitimation de la résistance à la
dictature. Les Eglises protestantes ont introduit le pluralisme religieux au sein du christianisme et
l’accélération de la croissance de nouveaux mouvements religieux, surtout pentecôtistes, est un des
aspects très notables de la réalité culturelle contemporaine. 9
Le constat de F. Houtart est juste car Haïti a bénéficié de ce qu’elle est aujourd’hui
grâce à la religion chrétienne10. Le conflit ne sera pas profitable à la société, ni au
vaudou11, ni au christianisme. Il faut donc que le problème de leur cohabitation dans un
même pays soit étudié, afin que des pistes de solutions soient proposées.
Le point de départ de toute réflexion sur la coexistence religieuse en Haïti devrait être
une politique religieuse ou sociologique visant à aider les adeptes de la religion vaudou
et ceux du christianisme à considérer le pluralisme religieux comme un fait. Car avant
d’arriver à accepter l’autre, il faut être d’abord conscient que son existence est
inéluctable. Suivant Jean-Marc Aveline, cité en épigraphe de l’ouvrage titré :
L’hospitalité divine : L’autre dans le dialogue des théologies chrétienne et musulmane,
« la pluralité culturelle et religieuse est devenue une réalité de plus en plus courante qui
génère de nouvelles questions concernant tout autant l’acte de croire que l’art de vivre
ensemble. Ces questions, prises en compte par les différentes sciences humaines,
stimulent également la recherche théologique en vue d’un renouvellement de
l’intelligence de la foi par la pratique du dialogue 12». Les recherches sur la coexistence
religieuse ne doivent pas se limiter aux facteurs qui divisent, mais nécessitent une
véritable remise en question de ce qu’on l’on considère comme obstacles à la
cohabitation et au dialogue.

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