Face à ce constat au niveau de la société haïtienne, plusieurs questions s’imposent :
- Qu’est-ce qui est à la base de ce conflit religieux en Haïti ?
- Quelle est la nature des rivalités entre les chrétiens et les vodouisants en Haïti ? - Que faudrait-il faire pour favoriser un pluralisme religieux tolérant en Haïti ? - En quoi un dialogue chrétien/vaudou est-il nécessaire dans le cas d’Haïti ? 9 F. HOUTART, Haïti et la mondialisation de la culture, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 88. 10 Les meilleurs hôpitaux, les écoles catholiques et protestantes sont les plus illustres du pays. 11 Les chercheurs sur le vaudou ont utilisé deux orthographes différentes : vaudou et vodou. Donc, selon la source, les deux vocables peuvent être utilisés. Mais quand nous faisons notre propre analyse, nous allons employer l’orthographe vaudou, et pour les adeptes de cette religion, le concept vodouisant sera utilisé comme l’a fait Laennec Hurbon et d’autre spécialistes du vaudou haitien. 12 F. DAOU, N. TABBARA, L’hospitalité divine : L’autre dans le dialogue des théologies chrétienne et musulmane, Berlin, Lit, 2014, p. 7. 20 - Quelle méthode de dialogue serait la plus adaptée au contexte de la coexistence christianisme/vaudou en Haïti ? Nous partons du constat de deux types de mouvements apparemment contradictoires entre ces religions : d’une part une opposition farouche ; mais aussi d’autre part des emprunts mutuels. La réalité la plus visible est celle de l’antagonisme. Penser à un dialogue entre une religion de type historique et une religion traditionnelle est une chose très difficile. Des organisations chrétiennes ont tenté de développer des activités sociales entre chrétiens et vodouisants, mais toutes ces tentatives sont très mal vues par les deux camps : les vodouisants ont peur d’être christianisés, les chrétiens (les protestants en particulier) ont peur d’être paganisés. Les chrétiens se questionnent en des termes tels que « quel rapport y a-t-il entre lumière et ténèbres, quelle relation peut-il avoir entre les enfants de Dieu et ceux du diable ? » La sorcellerie, la magie, le loup-garou et la zombification sont parmi les termes utilisés par les chrétiens pour parler du vaudou en Haïti. Cela revient à dire que notre première difficulté est d’ordre doctrinal et éthique. La pluralité religieuse en Haïti exige que les chercheurs explorent non seulement les facteurs influençant ces antagonismes, mais surtout, qu’ils réfléchissent comment ces différends peuvent être vus dans le sens d’un partage de ce qui est constructif dans chaque religion, pour le bien du pays. Selon les témoignages de la Bible et ceux des premiers chrétiens, la vie chrétienne est marquée par le désir de partager, de témoigner de la vie et l’œuvre de Jésus-Christ. Il est un devoir pour le chrétien de proclamer Jésus-Christ à travers sa relation avec les autres. Pourtant, dans sa mission d’évangélisation en Haïti, le christianisme a utilisé diverses méthodes qui pourraient prêter à équivoque. Les entreprises les plus controversées sont la campagne contre le vaudou, communément appelée « la campagne des rejetés »13, entreprise par le catholicisme contre le vaudou, où plusieurs prêtres vaudou ont été massacrés et des temples vaudou incendiés. Chez les protestants, il existe une sorte de dépréciation publique des valeurs vaudou par une promotion d’une culture chrétienne, dans le but de faire disparaître la culture haïtienne, sous prétexte que celle-ci est « envaudouisée ». Cette forme d’évangélisation chrétienne aboutit à au moins trois conséquences majeures : premièrement, le syncrétisme religieux (chrétien vodouisant ou vodouisant chrétien), deuxièmement, il s’agit d’une sorte de conversion émotionnelle au christianisme, enfin l’intolérance religieuse. 13 La campagne des rejetés fut une lutte atroce contre le vaudou. M. Péan rapporte dans son ouvrage titré Illusio