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Chapitre 6

La Mission et la culture

'ai eu l'occasion de lire le très beau livre de Frison Roche,


L'esclave de Dieu 58. C'est une épopée extraordinaire et auth-
entique que relate l'auteur. ElIe se déroule entre 1827 et
1828. Le héros est un jeune Français d'apparence fragile et fils
de bagnard. Son nom est René Caillé. Seul, sans aucune aide et
sans argent, il va réussir la plus grande exploration du siècle,
celle d'atteindre Tombouctou (Mali), la mystérieuse ville
africaine musulmane, aux sept portes d'or et surtout en revenir.
Aucun Européen n'y était parvenu, jusque-là, malgré le soutien
de fortes expéditions militaires.
Comment René Caillié s'y est-il pris? Selon l'auteur : Æn
faisant sien le proverbe arabe qui dit que le haillon du mendiant
est moins voyant que la tunique du roi, en apprenant le Coran,
au point de devenir aux yeux de tous un vrai musulman, et en
voyageant sous le nom d'Abdalli, "l'esclave de Dieu".
J'ai été impressionné en découvrant au travers de ma lecture
à quel point cet homme avait su apprendre, comprendre la
culture d'un peuple et enfin s'identifier à celle-ci pour atteindre
son objectif. René Caillié a pu ainsi réussir la plus grande
exploration du siècle en franchissant en 1828 les portes de
Tombouctou.
La culture est un des points importants que nous devons
considérer dans le contexte de l'expansion de l'Évangile dans le
monde. Le monde est constitué de continents, de pays, d'États, de
milieux socioculturels différents. Il est une mosaïque de peuples,
d'ethnies, de races avec des cultures, des traditions et des
coutumes diverses. On parle dans le monde toutes sortes de
langues et les règles de vie sont aussi nombreuses que les
langues. Les religions elles-mêmes font partie intégrante de la
culture.
Le christianisme est né dans une culture particulière tout en
ayant une vocation, une expansion et une intégration universelle,
apttre 6
86

Paul qui était Juif, a écrit aux Grecs de Corinthe: "Avec les
Juifs, j'ai été comme un Juif, afin de gagner les Juifs; avec qui
sont sous la loi (quoique je ne sois pas sous la loi, comme sous
la loi), afin de gagner ceux qui sont sous la loi... (1 Co 9,2)]
Le concept de la culture n'est pas très facile à définir. Il
est souvent utilisé en anthropologie (culturelle ou sociale),
mais aussi en missiologie moderne.
Le Dictionnaire Larousse définit la culture comme un
„ensemble de structures sociales et des manifestations artis_
tiques, religieuses, intellectuelles qui définissent ur groupe, une
société par rapport à une autreS9
Selon John Mbiti: "La culture, c'est la façon de vivre qui est
élaborée en réponse à l'enseignement de l'homme. Le modèle de
vie s'exprime dans des formes physiques (agriculture, art,
technologie, etc.), dans les relations entre les hommes
(institutions, lois, coutumes, etc.), et dans la réflexion provoquée
par la réalité globale de la vie (langue, religion, valeurs
spirituelles, conception du monde, mystère de la vie, de la
naissance et de la mort, etc..
Eugène A, Nida nous dit: "La culture représente l'ensemble
des moyens par lesquels les hommes agissent et entrent en
relation les uns avec les autres et avec le monde, en donnant une
forme à leur pensée et à leur vie individuelle et collective..
Nous n'allons pas examiner la question de la culture dans
toute sa dimension mais essayer de la considérer dans le contexte
particulier de l'évangélisation.
Rappelons-nous qu'au travers de l'histoire humaine, la
culture et la religion ont toujours été étroitement liées. La
religion est une des composantes de la culture et son influence
est très forte.
Dans un article, qui avait paru il y a plusieurs années, dans
la revue Perspectives missionnaires, Stephen Neill écrivait:
ne trouve aucune grande religion qui ne se soit exprimée en
dehors d'une culture importante, aucune culture qui n'ait été
grande et qui n'ait plongé de profondes racines dans une
religion60.
Nous savons bien que chaque individu vit dans un cadre
culturel donné et qu'il a une certaine conscience de son identité et de
son appartenance à sa culture.
et culture
Le pasteur Kassoum Keita du Mali disait une fois « La
culture, c'est la façon de vivre qui s'est élaborée en réponse a
i.a la

l'envitonnement de l'homme, Le modèle de Vie s'exprime dans


des tórmes physiques (agriculture, arts, technologie, etc.), dans
les relations entre les hommes (institutions, lois, coutumes, etc.)
et dans la réflexion provoquée par la réalité globale de la vie
(lingue, philosophie, religion, valeurs spirituelles, conception
du monde. mystère de la vie, de la naissance et de la mort61."
culture s'exprime donc d'une façon générale sous des formes
phv,siques, sociales, philosophiques et religieuses, Elle a aussi
des motivations et des buts. La culture recouvre des
domaines tels que la technologie, l'activité d'un peuple, la lan
tvligion. les rites et les mythes. La situation géographique, l'histoire.
l'herédité et le contexte social jouent aussi, dans une grande mesure,
un rôle dans la culture.
Il est donc important de réfléchir à la proclamation de
Itvangile et li la vies de l'Eglise dans l'univers culturel qui lui est
propre.
Nous remarquons donc que nous touchons à un domaine
complexe parce que le message de l'Évangile en particulier est à
la fois radical. transcendant et distinct de la culture tout en s'y
incarnant. L'Évangile a des exigences et des valeurs bibliques
qui amènent une certaine confrontation avec la culture. Il y a
des parties de nos cultures qui sont incompatibles avec
l'Évangile, mais cela ne veut pas dire pour autant, que nous
devons rejeter notre culture pour accepter et vivre l'Evangile.
Nous devons soumettre notre culture à l'autorité de l'Évangile, à
son message, à ses principes, à son éthique et à ses valeurs.
L'Evangile ne détruit pas la culture, il la sanctifie et l'enrichit.
C'est encore Kassoum Keita qui clit: .L'ÉvangiIe purifie et
dépaganise notre culture, elle la pénètre, s'y établit pour y
exercer une influence sur notre vie entière62.

Le christianisme a été et il est encore en compétition


avec d'autres formes de pensée et de religions. C'est
inévitable à cause de son caractère; mais en même temps il
s'implante et S'incarne dans la culture, ce qui se vérifie en
88

considérant l'histCire : l'expansion, la proclamation et la


communication de l'Evangile se sont faites dans des
environnements culturels divers : juif, asiatique, grec,
romain. On y voit rapidement surgir des confrontations
accompagnées d'opposition religieuse et politique.
Chapitre 6

"Mais les Juifs excitèrent les femmes dévotes de dis_


tinction et les principaux de la ville; ils PrOVOquèrent
une persécution contre Paul et Barnabas et ils les
chassèrent de leur territoire" (Ac 1350).

«Ces gens qui ont bouleversé le monde, sont aussi


venus ici, et Jason les a reçus. Ils agissent tous
contre les édits de César, disant qu'il y a un autre roi,
Jésusn (AC 1767).

Nous remarquons aussi que la pénétration de l'Évangile


dans les cultures est purificatrice et qu'elle transforme les cœurs,
ainsi que certaines habitudes et traditions. Jésus a clairement
établi la primauté de la Parole de Dieu sur les traditions
religieuses.
Les chrétiens ont certainement dû chercher la juste attitude
à l'égard de certains usages religieux incorporés étroitement dans
la culture vécue. Pensons aux dangers de pratiques qui risquaient
d'influencer les chrétiens de Corinthe. Paul le mentionne dans 1
Corinthiens 10, avec la question du repas du Seigneur, opposé
au repas païen.

d Vous ne pouvez boire la coupe du Seigneur, et la


coupe des démons ; vous ne pouvez participer à la
table du Seigneur, et à la table des démons" (1 Co
10.21).

Nous avons à faire face, dans n'importe quel environnement


culturel, à des choix décisifs quant à des pratiques particulières.
Certaines coutumes dans ma culture sont-elles compatibles
avec l'Évangile?
et culture
Il ne s'agit pas forcément de pratiques ou de coutumes
comme celles mentionnées par l'apôtre, mais d'autres plus
subtiles, ayant des apparences plus « modernes» et plus
"civilisées"'
Pensons en Amérique du Nord à l'Halloween, en France à
Mardi Gras, ou à certaines pratiques qui accompagnent
"l'enterrement de la vie de garçon n, voire la coutume de
l'arbre de Noël. Certaines de ces coutumes et d'autres qui sont
pratiquées, peuvent être des sujets de controverses dans
certains milieux chrétienS•
Ma culture comprend-elle donc des pratiques qui doisent
être abandonnées et d'autres pas?
Mission et culture 90
ia

Nous pensons souvent à l'idolâtrie, à la sorcellerie, au


cannilyalisme et à la prostitution rituelle dans certaines
sociétés et nous oublions que les sociétés occidentales, dites
développées et christianisées, ont les mêmes problèmes sous
des noms différents. II suffit de consulter l'annuaire
téléphonique ou de se promener dans un centre commercial
pour vérifier la présence active des astrologues et des
médiums informatisés.
Dernièrement, dans un centre commercial de mon quartier,
à Montréal, il y a eu une semaine entière consacrée à
l'astrologie.
11 y a des pratiques et des comportements de vie hérités
de notre environnement culturel qui ne doivent pas continuer
de cohabiter avec la pratique de la vie chrétienne.
Nous devons être assez honnêtes pour admettre et accepter
que notre propre culture n'est pas meilleure et moins
pécheresse que celle des autres, d'une autre race, d'une autre
religion, Comprendre que notre propre culture a besoin de
l'Évangile est indispensable pour l'apporter aux autres, Les
païens, ce ne sont
pas d'abord ou seulement les autres, mais nous l'étions aussi,
parce que pécheurs, avant de venir à Dieu.
Paul fut confronté à de telles questions à Corinthe, à
Éphèse et dans d'autres villes de l'Empire où il avait
annoncé l'Évangile.

Voici donc ce que je vous dis et ce que je déclare dans


le Seigneur : Vous ne devez plus marcher comme les
païens, qui marchent selon la vanité de leurs pensées"
(Ép 4.17).

*Autrefois vous étiez ténèbres, et maintenant vous êtes


lumière dans le Seigneur. Marchez comme des enfants
de lumière » (Ép 5.8).
91
M:ssion et la culture
Il faut en même temps rappeler ici, qu'il y a des éléments dans
la culture, qui ne sont pas en contradiction avec les valeurs de
l'ÉvangiJe, et qui peuvent être conservés et respectés. Dans la
culture d'un peuple, il existe des traditions et des pratiques qui ne
SOUIèvent pas d'objections, même si elles ne sont pas bibliques,
Parce qu'elles ne sont pas en conflit avec la Parole de Dieu et son
éthique. Nous devons vraiment les examiner avec soin.
Le théologien Byang Kato, qui était averti des dangers
existaient autour de cette grande question de l'Évangile et de la
culture, disait: «La culture est partie intégrante de la vie. Mais
il y a conflit entre ce que la Bible dit et ce que la culture fait
l'élément culturel doit céder la place,
Ainsi, voici quelques points de réflexion sur la culture.

• La culture d'un peuple doit être considérée avec respect, Il


n'y a pas de culture qui soit inférieure ou supérieure à une
autre. Certaines cultures ont une expansion plus universelle
que d'autres.

• Ce fut le cas dans le passé avec la culture grecque.


L'histoire du monde grec antique s'étend sur plus d'un
millénaire et demi et se partage en trois périodes
principales: l'époque archaïque, l'âge classique et l'époque
hellénistique. Nous savons que la pensée grecque a exercé
une très grande ilfluence sur le monde.

En 1967, Jean Gaudemet, professeur à la Faculté de droit et


des sciences économiques de Paris, a écrit une excellente étude
intitulée, Institutions de l'Antiquité. Il l'a introduite par cette
remarque: „La pensée grecque, en effet, a exercé une influence
indéniable sur les doctrines juridiques et politiques de Rome et
au-delà, sur celles de l'Europe toute entière63.•
Au siècle, l'expansion coloniale de l'Europe a influencé la
perception que les peuples évangélisés ont de la présence
sionnaire, La culture occidentale a prétendu être celle qui devait
s'imposer à certains peuples colonisés, au risque de détruire leur
propre identité. Il y avait une vision inadéquate de l'homme, de
sa culture et un manque de respect de l'un et de l'autre.
92
Dans l'optique coloniale, la mission ne pouvait exister

qu'au-delà des frontières du pays colonisateur. Les „païensø


étaient sur les autres continents. Cela sous-entendait que leur
culture était supérieure, comme celle de tous les pays occi
dentaux, riches et dits "civilisés Leur mission était donc de
civiliser" les autres peuples considérés comme païens et
inférieurs. Il y a là un présupposé de départ: l'occident est la
référence en terme de culture, ce qui est faux. De nos jours,
La

préjugé se retrouve dans des pratiques et attitudes de


certaines organisations ou individus qui imposent,
consciemment ou non, vision culturelle comme étant la
norme biblique. Or, nous
revenons ainsi à l'affirmation précédente qui mettait sous le
même pied d'égalité devant Dieu, toute personne qui marche
selon la vanité de ce monde.

-Voici donc ce que je dis et ce que je déclare dans le


Seigneur: Vous ne devez plus marcher comme les
païens, qui marchent selon la vanité de leurs pensées"
(Ép 4.17).

Toute personne sans Dieu est païenne, quelle que soit sa


culd'origine. Un manque de reconnaissance de cette réalité ne
peut que fausser la mission d'évangéliser.

La culture est riche et variée


il n'y a pas deux cultures qui soient vraiment identiques,
même si certaines ont des dominantes proches.

Pensons aux divers pays qui forment ce que nous appelons le


monde francophone. Le français en est le dénominateur commun,
bien que dans la réalité, seulement une certaine rité le parle,
comme en Afrique. D'autres langues cohabitent dans des espaces
culturels divers. On y trouve des cadres de vie qui sont situés
dans des environnements géographiques avec des religions et des
93
M:ssion et la culture
arrière-plans historiques différents. Les cultures peuvent avoir
des différences majeures, d'un pays à un autre.
Pour comprendre la culture d'un peuple, ses coutumes,
ses modèles, l'idée qu'il se fait de la place qui est la sienne,
dans son environnement proche ou dans le monde, il faut
connaître et essayer de comprendre sa vision du monde.
Il y a des visions différentes du monde. L'Africain
explique traditionnellement l'orage par les forces
surnaturelles qui régissent le monde. L'Européen explique
souvent le même Phénomène par la physique, par des causes
naturelles.
La culture est donc riche et variée, avec des idéologies et
des valeurs à considérer selon la Parole de Dieu,
C'est très intéressant de voir le regard que Paul a posé
sur sa culture, ses Yileurs et sa vie passée qu'il a évalué par
rapport a Jésus-Christ,

La culture a un lien étroit


avec la langue d'un peuple
La langue est un des véhicules et un des moyens d'expres_
sion d'une culture.
Cela doit nous amener à réfléchir sur l'approche
contextuelle de la communication de l'Évangile, destinée aux
hommes de partout, dans une langue donnée.
Le récit de la Pentecôte nous donne en cela une belle
illustration :

-Et comment les eRendons-nous dans notre propre lan- gue à


chacun, dans notre langue maternelle? Parthes, Mèdes,
Élimantes, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la
Cappadocien, le Pont, l'Asie, la Phrygie, la Pamphylie,
l'Égypte, le territoire de la Libye voisine de Carène, et ceux qui
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sont venus de Rome, juifs et prosélytes, Crétois et Arabes,
comment les entendons-nous parler dans nos langues des
merveilles de Dieu ? " CAC 2.841).

Aujourd'hui encore, lorsque la Bible est traduite dans


une langue locale paniculière, les gens qui entendent le
message de la Parole de Dieu disent; "Dieu parle ma
langue.'

La culture façonne le comportement d'un peuple


Le pays, l'histoire, la famille et la tradition sont façonnés par
l'histoire d'un peuple.
La famille et ses valeurs, l'honneur, le travail, l'hospitalité sont
généralement sacrés dans la vie culturelle d'un peuple. Dans certaines
sociétés, ces valeurs se dissolvent et certains sociologues n'hésitent
pas à prédire que, d'ici moins de dix ans, le mariage légal pourrait,
par exemple, disparaitre. Dans d'autres sociétés en Afrique, la famille
est une valeur, et la notion de propriété est façonnée sur cette valeur
de famille élargie. Un chrétien africain l'illustre de cette façon: ace
qui est à mon fière est à moi, même le cousin éloigné a droit au titre
de frère, l'oncle a le titre de père La famille constitue le seul moyen
de lutter contre les difficultés

w
matérielles de la vie (exemple: prise en charge collective du
maliage, du décès, etc.)64..

culture est influencée par les croyances religieuses culture avec


ses coutumes et ses traditions a une fonction
socrale et la base religieuse en est ce que l'on peut appeler le
rituel. plupart des coutumes et traditions se sont développées
en expr:mant et facilitant les rapports sociaux; mais, alors que
certains peuples, les traditions se perpétuent, gardant leur
fonction sociale et religieuse, des peuples du monde occidental
transforment ces coummes, les vidant de leur signification
première et en gardent la forme extérieure, orientée vers la
culture technique dominante.
95
M:ssion et la culture
Les croyances constituent donc l'un des éléments dans la
culture dont le rôle traditionnel est de sauvegarder la fonction
scaale de la culture en lui donnant une base religieuse.

La culture subit des transformations par


l'Évangile
Les missionnaires et l'Eglise ne sont pas appelés à faire
œuvre de .civllisateurs„ en apportant l'Évangile au monde.
L'Évangile est une semence de transtòrmation qui change notre
vie et transforme certavns aspects de notre culture. II faut se
rappeler encore une fois, que toutes nos cultures, même celles
dites chrétiennes, sont paganisées. Dans sa mission
d'évangéliser, l'Église doit s'efforcer de ne pas imposer sa
culture, mais de comprendre la culture, les coutumes, les
traditions et la langue du groupe ethnique ou du pays, en vue
d'une meilleure communication du message biblique.
Le chrétien sera toujours tenaillé par les ambitions égoïstes
de sa culture. Mais n'oublions pas que nous cherchons une patrie
dont l'architecture et le constructeur est Dieu. Louons-le pour
notre culture, mais ne permettons jamais à notre culture de
prendre la place de la parole de Dieu qui est la première en nous.
La culture change et disparaît, la Parole et le royaume de Deu
demeurent pour l'éternité.

La culture est revalorisée par


l'éthique chrétienne biblique
Les chrétiens doivent être particulièrement sensibles à
développer une manière de vie et une conduite aptes à influencer
Chapitre 6

et à transformer progressivement une culture et ses valeurs. En


étant 'le sel de la terre", l'Église doit donner de la saveur autour
d'elle, Des changements ont marqué notre histoire, mème si cela a
pris du temps, avant que la société ne le réalise,
C'est extraordinaire de voir comment l'Évangile, accepté
par des gens dans une culture, peut apporter une certaine
richesse mutuelle à l'Église qui prêche la Bonne Nouvelle et à
96
l'environnement culturel proprement dit. Par exemple,
l'éthique biblique peut développer des vertus ignorées telles
que l'honnêteté, la vérité, la justice, l'amour fraternel, etc.
Certains aspects de la culture qui ne sont pas en contradiction
avec la Bible, enrichissent les moyens d'expression, de
communication et autres de la Vie de l'Église.

La communication de l'Évangile
dans une autre culture
La lecture du Nouveau Testament, nous apprend que, très
rapidement après la Pentecôte, l'Évangile a pénétré dans l'Empire
romain et a dû être communiqué dans des environnements
culturels divers.

L'Empire romain était en voie de structuration


À travers les langues (le latin à l'Ouest, le grec à l'Est,
l'araméen en Palestine et en Syrie), l'administration, la justice,
les voies de communication, l'Empire romain s'organise dans
une diversité culturelle et une unité politique.

L 'Empire romain était en voie d'urbanisation


Les villes, le statut des populations, le contexte
hiérarchisé, les Romains colonisateurs, les citoyens libres, les
affranchis et les esclaves. Toute cette population multiethnique
et multiculturelle composait la population des grandes villes.
Par exemple, Rome, capitale de l'Empire, était une ville de
plus d'un million d'habitants, qui attirait des gens de partout. La
ville, qui était un centre administratif et économique florissant,
avait des immeubles, de nombreux édifices publics et beaucoUP
d'esclaves.
Le Nouveau Testament tout entier est imprégné de
l'atmosphère de l'Empire romain.
Mission et la culture
La

L 'Empire romain était à la recherche d'une spiritualité


Le panthéon religieux gréco-romain, le culte de l'Empereur,
les religions à mystère, le judaiSme, le christianisme se côtoyaient
dans l'Empire. Une telle situation religieuse favorisait l'accueil de
lÊvangile.
Les dieux nationaux se mêlent aux divinités orientales. Le
panthéon grec s'identifie aux dieux latins. Dans tous les cultes, le
besoin religieux cherche à se satisfaire65
11 y avait un certain type de civilisation imposé, avec une
ou deux langues véhiculaires principales (le latin et le grec), des
valeurs et des normes qui ont tenté d'unifier l'Empire.
L'expansion et la communication de l'Évangile s'en trouvaient
facilitées, ce qui ne veut pas dire que les diverses cultures des
peuples aient été effacées, au contraire. L'extraordinaire
extension de l'Empire romain et du champ d'influence de la
culture grecque étaient des réalités en compétition avec d'autres
formes de pensée et de cultures. On peut ainsi parler
d'expansion, de communication transculturelles et
d'inculturation de l'Évangile au premier siècle.
D'ailleurs, très rapidement et cela dès la Pentecôte, la
proclamation de l'Évangile, en se répandant géographiquement
dans l'Empire romain, s'est fait dans plusieurs types
d'environnements culturels. Prenons quelques exemples
bibliques:

Actes 8 parle de l'évangélisation qui s'est faite auprès des


Samaritains et d'un témoignage apporté un Éthiopien.

Actes 10 raconte la conversion d'un officier romain.

Actes Il nous fait découvrir l'évangélisation dans un contexte


multiculturel et la naissance d'une Église qui sera en partie
composée de païens convertis.

Actes 14 relate l'évangélisation, non sans difficulté, en


Asie Mineure, dans la Turquie d'aujourd'hui.

Actes 16 à 18, relatent l'expansion de l'Évangile en


Macédoine et en Grèce.
98

La Bible est unique dans son essence et dans son


contenu tout en étant, de par ses auteurs humains, ses
époques de rédac_ tion, ses styles littéraires comme un
diamant à plusieurs facettes Son message a cependant une
portée universelle en étant unique et inaltérable,
Cependant, il est communiqué dans un monde
multiethnique et multiculturel.
L'Église, au travers de l'évangélisation, est appelée à annon_
cer l'Évangile et à le communiquer dans des langues et des cultures
diverses. Cela demande, de la part des chrétiens engagés dans ce
témoignage, une compréhension des plus correctes des cultures et
des sentiments des groupes ethniques auxquels le message de Jésus-
Christ, Sauveur et Seigneur, doit être apporté Il faut le faire sans en
altérer le contenu, tout en veillant à l'incarnation de l'Évangile et de
ses valeurs dans l'environnement culturel. Cette démarche n'est pas
chose facile.
„ll est impossible de parler de la "culture africaine" disait
Byang Kato, du Nigeria, ou du style de vie au singulier, car il y
a au moins 500 groupes culturels dans le continent. Cependant,
des choses similaires ne permettent pas de dénombrer les
différences. Certains concepts de base restent universels, en
tout cas dans le subconscient de l'Africain66.
"C'est seulement lorsque la parole de Dieu se fait chair dans
le peuple de Dieu que l'Évangile prend forme au sein de l'histoire.
Selon le projet de Dieu, jamais l'Evangile n'est destiné rester un
message verbal, mais à devenir un message incarné dans son
Église et, par elle, dans l'histoire. La "contextualisation de
l'Évangile exige la "contextualisation" de l'Eglise, qui est la
communauté herméneutique de Dieu pour la manifestation de la
présence du Christ parmi les nations de la terre67.»

Il faut s'initier aux données linguistiques et culturelles du rntheu


auquel nous voulons communiquer et transmettre l'Evangile,

Les formes et les moyens ! II est nécessaire d'y penser


sérieusement quand nous avons affaire au musulman de la Syrie,
Mission et la culture
l'hindou des Indes, au féticheur de la Côte-d'Ivoire, au
christianœ païen du Pérou, etc.
Mais, quant à son fond, l'Évangile est unique et universel
dans son contenu. Il s'adresse donc au musulman, au féticheur,
au déchristianisé de l'Occident comme au marxiste. Dans une
défenS de son ministère et de son message, Paul s'adresse aux
Galates en
la 97
ces mots: "Si quelqu'un vous annonce un autre
Évangile que celui que vous avez reçu, qu'il soit (Ga 19).
Notre responsabilité est de transmettre le message de l'Évan-
gile qui donne la vie.

L'identification culturelle
Selon le dictionnaire, s'identifier, c'est use pénétrer des
sentiments des autres", ase rendre, en pensée, identique
Dans le contexte missionnaire, l'identification culturelle est
un comportement spirituel, tout en étant pratique dans les actes.
Avec les Juifs, j'ai été Juif... Je me suis fait tout à tous. (I Co
9.20-22), disait Paul.
Jésus a été le modèle par excellence de l'identification
missicnnaire. L'incarnation du Christ le souligne. On pourrait
parler de la culture du ciel et de celle des hommes. Même là, il
y a une noticn transculturelle dans la mission de Jésus.
ElIe démontre que l'identification n'est pas la récupération
d'une culture par une autre. D'un autre côté, l'incarnation, qui
n'est pas une perte d'identité, s'effectue dans une culture
pafticulière, en s'en distinguant à cause de la nature même de
l'Évangile.

nCar vous connaissez la grâce de notre Seigneur


JésusChrist, qui pour vous s'est fait pauvre, de riche
qu'il était, afin que par sa pauvreté vous fussiez
enrichis„ (2 Co 89).

«Jésus s'est dépouillé lui-même, en prenant une


forme de serviteur, en devenant semblable aux
hommes; et il a paru comme un vrai homme, il s'est
100
humilié luimême, se rendant obéissant jusqu'à la
mort, même jusqu'à la mort de la croixb (Ph 2.7-8).

L'incarnation de Jésus-Christ, dont la cilicifxion et la


résurrection sont le point culminant, transcende toutes les cultures.
C'est important cie rappeler que l'incarnation de l'Évangile au
travers de l'œuvre missionnaire et de l'Église doit aussi
transcender les cultures.
encore que l'incarnation de l'Évangile non
seulement transcende les cultures, mais aussi les inspire et les
transforme du dedans.
101
et la culture
QÞithe

L'identification culturelle est une question complexe


Tout naturellement, nous avons tendance à nous identifie
i10tre propre communauté culturelle et à vivre avec elle
dans un autre environnement culturel. , rnèrne Dans le cadre
chrétien, la question est également difficile mais les
missionnaires étrangers ont l'avantage de pouvoir con_ sulter
les frères chrétiens du pays et de suivre leurs conseils pour
leur intégration culturelle.
Quand il n'y a pas de cadre chrétien, les missionnaires
vent bien entendu chercher à s'intégrer avec patience et
sagesse dans l'environnement culturel. Souvent même des
non chrétiens aident efficacement les missionnaires à
apprendre la langue et à découvrir la culture.
S'intégrer dans une culture particulière permet de mieux
s'identifier et de travailler plus efficacement. Encore faut-il
que nous ne venions pas avec nos propres schémas de ce que
nous croyons être la bonne formule d'intégration,
S'identifier à une culture s'apprend en ayant un esprit et un cœur
ouverts,
Prenons quelques exemples concrets tirés de la vie en Afrique.
11 y a un principe fondamental en Afrique : [es personnes ont
plus d'importance que les choses. Pour le missionnaire occidental,
cela demande un effort, parce qu'il est souvent influencé par le travail
à faire, l'efficacité, le rendement et le succès. Dans un comité Église-
Mission, cela se vérifie souvent : ordre du jour et planification, côté
missionnaire, sont complétés par l'importance des relations humaines
et sociales, côté Église locale. Ces deux tendances générales doivent
être un enrichissement et non un sujet de tension et même de conflit,
comme c'est parfois le cas.,• En Afrique, il faut respecter le protocole
avant toutes choses, et savoir prendre le temps nécessaire pour saluer
et bavarder en s'intéressant à la personne et à sa famille élargie Il ne
faut jamais aller vite et droit au but de la visite. Il est beaucoup plus
important de passer du temps avec une personne que de se précipiter
pour terminer un travail. Le groupe ethnique est, dans la société
africaine et la famille, comme dans toute société traditionnelle, le
modèle et la structure de base - normale. Évidemment, l'Afrique
d'aujourd'hui subit, dans une
'VILSSion
sure, l'influence occidentale, mais la structure
tracertaine nev ditionnelle mutuel reste des très privilèges
forte. Ce et qui des veut responsabilités dire, entre autres, fait
partie que dele

la famille africaine traditionnelle. L'hospitalité et la courtoisie


sont sacrées.
pans son document Aide pour invités en Afrique 68, le
docteur Byang Kato énumère un certain nombre de choses "à ne
pas faire " et "à faire". En voici quelques-unes :

ne pas faire .

l) Ne donnez pas l'impression d'être tout le temps pressé. Les


gens 0111 plus de valeur que les choses, le temps est inclus.
N'exposez pas l'amour marital, ex. baisers en public.
3) Évitez les extrêmes concernant le maquillage, ceci est faci
lement associé avec les prostituées. Etc,

À faire :

1) Saluez vos voisins, c'est la première chose à faire le matin,


quand vous les voyez.
2) Ouvrez votre maison, même au risque d'abîmer votre
carpette. Les gens comptent plus que les choses. Seulement
l'âme des hommes est éternelle.
3) Sovez hospitalier, offrez un verre d'eau froide. Etc,

Pour comprendre de mieux en mieux une culture, il


convient de s'y identifier progressivement.

Il faut apprendre à apprécier une culture


Pour cela, soyons Objectifs et cessons surtout de croire que
notre culture est la seule bonne. Nous pouvons donner une
mauvaise impression par nos attitudes. Certains Occidentaux,
quand ils sont à l'étranger, donnent une image de supériorité
culturelle ou se croient les meilleurs dans ce qu'ils font.
103
et la culture

Il faut apprendre à s'adapter à la culture


pays C'est et au iour travers après des jour faits que et gestes
l'adaptation quotidiens se fait qui dans sont un comprisautre
100
QÞitÈe G

et assimilés, au fur et à mesure : formes de politesse, vie

Pour moi qui suis Français, serrer la main en saluant


, C'est
culturel; pour un Américain, non. Lorsque je salue des
Américains, ma main reste souvent en l'air. Au Liberia, on se
salue en se serrant la main tout en faisant claquer les doigts
d'une certaine manière, Donner un verre d'eau à un visiteur est
geste culturel en Afrique, mais également en Grèce. Un jour
avec mon beau-père et ma femme, nous avons rendu Visite à
un couple missionnaire installé en Grèce. Nous avons eu une
bonne visite, mais à aucun moment la maîtresse de maison ne
nous a servi un verre d'eau, C'était une faute culturelle de base
que mon beau-père n'a pas manqué de relever!

Il faut apprendre à s'intégrer à la culture


Cela demande l'établissement de bonnes relations avec les
gens. L'Église locale est le lien privilégié pour apprendre à
s'intégrer dans un milieu culturel donné. La confiance et la
munication s'y apprennent plus facilement. S'identifier à un
peuple qui a une culture différente de la nôtre ne se fait pas sans
difficulté, Cela peut entraîner des découragements, des
frustrations, parfois même des dépressions chez quelques
personnes. Des missionnaires ont dû abréger leur ministère à
cause de cela. Il ne faut surtout pas porter de jugement, mais au
contraire aider ceux et celles qui ont des difficultés à s'en sortir.
S'identifier à une autre culture peut toucher le ou la mis
sionnaire au plan émotionnel. Il n'est pas toujours facile de
s'adapter à un autre pays, un autre peuple, une autre culture et une
autre langue. Certains missionnaires s'adaptent mieux et plus
facilement que d'autres. II faut être patient et ne pas les critiquer en
donnant l'impression que ces personnes ne deviendront jamais de
bons missionnaires. J'ai parfois eu le sentiment, en parlant avec des
responsables d'Églises locales qu'il n'y avait pas toujours l'attention,
la compréhension et la patience qu'il faut à l'égard des nouveaux
missionnaires. Il m'est arrivé de dire à des responsables d'Églises en
Afrique: "Vcus devez essayer de mieux entourer ces nouveaux
missionnaireS et les aider à mieux s'adapter. Allez vers eux,
accueillez-les, soyez patients avec eux,
LCI Mission

Jean-Marc faisait partie de l'équipe missionnaire aux côtés


de paul et Barnabas dans le premier voyage missionnaire,

, Paul et ses compagnons, s'étant embarqués à Paphos, se


rendirent à Perge en Pamphylie. Jean se sépara d'eux, et
retourna à Jérusalemø (Ac 13.13).

11 n'a pas pu continuer avec eux jusqu'au bout. A-t-il eu


des problèmes d'adaptation et d'intégration culturelles ? Une
trop grande nostalgie de son pays, de sa famille? Qui sait?
Soyons encore plus pratiques et considérons rapidement
quelques-uns de ces problèmes d'identification culturelle.

• La différence culturelle sur le plan social : mariage, famille,


position de la femme dans l'autre culture.

• Les conditions de vie : l'habitat, les insectes, les animaux, le


climat, la nourriture, les marchés, etc.

Quelles peuvent en être les conséquences?


• La perte de l'environnement familier auquel le missionnaire
était habitué (famille, amis, Église, communauté sociale...).

• La pelte des facilités de vie (eau courante dans certains


endroits, électricité, transports en commun, centres
commerciaux...).
105
et la culture

• La perte d'un cadre esthétique selon nos propres


valeurs.

• La perte de sécurité dans un environnement qui est


étranger, pour les enfants par exemple.

Lorsque nous ne pouvons pas nous exprimer correctement


dans une autre langue, il est difficile, non seulement de
communiquer, mais également de se sentir à l'aise.
Je me souviens très bien de ma première visite en Grèce et
de mes frustrations parce que je ne pouvais pas communiquer
avec mes beaux-parents et avec les chrétiens autour de moi. Un
SOIr dans l'église de Thessalonique en ce temps-là, les hommes
106
s'asseyaient d'un côté et les femmes de l'autre un monsieur

une Bible en français et il m'a salué en français.


joie de l'entendre parler dans ma propre langue et de pouvoir

La difficulté de pouvoir communiquer dans une autre


langue est un problème que rencontre le missionnaire dans
beaucoup d'endroits. Certains missionnaires anglophones
doivent étudier le français avant d'aller servir dans un pays
francophone et les missionnaires asiatiques apprennent au moins
deux langaes étrangères. Une fois arrivés en Afrique, ils étudient
en plus la lan. gue africaine dans laquelle ils vont travailler.
Enfin, après parfois plusieurs années, ils peuvent commencer
leur ministère. Ce n'est pas facile. Conséquences: l'humiliation
et le découragement accompagnent l'étude d'une langue et cela
prend du temps avant de pouvoir communiquer correctement.
La difficulté de pouvoir sQxpñmer dans une autre langue cause
une véritable frustration. C'est encore plus fort lorsque la langue a un
alphabet différent de nos langues latines comme le grec, le chinois, le
japonais, etc...

La découverte de soi-même
Dans une autre culture, nous découvrons ce que nous sommes. Il
est difficile de se cacher bien longtemps derrière certaines de nos
illusions! Nous devenons vulnérables, dépendants des autres dans un
autre contexte culturel.
Plusieurs fois, je me suis rendu compte qu'un chrétien ou une
chrétienne s'intéressant à servir dans un cadre missionnaire, pouvait
passer, sans problème, au travers du processus sérieux de sélection
d'une mission et partir. En regardant quelqu'un, j e me suis dit: OCette
personne est solide et a un caractère qui semble flexible, elle va
certainement s'adapter assez vite.
Souvent cela se passe ainsi, mais pas toujours. Lorsque
nous arrivons dans une autre culture, les illusions tombent vite
et on se découvre parfois bien différent de ce que l'on
s'imaginait être.

Je me souviens d'une question qui, à l'époque où ma femme et


moi, entrions clans la mission, m'avait paru inutile. La question
107
et la culture

m'avait été posée par un membre du comité de la mission : Etes


VOUS raciste?» Je me suis dit: "Quelle question alors que je désire
Mission

aller en Afrique?» Et pourtant, sans parler de racisme, j'ai eu


l,occasion de sentir même chez certains missionnaires, des
difficu1téS à accepter des Africains tels qu'ils sont. Ce n'est
sans doute du racisme, mais en tout cas une certaine
ségrégation. Des amispas africains m'ont dit plusieurs fois
qu'ils le sentaient bien. Le contraire existe aussi chez des
chrétiens africains à l'égard de
Oissionnaires, mais aussi de personnes appartenant à un autre
ethnique, qui sont alors exclues. groupe
La difficulté de s'identifier amène des conséquences,
comme exemple une fragilité émotionnelle et le
découragement. Les svmptómes des problèmes et certains
moyens de guérison se retrouvent fréquemment.
symptômes des problèmes : antagonisme envers les pays
d'accueil, troubles émotionnels, sentiment d'échec, nostalgie
du pays d'origine, surévaluation de son pays d'origine, perte de
confiance en soi, ressentiment, colère, etc.
Guérison des problèmes: découverte plus réaliste de soi
qui conduit à une nouvelle attitude et détermination;
compréhension progressive des gens, de la langue et des
situations ; développement d'un certain sens de l'humour ;
capacité de souligner les domaines et les points similaires sa
propre culture: capacité de prendre davantage conscience de la
présence et de la puissance de Dieu une plus grande sérénité,
etc.

L'implication culturelle de l'Église


L Église est appelée à être la lumière dans le monde et à
propager l'Évangile dans des milieux multiculturels divers. Lorsque
nous lisons la Bible, nous constatons que le témoignage de
108
l'Évangile a touché des pays et des cultures très divers. Parlant des
Églises du premier siècle, il est facile d'apercevoir que ces Églises
ont été rapidement confrontées avec la question des différences
culturelles parmi d'autres choses. Elles ont dû aussi faire face à une
implication culturelle tout en conservant la leur.
Comparons brièvement deux Eglises du Nouveau Testament:
celle de Jérusalem et celle de Corinthe.
l'Église de Jérusalem. Elle est née au cœur même du
udaïsme et de l'histoire d'Israël. Ses chrétiens furent
essentiellement d'origine juive, nourris de siècles de traditions
judaïques
Chapitre

et de ses pratiques: la circoncision, le sabbat et la loi. Il y aura d'ailleurs


des débats à ce sujet (Ac 15).
L'Église de Corinthe. ElIe est née au cœur du monde
Ceux et celles qui devinrent chrétiens étaient surtout
païenne. L'Église de Corinthe s'édifia en faisant face à
de graves difficultés éthiques, sur un fond de corruption morale
terrible sur l'esclavage, Les débats philosophiques et les
questions d'éthi_ que chrétienne posèrent également des
questions sérieuses.

L'implication culturelle d'une Église est un processus


compliqué. L'Église de Jésus-Christ a des problèmes d'identité
dans le monde où elle est présente. ElIe est confrontée à des
CIUestions difficiles sur le plan culturel et en compétition avec
les valeurs non chrétiennes qui l'entourent. Elle ne sait pas
toujours où et quand elle peut faire, ou non, des concessions
culturelles.
Cette confrontation avec des cultures paganisées a lieu même
en Occident qui a une base dite chrétienne. Il y a bien longtemps
que les pays occidentaux ont sombré dans une taine forme
de paganisme. II faut être réaliste et se rappeler que ces pays sont
redevenus, s'ils ne l'ont pas toujours été, ades ter. res de mission„.
À propos de concessions. Il semble que dans notre
génération, l'Église et les chrétiens vont peut-être trop souvent
109
et la culture
de concessions en concessions théologiques, éthiques ou
autres:
Concessions avec l'environnement culturel — non
chrétien dans l'ensemble — qui est une réalité à laquelle nous
devons sérieusement réfléchir. Est-ce que ces concessions
sont en accord avec l'Évangile et la Parole de Dieu ?
Sont-elles nuisibles à la vie spirituelle de l'Église ?
Nous devons trouver les moyens de nous adapter à une
nouvelle culture ou de vivre dans notre propre culture, mais avec
pour objectif principal de vivre selon la volonté de Dieu — être
le sel de la terre, être la lumière du monde, être dans le mond e
sans être du monde,
Jésus a intercédé pour les disciples de son temps et de tous
les temps en ces mots :

• Père,. . je leur ai donné ta parole ; et le monde les a hais, parce


qu'ils ne sont pas du monde. Je ne te prie pas de les ôter du
monde, mais de les préserver du

La JJIÅSSion

mal. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas


du monden (On 17.14-16).

pans Religion et culture69, Stephen Neill écrit: "Les


cornpromis ne peuvent jamais se faire au détriment de la vérité
et des principes bibliques.
Voici encore quelques problèmes et quelques dangers :

L'implication culturelle •Occidentale» dans l'Église d'une autre


culture.

• L'implication culturelle aethniquen, „provincialiste" ou


anationalisteo de l'Église.
110
• L'organisation et la manière d'agir de l'Église qui suit les
struc- tures et les façons de faire de son environnement, sans
référence sérieuse aux principes bibliques.

• Problèmes relatifs aux traditions culturelles contraires aux


principes de la Bible.

• Exagérations dans les formes et les expressions de la vie de


l'Église influencées par des apports culturels paganisés de la
société.

• Dangers du syncrétisme, c'est à dire le fait d'assimiler des


éléments culturels et religieux incompatibles avec la nature
même de la foi biblique.

Les missions dont les membres venaient principalement des


Églises occidentales ont fait face, dans le passé, à ces problèmes

dordre culturel avec plus ou moins de succès. Les Églises nées du


travail missionnaire, implantées dans des pays en voie de déve
loppement n'y échappent pas non plus. Les missions et les Églises
doivent rechercher l'attitude la plus juste à l'égard des questions en
rapport avec Ifvangile et la culture. Il y a des coutumes cultu- relles
qui sont compatibles avec l'Évangile et d'autres qui ne le sont pas.
II y a des coutumes qui sont acceptables et d'autres pas. LÉglise est
universelle et locale. La théologie de l'Église doit être
Chapitre 6

biblique dans son contenu, contextualisée dans sa


communication et elle doit s'incarner dans le milieu culturel. La
vie de l'Église doit se confòrmer à l'éthique biblique et aussi
s'exprimer selon une identité culturelle, propre à son
environnement culturel.

L'Évangile et la modification culturelle


Introduire l'Évangile clans une autre culture, enseigner les
principes de la vie chrétienne et établir une Église locale devrait
conduire inévitablement à des modifications culturelles et
sociales parfois profondes.
111
et la culture
Ce phénomène se retrouve clans l'islam. II influence
profondément la CUItUTe spécifique et la modifie clans ses
aspects sociaux, politiques, économiques, linguistiques
(langue arabe) et individuels "L'islam affirme que le Coran
contient une

révélation concernant non seulement les aspects spirituels et


liturgiques de la vie humaine, mais aussi des aspects sociaux,
politiques, économiques, ainsi que personnels70.
L'Évangile, par la nature même de son message et de ses
exigences de vie, transforme une personne et l'amène à changer
certaines de ses habitudes; il provoque ainsi des modifications
d'ordre culturel. Nous parlons de l'influence et des modifications
d'ordre biblique liées à l'obéissance à la Parole de Dieu et non à
l'assimilation d'un christianisme à "l'occidentale'. Voici quelques
points de réflexion à ce sujet :

• L'Évangile ne rejette pas une culture, il la pénètre et s'y établit


pour exercer une influence sur notre vie entière.

• L'Évangile ne doit pas créer une idéologie chrétienne, mais au


contraire, émettre des principes qui façonnent progressivement
notre vie et nous donne une nouvelle échelle des valeurs
humaines et spirituelles.

• L'Évangile n'est pas non plus une '(acculturation w. II n'élimine


pas la culture, mais la transforme, la purifie. L'Église doit mettre
Dieu à sa vraie place et la culture à la sienne.

• L'Évangile conduit progressivement à des modifications


culturelles et sociales.

Ilission
112
Toute culture a des points forts et d'autres faibles, Il existe

• des incompatibilités entre le message de l'Évangile et certains


él'ementS de la culture ; ces derniers doivent alors subir une
odification, voire un rejet, qui est biblique.

u Nul ne peut servir deux maîtres " (Mt 6.24) disait Jésus aux
gens de son temps mais aussi à nous aujourd'hui,

Le missionnaire et la modification culturelle


Nous reconnaissons que l'Évangile consiste à proclamer le
message de l'amour de Dieu, de sa grâce et de sa délivrance du
éché. Cette œuvre de Dieu s'accomplit au travers de Jésuschrist. par
sa nature et par ses exigences, l'Évangile conduit à des
modifications culturelles. Le missionnaire envoyé dans une autre
culture a la responsabilité de donner l'Évangile dans sa pureté.
L'enseignement de la Parole de Dieu devrait susciter des
modifications culturelles. Mais cela ne se produit pas toujours ainsi.
souvenons-nous de ce qui s'est passé depuis vingt siècles, comment
l'Évangile de Jésus-Christ a été changé en «civilisation chrétienneo en
Occident, dans le mouvement catholique et protestant du siècle.
L'Évangile a été apporté dans un contexte qui a été gênant pour les
massionnaires parce que leur démarche a été souvent confondue avec
le colonialisme. On rapporte qu'à cette époque, une Africaine
"christianisée„ par l'Église catholique ne pouvait pas se marier dans
les vêtements traditionnels africains, elle devait impérativement
porter une robe blanche sinon, le mariage n'était pas considéré comme
un mariage chrétien. D'autre part, des villages entiers ont été
christianisés sous la menace des armes de l'armée coloniale. Ainsi,
certaines modifications culturelles ont été le fruit d'actions humaines,.
mais pas toujours celui des principes de l'Esprit-Saint et de la Parole
de Dieu. Dans notre préparation pour servir le Seigneur dans un autre
milieu culturel, il nous faut premièrement nous laisser mprégner
dans notre mentalité par la Parole de Dieu.
113
et la culture
vous conformez pas au siècle présent, mais soyez
transformés par le renouvellement de l'intelligence,
afin que vous discerniez quelle est la volonté de
Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait" (Rm 122).
Chapitre 6
114

culture à

l'endoc-
bibli-
que et religieux de non
un mélange
Nous devons veiller à ce qu'il n'y ait pas de confusion entre
ce qui est principe biblique et ce qui est simple tradition
culturelle.
Les exemples d'endoctrinements culturels, au nom de la Bible,
ne manquent pas !
La Parole de Dieu n'est pas désincarnée et n'est pas un message
qui touche superficiellement nos vies. Bien au contraire,
115
et la culture
La Mission

l'Évangile s'incarne, il éduque, il transcende et il transforme tout


en se contextualisant dans la culture d'un peuple. À nous de le
mettre en pratique dans nos Vies et de l'enseigner à ceux qui nous
entourent.
contextualisation de l'Évangile ne peut-être le fruit que
d'une lecture nouvelle et largement ouverte de l'Écriture, avec une
herméneutique où l'Évangile et la situation se trouvent engagés
mutuellement clans un dialogue dont le but est de placer l'Église
sous la Seigneurie de
Le chrétien qui annonce l'Évangile dans son
environnement culturel ou clans un autre, le fait dans un
univers qui a des normes et des vaieurs culturelles et
spirituelles différentes des siennes. Il a besoin de
discernement et de sagesse pour accomplir sa tâche. L'Église
et le chrétien ont aussi besoin de discernement et de sagesse
pour que l'Évangile s'incarne dans sa société. Le débat n'est
pas achevé dans ce domaine et fait encore mal chez certains.
Il reste des blessures du passé, de part et d'auge, qui ne sont
pas seulement dues à des questions de personnalités, de
philosophie, de méthode, mais aussi d'ordre culturel. Il y a
des amertumes qui persistent au travers des années et qui sont
grossies avec le temps. Des sentiments négatifs demeurent, de
part et d'autre, du côté missionnaire comme des Églises
locales.
Dans certains pays, les relations sont parfois difficiles entre
les chrétiens nationaux et les missionnaires. Il y a de vieilles
histoires qui se perpétuent et qui font de la peine. II existe des
blessures qui sont mal fermées et que parfois nous n'avons pas
eu le courage de soigner parce que, croit-on, le temps finit par
arranger les choses. Je ne crois pas que le temps arrange les
choses, au contraire. Le temps déforme souvent ce qui s'est
passé autrefois. La mémoire est vivanœ; mais, pourquoi rendre
responsable la nouvelle génération de missionnaires qui n'a rien
116
à voir avec le passé et avec ce que des aînés auraient pu faire de
mal? li y a eu des erreurs, des maladresses, des exagérations et
des fautes graves parfois, mais nous devons plutôt mettre toute
notre énergie à la proclamation du message de Jésus qui sauve
tous les hommes et édifier l'Eglise. L'Évangile, en pénétrant
dans la vie de quelqu'un, en s'y incarnant, est une semence de
transformalion intérieure, avec des répercussions progressives
sur le plan

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