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17.

APPORT DES NEUROSCIENCES DANS LES TROUBLES DU


COMPORTEMENT ALIMENTAIRE

Nicolas Ramoz, Philip Gorwood


in Sophie Criquillion et al., Anorexie, boulimie

Lavoisier | « Les Précis »

2016 | pages 149 à 158


ISBN 9782257206442
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/anorexie-boulimie---page-149.htm
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Et les neurosciences
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Apport des neurosciences


dans les troubles
du comportement alimentaire
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Ni c o las Ramo z et P h ilip G or wood

P ints
clefs
• La neuroscience utilise les connaissances dérivées d’études chez l’homme (mais
principalement axées sur l’obésité) et l’utilisation de quelques modèles animaux
(qui ne savent mimer que quelques aspects des TCA humains). Néanmoins, une
bonne connaissance des systèmes de régulation de l’appétit (et de la satiété), la
compréhension plus claire de facteurs régulateurs (tels que sérotonine, dopamine
ou œstrogène) ainsi que le développement récent d’approches plus directement
focalisées sur les TCA chez l’homme (notamment via l’imagerie fonctionnelle et
l’épigénétique) ont permis de mieux délimiter les facteurs en jeu et les mécanismes
potentiellement impliqués. Par exemple, les données d’imagerie dans la littérature
scientifique ainsi que des données locales, tant en génétique qu’en conductance
cutanée, semblent plaider en faveur d’une place centrale de l’effet « récompense »
(restriction et minceur) plutôt que d’un effet « phobique » (frénésies alimentaires et
surpoids) dans l’anorexie mentale.

Les troubles des conduites alimentaires (TCA), dont l’anorexie mentale


(AN) et la boulimie (B), sont médiés par des mécanismes neurobiologiques
et génétiques [5]. Ainsi, les apports ces dernières années des neurosciences,
de la recherche sur des modèles in vitro et animaux, et une recherche
clinique transversale ont grandement contribué à comprendre quelles
voies biologiques sont impliquées dans les TCA. De plus, les TCA ont
une composante génétique élevée, en particulier l’anorexie mentale et la
boulimie, avec respectivement une héritabilité estimée autour de 80 % et
152   Et les neurosciences

60 % [5]. Les analyses génétiques ont donc participé à l’identification des
voies biologiques dans les TCA. Cela a permis de montrer, par exemple,
que les systèmes neuroendocriniens de régulation de l’appétit, de la satiété
et de la balance énergétique, contribuent aux TCA. Les facteurs neuro-
trophiques semblent également être impliqués dans la neuropathologie
des TCA, notamment via le BDNF (Brain Derived Neurotrophic Factor).
Plus récemment, les hormones de féminisation et en particulier les estro-
gènes pourraient également être impliqués dans les TCA. D’autres voies
neurobiologiques seraient également concernées, telles que le système de
neurotransmission sérotoninergique [3]. Cette voie neurobiologique de la
sérotonine est aussi impliquée dans les troubles anxieux et les obsessions,
l’impulsivité avec perte de contrôle, qui peuvent également générer indi-
rectement des prédispositions aux pathologies des conduites alimentaires,
en interaction avec des facteurs environnementaux déclencheurs ou de
stress. Enfin, le débat quant à considérer certains TCA comme des addic-
tions, avec une recherche compulsive de jeûne pour l’anorexie mentale
et de frénésies alimentaires (binge eating) pour la boulimie, s’est enrichi
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de nouvelles études qui renforcent la vraisemblance de cette hypothèse,
grâce en particulier aux découvertes réalisées à l’aide de l’imagerie cérébrale
fonctionnelle [3].

Circuit neuroendocrinien de l’appétit


et de la satiété
Il est clairement démontré que les signaux centraux et périphériques
du contrôle de la prise alimentaire sont altérés dans les TCA [5]. Ces
modulations sont observées aussi bien sur les signaux afférents (de la
périphérie au cerveau) qu’efférents (du cerveau à la périphérie) qui
agissent en interaction. Dans le cerveau, l’hypothalamus est le centre
neuroendocrinien de la faim et de la satiété. Les signaux centraux du
contrôle de la prise alimentaire en provenance de l’hypothalamus et ceux
périphériques du foie et du tractus gastro-­intestinal sont effectivement
intégrés au niveau cérébral par le noyau du tractus solitaire qui régulera
cette prise alimentaire [3].
Ainsi, dans l’hypothalamus, des signaux hormonaux arrivent aux
neurones de premier ordre dans le noyau arqué (ARC) qui sont constitués
de différentes populations caractérisées par les hormones et neuropep-
tides qu’ils sécrètent via leurs projections vers le noyau paraventricu-
laire (PVN) et l’hypothalamus latéral (LHA) contenant les neurones
de second ordre.
Apport des neurosciences dans  les  troubles du  comportement alimentaire   153

■■ La leptine
La leptine est une hormone anorexigène, produite par le tissue adipeux,
et a un effet inhibiteur sur les neurones de premier ordre produisant le
neuropeptide Y (NPY) et l’agouti related protein (AGRP), un antagoniste des
récepteurs aux mélanocortines. À l’inverse, la leptine a un effet stimulateur
sur les neurones secrétant la proopiomélanocortine (POMC), le peptide
CART ou l’hormone adénocorticotropine (ACTH) qui régule la synthèse
et la sécrétion des glucocorticoïdes surrénaliens. Les neurones NPY/AGRP
sont également modulés par l’insuline et stimulés par les glucocorticoïdes.
Les neurones POMP/CART sont quant à eux sensibles au glucose. Chez
la souris, les invalidations du gène codant la leptine, gène LEP, ou de son
récepteur, gène LEPR, conduisent à l’apparition du phénotype de l’obésité.
Chez l’homme, des mutations dans ces gènes peuvent également
conduire à l’obésité. Les signaux adipocitaires que sont la leptine et l’insu-
line ont donc, au niveau du système nerveux central, un effet inhibiteur ou
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anabolique sur la dépense énergétique de l’organisme en induisant la prise
alimentaire, mais aussi un effet stimulateur ou catabolique pour augmenter
la métabolisation et l’activité physique, et donc diminuer l’appétit. Enfin,
on observe une concentration de leptine circulante significativement réduite
chez les patientes anorexiques, comparativement à des sujets contrôles
ayant une alimentation normale ou des patientes boulimiques.

■■ La ghréline
Début des années 2000, une autre hormone a été identifiée, la ghréline,
produite essentiellement par l’estomac et le tractus intestinal ; elle est sécrétée
de manière pulsatile avant les repas. Son action est donc orexigène et elle
augmente la faim. Le récepteur de la ghréline, correspondant au récepteur
sécrétagogue de l’hormone de croissance codé par le gène GHS-­R1A, a
été identifié dans le noyau arqué sur les neurones de premier ordre NPY/
AGRP. L’action de la ghréline sur ces neurones est à l’opposé de celle
de la leptine puisqu’elle active les neurones NPY/AGRP et donc induit
la prise alimentaire et réduit la dépense énergétique. La ghréline inactive
également les neurones POMC/CART de premier ordre et les neurones
de second ordre présentant les récepteurs 3 et 4 à la mélanocortine, via
l’activation des neurones NPY/AGRP. Le gène codant la ghréline, gène
GHRL, produit en fait un précurseur qui est clivé et génère le peptide de la
ghréline, mais aussi le peptide de l’obestatine dont l’action pourrait balancer
celle de la ghréline via des boucles de rétrocontrôle. Enfin, seule la forme
active de la ghréline, à savoir la forme acétylée, se fixe à son récepteur.
Il a été clairement mis en évidence des niveaux élevés de ghréline totale
154   Et les neurosciences

et active chez les patientes anorexiques, mais uniquement du sous-­type


restrictif, en comparaison aux sujets contrôles. À l’inverse, le ratio ghréline
active sur ghréline totale est diminué chez les patientes anorexiques du
sous-­type restrictif en comparaison aux autres groupes. Enfin, l’obestatine
est observée en concentration significativement plus importante chez les
patientes anorexiques comparativement aux sujets contrôles ou boulimiques.

Facteurs neurotrophiques
Le facteur neurotrophique Brain Derived Neurotrophic Factor (BDNF)
est l’un des premiers facteurs de cette famille a avoir été impliqué dans les
TCA avec un effet anorexigène. Chez l’animal, l’administration de BDNF
provoque l’inanition et la perte de poids, et, à l’inverse, l’invalidation du
gène du BDNF ou de son récepteur conduit à l’hyperphagie et l’obésité.
Plusieurs études génétiques réalisées chez des patientes avec TCA, que ce
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soit de l’anorexie ou de la boulimie, ont observé une association signifi-
cative entre ces troubles et un variant fonctionnel du gène BDNF [5]. Le
BDNF intervient en tant qu’effecteur de la voie mélanocortinergique des
neurones de second ordre de l’hypothalamus, pour la régulation de la prise
alimentaire. D’autres gènes impliqués dans la production du réseau des
neurotrophines ont également été mis en évidence, dont le gène NTRK2
codant le récepteur au BDNF.

Hormones œstrogéniques
Les hormones sexuelles femelles primaires que sont les œstrogènes,
dont l’œstradiol, se fixent sur deux récepteurs œstrogéniques, alpha et
bêta, et sont impliquées dans la formation et le fonctionnement des
organes génitaux et des seins. Les modèles murins et primates ont claire-
ment montré que la prise alimentaire diminue après une administration
continue d’œstradiol et que de fortes concentrations en œstrogènes ont
un effet anorexigène [6]. À l’opposé, l’absence d’estrogène à la suite
d’une ovariectomie conduit l’animal à augmenter sa prise alimentaire.
De même, l’invalidation du récepteur alpha chez la souris confère une
augmentation de poids chez ces animaux.
Chez la femme, l’élévation de la concentration en estrogène durant le
cycle menstruel s’accompagne d’une réduction de la prise alimentaire. Cet
effet anorexigène de l’œstradiol pourrait être direct via l’hypothalamus, en
régulant les fonctions homéostatiques de la reproduction, de la température
Apport des neurosciences dans  les  troubles du  comportement alimentaire   155

corporelle et de la balance énergétique, ou indirect via la voie sérotoniner-


gique. Ainsi, les œstrogènes modulent la prise alimentaire via l’expression par
les neurones NPY et POMC. Les TCA apparaissent essentiellement chez les
jeunes femmes durant la puberté où se produit le pic ostrogénique. De même,
il a été montré que l’exposition prénatale aux hormones sexuelles confère
un risque plus élevé de développer un TCA. Dans l’anorexie mentale, une
hypoestrogénie est paradoxalement observée chez les patientes. Les études
convergent néanmoins sur l’hypothèse que durant la puberté une réponse
cérébrale anormale aux œstrogènes prédisposerait à la physiopathologie de
l’anorexie. Des mutations dans le gène codant le récepteur bêta aux œstro-
gènes ont été identifiées dans les TCA et plus spécifiquement l’anorexie.
Enfin, une association spécifique a été observée entre des variants du gène
codant le récepteur alpha et le sous-­type restrictif de l’anorexie [5]. Des
recherches complémentaires sont à réaliser pour démontrer si les modifications
de la voie œstrogénique sont une cause ou une conséquence dans les TCA.
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Système sérotoninergique
Le système sérotoninergique est largement décrit comme étant impliqué
dans le trouble de l’humeur. Il a été montré une diminution de la
concentration de sérotonine dans le liquide céphalorachidien de patientes
anorexiques [3]. Cette observation est dynamique puisque réversible et
qu’il a été mis en évidence une augmentation de la concentration de la
sérotonine sanguine chez les patientes anorexiques en rémission. Il est aussi
postulé qu’une diminution de sérotonine chez les patientes anorexiques
peut être due à la diminution de la prise alimentaire et donc à la dimi-
nution de l’assimilation de tryptophane qui est l’acide aminé précurseur
pour la synthèse de sérotonine. Aussi, les patientes anorexiques sont dans
une spirale qui entretient leur trouble alimentaire de par la dénutrition et
maintient leur humeur dépressive. Enfin, il a été montré chez les patientes
anorexiques une augmentation de la quantité de récepteur sérotoninergique
au niveau du cortex orbito-frontal qui est associé à une augmentation de
l’anxiété et à une altération du tempérament « évitement du danger ».
Les différents travaux de recherches suggèrent que la sérotonine n’inter-
viendrait pas dans la pathophysiologie des TCA en tant qu’état mais
plutôt qu’en tant que trait. Ainsi, des traits comportementaux tels que
l’anxiété, la dépression, mais aussi le perfectionnisme, l’intéroception, le
contrôle de l’inhibition, la récompense, la rigidité et l’évitement du danger
seraient décomposés en phénotypes qui se recouvrent plus ou moins selon
le TCA, notamment entre anorexie et boulimie, et modulés par la voie
sérotoninergique, mais aussi d’autres voies de neurotransmetteurs.
156   Et les neurosciences

Trouble du comportement alimentaire


et addiction
Les TCA remplissent les conditions d’une addiction comportementale
[3]. En effet, les TCA s’organisent autour de comportements réalisés dans
le but : de produire une satisfaction, de faire disparaître un mal-­être,
et de maintenir ces comportements malgré l’existence objective d’effets
délétères. De plus, l’organisation de ces comportements de type impulsif
(passage à l’acte) et/ou de type compulsif (répétés de manière ritualisée)
correspond bien à ce qui est généralement observé dans les addictions. Il
existe en effet dans les TCA une réelle incapacité à contrôler ce compor-
tement puisque tout est mis en œuvre pour le maintenir en dépit des
conséquences néfastes. Il existe de plus des processus communs entre les
TCA et les addictions, à savoir un risque familial de troubles addictifs qui
est multiplié par dix chez les apparentés au premier degré d’observer un
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TCA, une dépression et un abus de substances. Les comorbidités addictives
des TCA sont aussi trouvées en excès : là encore abus de substances, jeu
pathologique et impulsivité. Il existe enfin des facteurs prémorbides psycho-
pathologiques communs dont la dépendance aux stimuli externes, une
mauvaise reconnaissance des stimuli internes et des traits de personnalité
altérés. Ainsi dans l’AN, pour le sous-­type restrictif, on observe un score
de perfectionnisme plus élevé, une plus forte obsessionnalité et rigidité,
alors que pour le sous-­type mixte on repère surtout plus d’impulsivité et
d’instabilité affective. Dans la boulimie, ce sont surtout les comportements
impulsifs et compulsifs qui sont notés.
Il est d’une importance capitale de différencier les facteurs traits des
facteurs états dans les TCA. Aussi, il existe des voies neurobiologiques
prémorbides associées aux traits ou causes de pathologie, et des voies
neurobiologiques morbides associées aux états ou conséquences du TCA.

Trouble du comportement alimentaire,


système cérébral de récompense
et voie dopaminergique
On retrouve des voies neurobiologiques communes entre les TCA et
les addictions pour aboutir à l’appétit, à savoir qu’au-­delà des mécanismes
homéostatiques décrits précédemment avec les systèmes neuroendocriniens
de la leptine et de la ghréline pour la faim et la satiété, il existe une biologie
Apport des neurosciences dans  les  troubles du  comportement alimentaire   157

de l’effet récompense qui passe par les régions cérébrales de l’amygdale, de


l’insula, du striatum, du noyau accumbens et de l’aire tegmentale ventrale
via les neurotransmetteurs dopaminergiques, opioïdes et cannabinoïdes.
Ainsi, il a été mis en évidence dans le liquide céphalorachidien des patientes
anorexiques malades (mais aussi en rémission), en comparaison à des sujets
contrôles, une diminution des métabolites de la dopamine qui est le principal
neurotransmetteur de la récompense et de la motivation. Par ailleurs, on a
retrouvé une augmentation de la fixation des récepteurs dopaminergiques D2
et D3 du striatum ventral chez les patientes AN en rémission par rapport
aux contrôles. Plus récemment, il a été démontré que l’interaction directe
et physique (création de ce que l’on appelle des hétérodimères) entre le
récepteur dopaminergique D2 et celui de la ghréline dans les neurones de
l’hypothalamus était nécessaire et suffisante pour induire la prise alimentaire
dans un modèle murin [4]. Une interaction entre le récepteur dopaminer-
gique D2 et celui de la ghréline a également été identifiée dans les neurones
du striatum, mais son effet biologique reste à démontrer.
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Trouble du comportement alimentaire,
addiction et recherche
en imagerie cérébrale
Les recherches en imagerie cérébrale fonctionnelle ont permis de
mettre en évidence une anomalie des effets récompenses chez les patientes
anorexiques, avec une réponse augmentée de l’activité de la région de
l’insula lors de la présentation de nourriture. De plus, il a été montré
que les circuits cérébraux de la récompense, de la motivation et du plaisir
localisés dans le striatum ventral présentent une activité altérée chez les
patientes anorexiques en comparaison à des contrôles pour une tâche de
jeu avec un gain d’argent.
Des travaux récents de Fladung et al. ont montré que devant des images
de silhouettes corporelles féminines de maigreur, normales ou en surpoids,
les patientes AN évaluent aussi bien que les sujets contrôlent le poids mais
le sentiment de satisfaction ressenti diverge [2]. Les patientes, adultes
ou adolescentes, ont un ressenti significativement plus positif pour les
silhouettes de maigreur et négatif pour les silhouettes normales en compa-
raison aux contrôles. En imagerie cérébrale fonctionnelle, une activation
anormale du striatum ventral est observée chez les patientes AN devant
les images de maigreur. Ainsi, une dérégulation du siège de la récompense
et de la motivation est observée chez les patientes adultes correspondant
à un effet renforçant anormal par des stimuli de silhouettes de maigreur.
158   Et les neurosciences

Conclusion
Les neurosciences et les recherches sur les TCA ont mis en évidence
plusieurs voies neurobiologiques potentiellement impliquées. Les travaux
d’imagerie cérébrale fonctionnelle dans les TCA montrent des différences
d’activités dans les régions gérant la récompense et la motivation. Des
recherches futures longitudinales devraient permettre de distinguer cause
et conséquence dans les TCA, notamment en étudiant les patientes en
rémissions ou les apparentés non atteints. Enfin, les avancées de la biologie
moléculaire ont permis de réaliser de multiples analyses génétiques [5].
Plus récemment, le criblage entier du génome par GWAS (Genome-­
Wide Association Study) de la cohorte internationale GCAN de plusieurs
milliers de patientes versus contrôles a ouvert de nouvelles perspectives de
recherches [1]. Le centre de la CMME à Sainte-Anne a d’ailleurs fourni
l’un des échantillons parmi les plus larges dans ce consortium mondial. Les
recherches génétiques sont maintenant couplées à des approches transver-
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sales de l’étude de l’expression des gènes, des modifications épigénétiques
des gènes et du dosage des protéines, qui soulèvent beaucoup d’espoir
pour une compréhension plus fine des facteurs en jeu.

Bibliographie
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