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https://doi.org/10.31743/ql.11531
« La première question que l ’on adresse à tout voyageur qui revient d ’Orient est celle-
ci : – “Et les femmes ?” – Chacun y répond avec un sourire plus ou moins mys-
térieux selon son degré de fatuité, de manière à faire sous-entendre un respectable
nombre de bonnes fortunes », raconte Théophile Gautier dans son Constantinople
(1899, p. 195). En effet, l ’Orient du XIXe siècle, compris – selon la formule bienheu-
reuse d ’Edward Said (2005, p. 29) – comme « la représentation que l ’Europe se fait
de l ’Orient », est celui des femmes : de belles odalisques lascives qui attendent leurs
giaours, leurs « voyageurs blancs ». Les peintres de l ’époque les représentent par mil-
liers dans des postures voluptueuses : mi-couchées, se reposant après être sorties
du bain ou dans le bain même. Parfois, ils peignent aussi des danseuses sensuelles
dévoilant devant les spectateurs leurs charmes exotiques, préfigurations de la Salomé
de Wilde et de sa danse des sept voiles de la fin de siècle.
Comme le remarque avec justesse Judith Lynn Hanna (2010, p. 212), en dansant,
l ’homme se sert du même outil qu ’en faisant l ’amour, à savoir de son corps qui tend
vers le plaisir. La danse sensuelle devient ainsi une introduction aux autres délices
des sens. C ’est la raison pour laquelle la danseuse orientale devient l ’un des mythes
de l ’Orient en Occident (Tritter, 2012, p. 191-198).
Et si ce n ’est pas une femme qui danse ? Mais un jeune homme déguisé
en femme séduisant le public masculin par ses mouvements et gestes sans équi-
voque ? Beaucoup moins populaire que celle de la danseuse orientale, cette figure
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apparaît dans quelques relations de voyage du XVIIIe et du XIXe siècles. D ’habitude,
elle éveille le malaise, en évoquant de façon plus ou moins explicite l ’homosexualité
considérée jadis en France « comme une maladie qu ’il convenait de soigner ou une
perversion qu ’il fallait punir » (Richard, Richard-Le Gouillou, 2002, p. 120). Mais,
comme le dit Alain Corbin (2002, en ligne), le XIXe siècle est un « [s]iècle hypocrite
qui réprime le sexe mais en est obsédé ». Les fantasmes les plus pervers cherchent
à se réaliser dans les contrées lointaines.
Le but de cette contribution est de répondre à la question de savoir si les des-
criptions des danseuses orientales mâles présentes dans quelques récits de voyage
des années 1840-1850 forment un autre rêve d ’Orient, un rêve plus pervers encore
que celui de la belle odalisque ou si elles constituent juste une caricature de la femme
orientale. Une des définitions de la caricature affirme qu ’elle constitue « une sorte
de viol de conscience : les barrières et les tabous, les aveuglements volontaires
ou subconscients du destinataire sont balayés par une image, dont nous percevons
tout d ’abord le caractère formellement scandaleux » (Jouve, 1986, p. 112-113). Pour
voir si les descriptions des danseuses mâles répondent à cette définition, nous com-
mencerons par l ’histoire de cette figure dans la culture orientale. Nous examinerons
ensuite son image dans deux relations de voyage du tournant du XIXe siècle et, pour
finir, nous analyserons les représentations des danseuses mâles créées par Gérard
de Nerval, Gustave Flaubert et Théophile Gautier.
Les puschts, les bardaches, les « almées… mâles » : une caricature de la femme orientale… 43
Les différences sont visibles : la femme danse voilée, vêtue d ’une tunique et d ’une
jupe longue. L ’homme porte un turban, un caftan et un poignard sous sa ceinture.
Il est pourtant très jeune, non barbu et possède sûrement une certaine délicatesse
féminine. Dans les commentaires à ces deux estampes, on lit :
Les Turcs ont des danses fort divertissantes. Les danseurs vont par bande dans les Maisons
où ils sont appelés : ils y jouent aussi la comédie qui est toujours pleine de paroles grossières
et d ’équivoques fort sales. Pour les danseuses elles sont très jolies et ne se mêlent point avec
les hommes. Il faut une permission de la Porte pour les faire venir chez soi : leur danse est
galante et leurs postures fort immodestes.2 (Recueil, 1715, p. 16-17)
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Cette image persiste jusqu ’à la fin du XVIIIe siècle. Dans son Voyage en Turquie
et en Égypte, fait en 1774 et publié en 1778 sous forme de lettres à sa mère, Jean Potocki
consacre toute une lettre à cette corruption morale des Orientaux. Il y décrit aussi
les danseurs déguisés en femmes. Le voyageur les voit danser en Turquie, lors d ’une
cérémonie de circoncision : « des jeunes garçons déguisés en filles exécutèrent une
danse qui représentait les différentes nuances de plaisirs. Leurs mouvements d ’abord
doux et modérés devenaient successivement plus vifs et finissaient par des vibrations
que l ’œil avait peine à suivre » (Potocki, 1980, p. 58). Les danseurs étaient accompa-
gnés de bouffons qui essayaient gauchement de les imiter. La caricature se cache dans
le spectacle même : les mouvements exagérés des garçons, les gestes des bouffons.
Pourtant, Potocki n ’en rit pas vraiment. Il y voit un signe de dégénérescence car cette
danse est regardée par une soixantaine de garçons de 5-6 ans nouvellement circoncis.
« Tels sont les tableaux que l ’on offre ici aux regards de l ’enfance. Il ne faut donc pas
s ’étonner si, blasés dès l ’âge le plus tendre sur ce que la volupté a de plus incitant,
les Orientaux cherchent quelques fois hors la nature des plaisirs criminels et de nou-
veaux dégoûts », déclare tristement le voyageur (Potocki, 1980, p. 58). Le caractère
efféminé de l ’homme qui danse évoque automatiquement l ’homosexualité (Borrillo,
Colas, 2005, p. 12). À en croire Potocki, elle se réalise aussi dans la figure des puschts,
« jeunes et beaux garçons dont le maintien et le métier ne sont point équivoques ».
Ils arrivent « richement habillés » dans les mayhané, type de cafés clandestins où
l ’on peut boire de l ’alcool défendu par l ’islam, et cherchent un client pour qui ils
dansent et chantent. Potocki (1980, p. 59) souligne que c ’est un métier bien dange-
reux « car souvent les puschts deviennent les victimes de la jalousie et de la passion
qu ’ils inspirent ». Son commentaire est fort significatif :
Voilà des goûts qui doivent sans doute faire horreur, surtout aux femmes, à moins
qu ’elles n
’aiment mieux regarder comme un hommage qu ’on leur rend celui que
l ’on adresse à des êtres qui leur ressemblent assez pour m ’avoir trompé plusieurs fois lors-
qu ’ils étaient déguisés pour la danse. (Potocki, 1980, p. 59)
Selon Potocki, la popularité des puschts réside dans leur ressemblance aux femmes.
Ils deviennent des incarnations (imparfaites) des femmes et par cela peuvent être
traités comme leur caricature. Le voyageur ne suggère pas que quelqu ’un puisse s ’in-
téresser aux puschts car ce sont des jeunes garçons séduisants.
Potocki condamne aussi leur comportement : ils sont une caricature de la femme
orientale, dégoûtante et au « caractère formellement scandaleux » (Jouve, 1986,
p. 113). De même Vivant Denon, qui a accompagné Napoléon lors de sa campagne
d ’Égypte3 et a publié sa relation en 1802, est bouleversé par la danse des hommes
déguisés en femmes qu ’il regarde à « une fête turque » :
3. De 1517 à 1798, l ’Égypte est sous contrôle ottoman, ce qui influence beaucoup sa culture.
Les puschts, les bardaches, les « almées… mâles » : une caricature de la femme orientale… 45
La danse […] ce n ’était ni la peinture de la joie ni celle de la gaieté, mais celle d ’une
volupté qui arrive très rapidement à une lascivité d ’autant plus dégoûtante, que les ac-
teurs, toujours masculins, expriment de la manière la plus indécente les scènes que
l ’amour même ne permet aux deux sexes que dans l ’ombre du mystère. (Vivant Denon,
1990, p. 89)
Et maintenant voici les almées qui nous apparaissent dans un nuage de poussière
et de fumée de tabac. Elles me frappèrent au premier abord par l ’éclat des calottes d ’or
qui surmontaient leur chevelure tressée. Leurs talons qui frappaient le sol, pendant que
les bras levés en répétaient la rude secousse, faisaient résonner des clochettes et des an-
neaux ; les hanches frémissaient d ’un mouvement voluptueux ; la taille apparaissait nue
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sous la mousseline dans l ’intervalle de la veste et de la riche ceinture relâchée et tombant
très bas, comme le ceston de Venus. (Nerval, 1980, p. 200-201)
La danse est représentée différemment que chez Potocki et Denon Vivant : le spec-
tateur européen y voit un spectacle qu ’il ne juge pas du tout comme immoral.
La description continue : « À peine, au milieu du tournoiement rapide, pou-
vait-on distinguer les traits de ces séduisantes personnes […]. Il y en avait deux fort
belles, à la mine fière, aux yeux arabes avivés par le cohel, aux joues pleines et déli-
cates légèrement fardées » (Nerval, 1980, p. 201). Le voyageur nervalien se construit
un fantasme de beauté séduisante et sensuelle. Pourtant, ce fantasme se déconstruit
rapidement. Il s ’avère que la troisième danseuse « trahi[t] un sexe moins tendre avec
une barbe de huit jours ». Le voyageur regarde plus attentivement et ne tarde pas à se
« convaincre qu[ ’il n ’a] affaire là qu ’à des almées… mâles » (Nerval, 1980, p. 201).
« L ’art du caricaturiste est de saisir ce mouvement parfois imperceptible, et de le rendre
visible à tous les yeux en l ’agrandissant », écrivait Henri Bergson (1991, p. 20). Paul
Gaultier (1906, p. 4) définissait la caricature comme « le moyen d ’un grossissement
qui va parfois jusqu ’à l ’absurde ». C ’est justement ce qui se passe dans la description
nervalienne. La belle séduisante devient un homme barbu. Les traits difficilement
perceptibles dans la fumée transforment la nature du spectacle. « Ô vie orientale, voi-
là de tes surprises ! », s ’exclame le narrateur. L ’image rêvée se change en caricature :
« j ’allais m ’enflammer imprudemment pour ces deux douteux », se plaint le voyageur,
en devenant lui-même l ’objet de rire.
En effet, ce n ’est pas uniquement la danseuse orientale qui est caricaturée, mais
aussi le rêveur européen qui voudrait la séduire. Celui qui vient de saluer le charme
des danseuses, les traite d ’« hommes aux traits efféminés, aux longs cheveux, dont
les bras, la taille et le col nu parodient si déplorablement les attraits demi-voilés
des danseuses » (Nerval, 1980, p. 201). La caricature transforme la beauté en monstre
(Lynch, 1976, p. 24). Ici, le rêve se transforme en cauchemar. L ’almée mâle ne séduit
pas, elle ridiculise le rêve d ’Orient.
4. D ’ailleurs, à l ’époque, toutes les danseuses ont été chassées du Caire (Shay, 2006, p. 151).
Les puschts, les bardaches, les « almées… mâles » : une caricature de la femme orientale… 47
Un danseur, c ’était Hassan el-Bilbesi, coiffé et habillé en femme, les cheveux nattés
en bandeau, veste brodée, sourcils noirs peints, très laid, piastres d ’or tombant sur le dos ;
autour du corps, en baudrier, une chaîne de larges amulettes d ’or, carrées ; il joue des cro-
tales ; torsions de ventre et de hanches splendides, il fait rouler son ventre comme un flot ;
grand salut final où ses pantalons se sont gonflés, répandus. (Flaubert, 2006, p. 86)
Flaubert n ’expose pas ses sentiments. Il n ’y a que deux adjectifs valorisants qui
sont, en outre, contraires : « laid » et « splendide ». La caricature est établie dans la lai-
deur de l ’homme déguisé en femme. Selon Michel Jouve (1986, p. 114) représenter
ce qui est lié à la perversion comme laid est aussi une forme de caricature. Hassan n ’a
rien du charme féminin. Il ne trompe personne. Et pourtant sa danse est splendide.
Il crée un spectacle qui plaît à l ’Européen. La caricature, se transforme-t-elle en rêve ?
Un autre jour, Hassan, accompagné d ’un autre danseur, revient danser pour
Flaubert. La description est beaucoup plus développée :
Pour costume à tous les deux, de larges pantalons et une veste brodée, les yeux peints
avec de l ’antimoine (khôl) – la veste descend jusqu ’à l ’épigastre tandis que les pantalons,
retenus par une énorme ceinture de cachemire pliée en plusieurs doubles, ne commencent
à peu près qu ’à la motte. De sorte que tout le ventre, les reins et la naissance des fesses
sont à nu, à travers une gaze noire retenue par les vêtements inférieurs et supérieurs. Elle
se ride sur les hanches comme une onde transparente à tous les mouvements qu ’ils font.
[…] Les danseurs passent et reviennent. Inexpressivité de la figure sous le fard et la sueur
qui coulent. L ’effet résulte de la gravité de la tête avec les mouvements lascifs du corps ;
quelquefois ils se renversent tout à fait sur le dos, par terre, comme une femme qui va
s ’étendre, et se relèvent tout à coup d ’un soubresaut brusque – tel un arbre qui se redresse
une fois le vent passé. Dans les saluts et révérences, temps d ’arrêt ; leurs pantalons rouges
se bouffissent tout à coup comme des ballons ovales, puis semblent se fondre en versant
l ’air qui les gonfle. De temps à autre, pendant la danse, le cornac fait des plaisanteries
et baise Hassan au ventre – Hassan, tout le temps, ne s ’est pas quitté de vue de dedans
la glace. (Flaubert, 2006, p. 107-108)
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et de féminité dans les mouvements, ayant les yeux peints avec de l ’antimoine, et ha-
billés en femmes » (1850, en ligne). C ’est une nouvelle exagération qui fait penser
à la caricature. Pourtant, le commentaire la met en doute :
C ’est trop beau pour que ce soit excitant. Je doute que les femmes vaillent les hommes.
La laideur de ceux-ci ajoute beaucoup comme art. J ’en ai gobé une migraine pour le reste
de la journée. Et il m ’a fallu deux ou trois fois aller pisser séance tenante, effet nerveux que
j ’attribue plus particulièrement à la musique. Je ferai revenir ce merveilleux Hassan-el-
Bilbeis. Il me dansera l ’abeille en particulier. Par un tel bardache, ce ne doit pas être poires
molles. (1850, en ligne)
Flaubert est très excité par le spectacle et il désire plus : la fameuse danse de l ’abeille
est celle pendant laquelle le danseur se déshabille.
Le voyageur traite Hassan de bardache, donc d ’homosexuel. Est bardache « gi-
ton, mignon, homme qui se prête à l ’égard d ’un autre homme à des complaisances
obscènes et contre nature », écrit Pierre Larousse (1867, p. 230). D ’ailleurs, Flaubert
(1850, en ligne) l ’explique dans la suite de sa lettre :
Puisque nous causons de bardaches, voici ce que j ’en sais. Ici c ’est très bien porté.
On avoue sa sodomie et on en parle à table d ’hôte. Quelquefois on nie un petit peu, tout
le monde alors vous engueule et cela finit par s ’avouer. Voyageant pour notre instruction
et chargés d ’une mission par le gouvernement, nous avons regardé comme de notre devoir
de nous livrer à ce mode d ’éjaculation. L ’occasion ne s ’en est pas encore présentée, nous
la cherchons pourtant.
« L ’art du caricaturiste a quelque chose de diabolique », écrit Bergson (1991,
p. 12). En fait, l ’extrait ci-dessus a des traits de caricature par l ’exagération et le désir
de choquer bien présents dans la définition de Michel Jouve (1986).
Chez Flaubert donc, l ’homme qui danse fait partie d ’un fantasme. Le désir homo-
sexuel, refoulé ou actif, appartient au projet colonial (Matz, 2007, p. 132). « J ’étais né
pour être empereur de Cochinchine, pour fumer dans des pipes de 36 toises, pour
avoir 6 mille femmes et 1 400 bardaches », écrivait Flaubert à Ernest Chevalier en no-
vembre 1840 (en ligne), avant que son projet de voyage ne se cristallise. La caricature
« nous offre l ’image de l ’homme livré à ses passions, à ses instincts et aux forces
les plus obscures et les moins admirables de son être. L ’énorme remplace les normes
et la référence à celle-ci sert à mesurer la déchéance de certains êtres » (Jouve, 1986,
p. 113). C ’est aussi une caricature du rêveur européen, mais elle diffère de celle pré-
sentée par Nerval. Elle côtoie visiblement le fantasme pervers.
Les puschts, les bardaches, les « almées… mâles » : une caricature de la femme orientale… 49
Théophile Gautier : l ’esthétisation de l ’expérience
Tout comme Flaubert, Théophile Gautier, qui part en Turquie en 1852 et se met tout
de suite à publier des textes inspirés du voyage, sait qu ’il a affaire à des hommes
qui dansent : « Les danseuses sont de jeunes garçons travestis, car la pudeur turque
ne permet pas que des femmes paraissent en public », explique-t-il (2013, p. 101).
Sa description semble être privée de commentaires :
Ces danseuses, ou plutôt ces danseurs, méritent une description particulière ; l ’un
d ’eux, par la finesse de ses traits, la blancheur de son col, ses cheveux blonds en spirale,
son mouchoir bleu posé à la grecque sur le sommet de la tête, son air modeste et sa taille
de guêpe faisait une illusion complète et semblait en effet une jeune et jolie femme.
Son costume du reste était des plus élégants ; il se composait d ’une veste de drap vert
agrémentée de soutaches, d ’une chemise de gaze de soie, de deux tuniques superposées
de taffetas zinzolin, frangées de jaune, et serrées par une ceinture de soie rouge. (Gautier,
2013, p. 101)
Le voyageur semble être fasciné par le jeune homme travesti en femme. Pour que
la caricature marche, elle doit ressembler à sa victime (Lynch, 1976, p. 23). Pourtant
ici le jeune danseur paraît ne pas ressembler à une danseuse, mais le devenir.
Gautier (2013, p. 101) raconte que le danseur a exécuté, « avec des cambrures
et des torsions de reins qui chez nous inquiéteraient la susceptibilité pudique
des sergents de ville, une espèce de romaïque d ’un caractère assez original, et qui
parut faire grand plaisir à l ’assemblée ». L ’Européen semble aimer la danse, lui
aussi. Il n ’est pas du tout choqué par ce qu ’il voit et il est difficile de dire qu ’il vise
à scandaliser son lecteur.
La caricature, écrit Gaultier (1906, p. 3) est « l ’art de la laideur […] son essence
est de ne montrer que le vilain côté des choses, les tares et les taches ». Chez Gautier,
la frivolité, qui pourrait être considérée comme « la tache », est à peine soulignée
et cela de façon humoristique. L ’expérience est avant tout esthétique, il est difficile
de parler de caricature. Par contre, la description peut ressembler à un certain fan-
tasme, esthétique, mais pervers.
En guise de conclusion
Si, dans les récits de voyage, on compare la présence des danseuses mâles à celle
des danseuses femelles, on remarque que les premières sont beaucoup moins nom-
breuses. Il se peut que, comme le suggère Potocki, les voyageurs moins attentifs
ne remarquent pas toujours que celles qui dansaient étaient en fait des hommes.
Et ceux qui l ’ont compris ont préféré, peut-être, se taire pour ne pas scandaliser
le public.
50 Małgorzata Sokołowicz
La caricature, écrit Paul Gaultier (1906, p. 4), est
tout ce qui est contraire à la beauté de la nature ou à la dignité de l ’homme. Elle est
en cela fidèle à ses origines, puisque le mot « caricature » vient de l ’italien carica qui
veut dire « charge ». Elle est fidèle à son histoire, qui nous offre le tableau ou le panora-
ma de tout ce qu ’on peut imaginer de plus repoussant, de plus vil et de plus misérable
au monde, vu comme à travers une loupe démesurément aberrante.
Les puschts, les bardaches, les « almées… mâles » : une caricature de la femme orientale… 51
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Keywords: Orient, male dancer, female dancer, caricature, dream, Nerval, Flaubert,
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