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CHAPITRE 11

La durabilité des bétons


face aux réactions
de gonflement endogènes

A. CARLES-GIBERGUES, H. HORNAIN

Résumé
Deux types de réactions endogènes, c’est-à-dire des réactions d’origine interne
au béton, sans apport d’agents agressifs extérieurs, sont décrites : alcali-réac-
tion, d’une part, et formation différée d’ettringite, d’autre part.
Le terme d’alcali-réaction désigne un ensemble de réactions chimiques qui se
produisent entre la solution interstitielle du béton, hyperbasique et alcaline, et cer-
taines phases, réactives, des granulats. Mais pour que le processus se déclen-
che il faut que trois conditions soient simultanément remplies : granulats réactifs,
humidité relative supérieure à 80-85 % et concentration en alcalins excédant un
seuil critique.
L’alcali-réaction peut provoquer, à plus ou moins long terme (en général au bout
de plusieurs années), des désordres variés dans les ouvrages [1] : fissuration,
gonflement, exsudations, chute des performances mécaniques. Les retours d’ex-
périences en laboratoire associés aux observations in situ ont montré :
1) que la présence des armatures dans les ouvrages réduit la gravité des désor-
dres par rapport au niveau mesuré dans la matrice « béton seul »;
2) que l’incorporation d’additions minérales conduit à une diminution voire à une
élimination de ces désordres.

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La compréhension des mécanismes réactionnels suivant lesquels l’alcali-réac-


tion nuit aux performances du béton a permis, notamment en s’appuyant sur l’em-
ploi d’additions minérales, de définir une démarche préventive, efficace, pour
fabriquer des bétons ne développant pas cette pathologie. En ce qui concerne la
gestion des ouvrages en service, la modélisation du phénomène et les calculs nu-
mériques associés apportent un concours précieux au pronostic des désordres
futurs à redouter.
En ce qui concerne la formation différée d’ettringite ou réaction sulfatique
interne : celle-ci se produit dans des conditions très spécifiques, et l’ettringite for-
mée doit être distinguée des autres formes d’ettringite qui résultent, soit de l’hy-
dratation normale des ciments, soit d’un apport de sulfates externes. La formation
différée d’ettringite dépend de nombreux paramètres, ce qui explique que les
ouvrages où ce phénomène a été rencontré sont rares. Les deux principaux pa-
ramètres, sans lesquels la réaction ne se produit pas, sont un échauffement du
béton à une température supérieure à environ 65 °C pendant une durée consé-
quente, et un environnement très humide. Les autres paramètres sont en relation
avec la composition chimique et minéralogique du ciment et du béton : teneurs
en SO3, Na2O équivalent, C3A, type de ciment et dosage, rapport E/C, nature des
granulats. Tous ces paramètres sont interdépendants, ce qui explique la difficulté
de leur fixer des seuils applicables dans tous les cas.
Le mécanisme de formation différée d’ettringite, complexe, comprend plusieurs
étapes : dissolution de l’ettringite aux températures supérieures à 65 °C, adsorption
des ions sulfates par les C-S-H et cristallisation de nanocristaux de monosulfoalu-
minate au sein des C-S-H; lors du retour à la température ordinaire et en présence
d’eau, recristallisation de microcristaux d’ettringite confinés dans les C-S-H, expan-
sion et fissuration de la pâte de ciment, puis déchaussement des granulats. Le phé-
nomène peut s’étaler sur plusieurs années au cours desquelles l’ettringite
microcristalline confinée recristallise librement dans les fissures et autour des gra-
nulats déchaussés.
Les Recommandations pour la prévention des désordres dus à la réaction sulfa-
tique interne, publiées en 2007 par le LCPC propose une démarche préventive
en matière de protection contre des risques de formation différée d’ettringite
adaptée de celle qui a été mise au point pour la prévention des désordres dus à
l’alcali-réaction.
Mots-clés
ADDITIONS MINÉRALES, ALCALINS, ALCALI-RÉACTION, BÉTON, C3A, DÉTÉRIORATION,
ESSAIS ACCÉLÉRÉS, ETTRINGITE, ETTRINGITE DE FORMATION DIFFÉRÉE, EXPANSION,
FISSURATION, GEL SILICO-ALCALIN, GRANULATS, INHIBITEURS CHIMIQUES, RÉACTIONS
ALCALI-CARBONATE, RÉACTIONS ALCALI-SILICE, RÉACTIONS COUPLÉES ALCALI-RÉAC-
TION/ETTRINGITE, STABILITÉ, SULFATES, TEMPÉRATURE.

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La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

1. INTRODUCTION
1.1. Définition des réactions endogènes
On appellera réactions endogènes1 des réactions chimiques « générées de
l’intérieur » pour lesquelles les composés nécessaires aux réactions sont présents
dans la formule initiale du béton. Ces réactions se produisent sans apport d’agents
agressifs extérieurs, dans des conditions données de température et d’humidité re-
lative.
1.2. Les deux principaux types de réactions endogènes
Les deux principaux types de réactions endogènes sont :
– l’alcali-réaction pour laquelle les produits nécessaires à la réaction préexistent
dans le béton : des granulats potentiellement réactifs et une source d’alcalins
(ciment, additions, granulats, adjuvants) ;
– la formation différée d’ettringite (Delayed Ettringite Formation ou DEF selon
la terminologie anglo-saxone). Cette réaction, également désignée par les termes
« réaction sulfatique interne » ou RSI selon la terminologie du LCPC [24], peut
se produire dans les bétons étuvés ou les bétons de masse à forte exothermie. La
réaction se manifeste dans des conditions très spécifiques de température (inten-
sité et durée déchauffement) et d’hygrométrie. Elle dépend également de la com-
position chimique du béton et du ciment (teneurs en alcalins, SO3, aluminates),
ainsi que de la formulation du béton (dosage en ciment, E/C).
Ces deux réactions sont traitées séparément respectivement dans les para-
graphes 2 et 3 du présent chapitre.

2. L’ALCALI-RÉACTION
2.1. Les différents types d’alcali-réaction
Il est admis que les alcali-réactions se présentent sous trois types : réaction alcali-
silice (les plus fréquentes), réaction alcali-silicate, réaction alcali-carbonate.
2.1.1. Réaction alcali-silice (RAS)
Certains granulats siliceux, lorsqu’ils sont constitués de silice amorphe, mal cris-
tallisée ou microcristalline (par exemple des verres, de l’opale, de la calcédoi-
ne…) sont attaqués par la solution interstitielle qui occupe les pores du béton. La
silice libérée réagit ensuite avec les alcalins Na+, K+ de cette solution interstitielle
et l’on observe finalement, l’apparition de gels silico-alcalins s’ils renferment Si,

1. Du grec endos qui signifie « dedans » et genos qui signifie « origine ».

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Na (et ou K) ou calco-silico-alcalins s’ils contiennent, en plus, du calcium. Ces


gels sont qualifiés de gonflants mais nous verrons plus loin, au paragraphe 2.4.1,
qu’il s’agit là d’une simplification abusive : en effet, l’on constate que des phéno-
mènes de gonflement se produisent dans le béton et qu’ils y provoquent des dé-
sordres, mais les mécanismes invoqués pour expliquer ces gonflements sont
encore controversés [MIC 97, GAR 06].
2.1.2. Réaction alcali-silicate
La différence essentielle avec la réaction alcali-silice réside dans le fait que les
granulats réactifs ne sont pas formés de silice libre mais sont des silicates variés
(phyllo-silicates, tecto-silicates, sains ou altérés). En ce qui concerne les produits
de la réaction, on admet qu’ils sont voisins de ceux apparus dans la réaction alcali-
silice ; des études plus anciennes [DUN 73] signalaient que l’on n’observe pas la
production de gels siliceux.
2.1.3. Réaction alcali-carbonate
On désigne par cette expression la réaction manifestée par des calcaires dolomi-
tiques qui renferment des impuretés phylliteuses [SWE 64]. Très peu de cas ayant
été recensés en France, il en résulte qu’il n’y a pratiquement pas eu d’études sur
ce sujet dans notre pays [19].
Sur le plan pratique, on retiendra que les expansions causées par cette réaction
sont moins importantes que celles dues aux réactions alcali-silice et alcali-silicate
sauf si le béton est soumis à des ambiances hivernales rigoureuses [20].
Il semblerait que les désordres observés dans les ouvrages soient liés à plusieurs
phénomènes : réaction de dédolomitisation de la fraction carbonatée, expansion
de la phase phylliteuse.
La dédolomitisation correspond à la réaction suivante :
(Ca, Mg) (CO3)2 + 2 NaOH (aq.) → Mg (OH)2 + CaCO3 + Na2CO3 (aq.) (1)
dolomite brucite calcite
La solution alcaline est régénérée en permanence :
Na2CO3 (aq.) + Ca(OH)2 → 2NaOH + CaCO3 (2)
portlandite calcite
De ce fait, la réaction de dédolomitisation est autoalimentée et peut donc, du
moins en théorie, se poursuivre jusqu’à épuisement de toute la dolomite.
Les observations dans les ouvrages atteints par la réaction alcali-carbonate met-
tent en évidence la formation d’auréoles foncées autour des granulats réactifs
dans lesquels apparaissent des fissures qui vont ultérieurement se propager dans

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La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

la pâte. Les auréoles sont essentiellement constituées de calcite ce qui s’accorde


bien avec la réaction (éq. 1).
Mais ce qui pose question réside dans le fait que ce film de calcite est également
observé autour des grains de dolomite dans des bétons sains non expansifs : on
peut dont penser que la réaction de dédolomitisation (éq. 1) n’est pas délétère et
ceci d’autant plus qu’elle se fait à volume constant. Cette argumentation est re-
poussée par [TAN 04] qui explique qu’au cours du processus topochimique (réac-
tion 1) apparaissent des pressions de cristallisation.
Les désordres seraient alors explicables par le comportement de la fraction phyl-
liteuse (argiles, micas) des granulats comme le suggèrent les observations de
chercheurs [ROG 86] montrant que la réaction alcali-carbonate était liée à la te-
neur en aluminium, élément associé dans ces roches à des minéraux argileux.
Toutefois il n’y a pas d’accord sur le mode d’action des phyllites [23], même si
l’on attribue toujours une part plus ou moins importante au gonflement de ces mi-
néraux consécutif à la fixation d’eau interfoliaire. [KAT 92] au terme d’une revue
bibliographique sur le sujet (68 références citées) émet une opinion catégorique :
« l’expansion délétère des carbonates est indépendante de la teneur en dolomite
et de la minéralogie des argiles : elle est seulement reliée à une valeur élevée du
résidu insoluble. On ne devrait pas utiliser le terme de réaction alcali-carbonate. »
Moyens de prévention : il n’existe pas de méthode connue pour supprimer les dé-
sordres de la réaction alcali-carbonate : en particulier les additions minérales
pouzzolaniques apparaissent sans effet [20] alors que leur efficacité à contrer les
réactions alcali-silice et alcali-silicate est reconnue. Le laitier granulé de haut-
fourneau aurait une légère action d’après [20], mais elle est niée par [THO 98].
D’après la recommandation du Comité ACI 221.1R-98 [20] on peut diminuer
l’importance des désordres en réduisant la taille des granulats, la teneur en alca-
lins du ciment < 0,4 % et l’exposition du béton aux eaux météoriques.
2.2. Les données de l’observation des ouvrages
Un béton atteint d’alcali-réaction peut ressembler extérieurement à un béton en-
dommagé par le gel, par l’attaque des sulfates ou encore par des fissurations de
retrait. De plus, même si le phénomène d’alcali-réaction est reconnu dans un
ouvrage, il n’est pas toujours aisé de déterminer sa part de responsabilité dans
les détériorations observées.
Shayan et Morris [SHA 04] citent le cas d’un pont construit en 1981, où sont ap-
parues des fissures très importantes. L’expertise a conclu à l’existence d’alcali-
réaction, de corrosion des armatures par des chlorures, et à la formation différée
d’ettringite. Katayama et al. [KAT 04] rapportent les conclusions d’une étude me-
née sur les ouvrages hydrauliques d’un réseau d’irrigation agricole dont plusieurs

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

étaient détériorés : existence d’alcali-réaction, formation tardive d’ettringite suite


à la fissuration causée par l’alcali-réaction, le tout aggravé par un apport continu
d’eau et de mauvaises dispositions des armatures. Sims et al. [SIM 04] décrivent
sept cas de bétons détériorés par des causes multiples : leurs conclusions attirent
l’attention sur le fait que « le degré de certitude d’existence de chaque mécanisme
ne correspond pas nécessairement à l’importance du phénomène comme cause de
détérioration ».
2.2.1. Signes visuels, macroscopiques
Plusieurs types de désordres peuvent être générés par l’alcali-réaction. Il s’agit
essentiellement de déformations et de mouvements différentiels, de fissurations
et de dégradation généralisée des parements. De plus, ces désordres sont presque
toujours limités aux composantes ou aux parties de composantes les plus sévère-
ment exposées.
2.2.2.1. Expansion du béton et désordres associés
L’expansion du béton est l’une des principales conséquences de l’alcali-réaction.
L’éclatement de joints de dilatation ou de construction, l’extrusion des scellants
de joints, le bris de cornières métalliques, la déformation du béton (déflexion, dis-
torsion, gonflement…), les mouvements différentiels entre éléments structuraux,
le blocage de machines (turbines, portes d’écluses…), voilà autant d’évidences de
cette expansion. De nombreux exemples sont cités dans la littérature. Mention-
nons également que d’autres phénomènes peuvent produire des déformations ou
des mouvements différentiels entre composantes de béton, comme les cycles de
gel-dégel, l’attaque des sulfates, les chargements, les variations d’humidité et de
température, les vibrations, le fluage, etc. Il s’agit donc de manifestations impor-
tantes de l’alcali-réaction, mais pas nécessairement limitées à ce phénomène. De
plus, précisons qu’elles n’altèrent que rarement le fonctionnement de l’ouvrage.
2.2.1.2. Fissuration superficielle
Un motif de fissuration est presque toujours observé à la surface des parties expo-
sées et atteintes par l’alcali-réaction. La plupart du temps, il consiste en un réseau
polygonal de fissures, plus grossier que ceux qui résultent de retrait de dessicca-
tion ou de l’action de cycles gel-dégel. Parfois, les contraintes imposées aux
ouvrages induisent une orientation préférentielle des fissures.
L’ouverture des fissures demeure le plus souvent inférieure à 10 mm. Elle pro-
gresse à un rythme variable qui peut dépasser 1 mm/an. Les fissures pénètrent ra-
rement de plus de 5 cm à l’intérieur du béton. Les bétons massifs de barrage, par
contre, peuvent être affectés par des fissures jusqu’à 45 cm de la surface
[Jensen 6].

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La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

2.2.1.3. Exsudations de gels siliceux


La présence d’exsudats est un indice caractéristique de réaction alcali-silice dans
la mesure où on ne les a pas confondus avec des concrétions de chaux carbonatée
: pour éviter la confusion on peut être conduit à des vérifications en laboratoire
(analyse chimique, MEB-EDS, DRX…).
2.2.1.4. Éclatements ponctuels (popouts)
Certains granulats en réagissant près de la surface peuvent produire des éclate-
ments ponctuels. Il s’agit toutefois d’un phénomène accessoire, plus générale-
ment associé à la présence de particules gélives.
2.2.1.5. Dégradation généralisée des parements
On en arrive à des parements pratiquement méconnaissables lorsque y coexistent
un motif de fissuration relativement dense, une coloration brunâtre des bords de
fissures, des exsudats, des éclatements locaux.
2.2.2. Performances mécaniques
Comme cela a été dit, les manifestations des désordres, notamment la fissuration
sont plutôt superficielles.
En ce qui concerne les performances mécaniques du béton de l’ouvrage – lors-
qu’il est armé ou précontraint – on observe très souvent une chute des caractéris-
tiques mesurées sur des carottes prélevées dans l’ouvrage, chute que l’on ne
retrouve pas, ou très affaiblie, lorsqu’on détermine les performances de l’ouvrage
en place, par exemple sa capacité portante. Il est logique de penser que ces écarts
de comportement sont dûs aux différences d’état du béton dans les deux cas de
figure, à savoir qu’il est libre dans les carottes, armé et chargé dans un ouvrage.
Nous allons donc examiner les trois points suivants :
– performances mécaniques du matériau béton atteint par l’alcali-réaction ;
– influence des armatures ;
– influence du chargement.
2.2.2.1. Performances mécaniques du béton atteint par l’alcali-réaction
Il s’agit ici de caractéristiques mesurées en laboratoire soit sur des carottes préle-
vées dans les ouvrages, soit sur des éprouvettes fabriquées en laboratoire, autre-
ment dit sur du béton non armé.
La première constatation est que l’alcali-réaction n’affecte pas les diverses pro-
priétés mécaniques du béton avec une même intensité : ceci est bien visible sur la
figure 11.1.

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1 000

H
60
800 8

600
H (10– 6)

6 40
Rc
400 4

Rc, MPa
Rt, MPa
200
Rt 2

0 0
0 200 400 600
Temps (jours)

Figure 11.1 : expansion et performances mécaniques d’un béton fabriqué avec un gravier
réactif, conservé à 38 °C et 100 % H.R, d’après [BOY 00].
On note que les résistances mécaniques semblent avoir atteint une valeur plancher lorsque l’expan-
sion a atteint son maximum. On voit très nettement que la résistance à la traction (Rt) est beaucoup
plus affectée que la résistance à la compression (Rc).

Dans la majorité des cas, on note que les chutes de résistance à la traction sont
bien plus fortes que celles qui affectent la résistance à la compression : ce fait,
déjà signalé par [NIX 85] a été confirmé par de nombreux auteurs. Il peut être ex-
pliqué par la fermeture des fissures, engendrées par l’alcali-réaction, sous l’action
des contraintes de compression alors que, au contraire, les efforts de traction amè-
nent rapidement la propagation de ces fissures.
Le module d’élasticité est un indicateur très sensible du développement de l’alca-
li-réaction : il peut subir des chutes importantes avant l’apparition d’expansions
significatives et continuer à chuter avec le temps alors que la résistance à la com-
pression continue de croître. C’est ce que montre la figure 11.2, tirée de
[MON 00].

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La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

147 j
40

Contrainte (MPa)
30
28 j

20

10

0 2 000 4 000 6 000 8 000 10 000 12 000

Déformation (10– 6)

Figure 11.2 : comportement sous charge de bétons après 28 j et 147 j de conservation


dans une solution 1N de NaOH, à 38 °C. Les granulats alcali-réactifs sont des calcaires
de Spratt, d’après [MON 00].
On constate que le développement de l’alcali-réaction n’a pas annulé la croissance de la résistance
à la compression : par contre la déformabilité du matériau est fortement augmentée ainsi que sa dé-
formation à la rupture.

En outre, comme on peut également l’observer sur cette même figure, l’alcali-
réaction modifie le comportement sous charge du béton : on note une augmenta-
tion de la déformabilité (le module statique chutant de 20 GPa à 28 j à 6,45 GPa
à 147 j) et de la déformation ultime.
Par ailleurs, le caractère viscoplastique du béton endommagé est accru : les défor-
mations de fluage sont multipliées par 2,5 à 4 [BLI 81].
Concernant le comportement à la fatigue, la littérature fournit des résultats con-
troversés. Des essais de chargement oligo-cycliques sur carottes prélevées dans
des ouvrages atteints [WOO 89] ont montré que le béton se déforme plastique-
ment sous des niveaux de chargement faibles : c’est ce qui apparaît dans la
figure 11.3.

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

A B
5

Contrainte (MPa) 4

0
– 100 0 100 200 300 400 500

Déformation (μm/m)

Figure 11.3 : essais de fatigue sur des carottes de béton de même formulation mais
prélevées dans des éléments superficiellement fissurés (B) et non fissurés (A)
d’une même structure, d’après [WOO 04].
Le béton déjà fissuré par l’alcali-réaction (B) présente un module d’élasticité plus faible que celui qui
ne l’est pas encore (A), tout en accumulant des déformations plastiques.

Dans des essais poursuivis jusqu’à rupture les avis divergent. Pour [FUJ 87], l’al-
cali-réaction ne raccourcit pas la durée de vie alors que pour [AHM 99], le con-
traire est observé : la diminution du nombre de cycles entraînant la rupture varie
de 20 à 86 % suivant le mode de sollicitation.
2.2.2.2. Influence des armatures
La présence des armatures passives ou actives dans les bétons armés ou bétons
précontraints est bénéfique : elles ont un effet, anisotrope, de restriction des dé-
formations engendrées par l’alcali-réaction. Cette constatation, faite par de très
nombreux auteurs, est bien visible dans la figure 11.4 [ABE 89].

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La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

0,6

B
0,5

0,4
Expansion (%)
BA ŏ

0,3

0,2

0,1
BAII

0
100 200 300 400 500
Âge (jours)

Figure 11.4 : influence des armatures d’un béton sur l’expansion provoquée
par l’alcali-réaction, d’après [ABE 89].
Les expansions mesurées sur des carottes extraites de poutres en béton armé soit parallèlement (BA//)
soit perpendiculairement (BA⊥) à l’axe des poutres sont plus faibles que celles d’éprouvette de béton non
armé (B) conservées dans la même ambiance. Les armatures créent ainsi une forte anisotropie de l’ex-
pansion du béton armé.

En second lieu, on note une influence manifeste des armatures sur les performan-
ces mécaniques des bétons atteints par l’alcali-réaction et ceci aussi bien dans des
essais en laboratoire qu’à partir de mesures in situ. Les performances des élé-
ments en béton armé (résistance à la compression, résistance à la traction, module
d’élasticité) sont très peu affaiblies par l’alcali-réaction comparativement à celles
de carottes prélevées dans les mêmes unités ou d’éprouvettes fabriquées avec le
même béton [OKA 89b, INO 89].
Dans le cas d’éléments en béton précontraint, on arrive aux mêmes conclusions,
à savoir que le béton peut être fortement dégradé sur le plan mécanique, par l’al-
cali-réaction, alors que l’élément précontraint n’est pas affecté. On peut citer ici
les observations de [HAM 89] : après dix ans d’exposition en ambiance marine,
des poutres de bétons précontraints fabriqués avec des granulats réactifs ont vu
leur moment de flexion à la rupture accru de 2 à 8 % alors que la résistance à la
compression des cylindres de béton non armé, de même composition et conservés
dans la même ambiance, a chuté de 60 %.
2.2.2.3. Influence du chargement
Le maintien sous charge d’un élément de béton réduit son expansion ; ses perfor-
mances mécaniques sous chargement rapide sont améliorées. Par ailleurs,
[AHM 99] signalent que des éprouvettes maintenues sous charge depuis leur fa-

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

brication jusqu’au début d’essais de fatigue ont des durées de vie supérieures de
50 à 60 % à celles d’éprouvettes de mêmes compositions mais non chargées.
Si l’on fait une synthèse des nombreuses études consacrées au rôle joué par les
armatures et le niveau de chargement dans le comportement d’un ouvrage, en bé-
ton armé ou précontraint, endommagé par l’alcali-réaction, on peut retenir la con-
clusion suivante: l’affirmation « l’application d’une contrainte (armature, charge-
ment) à un béton atteint d’alcali-réaction minimise son expansion et sa perte de
résistance » est une affirmation triviale, certes pas erronée mais ambiguë dans sa
formulation. En effet, globalement parlant, l’état de contrainte appliqué à un tel
béton ne joue que très peu sur le gonflement volumique, par contre, la présence
d’un déviateur dans le champ de contraintes crée une anisotropie des déforma-
tions et des performances mécaniques du béton : il y a un report du gonflement
dans la direction la moins chargée.
2.2.3. Signes microscopiques, observables en laboratoire
2.2.3.1. Microfissuration du béton
L’alcali-réaction crée progressivement un réseau de microfissures dans le béton.
Ces microfissures résultent des pressions de gonflement engendrées au sein des
particules réactives, le long des plans de clivage ou de schistosité ; elles peuvent
également apparaître à la périphérie des grains. Avec le temps, ces microfissures
se propagent dans toutes les directions et peuvent alors recouper plusieurs granu-
lats ainsi que la pâte.
La microfissuration peut être étudiée soit sur des surfaces de fractures, soit sur des
sections polies, soit sur des lames minces ; les grossissements vont de quelques
fois ou dizaines de fois si l’on utilise un stéréomicroscope, à plusieurs centaines
pour les microscopes optiques et plusieurs milliers pour les observations au MEB.
On ne doit pas perdre de vue le fait que la détection d’une microfissuration n’est
effective que si la dimension des microstructures est accessible au pouvoir de ré-
solution de l’instrument d’observation : il en résulte que la quantification d’un ré-
seau microfissural (en termes de densité de fissuration ou de pourcentage de
grains fissurés) n’est exploitable que si on la rapporte à l’échelle d’observation.
La mise en évidence des microfissures est facilitée par des traitements préalables
tels que l’imprégnation par des résines colorées ou par des pigments fluorescents.
2.2.3.2. Gels et autres produits réactionnels
Il est établi depuis longtemps que les alcali-réactions de types alcali-silice ou al-
cali-silicates engendrent des produits amorphes (gels) ou microcristallins, de
composition silico-alcaline ou calco-silico-alcaline [6] et de faciès extrêmement
variables.

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La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

La figure 11.5 présente quelques aspects caractéristiques de ces produits, tels


qu’ils apparaissent au MEB : des gels à surface lisse, craquelés ou bien des struc-
tures alvéolaires montrant une tendance à la cristallisation, voire des amas de cris-
taux lamellaires ou aciculaires souvent en forme de rosettes.
2.2.3.3. Auréoles de réaction
Des zones foncées sont souvent observées dans les granulats réactifs suivant deux
types distincts :
– auréole au pourtour du granulat, coïncidant le plus souvent avec un affaiblisse-
ment de la liaison pâte-granulat, ce qui entraîne une décohésion à l’interface ;
– dépôts dans des microfissures préexistantes dans le granulat qui deviennent des
amorces de fracturation, l’interface gardant alors toute sa cohésion.
2.2.3.4. Rapports entre alcali-réaction et ettringite
Nous attirons ici l’attention du lecteur sur le fait que les observations microscopi-
ques de bétons endommagés ont pu y révéler la coexistence de produits d’alcali-
réaction et d’ettringite.
Ce point est étudié en détail dans le paragraphe 3.

(a) (b)

(c) (d)

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

(e) (f)
Figure 11.5 : quelques aspects caractéristiques (observables au MEB)
de produits d’alcali-réaction, d’après [CYR].
(a) L’observation à faible grossissement (ici x 25) de bétons atteints d’alcali-réaction montre souvent,
en premier lieu, de larges plages, lisses, de gel (les fissures sont surtout provoquées par le vide ré-
gnant dans le microscope).
(b) Lorsqu’on travaille à grossissement plus important, on perçoit l’existence de plusieurs faciès pour
les produits réactionnels : cette vue est particulièrement démonstrative.
(c) Le gel peut se présenter, même à fort grossissement, comme un dépôt, plus ou moins épais, à surface lisse.
(d) La surface du gel présente des protubérances isolées (en haut de la plage) ou jointives (bas de la
plage) : on parle alors de gel mameloné.
(e) Les produits réactionnels perdent une apparence amorphe et acquièrent des faciès plus ou moins
cristallisés : ici une microtexture alvéolaire qui n’est pas très éloignée de celle des C-S-H ordinaires.
(f) La texture cristallisée peut être très nette : ici des rosettes formées de cristaux lamellaires.

2.3. Les enseignements de ces observations


Les enseignements que l’on peut tirer des observations (rapportées au § 2.2) peu-
vent être classés sous trois rubriques :
a) conditions d’apparition de l’alcali-réaction dans un béton : conjonction obligée
des trois facteurs granulats réactifs, alcalins, humidité élevée ;
b) paramètres influents sur la gravité des désordres : ces derniers sont moins im-
portants dans les ouvrages que dans les éprouvette d’essais ;
c) prévention des désordres : des additions minérales et des inhibiteurs permettent
de minimiser ou de supprimer ces désordres.
2.3.1. Les désordres n’apparaissent que par la conjonction de trois facteurs.
Il est actuellement incontestable que l’alcali-réaction ne se développe dans un
béton que si trois conditions sont satisfaites : la présence d’un granulat poten-
tiellement réactif, une forte concentration en alcalins dans la solution interstitiel-
le (qui crée un pH élevé), un taux d’humidité suffisamment élevé. Ces facteurs
de premier ordre sont eux-mêmes sous la dépendance :
– de la formulation du béton ;
– du type et de la fonctionnalité de l’ouvrage où ce béton est mis en œuvre;
– des conditions environnementales.

500
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

Les relations entre ces deux groupes de paramètres sont, de fait, très nombreuses
et peuvent être représentées, pour l’essentiel par la figure 11.6.

Formulation Granulats
du béton réactifs

Ciments
Additions
Adjuvants
E/C

Type et fonction
de l'ouvrage Alcalins > seuil

Environnement Humidité > seuil

Figure 11.6 : facteurs intervenant sur l’apparition des 3 conditions nécessaires


au déclenchement de l’alcali-réaction.

2.3.1.1. Influence de la formulation du béton


ˆ Les granulats
Nous ne traiterons dans ce paragraphe que des granulats donnant lieu à des réac-
tions alcali-silice et(ou) alcali-silicate. En effet, les réactions alcali-carbonates, en
raison de leur faible occurrence, ont été traitées une fois pour toute au para-
graphe 2.1.3.
La sévérité des alcali-réactions provoquées par les granulats dépend bien sûr de
la réactivité de ces derniers mais aussi de leur dosage et de leur granularité.
Les phases réactives, siliceuses au sens large, peuvent exister dans de nombreux
types de roches, comme le montre le tableau 11.1.

501
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 11.1 : principales roches pouvant contenir des phases siliceuses sensibles
en milieu alcalin, d’après [18].

Roches Phases siliceuses sensibles en milieu alcalin

Granites Quartz à réseau déformé, présentant une extinction ondulante.


Granodiorites Minéraux feldspathiques et micacés altérés : joints de grains ouverts.
Quartz-diorites Verres siliceux ou basaltiques, plus ou moins dévitrifiés (microquartz) et
MAGMATIQUES

Rhyolites souvent microfissurés.


Dacites Tridymite, cristobalite.
Andésites Opale.
Trachy-andésites
Basaltes Verres riches en silices, plus ou moins dévitrifiés (micro-quartz) et sou-
Obsidiennes vent microfissurés.
Tufs volcaniques
Rétinites

Gneiss Quartz à extinction ondulante.


MÉTAMORPHIQUES

Micaschistes Microquartz de seconde génération.


Chloritoschistes Minéraux feldspathiques et micacés altérés, grains ouverts.
Ciment quartzeux ou opalin.
Quartzites Microquartz de seconde génération.
Cornéennes Phyllosilicates.
Quartz à extinction ondulante et/ou microfissuré.

Grès Ciment siliceux mal cristallisé ; joints de grains ouverts.


Orthoquartzites Ciment de quartz épitaxique.
SÉDIMENTAIRES

Grauwackes Minéraux phylliteux.


Siltites Opale.
Schistes quartzeux Quartz microcristallin.
Chailles Calcédoine.
Silex Opale.
Calcaires Opale, calcédoine.
Calcaires dolomitiques Silice cryptocristalline en nodules, micronodules ou veinules.
Dolomies Silice diffuse en réseau.

Des renseignements complémentaires sur la pétrographie des roches potentielle-


ment réactives existent dans la littérature, notamment dans les documents LCPC
[25] et RILEM [26].
Les différentes espèces réactives réagissent à des vitesses extrêmement variables
comme l’indique la figure 11. 7 qui montre des courbes d’expansion longitudinale
de bétons fabriqués avec différents granulats et conservés dans une ambiance ré-
gulée à 60 °C et 100 % HR [19].

502
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

1,6
1

Expansion (10– 3)
1,4

1,2
1,0
0,8 2
0,6
0,4
I I' 3
0,2

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24
Âge (mois)

Figure 11.7 : influence des granulats sur la cinétique d’expansion de bétons, dopés en
alcalins et conservés à 60 °C, d’après [19].
Courbe 1 : sable et gravier à cinétique rapide, réactifs ;
Courbe 2 : sable non réactif et gravier réactif à cinétique rapide ;
Courbe 3 : sable non réactif, gravier réactif à cinétique rapide et fumée de silice;
ll’ = limite de gonflement admissible.
On observe :
– que les courbes ont une forme en S ;
– qu’elles diffèrent considérablement par la valeur finale et par la vitesse maximale d’expansion ;
– qu’une addition minérale peut minorer le gonflement.

Ces courbes ne peuvent pas rendre compte de la complexité du comportement di-


mensionnel d’un ouvrage atteint d’alcali-réaction. On doit tenir compte des re-
marques suivantes :
a) in situ et en climat tempéré l’expansion débute à des âges de 5-10 ans ;
b) la courbe d’expansion en fonction du temps présente des irrégularités essentiel-
lement dues aux variations de température et d’humidité ;
c) la plupart du temps, cette courbe d’expansion tend vers une asymptote mais des
vitesses de déformation importantes peuvent être observées sur plus de 50 ans ;
d) l’expansion est typiquement anisotrope.
L’expansion dépend donc de la nature du granulat et aussi de son dosage dans
le béton ; mais on a constaté, dès les premières recherches sur l’alcali-réaction
[VIV 50], qu’elle ne varie pas nécessairement dans le même sens. C’est ce que
l’on a désigné par l’expression « effet pessimum » ; l’expansion croît avec le taux
de phase réactive puis décroît. Ce phénomène, très accentué dans le cas de gra-
nulats très réactifs, comme l’opale, a été, par la suite, signalé pour beaucoup de
granulats. La figure 11.8, adaptée de [22], montre que l’on peut rencontrer, se-
lon les granulats, tous les types de comportement intermédiaires depuis le pessi-
mum, très accentué, situé à des concentrations très faibles, jusqu’au
comportement de proportionnalité entre taux de minéral et taux d’expansion.

503
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2,0

0,6 1 : mortier d'opale


1 2 : béton de silex
3 : béton d'andésite J
4 : mortier d'andésite NZ
0,5

2
0,4 3
Expansion (%)

0,3

0,2

0,1

0 20 40 60 80 100

Taux de minéral réactif (%)

Figure 11.8 : existence de pessima dans la concentration de certaines phases réactives,


d’après [22].
Ces mesures d’expansion, pratiquées sur mortiers ou sur béton, montrent que l’allure des courbes
avec pessimum varie beaucoup d’un granulat à l’autre, aussi bien par la position du pessimum, que
par le rayon de courbure. On passe continûment d’une courbe à optimum très net à une courbe à
croissance continue.

Plusieurs références indiquent que la position du pessimum semble, pour un béton


donné, varier avec l’âge.
Par ailleurs, il apparaît que la taille des granulats influe sur leur réactivité avec
également un effet de pessimum (figure 11.9).

504
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

1 2 3 4
100

Expansion normalisée (%)


80

60

40

1 : opale
20 2 : silice vitreuse
3 : chert
4 : mylonite

0,01 0,1 1 10

Dimension moyenne (mm)

Figure 11.9 : existence de pessima dans la granulométrie de certains granulats réactifs,


d’après [DIA 74, ZHA 90, FEN 02, LAG 92].
Mesures d’expansion réalisées sur des micromortiers, mortiers ou bétons : l’expansion est indiquée
en % de celle qui correspond au pessimum.
Les granulats source unique de la silice réactive, peuvent également libérer des
alcalins. Certains granulats enrichissent la solution interstitielle en alcalins : ce
peut être le cas de verres volcaniques, de sables marins non lavés, de feldspaths
altérés, de micas, de minéraux argileux [STA 86, GOG 96, HUN 96, BER 00]
C’est ainsi que dans le barrage français du Chambon, on estime [DEL 94] que
l’attaque des silicates des granulats réactifs par la solution interstitielle a réalisé
un apport d’alcalins dix fois plus grand que l’apport du ciment même.
ˆ Les alcalins
La dissolution des sulfates alcalins du clinker explique la présence d’ions K+ et
Na+ dans la solution interstitielle ; quant aux ions OH- on sait, au moins depuis les
travaux de [LON 73], qu’après quelques jours leur concentration équilibre prati-
quement celle des alcalins, car celle des Ca++ est devenue très faible. La teneur en
alcalins Na2O + K2O est ramenée en terme de Na2O équivalent ainsi calculé :
Na2O éq. = Na2O + 0,658 K2O. Elle est alors exprimée soit en kg de Na2O éq./m3
de béton, soit en pourcentage de la masse du ciment. De nombreux résultats ont
établi l’influence de cette teneur en alcalins sur le démarrage et la cinétique de l’al-
cali-réaction. On retiendra dans un premier temps (figure 11.10) que les alcalins
ne deviennent nocifs qu’au-dessus d’une valeur critique de concentration (4 kg/m3
dans le cas de la figure).

505
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

0,7

0,6

0,5
Expansion à 200 jours (10–3)

0,4

0,3

0,2
Réaction sans
macrofissuration

0,1
Fissures visibles

0,0
0 1 2 3 4 5 6 7
Na2O éq. (kg/m3)

Figure 11.10 : influence de la teneur en alcalins sur l’expansion de prismes de béton


contenant de l’opale et conservés à 100 % d’humidité relative et 20 °C, d’après [HOB 88].
Une teneur en alcalins de 4 kg/m3 ou moins semble une garantie suffisante pour réduire à un niveau
acceptable (< 0,05 %) les expansions à 200 jours de prismes de béton contenant des particules d’opa-
le d’une granularité 0,3-1,2 mm.

Cette figure, qui exploite des résultats obtenus avec un seul type de granulats, est
citée dans de multiples publications car elle a une véritable valeur pédagogique
en montrant l’existence d’un seuil extrêmement net. Mais si l’on veut rendre
compte des phénomènes tels qu’ils apparaissent sur des bétons, variables notam-
ment par la nature de leurs granulats, la figure 11.11 est plus riche de renseigne-
ments : Berra et al. [BER 05] ont mesuré l’influence de la teneur en alcalins et de
la nature des granulats sur l’expansion à 1 an de prismes de bétons testés suivant
une procédure Rilem AAR-3 modifiée [29]. Les expansions ainsi mesurées sont
comparées au comportement in situ des granulats.

506
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

2 O

1,5
O, C
Expansion à 1 an (10–3)

F toujours réactifs
in situ
C D
F, D
parfois réactifs

1
M, N, A, B
jamais réactifs
N
A

B
0,5

0 2 4 6 8 10
Na2O éq. (kg/m3)

Figure 11.11 : influence de la teneur en alcalins et de la nature des granulats


sur l’expansion à 1 an, de prismes de béton.
Le test juge comme ne présentant pas de risque les formulations de bétons dont l’expansion à 1 an
est ≤ 0,5.10–3. On constate :
– qu’on n’observe pas de seuil aussi abrupt que sur la figure 11.10 ;
– que les teneurs critiques varient avec la réactivité du granulat telle que le comportement in situ l’a
révélée ; d’environ 8 kg/m3 pour des granulats non réactifs, à 3 kg/m3 pour les granulats réactifs.

On constate que le comportement du béton dépend à la fois du taux d’alcalins et


de la nature du granulat. Ceci s’accorde avec le paragraphe 2.4 qui montre l’in-
fluence primordiale du rapport Na2O/SiO2 sur l’alcali-réaction : SiO2 étant appor-
té, en quantités variables, par les granulats, un même rapport Na2O/SiO2 sera
obtenu avec des teneurs variables en alcalins.
Les premières prescriptions de lutte contre l’alcali-réaction ne prenaient en comp-
te que le ciment comme source d’alcalins : elles recommandaient l’emploi d’un
ciment low-alkali renfermant au plus 0,6 % de Na2O éq. et un dosage en ciment
qui limite la quantité d’alcalins à 3 kg/m3.
Ces mesures se sont révélées défaillantes à maintes reprises, car elles ne tenaient
pas compte des autres sources d’alcalins (indiquées sur la figure 11.7). Actuelle-
ment on calcule la teneur en « alcalins actifs » du béton susceptibles d’être fournis
par tous les ingrédients du béton et par le milieu ambiant.

507
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tous les alcalins ne participent pas à l’alcali-réaction car une partie peut rester
piégée dans le réseau cristallin : on appelle « alcalins actifs » ceux qui peuvent
passer en solution. Pour chaque constituant du béton, on calcule ainsi la teneur en
alcalins actifs A : A = ma où a = alcalins totaux et m un coefficient compris entre
0 et 1.
Le document [18] indique les valeurs à prendre pour m : laitiers m = 0,5 ; fines
calcaires m = 0,5 ; cendres volantes m = 0,17 ; pouzzolanes m = 0,17 ; clinker
m = 1 ; gypse m = 1. Pour les granulats m sera déterminé expérimentalement.
On recommande de rester sous une valeur plafond de 3 kg/m3. Mais, étant donné
que dans certains cas cette teneur limite s’est montrée trop élevée, on préconise
plutôt actuellement une approche performantielle basée sur des essais de gonfle-
ment.
ˆ Le ciment Portland
Une des sources principales, même si ce n’est pas la seule, des alcalins disponi-
bles dans un béton. Dans le clinker, les alcalins se trouvent surtout sous forme de
sulfates solubles ; ils peuvent aussi, en de plus faibles proportions, être intégrés
dans les réseaux des autres constituants. Leur teneur, dans un ciment, est situé
dans une plage 0,3-1,2 %. Elle dépend tout d’abord de la composition mais aussi
du process de fabrication (notamment du combustible).
Les autres caractéristiques du ciment comme sa composition minéralogique, sa fi-
nesse de broyage joueraient un rôle beaucoup plus modeste que celui de la teneur
en alcalins sur l’alcali-réaction. Assez peu de publications se rapportent à ces pa-
ramètres : Berra [BER 94] signale toutefois que la finesse du ciment joue sur les
résultats du test NBRI modifié Berra et Krell [KRE 87] indiquent que l’expansion
augmente avec la finesse.
ˆ Le ciment à base de laitier de haut-fourneau
Le laitier granulé de haut-fourneau, moulu, est doué de propriétés hydrauliques,
ce qui le différencie des additions minérales telles que les cendres volantes et les
fumées de silice, qui se comportent comme des pouzzolanes. C’est la raison pour
laquelle ce laitier granulé, dans certains pays, dont la France, peut entrer dans la
constitution de ciments normalisés à de très fortes teneurs. C’est le cas des
CEM III/C dans lesquels il représente de 66 à 95 % du produit.
Le laitier granulé moulu est reconnu depuis longtemps comme efficace dans la
prévention de l’alcali-réaction [HOG 83].

508
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

0,50

0,40
Expansion à 2 ans (%)

0,30

1 : calcaire siliceux
0,20 1 2 : grès
3 : grauwacke
2
4 : granite
3 5 : calcaire dolomitique
0,10 4 argileux

0,04

0,00
0 10 20 30 40 50 60 70
Pourcentage de laitier

Figure 11.12 : influence du laitier granulé de haut-fourneau sur l’expansion à 2 ans


de bétons, fabriqués avec des granulats expansifs et conservés à 38 °C,
d’après [THO 98].
On constate que les expansions dues à une réaction alcali-silice (granulats 1-4) sont abaissées en
dessous du seuil de 0,04 % à 2 ans qui, d’après le texte CSA A23.2.14A, indique l’absence de désor-
dres : pour cela le taux de laitier doit être ≥ 50 %.
On note que dans le cas de réaction alcali-carbonate (granulat 5) l’addition de laitier est inefficace (voir
§ 2.1.3).

La figure 11.12, d’après [THO 98], résume bien les conclusions de nombreuses
recherches, à savoir que les expansions sont pratiquement supprimées dès que le
dosage du liant en laitier granulé excède 50 %. L’emploi du ciment CEM III/C
peut donc être bénéfique si la composition du béton inclut des granulats potentiel-
lement réactifs : le choix de ce type de liant peut également s’appuyer sur sa bonne
tenue en milieu chimiquement agressif, mais doit prendre en compte la lenteur du
durcissement initial.
ˆ Le rapport E/C
Un faible rapport E/C accroît les performances mécaniques du béton et densifie
sa structure, ce qui le protège mieux contre les agressions exogènes. Concernant
l’influence de E/C sur le comportement du béton vis-à-vis de l’alcali-réaction on
peut noter qu’un abaissement de E/C :
a) accroît la concentration des alcalins dans la solution interstitielle (son volume
étant réduit) et donc l’agressivité de cette dernière ;
b) diminue la porosité, donc l’espace disponible pour l’expansion des gels ;
c) diminue la perméabilité, donc la vitesse de diffusion ionique et en conséquence
la vitesse d’alcali-réaction ;
d) accroît la résistance et la rigidité du béton qui est alors plus apte à s’opposer
aux efforts d’expansion.

509
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les deux premiers facteurs, aggravants, s’opposent aux deux derniers. Au final le
résultat global peut pencher dans un sens ou dans l’autre : c’est ce qui semble res-
sortir de la littérature qui présente des résultats très variés, non concordants
[KRE 87, BER 92a, BER 92b, HOB 88].
ˆ Les adjuvants
L’utilisation d’entraîneurs d’air peut-elle réduire les expansions dues à l’alcali-
réaction en fournissant aux gels siliceux plus d’espace (bulles d’air) pour se
loger? Des expériences réalisées au Canada sur des granulats de calcaire siliceux
très réactifs des régions de Trois-Rivières (Québec) et d’Ottawa (Ontario) indi-
quent qu’un dosage en air entraîné de 6 à 9 % n’a pas d’effet significatif sur les
expansions obtenues. Mais dans ce type de granulats, les désordres se manifestent
principalement le long de microfissures préexistantes au sein des particules et il
semble que la présence d’un plus grand nombre de bulles d’air à proximité immé-
diate des particules réactives soit effectivement bénéfique dans le cas de granulats
dont l’attaque chimique se fait plutôt à l’interface pâte/granulats [VIV 47],
[JEN 84]. C’est d’ailleurs ce qui a été observé avec des grès de Potsdam et des
tufs rhyolitiques [BER 92a].
Somme toute, il y a peu de données disponibles sur l’influence des adjuvants face
à l’alcali-réaction. Mentionnons, toutefois, que des études suggèrent que certains
superplastifiants peuvent accroître la teneur en alcalins et le pH de la solution in-
terstitielle [ZEL 89, MAT 91].
Wang et Gillott [WAN 89] ont remarqué que des superplastifiants de type naph-
talène sulfoné ou mélamine sulfonée accroissent l’expansion de mortiers renfer-
mant de l’opale : l’adjuvant agirait et sur la réactivité du granulat et sur les
caractéristiques du gel expansif.
ˆ Les additions minérales
Compte tenu de l’importance et de la spécificité de leur rôle préventif de l’alcali-
réaction, elles sont examinées au paragraphe 2.3.3.
2.3.1.2. Type et fonctionnalité de l’ouvrage
Peu de cas d’alcali-réaction dans le domaine du bâtiment ; cet état de fait est at-
tribué [19] : à un assez faible dosage en ciment (donc en alcalins), à la protection
des murs extérieurs par des enduits, à la faible humidité des éléments intérieurs.
L’alcali-réaction se produit donc essentiellement dans les ouvrages d’art, mais
avec des fréquences variables suivant la catégorie.
Les bétons de masse, comme les barrages, semblent particulièrement vulnérables
[BER 00]; d’après [LAL 00] sur 127 barrages en béton exploités en France par
EDF, 37, soit 30 %, montreraient des signes d’alcali-réaction. Cette vulnérabilité

510
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

importante est explicable par diverses raisons. Certains barrages, comme celui de
Mactaquac (Canada) sont assez gravement affectés bien que l’apport d’alcalins à
partir du ciment n’excède pas 2 kg/m3 ; dans ce cas on peut envisager que les al-
calins proviennent d’autres sources, hypothèse vérifiée dans le barrage de Cham-
bon [DEL 94]. Un béton de masse ne dissipe que très lentement la chaleur
d’hydratation du ciment : la température demeure élevée pendant plusieurs semai-
nes ce qui peut accélérer le démarrage de l’alcali-réaction. Toute fissuration, due
par exemple à des gradients thermiques, peut favoriser la pénétration d’humidité
dans certaines zones et ce d’autant plus qu’un parement de l’ouvrage est au con-
tact permanent de l’eau. Dans ces conditions, les différentes parties présentent des
taux d’humidité très variables et l’on observe alors que les plus humides sont aus-
si celles ou l’alcali-réaction a les effets les plus marqués : ainsi à l’usine hydro-
électrique de Saunders G.S., Grattan-Bellew [GRA 95] a mesuré des damage in-
dex de 20 à 25 dans les parties sèches, et 95 à 140 dans les zones humides.
Des observations sur un autre type d’ouvrages bien particuliers, des tunnels fer-
roviaires, montrent un comportement qui n’est pas facile à expliquer. Leeman et
al. [LEE 05] ont examiné des carottes prélevées dans les revêtements de béton
projeté ou de béton coffré et ceci pour huit tunnels âgés de 19 à 44 ans. Bien que
certains granulats soient potentiellement réactifs et que la majorité des éprouvet-
tes montrent qu’une alcali-réaction s’est produite, il n’est apparu aucun dégât à
l’examen visuel. Les auteurs du rapport attribuent ceci aux faibles variations cli-
matiques ; ils concluent que « des granulats réactifs peuvent être employés dans
les bétons de tunnel sans causer de dommage consécutif à l’alcali-réaction ». Par
contre, un avis diamétralement opposé est formulé par Wood [WOO 04] : « cela
nécessite les plus rigoureuses spécifications d’emploi des granulats non réactifs
pour les tunnels ».
2.3.1.3. Conditions environnementales
ˆ Conditions d’humidité ; cycles de mouillage/séchage
L’humidité ambiante a un rôle fondamental sur le développement de l’alcali-
réaction : c’est pourquoi les essais accélérés de réactivité des granulats et (ou)
des bétons sont réalisés à 100 % H.R. ou en immersion. En fait, on considère
qu’une alcali-réaction ne pourra endommager un béton à température ordinaire
( 20 °C) que si l’humidité relative moyenne est au-dessus d’une valeur seuil égale
à 80-85 %.
Une revue bibliographique récente de Poyet [POY 03] nous permet de préciser
ces affirmations :
– le gonflement libre dû à une réaction alcali-silice augmente bien avec l’humi-
dité relative extérieure (figure 11.13a) ;

511
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– un accroissement de la température abaisse, de façon significative semble-t-il,


la valeur du seuil critique d’humidité relative.
Pourcentage du gonflement maximal

100 90 %

N, L
80 80 % K
O

Seuil HR
60 70 %
O
40 60 % T

20 50 % T

0 40 %
50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % 0 20 40 60
Humidité relative extérieure Température d'essai (°C)

Figure 11.13a : influence de l’humidité Figure 11.13b : influence de la température


sur le gonflement, d’après [POY 03] sur le seuil d’humidité relative,
pour les points O et [LI 02] …. d’après [POY 03].

Les points expérimentaux de la figure 11.13b sont repris de publications dues à : N [NiL 83] ; L
[LUD 89] ; O [OLA 87] ; T [TOM 89] ; P [POY 03] ; K [KUR 89].

L’expression « humidité relative moyenne » ne doit pas masquer le fait que :


– toutes les parties superficielles d’un ouvrage ne sont pas exposées aux mêmes
conditions d’humidité (pluies battantes, accumulations d’eau) ou de température
(ombre, soleil, orientation) ;
– les parties aériennes sont soumises à des cycles de mouillage/séchage. Ainsi
apparaissent des gradients d’humidité dans les ouvrages. Ces cycles de
mouillage/séchage contribueraient au développement des fissures observées à la
surface des ouvrages atteints d’alcali-réaction, ce qui expliquerait plusieurs com-
portements observés in situ ou en laboratoire et illustrés sur la figure 11.14.
– les fissures s’amenuisent rapidement en profondeur ;
– les surfaces de béton constamment exposés à l’air, à des cycles d’émersion/
immersion ou à des cycles de mouillage/séchage sont généralement plus détério-
rées que les parties complètement immergées ou émergées même si des réactivi-
tés sont observées dans toute la masse ;
– les parements exposés à un plus fort ensoleillement sont souvent plus endom-
magés que les autres.

512
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

Coque mince
moins expansive
(souvent sèche,
alcalis lessivés par la pluie)
Soleil
Vent
Pluie
Humidification/séchage Fissuration plus sévère
Gel/dégel côté sud
Variations de température

Gonflement
volumique
Milieu humide

Milieu saturé

Fissuration moins sévère


dans des conditions
Masse interne d'enfouissement
en expansion ou d'immersion

Figure 11.14 : schéma illustrant l’influence des cycles de mouillage/séchage


et des variations conséquentes d’humidité sur le développement de la fissuration
à la surface du béton exposé et atteint d’alcali-réaction, d’après [31].
En période de séchage, les conditions d’humidité peuvent chuter en surface du béton sous le seuil
critique requis pour entretenir l’alcali-réaction (80-85 %) et ce, jusqu’à une certaine profondeur qui dé-
passe toutefois rarement quelques centimètres. De plus, en période de mouillage, ce béton subit sans
doute un certain lessivage de ses alcalins. Sous la poussée du béton interne en expansion, cette co-
que superficielle de béton où les conditions sont souvent propices à l’alcali-réaction sera alors en
quelque sorte sollicitée en flexion et se fissurera.
ˆ Température ; variations de température
Toutes les études de laboratoire indiquent qu’une élévation de température accé-
lère le démarrage et la vitesse initiale de l’expansion. Par contre, on ne peut pas
affirmer objectivement que le gonflement final est accru : on trouve autant de pu-
blications montrant que la hausse de température entraîne une augmentation du
gonflement final que d’autres ayant enregistré une diminution, sans compter cel-
les qui dénient toute influence de la température sur l’expansion finale.
Dans les ouvrages en service, certains sont soumis en permanence à des tempéra-
tures élevées (éléments de centrales nucléaires, incinérateurs…), d’autres à de
basses températures (chambres réfrigérées…).
D’une façon générale, tout ouvrage extérieur subit des variations de températures
imposées par le climat. Outre les variations saisonnières, il ne faut pas sous-esti-
mer l’influence des écarts diurnes de température, parfois énormes dans certaines

513
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

contrées. À répétition, de tels chocs thermiques peuvent provoquer dans le béton


un certain niveau de microfissuration, ce qui ne peut que le rendre encore plus
vulnérable face à d’autres agressions, dont l’alcali-réaction.
Enfin, une attention toute particulière est à apporter aux cycles de gel-dégel qui
peuvent, soit aggraver la détérioration d’un béton initialement fissuré par l’alcali-
réaction soit initier cette alcali-réaction en créant un réseau fissural qui favorisera
la pénétration d’humidité.
ˆ Les apports externes d’alcalins
L’eau de mer et les sels fondants peuvent fournir au béton les alcalins nécessaires
au démarrage et au développement des réactions, et en accélérer les effets. Par
réaction avec la portlandite et les aluminates de la pâte de ciment, les ions Cl- se
retrouvent rapidement au sein de chloroaluminates de calcium, étant remplacés en
solution par des ions OH– (dont la concentration régit le pH), alors que les ions
alcalins Na+ demeurent en solution. Des expériences en laboratoire ont claire-
ment démontré que le chlorure de sodium était au moins aussi dommageable que
la soude et les alcalins du ciment [KAW 00]. Ainsi, l’utilisation à titre préventif
d’un ciment à faible teneur en alcalins en présence d’un granulat réactif, peut
s’avérer inopérante si le béton reçoit des alcalins sous forme de sels fondants. La
même prudence est de rigueur dans les régions côtières (air salin, eau de mer…).
La figure 11.15 [KAW 96] montre bien l’influence combinée de la formulation
des bétons et des conditions environnementales sur la cinétique et l’amplitude du
gonflement libre de cubes de béton non armé, conservés à l’extérieur durant 6 ans.

514
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

8 8

Expansion (10– 3)
700
Expansion (10– 3) 6 6
a
4 4 c

2 2 d
400
b

0 3 5 6 0 1 2 3 4 5 6
1 2 4
Temps (années) Temps (années)

8 8

Expansion (10– 3)
Expansion (10– 3)

6 e 6
g
4 4
f h

2 2

0 1 2 3 4 5 6 0 1 2 3 4 5 6
Temps (années) Temps (années)

Figure 11.15 : influence des facteurs de formulation et d’exposition sur le gonflement


de prismes de béton entreposés à l’extérieur, d’après [KAW 96].
Des bétons refermant des dosages variables en ciment (300-400-500-600-700) kg/m3 ont été coulés
en cubes de 22 cm d’arête. Les cubes ont été placés à l’extérieur soit sur le toit d’un immeuble, soit
en bord de mer. Leurs faces sont recouvertes d’une membrane acrylique, sauf pour la moitié des
éprouvettes ou la face supérieure reste nue.
Les courbes a et b montrent l’influence importante du taux d’alcalins, lui-même proportionnel au do-
sage en ciment.
Les courbes c et d montrent la différence de comportement de la face supérieure directement arrosée
(d) et d’une face latérale où l’arrivée d’eau est différée (c) : l’eau arrivant sur la face supérieure crée
une cinétique plus rapide, mais le fait qu’elle ne s’évapore que difficilement de la face protégée expli-
que que le gonflement se poursuive plus longtemps.
Une réduction de l’apport d’eau : la courbe (f) enregistrée sur une face latérale avec face supérieure
recouverte montre une diminution du gonflement (courbe e) par rapport à une face latérale avec face
supérieure nue.
L’emplacement de stockage, en bord de mer (h) ou sur le toit (g), joue également d’une façon sensible
sur le gonflement.

ˆ Les champs magnétiques, les courants électriques et la protection cathodique


Certains chercheurs ont émis l’hypothèse que les courants électriques ou les
champs magnétiques, produits dans le béton par les lignes à haute tension ou bien
encore par la protection cathodique, pouvaient induire ou accélérer l’alcali-réac-
tion.

515
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

En Angleterre, les premières structures, où furent officiellement reconnus des si-


gnes d’alcali-réaction, étaient associées à des complexes électriques. Dans diver-
ses régions du Québec, plusieurs fondations soutenant des pylônes électriques ou
des tours d’éclairage montrent des signes de détérioration anormalement sévères
et associés à l’alcali-réaction.
Quant à la protection cathodique utilisée pour protéger de la corrosion les arma-
tures de béton armé, des études récentes [SHA 00, CAR 04] tendraient à montrer
que son action sur l’alcali-réaction dépend des granulats, du taux d’alcalins et de
l’intensité du courant. Pour des courants d’intensité voisine des cas réels, cette ac-
tion est peu marquée, même après cinq ans.
2.3.2. Les désordres dans les ouvrages sont moins prononcés
que dans le béton.
La dégradation physique apparente d’un ouvrage atteint par l’alcali-réaction
n’est pas toujours le reflet exact de la dégradation interne du béton. En effet, la
performance structurale et la capacité portante des composantes affectées de-
meurent la plupart du temps très acceptables, puisque la détérioration est sur-
tout concentrée à la surface de ces composantes et que les armatures, placées en
milieu alcalin, sont intactes.

Dans nombre d’études réalisées sur des bétons armés fabriqués aussi bien en la-
boratoire que sur chantier avec des granulats réactifs, on n’a observé que de fai-
bles chutes de capacité portante et de capacité de chargement statique, et ce,
malgré la présence d’un important motif de fissuration à la surface des éléments
en béton étudiés, et bien que des chutes importantes de résistance à la compres-
sion uniaxiale, au fendage, à la flexion ou du module d’élasticité aient été obser-
vées sur des carottes de béton prélevées dans ces éléments [BLI 81, FUJ 87,
HIM 87, KOY 87].
Par exemple, les modules de rigidité et d’élasticité calculés à partir des déflexions
observées lors d’essais de chargement sur les membrures des piliers en T suppor-
tant une importante autoroute du Japon sont peu affectés (chutes de moins de
15 %), et sont incompatibles avec les faibles valeurs du module d’élasticité (chute
de plus de 70 %) et de la résistance à la compression uniaxiale obtenus sur des
carottes de béton [ONO 89].
Les essais de chargement in situ (mesure des déflexions) sont, sans contredit, les
meilleurs tests pour déterminer la capacité portante de certains types de compo-
santes (dalles, piliers, colonnes, etc.). Dans tous les cas observés, l’évaluation du
béton par de tels essais a conduit à des conclusions nettement moins alarmistes
sur la performance mécanique (module d’Young, module de rigidité, capacité

516
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

portante) du béton atteint par l’alcali-réaction que celles issues d’essais en labo-
ratoire sur des carottes de béton prélevées dans ces mêmes composantes.
Pour conclure et afin de ne pas tirer de conclusion alarmiste au seul examen visuel
d’un ouvrage, citons les propos de B. Mather [MAT 99] « Tuscaloosa Lock, dans
l’Alabama, une des structures atteintes par la réaction alcali-silice la plus étudiée
par le corps des ingénieurs, fut déclarée après un premier examen “tellement fis-
surée que l’on a l’impression qu’elle est sur le point de s’effondrer” ; trente ans
plus tard, on l’a trouvée “d’une qualité généralement bonne” ».
2.3.3. Protection apportée par les additions minérales et les inhibiteurs
2.3.3.1. Les additions minérales
De nombreuses études ainsi que les observations portant sur les comportement
des ouvrages ont établi que l’introduction d’additions minérales dans les bétons,
soit en addition soit en remplacement partiel du ciment, réduit ou supprime l’ex-
pansion provoquée par l’alcali-réaction. Cet effet bénéfique exige que soient res-
pectées certaines conditions d’utilisation.
On remarquera que ces additions minérales, qu’elles entrent ou non dans un cadre
normatif, sont toutes des pouzzolanes. Les pouzzolanes artificielles résultent du
traitement thermique, suivi de broyage, de produits naturels ou de déchets indus-
triels ; les pouzzolanes naturelles sont des matériaux naturels ayant subi un simple
broyage.
ˆ Fumées de silice
Dès lors que ces matériaux (pouzzolanes artificielles) sont pauvres en alcalins
(moins de 1 % de Na2Oéq.) et que leur dosage est suffisant, leur emploi conduit
à de bons ou très bons résultats. Le dosage optimal est généralement compris entre
10 et 15 % mais cette fourchette peut être déplacée vers des valeurs plus faibles
ou plus fortes, essentiellement en fonction des granulats réactifs. C’est ainsi que
l’emploi de ciment renfermant 7,5 % de fumées de silice s’est révélé un moyen
bénéfique en Islande, depuis 1979, pour empêcher l’apparition de toute alcali-
réaction nocive dans les bétons de bâtiment alors que le clinker est riche en alca-
lins et que certains granulats sont réactifs [GUD 96]. La figure 11. 16 montre qu’à
ce même dosage de 7,5 % de fumée de silice, dans d’autres situations, la réduction
du gonflement est négligeable [CHE 90].
Toutefois, quelques réserves ont été formulées quant à l’efficacité des fumées de
silice pour contrer l’alcali-réaction dans des cas particuliers.

517
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

FS1
1,0

Expansion à 1 an (10– 3)
CHA

0,5

FS2
CBA

0 10 20 30
Fumée de silice (%)

Figure 11.16 : influence de deux fumées de silice sur l’expansion à 1 an de mortiers


renfermant un granulat siliceux réactif, d’après [CHE 90].
Les expansions de mortiers confectionnés avec un ciment à haute teneur en alcalis (CHA) additionné
de % variables de deux fumées de silice sont présentées en même temps que l’expansion d’un mor-
tier élaboré avec les mêmes granulats réactifs mais avec un ciment à basse teneur en alcalis (CBA).
On en tire plusieurs enseignements :
– les deux fumées de silice n’ont pas la même activité ;
– les deux courbes présentent un pessimum ;
– au pourcentage de 7,5 (qui était bénéfique en Islande), les deux fumées n’ont pas d’action
bénéfique;
– l’apport de 15 % de la fumée de silice la plus active compense à peine l’aggravation résultant du
remplacement du ciment (CBA) par (CHA).
Elles se révèlent inactives dans les réactions alcali-carbonate.
Elles peuvent se montrer inefficaces dès lors qu’elles n’ont pas été bien dispersées dans le béton.
Dans la mesure où se forment des agglomérats ceux-ci se comportent paradoxalement comme des
granulats réactifs engendrant du gel et de l’expansion [GUD 04].

ˆ Cendres volantes
Là aussi l’efficacité de ces matériaux (pouzzolanes artificielles) dépend de plu-
sieurs paramètres : dosage, finesse, composition chimique, teneur en alcalins mais
aussi nature du granulat réactif. On peut retenir deux cas de figure où les cendres
volantes sont inopérantes : la réaction alcali-carbonate et l’utilisation de certaines
variétés de cendres volantes très riches en alcalins qui peuvent augmenter l’ex-
pansion due à une réaction alcali-silice.
Ceci étant dit, on reconnaît généralement que les cendres volantes, surtout celles
de composition silico-alumineuse, dès lors qu’elles sont de bonne qualité, que
leur teneur en alcalins est inférieure à 2 ou 3 % en Na2Oéq. et que leur dosage est
d’au moins 30 %, constituent un bon moyen de prévention de l’alcali-réaction.

518
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

8 8
Cendre A 84 j Cendre B

6 6
Expansion (10– 3)

Expansion (10– 3)
84 j 4
4 7j

7j
2 2 3j
3j

0 10 20 30 0 10 20 30

Cendres (%) Cendres (%)

Figure 11.17 : Influence du taux de cendres volantes sur l’expansion de mortier.


On observe que les deux cendres A et B agissent suivant des modalités différentes ; l’efficacité de A
varie dans le même sens que son dosage, alors que B présente un pessimum vers 5 %.
La cendre volante A est plus efficace que B, l’expansion à 84 j étant 2 fois plus faible.

Des publications récentes indiquent que des cendres volantes silico-alumineuses


même si elles ne sont pas de « bonne qualité » sont efficaces [HOO 04, NOJ 04,
MAC 06]. Mais dans le même temps, le suivi des performances des bétons em-
ployés dans les tunnels suisses du Alptransit Gotthard et du Lötschberg amène
[THA 04] à conclure que les critères de qualité EN 450, concernant les cendres
volantes, ne sont pas suffisants.
ˆ Métakaolin
Cette pouzzolane artificielle est fabriquée à partir de minéraux argileux (kaolinite
essentiellement) portés à des températures de 650 °C à 800 °C. C’est un alumino-
silicate, de structure amorphe et dont de nombreuses études ont vérifié qu’il a des
propriétés pouzzolaniques très marquées.
Son aptitude à contrer les effets de l’alcali-réaction est également bien établie.
Niu et Feng [NIU 04], en travaillant sur des mortiers, ont mesuré une expansion
réduite de 85 % suite au remplacement de 30 % du ciment par du métakaolin.
Ramlochan et al. [RAM 00] ont mesuré les expansions de bétons, conservés du-
rant 2 ans à 38 °C et 100 % H.R., fabriqués avec deux types de granulats réactifs
(calcaire siliceux de Spratt, grauwacke de Sudbury), dosés à 420 kg/m3 de ciment
et du métakaolin (taux de remplacement : 5 à 20 % de la masse du ciment). Quel
que soit le granulat, il a suffi d’une substitution de 15 % de métakaolin au ciment

519
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

pour que l’expansion à 2 ans s’abaisse sous le seuil sécuritaire de 0,04 % proposé
par la norme CAN/CSA A23.2-14A (la réduction de gonflement apportée par le
métakaolin atteint 88 %).
ˆ Brique pilée
Bektas et al. [BEK 04] ont montré que ce matériau, déjà utilisé par les Romains
comme pouzzolane artificielle, est également apte à contrecarrer les effets de l’al-
cali-réaction : les remplacements de 35 % du ciment par de la brique broyée dans
des mortiers renfermant des sables réactifs ont provoqué des réductions de gon-
flement de 78 à 81 %.
ˆ Pouzzolanes naturelles
Les pouzzolanes naturelles proviennent de roches consolidées ou non, d’origine
volcanique pour la plupart, dont la composition est essentiellement silico-alumi-
neuses et la structure majoritairement amorphe. Il en existe une grande variété :
tufs, terre de Santorin, Trassrhénan, rhyotites, zéolite, etc.
Feng et Feng [FEN 02] ont montré que le remplacement de 15 % du ciment d’un
mortier par une zéolite finement broyée (d50 ≈ 12 µm), testé suivant la procédure
ASTM C1260, suffisait à ramener l’expansion au seuil sécuritaire de 0,1 %.
Niu et Feng [NIU 04] en modifiant une zéolithe naturelle par échange ionique
(choix d’une NH4-zéolite) ont accru son activité : cette addition (testée suivant
ASTM C441) au faible taux de substitution de 5 % réduit déjà le gonflement de
74 %.
ˆ Fines minérales obtenues par broyage des granulats réactifs
En partant de la constatation qu’un granulat réactif aux alcalins peut devenir une
pouzzolane très active lorsqu’il est finement broyé, des tentatives ont été faites
pour réduire ou supprimer le gonflement provoqué par un granulat réactif en ajou-
tant dans le béton des fines résultant d’un broyage poussé de ce même granulat.
Bian et al. [BIA 96] sur des mortiers, Guedon-Dubied et al. [GUE 00] sur des bé-
tons, Pedersen [PED 04]. Moisson, Moisson et al. [MOI 04, MOI 05] ont montré
que cette piste était probablement intéressante : sur des bétons confectionnés avec
cinq types de granulats (opale, quartzite, calcaire siliceux, gravier du Nouveau-
Mexique, verre à vitre), ils ont noté, consécutivement à l’introduction de fines de
broyage des granulats respectifs, des réductions importantes de l’expansion, com-
prises entre 30 et 100 %, pour 4 granulats avec un seul échec (Nouveau-Mexique).

520
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

2.3.3.2. Les inhibiteurs chimiques


Mac Coy et Caldwell, dès 1951, avaient étudié l’aptitude d’une centaine de com-
posés chimiques à contrer les effets de l’alcali-réaction dans les mortiers et
avaient conclu à l’intérêt particulier des sels de lithium.
À la différence des additions minérales qui ont uniquement un rôle préventif de l’al-
cali-réaction, les sels de lithium peuvent être employés à deux niveaux : prévention
dans des ouvrages neufs ou traitement d’ouvrages déjà construits et altérés.
Parmi les divers sels de lithium qui ont montré des propriétés intéressantes (LiCl,
Li2CO3, LiF, LiSO4, LiNO3, LiOH…), c’est le nitrate de lithium qui présente le
plus d’avantages [STO 97, MAL 02]. Il ne possède pas l’inconvénient, en cas de
sous dosage, d’augmenter l’expansion ce qui est par contre le cas de LiOH et
Li2CO3. À cause de son pH proche de la neutralité, il ne présente pas les dangers
de manipulation de l’hydroxyde LiOH et de ses solutions.
Pour un emploi préventif, d’après [MAL 02] un dosage de 4,6 l/kg Na2Oéq. est
efficace pour des granulats modérément réactifs, mais les conclusions de Trem-
blay et al. [TRE 04] ne corroborent pas entièrement cette prescription : ayant opé-
ré sur des bétons élaborés avec 12 granulats plus ou moins réactifs, ils ont montré
que seulement dans 6 cas sur 12 un dosage normal réussissait à abaisser l’expan-
sion sous le seuil critique du test ASTM C1293. Ils concluent que l’efficacité du
LiNO3 pour contrer l’alcali-réaction dépend plus de la nature pétrographique du
granulat que de son degré de réactivité.
Pour un emploi curatif, sur un ouvrage déjà endommagé, le traitement ne donnera
de bons résultats que si le produit pénètre assez profondément dans le béton. Des
essais en laboratoire ont montré que la pénétrabilité pouvait être accrue par diffé-
rents moyens : l’ajout d’un surfactant amènerait une amélioration de 50 %, l’ap-
plication d’un champ électrique serait bénéfique également [WHI 00].
Thomas et Stokes [THO 04] rapportent plusieurs exemples de chantiers où ce trai-
tement au LiNO3 a retardé la progression de l’endommagement. C’est le cas d’un
chantier routier où des portions endommagées du revêtement en béton ont reçu
entre 1998 et 2001 plusieurs applications de solutions à 30 % de LiNO3 dosées à
0,2144 l/m².
La figure 11. 18 donne les profils de concentration du lithium en fonction de la
profondeur, mesurés sur des carottes prélevées après traitement.

521
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1,5

Taux de Li (10– 4)
1

0,5
2

0 1 2 3 4 5
Profondeur (cm)

Figure 11.18 : pénétration du lithium en fonction de la fissuration du béton


avant traitement : interprétation de la figure 11. 10 de [THO 04].
Les carottages effectués sur des sections initialement très fissurées (1), modérément fissurées (2) ou
peu fissurées (3) montrent bien que le produit pénètre d’autant plus profondément que le milieu est
fissuré.

2.4. Explication des mécanismes provoquant les gonflements


Les explications fondamentales permettant d’expliquer le phénomène de gonfle-
ment par le déroulement de l’alcali-réaction se sont longtemps placées sur un
plan chimique, essentiellement phénoménologique.
Ces explications sont divergentes suivant les auteurs ; elles sont actuellement, de-
puis les années quatre-vingt-dix, complétées par des méthodes numériques qui
aboutissent à l’établissement de modèles. Ceux-ci ont, d’une part, l’objectif de
rendre compte de l’amplitude des phénomènes observés sur un ouvrage à l’ins-
tant t, d’autre part, l’ambition de prédire le comportement futur de l’ouvrage.

C’est la réaction alcali-silice qui a été la plus étudiée. En ce qui concerne la réac-
tion alcali-silicate, on penserait que le gonflement n’est pas exclusivement provo-
qué par la formation d’un gel mais qu’il résulterait de possibles phénomènes
d’expansion et d’exfoliation liés à la présence de phases phylliteuses [JEH 96].
2.4.1. Réactions chimiques de la silice des granulats et de la solution
interstitielle
La raison première de la réactivité des minéraux du groupe de la silice est qu’ils
se retrouvent en déséquilibre thermodynamique par rapport à leurs conditions de
formation et de gisement lorsqu’ils sont introduits comme granulats dans un bé-
ton. Ce dernier est en effet un milieu hyperbasique puisque des pH supérieurs à
12,5 caractérisent la solution interstitielle. Dans ces conditions, on sait que pour

522
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

la silice amorphe – et il pourrait en aller de même pour les autres formes de silice
– la solubilité qui est pratiquement constante (100 à 150 mg/l) entre pH 1 et pH 8
s’accroît brutalement et dépasse déjà 1100 mg/l à pH 10,6 [KRA 56]. Depuis les
travaux de Dent-Glasser et Kataoka [DEN 81], même s’il subsiste quelques dé-
saccords sur des points de détail, on admet le schéma suivant pour les phases
initiales:
(i) une réaction acide-base entre les groupements acides silanols et les OH– de la
solution interstitielle crée une charge négative sur l’oxygène
Ñ Si – OH + OH– + →Ñ Si – O– + H2O
Cette charge va être équilibrée par un ion Na+ de la solution
Ñ Si – O– + Na+ → NaSiO (3)
En fait, la stoechiométrie de la réaction → Na0,38SiO2,19
(ii) les ponts siloxane de la silice sont à leur tour attaqués par les ions OH–
Ñ Si – O – Si Ò+ 2OH– →ÑSi – O– + O – Si Ò+ H2O
Cette réaction affaiblit encore plus la structure siliceuse qui devient de plus en
plus accessible aux molécules d’eau et aux ions Na+. A la limite, tout le réseau se
désintègre et la silice passe entièrement en solution, ce qui peut être ainsi
schématisé:
Na0,38SiO2,19 + 1,62 NaOH → 2Na+ + H2SiO4= (4)
De fait et en fonction de l’alcalinité de la solution interstitielle [DRO 97], il appa-
raît également des groupements H4SiO4 ou H3SiO4–.
Que se passe-t-il ensuite ? Les avis divergent suivant les auteurs : soit par des
réactions topochimiques, soit par des réactions transolution, il se forme un gel si-
lico-alcalin.
L’évolution du système SiO2 (granulats)/alcalins (solution interstitielle) ou, en
d’autres termes, la formation du gel, dépend fortement du rapport initial des concen-
trations en SiO2 et Na2O. Dent-Glasser [DEN 81] avait montré que la courbe de va-
riation de la concentration en silice dissoute dans une solution de soude en fonction
de la quantité initiale de silice n’est pas croissante/monotone mais présente un maxi-
mum. Ce maximum, qui expliquerait l’existence du pessimum observé sur certains
bétons atteints de réaction alcali-silice, rapporté au paragraphe 2.3.1, se situe, sui-
vant les conditions expérimentales à des valeurs de 3 ou 5 pour les rapports molaires
SiO2/Na2O. Wen [WEN 89] a confirmé ces résultats, avec un maximum pour le rap-
port molaire SiO2/Na2O = 5, rejoignant ainsi les conclusions de Hobbs [HOB 88].
Dans un béton la solution interstitielle, outre les alcalins et les ions OH–, renferme

523
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

également des ions calcium. Il ne fait plus de doute actuellement que le calcium joue
un rôle dans la formation du gel [DIA 89]; en effet, il est toujours trouvé, en plus ou
moins grande quantité dans les gels [BER 86]. On peut, par contre, penser que les
gels fraîchement formés, même s’ils sont déjà calciques, s’enrichissent par la suite
en calcium au contact de la pâte de ciment. Ils peuvent dans certains cas atteindre
des rapports Ca/Si du même ordre que ceux des C-S-H. C’est ce qui apparaît dans la
figure 11.19, tirée des travaux de [THO 00]. Elle montre, d’une part, que les gels for-
més dans les fissures des granulats renferment moins de calcium que ceux localisés
dans la pâte et, d’autre part, l’enrichissement en calcium, allant de pair avec l’appau-
vrissement en alcalin, dans les bétons âgés.

K/Si
0,3 Gels dans les granulats âge (7 ans)

Gels dans la pâte de ciment (7 ans)


0,2

Gels dans le béton (55 ans)


0,1
C–S–H

0 1 2
Ca/Si
Figure 11.19 : variations de la composition des gels de béton en fonction de l’âge
et de leur situation, d’après [THO 00].
Toutefois, concernant l’enrichissement des gels en calcium avec le vieillissement, il n’y a pas unani-
mité des chercheurs. Freyburg et Berninger [FRE 04] ayant analysé 110 gels prélevés dans des
ouvrages âgés de 6 à 60 ans, concluent que leurs compositions sont dans une même fourchette et
que les plus riches en calcium ne sont pas toujours liés aux bétons les plus anciens.

2.4.2. Origine du gonflement accompagnant la réaction alcali-silice


On explique l’expansion du béton atteint d’alcali réaction, ainsi que les désordres
associés, par la formation d’un gel qualifié de « gonflant ». Actuellement, plu-
sieurs théories tentent d’expliquer l’origine de ce caractère gonflant. Nous allons
exposer succinctement les plus populaires, en reprenant largement les termes de
l’analyse faite en [19].
2.4.2.1. Théorie de la pression osmotique
Initialement proposée par Dent-Glasser et Kataoka [DEN 81], puis par d’autres
auteurs dont Diamond [DIA 89]. La pâte de ciment joue le rôle de membrane
semi-perméable entre le gel et la solution interstitielle. Il apparaît ainsi une pres-
sion osmotique créant un mouvement d’eau vers le gel.

524
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

2.4.2.2. Théorie de la dissipation du gel


D’après Jones [JON 88], il se forme tout d’abord un gel qui, selon ses propres ca-
ractéristiques et celles du béton, pourra migrer ou non dans la porosité de la pâte
durcie. Ce n’est que si sa vitesse de migration est inférieure à sa vitesse de forma-
tion qu’il provoquera le gonflement effectif du béton.
2.4.2.3. Théorie de la double couche électrique
Pour Prezzi et al. [PRE 97] qui ont proposé cette explication, c’est l’existence
d’une double couche électrique autour des particules de gel, colloïdales, qui ex-
pliquerait l’apparition de forces de répulsion et, ainsi, l’accroissement de volume
du gel.
2.4.2.4. Approche thermodynamique
D’après Dron [DRO 97], deux domaines à potentiels chimiques différents sont à
considérer dans un béton siège d’une réaction alcali-silice : le granulat entouré par
une solution saturée en silice et la pâte de ciment contenant de la portlandite. La
rupture d’équilibre entre ces deux phases se fait avec une variation d’énergie libre
et se traduit par la coagulation d’un gel et la dissolution de la portlandite.
2.4.2.5. Théorie du gonflement des corps poreux
Couty [COU 99] applique aux gels, les théories de gonflement des solides à gran-
de surface spécifique qui, lorsqu’ils sont mis au contact de vapeur ou de liquide,
augmentent de volume ; ce gonflement est produit par diminution de l’énergie li-
bre de surface. Cette théorie expliquerait également la fissuration des granulats.
2.4.2.6. Une approche particulière : l’expansion des granulats
L’approche due à Bulteel [BUL 00] est particulière car elle ne prétend pas s’ap-
pliquer à tous les granulats et, surtout, elle expliquerait ou voudrait expliquer, au
moins en partie, le gonflement d’un béton sans faire appel au gel. En travaillant
sur un silex, l’auteur a établi que lors d’une réaction alcali-silice le réseau siliceux
est désorganisé ce qui entraîne immanquablement un accroissement du volume
spécifique du solide. Le phénomène est amplifié par la saturation de la solution
interstitielle en silice et par les ions Ca++ qui freinent la diffusion des silicium hors
du grain.
2.4.2.7. Vers une unification de ces théories
En définitive, dans l’état actuel (2007) de nos connaissances, il semble que les
conclusions formulées par Couty [COU 99] soient encore d’actualité. Il est rai-
sonnable de penser qu’un mécanisme unique ne peut pas rendre compte des phé-

525
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

nomènes observés1. C’est ainsi que Hornain a proposé le schéma suivant


[HOR 99] :
– diffusion des ions OH-, Na+ et K+ dans le réseau siliceux du granulat ;
– pseudomorphose du granulat par un gel très visqueux, poreux ;
– gonflement de cette région suivant un mécanisme de gonflement de corps
poreux et début de microfissuration ;
– dissolution de la silice et formation d’un sol silico-alcalin ;
– gélification de ce sol au contact des ions Ca++ apportés par la portlandite :
– dissipation du gel visqueux dans la pâte de ciment et propagation de microfis-
sures sous l’action des poussées engendrées par ce gel.

2.5. Explication des mécanismes de protection des fines minérales


Cette section va tenter d’expliquer les causes du rôle protecteur que ces fines mi-
nérales manifestent généralement vis-à-vis des désordres liés aux réactions alcali-
silice. Comme on l’a noté en 2.3.3, ces fines peuvent être soit des additions miné-
rales normalisées, soit des fines, d’origine naturelle ou artificielle, toutes ayant
des propriétés pouzzolaniques. Nous rappelons enfin que, dans certains cas, les
fines introduites dans le béton peuvent avoir été obtenues par broyage des granu-
lats réactifs (sable ou gravier) introduits dans ledit béton.
Les différents mécanismes proposés pour expliquer le rôle préventif des fines sont
presque tous les conséquences d’une observation faite depuis longtemps : l’acti-
vité préventive est concomitante d’une activité pouzzolanique. Taylor [21] écrit
même que « la chimie des réactions alcali-silice est essentiellement celle de la
réaction pouzzolanique, la différence des effets observables dans les bétons pro-
venant essentiellement des différences de taille des matériaux siliceux ».
Dans les publications récentes soulignant le parallélisme des deux réactions, on
citera l’article de Yamamoto et Kanaz [YAM 00] qui rapporte que des expérien-
ces menées sur 23 cendres volantes différentes ont établi une proportionnalité en-
tre, d’une part, la réduction du gonflement d’alcali-réaction et, d’autre part,
l’activité pouzzolanique quantifiée aussi bien en termes chimiques (consomma-
tion de chaux) qu’en termes de performances mécaniques (indice d’activité sur
mortier).

1. Le lecteur pourra prendre connaissance en annexe 1 d’un autre schéma synthétique, proposé par
Hou, Struble et Kirkpatrick.

526
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

C’est parce qu’elles sont des pouzzolanes que les fines minérales introduites
dans un béton modifient :
– la teneur en portlandite,
– le rapport Ca/Si des C-S-H, ce qui accroît la fixation d’alcalins ;
– la microstructure de la pâte durcie qui devient plus compacte, avec une double
conséquence sur sa perméabilité et sur ses performances mécaniques [MAS 98].
En outre, ces fines minérales, lorsqu’elles ont employées en remplacement par-
tiel du ciment, peuvent causer un effet de dilution des alcalins.

2.5.1. Réduction du taux de portlandite


Plusieurs auteurs considèrent que la consommation de portlandite, critère essen-
tiel d’activité pouzzolanique, joue un rôle majeur dans la réduction (ou la suppres-
sion) du gonflement [CHA 83a, CHA 83b, BLE 98]. Deux approches sont
proposées :
a) la consommation de portlandite abaisse le pH ce qui rendrait la solution inters-
titielle moins agressive pour les granulats siliceux. Des objections ont été faites,
qui soulignent le fait que le pH n’est que peu dépendant de la concentration en
portlandite ;
b) pour Chatterji, la consommation de portlandite aurait pour effet non pas
d’abaisser la quantité de gel formé mais de le rendre moins gonflant. Mais, là aus-
si, des auteurs contestent cette explication, notamment Duchesne et Bérubé
[DUC 94] pour qui la réduction de l’expansion n’est pas liée à la teneur en port-
landite mais à la réduction de la concentration en alcalins dans la solution inters-
titielle.
2.5.2. Piégeage des alcalins
L’introduction des pouzzolanes, et aussi du laitier granulé, dans la formulation
d’une pâte de ciment Portland abaisse le rapport Ca/Si des C-S-H : alors qu’on a
mesuré pour ce rapport des valeurs comprises entre 1,5 et 2, on a obtenu des va-
leurs ≈ 1 dans des pâtes âgées de 4 ans où 40 % du ciment Portland était remplacé
par de la cendre volante [UCH 86]. De nombreuses publications ont confirmé ces
résultats aussi bien pour des cendres volantes, des fumées de silice, des pouzzo-
lanes que des fines obtenues par broyage de granulats alcali-réactifs [LAR 90,
GLA 92, DUC 94, MOI 05].
Cet abaissement du rapport Ca/Si dans ces C-S-H, que l’on peut qualifier de
pouzzolaniques, entraîne un accroissement important de la quantité d’alcalins que
ces hydrates peuvent fixer dans leur réseau.
Ceci a été parfaitement démontré par Bhatty et Greening [BHA 87] qui ont étudié
la composition des pâtes de ciment, gâchées avec un ciment riche en alcalins, ren-
fermant en proportions variables (10 à 37 % de substitution) des additions d’opa-

527
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

le, de schiste calciné et de centres volantes, puis conservées pendant 14 ans à


23 °C et 100 % H.R.
La figure 11. 20 adaptée de leur publication montre que :
– les trois additions ont manifesté des propriétés pouzzolaniques (consommation
de Ca(OH2)) ;
– les C-S-H ont des rapports Ca/Si, largement inférieurs à celui du C-S-H résul-
tant de l’hydratation du ciment seul ;
– ces C-S-H ont fixé des quantités d’alcalins très supérieures à celles qu’a rete-
nues le C-S-H produit par le ciment seul.
30
100
gCa(OH)2/100 g de pâte calcinée

ciment LTS 14
ciment

Alcalins fixés par C–S–H


opale

(% des alcalins totaux)


80 schiste
schiste cendre volante
20

60

opale
40
10

cendre
volante 20

0 0
0 10 20 30 40 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6

Remplacement du ciment par la pouzzolane (%) Rapport molaire Ca/Si dans les différents C–S–H
(a) (b)
Figure 11.20 : influence d’additions minérales sur la composition de pâtes de ciment,
après 14 ans d’hydratation, d’après [BHA 87].
Ces pâtes ont été fabriquées avec un ciment à 0,92 % de Na2Oéq., avec des remplacements partiels
d’opale, de schiste calciné et de cendres volantes. Après 14 ans de conservation à 23 °C et 100 %
HR, elles ont été analysées. La figure (a) montre qu’elles ont fixé d’importantes quantités de portlan-
dite par réaction pouzzolanique. La figue (b) indique, d’une part, l’abaissement du rapport Ca/Si dans
les C-S-H pouzzolaniques, d’autre part, l’augmentation des alcalis fixés dans leur réseau.

Hong et Glasser [HON 99] ont confirmé ces résultats en opérant sur des C-S-H de
synthèse qu’ils ont placés dans des solutions alcalines de concentrations compri-
ses entre 0,1 et 300 mM, sur des durées de 1 jour à 1 an. Ils ont défini un coeffi-
cient de partage RD = (alcalins fixés dans le C-S-H)/(alcalins restant en solution)
et montré que RD est multiplié par 4 lorsque Ca/Si passe de 1,8 à 1,2 et par 10
lorsque Ca/Si atteint la valeur de 0,85.
On peut donc retenir de ce qui vient d’être dit que les additions minérales forment
des C-S-H « pouzzolaniques » : ces derniers extraient des quantités accrues d’al-
calins de la solution interstitielle, abaissent donc son alcalinité et réduisent ainsi
son agressivité vis-à-vis des granulats réactifs.

528
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

2.5.3. Densification de la pâte durcie


Les additions minérales augmentent la quantité de C-S-H, notamment en fabri-
quant des C-S-H pouzzolaniques : ces derniers, d’après de nombreux auteurs,
auraient une porosité plus fine ce qui, au fur et à mesure que la pâte vieillit, ten-
drait à la densifier. Deux conséquences en découleraient pour cette dernière : ré-
duction de la perméabilité, accroissement des résistances mécaniques.
2.5.3.1. Réduction des coefficients de diffusion et de perméabilité
Bien que les résultats de la littérature ne correspondent pas entièrement sur ce
point, on observe une diminution des coefficients de diffusion et de perméabilité
des pâtes de ciment consécutivement à l’addition de fines minérales pouzzolani-
ques. En conséquence, il y aurait une réduction de la mobilité ionique, qui freine-
rait la migration des alcalins vers les granulats réactifs [UCH 86, TUR 86,
MON 97].
2.5.3.2. Accroissement des caractéristiques mécaniques
La réaction pouzzolanique due aux additions minérales introduites dans un béton,
entraîne un renforcement de la pâte. Cette dernière, en raison de sa rigidité aug-
mentée, réduirait donc les déformations par fluage imposées par la réaction alcali-
silice.
2.5.4. Dilution des alcalins
Selon certains auteurs, les additions minérales agiraient comme des diluants parce
qu’elles libèrent plus difficilement leurs alcalins que le ciment : la solution inters-
titielle, d’alcalinité réduite, est alors moins agressive.
Mais cette explication ne s’applique qu’aux cas où l’addition minérale est utilisée
en substitution partielle au ciment et où sa teneur en alcalins mobilisables est in-
férieure à celle du ciment. C’est pourquoi, il a été signalé des situations où ces ad-
ditions minérales, par exemple de cendres volantes contenant jusqu’à 8,5 %
d’alcalins [DUC 94], accroissaient l’expansion au lieu de la réduire. Signalons
toutefois que plusieurs auteurs, notamment Moisson [MOI 05], ont confirmé que
des fines obtenue par broyage de verres dont la teneur en alcalins, supérieure à
10 % excédait très largement celle du ciment, conduisaient cependant à une ré-
duction de l’expansion.
Ceci montre bien la difficulté d’expliquer le rôle du paramètre « dilution des
alcalins », lorsqu’on l’isole de l’ensemble du contexte chimique, en particulier
de la notion de pessimum (voir § 2.4.1).

529
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.5.5. Comportement in situ


Si la quasi-totalité des expérimentations en laboratoire confirme le rôle protecteur
des additions minérales, des réserves ont été émises par plusieurs auteurs [OBE 89,
BER 92c, FOU 00] quant à la réalité de la protection effective des ouvrages en site
réel : il existe, en particulier, la crainte que les tests accélérés ne soient pas pour-
suivis assez longtemps pour détecter des expansions susceptibles de démarrer très
tardivement in situ. Des travaux récents [BOK 04], menés sur des prismes de bé-
ton, certains traité à 40 °C et 100 % HR et d’autres conservés in situ, ont montré
des discordances de comportement entre les deux populations. Il est apparu que
des dosages en additions minérales (fumée de silice, métakaolin, cendre volante),
relativement faibles, étaient efficaces en essais accélérés et ne l’étaient pas in situ:
pour assurer une protection effective ils devaient être fortement accrus. C’est ce
que montre le schéma suivant.

2
Expansion

a1 a2

0
Addition minérale (%)

Efficacité d’une même addition minérale comme réducteur de l’expansion d’un béton atteint d’alcali-
réaction.
Courbe 1 : lorsqu’il est conservé à 40 °C et 100 % HR.
Courbe 2 : lorsqu’il est conservé in situ.
Pour obtenir la même réduction de l’expansion le béton conservé in situ exige un dosage en addition
minérale (a2) beaucoup plus important – quasiment le double – que le béton testé à 40 °C et 100 %
HR (a1).
(Schéma pédagogique avec des unités arbitraires)

2.5.6. Cas des laitiers granulés moulus


Alors que le nombre de publications rapportant les effets des laitiers de haut-four-
neau sur l’expansion des bétons est élevé, on en trouve très peu qui élucident les
mécanismes d’action de ces matériaux. D’après Bakker [BAK 81], ceux-ci se-
raient surtout d’ordre physique et résulteraient de la densification des pâtes de ci-
ment consécutive à l’addition de laitier. La première conséquence d’accrois-

530
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

sement de la compacité est une diminution considérable des coefficients de diffu-


sion de Na+ et K+ (divisés par 10) qui va réduire d’autant la vitesse de formation
du gel ; la deuxième conséquence est une importante réduction du coefficient de
perméabilité qui va dans le sens de freiner l’arrivée d’eau, ce qui constitue un fac-
teur supplémentaire de gêne par rapport à la formation du gel.
Les résultats ultérieurs de Uchikawa et al. [UCH 86] étayent ces conclusions. Ils
établissent que des pâtes gâchées à partir d’un mélange à 50 % de ciment Portland
et 50 % de laitier granulé ont des coefficients de diffusion de Na+ largement infé-
rieurs à ceux des pâtes de ciment ayant subi la même cure : l’écart s’accroît avec
l’âge et, à 91 jours, le coefficient du laitier est 7 fois plus petit que celui du ciment
Portland. Ces résultats, obtenus à 20 °C, se répètent identiquement avec les bétons.
2.6. Simulations numériques : modélisation, prédiction
Depuis les années 1985-1990 sont apparues des modélisations d’alcali-réaction.
Un modèle qui se voudrait d’emploi universel devrait, à la fois, décrire la cinéti-
que de formation et d’expansion du gel, puis déterminer la réponse du béton à cet-
te expansion. En pratique un tel modèle n’existe pas encore, essentiellement pour
une raison, comme cela a été vu aux paragraphes 2.4 et 2.5, le mécanisme expli-
quant l’apparition des désordres à partir de la réaction chimique entre silice réac-
tive et alcalins n’est pas unique, mais doit être considéré comme étant la résultante
de composantes de natures variées. Or, il n’y a pas encore eu d’accord sur l’im-
portance à donner à chacune de ces composantes et à leur interaction.
Il existe donc des modèles, nombreux, différents :
– par l’échelle à laquelle ils décrivent le matériau : microscopique, mésoscopi-
que ou macroscopique ;
– par l’objet auquel ils s’adressent : le matériau ou la structure ;
– par leur caractère déterministe ou probabiliste ;
– par leur vocation explicative exclusive ou bien explicative et prédictive.
Concernant l’échelle d’étude des modèles « matériau », quelques précisions sont
à donner. À l’échelle microscopique, le matériau béton est caractérisé par un élé-
ment microstructural de base qui lui est propre (matrice solide, porosité, solution
interstitielle) et dont on détermine la réponse à l’action d’un gel gonflant. À
l’échelle mésoscopique, on s’appuie sur des résultats d’expériences menées sur
des éprouvettes de laboratoire, donc à un ordre de dimension décimétrique, pour
rendre compte des relations entre formation du gel et expansion des échantillons.
Dans la modélisation macroscopique, l’objectif est de réaliser un calcul des effets
du gonflement dans une structure en partant d’une expérimentation sur éprouvet-
tes de laboratoire.

531
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.6.1. Exemple de modèles « matériau »


Le modèle de Furusawa [FUR 94] est basé sur l’hypothèse d’un mécanisme topo-
chimique, où la diffusion des ions Na+, K+ et OH- à l’intérieur des granulats est
le facteur déterminant de la réaction alcali-granulats et où l’on suppose que le gra-
nulat est entouré d’une zone poreuse qui doit d’abord être remplie par le gel avant
que l’expansion ne soit mesurable. Il tient compte de la nature du granulat et de
la température.
Ce modèle a été amélioré par Xi et al. [XI 99] qui ont suivi une démarche voisine,
mais où l’on considère que le volume final du gel formé est supérieur au volume
de la couche externe du granulat qui a réagi.
2.6.2. Modèles « structure »
On peut les classer en deux catégories correspondant à des approches très diffé-
rentes de la modélisation de l’ouvrage :
– modélisation par analogie thermique : on mène les calculs en imposant à
l’ouvrage une charge thermique, fictive, Δθ, telle qu’elle introduise une expan-
sion thermique εth égale à celle produite par l’alcali-réaction εr ;
– modélisations plus récentes : elles étendent aux structures la notion de pression
intra-poreuse d’abord appliquée à des modèles « matériau », notion issue de la
mécanique des milieux poreux.
2.6.2.1. Modélisations par analogie thermique
Les modèles de ce type sont apparus en premier et leurs limites se sont manifes-
tées assez rapidement : elles sont dues essentiellement au fait que le béton y est
traité comme un milieu continu, homogène, et qui subit donc un gonflement né-
cessairement isotrope, ce que dément l’observation des ouvrages.
Roelfstra [ROE 85] a probablement été un des premiers à appliquer une méthode
de calculs par éléments finis à deux barrages touchés par l’alcali-réaction. Par la
suite, d’autres ingénieurs, par exemple de Beauchamp et Goguel [BEA 92] ont
également utilisé l’analogie thermique dans leurs calculs de comportement de
barrage.
Le modèle de Léger et al. [LEG 95] est plus sophistiqué que les précédents, car il
essaie de relier le gonflement de l’ouvrage, εr, non plus à un seul paramètre mais
à quatre caractéristiques supposées représenter les conditions de fonctionnement.
L’expression donnant εr est de la forme :
εr = f(C, T, M, R)
dans laquelle C un facteur lié à la contrainte imposée ;
T un facteur de température ;

532
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

M un facteur dépendant de l’humidité ;


R un facteur de réactivité des granulats.
Ces paramètres ont été calculés à partir des mesures sur les ouvrages.
Ce modèle ne tient pas compte de la cinétique de la réaction, paramètre qui a été
intégré dans leur modèle par Huang et Pietruszczan [HUA 99].
2.6.2.2. Modélisations récentes
Ces modèles d’abord appliqués à l’échelle « matériau » ont été étendus aux struc-
tures : ils généralisent la notion de « pression intraporeuse » issue de la mécanique
des milieux poreux, développés par Coussy [COU 95].
Le béton atteint d’alcali-réaction est considéré comme une matrice poreuse, dé-
formable, dans laquelle se produit une réaction topochimique qui aboutit à la for-
mation d’un gel gonflant.
Dans les premières modélisations apparues, on peut noter celle de Larive, relative
aux aspects cinétiques chimiques et mécaniques de la réaction. Un de ses résul-
tats, à retenir par sa simplicité, est que l’avancement de la réaction chimique est
directement proportionnel à la déformation de l’échantillon. À partir de cette
constatation, Larive [LAR 98] en dépouillant les résultats expérimentaux d’un
grand nombre d’éprouvettes discerne deux périodes caractéristiques1 et montre
qu’on ajuste la plupart des courbes de gonflement libre à une courbe d’équation :
∞ 1 – exp ( – t ⁄ τ c )
ε t = ε -------------------------------------------------------
1 + exp ( τ L ⁄ τ c – t ⁄ τ c )
où :
ε∞ = expansion finale ;
τL = temps de latence ;
τc = temps caractéristique ;
εt = expansion au temps t (figure 11.21).

1. On doit noter que toutes les courbes d’expansion en fonction du temps, surtout lorsqu’il s’agit de
mesures in situ, ne présentent pas nécessairement cette forme en S : d’après Wood [WOO 04] « la
plupart des structures du Royaume-Uni atteintes par l’alcali-réaction montrent des élargissements
de fissures qui se font progressivement, d’une façon linéaire, après 30 à 75 ans. Le ralentissement
de la courbe en S trouvé en laboratoire n’est pas visible in situ au Royaume-Uni ».

533
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

B

Expansion
A

WL 2Wc Temps

Figure 11.21 : modélisation d’une courbe de gonflement libre, d’après [LAR 98].
Une courbe est caractérisée par les paramètres suivants :
ε∞ = expansion maximale ;
τL = temps de latence qui correspond à la phase d’initiation puis d’accélération du phénomène ;
2τc = temps caractéristique qui indique la décélération de l’expansion, en A.
On a pu remarquer à de nombreuses reprises dans la littérature que la partie finale de la courbe d’ex-
pansion est un pseudo- plateau, c’est-à-dire une droite à pente très faible, mais non nulle [CAR 02].

Un autre résultat des travaux de Larive est la mise en évidence du caractère ani-
sotrope du gonflement libre dû à l’alcali-réaction : le rapport (gonflement longi-
tudinal)/(gonflement transversal) avoisine 2 dans les expériences rapportées.
Par la suite, l’évolution des modélisations a obéi à deux impératifs :
1) tenir compte du caractère anisotrope de l’endommagement ;
2) s’approcher au mieux du comportement rhéologique du béton sous charge : ce
matériau a été successivement assimilé à un corps élastique, puis élastoplastique,
élastoplastique avec endommagement et, enfin, viscoélasto-plastique avec en-
dommagement [LAR 96, SEL 97, CAP 03, LIK 04]. En outre, certains modèles
ont pris en compte le fait que toutes les grandeurs caractéristiques du matériau
évolutif ne sont pas déterministes mais doivent relever d’une approche probabi-
liste [SEL 06].
À la date de la rédaction de ce chapitre, la littérature montre que plusieurs mo-
délisations rendent compte du caractère complexe des interactions entre l’alcali-
réaction, l’anisotropie des endommagements et le fluage du béton. À l’échelle
des temps, la pression engendrée par le gel se développe en une ou plusieurs dé-
cennies ; le béton manifeste dans son comportement rhéologique une composan-
te visqueuse importante, surtout lorsqu’il est très humide comme c’est le cas des
structures atteintes par l’alcali-réaction. Il en résulte que sur ces longues pério-
des les gonflements provoqués par l’alcali-réaction et les déformations de fluage
sont intimement liés : le béton étant endommagé par la réaction voit sa vitesse
de fluage augmenter. Les déformations de l’ouvrage peuvent alors se poursuivre
sous l’action concomitante des deux phénomènes.

534
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

La modélisation décrite par Grimal et al. [GRI 05] intègre ces données et a permis
de retrouver les fortes anisotropies, rapportées par plusieurs chercheurs, dont
Multon et al. [MUL 05] dans des expériences de chargement en laboratoire sur
cylindres ou sur poutres armées.
2.6.3. Validation des modèles
Il est évidemment nécessaire de s’assurer de la pertinence du modèle à décrire un
cas d’endommagement donné. Pour ce faire, chaque modélisation a utilisé une
méthodologie qui lui est propre. On peut, toutefois retrouver des points communs
dans les procédures de validation :
– la calibration du modèle se fait à partir de courbes de gonflement obtenues en
laboratoire en utilisant les paramètres caractéristiques ;
– la validation s’effectue le plus souvent en deux étapes :
– par comparaison de la courbe prédite et de celle qui est obtenue expérimen-
talement, soit par un test de gonflement (par exemple un essai de perfor-
mance béton NF P18-454) soit par un essai de mesure de gonflement
résiduel de carottes prélevées dans un ouvrage,
– par comparaison avec les mesures in situ. On essaie de reconstituer l’his-
toire hydrique, thermique, mécanique de la structure puis on effectue une
analyse inverse qui conduit aux valeurs les plus satisfaisantes des paramè-
tres caractéristiques.
2.7. Ouvrage en service atteint par l’alcali-réaction
Dans ce cas se pose le problème de bien évaluer le niveau de risque qu’il y a à
garder en service une structure atteinte par l’alcali-réaction. Même si l’affirma-
tion de la première édition de ce livre (§ 3.3.4) « aucun ouvrage ou partie d’ouvra-
ge ne s’est effondré jusqu’à maintenant (en 1991) par suite du seul phénomène de
d’alcali-réaction » est toujours vraie, il ne faut pas sous-estimer l’importance du
problème. En effet, au moins une dizaine de ponts et passerelles ont été démolis
en France [24], toutefois, Godart [GOD 93] fait remarquer que les structures abat-
tues présentaient d’autres défauts majeurs. Par ailleurs, même s’ils ne sont pas
gravement atteints, la même source [24] indique que 400 ouvrages environ sont
concernés par l’alcali-réaction, alors que, de son côté, Électricité de France dé-
nombre dans son parc de barrages en béton environ 30 % de barrage atteints.
Dès lors qu’on a constaté qu’un ouvrage est atteint par l’alcali-réaction, se pose
la question de déterminer le niveau de risque qu’il y a à garder la structure telle
quelle en service.
La réponse à cette question demande que :
– l’on évalue précisément l’état d’endommagement actuel ;

535
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– l’on détermine le surcroît d’endommagement que l’on peut craindre et sa


vitesse d’apparition ;
– l’on détermine par le calcul la chute de capacité portante afin de savoir si la
sécurité des usagers sera toujours assurée ;
– l’on détermine la conduite à tenir : simple suivi, réparation ou démolition.
Depuis la première édition de ce livre, des stratégies de gestion des ouvrages at-
teints ont été définies : nous rappelons, en annexe, la stratégie ISE [DOR 89] et
citons la démarche du ministre hollandais des Transports [BAK 04]. De son côté,
le LCPC a édité un Guide technique pour la gestion des ouvrages atteints de réac-
tions de gonflement interne [24] qui a largement inspiré les paragraphes 2.7.1 et
2.7.2 : le logigramme décisionnel qui indique la marche à suivre est également re-
produit en annexe.
2.7.1. Évaluation des dégâts actuels
Plusieurs techniques peuvent être mises en œuvre : in situ tout d’abord, puis en
laboratoire sur des carottes prélevées dans l’ouvrage.
2.7.1.1. Suivi des déformations de l’ouvrage
Après avoir équipé l’ouvrage de bases de mesure, on suivra les déformations dans
le temps : la vitesse de déformation sera un paramètre nécessaire à la prévision du
comportement futur. Il est intéressant, à titre de référence, de faire également des
mesures dans les zones plus saines. Ces mesures se pratiquent avec des techniques
appropriées aux distances : distancemétrie par fil invar (1-20 m), distancemétrie
infrarouge (3-100 m), extensomètre et pied à coulisse de grande capacité (0-
1,5 m). La précision de mesure relative, rapportée à la base de mesure maxi pour
chaque instrument se situe entre 10–6 et 2.10–5.
2.7.1.2. Évaluation de la fissuration in situ
L’indice de fissuration (IF) ou cracking index, défini A D
en [24], « consiste à relever à l’aide d’un fissuromètre
ou d’une loupe, et de façon exhaustive, toutes les fis-
sures interceptant un repère constitué de 4 axes tracés
1m
dans une zone de un mètre carré sur la partie de pare-
ment à étudier… il est conseillé de mesurer la largeur
des fissures avec une précision de 0,05 mm… loupe
de grossissement × 10 ». C B
1m
L’indice de fissuration, IF, est la somme des ouver-
tures des fissures interceptées par les axes, rapportée à l’unité de longueur. Si la
fissuration est orientée, on prend la valeur obtenue sur l’axe perpendiculaire aux
fissures.

536
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

2.7.1.3. Mesures en laboratoire


D’une part, on dispose de toute une gamme d’essais, habituels dans les laboratoi-
res de matériaux, pour évaluer les performances mécaniques actuelles de carottes
prélevées dans la structure. On peut également, par microscopie, quantifier le ré-
seau de fissuration à fine échelle et préciser l’existence de produits réactionnels
caractéristiques (toutes les formes de gel). Leur détection peut être facilitée par
une pulvérisation préalable d’acétate d’uranyle : les gels rendus fluorescents sont
bien visibles en lumière ultraviolette. S’il existe une réticence à l’emploi de sels
d’uranium, on peut utiliser d’autres colorants [GUT 97].
D’autre part, il existe des tests spécifiques, dont la mise en œuvre se veut rapide
et aboutit à un calcul de coefficients caractérisant l’état de dégradation : trois
d’entre eux sont décrits ci-après.
Crack/index method [LIN 04], pratiqué sur une section plane, polie, de carotte.
Après imprégnation par une solution fluorescente on dénombre les fissures pour
préciser les trois critères suivants : (a) pourcentage de granulats > 4 mm fissurés;
(b) pourcentage de granulats dont les fissures continuent dans la pâte ; (c) nombre
de fissures dans la pâte, rapporté à une section de 100 cm2.
Damage Rating Index [GRA 95]. Cet indice est déterminé à partir du comptage
du nombre de défauts observés sur une surface plane, polie, de carotte, à un gros-
sissement × 16. On doit examiner un nombre de plages d’environ 1,5 × 1,5 cm,
tel que l’aire totale étudiée ≥ 180 cm². Le tableau 11.2 montre le calcul du damage
index, DI, rapporté à 100 cm².
Tableau 11.2 : mode de calcul du « damage index », DI, d’après [GRA 95].

Défaut observé Coefficient


Gros granulats avec fissures 0,25
Gros granulats avec fissures et gel 2
Gros granulats déchaussés 3
Auréoles de réaction autour des granulats 0,5
Pâte de ciment fissurée 2
Pâte de ciment avec fissures remplies de gel 4
Pores remplis de gel 0,5

Stiffness Damage Test [CHR 93]. Une carotte est soumise à 5 cycles de charge-
ment/déchargement entre 0 et 5,5 MPa. Les deux paramètres représentatifs du de-
gré d’endommagement sont (a) le module d’élasticité correspondant au premier
chargement, (b) l’énergie dissipée durant les quatre derniers cycles (on peut revoir
la figure 11.3).

537
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.7.2. Pronostic de l’évolution


Les causes de la pathologie ayant été identifiées et l’état de dégradation évalué, il
reste à établir un pronostic sur l’évolution de la réaction et sur les conséquences
qui en découleront, concernant l’état structurel de l’ouvrage.
Tout d’abord, on s’appuie sur les résultats des mesures de la fissuration et de la
déformation globale de l’ouvrage, complétées par des indications de la tempéra-
ture et de l’humidité interne. Ensuite, des carottes prélevées dans des zones carac-
téristiques sont soumises, en laboratoire, à un essai de gonflement accéléré. Ce
test indiquera s’il existe encore une capacité de gonflement résiduel à redouter
pour l’avenir.
En possession de ces renseignements, on peut alors se référer à un guide techni-
que, comme celui de l’ISE [DOR 89] qui, compte tenu du niveau d’expansion pré-
visible, de l’environnement, de la qualité de l’ouvrage et de sa fonction, définit la
conduite à tenir.
Une autre stratégie, plus sécuritaire, est envisageable : elle se base sur une modé-
lisation du phénomène d’expansion dû à l’alcali-réaction qui permet de recalculer
la résistance de l’ouvrage dans son état actuel de dégradation et, surtout, à son éta-
pe ultime d’évolution.
Selon la modélisation retenue, la séquence des opérations est variable. On peut
prendre, à titre d’exemple, la démarche proposée par le guide technique LCPC
[24] :
a) modélisation de l’évolution de l’expansion du béton avec le temps suivant une
courbe en S, telle que proposée par Larive [LAR 98] ;
b) calibrage de ce modèle pour le béton structurel à partir des mesures de suivi de
l’ouvrage ;
c) ce modèle calibré permet de calculer la résistance mécanique des éléments de
structure compte tenu de l’état d’avancement de l’alcali-réaction : à un instant
donné ce dernier varie d’une partie à l’autre et, en outre, une évolution se produira
avec le temps.
Les résultats de ce pronostic dicteront ainsi au gestionnaire la conduite à tenir
(voir le logigramme placé en annexe 4).
2.7.3. Traitements de protection et de réparation
Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de traitement qui assure la réparation définiti-
ve d’un ouvrage atteint d’alcali-réaction : les procédés existants ne font que pro-
longer la durée de vie du service. Ces traitements interviennent à deux niveaux:
chimique et mécanique.

538
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

Au niveau chimique, partant du principe que le déroulement de l’alcali-réaction


exige simultanément {eau + alcalins + silice soluble}, on peut soit assécher le bé-
ton soit inhiber la réaction alcali-silice.
Au plan mécanique, on contrecarre l’effet des contraintes résultant de
l’expansion: on opère alors soit par libération de ces contraintes soit en s’y oppo-
sant par des renforcements variés.
2.7.3.1. Assèchement du béton
On dispose de plusieurs techniques pour réduire les venues d’eau dans le béton.
• Injection des fissures
Par injection d’un produit scellant, on peut obturer les fissures et réduire ainsi la
pénétration, à condition que ce produit soit suffisamment souple pour suivre
l’élargissement de la fissure avec le temps : on emploie souvent des résines
époxydiques. Ce genre de traitement n’a qu’une efficacité très réduite car il n’em-
pêche pas l’eau de pénétrer par les espaces interfissuraux et il ne freine pas le dé-
veloppement de la fissuration superficielle.
• Application de revêtements superficiels
Lorsqu’il s’agit d’une simple application de peinture, donc de faible épaisseur
(< 300 ou 400 µm), le film n’est pas totalement imperméable à l’eau et il est per-
méable à la vapeur d’eau : le résultat est donc médiocre.
Par contre, l’application d’un revêtement plus épais (quelques millimètres), géné-
ralement sous la forme d’une membrane en matière plastique, est une pratique qui
réduit considérablement la pénétration de l’eau dans le béton. L’efficacité du film
protecteur est évidemment abaissée lorsqu’il est déchiré, situation à envisager au
cours de son vieillissement. Cette technique a été fréquemment mise en œuvre et
a montré son aptitude à prolonger la durée de service des ouvrages.
• Imprégnation par des agents hydrophobes
Plusieurs expérimentations en laboratoire et des retours de mesures in situ mon-
treraient qu’on peut fortement diminuer l’humidité relative dans un béton et ra-
lentir le gonflement consécutif à l’alcali-réaction par imprégnation au moyen
d’une solution hydrophobe : produits essentiellement à base de silanes [JEN 04].
2.7.3.2. Imprégnation par des agents chimiques inhibiteurs
Nous avons vu précédemment (§ 2.3.3.2) que des sels de lithium pouvaient con-
trer les effets de l’alcali-réaction : LiNO3 est le plus sûr d’emploi. Néanmoins,
comme la pénétration du lithium dans le béton est faible (au mieux 5 cm), ce genre
de traitement présente essentiellement un intérêt pour des ouvrages tels que des
bétons de revêtement routier.

539
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Dès lors que le degré de fissuration du béton est le facteur essentiel qui commande
la profondeur de pénétration du lithium, il se pose la question suivante : à quel
moment faut-il traiter un ouvrage dont la fissuration progresse avec le temps?

trop bon trop


tôt moment tard

1 2

Âge
Figure 11.22 : schématisation des évolutions comparées de la dégradation (2)
et de la résistance à la pénétration de lithium (1), d’après [THO 04].
Si le traitement est appliqué trop tôt, il est inefficace car non pénétrant : trop tard implique que les dé-
gâts sont irréversibles donc incurables.

Thomas et Stokes résument la situation sur la figure 11.22 et suggèrent que l’op-
timum correspond à une expansion de l’ordre de 1.10–3.
2.7.3.3. Relâchement des contraintes
Un traitement propre aux barrages, consiste à relâcher les contraintes en réalisant
des saignées par sciage. Il a été appliqué, notamment, aux barrages de Beauhar-
nois et Mactaquac (au Canada), du Chambon (en France) : dans ce dernier cas,
trois campagnes de sciage (1995-1997) ont permis de réduire une contrainte de
compression parasite, évaluée à 5 MPa, en diminuant l’effet « voûte » exercé sur
les appuis et en redonnant à cet ouvrage son fonctionnement de barrage-poids
[DEL 00].
2.7.3.4. Renforcement par des armatures
Une structure endommagée par l’alcali-réaction peut être renforcée par la pose
d’armatures actives ou passives. Ces armatures constituent un réseau soit unidi-
rectionnel, soit bi ou tridirectionnel suivant l’effet recherché : une armature agit
en effet de façon anisotrope et ne s’oppose qu’au gonflement suivant sa direction.
Cette technique a été employée dans des ouvrages variés : appuis de pont [24], pi-
les du barrage du Temple-sur-Lot [DEL 00], massifs de fondation de pylônes de
lignes électriques [DUR 00]. Dans ces derniers cas, les massifs ont été épinglés
par des barres d’acier ∅ 25 mm et recouverts par une couche de nouveau béton ;
dans les deux ans suivant la réparation la vitesse moyenne d’expansion est passée

540
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

d’une valeur de 0,011 %/an (moyenne de 6 années précédant la réparation) à


0,002 % environ, soit cinq fois moins.
D’autres solutions innovantes de remplacement apparaissent : par exemple utili-
sation de plaques d’acier frettant l’élément endommagé [TOR 04], de feuilles de
polymères renforcés de fibres de carbone [WIG 04].
2.8. Ouvrage à construire : démarche préventive
Les dispositions prises pour la prévention dans les ouvrages en construction,
montrent leur efficacité puisque aucun nouveau cas n’a été signalé en France de-
puis 1991 [24].
2.8.1. Approche performantielle de la durabilité des bétons
et prévention de l’alcali-réaction
Dans les premières décennies ayant suivi la découverte de l’alcali-réaction ont été
édictées des mesures pour prévenir le phénomène : une des premières prescrip-
tions consistait à réduire le plus possibles le taux d’alcalins et ceci en préconisant
l’emploi de ciment low alkali. Par la suite, les recommandations qui sont apparues
comportaient un nombre croissant d’exigences dont certaines pouvaient se révéler
économiquement irréalistes : par exemple comment concilier une interdiction
d’emploi de granulats réactifs dans la fabrication de bétons et le fait qu’on soit
dans une région où toutes les roches sont potentiellement réactives ?
Actuellement, on assiste à une évolution des démarches mises en œuvre pour la
conception et la fabrication de bétons durables : on tend à s’éloigner d’une stra-
tégie où les moyens sont imposés pour tendre vers une approche performantielle
qui laisse une grande liberté de choix des formulations, c’est-à-dire des moyens,
et qui fixe des critères de performance à atteindre. Ces critères constituent des
indicateurs de durabilité du matériau.

Le document récent Conception des bétons pour une durée de vie donnée des
ouvrages, [19, p. 26] propose un déroulement d’une telle approche performantielle :
1) définition de la catégorie de l’ouvrage : fonction, durée de vie ;
2) définition des conditions environnementales ;
3) définition des risques de dégradation : par exemple alcali-réaction ;
4) choix des indicateurs de durabilité en fonction de 1, 2 et 3 ;
5) sélection des spécifications relatives à ces indicateurs de durabilité ;
6) formulation des bétons devant satisfaire à ces spécifications ;
7) qualification des formules par des essais en laboratoire ;
8) choix d’un modèle prédictif de durée de vie.

541
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Cette démarche prévue essentiellement pour la conception de l’ouvrage conduira


également, dès lors qu’un modèle prédictif a été calculé, à mieux expertiser
l’ouvrage en cas de dégradation, notamment pour prédire l’évolution de son en-
dommagement.
2.8.2. Démarche préventive du LCPC
Cette méthodologie proposée par le LCPC en 1994 [18] rentre parfaitement dans
le cadre performantiel qui vient d’être évoqué. En effet, elle :
1) définit la catégorie de l’ouvrage ;
2) définit les conditions environnementales ;
3) définit le risque de dégradation : alcali-réaction, et le niveau de prévention,
fonction de 1 et 2 ;
4) définit les indicateurs de durabilité (proposés par la normalisation
concernée);
5) définit les valeurs de ces indicateurs (proposées par la normalisation) ;
6) propose des critères d’acceptation, performantiels ou non, de formulation.
La seule différence avec un cheminement strictement performantiel réside dans
l’existence en 6 de critères d’acceptation d’une formule qui ne sont pas tous per-
formantiels.
2.8.2.1. Détermination du niveau de prévention
Ce niveau peut concerner soit la totalité, soit seulement une partie de l’ouvrage.
Sa détermination exige tout d’abord la définition de la catégorie de l’ouvrage (qui
dépend de sa destination). Trois catégories ont été distinguées :
– catégorie I. Ouvrages en béton de classe inférieure à B16, éléments non por-
teurs situés à l’intérieur de bâtiments, éléments aisément remplaçables, ouvrages
provisoires, la plupart des produits manufacturés en béton;
– catégorie II. La plupart des bâtiments et des ouvrages de génie civil;
– catégorie III. Bâtiments réacteurs des centrales nucléaires et réfrigérants, bar-
rages, tunnels, ponts ou viaducs exceptionnels, monuments ou bâtiments de pres-
tige.
La prise en compte des conditions d’environnement aboutit à la définition de :
classe d’exposition de l’ouvrage. Le classement tient compte des facteurs suscep-
tibles d’initier l’alcali-réaction : l’eau, l’humidité relative, l’apport d’alcalins (ta-
bleau 11.3).

542
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

Tableau 11.3 : classes d’exposition des ouvrages en béton


en fonction des conditions d’environnement, d’après [18].

Classes Types d’ouvrage ou de parties d’ouvrage

Classe 1 Intérieurs de bâtiments d’habitations ou de bureaux.


Environnement sec Ouvrages protégés contre les sources d’eau, les intempéries et les con-
ou peu humide densations, par une étanchéité régulièrement entretenue.
(hygrométrie Dallages sur terre-plein drainé.
inférieure à 80 %) Pièces d’épaisseur inférieure à 50 cm.

a) gel peu fréquent et peu intense


Intérieurs de bâtiments où l’humidité est élevée (laveries, réservoirs,
piscines…).
Parties extérieures exposées.
Classe 2
Parties en contact avec un sol non agressif et/ou de l’eau.
Environnement humide
b) avec gel
ou en contact avec l’eau
Parties extérieures exposées au gel.
Parties en contact avec un sol non agressif et/ou de l’eau et exposées
au gel.
Parties intérieures où l’humidité est élevée et exposées au gel.

Classe 3
Parties intérieures et extérieures exposées au gel et aux fondants
Environnement humide
salins.
avec gel et fondants

a) gel peu fréquent et peu intense


Éléments complètement ou partiellement immergés dans l’eau de mer
ou éclaboussés par celle-ci.
Classe 4 Éléments exposés à un air saturé en sel (zone côtière).
Environnement marin b) avec gel
Éléments complètement ou partiellement immergés dans l’eau de mer
ou éclaboussés par celle-ci et exposés au gel.
Éléments exposés à un air saturé en sel et au gel.

Le niveau de prévention est alors déterminable à partir de ces deux classements.


Il figure au tableau 11.4.
Tableau 11.4 : détermination du niveau de prévention, d’après [18].

Classe d’environnement
Catégorie d’ouvrage
1 2 3 4
I A A A A
II A B B B
III C C C C

Le niveau A, correspondant aux risques les plus faibles, ne demande pas de pré-
caution particulière pour contrer l’alcali-réaction : la mise en œuvre du béton doit
simplement respecter les règles de l’art pour bétons usuels.

543
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Le niveau B s’applique à la majorité des bâtiments et ouvrages de génie civil. Si


l’on dispose de granulats, dont la non-réactivité a déjà été établie, il suffit, là en-
core, de respecter les règles de l’art pour bétons usuels. Si ce n’est pas le cas, on
dispose de moyens d’action décrits à la section suivante.
Le niveau C correspond aux ouvrages exceptionnels pour lesquels on exclut toute
prise de risque. Donc emploi de granulats non réactifs : si l’approvisionnement en
est particulièrement difficile, un autre type de granulat ne sera utilisable qu’à la
condition expresse de vérification expérimentale de l’expansion de la formule de
béton proposée.
2.8.2.2. Choix d’une formulation, critères d’acceptation
La solution radicale face à l’alcali-réaction consisterait, certes, à utiliser exclusi-
vement des granulats non réactifs. Cependant, elle n’est pas toujours économi-
quement réalisable ou acceptable s’il faut, par exemple, faire venir de trop loin
ces granulats, en raison des coûts de transport. Nul ne saurait également contes-
ter l’importance économique et sociale des exploitations de granulats situées à
proximité immédiate des centres urbains. On n’a donc souvent pas d’autre choix
socio-économique (et ce le sera de plus en plus), que d’utiliser malgré tout des
granulats potentiellement réactifs, en prenant des précautions spécifiques.

La première étape consiste donc à savoir si un granulat est, ou non, potentielle-


ment réactif. Pour cela, il faut pratiquer un des essais prévus en 2.8.3.
L’emploi d’un granulat potentiellement réactif n’est pas toutefois un obstacle in-
surmontable dans la formulation d’un béton acceptable. Voici quelques cas de fi-
gure favorables :
– une étude régionale ou de bassin a démontré la bonne tenue d’ouvrages âgés
d’au moins 10 ans et utilisant la formule proposée (la difficulté consiste à prou-
ver que la composition du ciment n’a pas varié entre-temps) ;
– le fournisseur de béton peut prouver, sur la base d’études antérieures, l’adéqua-
tion de sa formule ;
– le critère analytique de la formulation est satisfaisant. La détermination de ce
critère demande de calculer, à partir de la composition chimique et du dosage de
chacun des constituants du béton, le taux d’alcalins actifs dans le béton. Ce taux
doit être inférieur à une valeur limite. Pour le calcul détaillé de ce taux, on se
reportera aux recommandations du LCPC [18].
Ceci étant, on dispose d’un auxiliaire de premier ordre pour neutraliser des gra-
nulats potentiellement réactifs : les additions minérales.
Elles peuvent contribuer à la prévention de l’alcali-réaction, sous certaines condi-
tions (déjà vues en 2.3.3). Elles peuvent être apportées dans le béton, soit par le

544
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

biais de ciments composés (CEM II, CEM III, CEM V), soit par introduction di-
recte dans le malaxeur à béton.
L’appréciation de leur efficacité dans la formulation proposée revient la plupart
du temps à déterminer la quantité à employer : elle se fait, soit par application
d’un critère analytique (démarche possible dans le cas de bétons dont le liant a une
composition de CEM II, CEM III, CEM V), soit par mesure d’expansion sur béton
(procédure recommandée, notamment pour les fumées de silice).
Tableau 11.5 : schéma méthodologique de prévention de l’alcali-réaction
pour un niveau de prévention donnée, d’après [18].

NIVEAU DE PRÉVENTION

A B C

Règles de l'art Formulation Emploi


pour béton usuels de béton spécifique de granulats non réactifs
ou étude expérimentale

Est-elle acceptable ?

L'étude La formulation La formulation La formulation La formulation


du dossier satisfait-elle satisfait-t-elle offre-t-elle prévoit-elle
des granulats à un critère à un critère des références des additions
montre-t-elle analytique de performance d'emploi minérales
que les granulats (bilan des (essais de suffisamment en proportions
sont non réactifs ? alcalins) ? gonflement) ? convaincantes ? suffisantes ?
OUI NON
À UNE À TOUTES
DES LES
QUESTIONS QUESTIONS

La formulation de béton La formulation de béton


est acceptée doit être modifiée

Une seule réponse positive aux cinq questions posées est nécessaire et suffisante
pour que la formulation soit satisfaisante.
Pour déborder du cadre français, on citera le projet d’édicter des spécifications in-
ternationales, confié à la Rilem. Cet organisme a publié un brouillon de ses pro-
positions [31] qui est reproduit en annexe 5. La démarche proposée s’apparente

545
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

beaucoup à celle du LCPC. Une légère différence apparaît dans la classification


des environnements : 3 au lieu de 4, ainsi que dans la formulation des précautions
à prendre (l’esprit est le même mais la forme diffère). Ce document propose quel-
ques indications quantitatives concernant :
– les taux d’alcalins admissibles dans les bétons, 3 à 3,5 kgNa2Oéq./m3 ou 2,5
selon que les granulats sont moyennement ou hautement réactifs ;
– le taux minimal (exprimé en % de la phase cimentaire totale) d’addition miné-
rale pour lutter efficacement contre les effets de l’alcali-réaction, 25 ou 40 % de
cendre volante, 40 ou 50 % de laitier, respectivement pour des granulats moyen-
nement ou hautement réactifs, 8 % de silice et 15 % de métakaolin.
Remarque. On gardera présent à l’esprit ce qui a été développé au para-
graphe 2.5.5, à savoir qu’une protection effective in situ peut réclamer un dosage en
addition minérale supérieur à celui qui est déterminé dans un test accéléré.

2.8.3. Tests, essais et prescriptions normatives


Une question importante pour le concepteur d’un ouvrage en béton est de savoir
sur quelles normes ou quels règlements il peut s’appuyer pour se prémunir contre
l’alcali-réaction.
Actuellement, il dispose des « Recommandations pour la préventions des désor-
dres dus à l’alcali-réaction » [18] qui sont reprises au paragraphe 5.2.3.4 « Résis-
tance à la réaction alcali-silice » dans la norme européenne NF EN 206-1 [32].
Par ailleurs, la Rilem propose un ensemble de spécifications pour minimiser les
risques d’endommagement des bétons par l’alcali-réaction [26, 27, 28, 29, 30].
Cet organisme propose comme moyen préventif l’addition de Li NO3 dans l’eau
de gâchage à des dosages supérieurs à 3,75 kg de solution 30 %/kg de Na2Oéq.
(granulats moyennement réactifs) ou 5,95 kg/kg Na2Oéq. (granulats hautement
réactifs).
Dans le cadre de la réglementation française actuelle la question de l’évaluation
de la réactivité des granulats est du ressort de la norme expérimentale XP P18-594
et du fascicule de documentation FD P18-542 ; la réactivité d’une formule de bé-
ton fait l’objet de la norme homologuée NF P18-454 et du fascicule de documen-
tation FD P18-546.
Avant de décrire le contenu de ces réglementations, il est intéressant de remarquer
qu’un double usage peut en être fait :
– en premier lieu, une lecture strictement réglementaire ;
– en second lieu, une exploitation dans une démarche performantielle : en effet
des test sont proposés et ils peuvent être pris comme des indicateurs de durabi-
lité, sachant que les fascicules de documentation fixent des seuils de sécurité,

546
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

chiffrés, pour ces indicateurs. En outre, les indications des tests peuvent traduire
la cinétique du phénomène de gonflement, et sont, de ce fait, utilisables dans les
modélisations prédictives mentionnées en 2.6.
2.8.3.1. Qualification des granulats vis-à-vis de l’alcali-réaction
Face aux alcalins dans un béton, un granulat peut manifester trois types de com-
portement, définis en ces termes par le fascicule FD P18-542 (ainsi que XP P18-
540) :
– granulats NR. Quelles que soient les conditions d’utilisation, ces granulats sont
non réactifs et ne conduiront pas à des désordres par alcali-réaction ;
– granulats PR. Dans certaines conditions, ces granulats sont potentiellement
réactifs et donc susceptibles de conduire à des désordres par alcali-réaction ;
– granulats PRP. Ces granulats sont potentiellement réactifs avec effet de pessi-
mum. Bien que riches en silice réactive, ils n’entraîneront pas de désordre si on
les utilise en tenant compte des conditions du document [18].
Il existe plusieurs groupes de méthodes pour classifier un granulat :
– méthodes pétrographiques couplant diagnose macroscopique, examen de
lames minces, analyse chimique ;
– essai de cinétique chimique, dans lequel on mesure l’évolution des concentra-
tions en SiO2 et Na2O d’une solution alcaline renfermant le granulat à tester ;
– essai de stabilité dimensionnelle. On mesure les variations dimensionnelles de
mortiers ou bétons renfermant les granulats à tester, conservés suivant des condi-
tions et des âges variables suivant l’essai.
Toute qualification de granulat doit obligatoirement débuter par son
identification : composition chimique, constitution minéralogique quantitative.
Dans certains cas, la classification du matériau est possible au terme de cette pre-
mière étape. Sinon, elle demande des essais supplémentaires à pratiquer suivant
le cheminement illustré par la figure 11.23 tirée du fascicule FD P18-542.

547
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

IDENTIFICATION

Roches OUI
carbonatées avec
SiO2 < 4 %

ÉTUDE PÉTROGRAPHIQUE

Espèces OUI
minérales réactives
<4%

OUI NON*
Silex > 70 %

PR

NR
ESSAI CRIBLE

Qualification

PRP
ESSAI À LONG TERME
PR

OUI
Expansion > Seuil

OUI NON
40 % < silex < 70 %

* Si la qualification PR est jugée satisfaisante, la démarche peut être arrêtée.

Figure 11.23 : conduite de qualification d’un granulat vis-à-vis de l’alcali-réaction,


d’après [14].

Plusieurs essais sont envisageables, qui n’ont pas la même valeur ni la même du-
rée. C’est ainsi qu’un essai crible est un essai fortement accéléré qui, en moins

548
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

d’une semaine, classifie un granulat NR, PR ou PRP, mais avec un certain degré
d’incertitude.
En cela, il diffère d’un essai à long terme, qui étant moins accéléré, se rapproche
plus des conditions réelles des ouvrages et qui, de ce fait en cas de désaccord avec
la qualification d’un essai crible, emporte la décision. Enfin dans les essais crible,
il existe un essai de référence, dont l’emploi doit être privilégié, à côté d’essais
alternatifs.
ˆ Essai accéléré à l’autoclave, sur mortier - Norme XP P18-594
C’est l’essai crible de référence. Il mesure les variations dimensionnelles d’éprou-
vettes 4 × 4 × 16 cm de mortiers, gâchés avec une eau renfermant NaOH pour ob-
tenir une teneur en Na2Oéq. égale à 4 % de la masse de ciment, et autoclavés
durant 5 h à 127 °C et 0,15 MPa.
La durée totale de l’essai est de 5 jours ; il permet l’étude de sables, de gravillons
(préalablement amenés par broyage à une granulométrie 0-5mm) ou de mélanges.
On confectionnera un seul ou trois mélanges de rapports ciment/granulat égaux à
0,5-1,25 et 2,5 (selon les résultats de l’analyse pétrographiques préalable).
Le critère de non-réactivité est une expansion moyenne inférieure à 0,15 %.
ˆ Essai long terme - Norme XP P18-594
C’est un essai de référence, sur béton. Il mesure les variations dimensionnelles
d’éprouvettes 7 × 7 × 28 cm de bétons, fabriqués avec une classe granulaire à tes-
ter couplée à une classe de granulat non réactive (soit sable à tester + gravillon
NR soit sable NR + gravillon à tester) ; le ciment CEM I, qui doit avoir une teneur
en Na2Oéq. comprise entre 0,6 et 1 %, est dosé à 410 kg/m3. Les éprouvettes sont
conservées dans des conteneurs placés dans un réacteur à 38 °C et 100 % HR. El-
les sont pesées et mesurées aux échéances de : 0, 1, 2, 3, 6 et 8 mois.
Le critère de non-réactivité est un allongement relatif moyen inférieur à 0,04 % à
8 mois.
ˆ Essais crible alternatif : essai accéléré « Microbar » - Norme XP P18-594
Cet essai mesure l’expansion d’éprouvettes 10 × 10 × 40 mm de mortiers confec-
tionnés avec le granulat amené à l’état de sable 0,16-0,63 mm, un ciment CEM I
renfermant de 0,6 à 1 % de Na2Oéq. Ce mortier est dopé en alcalins, par un ajout
de NaOH tel que la teneur en Na2Oéq. atteigne 1,5 % de la masse de ciment. Trois
mélanges sont préparés aux rapports ciment/granulat égaux à 2, 5 et 10. Après dé-
moulage, les éprouvettes subissent une cure à la vapeur d’eau durant 4 heures,
puis sont placées durant 6 heures dans une solution de KOH à 10 % à une tempé-
rature de 150 °C. Au terme de ce traitement, les éprouvettes sont mesurées :

549
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– si au moins un rapport C/G entraîne une expansion supérieure à 0,11 %, le gra-


nulat est qualifié PR ;
– si l’expansion correspondant à la formulation C/G = 5 dépasse de plus de 10 %
celle qui correspond à C/G = 2, le granulat est qualifié PRP ;
– si l’allongement, quelle que soit la formulation, est inférieur à 0,11 %, le gra-
nulat est qualifié NR.
ˆ Autre essai crible alternatif : essai cinétique chimique -
Norme XP P18-594
Cet essai ne mesure pas de variation dimensionnelle. Il constitue une alternative
à l’essai crible de référence, mais sa vocation première est d’aider à la compré-
hension des mécanismes de dissolution de la silice réactive en milieu alcalin. Le
granulat à tester est broyé, puis la fraction 0-0,315 mm est placée dans une solu-
tion 1 N de soude à 80 °C : aux trois échéances de 24h, 48 h et 72 h, on mesure
les concentrations en silice et en soude des filtrats.
L’essai ne doit pas s’appliquer à des granulats renfermant plus de 5 % de Al2O3.
Si la teneur de l’échantillon en CaCO3 dépasse 15 %, on doit le décarbonater
avant l’essai.
La qualification du granulat dépend de la position des trois rapports SiO2/Na2O
dans le diagramme représenté sur la figure 11. 24 tirée du fascicule FP P18-542.

2,0
SiO2/Na2O (μmol/l)

1,5 PRP

1,0 PR

0,5

NR
0,0
0 24 48 72 96
Temps (heures)
Figure 11.24 : qualification des granulats suivant les valeurs du rapport SiO2/Na2O
déterminées par l’essai cinétique chimique XP18-594, d’après [14].

2.8.3.2. Qualification d’une formule de béton vis-à-vis de l’alcali-réaction :


norme NF P18-454 et fascicule de documentation FD P18-546
La réactivité de la formule de béton à tester est déduite des résultats d’un essai de
gonflement de trois éprouvettes 7 × 7 × 28,2 cm de béton, conservées dans un
réacteur maintenu à 60 °C et 100 % HR. Ce béton est confectionné avec les ingré-

550
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

dients et les dosages de la formulation prévus pour le béton d’ouvrage, avec deux
petites modifications éventuelles : les gravillons sont limités à 22,4 mm 1 et la te-
neur en alcalins pourra être légèrement augmentée, pour tenir compte de la varia-
bilité des teneurs en alcalins dans les différents lots de ciments (suivant des
formules citées dans la norme). Les mesures dimensionnelles et les pesées se font
aux échéances de 0, 4, 8, 10, 12 semaines, puis toutes les 4 semaines.
La durée de l’essai et les critères d’interprétation varient suivant la nature des gra-
nulats, la présence ou non d’additions minérales et le type de ciment. Ces critères
sont indiqués au titre 3 du fascicule FD P 18-456.
• 1er cas : bétons avec ciment CEM I et sans addition minérale
a) Les granulats sont soit des roches massives (calcaires, grès, quartzites) soit des
roches meubles (alluvions calcaires ou silico-calcaires, silex, chailles, cherts) :
l’expansion longitudinale moyenne doit être inférieure à 0,02 % à 3 mois et aucu-
ne valeur ne doit dépasser 0,025 %.
b) Autres granulats ou granulats mal identifiés : même seuil critique de 0,02 %
mais à 5 mois.
• 2e cas : autres formules de béton
a) Le gonflement est défini à la fois par sa valeur à 5 mois et par la pente de la
courbe. Les deux prescriptions suivantes doivent être respectées simultanément:
1. l’expansion longitudinale moyenne est inférieure à 0,02 % et aucune valeur
ne dépasse 0,025 % ;
2. les évolutions mensuelles des déformations longitudinales moyennes mesu-
rées au cours des 3e, 4e et 5e mois respectent les conditions suivantes :
– deux de ces trois valeurs sont inférieures à 0,0025 %,
– la somme de ces trois valeurs est inférieure à 0,01 %.
b) Une formulation qui ne respecterait pas ces critères à 5 mois peut être néan-
moins acceptée si la déformation longitudinale moyenne à 1 an est inférieure à
0,03 %, aucune valeur ne devant dépasser 0,035 %.
2.9. Conclusion
Trois conditions sont absolument nécessaires pour que l’alcali-réaction génère de
la microfissuration et de l’expansion dans un ouvrage en béton :
– le granulat est réactif ;
– la concentration en alcalins est élevée dans la solution interstitielle ;
– les conditions d’humidité relative excèdent 80-85 %.

1. Si D > 22,4 mm, on peut concasser la fraction > 22,4 mm et l’inclure dans le granulat.

551
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Si une seule de ces conditions n’est pas satisfaite, il ne sert alors à rien de s’alar-
mer.
L’analyse des données de l’observation des ouvrages et des expériences de labo-
ratoire associées à un examen des normes et règlements préexistants ont conduit
la France, comme d’autres pays, à se doter d’un ensemble cohérent de prescrip-
tions (allant des recommandations aux normes d’essai) qui permet de formuler
des bétons conciliant au mieux la durabilité et l’économie.
S’agissant d’un ouvrage à construire le concepteur est confronté à trois situations :
– pas de précaution autre que celle de suivre les règles de l’art pour les ouvrages
en environnement sec, les bétons de classe inférieure à B16, les ouvrages provi-
soires, les produits en béton manufacturé…
– nécessité d’employer des granulats non réactifs pour les ouvrages exception-
nels (centrales nucléaires, certains ouvrages d’art, monuments), sauf exception
justifiée par une étude expérimentale approfondie ;
– pour la majorité des bâtiments et des ouvrages de génie civil, et si l’on ne dis-
pose pas de granulats non réactifs, il existe des règles et des méthodes qui per-
mettent de composer les bétons pour éviter tout désordre.
S’agissant d’un ouvrage en service atteint par l’alcali-réaction le gestionnaire
d’un ouvrage en service atteint par l’alcali-réaction ne dispose pas à l’heure ac-
tuelle de méthode qui aboutisse à la suppression définitive du phénomène et de
ses effets. Il existe par contre des traitements qui permettent de prolonger la durée
de service de la structure malade. Ces traitements sont à choisir en fonction du
diagnostic des causes des désordres existants et du pronostic de l’évolution de
l’ouvrage, pronostic devenu fiable dans la décennie écoulée, grâce aux apports
couplés de la modélisation et du calcul numérique.
Ce n’est que rarement que l’on est contraint de démolir l’ouvrage.

3. FORMATION DIFFÉRÉE D’ETTRINGITE


3.1. Spécificité de l’ettringite de formation différée
Suivant les définitions adoptées par le groupe de travail AFGC-RGCU « Gran-
deurs associées à la durabilité du béton » [AFG 07a], on peut distinguer trois for-
mes principales d’ettringite.
La première forme correspond à l’ettringite de formation primaire qui résulte de
la réaction de l’aluminate tricalcique C3A avec le régulateur de prise au cours de
la prise du béton (gypse, hémihydrate, anhydrite) et qui est un produit normal de
l’hydratation des ciments.

552
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

La deuxième forme correspond à l’ettringite de formation secondaire résultant


soit de l’action directe de sulfates externes et pouvant générer de l’expansion, soit
de la dissolution et recristallisation d’ettringite primaire ou d’autres formes pré-
existantes. Il s’agit, dans ce dernier cas, d’ettringite pouvant accompagner des
phénomènes d’expansion, mais n’en étant pas à l’origine.
La troisième forme correspond à l’ettringite de formation différée : cette forme
d’ettringite dont les conditions de formation sont très spécifiques, doit être dis-
tinguée des deux précédentes.

Il s’agit d’une réaction sulfatique d’origine interne qui peut se produire dans le
béton durci, sans apport de sulfates extérieurs. Elle est consécutive à une élévation
initiale de température du béton supérieure à 65 °C environ, due soit à un traite-
ment thermique inadapté à la composition du béton (préfabrication), soit à l’exo-
thermie naturelle du matériau. Cette forme d’attaque sulfatique, dont les
conséquences ne se manifestent souvent qu’après plusieurs années lorsque le bé-
ton est soumis à un environnement humide, peut provoquer le gonflement et la fis-
suration du matériau.
Différents cas d’ouvrages dégradés par formation différée d’ettringite sont signa-
lés dans la littérature. Les premiers travaux sur le sujet sont ceux de Ghorab,
Heinz et Ludwig [GHO 81, HEI 86, HEI 89], confirmés par la suite par ceux de
Lawrence [LAW 95], Scrivener [SCR 93] et Johansen [JOH 93] qui ont montré
que l’ettringite primaire formée au cours de l’hydratation du ciment était détruite
par traitement thermique aux températures supérieures à 70 °C, et qu’à ces tem-
pératures sa formation était inhibée. Les cas de dégradation les plus connus sont
ceux de traverses de chemin de fer traitées par étuvage [SCRI 96]. En France, le
Laboratoire des ponts et chaussées a recensé assez récemment quelques ponts,
dont certains éléments (piles, chevêtres) étaient affectés par une réaction sulfati-
que interne [DIV 03, LCPC 07b].
Bien que les cas recensés restent rares, le risque de formation différée d’ettrin-
gite doit être pris en compte chaque fois que le béton subit une élévation de tem-
pérature supérieure à 65 °C et qu’il est placé en environnement saturé
d’humidité. Mais l’élévation de température n’est pas la seule cause de déclen-
chement du phénomène et les autres paramètres tenant au cycle thermique, à la
composition du ciment, à la formulation du béton et à l’environnement, sont à
prendre en considération. Les mesures permettant de limiter les risques de dé-
gradation par formation différée d’ettringite sont examinées au paragraphe 3.7.

553
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.2. Manifestation des désordres dus à la formation différée d’ettringite


À l’échelle de l’ouvrage, la formation différée d’ettringite dans les ouvrages se
manifeste par le développement d’un réseau de fissures multidirectionnelles, gé-
néralement localisé dans les parties massives de l’ouvrage situées dans des zones
d’humidité élevée. L’ouverture des fissures peut aller de quelques dixièmes de
millimètres à quelques millimètres. La figure 11.25 due à Divet et al. [DIV 03]
fournit l’exemple d’une pile de pont en contact avec l’eau, dégradée par formation
différée d’ettringite. Le type de fissuration présente une certaine analogie avec la
fissuration due à l’alcali-réaction avec laquelle elle ne doit pas être confondue. La
connaissance des données relatives à la formulation du béton, à l’historique de
l’ouvrage, ainsi que la mise en œuvre de méthodes appropriées d’analyse physico-
chimique (chimie, minéralogie) permettent d’assurer un diagnostic fiable. Néan-
moins, la possibilité de l’existence simultanée des deux types de réaction ne doit
pas être écartée (cf. § 4 plus loin).

Figure 11.25 : réseau de fissures dans une pile de pont en contact avec l’eau,
endommagée par formation différée d’ettringite (photo LCPC extraite de [DIV 03]).
Les désordres qui se manifestent par un réseau de fissures de maille pluridécimétrique, ne sont ap-
parus qu’au bout de 10 ans. Ils sont localisés dans les parties massives de l’ouvrage où des tempé-
ratures de l’ordre de 80 °C ont pu être atteintes. Le béton est en contact direct avec l’eau
indispensable à la formation différée d’ettringite.

À l’échelle microscopique la formation différée d’ettringite se traduit essentielle-


ment par :
– un enrichissement de la pâte de ciment en aluminium et en soufre mis en évi-
dence par analyse élémentaire au spectrométre X à dispersion d’énergie (EDS)
associée à la microscopie électronique à balayage (cf. figure 11.33a et 11.33b au
§ 3.5). Ces éléments, piégés par les C-S-H, proviennent de la décomposition de
l’ettringite, ou correspondent à la formation de nanocristaux de monosulfoalumi-
nate stables aux températures supérieures à 80 °C [SCRI 93, SCRI 97, TAY 01];

554
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

– la précipitation d’ettringite d’aspect massif, mal cristallisée, dans de petites


cavités de 5 à 25 µm de dimension moyenne, nommées grains de Hadley
[HAD 00] et provenant de la dissolution de grains de ciment (C3S et C2S) aux
premiers stades de l’hydratation. Ces cavités, particulièrement fréquentes dans
les produits étuvés, sont illustrées par la figure 11.26. Elles résulteraient d’un
décollement du noyau anhydre de son auréole de C-S-H selon un mécanisme non
complètement élucidé (précipitation d’ettringite primaire ou formation d’un gel à
l’interface anhydre-hydrate). Le noyau anhydre se dissout ensuite, et des C-S-H
précipitent à l’extérieur des limites fixées par la géométrie du grain initial, lais-
sant à la fin du processus, une coquille vide ou contenant des éléments anhydres
(C4AF en particulier) ou hydratés (aluminates). La paroi de la coquille est cons-
tituée de C-S-H beaucoup plus denses que les C-S-H externes. Selon les travaux
récents de Brunetaud [BRU 06], c’est dans les grains de Hadley que se manifes-
tent les premiers signes de la formation différée d’ettringite. Cette ettringite,
comprimée et mal cristallisée, se présente sous forme d’inclusions illustrées par
la figure 11.27.
– la présence d’ettringite secondaire sous forme de veines issues d’une recristal-
lisation dans les fissures ou sous forme de dépôts remplissant plus ou moins les
vides autour des granulats déchaussés sous l’effet du gonflement homogène de la
pâte de ciment. La recristallisation dans les fissures conduit à un aspect très par-
ticulier où les cristaux apparaissent souvent disposés parallèlement les uns par
rapport aux autres et orientés perpendiculairement aux lèvres des fissures. Cet
aspect, dit « palissadique », suivant le vocabulaire des pétrographes, semble être
assez caractéristique de la formation différée d’ettringite. Il est illustré par les
figures 11.28 et 11.29. Cette ettringite secondaire, ne provoque pas a priori de
gonflement ; elle n’est pas, en tout cas, la source première du gonflement.

555
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 11.26 : grains de Hadley (H) Figure 11.27 : grains de Hadley comblés
dans un béton de ciment Portland. par l’ettringite (E) Section polie vue au
Fractographie au MEB [HOR 96]. MEB en électrons rétrodiffusés [BRU 05].
La forme primitive des grains de ciment est con- L’ettringite transitoire formée dans la porosité
servée. Les vacuoles sont vides ou contiennent fine des C-S-H recristallise dans les vacuoles
des monosulfoaluminates de calcium hydratés correspondant aux grains de Hadley sous for-
(M) et peuvent contenir également des résidus mes de « pelotes » massives, mal cristallisées.
anhydres (non visibles sur la photographie). Les Sur la photographie sont visibles également :
C-S-H constitutifs de la coquille résiduelle sont les grains de C3S en cours d’hydratation (C)
denses. La cristallisation au refroidissement de avec leur auréole de C-S-H ainsi que les pha-
nanocristaux d’ettringite y développe des pres- ses aluminates et aluminoferrites de calcium
sions très élevées. C3A et C4AF mélangées (F).

Figure 11.28 : veines d’ettringite secon- Figure 11.29 : veine d’ettringite secon-
daire « palissadique »(E). P = pâte de daire (E) dans une canalisation d’amiante
ciment ; G = granulat. Section polie. MEB. étuvée. Fractographie au MEB
Électrons secondaires (photo LERM). (photo LERM).
L’ettringite a recristallisé librement au cours du temps dans les fissures et au contact de granulats
déchaussés à partir de l’ettringite microcristalline expansive formée dans les C-S-H. La disposition
en cristaux plus ou moins parallèles, orientés perpendiculairement aux lèvres de la fissure, est fré-
quemment observée dans les cas de formation différée d’ettringite. Cette ettringite secondaire ne
provoque pas d’expansion.

556
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

En tout état de cause, l’identification d’une réaction de formation d’ettringite dif-


férée dans un béton reste délicate, et les seuls aspects microscopiques ne peuvent
suffire à établir un diagnostic fiable. La prise en compte de tous les paramètres
relatifs à l’ouvrage, à la formulation du béton et à son histoire thermique, à la
composition chimique et minéralogique du ciment, à l’environnement, est indis-
pensable. Différents documents, auxquels on pourra se reporter, proposent des
méthodologies générales d’approche des problèmes d’attaques sulfatiques
[AFP 97, AFG 07, LCP 06].
3.3. Les paramètres déterminants de la formation différée d’ettringite
dans les bétons
La formation différée d’ettringite ne peut avoir lieu que sous certaines conditions
spécifiques. Elle nécessite la réunion d’un grand nombre de paramètres, ce qui ex-
plique que les cas rencontrés restent assez rares. Les paramètres déterminants sont
les suivants [DIV 00, DIV 03] :
– paramètres liés à l’échauffement du béton (température et durée de l’échauffe-
ment) ;
– paramètres liés à la composition chimique du béton et du ciment ;
– paramètres liés à la formulation du béton ;
– paramètres liés à l’environnement de l’ouvrage.
3.3.1. Paramètres liés à l’échauffement du béton (température et durée)
Il est maintenant admis que la première des conditions nécessaires pour qu’un bé-
ton développe une expansion liée à la formation différée d’ettringite, est que ce-
lui-ci ait été porté à une température supérieure à 65 °C au cours de son
hydratation, température au-delà de laquelle la stabilité de l’ettringite n’est plus
assurée (cf. § 3.4.1.1) [ODL 95, FU 96, FAM 99, LAW 99, YAN 99]. Aucun cas
de formation différée d’ettringite n’a été jusqu’à présent observé ni en laboratoire,
ni sur ouvrage, dans des bétons hydratés à température ordinaire.
La durée du palier couplée à la température maximale est aussi un paramètre im-
portant. Les différents travaux de Famy [FAM 99], de Pavoine [PAV 03] et de
Brunetaud [BRU 05] ont révélé un effet pessimum du couple température/durée
de palier : pour une formule de béton donnée, le risque d’expansion diminuerait,
voire deviendrait nul, lorsque la durée de palier est très courte (cas des traitements
thermiques réalisés en préfabrication) ou très longue à température élevée (cf.
§ 3.4.1).
En ce qui concerne la température, il faut également prendre en compte :
– la durée d’attente entre la mise en œuvre du béton frais et le début de la montée
en température. L’effet de la température peut ne pas être le même suivant le

557
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

degré d’avancement des réactions d’hydratation ainsi que suivant le degré de


structuration et la composition de la pâte de ciment (quantités de C-S-H, ettrin-
gite primaire, monosulfoaluminate…) ;
– la vitesse de montée en température qui ne doit pas être trop rapide (cf. § 3.7);
– la température maximale atteinte : une température de cure plus élevée aug-
mente les expansions finales ;
– les gradients thermiques qui, s’ils sont trop importants, risquent de provoquer
la microfissuration du béton et accroître sa perméabilité.
3.3.2. Paramètres liés à la composition chimique du béton et du ciment
Bien qu’il soit encore difficile de définir des seuils de concentration pour les dif-
férents composants chimiques intervenant dans le développement d’une réaction
de formation différée d’ettringite, il est bien admis que la composition chimique
et minéralogique joue un rôle important. Il est possible de définir a priori trois
facteurs parmi les plus influents : la teneur en alcalins équivalents du béton, la te-
neur en sulfates et la teneur en alumine (C3A) du ciment, sans écarter pour autant
les autres facteurs tels que la teneur en C3S du ciment en particulier, qui détermine
la teneur potentielle en Ca(OH)2 ainsi que la composition et la quantité de C-S-H
dont on verra l’importance dans le mécanisme de formation différée d’ettringite
(cf. § 3.5).
• La teneur en alcalins du béton. Les alcalins du béton peuvent provenir de dif-
férentes sources qui sont essentiellement : le ciment, les additions minérales, les
adjuvants et, éventuellement, les granulats s’ils contiennent des feldspaths alca-
lins.
La teneur en alcalins, combinée à l’effet de la température, qui reste le facteur de
premier ordre de la réaction de formation différée d’ettringite, a une influence im-
portante sur la stabilité de l’ettringite, comme cela sera montré au para-
graphe 3.4.1.2 : les teneurs élevées favorisent le passage en solution du minéral et
l’enrichissement en SO3 de la solution interstitielle du béton. Les alcalins dans le
clinker de ciment Portland peuvent être présents, d’une part, sous forme de sulfa-
tes alcalins (langbeinite Ca2K2(SO4)3, arcanite K2SO4 ou aphtitalite
K3Na(SO4)2), d’autre part, sous forme de solutions solides dans le réseau des si-
licates et aluminates de calcium : principalement dans C3A pour K2O et Na2O,
principalement dans les silicates C3S et C2S pour SO3. Les premiers, localisés
dans la porosité du clinker sont rapidement mobilisables ; le passage en solution
des seconds dépend de l’avancement des réactions d’hydratation.
• La teneur en SO3 du ciment, par ailleurs limitée par la norme NF EN197-1 à
3,5 % et 4 % selon le type de ciment, est un paramètre important de la formation

558
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

différée d’ettringite. Les sulfates peuvent provenir du clinker lui-même mais sur-
tout des régulateurs de prise ajoutés au ciment (gypse, hémihydrate ou anhy-
drite). Les solubilités de toutes ces formes de sulfate sont différentes : les
sulfates alcalins sont plus rapidement mis en solution que le gypse et l’anhydrite;
les sulfates contenus en solutions solides dans les minéraux du clinker C3S et
C2S sont libérés plus lentement au cours de l’hydratation du ciment [TAY 98].
Bien que non évaluée aujourd’hui, une influence possible de ces différences de
solubilité sur le processus de formation différée d’ettringite, ne peut être écartée
a priori.
• La teneur en Al2O3 du ciment est souvent associée à la teneur en SO3 sous la
forme du rapport SO3/Al2O3. Certains auteurs [DAY 92] ont constaté que, dans
certaines conditions de traitement thermique et de conservation, des ciments
ayant un rapport SO3/Al2O3 > 0,7 pouvaient conduire à la formation différée
d’ettringite. D’autres auteurs [HEI 89] qualifient l’aptitude au gonflement par
formation différée d’ettringite à l’aide du rapport (SO3)2/Al2O3 où l’alumine est
celle qui est contenue dans C3A. Ils proposent pour ce rapport une valeur sécuri-
taire de 2 en dessous de laquelle il n’y aurait pas de gonflement. Au-delà de cette
valeur les gonflements augmenteraient fortement pour diminuer ensuite lorsque
le rapport atteindrait des valeurs très élevées. Il reste toutefois difficile de définir
un seuil critique fiable pour ces deux rapports, et on n’observe pas de véritable
corrélation entre la valeur de ces rapports et les gonflements comme l’ont montré
les travaux de Odler et al. [ODL 95]. La raison en est que l’alumine dans les
ciments anhydres ou hydratés peut être combinée de différentes manières. La
quantité disponible pour la formation d’ettringite peut être variable d’un ciment à
l’autre en fonction de sa composition chimique et minéralogique. Par exemple, la
formation différée d’ettringite est insignifiante avec les ciments PM ES à haute
résistance aux sulfates, mais elle peut se produire avec des ciments dont la teneur
est aussi basse que 7 % (cf. tableau 11.7). Tout au plus, peut-on constater que les
gonflements peuvent être plus élevés quand les teneurs en sulfates et en C3A
augmentent.
Comme on le voit, les paramètres liés à la composition chimique du béton et du
ciment sont nombreux et interactifs. Il n’est pas possible de les considérer sépa-
rément sachant que leur influence dépend également des autres paramètres liés
au cycle thermique subi par le béton, à la formulation de ce dernier ainsi qu’à
son environnement.
3.3.3. Paramètres liés à la formulation du béton
Le dosage en ciment intervient sur trois facteurs :
– l’exothermie du béton qui détermine la température atteinte par le matériau, les
forts dosages, pour un ciment donné, induisant les échauffements les plus élevés.

559
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

On verra au paragraphe 3.4.1.1 que la température peut atteindre près de 80 °C


au cœur des pièces massives et donc favoriser la formation différée d’ettringite
(cf. figure 11.31) ;
– la concentration en alcalins dans la solution interstitielle. Les dosages élevés
peuvent induire un accroissement de leur concentration et, corrélativement,
modifier les conditions de stabilité de l’ettringite ;
– la compacité du béton. Un dosage élevé en ciment conduit généralement à un
accroissement de compacité et, par conséquent, à une diminution des transferts
au sein du matériau. Toutefois suivant le mécanisme de gonflement proposé par
Taylor et al. [TAY 01] la densification de la microstructure de la pâte de ciment,
serait susceptible de favoriser son expansion (cf. § 3.5).
La classe de résistance du ciment : pour un même dosage, un ciment de classe
52,5 induira une plus forte exothermie qu’un ciment de classe 42,5 ou 32,5.
Le rapport eau/ciment (E/C) du béton (généralement lié au dosage en ciment) in-
tervient également sur la composition de la phase liquide interstitielle et sur les
propriétés de transfert : une diminution de ce rapport conduit à un accroissement
des concentrations ioniques de la solution et à un abaissement de la perméabilité
et de la diffusivité du matériau, propriétés régissant les échanges ioniques et les
transferts d’humidité nécessaires à la formation différée d’ettringite. Mais ici en-
core, la densification de la pâte de ciment durcie apportée par la diminution du
rapport E/C pourrait favoriser le gonflement, toutes choses égales par ailleurs.
La nature minéralogique des granulats : l’expérience tend à montrer que les ef-
fets de l’ettringite de formation différée sont plus marqués avec les granulats sili-
ceux (silex par exemple) qu’avec les granulats issus de roches calcaires [BRU 05,
KEL 04]. La différence de comportement est due à la liaison pâte/granulats sou-
vent plus faible avec les granulats siliceux. Les forces d’expansion générées dans
la pâte de ciment durcie par la reprécipitation des microcristaux d’ettringite lors
du refroidissement du béton, entraînent plus facilement le déchaussement de ce
type de granulats. C’est dans les vides laissés autour des granulats que viendra
précipiter l’ettringite secondaire, a priori non expansive, résultant du phénomène
de dissolution/reprécipitation de l’ettringite de formation différée à l’origine de
l’expansion. Il est possible également que, dans le cas de granulats calcaires, la
stabilité de l’ettringite puisse être modifiée par la présence des ions CO32- prove-
nant des fines particules de carbonate de calcium dont on sait qu’ils peuvent inte-
ragir avec les sulfates lors de la réaction avec le C3A ainsi qu’avec les phases AFt
et AFm [MOR 82, TAY 98].

560
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

3.3.4. Paramètres liés à l’environnement


La température à laquelle est mis en œuvre le béton frais, influe sur la cinétique
d’hydratation du ciment, sur les échanges thermiques entre le matériau et le mi-
lieu extérieur et, par conséquent sur la température maximale au cœur du béton.
L’humidité relative est un facteur déterminant. La présence d’eau qui assure les
transports ioniques et les échanges au sein du béton est indispensable à la forma-
tion différée d’ettringite. Les dégradations observées sur les ouvrages sont sys-
tématiquement en relation avec des apports d’eau extérieurs : humidité très
élevée, venues d’eau, zones de marnage, stagnation d’eau…

3.3.5. Interdépendance des différents paramètres


La revue, ci-dessus, des paramètres de la réaction de formation différée d’ettrin-
gite, montre que ceux-ci sont nombreux et interdépendants. Les travaux de thèse
de Brunetaud [BRU 05] qui font appel à la méthode des plans d’expérience,
avaient pour objectif de quantifier l’importance de chacun de ces paramètres
(température, durée de l’échauffement, SO3, alcalins, finesse Blaine, rapport E/C,
nature des granulats) ainsi que leurs interactions. Les principales conclusions de
ces travaux sont les suivantes :
– tous les effets séparés de chacun des paramètres sont significatifs, mais les
interactions entre paramètres peuvent être supérieures à l’effet séparé d’un para-
mètre ;
– ainsi l’interaction entre les paramètres « durée d’échauffement » et « tempéra-
ture », est plus forte que les effets, néanmoins très importants, de chacun de ces
deux paramètres pris séparément ;
– une interaction significative est observée entre les paramètres « durée
d’échauffement », « teneur en alcalins » et « température » ;
– en ce qui concerne les paramètres relatifs à la formulation du béton, l’impor-
tance de la nature des granulats, du rapport E/C et leurs interactions avec la durée
d’échauffement est bien mise en évidence ;
– en ce qui concerne le ciment, le paramètre « SO3 » est le plus influant, suivi du
paramètre « teneur en alcalins » et de leurs interactions. La finesse Blaine inter-
vient également.
3.4. Rappel sur les conditions de stabilité de l’ettringite
3.4.1. Influence de l’échauffement (température et durée)
Aux températures supérieures à 60/70 °C l’ettringite est instable et perd tout ou
partie de son eau. Ce comportement est dû à la structure particulière du minéral
schématisée par la figure 11.30, extraite d’un travail de [STA 86] et Bollman

561
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

[STA 00], qui montre que les cristaux d’ettringite sont formés de colonnes de ca-
tions {Ca3[Al(OH)6].12H2O} où les octaèdres Al(OH)63– sont reliés aux polyè-
dres CaO8, chaque ion aluminium étant lié aux ions Ca2+ avec lesquels il partage
les ions OH-. Les canaux entre les colonnes contiennent les tétraèdres SO42- ainsi
que les molécules d’eau faiblement liées.
Les travaux de Ghorab et al. [GHO 80] montrent qu’à pression et humidité nor-
males la déshydratation de l’ettringite s’effectue selon le schéma suivant :
– entre 45 °C et 50 °C, perte de 1,4 molécule d’eau ;
– entre 50 °C et 125 °C, perte de 22 molécules d’eau. Entre 110 et 146°C un
hydrate contenant 8 molécules d’eau est identifié ;
– entre 160 °C et 180 °C, perte de 2 molécules d’eau. Un hydrate contenant
6 molécules d’eau est identifié dans cet intervalle de température ;
– entre 180 °C et 900 °C, perte progressive de l’eau résiduelle.
D’autres études ont montré que la plus grande partie de l’eau était perdue à envi-
ron 70 °C où la teneur passe de 32 molécules à 10 molécules [DAE 77]. Entre
70 °C et 85 °C, l’ettringite perd les molécules d’eau disposées entre les colonnes
de cations {Ca3[Al(OH)6].12H2O} et devient amorphe [POE 89].

3–
Octaèdres Al (OH)6

2–
Tétraèdres SO4

Molécules H2O
Polyèdres CaO8

Figure 11.30 : structure de l’ettringite, d’après [STA 00].

Par ailleurs, l’étude du diagramme CaO-Al2O3-CaSO4-H2O à 85°C (cf.


chapitre 4) montre que la concentration minimale en sulfate nécessaire pour sta-
biliser l’ettringite est cinquante fois plus élevée qu’à 25 °C. Le diagramme montre
également la présence d’une nouvelle phase stable à 85 °C : le monosulfoalumi-
nate de calcium, dont le rôle est très important dans le processus de formation dif-
férée de l’ettringite.

562
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

De telles conditions de température peuvent être observées en préfabrication ainsi


que dans les parties massives d’ouvrages coulées in situ. Une illustration du cycle
thermique subi par un béton de masse, extraite des travaux de Divet et al.
[DIV 03], est fournie par la figure 11.31 relative à l’un des chevêtres d’un viaduc.
La figure montre que la température au cœur du béton peut atteindre 80°C, tem-
pérature à laquelle l’ettringite est instable.

90
80
Température (°C)

70
60
t1
50
t2
40
t3
30
20
10
0
0 50 100 150 200

Temps (heures)
Fig. 11.31 : échauffement d’une pièce massive de béton calculé en différents points
à l’aide du programme CESAR-LCPC au moment de l’échauffement maximal
t1 = cœur ; t3 = peau ; t2 = zone médiane (d’après [DIV 03]).
Des essais adiabatiques ont été réalisés avec des matériaux identiques à ceux utilisés au moment de
la construction en 1980. La pièce de béton d’un volume de 77 m3 a été coulée en une seule fois en
période estivale. Les mesures à l’aide de thermocouples indiquent que la température au cœur du
matériau est restée supérieure à 70°C pendant 5 jours, que le refroidissement de la pièce était très
lent et que le gradient maximal de température entre la peau et le cœur du béton était de 30 °C.

Cet élément du viaduc, soumis à des venues d’eau, a subi des dégradations par
formation différée d’ettringite suivant le mécanisme décrit au paragraphe 3.5.
Des travaux récents [BRU 05] montrent que la durée de l’échauffement est aussi
un paramètre important. Pour une même formule de béton, il n’a pas été observé
de gonflement pour un échauffement de 2 heures à 80 °C (correspondant à un trai-
tement thermique utilisé en préfabrication) ni pour un échauffement de 10 jours à
85 °C alors qu’une forte expansion par formation différée d’ettringite était obser-
vé pour un échauffement de 48 heures à 85 °C. Cet effet, d’une durée d’échauffe-
ment très courte ou très longue (effet pessimum), a aussi été mentionné dans les
travaux de thèse de Pavoine [PAV 03] et de Famy [FAM 99].
3.4.2. Influence des alcalins
L’étude du diagramme CaO-Al2O3-CaSO4-Na2O-H2O à 25°C (cf. chapitre 4)
montre que la solubilité de l’ettringite augmente considérablement avec la con-

563
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

centration en NaOH : en l’absence de NaOH, quelques micromoles de sulfate suf-


fisent à stabiliser l’ettringite. En présence de 500 mmoles de sodium, plusieurs
dizaines de millimoles sont nécessaires. Cet effet, couplé à celui de la températu-
re, nécessite des concentrations en sulfate très élevées pour stabiliser l’ettringite.
Les travaux de Brown [BRO 93], qui a étudié des mélanges C3A + gypse et C3A
+ C3S + gypse dans l’eau pure et dans des solutions de KOH à 25 °C, 45 °C et
65 °C, confirment l’effet retardateur ou inhibiteur des alcalins vis-à-vis de la for-
mation de l’ettringite ainsi que la formation de monosulfoaluminate de calcium.
Par ailleurs, le tableau 11.6, dû à Glasser [GLA 96], donne les solubilités calcu-
lées de l’ettringite en fonction de la température et de la concentration en Na2O
dans le système de phases AFt - Ca(OH)2 - C3AH6 ou AFm, supposées coexistan-
tes [DAM 93]. Ce tableau montre bien l’effet combiné de la température et de la
concentration en ions sodium sur la solubilité de l’ettringite et sur les quantités
d’ions sulfate dissous.
Tableau 11.6 : solubilités calculées de l’ettringite en fonction de la température
et de la teneur en sodium,selon Glasser [GLA 96].

SO42– Ca2+ Al3+


t° Phases coexistantes
(mg/L) (mg/L) (mg/L)

AFt-Ca(OH)2-C3AH6
[Na] =
0 0,015 22,0 0,010
25 °C
250 0,384 1,98 0,060
500 1,98 0,99 0,122
1000 11,22 0,44 0,189

AFt-Ca(OH)2-AFm
[Na] =
0 0,042 16,0 0,042
50 °C
250 17,94 1,35 0,103
500 66,93 0,841 0,155
1000 222 0,547 0,199

AFt-Ca(OH)2-AFm
[Na] =
0 0,41 11,33 0,016
85 °C
250 76,7 2,48 0,283
500 184 2,06 0,354
1000 421 1,70 0,377

Les concentrations de Ca et Al évoluent relativement peu comparativement aux


ions sulfate, et les rapports molaires SO4/Ca/Al indiquent que la dissolution est
incongruente. Lors du retour à la température ordinaire, la reprécipitation directe

564
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

de l’ettringite à partir de la phase liquide est limitée par la faible solubilité du cal-
cium et de l’aluminium. Néanmoins, celle-ci se produit nécessairement au contact
des phases solides du ciment qui contiennent Ca et Al.
3.5. Les mécanismes de gonflement liés à la formation différée
d’ettringite
Le processus d’expansion par formation d’ettringite différée n’est pas encore
complètement élucidé. Toutefois, le mécanisme proposé par Scrivener et al.
[SCR 93, SCR 97, TAY 01] semble assez bien correspondre à la réalité. Ce mé-
canisme, schématisé par la figure 11.32, est le suivant : l’échauffement du béton
(dû à la chaleur d’hydratation ou à l’étuvage) et son maintien pendant une durée
relativement longue à une température supérieure à 65 °C, dans des conditions
physico-chimiques données (teneurs en SO3, Na2O, C3A) inhibe la formation
d’ettringite ou entraîne sa décomposition. Les ions SO42– libérés au cours de cette
décomposition sont fixés dans la pâte de ciment en cours d’hydratation, et, plus
particulièrement, dans les C-S-H, sous forme d’ions physisorbés et, surtout, sous
forme de cristaux nanométriques de monosulfoaluminate de calcium. L’alumine
peut être également fixée sous forme d’hydrogrenats. Éventuellement, des phases
de type syngénite K2Ca(SO4)2.H2O peuvent aussi être présentes. Les monosul-
foaluminates, stables à température élevée, formés aux premiers stades de l’hy-
dratation au cours du cycle thermique subi par le matériau, sont intimement inclus
dans les C-S-H externes.
Lorsque le béton, en conditions humides, revient à la température ordinaire, la so-
lution interstitielle devient sursaturée par rapport à l’ettringite. Cette dernière peut
alors recristalliser sous forme de cristaux nanométriques à micrométriques disper-
sés dans la pâte de ciment et, en particulier, dans les C-S-H externes. Dans ces C-
S-H, qui se distinguent des C-S-H internes « pseudomorphiques » immédiate-
ment en contact avec le grain de C3S en cours d’hydratation, la fine porosité, le
confinement des cristaux ainsi que les conditions locales de sursaturation, favori-
sent le développement de pressions de cristallisation élevées lors de la formation
différée de l’ettringite. Ceci entraîne un gonflement homogène de la pâte de ci-
ment. Ce gonflement provoque la microfissuration de la pâte de ciment et le dé-
chaussement des granulats. Au cours du temps, du fait de la percolation de l’eau
à travers les microfissures, les microcristaux d’ettringite sont redissous et recris-
tallisent dans les espaces libres :
– d’abord dans les cavités correspondant aux grains de Hadley qui pourraient
constituer de petits vases d’expansion où les microcristaux d’ettringite formés
transitoirement dans la très fine porosité des C-S-H en développant des pressions

565
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

de cristallisation très élevées, de recristalliser plus librement suivant un proces-


sus de mûrissement d’Ostwald (cf. figures 11.26 et 11.27, § 3.2). La présence de
C4AF et de monosulfoaluminates dans une partie des grains de Hadley y favorise
la précipitation de l’ettringite ;
– la recristallisation se poursuit dans les fissures et au contact des granulats
déchaussés par le gonflement de la pâte de ciment. Ce gonflement, homogène,
est engendré par la formation des nanocristaux d’ettringite au sein des C-S-H
lors du retour à la température ordinaire, et, éventuellement, par leur recristalli-
sation dans les grains de Hadley. Dans les fissures et sur le pourtour des granu-
lats, le minéral apparaît fréquemment, en section, sous forme de veines
caractéristiques de cristaux « palissadiques », illustrés par les figures 11.28 et
11.29 (§ 3.2). Cette ettringite postérieure à l’apparition des fissures, ne serait, a
priori, pas expansive. Elle pourrait néanmoins modifier l’état de contrainte en
fond de fissures et favoriser les conditions de propagation de celles-ci.
1 2 3

Après échauffement

Pores AFm
AFt

Après cure dans l'eau


1 = noyau anhydre (C3S, C2S) à 20 °C
2 = C–S–H denses
3 = C–S–H microporeux
Porosité croissante Ÿ pressions de cristallisation décroissantes

Fig.11.32 : mécanisme d’expansion par formation différée d’ettringite,


d’après Taylor et al.[TAY 01].
Après échauffement les ions sulfate et aluminate issus de la décomposition de l’ettringite sont piégés
dans les C-S-H sous formes d’ions SO42– adsorbés et sous forme de cristaux nanométriques de mo-
nosulfoaluminate de calcium hydraté (AFm). La cure dans l’eau à la température ordinaire conduit à
la formation de nano et microcristaux d’ettringite (AFt). Les pressions de recristallisation de l’ettringite
sont maximales dans les C-S-H internes très denses au contact du noyau anhydre et diminuent lors-
que l’on s’éloigne du cœur anhydre.

Le mécanisme proposé par Scrivener et al. est confirmé par les analyses ponctuel-
les élémentaires par spectrométrie X à dispersion d’énergie associée à la micros-
copie électronique à balayage, de la pâte de ciment de deux mortiers A et B traités
thermiquement, l’un non expansif, l’autre expansif. Ces analyses, effectuées,
d’une part, juste après un traitement thermique à 90 °C et, d’autre part, après

566
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

200 jours de cure humide à température ordinaire, sont illustrées par les
figures 11.33a et 11.33b d’après Taylor et al. [TAY 01].
Glasser et al. [GLA 95] propose un mécanisme assez voisin de celui de Scrivener:
le gonflement du béton résulte d’une redistribution des sulfates. À haute tempé-
rature, la solution interstitielle concentre la majeure partie des alcalins qui, asso-
ciés à l’effet de la température, permettent la dissolution de la quasi-totalité des
sulfates initialement présents dans le ciment. Au refroidissement, la diffusion des
ions sulfate dans la porosité provoque la précipitation d’ettringite quand la solu-
tion vient en contact des solides contenant Ca et Al. Ils admettent également que
l’expansion est en relation avec la diffusion des ions sulfate et la précipitation
d’une ettringite de faible densité dans des régions relativement denses de la pâte
de ciment.
S/Ca 0,2 S/Ca
0,2 AFt
AFm
AFm

0,15 0,15

0,1 0,1

0,05 0,05
Phases exemptes Phases exemptes
de sulfates de sulfates

Al/Ca Al/Ca
0 0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3

Figure 11.33a : mortier A non expansif. Fig. 11.33b : mortier B expansif.

Microanalyse ponctuelle par spectrométrie X à dispersion d’énergie des C-S-H externes dans deux
mortiers après traitement thermique 12 heures à 90 °C, puis après cure humide de 200 jours à tem-
pérature ordinaire (d’aprèsTaylor et al. [TAY 01]).
AFm = monosulfoaluminate ; AFt = ettringite ; z = après traitement thermique ; ‘ = après 200 jours
de cure humide.
Dans le mortier A, immédiatement après traitement thermique (ronds grisés), les C-S-H contiennent
S et Al en proportions variables, soit seuls soit en mélange avec le monosulfoaluminate. Au terme de
la cure humide (losanges), le mortier A ne manifeste aucun gonflement, les C-S-H ont un rapport S /
Ca plus faible (remobilisation des ions sulfate dans la solution interstitielle) et quelques phases telles
que les monocarboaluminates ou des hydrogrenats contenant ou non des sulfates, sont observées.
Aucune tendance vers la formation d’ettringite n’est observée.
Dans le mortier B, immédiatement après traitement thermique (ronds grisés), le rapport S /Ca des C-S-H
(0,07) est significativement plus élevé que celui du mortier A (0,05). Au terme de la cure humide (losan-
ges), le mortier montre un gonflement important. Les rapports S /Ca plus élevés correspondent à la for-
mation d’ettringite intimement mélangée aux C-S-H. La partie basse de la figure 11.33b correspond aux
C-S-H seuls (rapport S/Ca ~ 0,02) ; la partie intermédiaire correspond aux mélanges C-S-H/ettringite où
la proportion d’ettringite peut parfois être élevée. Par ailleurs des dépôts d’ettringite sont observés dans
les fissures ou les pores.

567
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Bien que ces mécanismes correspondent probablement assez bien à la réalité, ils
sont vraisemblablement plus complexes dans le détail et un certain nombre de
questions qui pourraient expliquer le comportement particulier de certains bétons,
restent en suspens :
– la composition des phases AFt, AFm et C-S-H s’écarte généralement des com-
positions théoriques prises en compte et la substitution des ions sulfate par des
ions silicate, carbonate ou hydroxyle dans l’ettringite, peut modifier ses condi-
tions de stabilité. De même, dans les phases AFm, des substitutions d’ions sul-
fate par des ions OH– pourraient également se produire ;
– il est possible également que les phases AFm préexistantes ou formées lors de
la décomposition de l’ettringite soient altérées par le traitement thermique et que
leur restauration au refroidissement puisse être source d’expansion ;
– la possibilité de l’existence d’ettringite amorphisée ayant perdu son eau de
structure lors de l’échauffement du béton est également évoquée. La reprise
d’eau par le produit amorphe pourrait provoquer un gonflement suivant un pro-
cessus de répulsion électrostatique entre les particules colloïdales d’ettringite tel
que celui qui a été proposé par Mehta [MEH 73].
La figure 11.34 résume le mécanisme de dégradation par formation différée d’et-
tringite.

568
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

eFKDXIIHPHQWGXEpWRQ W•ƒ&
étuvage ou exothermie naturelle du béton

Dissolution de l'ettringite
Ɣ)RUPDWLRQGHQDQRFULVWDX[GHPRQRVXOIRDOXPLQDWH $)P
Ɣ$GVRUSWLRQGHVLRQVVXOIDWHHWDOXPLQDWHSDUOHV&±6±+

Retour à la température ordinaire

Milieu humide

3pULRGHGHODWHQFH GHSOXVLHXUVPRLVjSOXVLHXUVDQQpHV
SpQpWUDWLRQGHO
HDXGLIIXVLRQLRQLTXH
Ɣ5HFULVWDOOLVDWLRQGHPLFURFULVWDX[G
HWWULQJLWH
Ɣ3UHVVLRQVGHJRQIOHPHQWFRQWHQXHVSDUOHPDWpULDX

Période d'accélération
Ɣ*RQIOHPHQWKRPRJqQHHWPLFURILVVXUDWLRQGHODSkWHGHFLPHQW
Ɣ'pFKDXVVHPHQWGHVJUDQXODWV
Ɣ([SDQVLRQHWILVVXUDWLRQGXPDWpULDX

Période de stabilisation
ƔeSXLVHPHQWGHVUpDFWLIV
Ɣ5HFULVWDOOLVDWLRQG
HWWULQJLWHVHFRQGDLUHGDQVOHVILVVXUHV
HWDX[LQWHUIDFHVSkWHJUDQXODWV

Figure 11.34 : les différents stades des réactions de dégradation


par formation différée d’ettringite.

3.6. Exemples d’ouvrages atteints en France


Un bilan d’expertise menée par le Laboratoire central des ponts et chaussées sur
des ponts endommagés par formation différée d’ettringite [DIV 03, LCP 07b] a
conduit aux résultats du tableau 11.7 qui regroupe pour chacun des ouvrages les
valeurs des paramètres principaux.
Les résultats de ce tableau tendent à confirmer les conditions de formation diffé-
rée d’ettringite décrites plus haut :
– les températures, calculées en conditions adiabatiques, peuvent atteindre 80 °C
au cœur des structures massives, compte tenu des températures extérieures ;
– dans tous les cas les zones atteintes étaient en contact avec l’eau.

569
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 11.7 : étude de ponts endommagés par formation différée d’ettringite.


Comparaison des paramètres principaux, d’après [LCP 07b].
Pont Pont Pont Pont Pont Pont Pont Pont
«A» «B» «C» «D» «E» «F» «G» «H»

Année de construction 1955 1967 1980 1988 1990 1982 1988 1989

Partie d’ouvrage Socle de


Chevêtre Pile Chevêtre Pile Pile Chevêtre Chevêtre
concernée pile

Paramètres liés
à la température
– T max (°C) > 80 > 80 > 80 > 75 > 80 > 70 > 75 > 75
– période août inconnue août-sept. juillet août juillet juillet juillet
de bétonnage août sept. août août août

Paramètres liés au
ciment :
– SO3 (% massique) 2,5 2,7 2,6 2,5 2,8 3,2 2,2 3,5
– C3A (% massique) 11,2 9,6 9,8 7,0 8,2 11 7,1 10,1

Paramètres liés
au béton :
– dosage en ciment
(kg/m3) 430 430 400 380 410 350 385 400
– rapport E/C 0,50 0,50 0,47 0,54 0,46 0,49 0,48 0,50
– nature des granulats siliceux siliceux silico- siliceux siliceux silico- siliceux silico-
– teneur en Na2O calcaire calcaire calcaire
équivalent (kg/m3) 2,0 4,3 4,0 4,1 2,3 3,0 3,9 4,6

Condensation
Paramètre lié Absence Soumis Soumis Absence
Problème Alternance Zone de Zone de
à l’environnement de aux aux de
étanchéité humidification/ marnage marnage
– humidité drainage intempéries intempéries drainage
séchage

Le LCPC a développé un essai qu’il utilise comme moyen de diagnostic et d’éva-


luation de l’évolution possible d’une réaction dans les ouvrages endommagés par
formation différée d’ettringite [LCP 08]. Le principe consiste à prélever des ca-
rottes (Φ = 100, L = 200 mm) dans différentes zones plus ou moins altérées de
l’ouvrage. La profondeur de carottage est de 60 cm. Les cylindres, équipés de
plots suivant trois génératrices, sont conservés en milieu humide. Les variations
dimensionnelles sont mesurées à échéances définies à l’aide d’un extensomètre à
bille.
Un exemple de suivi de l’expansion de carottes de bétons prélevées dans un via-
duc dégradé par formation différée d’ettringite est donné par la figure 11.35. Les
carottes A et B ont été prélevées dans des zones altérées mais peu fissurées. La
carotte C a été prélevée dans une zone altérée très fissurée. Le béton C a atteint
son palier de gonflement sur le site et ne montre plus d’expansion significative.

570
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

Les deux autres bétons montrent un gonflement important significatif d’un poten-
tiel de dégradation ultérieur.
Des mesures sont fréquemment effectuées sur l’ouvrage lui-même dont certaines
parties peuvent être équipées de plots scellés permettant de suivre les déforma-
tions en fonction du temps dans différentes directions. Les techniques utilisées
sont la distancemétrie par fil d’invar et par infrarouge ou l’extensométrie
[LCP 03].
0,4
0,368 %

0,3
Expansion (%)

0,278 %

0,2 A : peu endommagée


B : peu endommagée
C : très endommagée
0,1

0,025 %
0
0 50 100 150 200 250 350
Temps (jours)

Figure 11.35 : suivi de l’expansion longitudinale de carottes de béton prélevées


dans des parties d’ouvrage faiblement endommagées (A et B) et fortement endommagée
(C) par formation différée d’ettringite (extrait de [DIV 03]).

3.7. Réglementation et moyens de lutte


Les résultats exposés au paragraphe 3.3 font bien ressortir la complexité du pro-
blème de formation différée d’ettringite, la nécessité de prendre en compte l’en-
semble des paramètres de la réaction et leur interdépendance, ainsi que la
difficulté de leur fixer des seuils applicables dans tous les cas.

3.7.1. Réglementation
La norme NF EN 206-1 Béton, Partie 1 : « Spécification, performances, produc-
tion et conformité » qui définit, en fonction des classes d’exposition, les prescrip-
tions censées garantir la durabilité des structures ou des éléments de structure en
béton, ne prévoit aucune disposition spécifique en ce qui concerne les risques de
formation différée d’ettringite.
La norme NF EN 13230 Applications ferroviaires - Voie - Traverses et supports
en béton, Partie 1 : « Prescriptions générales » précise les modalités à respecter
en termes de traitement thermique pour éviter les risques de gonflement par for-

571
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

mation différée d’ettringite. Les prescriptions de cette norme sont rappelées suc-
cinctement dans le tableau 11.9 plus loin.
La norme NF EN 13369 Règles communes pour les produits préfabriqués en bé-
ton, relative au traitement thermique et à la cure des produits structuraux préfabri-
qués donne les recommandations suivantes :
« Dans le cas où un traitement thermique à pression atmosphérique est appliqué
au béton pendant sa fabrication afin d’accélérer son durcissement, il doit être dé-
montré par des essais initiaux que la résistance requise est obtenue pour chaque
famille de béton » ;
« Pour éviter la microfissuration et/ou une mauvaise durabilité, les conditions sui-
vantes doivent être remplies à moins qu’une expérience antérieure positive n’ait
montré que ces prescriptions ne sont pas nécessaires : une période de préchauffa-
ge adéquate doit être appliquée lorsque le traitement thermique implique une tem-
pérature maximale moyenne supérieure à 40 °C. Quand la température moyenne
maximale dépasse 40 °C, les différences de températures entre parties adjacentes
des éléments doivent être limitées à 20 °C pendant les périodes de montée en tem-
pérature et de refroidissement » ;
« La période de préchauffage et la vitesse de montée en température doivent être
documentées » ;
« Pendant le chauffage et le refroidissement la température maximale moyenne
ne doit pas dépasser les valeurs du tableau 11.8 ci-dessous. Toutefois, des tempé-
ratures supérieures peuvent être acceptées sous réserve que la durabilité du béton
sous les conditions environnementales prévues ait été démontrée par une expé-
rience positive à long terme. »
Tableau 11.8 : conditions à respecter lors d’une hydratation accélérée
suivant la norme NF EN 13369.

Environnement des produits Température maximale moyenne du béton T(a)

À prédominance sèche ou modérément humide T ≤ 85 °Cb

Humide ou alternance d’humidité et de séchage T ≤ 65 °C

(a) T est la température maximale moyenne dans le béton, les valeurs individuelles peuvent être su-
périeures de 5 °C.
(b) quand 70 °C < T ≤ 85 °C des essais initiaux doivent avoir démontré que la résistance requise est
respectée à 90 jours.
« Pour les environnements humide ou alternance d’humidité et de séchage, en l’ab-
sence d’expérience positive à long terme, la pertinence du traitement à plus haute
température doit être démontrée. Les limites suivantes peuvent servir de base pour
cette démonstration : pour le béton teneur en Na2O équivalent 3,5 kg/m3 ; pour le
ciment : teneur en SO3 3,5 % en masse. Dans ce cas, selon le matériau et les condi-

572
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

tions climatiques, des prescriptions plus sévères peuvent être appliquées au traite-
ment thermique des éléments destinés, dans certaines zones, à être placés à
l’extérieur. Les limites précédentes sur Na2O éq. et sur la teneur en SO3 peuvent
évoluer ou, des limites sur d’autres composants peuvent être instituées selon les ac-
quis de l’expérience scientifique ou technique. Il convient que les toutes dernières
connaissances soient prises en compte. »
Le tableau 11.9 publié par Divet [DIV 00] résume les recommandations profes-
sionnelles de différents pays en ce qui concerne le traitement thermique. Ces re-
commandations sont destinées à éviter les fissurations d’origine thermique ainsi
que celles qui pourraient être provoquées par la formation différée d’ettringite. Ces
règles, très restrictives, s’appliquent quel que soit le type de ciment et de béton.
Tableau 11.9 : recommandations de différents pays pour la réalisation
des traitements thermiques, d’après Divet [DIV 00].

Température et durée Vitesse de montée Température maximale


Références
de la période d’attente en température (°C/heure) critique (°C)

30 °C, 3 heures < 20 60 ENV 206

Environnements secs : Environnement sec :


30 °C, 3 heures 80 Comité allemand
< 20
Environnement humide: Environnement humide: pour le béton armé
40 °C, 4 heures 60

Département anglais
T° ambiante, 4 heures < 20 70 du Transport
[Law 90]

60 si SO3 ciment < 2 %


30 °C, 3 heures < 20 55 si SO3 ciment < 3 % EN 13230, 1999
50 si SO3 ciment < 4 %

38 °C 2heures < 14 66 État d’Iowa, [MER 62]

3.7.2. Les recommandations du LCPC


Les Recommandations pour la prévention des désordres dus à la réaction sulfa-
tique interne, publiées en 2007 par le LCPC [LCP 07b], propose une démarche
préventive en matière de protection contre des risques de formation différée d’et-
tringite adaptée de celle qui a été mise au point pour la prévention des désordres
dus à l’alcali-réaction [LCP 94]. Son objet est « de définir des précautions pour la
mise en œuvre et la formulation d’un béton vis-à-vis des risques de réaction sul-
fatique interne (RSI) susceptibles de se développer pendant la vie de l’ouvrage ».

573
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La démarche se fait en deux temps :


– détermination du niveau de prévention à atteindre en fonction de la catégorie
de l’ouvrage et de sa classe d’exposition ;
– orientation vers la (ou les) solutions possibles en fonction du niveau de préven-
tion retenu.
3.7.2.1. Définition des catégories d’ouvrages
Il est défini trois catégories d’ouvrages qui sont indiquées dans le tableau 11.10
et dont le choix relève de la responsabilité du maître d’ouvrage.
Tableau 11.10 : exemples d’ouvrages ou d’éléments d’ouvrage classés par catégorie,
selon [LCP 07b].

Catégorie Exemples d’ouvrages ou d’éléments d’ouvrage

Ouvrages en béton de classe de résistances inférieures à C 16/20


Catégorie I Éléments non porteurs des bâtiments
(conséquences faibles Éléments aisément remplaçables
ou acceptables) Ouvrages provisoires
La plupart des produits préfabriqués non structurels

Les éléments porteurs de la plupart des bâtiments et les ouvrages de génie


Catégorie II
civil (dont les ponts courants)
(conséquences
La plupart des produits préfabriqués structurels (y compris les canalisations
peu tolérables)
sous pression)

Bâtiments réacteurs de centrales nucléaires et aéroréfrigérants


Catégorie III Barrages
(conséquences Tunnels
inacceptables Ponts et viaducs exceptionnels
ou quasi inacceptables) Monuments ou bâtiments de prestige
Traverses de chemin de fer

3.7.2.2. Définition des classes d’exposition


Trois classes d’exposition notées XH1, XH2 et XH3 définies selon les indications
du tableau 11.11 viennent en complément des classes d’exposition définies dans
la norme NF EN 206-1. Elles doivent être spécifiées au CCTP (Cahier des clauses
techniques particulières) pour chaque partie d’ouvrage.

574
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

Tableau 11.11 : classes d’exposition de la partie d’ouvrage vis-à-vis de la RSI,


selon [LCP 07b].

Classe Description Exemples informatifs illustrant le choix des classes d’expo-


d’exposition de l’environnement sition

Partie d’ouvrage en béton située à l’intérieur de bâtiments


où le taux d’humidité de l’air ambiant est faible ou moyen
XH1 Sec ou humidité modérée
Partie d’ouvrage en béton située à l’extérieur et abrité de la
pluie

Partie d’ouvrage en béton située à l’intérieur


de bâtiments ou le taux d’humidité de l’air ambiant est élevé
Partie d’ouvrage en béton non protégée par un revêtement
Alternance d’humidité et de
XH2 et soumis aux intempéries, sans stagnation d’eau
séchage, humidité élevée
à la surface
Partie d’ouvrage en béton non protégé par un revêtement
et soumise à des condensations fréquentes

Partie d’ouvrage en béton submergée en permanence


En contact durable avec l’eau : dans l’eau
immersion permanente, Éléments de structures marines
XH3
stagnation d’eau à la surface, Un grand nombre de fondations
zone de marnage Partie d’ouvrage en béton régulièrement exposée
à des projections d’eau

3.7.2.3. Définition du niveau de prévention


Le croisement entre la catégorie d’ouvrage définie en fonction du risque que l’on
est prêt à accepter et la classe d’environnement à laquelle est soumis l’ouvrage ou
la partie d’ouvrage, permet de définir un niveau de prévention qui détermine les
mesures de précaution à appliquer (tableau 11.12).
Tableau 11.12 : choix du niveau de prévention,selon [LCP 07b] :
croisement des tableaux 11.10 et 11.11.
Classe d’expositionde la partie d’ouvrage
Catégorie d’ouvrage
XH1 XH2 XH3
I As As As
II As Bs Cs
III As Cs Ds

Quatre niveaux de prévention As, Bs, Cs et Ds sont définis. Leur choix, de la res-
ponsabilité du maître d’ouvrage, peut se faire à l’aide du tableau 11.12. Chaque
niveau de prévention correspond à un type de précaution à appliquer, la plus im-
portante étant la limitation de la température maximale atteinte par le béton et
éventuellement sa durée de maintien. Le tableau 11.13 résume les précautions à
prendre pour chacun des niveaux de prévention.

575
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 11.13 : précautions à appliquer en fonction du niveau de prévention.


Niveau
Précautions
de prévention
• Température maximale (Tmax) au sein de l’ouvrage < 85°C
As • Dépassement jusqu’à 90 °C autorisé si traitement thermique maîtrisé(a)
et si durée de dépassement ≤ 4 heures
• Température maximale (Tmax) dans le béton < 75°C
•Si 75 °C ≤ Tmax < 85 °C, respect d’au moins une des six conditions suivantes :
1) traitement thermique maîtrisé*, durée de maintien à T > 75 °C inférieure
à 4 heures, alcalins équivalents actifs du béton < 3 kg/m3
2) utilisation d’un ciment conforme à NF P15-319 (ES) avec dans le cas des CEM I
et CEM II/A, alcalins équivalents actifs du béton < 3 kg/m3
3) Utilisation de ciments de type CEM II/B-V, CEM II/B-S, CEM II/B-Q, CEM II/B-M
Bs (S-V), CEM III/A ou CEM V avec teneur en SO3 ≤ 3 % et C3A du clinker ≤ 8 %
4) utilisation de CEM I (SO3 ≤ 3 % et C3A ≤ 8 %) + addition de cendres volantes,
laitier de haut-fourneau ou pouzzolanes naturelles calcinées en proportion supé-
rieure à 20 % et respectant les exigences de la norme NF EN 206-1
5) critères de l’essai de performance satisfaits
6) pour les éléments préfabriqués : couple béton/échauffement envisagé analogue
à un couple béton/échauffement disposant d’au moins 5 références d’emploi
(documentées et approuvées par un laboratoire expert indépendant) satisfaisantes
dans des lieux différents
•Température maximale (Tmax) dans le béton < 70 °C
• Si 70 °C ≤ Tmax < 80 °C, respect d’au moins une des six conditions suivantes :
Cs 1) traitement thermique maîtrisé*, durée de maintien à T > 70°C inférieure
à 4 heures, alcalins actifs du béton < 3 kg/m3
2), 3), 4), 5) et 6) idem Bs
• Température maximale (Tmax) dans le béton < 65 °C (précaution prioritaire)
• Si 65 °C ≤ Tmax < 75 °C, respect des deux conditions suivantes :
Ds 1) utilisation d’un ciment conforme à NF P15-319 (ES), avec dans le cas des CEM
I et CEM II/A alcalins équivalents actifs du béton < 3 kg/m3
2) validation de la formulation du béton par laboratoire expert indépendant

* Le traitement thermique maîtrisé peut être réalisé en usine de préfabrication ou dans des installa-
tions adéquates sur chantier.

3.7.2.4. Dispositions liées à la formulation et au dimensionnement


de l’ouvrage, à la formulation et à la fabrication du béton
ainsi qu’à sa mise en œuvre ( extraites de [LCP 07b])
Ces dispositions visent à :

576
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

– éviter les contacts prolongés avec l’eau de la pièce critique1 pendant la durée
d’utilisation de la structure ;
– limiter la température maximale atteinte au sein du béton des pièces critiques ;
– maîtriser le traitement thermique des éléments préfabriqués.
ˆ Dispositions liées à la conception et au dimensionnement des ouvrages
pour éviter les contacts prolongés avec l’eau
L’ouvrage doit être conçu de manière à éviter, dans la mesure du possible, de
créer des zones d’accumulations et de stagnations d’eau et des cheminements pré-
férentiels dus aux ruissellements, ce qui nécessite de prévoir des profils et des for-
mes de pente permettant une évacuation rapide des eaux.
Il est aussi possible de mettre en œuvre des dispositions pour éviter la pénétration
d’eau et d’humidité au sein des structures en béton :
– soit en assurant l’étanchéité de la pièce critique,
– soit en assurant l’étanchéité des éléments de structure abritant la pièce critique
et en prévoyant des dispositifs d’évacuation des eaux.
C’est notamment le cas avec les tabliers de ponts où il est exigé de mettre en œu-
vre une chape d’étanchéité2 et de prévoir des dispositifs d’évacuation des eaux
qui soient efficaces et entretenus régulièrement. L’application d’un système
d’étanchéité (chape) adapté peut permettre de classer l’ouvrage ou la partie
d’ouvrage en XH1, mais il faut bien considérer que la pérennité de ce système
d’étanchéité nécessite un remplacement régulier de celui-ci.
Parmi les autres revêtements susceptibles de limiter la pénétration d’humidité et/
ou d’eau, les plus utilisés sont les revêtements de protection : peintures, revête-
ments minces, imprégnation… (cf. Guide LCPC Protection des bétons [LCP 02]).
L’application d’une peinture est une solution qui n’a qu’une très faible efficacité
pour lutter contre les effets de la réaction sulfatique interne et n’est donc pas re-
commandée. L’application d’un revêtement de protection du béton d’épaisseur
plus importante (quelques millimètres) constitue une voie de protection, à condi-
tion de faire appel à des systèmes suffisamment étanches (y compris à la vapeur
d’eau). Cependant, ce type de revêtement garde son efficacité pendant une durée
de vie limitée (de l’ordre de la dizaine d’années…), ce qui nécessite plusieurs

1. Pièce critique : pièce en béton pour laquelle la chaleur dégagée n’est que très partiellement éva-
cuée vers l’extérieur et conduit à une élévation importante de la température du béton.
2. Pour les parties horizontales des tabliers des ponts supportant un trafic routier, le document de
référence est le fascicule 67 du CCTG , titre I qui est complété par la procédure d’avis technique du
SETRA. Sur les dispositions techniques à mettre en œuvre, le guide STER 81, publié par le
SETRA, et ses deux mises à jour sont les documents à utiliser.

577
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

remplacements de celui-ci pendant la durée d’utilisation d’un ouvrage et oriente


donc le choix vers les solutions de prévention présentées dans le tableau 11.13.
L’application d’un revêtement de protection du béton permet donc d’éviter la
réaction en minimisant la pénétration de l’eau dans la structure. C’est une solution
qui peut être employée pour accompagner une solution de prévention plus fiable,
mais pas pour assurer de façon définitive la prévention d’une RSI.
Enfin, dans le cadre de la surveillance des ouvrages, il est nécessaire d’inspecter
les parties jugées critiques de façon à détecter les fissures qui peuvent apparaître
et laisser pénétrer de l’eau au sein du béton. Il convient alors de traiter ces fissures
afin de les étancher ; diverses techniques existent telles que le pontage, l’injec-
tion…
Pour les autres parties, on pourra consulter le guide LCPC sur la protection du bé-
ton cité plus haut, et la note d’information du SETRA [SET] : « Ne pas confondre
étanchéité de surface du tablier et protection du béton ».
Dans le cas de pièce critique enterrée, les remblais périphériques doivent être
équipés de systèmes de drainage canalisant les eaux de ruissellements.
Note. L’application d’un bardage peut accompagner une solution de prévention
plus fiable, mais il ne constitue pas en lui-même un moyen de prévention suffisant.
ˆ Dispositions liées à la conception et au dimensionnement des ouvrages
pour réduire l’échauffement du béton
Il est recommandé d’éviter les pièces critiques en optimisant conjointement le ma-
tériau et la conception de l’élément. Ainsi l’utilisation de bétons à hautes perfor-
mances peut permettre la réalisation de structures élancées moins sensibles au
risque de RSI. Il est, de manière générale, recommandé de dimensionner des struc-
tures intégrant des pièces creuses ou, lorsque cela est possible, des pièces élégies.
À titre d’exemple, l’ordre de grandeur de l’impact potentiel de l’utilisation d’une
pièce creuse sur la température maximale atteinte est le suivant : l’ajout d’un cof-
frage intérieur à une pile (construction d’une pile creuse à la place d’une pile plei-
ne conduisant à une épaisseur apparente de 0,5 m au lieu de 3 m avec un béton
dosé à 350 kg/m3 de CEM I 52,5 N), se traduit par une diminution de la tempéra-
ture maximale de 15 °C environ.
ˆ Dispositions liées à la formulation du béton
Le choix du type de ciment et d’addition éventuelle par le prescripteur doit pren-
dre en compte leur influence sur l’échauffement du béton.
En effet, le liant sélectionné doit être le moins exothermique possible tout en res-
tant compatible avec les spécifications liées aux classes d’exposition et avec les
exigences de résistance au jeune âge du béton (il est souhaitable de définir les spé-

578
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

cifications de résistance au jeune âge les moins contraignantes possibles voire de


ne pas en définir pour les bétonnages qui peuvent poser problème, mais ceci doit
bien sûr être intégré dans le planning global). De même, le dosage en liant peut
être minimisé tout en permettant de répondre aux exigences d’ouvrabilité, de ré-
sistance et de durabilité. L’utilisation de ciments composés et/ou l’incorporation
d’additions sont des solutions adaptées pour minimiser l’exothermie du béton.
À titre d’exemple, le remplacement dans la formulation du béton d’un ciment
CEM I 52,5 N par un CEM III 42,5 N (sur une pièce ayant une épaisseur apparente
d’1 m) se traduit par une diminution de la température maximale de 15 °C environ.
ˆ Dispositions liées à la fabrication et au transport du béton
Avant d’examiner les dispositions qu’il est possible d’adopter pour limiter
l’échauffement du béton, il est utile de faire un rappel sur un paramètre important:
la capacité calorifique du béton.
La capacité calorifique du béton est définie comme la quantité de chaleur qu’il est
nécessaire d’apporter à une masse unitaire de béton pour élever sa température de
1 °C. Celle-ci dépend de la capacité calorifique de chacun des constituants du bé-
ton. Le tableau 11.14 fournit un ordre de grandeur des capacités calorifiques en
jeu lorsque l’on fabrique 1 m3 de béton.
Tableau 11.14 : capacité calorifique des constituants du béton..

Capacité calorifique massique Capacité calorifique


Masse
Constituants * des constituants
(kg) (kJ/kg.K) (kJ/K)
Gravillons calcaires
1050 0,84 882
(secs)

Sable silico-calcaire
750 0,80 600
(secs)

Ciment 400 0,75 300

Eau totale 200 4,18 836

Total 2 618

* D’après L. Divet, ERLPC OA 4.

Ce tableau montre qu’en raison de leur présence en grande quantité les granulats
(gravillons + sable) pèsent lourdement en terme de capacité calorifique dans le
mélange ; cela signifie qu’un changement de température des granulats provoque-
ra le changement de température le plus important au niveau du mélange. Ce ta-
bleau montre également que l’eau de gâchage a un poids important dans la chaleur
du mélange, et que sa substitution par de la glace peut entraîner un abaissement

579
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

significatif de la chaleur du mélange (il faut dans ce cas prendre en compte la cha-
leur de fusion de la glace qui est de 334 kJ/kg).
La température du béton à la mise en œuvre doit être tenue sous contrôle et peut
être abaissée par différentes méthodes :
– utilisation d’eau de gâchage froide ou réfrigérée ;
– refroidissement des granulats (pulvérisation d’eau sur les gravillons) ;
– protection des stocks de granulats vis-à-vis de l’ensoleillement ;
– substitution d’une partie de l’eau de gâchage par de la glace.
Les deux premières méthodes sont relativement simples à mettre en œuvre même
si elles nécessitent un matériel adapté qui n’est pas présent en général sur les cen-
trales de béton prêt à l’emploi. L’utilisation de glace est plus délicate et nécessite
des installations lourdes. Il faut en particulier recourir à un temps de malaxage
prolongé pour garantir une fusion complète.
La technique d’injection d’azote liquide dans le malaxeur à béton ou dans la tou-
pie peut être intéressante mais elle est très peu utilisée car très onéreuse et techni-
quement compliquée.
À titre d’exemple, les ordres de grandeur de l’impact potentiel des différents pa-
ramètres évoqués ci-dessus sur la température maximale atteinte sont :
– avec un gâchage à l’eau froide à 4 °C au lieu de 20 °C, le refroidissement est de
3 °C environ ;
– l’arrosage des gravillons avec de l’eau froide permettant d’abaisser leur tempé-
rature de 10 °C, conduit à un refroidissement de 3 °C environ.
Note. Il convient de tenir compte de la température du ciment lors de sa livraison.
En effet, un ciment qui vient d’être fabriqué en usine peut atteindre une température
élevée (à titre indicatif supérieure à 50 °C). À titre d’exemple, une augmentation de
10 °C du ciment élève de 1 °C la température du béton.

Il faut également tenir compte de l’impact du transport et du temps d’attente des


camions malaxeurs qui doit être minimisé. Il faut bien sûr s’efforcer de limiter le
stationnement en plein soleil des camions malaxeurs.
ˆ Dispositions liées à la mise en œuvre du béton
• Organisation du chantier
Les conditions de température ambiante sont difficilement maîtrisables. En parti-
culier, il n’est en général pas possible de choisir la saison du bétonnage étant don-
nées les contraintes de planning global du chantier. Toutefois, il peut être
préférable de choisir une période de la journée favorable pour minimiser la tem-
pérature du béton frais (fin de journée ou période nocturne).

580
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

À titre d’exemple, l’ordre de grandeur de l’impact potentiel de ce paramètre sur


la température maximale atteinte se traduit, pour un bétonnage nocturne (en pé-
riode estivale), par une diminution de la température maximale de 5 °C environ.
Il est fortement recommandé, sur des pièces de grande dimension, de ne pas faire
l’économie des coffrages intérieurs prescrits de façon à ne conserver que les sec-
tions effectivement nécessaires à la résistance de la structure (piles de pont par
exemple). Il convient aussi d’éviter de créer, pour des facilités d’exécution, des
pièces massives alors que les pièces étaient conçues creuses.
Pour les pièces de grandes dimensions, il est possible de prévoir un fractionne-
ment du bétonnage en plusieurs phases de telle sorte que les échanges thermiques
soient favorisés. Le fractionnement n’est efficace que si un délai conséquent (au
moins une semaine) est observé entre les coulages successifs. Il convient cepen-
dant de rester dans des limites acceptables permettant de conserver un comporte-
ment monolithique de la structure, de positionner les reprises de bétonnage dans
les zones adéquates d’un point de vue mécanique, et de respecter les règles de
bonne exécution des reprises de bétonnage.
• Refroidissement du béton
Il est également possible, comme moyen complémentaire, de refroidir le béton
après sa mise en œuvre en incorporant des serpentins dans le béton. Ils constituent
un circuit de refroidissement dans lequel on fait circuler de l’eau fraîche. Cette
méthode doit faire l’objet d’un dimensionnement du système de refroidissement
afin d’éviter l’apparition de gradients thermiques à l’intérieur de la masse de bé-
ton, notamment au voisinage des tubes, ces gradients pouvant générer des fissures
radiales ou tangentielles. En outre, elle n’est réellement efficace que lorsque le bé-
ton présente une exothermie modérée ou faible. Dans le cas d’une formule forte-
ment exothermique, non optimisée du point de vue des problèmes thermiques
propres à l’élément à bétonner, le dégagement de chaleur (qui est activé par la
température) est beaucoup plus rapide que l’évacuation des calories par le circuit
de refroidissement. Enfin, la mise en place du circuit de refroidissement se fait en
interférence avec les travaux de ferraillage et les délais d’exécution sont augmen-
tés. Le refroidissement dans la masse doit intervenir en dernier recours (notons
qu’il est par ailleurs nécessaire au final de reboucher les conduits avec un coulis
de ciment).
• Choix du coffrage
Pour des pièces de taille moyenne, des coffrages favorisant les échanges thermiques
peuvent permettre de limiter la température maximale atteinte au sein du béton.
À titre d’exemple, un voile de 40 cm bétonné en coffrage bois avec un béton de
classe C40/C50 dosé à 400 kg/m3 de CEM I 52, 5R pourra conduire à une éléva-

581
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

tion de température de 40 °C. Dans le cas d’utilisation de coffrage métallique, cet-


te élévation ne serait plus que de 35 °C.
ˆ Dispositions spécifiques à la préfabrication
La nécessité de réduire la durée d’immobilisation des moyens de production et
d’augmenter le nombre de fabrications journalières fait que l’on peut être conduit
à accélérer, au moyen d’un apport extérieur de chaleur, les différentes réactions
chimiques intervenant dans le processus de durcissement du béton.
Le durcissement du béton est accéléré pour procurer au béton des résistances mé-
caniques suffisantes pour, selon les cas, le démoulage, la manutention, le relâche-
ment des armatures de précontrainte ou encore les traitements d’aspect.
En règle générale, le traitement thermique et les moyens utilisés pour l’appliquer
doivent être déterminés en prenant en compte la géométrie et les dimensions des
éléments, la composition du béton, sa plasticité ainsi que les conditions de fabri-
cation de façon à ce que le démoulage, la mise en précontrainte, le levage ou le
transport des éléments puissent être effectués en fin de traitement. En outre, les
modalités de traitement doivent être étudiées en tenant compte des conditions
d’ambiance thermohygrométriques de la production et du stockage, de façon à
éviter tout choc thermique ainsi que l’apparition de fissures ou de défauts de sur-
face nuisibles à la durabilité du béton ou à l’aspect des éléments.
Dans sa forme la plus générale, un cycle thermique comporte quatre phases (figure
11.36), définies chacune par un couple durée/température ou bien par une vitesse :
– la phase de prétraitement ;
– la phase de montée en température ;
– la phase de maintien à la température du palier ;
– et la phase de refroidissement.
Des essais préalables sont réalisés pour optimiser chacune des phases.
T (°C) Cycle théorique
Cycle pratique

Tp

Gm Gr

To

t1 t2 t3 t4
Pré- Montée Phase de palier Refroidissement
traitement en
température

Figure 11.36 : forme générale d’un cycle.

582
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

• Phase de prétraitement
La phase de prétraitement est destinée à procurer au béton une cohésion suffisante
pour qu’il puisse absorber les efforts internes occasionnés par la dilatation ther-
mique de ses constituants, en particulier de l’eau et de l’air, au moment de l’élé-
vation en température. La période de prétraitement doit être d’autant plus longue
que la vitesse de montée en température de la phase qui va lui succéder est élevée
et que la prise du béton est lente (figure 11.37).
Durée du prétraitement (heure)

5h
°C
e 15
4h ag
lax
e ma
find Ciment CEM I 52,5 N
3h
en °C
e 20
ratur
C
2h mpé 30 °
Te
30 °C Ciment CEM I 52,5 R
1h

10 20 30 40
Vitesse de montée en température de la seconde phase (°C/h)
Figure 11.37 : influence du type de ciment et de la vitesse de montée en température
sur la durée de la phase de prétraitement.

• Phase de montée en température


La vitesse de montée en température doit être telle que les efforts dus à la dilata-
tion développés dans l’élément, soient absorbés à tout moment par le béton, qui
se rigidifie progressivement. La figure 11.38 donne, à titre indicatif, l’ordre de
grandeur de la vitesse maximale de montée en température Gm (en °C/h) en fonc-
tion du « rayon maximal d’étuvage » Remax (en cm) illustré par la figure 11.39.

583
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

40

30

Gm max (°C/h) 20

10

0
0 5 10 15 20 25 30 35 40
Re max (cm)

Figure 11.38 : valeurs du gradient thermique Gmmax


en fonction du rayon d’étuvage Remax.

Définition de Remax : considérant l’ensemble des distances les plus courtes qui séparent chaque point
du béton du parement chauffé, le Remax correspond à la plus grande de ces distances (figure 11.39).

Remax
a

Remax
10 cm
T 40
b

T
20

R (e)max = a (a > b)

Figure 11.39 : Exemples de définition du rayon maximal d’étuvage Remax.

• Phase de maintien à la température du palier


La durée et la température de cette phase au cours de laquelle le processus de dur-
cissement du béton (amorcé lors de la précédente période) se poursuit, dépendent:
– de la maturité acquise par le béton en fin de phase de montée en température ;
– du nombre de fabrications journalières ;
– de la résistance que l’on cherche à obtenir.
La durée du palier dépend de la température du palier. Elle est généralement com-
prise entre 1 et 3 heures pour 85 °C, 4 et 12 heures pour 65 °C. Sur le plan nor-

584
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

matif, la norme NF EN 13369 précise la température maximale du béton en


fonction de l’environnement dans lequel sera exposé l’élément préfabriqué.
Au cours de cette phase, il est nécessaire de veiller tout particulièrement aux pré-
cautions permettant d’éviter la dessiccation du béton de manière à ce que l’hydra-
tation s’effectue de façon aussi complète que possible.
Il faut aussi s’assurer que les températures entre les différents points des grands
éléments ou entre les différents produits soumis au même traitement, restent pro-
ches et homogènes pour obtenir des niveaux de résistance identiques et éviter les
conséquences néfastes des dilatations différentielles.
• Phase de refroidissement
Le refroidissement doit être également réalisé de façon homogène. Les désordres
sont en effet plus imputables aux différences de température qui existent entre les
différents points d’un produit qu’à la vitesse de refroidissement elle-même. La vi-
tesse de refroidissement de la surface est supérieure à celle au cœur. Des risques
de fissuration existent lorsque la différence de température entre le cœur du pro-
duit et sa surface est supérieure à 15 °C.
La figure 11.40 représente un exemple de cycle thermique appliqué à une formu-
lation de BAP. La température maximale atteinte au cœur du béton est pour le pre-
mier cycle de 68 °C. Les résistances mécaniques à la compression obtenues sur
des éprouvettes cylindriques 11 × 22 à 18 heures et 28 jours sont respectivement
égales à 39 et 59,5 MPa.
80

60
T (°C)

40
Consigne étuve
Cœur éprouvette
20

0
0 5 10 15
t (heures)
Figure 11.40 : exemple de cycle thermique.

3.7.3. Qualification d’une formule de béton vis-à-vis des risques


de dégradation par formation différée d’ettringite
En raison de la multiplicité des facteurs, l’approche analytique peut être avanta-
geusement complétée par un essai de performance des formules de béton envisa-
gées pour la construction des ouvrages.

585
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Cet essai de « réactivité potentielle d’une formule de béton vis-à-vis d’une réaction
sulfatique interne » proposé dans le cadre du travail de thèse d’A. Pavoine
[PAV 03], fait l’objet d’un mode opératoire réalisé par le Laboratoire central des
ponts et chaussées [LCP 07a]. Il a également donné lieu à des tests interlaboratoi-
res.
Pour un cycle thermique donné, la sensibilité d’une formule de béton vis-à-vis de
la réaction sulfatique interne est mesurée par un essai de gonflement. Cet essai
comporte quatre phases :
– fabrication des corps d’épreuve : soit des cylindres de dimensions Φ = 110 × L
= 220 mm, soit des prismes de dimensions 70 × 70 × 282 mm ;
– traitement thermique : simulation en laboratoire de l’échauffement auquel sera
soumis le béton dans la réalité (traitement thermique en préfabrication ou
échauffement lié à l’hydratation du ciment dans le cas des pièces massives) ;
– cycles de séchage (température = 38 ± 2 °C et d’humidité relative < 30 %) et
humidification (immersion dans de l’eau à 20 ± 2°C). Cette phase a pour but
d’accélérer les transferts de matières dans les éprouvettes et l’avancement des
réactions ;
– immersion définitive dans de l’eau à 20 ± 2 °C au cours de laquelle les mesures
de gonflement sont effectuées permettant d’évaluer le caractère potentiellement
réactif ou non du couple béton/échauffement.
Tableau 11.15 : composition Tableau 11.16 : formulation des bétons
des deux ciments utilises soumis aux tests interlaboratoires
dans les bétons soumis aux tests (en kg/m3).
interlaboratoires (% massiques).
Ciment A Ciment C Béton A Béton C

C3S 55 64 Gravillon 8 /12,5 mm 907 910


C2S 23 15,6 Gravillon 4/8 mm 195 196
C3A 6,1 3,9 Sable 2/4 mm 202 202
C4AF 10,2 5,6 Sable 1/4 mm 189 190
Na2O éq. 0,9 0,27 Sable 0,315/1 mm 180 181
SO3 3,22 2,35 Sable 0/0,315 mm 98 98
Finesse 3930 3450 Ciment A 424 0
en cm2/g Ciment B 0 425
Eau 201 197

Les premiers résultats des tests interlaboratoires réalisés sur deux bétons de for-
mule identique fabriqués avec deux ciments différents (tableaux 11.15 et 11.16)
ont montré que l’essai permettait de discriminer la formule où un risque de for-
mation différée d’ettringite existait, l’autre formule étant a priori non réactive.
Les résultats bruts de 13 laboratoires, présentés lors du colloque de clôture des tra-
vaux du groupe de travail AFGC-RGCU « GranDuBé » [AFG 07b] sont schéma-

586
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

tisés par la figure 11.41. Les deux bétons se distinguent essentiellement par leur
teneur en alcalins, en SO3 et en aluminates, beaucoup plus élevées dans le béton
potentiellement expansif.
0,6

0,5
Allongement (%)

0,4

0,3
Béton A

0,2

0,1
Béton B

0
0 600
Temps (jours)

Figure 11.41 enveloppe des variations dimensionnelles moyennes en % mesurées


sur les bétons A (potentiellement expansif) et B (non expansif), d’après [AFG 06b].
Essais interlaboratoires suivant la méthode LPC 66 [LCP 07a]. Échauffement des bétons à 80 °C pen-
dant 10 heures. Dans le cas présenté, le comportement des deux bétons est bien discriminé par l’es-
sai. On observe toutefois que le fuseau englobant l’ensemble des courbes obtenues dans le cas du
béton A est large. La forte dispersion est en relation, d’une part, avec les valeurs très élevées du gon-
flement mesurées après plus d’un an et de conservation dans l’eau à 20 °C, et, d’autre, part avec cer-
taines inhomogénéités dans les modes opératoires pratiqués à l’époque par les différents
laboratoires.

En résumé :
L’ettringite de formation différée ou réaction sulfatique interne (RSI) doit être
distinguée des autres formes d’ettringite (ettringite primaire et ettringites secon-
daires) en raison des conditions très spécifiques de sa formation : décomposition
thermique lors de la prise et du durcissement, recristallisation différée (échelon-
née sur plusieurs années) au sein des C-S-H avec expansion et fissuration de la
pâte de ciment.
Les paramètres dont dépend la formation différée d’ettringite sont nombreux et
interdépendants :
– environnement : présence d’eau ou humidité relative élevée, température ex-
térieure lors de la mise en œuvre du béton frais ;
– échauffement du béton : T > 65 °C et temps de maintien à la température maxi-
male significatif ;
– composition chimique et minéralogique du ciment et du béton : teneurs en SO3
et C3A du ciment, Na2O équivalent du béton ;
– formulation du béton qui détermine son exothermie : type de ciment, usage
éventuel d’additions, dosage en ciment.

587
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4. RÉACTIONS COUPLÉES : ALCALI-RÉACTION


ET FORMATION D’ETTRINGITE
4.1. Les données de l’observation : coexistence de produits d’alcali-
réaction et d’ettringite1
L’analyse minéralogique des bétons endommagés par alcali-réaction révèle fré-
quemment la coexistence de gels silico-calco-alcalins et d’ettringite. Cette ettrin-
gite peut avoir différentes origines dont dépend son caractère expansif ou non :
– ettringite issue de la réaction normale du C3A avec le régulateur de prise
(gypse, hémi-hydrate, anhydrite) qui a pu subir au cours du temps un certain
nombre de cycles de dissolution/recristallisation favorisés par la percolation
d’eau à travers les fissures provoquées par les poussées des gels d’alcali-réac-
tion. Cette ettringite secondaire qui a précipité librement dans les vides et les fis-
sures préexistantes, ne génère pas d’expansion. Elle se présente en cristaux
aciculaires plus ou moins bien exprimés. La consommation des alcalins de la
solution interstitielle par les gels silico-alcalins et silico-calco-alcalins peut
réduire la solubilité de l’ettringite et favoriser sa précipitation ;
– ettringite de formation secondaire résultant d’une attaque sulfatique externe
associée à une alcali-réaction. Cette ettringite, en cristaux moins bien exprimés
et pouvant se présenter en amas massifs d’aspect plus ou moins amorphe, peut
générer de l’expansion. Les deux réactions, qui conduisent à la fissuration du
matériau, se renforcent mutuellement ;
– ettringite de formation différée associée à l’alcali-réaction dans les bétons
ayant subi une cure thermique ou dans les bétons de masse à forte exothermie. Il
est parfois difficile dans ce cas de faire la part des deux réactions. L’alcali-réac-
tion se produit dans les bétons renfermant une teneur en alcalins relativement
élevée. Les alcalins et l’élévation de température augmentent la solubilité de
l’ettringite : l’ettringite primaire de formation précoce est dissoute ou ne se
forme pas. Lors du retour à la température ordinaire, et suivant les mécanismes
décrits plus haut, l’ettringite, décomposée en ions sulfate adsorbés par les C-S-H
et en microcristaux de monosulfoaluminate, existe à l’état potentiel dans la pâte
de ciment durcie, les alcalins demeurant en majeure partie dans la solution
interstitielle du béton et donc disponibles pour l’alcali-réaction. En conditions
humides, nécessaires aux deux réactions, la précipitation différée d’ettringite
pourra se produire, de même que le processus d’alcali-réaction pourra s’amorcer.
La consommation des alcalins par les gels d’alcali-réaction, devrait en principe

1. Pour la reconnaissance des différents faciès de l’ettringite et des gels d’alcali-réaction on pourra
se reporter au document élaboré par le groupe de travail AFGC-RGCU « Dégradations du béton
liées à laction des sulfates et aux phénomènes d’alcali-réaction » [AFG 07a].

588
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

favoriser la précipitation différée de l’ettringite existant à l’état potentiel dans la


pâte de ciment durcie dont elle provoque la microfissuration. Il y lieu de rappeler
que, suivant le mécanisme proposé par Taylor et al. [TAY 01], l’ettringite secon-
daire visible autour des granulats déchaussés et dans les fissures, n’intervient pas
(ou très peu) dans le gonflement du matériau. En raison de sa taille nanométri-
que, l’ettringite responsable du gonflement de la pâte de ciment n’est pas visible
par les méthodes microscopiques traditionnelles ; elle est également difficile-
ment détectable par diffraction des rayons X.
Les cas de réactions couplées alcali-réaction/formation différée d’ettringite les
plus fréquemment cités sont ceux de bétons contenant des granulats potentielle-
ment réactifs et ayant subi un étuvage. Des fissurations importantes apparaissent
après plusieurs mois ou plusieurs années, et la question relative au rôle joué par
chacune des deux réactions reste controversée. Certains auteurs attribuent le rôle
majeur à la formation différée d’ettringite, l’alcali-réaction n’ayant qu’un rôle mi-
neur, et inversement.
Shayan et al. [SHA 91, SHA 96] ont testé des mortiers dans lesquels les deux
réactions pouvaient se produire soit séparément, soit simultanément. Des éprou-
vettes ont été conservées à 40 °C, d’autres étuvées à 75 °C pendant 8 heures puis
stockées à 40 °C et 100 % d’humidité relative. Les mesures d’allongement effec-
tuées tendent à montrer que l’alcali-réaction est la première cause des dommages
mais que dans certains cas la formation différée d’ettringite peut être une cause
supplémentaire. Cependant, en l’absence d’alcali-réaction, la formation différée
d’ettringite n’est pas observée et les auteurs concluent au rôle majeur de l’alcali-
réaction dans la fissuration du béton. La formation différée d’ettringite ne provo-
querait pas de dégradations dans le cas des traverses de chemin de fer qu’ils ont
étudiées ; seule l’alcali-réaction serait en cause.
L’absence d’ettringite de formation différée observée par Shayan et al. en l’ab-
sence d’alcali-réaction peut s’expliquer, au moins en partie, par la disponibilité
des ions alcalins qui, associée à l’effet de la température de conservation des mor-
tiers, favorise la solubilisation de l’ettringite.
Ceci tend à être confirmé par les études effectuées par Oberholster et al. [OBE 92]
sur des traverses de chemin de fer traitées thermiquement, confectionnées avec
des granulats réactifs (granite et quartzite) et non réactifs (dolérite) : des gels d’al-
cal-réaction et de l’ettringite, associés à des fissurations, sont observés dans les
bétons contenant les granulats réactifs. L’ettingite seule est observée dans les bé-
tons de dolérite non fissurés. Les auteurs concluent que la réaction de formation
différée d’ettringite est une cause du gonflement des bétons, mais que l’alcali-
réaction serait ici une condition préalable.

589
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Si l’on prend en considération tout ce qui a été dit précédemment, l’occurrence


d’une réaction alcali-silice, consommatrice d’alcalins, favorise la formation d’et-
tringite. En ce qui concerne la prédominance de l’une des réactions sur l’autre,
tout dépend probablement des paramètres relatifs à chacune des réactions (com-
position chimique du béton et du ciment, formulation du béton, humidité, cycle
thermique…) et, en particulier, de la cinétique de réaction plus ou moins rapide
ou lente des granulats considérés.
En tout état de cause, si les conditions nécessaires aux deux réactions sont satis-
faites, il est vraisemblable qu’elles pourront se produire toutes deux et se renfor-
cer mutuellement. La fissuration provoquée par l’ettringite favorisera la
pénétration de l’humidité nécessaire à l’alcali-réaction. L’alcali-réaction qui en-
gendre également des fissurations et qui, de plus, consomme des alcalins, favori-
sera l’accès de l’eau dans le matériau et la recristallisation différée d’ettringite
expansive au sein de la pâte de ciment, puis d’ettringite secondaire dans les fissu-
res du béton.
4.2. Conditions de stabilité de l’ettringite dans les solutions
silico-alcalines
La question relative à l’influence d’une réaction alcali-silice sur la formation dif-
férée d’ettringite n’est pas totalement résolue. Différents scenarii sont proposés :
– suivant Jones et Poole [JON 87] la nucléation de l’ettringite se ferait préféren-
tiellement sur les gels d’alcali-réaction qui constitueraient un milieu de crois-
sance privilégié ;
– suivant ce qui a été dit précédemment, la diminution de la concentration en
alcalins consommés par l’alcali-réaction devrait favoriser la formation de
l’ettringite dont la solubilité diminue avec la concentration en alcalins, toutes
choses égales par ailleurs. C’est ce qui est généralement constaté dans les études
effectuées sur ce sujet [BRO 93, SHI 04] ;
– la microfissuration due à l’alcali-réaction favorise l’accès de l’humidité dans le
matériau et la précipitation de l’ettringite.
Toutefois, les travaux de Michaux et al. [MIC 97] réalisés sur des mélanges syn-
thétiques d’ettringite, de C3A et de gypse au contact de solutions de silicate de
soude plus ou moins concentrées, considèrent les choses un peu différemment :
les résultats de ces travaux montrent que l’ettringite et plus généralement les sul-
foaluminates de calcium hydratés ne sont pas stables au contact des solutions de
silicate de concentration supérieure à quelques mmoles (35 mmoles/l dans leurs
essais). Pour les concentrations supérieures les mélanges C3A-gypse donnent
naissance à des produits amorphes silico-alumino-calciques voisins des gels d’al-
cali-réaction. La mise en contact directe d’ettringite avec les mêmes solutions

590
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

conduit à la formation des mêmes produits amorphes. Ils en concluent que dans
les bétons contenant des granulats potentiellement réactifs et ayant une teneur en
alcalins élevée (au moins 1 % de Na2O équivalent), les sulfoaluminates ne peu-
vent pas être stables au contact de la solution concentrée en ions silicate générée
par l’attaque de la silice réactive des granulats. Suivant ces mécanismes, les ions
sulfate restent libres dans la solution interstitielle et peuvent diffuser dans le ma-
tériau où ils sont susceptibles de donner lieu à formation d’ettringite, si locale-
ment la concentration en ions silicate est suffisamment basse et si des ions
calcium et aluminate sont disponibles.
Mais, dans les systèmes cimentaires réels les phénomènes d’échanges dynami-
ques entre phases solides et liquides sont importants et peuvent se produire dans
des conditions locales de concentration qui s’écartent plus ou moins des condi-
tions moyennes. On ne connaît pas non plus l’influence de la nature de l’ion sili-
cate dont les degrés d’ionisation et de polymérisation sont variables, sur la
dissolution de l’ettringite. Par ailleurs, la mise en contact d’une solution de silica-
te avec l’hydroxyde de calcium provoque instantanément la coagulation de la so-
lution et la formation d’un gel [WEN 89]. Dans un béton de ciment Portland où
la teneur en Ca(OH)2 est relativement élevée, cela entraîne la consommation ra-
pide des ions silicate. Sauf peut-être au contact direct du granulat, la concentration
en silice de la solution est alors vraisemblablement suffisamment faible pour per-
mettre à l’ettringite de cristalliser. C’est ce qui est observé dans les bétons endom-
magés où l’ettringite peut se trouver en contact et même prendre naissance sur les
gels d’alcali-réaction.
En résumé :
L’ettringite est presque toujours observée dans les bétons atteints d’alcali-réac-
tion. Suivant son origine, cette ettringite peut générer ou non de l’expansion :
– ettringite primaire non expansive provenant de la réaction du gypse avec le
C3A aux premiers stades de l’hydratation ;
– ettringite secondaire non expansive résultant de la recristallisation d’ettringite
primaire ou d’autres formes d’ettringite au cours de l’histoire du béton ;
– ettringite secondaire résultant d’une attaque sulfatique externe associée à l’al-
cali-réaction ;
– ettringite secondaire observée dans des bétons de masse ou dans les bétons
ayant subi une cure thermique : sa distribution autour des granulats déchaussés
par l’expansion de la pâte de ciment peut être un signe de reconnaissance des
réactions sulfatiques internes. Bien qu’associée à l’ettringite de formation diffé-
rée à l’origine du gonflement de la pâte de ciment , elle ne doit pas être confondue
avec cette dernière, difficilement détectable par les méthodes microscopiques
traditionnelles. Cette ettringite secondaire intervient peu sur l’expansion.

591
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

En cas de réactions simultanées ettringite de formation différée/alcali-réaction,


la distinction de l’importance relative de chacune des deux réactions est délicate.
Les deux réactions se renforcent mutuellement mais le résultat dépend vraisem-
blablement de leurs cinétiques relatives.
En tout état de cause, la consommation des alcalins lors de la formation des gels
d’alcali-réaction est de nature à réduire la solubilité de l’ettringite et donc à fa-
voriser sa précipitation.

5. CONCLUSION GÉNÉRALE
Les deux principaux types de réactions endogènes ont été présentés : alcali-réac-
tion, d’une part, et réaction de formation différée d’ettringite, d’autre part. Il s’agit
de réactions complexes mettant en jeu de nombreux paramètres interdépendants :
conditions d’échauffement, caractéristiques chimiques et minéralogiques du ci-
ment et du béton, formule du béton, environnement.
En ce qui concerne l’alcali-réaction et, en particulier, les réactions alcali-silice,
qui sont les plus fréquentes en France, les mécanismes commencent à être assez
bien connus ou, tout au moins, les normes et recommandations existantes permet-
tent-elles de concevoir des bétons durables de ce point de vue et de minimiser
autant que possible les risques potentiels.
Le problème le plus important reste certainement le traitement des ouvrages at-
teints pour lesquels se pose la question des moyens de traitement et de réparation.
Mais, là aussi, bien que cette question ne soit pas résolue, la mise en œuvre de so-
lutions simples de protection contre les venues d’eau permet, si ce n’est d’inhiber
la réaction, tout au moins de la ralentir.
De plus, le développement des méthodes de diagnostic associées à l’utilisation de
modèles mathématiques intégrant à la fois les paramètres physico-chimiques de
la réaction à l’échelle du matériau et leurs effets sur le comportement mécanique
de la structure, permettent des prédictions de plus en plus raisonnables et appor-
tent aux gestionnaires d’ouvrage la possibilité d’une gestion rationnelle et écono-
mique des problèmes qu’ils peuvent rencontrer.
En ce qui concerne la formation différée d’ettringite, malgré l’existence de nom-
breuses publications sur le sujet, les mécanismes mis en jeu ainsi que les valeurs
seuils à adopter pour les paramètres déterminants de cette réaction, font encore
l’objet de discussions. La difficulté est due à la grande complexité et à l’interac-
tivité des phénomènes qui interviennent.
Toutefois, des efforts importants ont été faits dans le domaine de la recherche et
du diagnostic qui ont abouti à la publication, en 2007, par le LCPC, de Recom-
mandations pour la prévention des désordres dus à la réaction sulfatique interne.

592
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

En ce qui concerne les réactions couplées alcali-réaction/formation différée d’ettrin-


gite, rencontrées principalement dans le cas de bétons étuvés contenant des granulats
potentiellement réactifs, ces deux réactions, qui conduisent toutes deux à des fissura-
tions, peuvent se renforcer mutuellement en favorisant les transferts dans le matériau.
L’ettringite au contact de gels d’alcali-réaction est également souvent observée
dans les bétons n’ayant pas subi d’échauffement important. Il s’agit dans ce cas
d’ettringite secondaire, pouvant générer de l’expansion ou non, selon qu’il y a ap-
port ou non de sulfates du milieu extérieur.

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593
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

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606
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

ANNEXES
A.1. Séquence des réactions de formation d’un gel d’alcali-réaction,
d’après [HOU 04]
Hou et al. proposent la séquence ci-après :
– l’hydratation du ciment forme de la portlandite et un C-S-H riche en Ca dépo-
lymérisé (I) ;
– augmentation des alcalins et du pH, attaque du granulat réactif par les OH– ;
– épuisement de la silice relarguée par combinaison à la portlandite, ce qui
entraîne la formation de C-S-H jusqu’à ce qu’il ne reste plus localement de port-
landite ;
– consommation de la silice qui continue à être libérée, par réaction avec le C-S-H (I)
et formation conséquente d’un C-S-H riche en Si, polymérisé ;
– enfin, accroissement de la concentration de la solution interstitielle en silice et
gélification en un gel A-S-H (gel contenant des alcalins A).
En fait, jusqu’à la formation du gel silico-alcalin A-S-H, cette séquence est iden-
tique à celle de la réaction pouzzolanique.
A.2. Stratégie ISE de détermination du niveau de détérioration
structurale et des mesures à prendre, d’après [DOR 89]
Classe Niveau d’expansion due à l’alcali-réaction, en 10–3
Conditions
de I II III IV V
d’humidité
ferraillage < 0,6 0,6 à 0,9 0,9 à 1,5 1,5 à 2,5 > 2,5
1 A A A B B B C C D E
Sèches 2 A A A B B B C D E E
3 A A A B B C C D E E
1 A A A B B C C D E E
Intermédiaires 2 A A B B C C D E E E
3 A A B B C D D E E E
1 A A B C C D D E E E
Humides 2 A A C C D D E E E E
3 A B C C D D E E E E
Faible Sign. Faible Sign. Faible Sign. Faible Sign. Faible Sign.
Niveau de conséquence des détériorations

Le niveau de détérioration structurale (de A à E) et la conduite à tenir en consé-


quence sont fixés en fonction de quatre paramètres d’entrée.
• Conditions d’humidité : sèches, intermédiaires ou humides ;
• Classe de ferraillage :
– classe 1 : réseau tridimensionnel où les aciers d’armatures sont très bien ancrés,
– classe 2 : réseau tridimensionnel avec ancrage conventionnel des armatures,

607
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– classe 3 : réseau uni- ou bidimensionnel ou réseau tridimensionnel avec


ancrage des armatures qui laisse à désirer;
• Niveau d’expansion : cumul de l’expansion actuelle et de l’expansion future
prévisible à partir d’essais de gonflement sur carottes;
• Niveau de conséquence des dégâts structuraux. Il sera qualifié de faible si
ceux-ci ne risquent pas d’entraîner de conséquences sérieuses ou s’ils sont locali-
sés à des endroits de l’ouvrage où aucune situation fâcheuse ne peut normale-
ment se produire, et de significatif s’il y a risque d’accidents ou de dommages
sérieux à la propriété d’autrui.
Le tableau indique alors le niveau de détérioration (A à E) et les mesures à
prendre:
A – faible : inspections de routine ;
B – modéré : inspections tous les trois ans, évolution de la fissuration, essais sur
carottes de béton ;
C – sérieux : inspections annuelles, évolution de la fissuration, essais sur carottes
de béton ;
D – sévère : inspections trimestrielles, instrumentations in situ, essais en labora-
toire sur carottes, renforcements structuraux et réduction des charges au besoin,
protection contre l’humidité ;
E – très sévère : intervention immédiate, études spécialisées et détaillées de stabi-
lité (essais de chargement in situ, par exemple).

608
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

A.3. Gestion des ponts atteints par l’alcali-réaction


(ministère des Transports hollandais), d’après [J. Bakker]

Expansions N Expansion N Pas


localisées ? globale du tablier d'action
de pont ?

O O

N
Cause connue ? RECHERCHE des causes

RESULTATS
O

Même
comportement N (incident)
d'autres
ponts ?

(problème
O structural)

Problème Problème
N N
possible de sécurité possible de sécurité
de l'ouvrage de l'ouvrage

Inspection détaillée
PAS D'ACTION O
des autres ponts

Possibilité RÉDUIRE le trafic N Possibilité


N
de renforcer ou de réhabiliter
la structure REMPLACER la structure la structure

O MESURE DE O
RÉHABILITATION

609
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

A.4. Logigramme décisionnel LCPC, d’après [24]

610
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes

A.5. Démarche proposée par la spécification RILEM AAR-7


pour minimiser les risques de désordre, d’après [30]

DÉBUT

Décider du niveau de risque approprié à la structure 1

S1 S2 S3
Risque faible Risque normal Risque élevé

Caractériser l'environnement 2

E1 E2 E3 E3 E2 E1
Protégé Exposé Exposé+ Exposé+ Exposé Protégé

Déduire le niveau de protection 3

P2 P2 P3 P3 P2*
P1 Normal Normal Spécial Spécial Normal+

Pas de précaution Choix des mesures de précaution 4

une, au choix deux, au choix une, au choix

M4
Modifier les propriétés du gel

M3
Réduire l'accès d'humidité

M2
Eviter le taux critique
de silice réactive

M1
Restreindre les alcalins

Taux Ciment Additions


alcalins "low-alkali" minérales
du béton

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