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La Revue du Praticien
Publié le 20 Avril 2023
Les critères diagnostiques de l’artérite à cellules géantes (ACG), publiés par l’American
College of Rheumatology en 19901, ont été mis à jour en 2022.2 Y apparaissent les signes de
pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR), les manifestations ophtalmologiques de l’ACG et les
résultats de l’imagerie vasculaire (échographie-Doppler des artères temporales et recherche
d’une aortite par tomographie par émission de positons [TEP-scan]). Cependant, ces critères
restent des critères de classification et non de diagnostic. Leur performance a été évaluée
pour distinguer l’ACG des autres types de vascularites.
En pratique clinique, le diagnostic d’ACG repose sur l’association de signes d’ACG ou de PPR,
d’un syndrome inflammatoire biologique, qui est quasi constant, et d’une preuve de
vascularite des gros vaisseaux apportée par l’analyse histologique d’une artère de gros
calibre (généralement l’artère temporale) et/ou par l’imagerie vasculaire. La réponse au
traitement par corticoïdes est également un élément majeur du diagnostic car ils sont
toujours efficaces sur les symptômes et le syndrome inflammatoire, le plus souvent en
48 heures. Une corticorésistance doit ainsi faire remettre en cause le diagnostic.
Dans la mesure où le traitement de l’ACG est prolongé (généralement plus de 12 mois) et
peut faire appel à l’utilisation de traitements immunosuppresseurs et/ou de thérapeutiques
ciblées, le diagnostic doit être posé avec un haut niveau de certitude. Même s’il est parfois
nécessaire de débuter le traitement rapidement pour éviter les complications ischémiques, il
est donc capital que les explorations visant à confirmer le diagnostic d’ACG soient réalisées
dans les meilleurs délais. L’adressage des patients à des services spécialisés disposant de
filières de type « fast track » permet d’optimiser leur prise en charge, d’accélérer l’accès à
un traitement adapté et aux examens spécialisés, donc de diminuer le risque de
complication ischémique.3 L’organisation de ces structures repose sur une consultation
auprès d’un médecin expert, suivie de la réalisation d’un bilan biologique comprenant un
dosage de la protéine C-réactive (C reactive protein [CRP]) et une échographie-Doppler des
artères temporales qui permet de déterminer la probabilité diagnostique d’ACG et
d’organiser la suite de la prise en charge.
Pseudopolyarthrite rhizomélique
Dans 27 à 56 % des cas, l’ACG s’associe à une pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR), qui se
caractérise par une raideur et des douleurs d’horaire inflammatoire au niveau des ceintures
scapulaire et pelvienne mais aussi au niveau cervical et parfois lombaire. La PPR est due à
une bursite au niveau des bourses séreuses sous-acromiales, trochantériennes ou au niveau
des bourses interépineuses cervicales ou lombaires. 4
Diagnostics différentiels : attention aux confusions en cas de vascularite isolée des gros
vaisseaux
Dans sa forme céphalique, il y a très peu de diagnostics différentiels de l’ACG. Il s’agit surtout
des vascularites associées aux ANCA, qui peuvent parfois atteindre les vasa vasorum des
artères temporales et des artérites temporales dues à l’infection par le virus varicelle-zona.
De plus, l’artère temporale peut être le siège d’autres vasculopathies non inflammatoires,
comme la maladie athéromateuse, l’artériopathie urémique calcifiante ou encore les
atteintes post-traumatiques comme les faux anévrismes ou les fistules artérioveineuses.
En cas de vascularite isolée des gros vaisseaux, les diagnostics différentiels sont plus
nombreux : infections chroniques (tuberculose, Coxiella burnetii), maladie associée aux IgG4,
maladie d’Erdheim-Chester et autres pathologies inflammatoires (maladie de Behçet,
polychondrite atrophiante ou VEXAS [vacuoles, E1 enzyme, X-linked, autoinflammatory,
somatic syndrome]).
Qu’il s’agisse de l’échographie-Doppler des artères temporales ou de l’imagerie des gros
vaisseaux, et cela, quelle que soit la technique d’imagerie utilisée, la principale source
d’erreur lors de l’utilisation de l’imagerie vasculaire est liée à l’existence de lésions
athéromateuses qui sont très fréquentes à l’âge où se révèle l’ACG. En effet, la maladie
athéromateuse entraîne l’apparition de plaques d’athérome plus ou moins calcifiées au
niveau de la paroi artérielle, se traduisant en échographie par un épaississement de
l’épaisseur intima-média qui peut être confondu avec un authentique signe du halo de
l’artère temporale, ou au niveau des gros vaisseaux qui peut être confondu avec un
épaississement, un hypersignal ou un hypermétabolisme d’origine inflammatoire.
Cependant, l’épaississement vasculaire est généralement non circonférentiel, inhomogène
et/ou associé à des calcifications sur l’angio-tomodensitométrie, et l’hypermétabolisme
vasculaire au TEP-scan est plus modéré et prédomine dans des territoires vasculaires
rarement atteints par l’ACG et plus fréquemment par l’athérome, comme la bifurcation
iliaque.
Résumé
Le diagnostic d’artérite à cellules géantes (ACG) doit être porté rapidement pour initier un
traitement adapté visant à soulager les symptômes et éviter les complications ischémiques,
en particulier visuelles, de la maladie. Le diagnostic repose sur la survenue, chez un patient
de plus de 50 ans, de signes cliniques d’ACG, au premier rang desquels les céphalées
récentes, ou de pseudopolyarthrite rhizomélique et d’une « preuve » de vascularite des
artères de gros calibre qui est apportée par l’analyse histologique d’un fragment artériel,
généralement l’artère temporale, ou par l’imagerie des artères céphaliques, de l’aorte et/ou
de ses principales branches par l’échographie-Doppler, l’angioscanner, le TEP-scan au
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fluorodéoxyglucose et plus rarement l’angio-IRM. De plus, les patients présentent, dans
plus de 95 % des cas, un syndrome inflammatoire biologique. Celui-ci est moins marqué en
cas de complication ischémique visuelle ou neurologique. On distingue deux grands
phénotypes d’ACG non exclusifs : d’une part, l’ACG céphalique où prédomine l’atteinte des
vaisseaux céphaliques avec un risque plus élevé de complication ischémique ; d’autre part,
l’ACG extracéphalique, qui concerne des patients moins âgés chez qui le risque ischémique
est plus faible mais qui ont davantage de complications aortiques et rechutent plus souvent.
La mise en place de structures de type fast track dans des centres spécialisés permet une
prise en charge rapide afin d’identifier les patients à traiter en urgence, d’éviter les
complications ischémiques et de réaliser rapidement les examens nécessaires à la
confirmation du diagnostic et à une prise en charge adaptée.
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