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Diagnostic de l’artérite à cellules géantes

Hélène Greigert1,2, Bernard Bonnotte1, Maxime Samson1

 La Revue du Praticien
 Publié le 20 Avril 2023

Les critères diagnostiques de l’artérite à cellules géantes (ACG), publiés par l’American
College of Rheumatology en 19901, ont été mis à jour en 2022.2 Y apparaissent les signes de
pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR), les manifestations ophtalmologiques de l’ACG et les
résultats de l’imagerie vasculaire (échographie-Doppler des artères temporales et recherche
d’une aortite par tomographie par émission de positons [TEP-scan]). Cependant, ces critères
restent des critères de classification et non de diagnostic. Leur performance a été évaluée
pour distinguer l’ACG des autres types de vascularites.
En pratique clinique, le diagnostic d’ACG repose sur l’association de signes d’ACG ou de PPR,
d’un syndrome inflammatoire biologique, qui est quasi constant, et d’une preuve de
vascularite des gros vaisseaux apportée par l’analyse histologique d’une artère de gros
calibre (généralement l’artère temporale) et/ou par l’imagerie vasculaire. La réponse au
traitement par corticoïdes est également un élément majeur du diagnostic car ils sont
toujours efficaces sur les symptômes et le syndrome inflammatoire, le plus souvent en
48 heures. Une corticorésistance doit ainsi faire remettre en cause le diagnostic.
Dans la mesure où le traitement de l’ACG est prolongé (généralement plus de 12 mois) et
peut faire appel à l’utilisation de traitements immunosuppresseurs et/ou de thérapeutiques
ciblées, le diagnostic doit être posé avec un haut niveau de certitude. Même s’il est parfois
nécessaire de débuter le traitement rapidement pour éviter les complications ischémiques, il
est donc capital que les explorations visant à confirmer le diagnostic d’ACG soient réalisées
dans les meilleurs délais. L’adressage des patients à des services spécialisés disposant de
filières de type « fast track » permet d’optimiser leur prise en charge, d’accélérer l’accès à
un traitement adapté et aux examens spécialisés, donc de diminuer le risque de
complication ischémique.3 L’organisation de ces structures repose sur une consultation
auprès d’un médecin expert, suivie de la réalisation d’un bilan biologique comprenant un
dosage de la protéine C-réactive (C reactive protein [CRP]) et une échographie-Doppler des
artères temporales qui permet de déterminer la probabilité diagnostique d’ACG et
d’organiser la suite de la prise en charge.

Deux types de manifestations cliniques


Les symptômes de l’ACG sont de deux types : inflammatoires et ischémiques.
Les symptômes inflammatoires sont liés à la réponse inflammatoire systémique, qui est
quasi constante et qui est liée à la production d’interleukine 6 (IL-6) dont la concentration
sérique est corrélée à l’activité de la maladie et aux marqueurs du syndrome inflammatoire
(CRP, fibrinogène).4
Les manifestations ischémiques dépendent de la topographie des artères atteintes et sont la
conséquence du processus de remodelage vasculaire qui aboutit à un épaississement de la
paroi vasculaire et, in fine, à une sténose, voire une occlusion, des vaisseaux atteints. L’ACG
touche avec prédilection les artères du système carotidien externe. Ainsi, les symptômes les
plus fréquents concernent la sphère céphalique.

Signes généraux inflammatoires


Ils sont liés à la réponse inflammatoire systémique. L’asthénie est quasi constante et
s’accompagne parfois d’un amaigrissement, d’une anorexie et de fièvre. La fièvre est
retrouvée dans 10 à 50 % des cas, selon les séries. Elle ne dépasse habituellement pas 39 °C,
ne s’accompagne pas de frissons mais peut être parfois associée à des sueurs nocturnes.4

Manifestations céphaliques, le principal symptôme


Les céphalées sont le principal symptôme de l’ACG et sont souvent de localisation temporale
ou fronto-temporale, uni- ou bilatérales. Parfois, les céphalées sont de localisation
occipitale, faciale ou rétro-orbitaire. Elles sont typiquement récentes (moins de 3 semaines).
Leur intensité est variable. Elles peuvent être déclenchées par le froid ou le contact et
s’associer à une hyperesthésie du cuir chevelu. L’examen clinique peut révéler une artère
temporale visible formant un cordon saillant, induré et tortueux, qui peut être dur, sensible
et épaissi à la palpation. Les pouls temporaux peuvent être diminués ou abolis. La peau en
regard de l’artère temporale peut être normale, œdématiée ou inflammatoire. 4 Cette
atteinte peut rarement se compliquer de nécrose du scalp.
L’atteinte des artères maxillaires provoque une claudication des mâchoires. Il s’agit d’une
douleur, à type de crampe douloureuse, qui apparaît au niveau des masséters lors de la
mastication. Ce signe ne doit pas être confondu avec des douleurs et/ou des sensations de
craquement au niveau de l’articulation temporo-mandibulaire, qui doivent plutôt faire
évoquer un syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur (SADAM).
L’atteinte de l’artère linguale peut provoquer une claudication de la langue et, beaucoup
plus rarement, une nécrose de la langue.

Manifestations ophtalmologiques : un risque de séquelles irréversibles


Les complications ophtalmologiques font toute la gravité de l’ACG du fait du risque de
séquelles visuelles irréversibles. Avant l’utilisation des corticoïdes, plus de 25 % des patients
présentaient une cécité. Depuis leur utilisation, ce chiffre est désormais d’environ 10 %, et il
pourrait encore baisser avec la généralisation des filières fast track.3
Les complications ischémiques visuelles surviennent presque exclusivement au diagnostic
d’ACG, de préférence chez des patients ayant un phénotype d’ACG céphalique, dans 96 %
des cas avant l’instauration des corticoïdes et dans 90 % des cas moins de trois mois après
l’apparition des premiers symptômes. Leur fréquence est inférieure à 1 % en cas de rechute
d’ACG.
L’ACG peut provoquer quatre types d’atteintes ophtalmologiques :
– une diplopie binoculaire (6 % des atteintes ophtalmologiques) par atteinte ischémique des
muscles oculomoteurs ou des paires crâniennes, en particulier la III e paire crânienne. Cette
atteinte est habituellement réversible sous traitement, parfois en plusieurs semaines ;
– une névrite optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA). C’est l’atteinte ophtalmologique
la plus fréquente au cours de l’ACG (de 77 à 92 % des manifestations ophtalmologiques).
L’atteinte visuelle est habituellement très sévère et définitive. Le traitement, qui doit être
instauré en urgence, vise à prévenir la bilatéralisation de la NOIAA et n’a malheureusement
aucun effet sur la récupération de l’œil atteint ;
– une occlusion de l’artère centrale de la rétine (OACR ; de 4 à 21 %). Elle doit faire évoquer
une ACG, surtout si elle est associée à une NOIAA ou à d’autres signes cliniques d’ACG ;
– une névrite optique ischémique postérieure (NOIP). Il s’agit de l’atteinte la plus rare (6 %).
Elle peut s’associer à la NOIAA. Sa sémiologie ophtalmologique est proche de la névrite
optique rétrobulbaire (NORB), mais sa cause est ischémique et non démyélinisante.
La NOIAA est la conséquence d’une occlusion des artères ciliaires courtes postérieures qui
vascularisent la tête du nerf optique dans la portion qui traverse la région laminaire et
prélaminaire (prolongement de la sclère et la choroïde). De plus, ces artères vascularisent la
choroïde, qui est une couche vasculaire située sous la rétine qui irrigue la macula, laquelle
est à l’origine de 90 % de l’acuité visuelle.
Il existe deux types de NOIAA :
– d’une part, la NOIAA artéritique (10 % des cas), liée à l’ACG et qui, outre l’ischémie de la
tête du nerf optique, provoque une ischémie choroïdienne à l’origine d’une baisse d’acuité
visuelle très profonde. L’atteinte définitive peut être précédée d’épisodes d’amaurose de
quelques secondes à quelques minutes, qui correspondent à une ischémie transitoire de la
choroïde ;
– d’autre part, la NOIAA « non artéritique » (90 % des cas), qui correspond à une ischémie
plus limitée à la tête du nerf optique avec une baisse d’acuité visuelle moins profonde et des
troubles du champ visuel évocateurs (déficit altitudinal). Ces NOIAA non artéritiques sont
généralement liées à un syndrome d’apnées du sommeil, à des hypotensions artérielles
nocturnes chez des patients à risque : petite papille étroite, terrain à haut risque
cardiovasculaire.
Au cours de la NOIAA, quelle qu’en soit la cause, l’examen ophtalmologique montre un
œdème papillaire laissant ensuite place à une papille atrophique en environ huit semaines et
parfois des hémorragies rétiniennes à prédominance péripapillaire. L’angiographie
rétinienne à la fluorescéine et au vert d’indocyanine est utile pour rechercher un retard
choroïdien, très spécifique de la NOIAA artéritique. 5
En cas de NOIAA non artéritique, il n’existe pas de signe clinique d’ACG ni de syndrome
inflammatoire mais il faut rester prudent car 20 % des cas de NOIAA artéritiques sont isolées
et, chez ces patients, le syndrome inflammatoire est moins marqué que chez ceux ayant une
ACG sans complication visuelle.5
Manifestations neurologiques : 7 % des patients ont un AVC au diagnostic
Environ 7 % des patients ont un accident vasculaire cérébral (AVC) au moment du diagnostic
d’ACG. Ces AVC représentent la première cause de décès au cours de l’ACG. Ils concernent
généralement le territoire vertébro-basilaire (70 % des cas) et sont soit la conséquence
d’une atteinte directe des artères vertébrales par la vascularite, soit celle d’un bas débit au
niveau des artères vertébrales du fait d’une sténose des artères sous-clavières avant la
naissance des artères vertébrales.6

Atteintes de l’aorte et des gros vaisseaux


Selon les séries, un à deux tiers des patients ont une atteinte des gros vaisseaux. La plus
fréquente concerne l’aorte suivie des artères sous-clavières.7,8
L’atteinte aortique, ou « aortite », est généralement asymptomatique, ou associée à des
signes non spécifiques : asthénie, toux sèche, sueurs nocturnes, fièvre modérée, douleur
dorsale ou thoracique et syndrome inflammatoire. Plus rarement, elle se complique de
dissection aortique à la phase aiguë ou de dilatation anévrismale à long terme, en moyenne
trois à dix ans après le diagnostic. Ce risque de dilatation aortique requiert une surveillance
régulière des patients ayant un antécédent d’aortite et peut, à terme, nécessiter une prise
en charge chirurgicale. L’atteinte de l’aorte thoracique est plus fréquente que celle de l’aorte
abdominale. On recommande actuellement de rechercher systématiquement une atteinte
des gros vaisseaux (aorte et ses branches) au diagnostic d’ACG, car c’est un marqueur de
risque de dilatation artérielle,9 de survenue d’événement cardiovasculaire majeur,10 de
rechute,11 et même de décès.7
L’atteinte des gros vaisseaux des membres, plus fréquente aux membres supérieurs
qu’inférieurs, est généralement asymptomatique mais peut parfois provoquer une
claudication de membre, l’abolition d’un pouls, la survenue d’un souffle vasculaire, une
asymétrie tensionnelle, voire des complications trophiques.

Pseudopolyarthrite rhizomélique
Dans 27 à 56 % des cas, l’ACG s’associe à une pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR), qui se
caractérise par une raideur et des douleurs d’horaire inflammatoire au niveau des ceintures
scapulaire et pelvienne mais aussi au niveau cervical et parfois lombaire. La PPR est due à
une bursite au niveau des bourses séreuses sous-acromiales, trochantériennes ou au niveau
des bourses interépineuses cervicales ou lombaires. 4

Deux phénotypes de la maladie


On distingue deux phénotypes de la maladie : l’ACG céphalique, qui atteint avec prédilection
les artères temporales et d’autres branches de l’artère carotide externe, et l’ACG
extracéphalique, dans laquelle l’atteinte prédomine sur les gros vaisseaux, notamment
l’aorte et les axes artériels subclavio-axillaires. Ces deux phénotypes peuvent coexister. 12

Examens biologiques : pas de spécificité


Il n’existe pas de marqueur biologique spécifique de l’ACG. De façon quasi constante, les
patients ont un syndrome inflammatoire. La vitesse de sédimentation (VS) est en moyenne à
93 ± 23 mm/h, la CRP à 94 ± 63 mg/L. La CRP est normale (inférieure à 6 mg/L) dans moins
de 5 % des cas. Une anémie (hémoglobine inférieure à 12 g/dL) inflammatoire est observée
dans 54,6 % des cas et une thrombocytose dans 48,8 % des cas.13 Néanmoins, la VS peut être
inférieure à 50 mm/h dans 10,8 % des cas14, et sa normalité n’exclut donc pas le diagnostic.

Examens pour confirmer le diagnostic de vascularite


Le diagnostic d’ACG nécessite de confirmer l’existence d’une vascularite des gros vaisseaux,
soit au niveau des artères céphaliques (généralement l’artère temporale), soit au niveau de
l’aorte et de ses branches.
Le choix des examens à réaliser doit tenir compte :
– du phénotype supposé de la maladie (ACG céphalique ou extracéphalique) ;
– de la disponibilité des examens, de leur coût et de leur caractère invasif ou irradiant ;
– de leurs avantages et limites, en particulier leur caractère opérateur-dépendant et
l’évolution de leur performance après que le traitement par corticoïdes a été débuté.

Biopsie d’artère temporale, l’examen de référence


La biopsie de l’artère temporale (BAT) est l’examen de référence permettant de confirmer
avec le plus de spécificité le diagnostic d’ACG.
Le prélèvement se fait sous anesthésie locale, au bloc opératoire.
L’analyse histologique révèle une panartérite granulomateuse, non nécrosante, avec un
infiltrat cellulaire inflammatoire composé de cellules mononucléées (lymphocytes T et
macrophages), parfois de cellules géantes généralement situées à la jonction intima-média,
une fragmentation de la limitante élastique interne, une destruction de la média et une
hyperplasie de l’intima, qui induit une sténose de la lumière vasculaire (fig. 5). Cependant,
seules 50 % des biopsies présentent toutes ces caractéristiques. Dans les autres cas, on
observe un infiltrat inflammatoire au niveau de la paroi artérielle, composé de cellules
mononucléées mais sans cellule géante. L’atteinte isolée de l’adventice est de signification
incertaine. C’est l’atteinte de la média qui a une forte valeur pour le diagnostic d’ACG.
L’hyperplasie intimale est très fréquente au cours de l’ACG, mais n’est pas spécifique, car
elle s’observe aussi au cours du vieillissement vasculaire.4
La sensibilité de la BAT varie de 60 à 80 % ; cela dépend beaucoup du phénotype de la
maladie. La BAT est en effet plus fréquemment positive en cas d’ACG céphalique que d’ACG
extracéphalique. De plus, les études par TEP-scan des vaisseaux céphaliques ont montré que
des patients avec ACG peuvent avoir une atteinte des vaisseaux céphaliques (artères
vertébrales, maxillaires) sans atteinte de l’artère temporale. 12,15 Ainsi, le diagnostic d’ACG
peut être retenu même si la BAT est négative.
Une BAT de bonne qualité doit analyser un fragment artériel d’au moins 0,5 à 1 cm. En deçà,
la sensibilité de l’examen diminue. Si possible, la BAT doit être réalisée dans les deux
semaines suivant l’initiation du traitement car, au-delà, le pourcentage de positivité
diminue. Néanmoins, la BAT est l’examen complémentaire qui peut rester positif le plus
longtemps, parfois des mois, voire des années, après l’initiation du traitement. Chez un
patient traité depuis plusieurs semaines chez qui on cherche à confirmer un diagnostic
d’ACG, la BAT reste donc l’examen de choix.16

Échographie-Doppler, en première intention


L’échographie-Doppler couleur des artères temporales et des troncs supra-aortiques est,
selon l’European Alliance of Associations for Rheumatology (EULAR), l’examen à réaliser en
première intention en cas de suspicion d’ACG, car il est le moins invasif et le moins coûteux,
avec un taux plus faible de faux négatifs que la BAT.17 Cependant, le signe du halo, que l’on
recherche à l’échographie-Doppler couleur des artères temporales et qui est défini par un
épaississement circonférentiel homogène et hypoéchogène de la paroi artérielle temporale,
visible à la fois dans le plan longitudinal et dans le plan transversal et non compressible, n’a
qu’une sensibilité et une spécificité de 68 % et 81 % respectivement,18 et se négative
rapidement (après environ cinq jours de corticothérapie) [fig. 3 G].16 Les faux positifs
peuvent être liés à un épaississement hypoéchogène de la paroi artérielle d’une autre
nature, comme c’est le cas au cours des vascularites associées aux anti-corps anticytoplasme
des polynucléaires neutrophiles (ANCA) ou au cours de la maladie athéromateuse. Le
manque de sensibilité et de spécificité de l’échographie-Doppler des artères temporales est
également lié à son caractère opérateur-dépendant.
Un tel épaississement pariétal hypoéchogène circonférentiel doit également être recherché
au niveau des artères subclavières, axillaires et mandibulaires. Il est significatif lorsqu’il
mesure plus de 1 mm (fig. 3 H, I). De la même manière que l’analyse histologique des artères
temporales, l’imagerie de ces dernières est plus rentable en cas de phénotype céphalique.
Ainsi, d’après les recommandations de l’EULAR, l’échographie-Doppler des artères
temporales suffit à porter le diagnostic d’ACG en cas de forte probabilité clinique. À
l’inverse, cet examen peut être utilisé pour exclure le diagnostic d’ACG quand la probabilité
est faible, par exemple en cas de signes cliniques non spécifiques et en l’absence de
syndrome inflammatoire.17,19
Cependant, la place de l’échographie-Doppler reste un sujet de débat, comme en
témoignent les divergences entre les recommandations françaises, européennes
et américaines.16,17,20 Cela est surtout lié au caractère opérateur-dépendant de cet examen,
qui en fait varier les performances.

Angioscanner pour détecter les complications vasculaires


L’angioscanner est utilisé pour l’étude de l’aorte, des artères des membres et des troncs
supra-aortiques. Il recherche un épaississement circonférentiel et homogène de la paroi
artérielle qui est en faveur d’une vascularite. Le seuil pour dire qu’un épaississement est
pathologique varie selon les territoires : de 2 à 3 mm pour l’aorte, 1 mm pour les autres
artères. L’angioscanner est également l’examen de référence pour détecter les
complications vasculaires : dissection, anévrisme ou sténose.16
Angio-IRM peu utilisée en pratique courante
L’angio-IRM peut être utilisée pour l’étude des vaisseaux céphaliques ou de l’aorte et de ses
branches.
Concernant les gros vaisseaux (aorte et ses branches), elle recherche un épaississement de la
paroi vasculaire et/ou un hypersignal T2, ou une prise de gadolinium de la paroi vasculaire
qui évoque une vascularite active. L’angio-IRM est peu utilisée en pratique quotidienne du
fait de son accès plus restreint et de la durée de l’examen.
Au niveau céphalique, l’angio-IRM 3 Tesla, parfois couplée à des séquences en « sang noir »,
permet une étude fine des vaisseaux céphaliques, en particulier l’artère temporale.
Certaines études ont rapporté d’excellentes sensibilité et spécificité de cet examen, mais
l’analyse des images n’est pas aisée, l’accès à l’examen est restreint, ce d’autant que les
anomalies de l’artère temporale s’estompent après une semaine de traitement par
corticoïdes.16

Tomographie à émission de positons au 18fluorodéoxyglucose


La tomographie à émission de positons (TEP) au 18fluorodéoxyglucose (18FDG) couplée au
scanner est très performante pour détecter une inflammation de la paroi vasculaire et
confirmer un diagnostic de vascularite.
Jusqu’à présent, le TEP-scan au 18FDG était surtout utilisé pour détecter une atteinte de
l’aorte et de ses branches, en montrant un hypermétabolisme de la paroi vasculaire,
considéré comme significatif s’il est supérieur ou égal à celui du parenchyme hépatique.
Plus récemment, cet examen a montré de très bonnes performances pour détecter une
atteinte inflammatoire au niveau des vaisseaux céphaliques : artères temporales,
vertébrales, maxillaires et occipitales. TEP céphalique et extracéphalique peuvent même être
couplées pour une recherche encore plus sensible de l’ACG. 15
En cas de PPR, le TEP-scan met en évidence un hypermétabolisme périarticulaire au niveau
des ceintures scapulaire et/ou pelvienne et parfois un hypermétabolisme interépineux au
niveau cervical ou lombaire, ce qui peut aider à porter le diagnostic d’ACG.
Outre son coût élevé (de 700 à 900 €), son inconvénient est que sa sensibilité diminue après
l’instauration de la corticothérapie et en cas de diabète mal équilibré. À l’inverse,
l’hypermétabolisme vasculaire peut persister même après plusieurs mois de traitement chez
des patients asymptomatiques, et la raison de ces hypermétabolismes persistants est
actuellement mal comprise.

Diagnostics différentiels : attention aux confusions en cas de vascularite isolée des gros
vaisseaux
Dans sa forme céphalique, il y a très peu de diagnostics différentiels de l’ACG. Il s’agit surtout
des vascularites associées aux ANCA, qui peuvent parfois atteindre les vasa vasorum des
artères temporales et des artérites temporales dues à l’infection par le virus varicelle-zona.
De plus, l’artère temporale peut être le siège d’autres vasculopathies non inflammatoires,
comme la maladie athéromateuse, l’artériopathie urémique calcifiante ou encore les
atteintes post-traumatiques comme les faux anévrismes ou les fistules artérioveineuses.
En cas de vascularite isolée des gros vaisseaux, les diagnostics différentiels sont plus
nombreux : infections chroniques (tuberculose, Coxiella burnetii), maladie associée aux IgG4,
maladie d’Erdheim-Chester et autres pathologies inflammatoires (maladie de Behçet,
polychondrite atrophiante ou VEXAS [vacuoles, E1 enzyme, X-linked, autoinflammatory,
somatic syndrome]).
Qu’il s’agisse de l’échographie-Doppler des artères temporales ou de l’imagerie des gros
vaisseaux, et cela, quelle que soit la technique d’imagerie utilisée, la principale source
d’erreur lors de l’utilisation de l’imagerie vasculaire est liée à l’existence de lésions
athéromateuses qui sont très fréquentes à l’âge où se révèle l’ACG. En effet, la maladie
athéromateuse entraîne l’apparition de plaques d’athérome plus ou moins calcifiées au
niveau de la paroi artérielle, se traduisant en échographie par un épaississement de
l’épaisseur intima-média qui peut être confondu avec un authentique signe du halo de
l’artère temporale, ou au niveau des gros vaisseaux qui peut être confondu avec un
épaississement, un hypersignal ou un hypermétabolisme d’origine inflammatoire.
Cependant, l’épaississement vasculaire est généralement non circonférentiel, inhomogène
et/ou associé à des calcifications sur l’angio-tomodensitométrie, et l’hypermétabolisme
vasculaire au TEP-scan est plus modéré et prédomine dans des territoires vasculaires
rarement atteints par l’ACG et plus fréquemment par l’athérome, comme la bifurcation
iliaque.

Des signes cliniques caractéristiques, confirmés par l’imagerie


Le diagnostic d’ACG est donc suspecté face à l’existence de signes cliniques d’ACG ou de PPR
chez un patient de 50 ans ou plus. L’atteinte ophtalmologique, qui peut parfois être isolée ou
inaugurale, nécessite une prise en charge en urgence afin d’éviter une perte de vision
définitive ; elle est plus fréquente au cours de l’ACG céphalique qu’extracéphalique. Le
syndrome inflammatoire est presque toujours constant mais peut parfois manquer ou être
peu marqué, en particulier en cas de complication ischémique visuelle ou neurologique.
Dans tous les cas, une prise en charge diagnostique et thérapeutique rapide, dans l’idéal par
une équipe spécialisée dans une structure de type fast track, est essentielle de manière à
confirmer rapidement le diagnostic en mettant en évidence des lésions de vascularite et à
initier rapidement un traitement pour éviter les complications ischémiques. Le choix des
examens dépend surtout du plateau technique disponible et de l’évolution de la
performance de ces examens après que la corticothérapie a été débutée.

Résumé
Le diagnostic d’artérite à cellules géantes (ACG) doit être porté rapidement pour initier un
traitement adapté visant à soulager les symptômes et éviter les complications ischémiques,
en particulier visuelles, de la maladie. Le diagnostic repose sur la survenue, chez un patient
de plus de 50 ans, de signes cliniques d’ACG, au premier rang desquels les céphalées
récentes, ou de pseudopolyarthrite rhizomélique et d’une « preuve » de vascularite des
artères de gros calibre qui est apportée par l’analyse histologique d’un fragment artériel,
généralement l’artère temporale, ou par l’imagerie des artères céphaliques, de l’aorte et/ou
de ses principales branches par l’échographie-Doppler, l’angioscanner, le TEP-scan au
18
fluorodéoxyglucose et plus rarement l’angio-IRM. De plus, les patients présentent, dans
plus de 95 % des cas, un syndrome inflammatoire biologique. Celui-ci est moins marqué en
cas de complication ischémique visuelle ou neurologique. On distingue deux grands
phénotypes d’ACG non exclusifs : d’une part, l’ACG céphalique où prédomine l’atteinte des
vaisseaux céphaliques avec un risque plus élevé de complication ischémique ; d’autre part,
l’ACG extracéphalique, qui concerne des patients moins âgés chez qui le risque ischémique
est plus faible mais qui ont davantage de complications aortiques et rechutent plus souvent.
La mise en place de structures de type fast track dans des centres spécialisés permet une
prise en charge rapide afin d’identifier les patients à traiter en urgence, d’éviter les
complications ischémiques et de réaliser rapidement les examens nécessaires à la
confirmation du diagnostic et à une prise en charge adaptée.

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