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III/ Crise de la parole

1/ Crise du langage

Les personnages sont incapables de trouver les mots exacts d’où l’abondance d’épanorthose, le travail de
répétition, de correction, de précision avec les parenthèses qui tentent de dire. C’est pourtant ce que Louis
fait pendant toute la pièce mais échoue car il n’y a pas de dénouement concret à la pièce. Ces procédés
littéraires créent de la tension et témoignent de la recherche des personnages de tendre vers la perfection de
dire. Alors que le « mot juste » n’existe pas.

Néanmoins, les épanorthoses ne rendent pas leur propos plus clair. Au contraire elles le complexifient,
comme le dit Catherine Brun : « Les reprises et les variations contribuent moins à renforcer la
communication qu’à manifester les fragilités ».

Par exemple, dans la tirade d’Antoine, deuxième partie, scène 3, les répétitions font émerger le tragique du
personnage.

Or Lagarce est sceptique par rapport au langage et il refuse l’achèvement. On voit cela aussi dans Dernier
Remords Avant l’Oubli où le problème de propriété n’est pas résolu. Le langage ne permet donc pas de
résoudre des conflits.

Dans son œuvre Lagarce prouve qu’il n’y a pas assez de mots dans la langue française pour exprimer avec
exactitude ce que l’on ressent. En outre, nous sommes tous dans des approximations quand on parle. Ce
manque de précision est à l’origine de la crise de la parole.

Phèdre de Racine énonce clairement le chaos « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement ». C’est cette
notion de la parole que Lagarce déconstruit car il énonce le chaos mais à travers un langage à la fois
complexe et simple. En effet François Rancillac dit que le style de Lagarce est « un vocabulaire à la fois
volontairement pauvre et d’une sophistication monstrueuse ». Eugène Ionesco a le même rapport au
langage que le dramaturge. Il montre l’absurdité de la logique de la parole. Notamment, dans La Cantatrice
Chauve où un langage courant et banal explose.

L’intermède a d’une certaine manière le même effet car la scène déréalise le théâtre. La parole permet de
construire une discontinuité entre la scène et le dialogue car les lecteurs ne savent pas si les scènes
sont simultanées ou pas.

2/ Crise de la communication

Le langage chez Lagarce n’est pas adéquat pour se parler et se comprendre surtout en famille. Ainsi, Le
dramaturge illustre l’incommunicabilité des tabous familiaux et les non-dits.

Dans la pièce, les personnages ont du mal à se parler. « On s’entend mal » (Antoine dans les Pays
Lointains). D’où les monologues ou les quasi-monologues. En effet, dans la pièce, il y a deux types de
paroles monologiques : le vrai monologue et le pseudo-monologue. Il faut donc toujours se demander s’il
s’agit d’une tirade, d’un pseudo-monologue ou d’un monologue.

Par exemple après la tirade d’Antoine devant Louis on ne sait pas si Louis l’a réellement écouté car il ne
réagit pas comme un frère. Il ne le prend pas ses bras. Cela rajoute donc une dimension tragique à la
scène.

C’est une des clés du texte. On ne connait jamais le statut de la parole, si la personne qui parle est entendue,
si la personne parle à elle-même ou si les mots ont suffi pour communiquer. C’est le drame de la
communication
Les personnages vont rompre avec le quatrième mur pour communiquer avec le public au lieu de
communiquer entre eux.

Par exemple dans l’épilogue Louis s’adresse au public. Il brise l’illusion du quatrième mur en s’adressant
directement au spectateur. Lagarce rompt la dimension mimétique du théâtre.

De plus, dans sa tirade Antoine qui est devant les trois autres femmes de la famille qui sont restées
muettes, dit « ceux-là » à la place de « celles-là ». Donc il ne peut qu'être en train de désigner le public. Le
texte est méta théâtral car les deux frères forment un spectacle pour les trois femmes, mais aussi pour le
public.

Ainsi il semble que les personnages arrivent à communiquer mieux avec le public qu’entre eux.

3/ Le pouvoir du silence

Le langage de Lagarce dans Juste La Fin du Monde est contemporain car Louis qui parle le moins a le
pouvoir ce qui renverse le stéréotype théâtral qui donne le pouvoir et l’autorité à celui qui parle le plus.
Sachant que le théâtre est l’espace de la parole absolue. Ici le silence a le pouvoir. « Le silence soit plus
criant encore que le cri même » (Annie Colognat)

Louis est riche de son silence « La bonté même » car il n’est jamais violent. Mais c’est ce manque de
réaction qui crée le drame. Son silence a pour but de laisser les autres mieux parler mais elle provoque de la
colère et de la confusion chez les autres personnages. Louis ne fait rien, ne dit rien donc on ne sait pas ce
qu’il ressent on a juste notre perception.

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