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Patrice Bret
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/artefact/13500
DOI : 10.4000/artefact.13500
ISSN : 2606-9245
Éditeur :
Association Artefact. Techniques histoire et sciences humaines, Presses universitaires de Strasbourg
Édition imprimée
Date de publication : 25 novembre 2022
Pagination : 381-410
ISBN : 979-10-344-0138-3
ISSN : 2273-0753
Référence électronique
Patrice Bret, « La première description des collections du Conservatoire des arts et métiers, par
Johann Friedrich Benzenberg (1804) », Artefact [En ligne], 17 | 2022, mis en ligne le 25 novembre 2022,
consulté le 27 novembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/artefact/13500 ; DOI : https://
doi.org/10.4000/artefact.13500
Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International
- CC BY-NC-ND 4.0
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
La première description des
collections du Conservatoire
des arts et métiers, par Johann
Friedrich Benzenberg (1804)
Texte intégral bilingue présenté et annoté
Patrice Bret
Résumé 381
Le jeune savant rhénan Johann Friedrich Benzenberg a laissé de sa visite du
Conservatoire des arts et métiers, à l’ été 1804, la plus ancienne description détail-
lée des collections de machines et modèles installées quatre ans plus tôt dans
l’abbaye Saint-Martin-des-Champs. Inédite en français et donnée ici en édition
bilingue, cette description précède de dix ans celle de John Scott en anglais et de
quatorze le premier catalogue des collections en 1818. Outre les comparaisons
possibles avec ces ouvrages postérieurs, elle apporte un témoignage précieux
sur le rôle des gardiens et des précisions sur l’installation de l’ école de filature
et la préparation matérielle des expériences aérostatiques de Jean-Baptiste Biot
et Joseph Louis Gay-Lussac. Dans un style très personnel, elle témoigne aussi des
centres d’intérêt, attendus ou plus étonnants, de la part d’ un jeune étranger au
courant des inventions les plus récentes.
Mots-clés
Johann Friedrich Benzenberg, Conservatoire des arts et métiers, collection
technique, invention, ascension aérostatique, Jean-Baptiste Biot, Joseph Louis
Gay-Lussac, François Barreau
D
ans son livre sur Le Conservatoire des arts et métiers des origines à
la fin de la Restauration (1794-1830)1, Alain Mercier donne, sous
le titre « Un artiste anglais en 1814 », la traduction de la visite de
l’établissement par le journaliste écossais John Scott (1783-1821)2, publiée
trois ans avant le premier catalogue des collections, paru en 1818 sous la
signature du directeur Gérard Joseph Christian3. Nous proposons ici la pre-
mière description détaillée des collections du Conservatoire en juillet-août
1804, soit dix ans plus tôt et cinq ans seulement après leur installation à
l’abbaye Saint-Martin-aux-Champs. Passée inaperçue en France, car publiée
en allemand et, semble-t-il, ni rééditée ni traduite depuis, elle est due au
jeune Johann Friedrich Benzenberg (1777-1846), un ancien élève de Georg
Christoph Lichtenberg à Göttingen, devenu professeur d’histoire naturelle
au lycée de Düsseldorf4. À en croire le compte rendu de Gilles Boucher de la
Richarderie dans sa Bibliothèque universelle des voyages, les deux volumes du
récit de voyage épistolaire de Benzenberg ne mériteraient guère d’attention :
M. Benzenberg étoit très-avantageusement connu par son ouvrage :
382
“ Experiences sur les loix de la chûte des corps et la rotation de la terre5.
Les Lettres que j’annonce ici ne peuvent ajouter à sa réputation,
que par plusieurs observations géologiques et minéralogiques
qui se trouvent dans le premier volume, et par quelques réflexions
judicieuses qu’il a répandues dans tous les deux ; car du reste,
ses observations sur Paris et ses habitans ne présentent rien
de neuf ni d’intéressant6.
1. Mercier, 2018.
2. « An original description of the Conservatoire des arts et métiers », Scott, 1815, p. 303-319.
Traduction française dans Mercier, 2018, p. 363-371. Scott était l’éditeur de l’hebdomadaire politique
et littéraire The Champion.
3. Christian, 1818. On sait le rôle tenu dans la préparation de ce catalogue par Claude Pierre Molard
puis, en 1816-1817, par son frère cadet François Emmanuel. Sur le catalogue, voir Corcy, Hilaire-
Pérez, 2018, inédit.
4. Benzenberg, à la fois géomètre, astronome et physicien, est surtout connu comme économiste et
publiciste libéral dans la Rhénanie prussienne après le congrès de Vienne. Voir Gollwitzer, 1955,
p. 60 ; Heyderhoff, 1909, 1927 ; Baum, 2008.
5. Benzenberg, 1804.
6. Boucher de la Richarderie, 1808, p. 163.
La première description des collections du Conservatoire des arts et métiers
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mais il mentionne le fardier dans l’église (Fig. 4) et celui utilisé pour ramener
les éléphants du Stathouder de Hollande, ainsi que celui construit pour le
transfert des « chevaux de Marly », dont Agustín de Betancourt avait pris le
dessin pour le cabinet du roi d’Espagne18. Ici encore, il observe avec justesse,
comme pour le tour à guillocher, qu’il n’a sans doute guère servi. Fort au
courant des inventions récentes, il observe même à l’occasion l’absence de
fonctionnement du métier à tisser les rubans métalliques – ce qui en obs-
curcit la compréhension – ou les lacunes de la collection – qui ne comporte
ni la « scie sans fin » de Lucas Chrétien Auguste Albert, brevetée en 1799,
ni le soufflet cylindrique du Bavarois Joseph Baader. Pourtant, s’il est favo-
rable aux innovations techniques, Benzenberg émet aussi ses doutes quant
au succès des machines à polir le verre ou des machines à vapeur pour la
navigation et plus généralement pour le transport.
386
18. Christian, 1818, nos 98, 99, 100, p. 8. Voir Rumeu de Armas, 1990, pl. 16.
La première description des collections du Conservatoire des arts et métiers
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19. Cela expliquerait d’ailleurs la description de Scott en 1814 mentionnant l’emploi antérieur des
machines « avec peu d’ouvriers » (p. 363). Sur l’origine de l’école, voir Mercier, 2018, p. 279-284,
et sur son équipement partiel par l’école d’arts et métiers de Compiègne. Bret, 2022. En vendé-
miaire an 13 (septembre-octobre 1804), le ministre approuve l’emploi de 600 francs « pour faire
des expériences de machines à filer le coton », de 3 107 francs « pour des machines à filer le coton,
par M.M. Bauwens & Farar » et 4 600 francs « pour l’étabt de l’attelier d’instruction pour la filature
de coton, laine &ca ». Arch. nat., F/12/4866, inventaire. Relevé des objets déposés de brumaire an 3
à 1809, nos 413, 414, 419.
20. Chargé de la gestion et de l’inspection des de Douglas à l’île aux Cygnes (1803), Conté avait
été membre du jury du concours sur la construction des machines à carder et à filer le coton (1802)
et s’occupait alors d’un projet de filature avec Humblot et Despéreux, de celui de l’école de filature
au Conservatoire et du programme de la future école d’arts et métiers de Beaupréau, qui devait ini-
tialement être consacrée à l’industrie textile et dont la création venait d’être décidée en mars 1804.
21. Lhomond remit les ballons et le matériel aérostatique de l’expédition à Claude Pierre Molard,
de la part de Conté, le 27 février 1802. Cnam, archives historiques, S 120.
La première description des collections du Conservatoire des arts et métiers
22. Sous la Restauration, Molard jeune s’élève contre cette pratique qui conduit de simples « garçons
de salle » à expliquer le fonctionnement des machines moyennant un pourboire. Cnam, bibl. 249,
30 septembre 1816. Le duc de La Rochefoucauld répond qu’il est en effet « parfaitement ridicule
d’autoriser la démonstration des machines par des hommes qui ne les entendent pas ». Cnam,
bibl. 537, 3 octobre 1816. Voir Mercier, 2018, p. 410. Sur les fonctions des gardiens à la création
du Conservatoire, voir Corcy, 2022, p. 207-222.
23. Académie des sciences, 1912, p. 176.
24. Marie-Sophie Corcy s’attèle à cette tâche du suivi des collections à travers les archives historiques
du Conservatoire des arts et métiers. Je la remercie vivement pour la générosité avec laquelle elle m’a
communiqué ses données pour l’identification et le devenir des pièces mentionnées par Benzenberg.
Patrice Bret
[310] Der Ballon wurde zu Meudon gemacht, als dort das äronautische
Institut noch bestand. Nachher war er mit in Egypten. Neben ihm lag ein
kleiner Probeballon von Goldschlägerhäuten, der acht Fuß Durchmesser hat.
In der Kirche steht ein Wagen, vorn mit einer kleinen Dampfmaschine, die
ihn in Bewegung setzt; er scheint aber wenig gebraucht zu seyn. — Ferner
der große Wagen, auf dem die Elephanten aus dem Haag hierhin gebracht
wurden; und endlich der ungeheure Wagen, auf dem man die marmornen
Pferdegruppen, welche jetzt am Eingange der eliseischen Felder stehen,
von Marly nach Paris brachte. Die Räder haben doppelte Speichen und
doppelte Eisenbänder auf dem Rande. Sie sind einen Fuß breit, zehn Fuß
hoch, und haben zehn Fuß Geleise.
Säle im ersten Stock
Man steigt eine breite Treppe hinauf, und findet gleich im ersten Saale
die Modelle zu den verschiedenen Wasserwerken. Ein Modell von der
Maschine zu Marly, eine vollständige Pulvermühle [311] mit allem
Zubehör, verbunden mit einer Salpeterraffinerie.
392 Dann kommt die Eisengewinnung. Verschiedene Hochöfen und
Hammerwerke nebst Gebläse. Baders Cylindergebläse sah ich nicht.
Merkwürdig war mir das catalonische Gebläse, welches man viel in den
Pyrenäen gebraucht. In einem hohen Reservoir wird das Wasser gesam-
melt, aus dem es durch drei lange Röhren in drei darunter stehende
Tonnen fällt. Während des Falls zertheilt sich das Wasser in Staub, und
reisst die Luft, durch welche es fällt, mit sich fort, bis unten in die Tonnen.
Diese Luft, die nirgend hinauskann, geht dann durch eine Röhre in das
Blaserohr des Hochofens.
Der Aufseher sagte, indem er die Erklärung dieses Gebläses gab: „daß
das Wasser bekanntlich viel Luft hätte, und daß diese die Ursache seiner
Flüssigkeit sey.“ Hierbei wäre es merkwürdig, daß das Wasser nicht gleich
unten in den Tonnen fest und zu Eis wird, sobald es die Ursache seiner
Flüssigkeit verliert. Die Aufseher solcher Sammlungen sprechen gewöhnlich
sehr gelehrt, und [312] imponiren oft mit ihren Kenntnissen den größe-
ren des Zuschauers, weil sie das schon hundertmal sahen und beschrieben,
was er zum erstenmal sieht und was ihm fremd ist. Aber man muß diese
Aufseher-Gelehrsamkeit nicht prüfen, und die Besitzer derselben auch
nicht aus dem täglich betretenen Herwege ihres Wissens herausbringen.
La première description des collections du Conservatoire des arts et métiers
irgend einer Zusammensetzung gemacht [S. Fig. 2, Taf. 10]. Wenn man
auf künstlichen Drehbanken hat arbeiten gesehen, so begreift man freilich,
[317] wie so etwas gemacht wird. Indeß sieht man doch anfangs auf der
Oberfläche nach, ob man nicht irgendwo eine Fuge sieht, wo die Kugeln
an einander gesetzt sind.
In einer andern Kugel ist der Künstler noch weiter gegangen. Es stecken
zehn Kugeln frei in einander, die mit zwanzig Löchern durchbrochen sind.
In der mittelsten Kugel ist ein Seestern, der seine zwanzig Strahlen zu den
zwanzig Löchern herausstreckt. Und alles dieses ist wieder aus einem Stücke
gedreht. Einer, der so etwas macht, muß freilich eine sehr gute Drehbank
haben; aber er muß auch darauf geübt seyn, zu sehen, wo die Späne fitzen.
In einer dritten Kugel hat der Künstler einen Kubus gedreht, und in dem
Kubus, der an seinen sechs Seiten sechs Löcher hat, wieder eine frei liegende
Kugel. Begreiflich ist zuerst die innere Kugel losgedreht, und dann erst der
Kubus, der in der äußeren liegt. Völlig scharf ist indeß der Kubus nicht,
weil man nie ein scharfes Drei- oder Viereck drehen kann. Dann steht noch
eine kleine, fein gedrehte Pyramide von Elfenbein hier, in der [318] alle-
rhand künstliche Schnecken angebracht sind. Oben auf ihr liegt eine kleine 395
Kugel, in der zwei kleine excentrische Kugeln frei liegen. Bey einer andern
Kugel stecken en chaîne zwei hohle excentrische zum Theil in einander, und
sind los gedreht. [S. Fig. 3, Taf. 10]. Und so-sind der künstlichen Arbeiten
noch viele hier, die zum Theil von Holz, zum Theil von Elfenbein sind.
Als ich den Aufseher nach der Addresse des Herrn Barreau fragte, so nannte
er mir einen andern Dreher, Herrn Rajon, in der Vorstadt St. Antoine, der
eben so künstliche, und vielleicht noch künstlichere Dreharbeiten mache.
Ich habe mir vorgenommen, diesen Herrn Rajon nächstens zu besuchen.
Die vier Direktoren des Conservatoire des arts et métiers sind jetzt damit
beschäftigt, einen Katalog von dieser Modell- und Maschinensammlung zu
machen. Da in diesem, so wie in den Katalogen der übrigen Museen, eine
Menge Nachrichten über die verschiedenen Maschinen werden gesammelt
seyn, die man jetzt von den Aufsehern nicht erfährt: so wird diese große
Maschinensammlung dann erst recht interessant zu besuchen seyn.
Patrice Bret
Traduction
[306] Vingt-deuxième lettre27
Paris
Les grandes collections de modèles et de machines qui étaient aupara-
vant dispersées en plusieurs lieux sont maintenant réunies dans l’abbaye
de Saint-Martin. L’entrée se trouve à gauche dans la cour de la mairie du
sixième arrondissement, rue Saint-Martin. Elles sont ouvertes au public
le dimanche ; l’étranger les voit en semaine pour une bagatelle, donnée à
celui qui le fait entrer28.
Dans la première salle à droite29 se trouvent les machines à filer le coton,
appelées mules en Angleterre. La mèche passe entre deux [307] rouleaux,
dont le supérieur est recouvert de cuir et l’inférieur est en fer vieilli. Le
travail est effectué dans cette salle30. La plus grande machine file deux cent
seize fils à la fois, et traite dix livres de coton par jour31. Tout ce qui se
rapporte à la filature du coton se trouve dans cette pièce. Dans la salle d’en
396 face32 se trouvent les métiers à tisser le coton et la soie, ainsi qu’une grande
machine à bobines du célèbre Vaucanson (voir Fig. 3)33.
Dans la salle attenante à la filature de coton se trouvent les presses à monnaies
et médailles, une machine à découper à grandes roues, une tréfilerie et la
machine qui, aux dires du gardien, a ruiné la France – la presse à assignats34.
27. Traduction libre de Patrice Bret avec l’aide précieuse de Jeanne Peiffer, que je remercie vivement.
28. Benzenberg, 1805-1806, t. 2, p. 306.
29. Christian, 1818, p. 30-32. Première salle des filatures.
30. L’inscription des élèves de l’école de filature du Conservatoire avait commencé en mars 1804 et le mé-
canicien anglais Thomas Ferguson avait été nommé professeur en juin. L’installation n’était sans doute
pas encore achevée, mais l’activité semble avoir tout de même commencé. Voir Mercier, 2018, p. 279.
31. Grâce à ses succès sur des machines à deux cent seize broches, James Milne permit à Liévin
Bauwens d’obtenir la médaille d’or à l’exposition de 1801 et de réussir un nouvel exploit, sur une
mule-jenny de Pobecheim, qui lui valut de succéder à Ferguson comme professeur de l’école de
filature du Conservatoire. Voir Mercier, 2018, p. 284.
32. Christian, 1818, p. 32-34. Seconde salle des filatures.
33. Il s’agit non de la machine elle-même, mais du modèle du moulin à organsiner de Vaucanson.
Musée des Arts et Métiers, inv. 667, 1849.
34. Presse qui a servi à l’impression des assignats de 2 000 et 10 000 francs ; le chariot porte une bas-
cule pour l’impression du type identique sur le talon, avec le numérateur mécanique de Jean François
Richer – montré à Pie VII en février 1805 – et une presse proposée par Richer pour imprimer dix
billets à la fois. Christian, 1818, nos 94, 95 ; inv. 89, 1849. Voir Mercier, 1989. Pour l’ impression sur
le talon, voir Christian, 1818, no 93, p. 71.
La première description des collections du Conservatoire des arts et métiers
sol et il s’envola la veille du jour prévu. Rapporté au Conservatoire, il fut réparé et l’ascension eut
finalement lieu le 24 août 1804, suivie d’une autre par Gay-Lussac, seul, en septembre.
42. Ebermaier, 1821, p. 269-270.
43. Largeur maximale, à l’équateur du ballon.
44. Le Centre d’épreuves aérostatiques de Meudon, créé le 24 novembre 1793, fut transformé en École
nationale aérostatique le 31 octobre 1794, laquelle fut supprimée en 1800 par suite de la suppression
des compagnies d’aérostiers militaires en mars 1799 pendant que son directeur Conté était en Égypte.
45. Il s’agit du fameux fardier de Cugnot, inv. 106, 1849. Voir Ferrus, 1904.
46. Chariot avec avant-train tournant qui a servi à transporter un éléphant de Hollande à Paris.
Christian, 1818 ; inv. 107, 1849. Il s’agit de l’un des chariots construits pour transporter au Muséum
d’histoire naturelle les éléphants de la ménagerie du Stathouder, réclamé par le Conservatoire en mai
1800, probablement installé en 1802, enregistré sous le no 107 en 1803. Jugé trop encombrant, il
a été livré au domaine en 1850 et remplacé par une maquette. Saban, Lemire, 1990, p. 295-296.
47. Fardier qui a servi à transporter de Marly à Paris les groupes de Coustou, construit dans l’arsenal
de Melun (sic) par le colonel Grosbert (sic). Christian, 1818, disparu avant 1841. Sur la description
détaillée du fardier conçu par le chef de brigade Joseph François Louis Grobert (1759-1819), directeur
de l’arsenal de Meulan et construit sous sa direction par Crussière, professeur de trait de menuiserie, et
le charpentier Pot, voir Grobert, 1796, avec neuf planches gravées par Sellier, dont sept dessinées par
Crussière, d’après les mécanismes inventés par Grobert pour cette opération délicate.
La première description des collections du Conservatoire des arts et métiers
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elle tombe par trois longs tuyaux dans trois barils en contrebas. Dans sa
chute, l’eau se divise en brume et entraîne l’air qu’elle traverse jusque dans
les barils. Cet air, qui n’a aucune autre issue, passe ensuite par un tube dans
la tuyère du haut fourneau (Fig. 6)52.
400
52. « Soufflet à la catalane, à deux trombes carrées, pour la fusion du fer, par Dietrich » ou « Modèle de
forge catalane, exécuté sur les lieux ; donné par M. Dietrich », Christian, 1818, no 180, p. 38, entré avant
1814, inv. 669, 1849 ; Christian, 1818, no 186. Sur la trompe hydraulique, l’une des principales caracté-
ristiques de la forge catalane, voir Cantelaube, 2008. Sur les inspections de Dietrich, voir Fischer, 2022.
53. Le gardien interprète mal la composition de l’eau démontrée par Lavoisier de 1783 à 1785.
La première description des collections du Conservatoire des arts et métiers
Suivent les modèles de laminage de barres de fer, les machines pour fabri-
quer de fines tiges de fer qui sont connues dans le commerce sous le nom
de filières ; un modèle pour fabriquer les rouleaux de fer et d’acier de
Birmingham54, une fonderie de plaques de plomb, une malterie, et enfin
l’exposition de produits de la quincaillerie de fer française, dont beaucoup
font honneur à leurs usines.
Sur le côté gauche de la salle se trouvent les modèles d’architecture : un
échafaudage pour une voûte sur croisée d’ogives dans une église gothique,
un pont de chaînes en barres de fer (un peu comme les ponts suspendus
du Thibet). Il y a également un laboratoire de chimie complet avec toutes
sortes de petits équipements55, une usine d’acide vitriolique avec tous ses
accessoires56, une [313] fabrique de porcelaine complète, une faïencerie et
une fabrique de poterie57. Viennent ensuite une petite fonderie de laiton58
et une fonderie de tuyaux en plomb59, si fréquemment utilisés ici. Les
tuyaux sont coulés dans un moule en laiton. La tige de fer qui en forme la
cavité intérieure est ensuite retirée à l’aide d’une crémaillère (Fig. 7) ; c’est
très difficile, car la liaison entre le fer et le plomb devient très forte lors-
qu’elle refroidit. Suivent ensuite une petite forge complète60 et les ateliers
401
du menuisier, du charpentier et de l’ébéniste, avec tous les outils61.
Au bout de la salle se trouve un moulin à papier avec tous ses accessoires et
le modèle d’un pont de bateaux à Rouen. Les barges du milieu ne sont pas
retirées comme d’habitude lorsqu’un navire monte ou descend la rivière,
mais elles glissent vers la barge suivante, pendant que la balustrade et le
plancher de la partie mobile du pont coulissent sur la rambarde et le plan-
cher de la partie fixe. Suivent une machine à emballer, une meule à verre
et un moulin à polir [314] avec de l’eau pour les verres de miroir. (Là où
ces machines étaient utilisées à grande échelle, elles ont rapidement été
supprimées parce qu’elles causaient trop de casse, et maintenant ici, et dans
presque toutes les autres miroiteries, le meulage et le polissage sont à nou-
veau effectués à la main).
Fig. 7. – Atelier de plombier, avec mandrin pour couler les tuyaux, 1783
Musée des Arts et Métiers, inventaire no 00132-0000.
Viennent ensuite un métier à tisser le métal pour les formes du papier vélin
et un métier à tisser le ruban métallique62. Une machine pour filet à petites
402 mailles, mais elle n’est pas en marche et on ne peut pas voir comment elle
fonctionne. Elle doit être configurée à peu près comme les machines sur
lesquelles on fabrique les grands filets de pêche. Il y a aussi des machines à
lacets63, un métier à tisser les bas brevetés qui a remporté le prix au Louvre64 ;
une machine qui est utilisée dans les ports maritimes pour couper les billes
de bois des navires, et enfin une machine à feu dans un bateau, qui doit
lui faire remonter le courant. (Le dispositif est constitué d’aubes qui se
meuvent contre l’eau et passent sur deux rouleaux distants, comme les
godets dans les norias65. L’invention, aussi souvent qu’elle a été essayée,
62. Probablement le « métier à fabriquer les toiles mécaniques » et le « métier à chaîne verticale »
d’Ignace Roswag. Christian, 1818, no 280, p. 58 ; inv. 31, 1849, entré en 1784, livré au domaine
avant 1882 ; Christian, 1818, no 281, entré avant 1814.
63. Métier à lacets, par Perrault, inv. 30, 1849, livré au domaine après 1849 ; inv. 84, 1849.
64. À l’exposition de 1802, Aubert, fabricant et mécanicien à Lyon, et Jeandeau, mécanicien de
Genève, reçoivent respectivement une médaille d’or et une d’argent pour un métier à bas. Pierre
Jeandeau, de Liancourt, reçoit en même temps l’approbation de l’Institut national, sur rapport de
Desmarest et Périer, et obtient un brevet de cinq ans, le 15 mars 1803, pour l’invention d’un métier
à bas, avec additions le 3 avril 1804, puis en 1806. INPI, 1BA199. Voir « Machine à fabriquer des
tricots et différentes espèces de filets, par M. Aubert, de Lyon », Christian, 1818, no 303, p. 59, entré
avant 1814, inv. 666, 184 ; « Tricoteur français, par M. Jandeau [sic] », Christian, 1818, no 304.
65. Il s’agit probablement du bateau du mécanicien horloger Joseph Desblanc, de Trévoux, présenté
au gouvernement en 1801 et breveté en avril 1802 (INPI, 1BA780). Christian, 1818, no 234, p. 40 ;
inv. 1155, 1849, entré avant 1814.
La première description des collections du Conservatoire des arts et métiers
n’a jamais fait fortune. Une [315] machine à feu ne peut pas être utilisée
pour déplacer des charges, car elle doit être déplacée avec la charge, ce qui
double souvent la charge à déplacer).
Dans une salle adjacente à celle-ci66 se trouve le précieux tour, que Mercklein
a réalisé pour Louis XVI en 1780, et qui était au garde-meuble67. C’est le
plus beau tour que j’ai vu. Le fer et le laiton ont encore leur poli d’origine,
et le malheureux Louis semble ne l’avoir que très peu utilisé. Il a une came
ovale, une multitude de cames colorées, des engrenages à vis, etc. Dans cette
salle, on peut également voir plusieurs produits français qui ont été exposés
au Louvre et ont reçu le prix. Parmi ceux-ci figurent de très belles limes, qui
ont été taillées sur une machine inventée par un horloger nommé Perseval
(sic), à Reims68. Selon le rapport, elles sont supérieures aux limes anglaises.
Cela ne me semblait pas être le cas ; en beauté, en tout cas, elles ne se rap-
prochaient pas des anglaises – en qualité, je l’ignore.
[316] Dans la troisième salle, il y a beaucoup de serrures de toutes formes
faites avec art et sorties de fabriques françaises ; puis il y a plusieurs tours de
métiers d’art, etc., et ce qui m’a paru le plus remarquable entre tous : les tra-
vaux au tour de M. Barreau d’Avignon, qui est maintenant à Paris69. Ils ont 403
été présentés à l’Institut national le 21 prairial de l’an 8, date que porte aussi
le rapport70. Il est à peine croyable qu’on puisse travailler au tour comme
404
71. Musée des Arts et Métiers, inv. 104.0028. Benzenberg renvoie bien à une planche 10, mais il se
trompe car il s’agit bien de la planche 11 (Taf. XI).
La première description des collections du Conservatoire des arts et métiers
Dans une autre sphère, l’artiste est allé encore plus loin. Dix sphères per-
cées de vingt trous y sont librement emboîtées. La sphère centrale contient
une étoile de mer qui projette ses vingt rayons par les vingt trous72. Et tout
cela est à nouveau fait d’une seule pièce. Celui qui fabrique une telle chose
doit avoir un très bon tour, bien sûr, mais il doit aussi être exercé à voir où
tombent les copeaux.
Dans une troisième sphère, l’artiste a tourné un cube, et dans le cube, qui a
six trous sur ses six faces, il a de nouveau tourné une sphère libre. On com-
prend que la sphère intérieure est tournée la première et ensuite seulement
le cube qui est inscrit dans la sphère extérieure. Cependant, les arrêtes du
cube ne sont pas nettes, car on n’obtient jamais au tour un triangle ou un
quadrangle net. Puis il y a une petite pyramide d’ivoire finement travaillée
406
73. Musée des Arts et Métiers, inv. 104.0012. Voir Fig. 10, à gauche ; Fig. 9, la représentation grossière
gravée sur la planche 11 de Benzenberg (et non la 10, comme il l’indique), en haut à droite.
La première description des collections du Conservatoire des arts et métiers
Sources
Meyer Friedrich Johann Lorenz, Briefe aus der Hauptstadt und dem
Innern Frankreichs, t. 1, Tübingen, Cotta, 1803.
Meyer Friedrich Johann Lorenz, Fragments sur Paris, Hambourg, s. l., 1798.
Meyer Friedrich Johann Lorenz, Fragmente aus Paris im IVten Jahr der
Französichen Republik, t. 2, Hambourg, Bohn, 1797.
Montgolfier Joseph, « Note sur le bélier hydraulique, et sur la ma-
nière d’en calculer les effets », Journal des mines, vol. 13, no 73, 1803,
p. 42-51, pl. 2.
Scott John, A Visit to Paris in 1814, Londres, Longman, 1815.
Van Marum Martinus, « Voyage en Suisse », dans Forbes R. J. (dir.),
Martinus Van Marum, Life and Work, t. 2, Harlem, Tjeenk Willink, 1970.
Voyage en France du souverain pontife Pie VII, Paris, Devaux, 1807.
Yorke Henry Redhead, Letters From France, in 1802, t. 2, Londres, H. D.
Symonds, 1804.
Bibliographie
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Weltweisheit“ und „Professor der Konstitutionen“. Verfassungskonzeptionen
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Bret Patrice, « Claude Pierre Molard et le rapport à l’empereur sur
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Jarrige François (dir.), Claude Pierre Molard (1759-1837). Un technicien
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Corcy Marie-Sophie, « Des “gardiens frotteurs” aux “ouvriers d’ art” :
l’ entretien et la réparation des collections des galeries au Conservatoire
des arts et métiers au xixe siècle », dans Bernasconi Gianenrico,
La première description des collections du Conservatoire des arts et métiers
L’ auteur
Patrice Bret est membre honoraire du Centre Alexandre-Koyré, secrétaire général
du comité Lavoisier de l’Académie des sciences et membre émérite de la section
des sciences, histoire des sciences et des techniques, archéologie industrielle du
Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS). Il a organisé récemment,
410
avec Jean-Luc Chappey et Elizabeth Denton, le symposium Collecter et inventorier
pour la nation : la formation révolutionnaire des collections nationales au 145e congrès
national des sociétés historiques et scientifiques (mis en ligne à l’automne 2022)
et achève actuellement une biographie intellectuelle et matérielle de Nicolas
Jacques Conté.