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Tinthoin Robert. Une plaine oranaise transformée par l'irrigation : La Mina. In: Revue de géographie alpine, tome 42, n°2,
1954. pp. 223-267;
doi : https://doi.org/10.3406/rga.1954.1127
https://www.persee.fr/doc/rga_0035-1121_1954_num_42_2_1127
LE MILIEU GEOGRAPHIQUE
1. Le relief.
1 Cf. Tinthoin (Robert), Les aspects physiques du Tell oranais, Oran, 1948,
p. 193-195.
226 ROBERT ТШТНОЖ.
2. Le climat.
2a
228 ROBERT TINTHOIN.
3. Les eaux.
PJ.
4 6,25 d'après la formule de M. de Martonne , en prenant la
(T — 10) Jm
moyenne arithmétique entre l'indice annuel et celui du mois le plus aride.
D'après la formule >de M. Emberger, on obtient l'indice 17,3 contre 20 à
Orléansville et 18,3 à Géryville et Djelfa, en somme un peu plus favorisés.
s Nom donné aux « Hauts Plateaux » par les géographes algérois.
e D'après M. Gaucher, salure approximative moyenne de l'oued Malah
(m. à m. l'oued salé) 12 gr. de NaCL %0, de l'oued Khelloug : 3 gr.
UNE PLAINE ORANAISE TRANSFORMÉE PAR i/lRRIGATION. 229
4. Les sols.
CARTE
des
SOLS
5. Végétation.
s Bulletin Soc. Géog. et Archéol. de la Province d'Oran, fasc. 228, t. 73, 1950.
UNE PLAINE ORANAISE TRANSFORMÉE PAR L'IRRIGATION. 231
185 6
DENSiTE
2. La mise en valeur9.
En 1844, dès la première réfection du barrage, la Commission
administrative met en culture les terrains beylicks au moyen
d'indigènes, surveillés par des « oukela » ou intendants.
En 1853 les premiers colons s'installent dans la plaine sur des
terrains loués par les Domaines. Ils défrichent, par eux-mêmes ou
par des ouvriers indigènes, les terres envahies de tamarins, de
jujubiers et d'asphodèles, construisent des gourbis en bois couverts
en roseaux et des maisons en briques séchées au soleil. Ils labou-
îent à l'araire arabe et les premières charrues françaises ne font
leur apparition qu'en 1854. Ils comprennent que la plaine est
promise à un bel avenir et ne ménagent pas leurs efforts. Certains
d'entre eux, venus du Sig — notamment de l'Union agricole
d'Afrique — et de l'Habra, veulent implanter la culture du coton. Ils se
heurtent à l'insécurité : incendies de gourbis, vols de troupeaux,
saccages de récoltes et de matériel, à l'insalubrité, aux sécheresses
prolongées. En 1854, il n'y a pas de récoltes de céréales et beaucoup
de colons ne font que du fourrage.
En 1855 la culture est peu développée, les locataires européens
des terrains domaniaux vivent sous la menace de l'éviction et
préfèrent en tirer profit par association avec les chefs indigènes. Ils ne
tiennent pas à faire les grosses avances nécessaires aux cultures
industrielles d'été : coton, tabac, garance, susceptibles de réussir
grâce à l'irrigation. Seule la culture des céréales prédomine : blé,
orge. Quelques locataires se livrent à la culture des céréales (une
vingtaine d'ha.), d'autres font des essais de tabac, mais 40 d'entre
eux abandonnent par suite des fièvres paludéennes et « autres
maladies inséparables de tous travaux de défrichement en sol
vierge ».
En 1858 les colons affluent et commencent à construire de petites
fermes isolées en pierre, couvertes de tuiles, avec hangars et écuries
sommaires, parcs à bestiaux. Ils cultivent surtout les céréales, qui
réussissent avec trois arrosages. Les années sèches se succèdent
et ils disposent de peu d'eau d'irrigation : les récoltes sont presque
nulles, le rendement descend à un demi-quintal par ha. Les cultures
industrielles, coton (depuis 1857) et tabac, souffrent également de la
sécheresse et l'un des colons cite le proverbe arabe : « chaque goutte
d'eau vaut une goutte d'or. »
Faute d'eau également, les troupeaux de moutons et de bovins
manquent de fourrage et de paille. La plus grande partie des
185? 58 59 60 6I 6% 63 64 65 €Ь 67 £Ь 69 ?0 7i 7Я
Fig. 5. — Le coton de 1867 à 1870.
hectares
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Fig. 6. — Extension des terres irriguées et irrigables.
242 ROBERT TINTHOIN.
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Fig. 7. — Evolution des principales cultures.
UNE PLAINE ORANAISE TRANSFORMÉE PAR L'IRRIGATION. 243
cultures
céréales
maraîchères
25,9 % 33%
agrumes
-u 'Ȕ
La vigne (26 ha. et 0,4 %) compte pour bien peu. La plaine tend à
devenir un vaste verger avec 2.438 ha, soit 25 % de la surface
totale et près de 40 % de la superficie irriguée. Les derniers progrès
ont été réalisés plus par les pommiers et abricotiers que par les
agrumes (60 % de la superficie consacrée à l'arboriculture) qui
souffrent de la concurrence espagnole à l'exportation. Enfin, une
ancienne culture a reparu : le lin (31 ha.). La « combinaison »
agricole tend à se stabiliser vers la formule champs de céréales
irriguées-vergers.
Le passage direct et rapide de la céréaliculture en terre sèche à
l'arboriculture irriguée a été favorisé par l'exemple introduit par
de nombreux exploitants perrégaulois et sigois qui, trop à l'étroit
sur leurs terres, ont importé leurs ouvriers spécialisés et leurs
méthodes expérimentées par une longue pratique.
En 1952, les céréales gagnent du terrain et occupent une grande
partie de la superficie irriguée (37 % ou 3.500 ha.). Ce sont des blés
tendres de la variété Florence-Aurore (6 qx à l'ha.), des blés durs
Oued Zenati Bouteille résistant à la rouille (6 qx à l'ha.), des orges
et des avoines (12 qx à l'ha.), mais cette culture n'est pas toujours
rentable.
Les agrumes (19 % ou 140 ha.) augmentent lentement et sont
représentés par les clémentines (50 qx à l'ha.), les mandarines
(60 qx à l'ha.), les oranges et les citrons (90 qx à l'ha.). Les
clémentines donnent les bénéfices les plus intéressants. Les oranges les
plus recherchées sont les Navels Thomson et Washington, très
précoces, , arrivant sur le marché français avant l'orange espagnole, la
Washington sanguine très prisée et la Valentia late, très tardive,
cueillie du 15 mars au 15 avril.
Les cultures maraîchères se maintiennent (12,5 % et 950 ha.) :
artichauts (770 ha.), fèves, melons et pastèques, patates douces,
oignons, piments, pommes de terre, sur les jardins autour de la
ville, nioras, essais d'arachides. Ce sont les cultures les plus
exigeantes en irrigation (5 à 12 arrosages selon les produits).
Les arbres fruitiers (10 % et 755 ha.) ne gagnent plus du terrain,
on arrache pruniers et abricotiers, à cause de l'avilissement des
prix offerts par les confituriers. Seul le pommier est encore planté,
car cet arbre tient longtemps et la conservation du fruit, en
chambre froide, permet une vente échelonnée. Les oliviers (6 % et
50 ha.) se maintiennent et alimentent l'huilerie-confiserie
coopérative de la région de Relizane.
Viennent ensuite les cultures industrielles. Le coton (2,5 % et
J65 ha. contre 408 en 1951) n'arrive pas à reprendre à cause de
l'incertitude des prix de revient.
248 ROBERT TINTHOIN.
EXTENSION du
PERIMETRE ď
, IRRIGATION
fcsapar gravité
Espar pompage
canaux
--_ drains
1. La structure agraire.
2. Les exploitations.
Fig. 10. en
— Plaine
haut, région
de la de
Mina.
propriété
En bas,musulmane
zone irriguée
et de
de culture
propriétésèche.
européenne;
256 ROBERT TINTHOIN.
3. Le peuplement.
Dans cette vaste plaine de 50.000 ha. (dont 17.000 occupés par
des terrains salés improductifs et des marais), on a affaire à un
peuplement européen, peu dense, de propriétaires agricoles (140)
et de gérants de fermes (190). La mise en valeur est assurée par
des ouvriers agricoles (près de 3.000), habitant les gros douars
musulmans et les « villages nègres » des centres européens, et se
rendant à pied ou par camions, le matin et le soir, à leur travail au
milieu des champs. Certains vivent à demeure autour de la ferme.
Pendant la période des gros travaux, il y a jusqu'à 1.000 ouvriers
saisonniers (Sahari du Tafilalet) logeant le plus souvent sous de
pauvres tentes des exploitations.
Le peuplement européen s'est effectué par étapes. D'abord
presque uniquement concentré à Relizane dès 1858 et l'Hillil dès 1866,
il se confond avec le développement de ces centres jusque vers 1887.
La population d'immigrants, Français et Espagnols, passe de 976
UNE PLAINE ORANAISE TRANSFORMÉE PAR L'IRRIGATION. 257
1948
DENSITE
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Fig. 11. — Densité de la population en 1948.
4. Relizane.
Actuellement, le centre vital de la plaine, Relizane est une cité
de 21.500 habitants. Elle a grandi trop rapidement et son
évolution urbaine souffre d'un certain retard : elle a conservé l'aspect
banal et triste d'un grand village de peuplement. La plupart des
immeubles, tous à un étage, sont vétustés et insalubres, sauf
quelques villas particulières récentes et une dizaine de maisons de rap-
UNE PLAINE ORANAISE TRANSFORMÉE PAR L'IRRIGATION. 259
т-а. ?ř a* e? 9* 9? 190a 07 di 1e «t ae 31 ж At 45
Fig. 12. — La population de Relizane de 1860 à 1948.
260 ROBERT TINTHOIN.
5. Le commerce.
6. L'industrialisation.
louées de 20 à 100 fr. l'ha., les terres non irrigables 40 fr., les
terres salées nécessitant de gros travaux de drainage 140 fr., les
terres irrigables d'alluvions au bord de la rivière 400 fr., les terres
en vignes de 396 à 2.63*2 fr., selon le rendement de 20 à 50
Ы/ha., les terres complantées en oliviers et figuiers 500 fr., les terres
complantées en oliviers de 750 à 1.200 fr., les vergers d'arbres
divers 3.500 fr., les jardins 2.000 fr. avec un tour d'eau par
semaine et 4.000 fr. avec deux tours, les vergers d'orangers à gros
rendement 7.000 fr.
Ces évaluations ont beaucoup augmenté depuis, non seulement
à cause de la baisse de la monnaie mais par suite de la plus-value
que l'irrigation donne de plus en plus aux terres de la plaine.
En même temps, on a enregistré une augmentation de la valeur
vénale de la terre et par suite de la valeur des propriétés rurales
et urbaines. Bien des terres jusqu'alors incultes ont été revalorisées
par la mise en eau et par le travail que les nouveaux acquéreurs
ont effectué en défonçages, plantations de brise-vents et d'arbres
fruitiers. A titre d'exemple, un hectare d'agrumes en plein
rapport vaut de 4 à 5 millions de francs.
CONCLUSION