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Prévention et dépistage des cancers de la cavité buccale

Introduction :
Les médecins dentistes occupent une place de choix et une grande responsabilité dans le
dépistage des cancers de la cavité buccale.
Le dépistage ayant pour objectif de réduire le taux de mortalité causé par le cancer, doit s’intégrer
dans le cadre d’un examen systématique de la bouche, à chaque nouvelle consultation, chez tous
les patients et en particulier chez les sujets à risques : notion d’intoxication alcoolotabagique

Épidémiologie
- 50% des patients atteints du cancer de la bouche décèdent dans les 5 ans suivant le
diagnostic.
- La découverte précoce (1er ou le 2e stade) améliore le taux de survie dans les 5 ans
suivant la maladie à 80 % comparativement à un taux de survie de 20 % chez ceux
dont la maladie est à un stade plus avancé (3e et 4e stades).
- Le tabagisme et l’alcool sont responsables d’environ 75 % des cancers de la bouche.
Lorsque ces 2 facteurs sont combinés, le risque est multiplié.
- 90 % des cancers de la bouche se développent chez des personnes de 45 ans et plus
Les facteurs de risque
1- Tabac
 Le tabac fumé contient 69 cancérogènes dont l’Arsenic, Chlorure de Vényle, Nickel,
Chrom…
 Le risque augmente avec la quantité et la durée cumulée au long de la vie  Il est
évident à 20 ans de consommation.
 Après arrêt de la consommation le risque diminue pour se normaliser après 20 ans
d’arrêt.
2- Le tabac chiqué: Seul ou mélangé à d’autres produits (feuilles de bétel..)
 le risque augmente avec la quantité et la durée de consommation.
 Les gencives, le vestibule le plancher buccal, les joues et les trigones rétro molaires sont
plus sensible au tabac chiqué que la langue.
3- Alcool

 Cause une altération de la barrière lipidique de l’épithélium et augmentation de sa


perméabilité facilitant ainsi l’absorption des cancérogènes notamment ceux du tabac fumé et
chiqué.
 La flore bactérienne buccale métabolise l’alcool et produit localement de l’acétaldéhyde qui
est cancérogène.
 Le risque de cancer diminue progressivement après 20 ans d’abstinence.

4- Les affections potentiellement malignes

Selon l’OMS :

 Une lésion précancéreuse est « un tissu morphologiquement altéré, dans lequel un cancer se
développera plus volontiers que dans un tissu sain »,
 Un état précancéreux : « état général associé à un risque significativement accru de cancer ».
 Le terme retenu par les experts est « lésion ou affection potentiellement maligne ».
Leucoplasie
 Un terme purement clinique décrivant toute lésion blanche à risque discutable de cancérisation
 Leucoplasie homogène : plane, lisse, et fréquente. La transformation maligne très rare
 Leucoplasie inhomogène: surface irrégulière, la transformation maligne+++ plus
fréquente

Erythroplasie
 Plage rouge souvent uniforme sans trace de kératinisation, étendue à limite nette, ce qui la
distingue des érythèmes inflammatoires.
 Molle à la palpation et ne devient indurée que lorsqu’il s’y développe un carcinome invasif.

Lésions palatines des fumeurs inversés


 Concerne ceux qui fument avec l’extrémité incandescente de la cigarette ce qui est à l’origine
de lésions palatines, rouges, blanches ou mixtes

Fibrose sous-muqueuse
 Liée à l’ingestion d’aliments épicés, aux déficiences en vitamines B, à la mastication de noix
de bétel et au tabac.
 S’accompagne d’une sensation de brûlure et formation de vésicules suivies par des ulcérations
superficielles puis au stade fibreux, la muqueuse blanchi et perd son élasticité.

Chéilites actiniques
 Due à l’exposition au soleil, survient chez les sujet vivant ou travaillant en plein air.
 C’est la lèvre inférieure qui est plus exposée au rayonnement
 S’accompagne d’une sensation de lèvre sèche avec brulures, le vermillon se recouvre
progressivement de squames et prend une coloration jaunâtre due à l’atrophie du chorion.

Lichen plan
 Lésion cutanéomuqueuse de nature auto-immune, prend plusieurs formes
 Les formes érosives et atrophiques sont les plus à risque de transformation en carcinome.

5- Facteurs nutritionnels
 Comme les carences martiales chroniques: responsable d’une stomatite susceptible de
dégénérer secondairement en cancer de la langue.
 Les carences vitaminiques par malnutrition en particulier les déficits en vitamines C et A.

6- Facteurs viraux
 La détection de l’ADN viral de l’HPV16 dans les tumeurs des VADS et de la, cavité buccale
confirme l’implication de ce virus dans la survenu des cancers des VADS et de la cavité
buccale.
 Les HPV peuvent être présents également dans les muqueuses normales et dans les lésions
précancéreuses.

7- Facteurs génétiques
 L’existence d’une potentielle prédisposition génétique aux cancers des voies aéro-
digestives supérieures a été suggérée en 1993.
8- Mauvais état bucco-dentaire
 S’intègre dans le contexte d’intoxication éthylotabagique. en cas de mauvaise hygiène La flore
buccopharyngée participe à la dégradation de l’éthanol en acétaldéhyde qui est carcinogène.

9- Consommation de marijuana (cannabis) :


 Principalement fumée, libère des cancérogènes à des concentrations plus élevées que celles
produites par combustion du tabac.

Importance de l’examen clinique

La première étape du dépistage d’un cancer de la bouche est de remplir l’historique du


patient, qui devrait inclure ce qui suit :
 Antécédents familiaux du cancer de la tête et du cou
 Revue des habitudes buccales et du style de vie (Obtenez de l’information générale sur le
risque de cancer de la bouche, y compris le tabagisme, la consommation d’alcool et l’état
nutritionnel ou alimentaire).

 L’examen clinique proprement dit:


 C’est une procédure facile à réaliser, rapide et très efficace pour détecter les lésions buccales.
 Il est indolore et nécessite peu d’instruments.
 Il permet de diagnostiquer un cancer à un stade précoce et peut faire donc toute la différence
quant aux chances de survie des patients.

 Examen clinique exobuccal


- Toute asymétrie faciale doit être notée
- Evaluer la présence d’une excroissance, en particulier chez les patients qui s’exposent
fréquemment au soleil.
- L’examen des lèvres comporte l’observation visuelle et la palpation. Noter toute induration ou
asymétrie

La palpation des ganglions se fait groupe par groupe  Noter la présence de tout ganglion
anormal (dimension et symptômes). Le dentiste doit exclure les autres causes telles qu’une grippe
ou une infection dentaire.
 Examen clinique endobuccal

Cet examen nécessite un miroir, une gaze et une source de lumière adéquate. Il porte sur les
structures suivantes :
Muqueuse jugale et labiale
 À l’aide d’un miroir, tirer la muqueuse. Observer toute variation de la pigmentation, une
induration ou une variation de la forme.
 Palper la joue. Bien examiner les zones vestibulaires et les commissures labiales.
Muqueuse gingivale

 Examiner la gencive du côté vestibulaire, lingual et palatin. Noter toute excroissance ou


anormalité de la coloration ou de la pigmentation.
Face dorsale de la langue : Observer toute variation de la texture, de la coloration ou de la
symétrie de cette partie de la langue. Palper délicatement la surface dorsale.
Face ventrale de la langue
 Il faut examiner attentivement cette zone qui est particulièrement à risque.
 Tenir délicatement la pointe de la langue à l’aide d’une gaze et la déplacer vers la droite,
puis vers la gauche.
 Palper la surface ventrale exposée et observer toute variation anormale (induration, érythème,
etc.).
Plancher buccal
 Demander au patient de placer la langue vers le haut pour examiner la partie postérieure du
plancher de la bouche.
 Pour palper le plancher buccal. Placer un doigt à l’intérieur de la bouche et un autre doigt au
même niveau, à l’extérieur de la bouche. Noter toute variation anormale.
Palais
 On observe le palais dur et le palais mou.
 Chez certains patients, il est possible d’examiner la paroi postérieure de l’oropharynx.
 Prendre note de toute excroissance suspecte, variation de couleur de la muqueuse ou
ulcération chronique.

 Les tests diagnostiques


 Un dentiste qui découvre une lésion suspecte peut avoir recours à un test diagnostique,
notamment une biopsie, et à différents outils d’aide au diagnostic.

1- Biopsie
 C’est la seule façon de poser un diagnostic de cancer buccal.
 Pour de petites lésions, il est préférable de faire une biopsie excisionnelle afin d’enlever
complètement les tissus atteints.
 Pour les lésions plus importantes, on procède généralement à une biopsie incisionnelle.

2- Cytologie exfoliatrice
 Présente l’avantage de ne pas nécessiter d’anesthésie locale.
 Effectuée avec un écouvillon ou une spatule par grattage sans faire saigner.
 Seules les couches superficielles de l’épithélium sont prélevées. Cet examen est limité par la
quantité et la qualité du tissu prélevé

3- Cytobrosse
 Cette technique est plus efficace que la cytologie classique car elle permet de prélever des
couches plus profondes de l’épithélium.

4- Bleu de toluidine
 Ce colorant a la propriété d’être capté par les cellules néoplasiques.
 Cependant. les lésions traumatiques ou une ulcération chronique, qui sont des affections
totalement bénignes, peuvent aussi capter ce colorant.

5- ViziLite
 C’est une technique qui aide l’examen visuel de la muqueuse buccale au moyen d’une lampe
spéciale .La lumière que produit cet appareil fait paraître les lésions suspectes blanc mat.
 Le patient se rince la bouche à l’acide acétique pendant une minute pour assécher la
muqueuse, une lumière blanc bleutée est appliquée les cellules normales absorbent la lumière,
les cellules anormale la reflètent

6- Analyse de l’ADN
o Une étude récente a démontré que l’ADN de cellules prélevées à l’aide d’une biopsie de
leucoplasies de la cavité buccale pourrait servir de marqueur pour déterminer le risque de
transformation d’une tumeur bénigne en une tumeur maligne.
o Une quantité anormalement élevée de l’ADN indiquerait un risque de malignité.

7- Les explorations radiologiques


Devant toute lésion suspecte en particulier les tuméfactions qui peuvent mettre en évidente une
participation osseuse ou un cancer à point de départ osseux comme pour les ostéosarcome
(ostéocondensation parfois ostéolyse, réaction périosté particulière,,,)

Manifestation cliniques  Reconnaitre les formes cliniques

 Quelle que soit la topographie de la lésion, il existe des caractères cliniques communs.
 La majorité des cancers de la CB sont des carcinomes qui débutent par une lésion muqueuse
 Forme érosive superficielle
 Elle est souvent observée sur une plage érythroplasique ou lichénienne précancéreuse.
 Les bords sont nets sans bourrelet

 Forme ulcéreuse
 Assez fréquente
 Présente un bord plus ou moins irrégulier, induré, surélevé à fond végétant ou
bourgeonnant. Reposant sur base indurée,
 La lésion saigne le plus souvent facilement au contact

 Forme ulcéro-végétante
Fréquente.
L’ulcération est plus ou moins régulière, à fond végétant, rougeâtre, parsemé de points
blanchâtres, avec des zones nécrotiques et/ou hémorragiques,
On note un saignement, spontané ou provoqué, considéré comme un signe presque constant,
Le fond est situé au-dessus du plan de la muqueuse saine et repose sur une base infiltrée, avec
des bords sont surélevés.
 Forme infiltrante ou ulcéro-infiltrante : Elle est dite aussi endophytique ou térébrante
 Forme nodulaire
 Perçue sous une muqueuse saine cependant le caractère dur et infiltrant attire l’attention le
praticien.
Le nodule s’ulcère quand le volume tumoral augmente.
 Forme verruqueuse
• Se développe le plus souvent sur une kératose tabagique.
• Se présente sous forme d’une plaque exophytique blanchâtre, souple, bien limitée, épaisse et
recouverte de fines verrucosités et des villosités de 1/2 à 10 mm de longueur.

Rôle du dentiste
Afin d’améliorer le pronostic de ces cancers :
 Sensibiliser la population, surtout à risque, pour les motiver à consulter afin de vérifier l’état
de santé de leur bouche ;
 Des campagnes antitabac et antialcool agressives,
 Toute ulcération ou problème persistant au-delà de 10 jours doit conduire à une consultation
chez un spécialiste dans le domaine (médecins-Dentistes, ORL, Dermatologue.)

Conclusion

Comment prévenir au mieux les cancers ?

 Prévenir le cancer, c'est l'ensemble de ce que l'on peut faire, à titre individuel et collectif, pour
diminuer le risque d'être confronté un jour à cette maladie.
 On estime que 40 % des cancers sont liés à nos modes de vie et à notre environnement.
La prévention apparaît ainsi comme un moyen d'agir essentiel pour les faire reculer.
 Alors, à chaque praticien d’œuvrer dans ce sens afin d’exercer pleinement son rôle dans la
prévention des maladies buccales. C’est un devoir médical, un respect de l’éthique et une
satisfaction personnelle à la fois morale, professionnelle et intellectuelle.

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