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Alain Gauvin
Avocat à la Cour, Gauvin & Raji Avocats
Docteur en droit
Kawtar Raji-Briand
Avocate à la Cour, Gauvin & Raji Avocats
Secrétaire générale de l’Association marocaine des exportateurs
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174 Dettes de l’état, dettes des entreprises : quel avenir ?
étant forcément nocive, avec ses acteurs, les gnomes de Londres (462) ;
quant à l’adjectif islamique, l’actualité se charge de démontrer la pré-
gnante confusion entretenue entre Islam et islamisme (463).
2. On ne saurait débattre de l’endettement et de la finance islamique
sans préalablement combattre ces chimères, ce qui passe par un rappel
de la définition de chacun de ces termes, le plus objectivement possible.
– « Endettement : action de s’endetter ; résultat de cette action » (464).
La dette est définie comme une « somme d’argent qu’un débiteur doit
à un créancier », comme un « devoir, de debere (465) ».
– « Financement : action de financer ; ensemble des moyens finan-
ciers affectés à la réalisation d’un projet » (466).
– « Islamique : relatif à l’islam » (467). « Islam : translittération d’un
mot arabe signifiant proprement “soumission, résignation (à la
volonté de Dieu)”. Religion instituée au VIIe siècle par le prophète
Mahomet et dont le livre sacré, le Coran, est considéré par les fidèles
comme la parole de Dieu » (468).
3. La lecture de chacune de ces définitions ne révèle rien de bien
gênant et encore moins de sulfureux. Mais leur association en cet énoncé
est susceptible de provoquer le désarroi, en ce qu’il laisserait croire que
l’endettement et la finance islamique seraient incompatibles. On peut
en effet le penser, car l’utilisation de la conjonction de coordination et –
L’endettement et la finance islamique – suggère une opposition (469).
4. Mais la lecture des textes et de la doctrine conduit à réfuter l’idée
selon laquelle endettement et finance islamique seraient antagonistes.
Ce que l’Islam condamne, c’est l’intérêt pour ce qu’il constitue, ce qu’il
caractérise et ce qu’il engendre (I) ; on ne peut qu’être surpris d’ap-
prendre que la conformité à la Sharīʿa de certains instruments de finan-
cement, dits islamiques, précisément conçus pour éviter le recours à
(462) www.lesechos.fr/1995/10/rebond-mais-les-nuages-demeurent-868784.
(463) On ne peut s’empêcher de voir, dans la très rare, pour ne pas dire inexistante, doctrine
française (voire francophone) en la matière, une crainte de s’exposer à de virulentes critiques de
toute nature (non seulement juridique ou économique) et en provenance de tous bords. Par consé-
quent, le lecteur ne doit pas s’étonner des nombreuses références à la doctrine étrangère qui ont
alimenté notre réflexion et ce qui n’est que notre position, nécessairement discutable.
(464) www.dictionnaire-academie.fr/article/A9E1436.
(465) www.dictionnaire-academie.fr/article/A9D2152.
(466) www.dictionnaire-academie.fr/article/A9F0815.
(467) www.dictionnaire-academie.fr/article/A9I2131.
(468) www.dictionnaire-academie.fr/article/A9I2130.
(469) « Et : est dans la phrase affirmative le signe de l’addition ou de la succession et sert à
unir deux éléments du discours ayant la même fonction. […] À la simple fonction de coordonnant
s’ajoute souvent une idée d’opposition : Vous riez, et moi je pleure […] ».
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(470) « It was narrated from Anas bin Malik that the Messenger of Allah said: “On the night
on which I was taken on the Night Journey (Isra), I saw written at the gate of Paradise: ‘Charity
brings a tenfold reward and a loan brings an eighteen fold reward. ‘I said: ‘O Jibril! Why is a
loan better than charity? ‘He said: ‘Because the beggar asks when he has something, but the one
who asks for loan does so only because he is in need » ; hadith cités dans le recueil S. Ibn Majah,
M.S. Ebrahim et M. Sheikh, « Debt instruments in Islamic finance: A critique », Arab Law Quarterly,
n° 30 (2), 2016, pp. 185-198, citant S. Ibn Majah, Book of Ahkam, Chapter on Loans.
(471) « Jabir said that Allah’s Messenger cursed the accepter of interest and its payer, and
one who records it, and the two witnesses, and he said: They are all equal ». Hadith publiés dans le
recueil S. Muslim et M. K. Lewis, Models of Islamic Banking: The Role of Debt and Equity Contracts,
JKAU: Islamic Econ., vol. 28, n° 1, janvier 2015, pp. 151-164.
(472) M. Sh. Abrahim, A. Jaafar, Ph. Molyneux et M. O. Salleh, Agency Costs, Financial
Contracting and the Muslim World, working paper, Durham University Business School, Durham
University, England, 2015.
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(478) L. n° 5-96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la socié-
té en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation ;
titre V « De la société en participation ».
(479) L. n° 5-96, titre III.
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(483) M.S. Ebrahim et M. Sheikh, « Debt instruments in Islamic finance: A critique », op. cit.
Par ailleurs, le théologien Muhammad Nasir Din Al-Albani (1914-1999) avait condamné, dans une
célèbre fatwa, l’usage de la Mourabaha. Cf. B. Kammarti, « Des normes financières islamiques et de
leurs circulations en France et en Grande-Bretagne », Archives de sciences sociales des religions,
juillet-septembre 2017, pp. 255-280.
(484) M. Ibn Qayyim Al-Jawziyyah, Al’Alam Al-Muwaqqi’in ala rabb al-’alamin, Beirut, Dar
Al-Jeel, 1973, vol. 3, p. 170.
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(485) Pour les besoins de cet article, nous nous en tenons à cette définition proposée par l’Auto-
rité des marchés financiers à des fins de vulgarisation. www.amf-france.org/fr/espace-epargnants/
comprendre-les-marches-financiers/quest-ce-quun-marche-financier.
(486) A. A. Maikabara, « Debt-based versus equity-based financing: A comparative analysis on
efficiency of Islamic financial system », op. cit.
(487) A. A. Almezeini, The Negotiability of Debt in Islamic Finance, An Analytical and
Critical Study, International Banking and Securities Law, Brill, janvier 2017.
(488) A. A. Almezeini, The Negotiability of Debt in Islamic Finance, An Analytical and
Critical Study, op. cit.
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(489) Voy. not. L. Berrah et S. Bouala, Étude du fonctionnement des fenêtres islamiques au
sein des banques conventionnelles : cas de la Banque Nationale d’Algérie, Université Mouloud
Mammeri-Tizi-Ouzou, 2020 : « Autrement dit, les fenêtres islamiques sont des guichets ouverts dans
les banques conventionnelles tant dans le monde arabo-islamique que dans le monde occidental,
notamment ABN AMRO BANK, CITI BANK, HSBC et SAUDI INTERNATIONAL BANK. Elles fonc-
tionnent selon les principes de la charia. Elles jouent en particulier un rôle vital dans la gestion des
fonds et la structure organisationnelle islamique, ce qui a conduit à une coopération étroite entre
les banques de détail islamiques, les banques d’investissement et les fenêtres islamiques ouvertes
par les banques conventionnelles » ; K. N. Sedkaoui, Enjeux de la mise en place d’une fenêtre
islamique : cas du trust Bank Algeria, École supérieure de Banque, 2014, p. 6, www.esb.com ;
S. R. Bouzid, Les banques islamiques : problématiques de la gestion des risques : cas de la banque
Al Baraka d’Algérie, École supérieure de Banque, 2010, www.esb.com.
(490) Voy. not. O. El Kheir Bahri qui rend compte de ces controverses, in La finance islamique
compartiment de la finance d’aujourd’hui, Université d’Oran, 2011/2012, p. 12.
(491) Fonds de placements collectifs en titrisation.
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(492) M. Damak, D. Roy, S. Jagtiani et B. J. Young, S & P Global Ratings, Islamic Finance
Outlook, 2022. « Will Inclusive Standardization Eventually Happen? In 2020, unlike what some
market participants expected, the overall volume of sukuk issuance dropped to $139.8 billion
from $167.3 billion in 2019. That’s despite the sharp drop in the oil price and the significant
increase in financing needs of core Islamic finance countries. These issuers have instead tapped
the conventional markets, where it is easier and quicker to get the funds. Sukuk instruments remain
more complex and time consuming for issuers than conventional bonds ».
(493) S. Bar-Rhout, « Finance participative : quel marché interbancaire », Les Échos, 8 mai
2017 ; W. El Mouden, « Pourquoi les banques participatives sont déjà à court de ressources », Le
360, 24 juin 2018.
(494) Rabat, juin 2018, p. iii, www.bkam.ma.
(495) Un décret n° 2-20-323 du 17 ramadan 1441 (11 mai 2020) pris pour l’application des dis-
positions des articles 10-5, 36-1, 248 et 248-1 de la loi n° 17-99 portant Code des assurances a été
publié, le 4 juin 2020, au BO.
(496) Plusieurs textes réglementaires spécifiques aux sukuks ont été promulgués : un décret
n° 2-08-530 du 17 rejeb 1431 (30 juin 2010) pris pour l’application de la loi n° 33-06 relative à la titri-
sation d’actifs tel que modifié et complété, et un arrêté du ministre de l’Économie et des Finances
n° 41-19 du 3 joumada I 1440 (10 janvier 2019) relatif à l’émission des certificats de sukuk a été
publié au BO du 4 avril 2019. Le Maroc a émis, le 5 octobre 2018, le premier sukuk souverain struc-
turé sous forme d’Ijara, et ce, conformément à la Loi n° 33-06 relative à la titrisation des actifs.
(497) La Caisse centrale de garantie (CCG) a lancé en juin 2019 une fenêtre Sanad Tamwil,
exclusivement dédiée à la finance participative. Désormais, quatre garanties sharia compliant sont
offertes par ladite fenêtre, à savoir Damane Moubachir, Damane Dayn, Fogarim Iskane et Fogaloge
Iskane, http://ccg.ma/fr/espace-media/actualites/la-ccg-lance-sa-fenetre-participative-sanad-tamwil.
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