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ANALYSER UNE SITUATION CLINIQUE 541

Analyse d’un cas clinique :


Thérapeutique nutritionnelle chez un
diabétique de découverte récente,
obèse, hypertendu et dyslipidémique.
Deuxième partie : la prescription diététique proprement dite
Analysis of a clinical case: Medical nutrition therapy in a newly
diagnosed diabetes with obesity, arterial hypertension and
dyslipidemia.
2nd part: The nutritional prescription

L. Monnier, C. Colette | Institut Universitaire de Recherche Clinique,


Université de Montpellier, Montpellier.

Résumé
La première partie du cas clinique a été rapportée dans un article précédent. La seconde
est consacrée à la mise en place et au suivi pratique d’un régime hypocalorique apportant
quotidiennement 1 600 kcalories et 80 g de protides. De plus, la présence d’une obésité
et d’une dyslipidémie suggère fortement que ce patient diabétique est insulino-résistant.
Pour cette raison, le régime hypocalorique devrait être associé à une répartition des apports
en glucides et en graisses monoinsaturées avoisinant respectivement 40 % et 25 % de
l’apport énergétique total. Cette proposition est basée sur le fait que la dyslipidémie du
diabétique est habituellement améliorée quand on augmente les apports en acide oléique.
L’utilisation de l’huile d’olive, qui contient 75 % d’acide oléique, est recommandée pour
atteindre cet objectif : environ 1 cuillerée à soupe pour 700 kcalories. Pour obtenir la perte
de poids souhaitée et pour la maintenir sur la durée, la prescription nutritionnelle devrait être
personnalisée et être agréable au goût. La restriction en sel et sucre peut être compensée
par l’utilisation d’arômes naturellement présents dans une grande variété d’espèces
végétales et certaines catégories d’huiles végétales (par exemple, les polyphénols de
l’huile d’olive vierge) ou pouvant apparaitre lors des traitements culinaires. Nous déplorons
que la prescription nutritionnelle reste souvent confidentielle en pratique médicale courante.
Correspondance Ceci est principalement lié au fait que la prescription diététique prend du temps pour les
professionnels de santé, et qu’elle est contraignante pour les patients.
Louis Monnier
Institut Universitaire de Recherche Clinique Nous espérons que les deux parties de ce cas clinique aideront à augmenter la considération
641, av. du doyen Giraud envers la nutrithérapie dont l’usage est pleinement justifié chez les patients diabétiques.
34093 Montpellier cedex
louis.monnier@inserm.fr Mots-clés : Cas clinique – diabète – obésité – facteurs de risque cardiovasculaire –
prescription nutritionnelle.
Déclaration d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit Summary
d’intérêt en lien avec cet article. The first part of the clinical case has been reported in a previous article. In this second
part we address the issue of the principles and practice for the implementation and
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Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2019 - Vol. 13 - N°6


542 Analyser une situation clinique | Thérapeutique nutritionnelle chez un diabétique de découverte récente...

follow-up of a calorie-restricted diet providing an overall daily intake of 1600 kcalories


and 80 g of proteins. In addition, the overweight state and the presence of a dyslipide-
mia strongly suggest that this diabetic patient is insulin resistant. As a consequence,
we have many reasons to think that in addition to a caloric restriction, the distribution
of the dietary intakes of carbohydrates and monounsaturated fats should be revisited
and set at 40% and 25% of the overall energy intake, respectively. This proposal is
based on improvements of diabetic dyslipidemia with increasing dietary intakes of
oleic acid. The olive oil, which contains 75% of oleic acid, is recommended for this
purpose: 1 soup spoon per 700 kcal, approximately. To achieve the body weight target
and its maintenance on the long-term, the dietary prescription should be individualized
and as tasteful as possible. The salt and sugar restrictions should be compensated
with the use of flavors that are naturally present in a large variety of plants and some
categories of vegetable oils (e.g. the polyphenols of extra-virgin olive oil) or that are
produced during the cooking process. We deeply regret that the dietary measures
remain poorly implemented in routine clinical practice. This is mainly explained by the
fact that dietary prescriptions are time consuming for healthcare professionals and
constraining for patients.
We hope that both parts of this case report will be helpful for increasing the due
consideration, which should normally be given to the dietary management in persons
with diabetes.

Key-words: Case report – diabetes – obesity – cardiovascular risk factors –


nutritional prescription.

Introduction un cas clinique rencontré fréquem-


ment en pratique courante, celui d’un
mesures diététiques. Ces dernières sont
l’objet de cette deuxième partie. Pour
Dans le numéro précédent de Médecine sujet de 60 ans, obèse, dont le diabète ne pas obliger le lecteur à retrouver le
des maladies Métaboliques [1] nous vient d’être découvert et qui présente cas clinique dans le numéro précédent
avons proposé au lecteur d’analyser et plusieurs facteurs de risque cardiovas- [1], nous rappelons dans les lignes qui
de discuter les différents aspects de la culaire. La première partie a été consa- suivent les caractéristiques cliniques et
prescription diététique dans le diabète crée au diagnotic nutritionnel, étape biologiques du patient que nous avons
de type 2 (DT2) en prenant pour exemple indispensable avant la mise en route de pris pour exemple.

Rappel du cas clinique

• Chez un homme de 60 ans, on vient de découvrir un • Les résultats des examens biologiques pratiqués
diabète sucré à l’occasion d’un contrôle biologique de rou- quelques jours après sont les suivants :
tine : glycémie à jeun = 2,5 g/L. Jusque-là, cette personne – Hémoglobine glyquée (HbA1c) = 9 % ;
ne se plaignait de rien, bien que son poids fût excessif – Créatininémie = 96 micromol/L (10,9 mg/L) avec un débit de
depuis de nombreuses années. Dans ses antécédents, on filtration glomérulaire estimé entre 74 mL/min/m2 (équation
note que son père, décédé depuis plus de 20 ans, à l’âge MDRD, Modification of diet in renal disease) et 97 mL/min
de 65 ans, d’un infarctus du myocarde, avait également un (formule de Cockroft et Gault) ;
diabète sucré traité uniquement par comprimés. Le père – Cholestérol total = 2,70 g/L ;
n’avait jamais bénéficié d’une prescription diététique. – HDL cholestérol (HDL-C) = 0,35 g/L ;
• L’examen médical pratiqué dans les jours qui suivent – LDL cholestérol (LDL-C) calculé par la formule de
la découverte du diabète donne les résultats suivants : Friedewald = 1,75 g/L ;
– Poids corporel : 95 kg pour une taille de 175 cm, soit un – Triglycérides = 3 g/L ;
index de masse corporelle (IMC) à 31,04 kg/m2 ; – Transaminases TGO = 35 UI/L ;
– Pression artérielle ; 160/95 mm Hg ; – Transaminases TGP = 40 UI/L.
– Tour de taille : 103 cm.

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• Le médecin complète le bilan biologique par une ana- aucune anomalie. Pour l’instant, le sujet n’a pas eu d’autres
lyse des urines recueillies sur 24 heures : examens destinés à dépister des complications cardio-
– Créatininurie = 1,2 g/24 h ; vasculaires. L’examen ophtalmologique, pratiqué quelques
– Natriurèse = 250 mmole/24 h ; jours après le diagnostic de diabète, est sans particularité.
– Urée = 380 mmole/24 h ; À noter que ce patient ne fume pas, qu’il est employé de
– L’excrétion urinaire de l’albumine est < 30 mg/24 h. bureau, qu’il est relativement sédentaire avec une activité
• À l’examen clinique, les pouls pédieux et tibiaux physique qui se résume à de courtes marches pendant le
postérieurs sont bien perçus. On note un discret souffle week-end et les périodes de congé.
carotidien gauche. L’électrocardiogramme ne montre

La prescription
proprement dite
Le prérequis

Il est constitué par la connaissance de la


composition des aliments. En France, il
est conseillé d’utiliser les tables du Centre
informatique sur la qualité des aliments
(Ciqual) [2]. Pour certains aliments peu
courants, il est parfois indispensable de
recourir à d’autres tables établies dans
d’autres pays. Le problème est que tous
ces documents sont difficiles à consulter
et se prêtent mal à une prescription dié-
tétique en pratique courante. Pour cette
raison, nous avons l’habitude d’utiliser
des tableaux d’équivalence très simpli-
fiés ne contenant qu’un nombre limité de
données quantitatives. C’est ainsi que la
plupart des aliments de consommation
courante peuvent être regroupés dans
les trois tableaux d’équivalence suivants
Figure 1. Description des grandes équivalences nutritionnelles calorico-protidiques.
[3] : calorico-protidique (figure 1), calorico-
glucidique (figure 2), calorico-lipidique et
boissons caloriques (figure 3). la phase initiale - d’obtenir une réduction de la glycémie et des perturbations lipi-
pondérale de l’ordre de 2 à 3 kg/mois diques. Concrètement, ceci signifie que la
Les préoccupations incon- [4]. En effet, quand on sait qu’un kg de plupart du temps, sauf perturbations très
tournables ou faiblement poids équivaut à 7 700 kcal, un gradient marquées, il convient de ne pas se pré-
modulables négatif de -500 kcal/jour, c’est-à-dire de cipiter sur un traitement médicamenteux
3 500 kcal/semaine, permet une perte de antidiabétique dont la mise en route ne
• Chez un sujet obèse, ce qui est le poids de 0,5 kg/semaine, soit 2 à 3 kg/ sera justifiée que s’il persiste des anoma-
cas dans l’observation que nous discu- mois [4]. La réduction pondérale conduit lies résiduelles après quelques semaines
tons, la première préoccupation est de à une diminution de l’insulinorésistance, de régime suivi de manière correcte. En
réduire l’excès pondéral, c’est-à-dire de l’une des caractéristiques physiologiques général, nous préconisons un délai de 3
définir l’objectif calorique, car, pour perdre fondamentales du DT2 [5]. Par ce biais, mois, c’est-à-dire l’intervalle de temps qui
du poids, il est indispensable (premier on constate dans un délai variable, mais est exploré par l’HbA1c [8].
principe de la thermodynamique oblige) parfois assez court, une réduction de • La deuxième préoccupation
que Q (apports caloriques) soit inférieur l’hyperglycémie et des anomalies cliniques indispensable est de définir un objectif
à W (dépense énergétique totale). En associées au diabète (hypertension arté- protidique suffisamment élevé (deuxième
général, il faut que la différence entre W rielle et dyslipidémie) [6, 7]. Dans les cas les principe de la thermodynamique oblige)
et Q soit au minimum de 500 kilocalories plus favorables, on peut même observer pour éviter un catabolisme protidique
(kcal)/jour, ce qui permet - au moins dans une normalisation de la pression artérielle, excessif et une fonte de la masse

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ce type de régime conduise à des pertes


de poids plus marquées. En revanche,
un apport excessif en protéines peut
avoir des effets délétères sur la fonction
rénale. Dans notre pratique, nous avons
l’habitude de fixer l’objectif calorique
aux deux tiers des besoins caloriques
(dépenses caloriques), c’est-à-dire à un
niveau légèrement inférieur à celui qui
serait obtenu si la restriction calorique
n’était que de -500 kcal par jour. Dans
ces conditions, et en tenant compte du
20 % pour l’apport protidique, les objec-
tifs caloriques et protidiques d’un régime
hypocalorique peuvent être calculés en
utilisant le tableau VI.

Retour vers le cas clinique


Le cas présent est celui d’un
homme âgé de 60 ans, à activité
physique faible, ne présentant
qu’un seul des critères de la ligne
Figure 2. Description des grandes équivalences nutritionnelles calorico-glucidiques. du haut du tableau VI. Il devrait
donc bénéficier d’un régime à
1 400 kcal et 70 g de protides si
on veut être strict. Toutefois, un
régime à 1 600 kcal et 80 g de
protides peut être proposé si on
veut être un peu moins restrictif
et permettre une meilleure accep-
tabilité des contraintes liées à la
restriction calorique.

Les préoccupations majeures


mais modulables

Elles concernent la répartition des


apports glucidiques et lipidiques et celle
des lipides entre eux (graisses saturées,
monoinsaturées et polyinsaturées).
• Depuis quelques années, une nou-
velle mode a vu le jour. Elle consiste à
réduire les apports glucidiques à moins
de 25 % des apports énergétiques
totaux [11, 12]. Les tenants de ce concept
Figure 3. Description des grandes équivalences nutritionnelles concernant les corps gras et les
boissons énergétiques. considèrent que les recommandations
classiques qui préconisent des apports
musculaire au cours de la cure d’amai- préférable de porter le pourcentage de aux alentours de 40-45 % de l’apport
grissement. Chez un sujet en poids l’apport protidique à 20 % de l’apport énergétique pour les glucides et de 35
normal, le pourcentage de l’apport pro- énergétique total [6] pour essayer de limi- à 40 % pour les lipides sont trop focali-
tidique doit être aux alentours de 15 % ter la perte de masse maigre. Certains sées sur des pratiques nord-américaines
de l’apport énergétique total [9]. Quand ont suggéré des régimes à haute teneur [9], et n’ont pas fait leurs preuves sur le
le poids est excessif et quand un régime protidique (30 % de l’apport énergétique long terme. S’il est vrai que les régimes
hypocalorique est mis en route, il est total) [10]. Toutefois il n’est pas sûr que très restrictifs en glucides peuvent

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Tableau VI. Objectifs caloriques et protidiques conseillés lors de la prescription d'un régime amaigrissant sujets obèses mais non diabétiques
chez l'adulte. Les objectifs sont définis en fonction de l'âge, du sexe et de l'activité physique. que la perte de poids était quasiment
Niveau identique au bout de 12 mois avec deux
Niveau calorique Activité
Âge Sexe protidique régimes hypocaloriques (-600 kcal/jour),
(kcal) physique
(grammes) l’un pauvre en graisses (29 % de lipides,
Jeune Moyenne ou 48 % de glucides, et 21 % de protéines)
1 800 M 90
ou adulte jeune élevée versus un autre régime pauvre en glu-
1 600 Deux critères de la ligne du haut 80 cides (30 % de glucides, 45 % de lipides,
1 400 Un critère de la ligne du haut 70 et 23 % de protéines). À partir de ces
1 200 Aucun des critères de la ligne du haut 60 observations il apparaît que c’est le bon
sens et des positions équilibrées basées
sur des études reconnues [13] qui doivent
conduire à des résultats immédiats meil- quasi-exclusif de glucose, à hauteur de prévaloir, avec un apport glucidique entre
leurs sur les glycémies que les régimes 130 à 150 grammes par jour. Si cette 40 et 50 % des calories totales.
classiques, leur efficacité à long-terme quantité de glucose ne provient pas des • La répartition des lipides entre les
n’est nullement prouvée. De plus, ces glucides fournis par l’alimentation, l’orga- différentes classes mérite une atten-
régimes hypoglucidiques – auxquels nous nisme humain se trouve dans l’obligation tion particulière. Depuis les études de
sommes défavorables [13] – conduisent à de synthétiser le glucose « manquant » Scott M. Grundy [15, 16], on sait qu’il
augmenter les apports lipidiques, ce qui à partir des acides aminés musculaires faut insister sur l’apport en graisses
peut représenter un inconvénient sur le grâce au phénomène de néoglucoge- monoinsaturées (principalement l’acide
long terme, et ce qui est en contradiction nèse. Ceci contribue à aggraver la fonte oléique) qui exercent un effet bénéfique
avec tout ce qui avait été recommandé musculaire inhérente à tous les régimes sur le plan cardiovasculaire. L’une des
depuis de nombreuses années [9]. Enfin, hypocaloriques. De toute manière, sources essentielles est l’huile d’olive
les tenants des régimes très hypogluci- dans une étude récente, un groupe de (75 % d’acide oléique en moyenne). De
diques oublient un principe simple : le chercheurs de l’université de Stanford manière plus globale, c’est la somme
système nerveux est un consommateur (États-Unis) [14] a démontré chez des des apports caloriques sous forme de
glucides et de graisses monoinsaturées
qui doit être prise en considération. Elle
devrait représenter les deux tiers de l’ap-
port énergétique total (figure 4). Dès lors,
le curseur de la balance glucides/graisses
monoinsaturés peut être fixé entre deux
limites : une limite inférieure (40 % de
glucides et 25 % de graisses monoinsa-
turés) et une limite supérieure (50 % de
glucides et 15 % de graisses monoinsa-
turés). La première option est en général
privilégiée chez les diabétiques insulino-
résistants présentant une dyslipidémie
avec augmentation des triglycérides et
baisse du HDL-C, tandis que la 2e option
est choisie chez les patients diabétiques
faiblement insulino-résistants, n’ayant
pas de dyslipidémie.

Retour vers le cas clinique


Le patient que nous avons pris
pour exemple est obèse et proba-
blement insulino-résistant car il a
une hypertriglycéridémie (3 g/L),
Figure 4. Balance glucides/graisses monoinsaturées chez le patient diabétique. et une diminution du HDL-C
La somme glucides + graisses monoinsaturées devrait représenter les deux tiers de l’apport énergétique (0,35 g/L). Dans ces conditions, il
total. Dans ces conditions, la répartition entre glucides et graisses monoinsaturées (acide oléique prin-
cipalement) devrait être comprise entre deux limites : une inférieure avec 40 % de calories glucides et est préférable de choisir un régime
25 % de graisses monoinsaturées, et une limite supérieure avec 50 % de glucides et 15 % de graisses à 40 % de glucides et 25 % de
monoinsaturées. La première option est choisie quand le diabétique a des stigmates d’insulino-résistance :
obésité, dyslipidémie associant hypertriglycéridémie et baisse du HDL cholestérol. C’est cette option graisses monoinsaturées.
qui est retenue pour le patient dont nous avons rapporté l’observation clinique.

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• En ce qui concerne les graisses Tableau VII. Teneur en sodium (Na) élément de différentes classes d’aliments et de différents
saturées et polyinsaturées de la série types de boissons.
n-6, chacune d’elles ne devrait pas Teneur en Na Teneur /100 g Aliments
dépasser 10 % de l’apport énergé- Aliments naturels non « traités »
Faible 50 à 100 mg
tique total. Les apports recommandés (viandes, poissons, œufs, légumes, féculents)
en acides gras de la série n-3 (oméga 3) Pain, biscottes, fromages, lait (pour le lait, les
Modérée 500 mg à 1 g
sont de l’ordre de 2 g/jour si on se teneurs sont de 500 mg par litre)
base sur l’acide alpha-linolénique qui Charcuteries, conserves, viandes salées,
entre dans la composition de cer- Forte >1g poissons séchés, olives, tartes salées,
taines huiles végétales (colza, soja, feuilletés salés, plats pré-cuisinés
noix). À cet égard, les huiles de noix et Teneur en Na Teneur /L Eaux minérales
de colza sont les plus riches en acide Eaux plates (Vittel, Evian, Volvic) et certaines
Faible < 20 mg
alpha-linolénique : 12 à 15 g/100 g pour eaux gazeuses (Perrier, La Salvetat)
la première, et 8 à 9 g/100 g pour la Modérée 100 à 300 mg Badoit, Quézac
deuxième. Pour arriver à un apport de Forte >1g Vichy Célestins, Saint Yorre
2 g d’acide alpha-linolénique par jour, il
faudrait donc consommer au moins une corps gras traditionnels, ce qui n’est
à 2 cuillerées à soupe d’huile de noix pas justifié par leurs hypothétiques afin de réduire sa consommation
par jour. Pour cette raison, le mieux est bénéfices en termes de santé. de Na pour descendre en dessous
de couvrir les besoins en acides gras • Une autre préoccupation est celle
de 6 g de NaCl par jour.
n-3 en consommant des dérivés supé- qui concerne les apports en sodium
rieurs de l’acide alpha-linolénique, tels (Na), surtout lorsque le sujet est hyper-
que les acides eicosapentaénoïque et tendu. Normalement, l’apport devrait
docosahexaénoïque qui sont présents rester inférieur à 6 g de NaCL par jour, La hiérarchisation et le remplis-
en quantité substantielle dans la chair soit 100 mmol ou 2,4 g de Na élément. sage des objectifs
des poissons gras : 5 g pour 100 g dans Pour atteindre cet objectif, il convient de
le maquereau, 2 à 3 g dans le saumon. supprimer le sel d’assaisonnement, les Les objectifs ayant été définis pour les
Il faut noter cependant que le saumon tartes et feuilletés salés, les fromages à calories et les deux macronutriments
d’élevage est de plus en plus riche pâte dure et, de manière plus générale, que sont les protides et les glucides,
en acides gras saturés, ce qui repré- la majorité des produits alimentaires encore faut-il les hiérarchiser pour rendre
sente un handicap incontestable. Les vendus par la grande distribution. Sur la prescription diététique réalisable et
recommandations officielles en matière le tableau VII, nous avons indiqué les rationnelle. Pour des raisons que le lec-
d’apports en acide eicosapentaénoïque teneurs en Na des boissons et de dif- teur saisira au fil des lignes qui suivent,
et docosahexaénoïque sont de l’ordre férentes classes alimentaires. Pour l’ordre hiérarchique et de remplissage
de 500 mg/jour (250 mg pour chacun réaliser un régime apportant moins de sera le suivant : l’objectif protidique en
d’eux) [17]. Ceci signifie qu’une consom- 6 g de NaCl par jour, il faut éviter de premier, l’objectif glucidique en second,
mation de poisson gras une à 2 fois par saler et de consommer des aliments et l’objectif calorique en dernier.
semaine permet de couvrir les besoins dont la teneur en Na est > 1 g/100 g, • Première étape : remplir l’objectif
en acides gras n-3. IL convient toutefois et de boissons dont la teneur en Na est protidique (X g de protides) (figure 5)
de souligner que des études récentes, > 1 g/L (tableau VII). Les aliments qui permettent de remplir
telles que l’étude ASCEND (A Study cet objectif sont présents sur la figure
of Cardiovascular Events in Diabetes) Retour vers le cas clinique d’équivalence calorico-protidique, c’est-
[18] ont montré l’absence de bénéfice Dans le cas présent, le sujet est à-dire : viande et équivalents viande,
cardiovasculaire quand on supplé- produits laitiers, pain et équivalents pain
hypertendu (160/95 mm Hg), la
mente des personnes DT2 avec des (figure 1). En pratique, il convient de tenir
consommation de NaCl est exces-
capsules assurant un apport quotidien compte des 10 g de protides « forfai-
de 840 mg d’acides gras n-3 répartis sive, de l’ordre de 15 g/jour comme taires » qu’il faut afficher avant de com-
en 460 mg d’acide eicosapentaénoïque le montre la natriurèse qui est à mencer à introduire les aliments qui ne
et 380 mg d’acide docosahexaénoïque. 250 mmol/jour. Le patient dit saler contiennent que de faibles quantités de
Ces observations ont une certaine son alimentation, et son épouse protéines et qui ne figurent donc pas sur
importance dans la mesure où elles rajoute du sel lors de la préparation la figure 1. On introduit ensuite chaque
relativisent l’utilisation de préparations des repas. Ce patient doit évi- classe d’aliments calorico-protidiques
médicamenteuses à base d’oméga 3, demment éviter cette pratique et jusqu’à ce que le total des protides
ainsi que la consommation de corps respecter les consignes d’apports (y compris les 10 g de « forfaitaires »)
gras (margarines) enrichis en oméga 3. sodés que nous venons d’indiquer atteigne une valeur proche de l’objectif
Ces produits sont en général commer- protidique (pour le patient, par exemple,
cialisés à un coût supérieur à celui des X = 80 g).

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(Z2 en kcal) sera atteint en ajoutant des


portions de corps gras et en procédant
de telle manière que le nombre d’équiva-
lents lipides (figure 5) permette d’assurer
un apport calorique égal à Z2 – Z1. Cette
partie « corps gras » (partie supérieure
de la colonne des apports caloriques)
nous parait importante, car les corps
gras permettent par le biais de l’onc-
tueux de conférer une certaine palata-
bilité au régime. Ceci est indispensable
si l’on veut que le régime soit accepté, et
surtout suivi sur la durée. Un régime trop
appauvri en lipides est souvent rejeté
par les patients au bout de quelques
semaines, ce qui explique les échecs
des régimes par simple « abandon » de
l’observance. De surcroît, si l’on recom-
mande que les corps gras soient au
moins partiellement fournis par les huiles
aromatiques, comme l’huile d’olive, il
kcal : kilocalories ; Glu : glucides ; Eq : équivalents. est possible d’augmenter la palatabi-
Figure 5. Représentation schématique – dans le cas du patient pris pour exemple - de la construction lité de l’alimentation. Normalement, il
pratique d’un régime à 1 600 kcalories, à 80 g de protides et 160 g de glucides. est conseillé d’apporter 1 cuillerée à
Les objectifs doivent être remplis de manière hiérarchisée et séquentielle. soupe d’huile d’olive chaque fois que
– Objectif protidique en premier en faisant appel aux aliments à teneur protidique élevée pour atteindre l’on apporte 700 kcal.
X en g = 80 g de protides (colonne de gauche).
– Objectif glucidique en second (colonne du milieu) en reportant les glucides apportés par les aliments
utilisés dans la colonne de gauche (Y1 g de glucides), puis en complétant par les aliments riches en
glucides et non utilisés dans la colonne de gauche. La somme doit permettre d’atteindre l’objectif glu-
Retour vers le cas clinique
cidique final Y2 en g = 160. Pour illustrer cette hiérarchisation
– Objectif calorique en trois (colonne de droite) en reportant les calories des aliments utilisés dans
les deux premières colonnes (Z1 = 1 280 kcal) et en complétant par des portions de corps gras pour
des objectifs, prenons en exemple
atteindre Z2 = 1 600 kcal. le cas clinique de notre patient.
Entre les deux objectifs caloriques
• Deuxième étape : remplir l’objec- riés sur la figure 2 avec, en premier lieu, (1 400 kcal et 1 600 kcal/jour), nous
tif glucidique (Y2 en g de glucides) un apport de cinq portions de fruits et avons in fine et dans un premier
(figure 5) légumes par jour (recommandations du temps choisi de fixer Z2 à 1 600
L’objectif protidique étant atteint, l’ob- « Programme national nutrition santé » kcal afin de rendre le régime plus
jectif glucidique devra être rempli. Pour [PNNS]). Ces cinq portions apporteront acceptable. Dans la mesure où
réaliser cet objectif, il faut dans un pre- 5 × 12 = 60 g de glucides (figure 2). nous avons opté pour un régime
mier temps calculer les quantités de glu- Pour ajouter des portions de féculents qui apporte respectivement 20 %
cides apportés par les aliments utilisés (partie haute de la colonne des apports et 40 % des calories sous forme
pour atteindre l’objectif protidique. Par glucidiques en se référant à la figure 5), il
de protides et de glucides, les
exemple, si dans la colonne des ali- faudra calculer le nombre de portions de
apports protidiques devront être
ments protidiques on a introduit deux féculents nécessaires pour compléter la
équivalents pain (soit 100 g de pain), colonne et atteindre l’objectif glucidique fixés à X = 80 g/jour, et les apports
ceci signifie que l’on a apporté 50 g de (1,3 portion de féculents, soit 32 g de glucidiques à Y2 = 160 g/jour.
glucides sous forme de pain (figure 2). glucides dans le cas de notre patient).
Ces 50 g seront représentés dans la • Troisième étape : remplir l’objectif
colonne des aliments glucidiques (partie calorique (Z2 en kcal) (figure 5) • Première étape : remplir l’objectif pro-
inférieure : « Quantité de glucides appor- L’objectif glucidique étant atteint, il faut tidique X = 80 g/jour
tés par les aliments riches en protides »). calculer le total des calories apportées – 10 g de protéines « forfaitaires »
Supposons que cette rubrique conduise par les aliments utilisés dans les deux = 10 g
à Y1 g de glucides et que l’objectif gluci- premières colonnes pour remplir les – 1,5 Eq viande qui apportent 25 × 1,5 g
dique soit de Y2 g. Il faudra trouver (Y2 – deux premiers objectifs : protidique et de protides = 37 g
Y1) grammes de glucides pour atteindre glucidique. Supposons que le nombre – 3 Eq lait qui apportent 7 × 3 g de pro-
l’objectif glucidique. Ceci sera réalisé de calories fournies par ces aliments tides = 21 g
tout d’abord grâce aux aliments réperto- soit égal à Z1. L’objectif calorique final

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– 2 Eq pain qui apportent 5 × 2 g de – 2 Eq pain = 120 × 2 = 240 kcal


protides = 10 g – 5 portions de fruits et légumes ce qui revient à fournir 32 g au petit
Total protides X = 78 g = 50 × 5 = 250 kcal déjeuner et 64 g aux deux autres
– 1,3 portion de féculents repas. D’autres répartitions pour-
• Deuxième étape : remplir l’objectif glu- = 120 × 1,3 # 160 kcal raient être proposées en fonction
cidique (Y2 = 160 g) Total Z1 = 1 280 Kcal des habitudes alimentaires du
1) En reportant les glucides apportés par 2) En complétant par des corps gras patient, en particulier lorsque des
les aliments utilisés pour le remplissage (figure 3) pour atteindre Z2 = 1 600 kcal collations interprandiales s’avèrent
de l’objectif protidique. Cette quantité Il faut trouver (Z2 – Z1) = 1 600 – 1 280
nécessaires. Pour le reste, c’est-à-
de glucides (en g) est désignée par le = 320 kcal
dire pour la répartition des autres
symbole Y1. – Avec 3,5 Eq de corps gras = 3,5 × 90
aliments, il faut se baser sur le bon
– 1,5 Eq viande = 0 g de glucides = 315 kcal
– 3 Eq lait répartis Total calories Z2 = 1 595 kcal sens. Par exemple, il serait sur-
En lait (200 ml) = 1 Eq lait = 10 g Le calcul est illustré sur la figure 5 qui prenant de proposer une portion
En 2 yaourts = 1 Eq lait = 10 g permet de mieux comprendre les prin- de viande ou de poisson au petit
En 30 g de fromage = 1 Eq lait = 0 g cipes du calcul. déjeuner. Par ailleurs, il convient
– 2 Eq pain = 25 g × 2 = 50 g de noter que les glucides sont en
Total Y1 = 70 g Répartition des aliments entre général choisis parmi ceux qui
2) En complétant par d’autres aliments les différents repas ont un indice glycémique modéré
glucidiques (figure 2) pour atteindre Y2 ou faible, et de manière globale
= 160 g de glucides. Chez le diabétique, les apports gluci-
inférieur à 100 qui est l’indice gly-
Pour atteindre Y2 = 160 g de glucides, diques doivent être répartis de manière
cémique du pain blanc [22].
Il faut trouver Y2 – Y1 = 160 – 70 = 90 g régulière au cours de la journée, au
de glucides moment des trois principaux repas, afin
– Avec 5 portions de fruits et légumes, d’éviter les excursions glycémiques
12 de glucides × 5 = 60 g postprandiales exagérées [19]. C’est La balance glucides/acides
– Avec 1,3 portion de féculents (soit donc les glucides qui guident la répar- gras monoinsaturés
160 g de riz cuit) = 25 g de glucides tition des aliments, la règle habituelle
× 1,3 = 32 g étant d’apporter 1/5e des glucides au Les acides gras (AG) monoinsaturés
Total glucides Y2 = 162 g petit déjeuner, et les 4/5e restants à parts jouent un rôle bénéfique sur le plan
égales sur les deux autres repas de midi cardiovasculaire. Chez ce patient, nous
• Troisième étape : remplir l’objectif calo- et du soir. avons préconisé un apport de 25 % des
rique (Z2 = 1 600 kcal) calories sous forme d’AG monoinsaturés.
1) En reportant les calories apportées Retour vers le cas clinique De nombreux aliments contiennent de
par les aliments utilisés pour le remplis- Sur le tableau VIII, nous proposons l’acide oléique, mais l’apport ne dépasse
sage des objectifs protidique et gluci- guère 10 % de l’apport énergétique total
ce type de répartition en nous
dique. Cette quantité de calories est si l’on n’utilise pas des corps gras riches
basant sur l’exemple de notre
désignée par le symbole Z1. en acide oléique. L’huile d’olive (75 % de
– 1,5 Eq viande = 180 × 1,5 = 270 kcal patient pour lequel les apports glu- monoinsaturés) qui fait partie intégrante
– 3 Eq lait = 120 × 3 = 360 kcal cidiques ont été fixés à 160 g/jour, du régime méditerranéen [23] permet
d’atteindre les 25 % requis si on utilise
la règle suivante : consommer 2 cuille-
Tableau VIII. Répartition des glucides chez le patient pris pour exemple.
La proposition porte sur une journée de 24 heures pour un apport glucidique total de 160 g.
rées à soupe d’huile d’olive pour chaque
apport calorique de 700 kcal. Dans le
Petit cas de notre patient dont le régime a
Glu Repas de midi Glu Dîner Glu
déjeuner été fixé à 1 600 kcal et pour lequel nous
Pain (20 g) 10 g Pain (40 g) 20 g Pain (40 g) 20 g avons préconisé la consommation de
Féculents (80 g) 15 g Féculents (80 g) 15 g 3,5 équivalents de corps gras, il faudrait
Légumes et/ou crudités Légumes et/ou crudités que 2,5 équivalents (soit 2,5 cuillerées à
12 g 12 g
(1 portion) (1 portion) soupe d’huile végétale) soient apportés
1 fruit 12 g 1 fruit 12 g 1 fruit 12 g sous forme d’huile d’olive. En plus de
Lait (200 ml) 10 g 1 yaourt 5g 1 yaourt 5g ses propriétés bénéfiques liées à sa forte
Total glucides 32 g 64 g 64 g teneur en acide oléique, l’huile d’olive a
Répartition des glucides (Glu) au cours de la journée avec un régime apportant un total de 160 g de l’avantage d’apporter des polyphénols
glucides. qui ont au moins deux propriétés. La
– Pour compléter l’apport calorico-protidique, les équivalents (Eq) Viande (1,5) seront répartis de la
manière suivante : 125 g de viande à midi et 1 tranche de jambon le soir. première est d’ordre médical à travers
– L’Eq Lait (sans glucides) sera apporté le soir : 30 g de fromage. leur action antioxydante. La deuxième

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Analyser une situation clinique | Thérapeutique nutritionnelle chez un diabétique de découverte récente... 549

est d’ordre gustatif, car ce sont les conserver, car en dehors des qualités
polyphénols qui donnent son goût si nutritionnelles de certains d’entre eux en termes de perte pondérale, de
particulier aux huiles d’olive. Le pluriel (huile d’olive en particulier), tous les baisse de la pression artérielle et
est utilisé sciemment pour les désigner corps gras assurent l’apport de l’une des du LDL-C resteront faibles. Dans
car les qualités gustatives des huiles trois composantes majeures de la pala- ces conditions, un traitement
d’olive sont différentes en fonction de tabilité : « l’onctueux ». En effet, malgré médicamenteux antihypertenseur
leur provenance géographique et de toutes les tentatives faites par l’industrie et hypocholestérolémiant doit être
leur mode de production. Pour garder agro-alimentaire dans la production des envisagé pour atteindre les objec-
la majorité de leurs arômes naturels, les produits dits « allégés », aucune d’entre tifs suivants : ramener les valeurs
huiles d’olive ne doivent être ni raffinées elles n’a permis de reproduire l’onctueux
de pression artérielle en dessous
ni chauffées, les plus aromatiques étant des corps naturels [25].
de 130/80 mm Hg et le niveau du
les huiles vierges, de première pression • Le régime d’entretien
LDL-C au-dessous de 0,70 g/L. Ce
à froid. De manière paradoxale, ceci peut Lorsque le poids raisonnable est atteint,
constituer un inconvénient pour certains le sujet ne doit pas être laissé à « l’aban- dernier objectif est celui qui a été
consommateurs peu habitués aux sen- don nutritionnel », car cette attitude défini par les dernières recomman-
teurs des préparations de la cuisine dite conduirait presque inéluctablement à dations de l’American Diabetes
méditerranéenne. une reprise pondérale. Dès lors, deux Association (ADA) pour un sujet
questions se posent : qu’appelle-t-on le diabétique de plus de 40 ans, à
poids raisonnable ? Comment conduire haut risque cardiovasculaire en
Quelques remarques les mesures nutritionnelles d’entretien raison d’antécédents familiaux de
supplémentaires lorsque le poids raisonnable est atteint ? maladie cardiovasculaire, et donc
1) Le poids raisonnable
pour aider à Le poids raisonnable n’est pas forcément
à risque de faire un accident car-
diovasculaire dans les 20 années
l’observance du le poids idéal donné par les tables. En
à venir [26]. Bien que notre patient
effet, il est quasiment impensable de
régime sur la durée vouloir faire retrouver le poids de ses n’ait pas de stigmate d’athéros-
• Quand il s’agit d’un patient dia- « 20 ans » à un sujet d’un certain âge dont clérose précoce en dehors d’un
bétique en excès pondéral, comme l’obésité s’est constituée de manière souffle carotidien gauche, il rem-
celui que nous avons pris en exemple, progressive. Le poids raisonnable peut plit tous les critères pour bénéficier
il faut pendant la phase d’amaigrisse- être considéré comme celui qui permet d’un traitement par statines à
ment éviter tous les aliments à haute de voir les perturbations cliniques et les action forte comme le préconise
densité énergétique (feuilletés salés, anomalies biologiques liées à l’obésité l’ADA dans cette situation [26].
tartes salées, charcuteries, gâteaux, s’améliorer de manière significative ou,
entremets sucrés, boissons caloriques) dans le meilleur des cas, disparaitre.
ou toutes les situations qui conduisent Une perte de poids de l’ordre de 10 %
à les consommer (grignotage, repas par rapport au poids de départ est en 2) Comment conduire les mesures
festifs). Tous ces produits alimentaires général celle qui permet d’atteindre cet nutritionnelles quand le poids rai-
et ces pratiques ont été théoriquement objectif [7]. sonnable est atteint ?
exclus du régime à 1600 kcal que nous Deux solutions sont envisageables :
avons proposé. Il faut toutefois être Retour vers le cas clinique – La première solution consiste à élargir
conscient que le patient ne pourra Au bout de 3 mois de régime à le régime, mais en restant restrictif en
accepter pendant plusieurs mois un calories : en général, 200 à 400 kcal de
1 600 kcal/j, notre patient a perdu
régime contraignant. Pour cette rai- moins que les apports alimentaires ini-
7 kg (poids = 88 kg). La pression
son, il faudra lui autoriser quelques tiaux. Par exemple, pour un niveau calo-
échappatoires, à condition de lui expli- artérielle est à 150/80 mm Hg. Le rique initial (avant tout régime) de 2 200
quer clairement qu’un biscuit sucré et bilan biologique montre une dis- kcal/jour, le niveau calorique du régime
beurré consommé en grignotage lui parition de l’hypertriglycéridémie amaigrissant a été fixé à 1 600 kcal/jour,
apportera 50 kcal et qu’un repas « fes- (1,4 g/L), une normalisation du et celui du régime de stabilisation devrait
tif » lui apportera environ 1 400 kcal de HDL-C (0,45 g/L), mais la per- se situer entre 1 800 et 2 000 kcal/jour.
plus qu’un repas normal [24]. Le lecteur sistance d’une augmentation – La deuxième solution est de mainte-
pourra constater que nous avons main- du cholestérol total (2,3 g/L) et nir le régime instauré pendant la cure
tenu dans le régime à 1 600 kcal, 3,5 du LDL-C (1,57 g/L). Bien que le d’amaigrissement (par exemple, 1 600
équivalents corps gras. Bien que cette sujet n’ait pas atteint l’objectif kcal/jour) en autorisant un ou deux
classe de produits alimentaires (huiles écarts par semaine sous forme de
théorique de 10 % de perte de
végétales, corps gras solides) soit à très repas festifs. Etant donné que chaque
poids (perte de 9,5 kg), on peut
haute densité énergétique (entre 8 et 9 repas festif apporte 1 400 kcal de plus
kcal/gramme), il est nécessaire de les penser que les gains ultérieurs qu’un repas normal, on peut considérer

Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2019 - Vol. 13 - N°6


550 Analyser une situation clinique | Thérapeutique nutritionnelle chez un diabétique de découverte récente...

qu’un sujet qui suit pendant la semaine est de même pour les viandes grasses thérapeutique est un véritable métier qui
un régime à 1 600 kcal/jour avec un ou (agneau, mouton) qui se prêtent mieux à nécessite d’investir beaucoup de temps
deux repas festifs hebdomadaires a en la grillade que les viandes maigres. Pour avec le patient. En effet, le régime doit
fait un apport calorique moyen quotidien que les viandes ou les poissons maigres tenir compte des habitudes antérieures
égal à 1 800 kcal/jour (un repas festif retrouvent un certain goût, il est d’usage du patient. Il doit être négocié, expli-
par semaine) ou 2 000 kcal/jour (deux d’associer des sauces, mais le bénéfice qué, suivi, réitéré de manière régulière,
repas festifs par semaine). Cette solution diététique de la viande ou du poisson et revu si nécessaire. Etant donné que
est souvent choisie par les patients car maigre est immédiatement annihilé tout ceci ne peut se faire en quelques
elle permet de rétablir une vie sociale par l’adjonction d’une sauce riche en minutes, il faudrait que la prescription
et conviviale. Évidemment, l’important graisse. C’est pour cette raison que la diététique, qui est un acte médical
est de ne pas dépasser les deux repas grillade peut être utilisée pour conférer majeur dans la prise en charge des
festifs par semaine, car au-delà la sta- des arômes à des viandes ou à des pois- patients diabétiques, soit rémunérée à
bilisation du poids corporel après cure sons qui en seraient dépourvus. La gril- son juste prix. Nous craignons malheu-
d’amaigrissement n’est plus garantie. lade ne doit pas être utilisée de manière reusement que nous en soyons encore
Tout ceci doit être complété par des systématique, ni trop fréquente, car elle loin. Dans ces conditions, les pouvoirs
mesures qualitatives consistant à réta- peut conduire à la production de com- publics ne devraient pas s’étonner
blir le goût en jouant sur les arômes et en posés cycliques, aromatiques, à poten- devant l’explosion des dépenses de
sachant que ces mesures sont valables tiel cancérigène. Cette production est santé en matière de prescriptions phar-
à la fois pendant la période de régime d’autant plus forte que les températures macologiques, souvent onéreuses, mais
amaigrissant et de régime d’entretien sont élevées. qui ont la caractéristique de ne prendre
[27]. Ces objectifs peuvent être atteints que quelques minutes pour une effica-
de plusieurs manières : cité rapide. L’inconvénient est que les
– En ajoutant des herbes odorantes :
Conclusion prescriptions pharmacologiques ne
thym, laurier, ail, oignon, ciboulette, • À la lumière de ce cas clinique, résolvent pas toujours le problème de
estragon, basilic, persil, fenouil… nous avons tenté de développer de fond quand il est en majorité nutritionnel.
– En utilisant des huiles aromatiques. manière exhaustive (peut-être un peu Dans le cas clinique que nous avons pris
Les huiles végétales peuvent être clas- excessive) la prescription diététique en exemple, la solution de facilité aurait
sées en fonction de leur teneur en AG chez un patient diabétique, obèse à haut été de lister rapidement les classes
désaturés (monoinsaturés et polyinsa- risque cardiovasculaire. Cette prescrip- d’aliments à haute densité énergétique,
turés), en fonction de leur qualité aro- tion n’est jamais facile. Elle nécessite de remettre cette liste au patient, et
matique et de leur onctuosité, car elles une connaissance précise de la nutri- d’entreprendre dès le départ un traite-
contiennent 85 à 90 % de graisses. tion. En d’autres termes, la nutrition ment pharmacologique associant un ou
Les huiles riches en AG monoinsaturés
(huile d’olive) seraient meilleures pour la
santé que les huiles riches en AG polyin-
saturés (huiles de maïs, de tournesol,
de colza, de soja, de noix). Les huiles
qui contiennent des arômes sont plus
agréables à consommer (olive, noix) que
celles qui en sont dépourvues (huiles de
maïs, de tournesol, de colza, de soja).
Si l’on tient compte de l’ensemble de
ces caractéristiques, l’huile d’olive est
sûrement celle qui possède les meilleurs
atouts en termes de goût et de santé.
– En mangeant des fromages aroma-
tiques en petite quantité plutôt que des
fromages fades en grande quantité.
– En utilisant les arômes du grillé.
Certaines viandes ou certains poissons
ont peu de goût, en particulier lorsqu’il
s’agit de viande ou de poisson maigres.
Il est bien connu que les poissons gras
(maquereaux, sardines) sont plus « forts
en goût » que les poissons maigres, car Figure 6. Différences entre logique formelle et logique de la démarche médicale.
les arômes sont présents majoritairement Dans cette dernière, le caractère probablement vrai d’une proposition n’implique pas forcément que les
dans les parties grasses du poisson. Il en autres propositions soient fausses.

Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2019 - Vol. 13 - N°6


Analyser une situation clinique | Thérapeutique nutritionnelle chez un diabétique de découverte récente... 551

plusieurs antidiabétiques oraux, un anti- traitements médicamenteux dont l’effi- En d’autres termes la logique médicale
hypertenseur et une statine. Le résultat cacité se serait certainement émoussée n’obéit pas aux règles de la logique
le plus probable aurait été une absence au cours du temps pour conduire à des mathématique formelle où toute propo-
de perte de poids au bout de 3 mois. multithérapies médicamenteuses de sition considérée comme vraie implique
Les résultats auraient été probable- plus en plus coûteuses. forcément que toute autre proposition
ment corrects sur certains paramètres • Enfin, nous terminerons cette ana- est fausse. En médecine, une propo-
biologiques (glycémie, HbA1c, cholesté- lyse de cas clinique par une remarque sition qui paraît vraie ne signifie pas
rol), moyens sur la pression artérielle, générale destinée à relativiser toutes qu’une ou des propositions différentes
quasiment nuls sur les triglycérides les recommandations médicales, ne sont pas recevables. Les pres-
et le HDL-C. À distance, l’absence de qu’elles soient nutritionnelles ou phar- criptions nutritionnelles sont plus que
perte de poids aurait certainement macologiques, ce que certains esprits toutes les autres sujettes à ce type de
conduit à une escalade progressive de rigides ont de la difficulté à admettre. remarque illustrée sur la figure 6. Q

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