Vous êtes sur la page 1sur 43

7 - Propriétés électriques des matériaux

L'objectif de ce chapitre consiste à étudier les propriétés


électriques des matériaux, c'est-à-dire leur comportement lors de
l'application d'un champ électrique. Nous allons d'abord étudier le
phénomène de la conduction électrique, les paramètres qui le
définissent, le mécanisme de la conduction par les électrons et la
façon dont la structure des bandes d'énergie électronique d'un
matériau influe sur sa conductibilité, et ce, tant pour les métaux que
pour les semiconducteurs et les isolants. Une attention particulière
sera portée aux caractéristiques des semiconducteurs, puis aux
dispositifs à semiconducteurs. Nous décrirons aussi les
caractéristiques diélectriques des matériaux isolants, avant d'aborder
les phénomènes que sont la ferroélectricité et la piézoélectricité.
7.1 Conduction électrique
7.1.1 Loi d'Ohm
Une des principales caractéristiques électriques d'un matériau
solide est sa capacité à transmettre un courant électrique. La loi
d'Ohm associe le courant I (ou vitesse de passage des charges) à la
tension appliquée V dans l'équation:
V = RI (7 . 1)
où R est la résistance du matériau dans lequel le courant passe. Les
unités de V, I et R sont respectivement le volt (J/C), l'ampère (C/s)
et l'ohm (V/A). La valeur de R varie selon la configuration de
l'échantillon et, dans le cas de nombreux matériaux, est
indépendante du courant. La résistivité p est indépendante de la
forme géométrique de l'échantillon, mais est associée à R :
RS
ρ= (7.2)
l
Dans (7.2), l est la distance entre les deux points retenus pour la
mesure de la tension, S est l'aire de la section transversale
perpendiculaire à la direction du courant et ρ s'exprime en ohm-
mètre ( .m). À partir de la loi d'Ohm et de l'équation 7.2, on
obtient:
VS
ρ= (7.3)
Il

Figure 7.1 – Schéma de l'appareil de mesure de la résistivité électrique.

La figure 7.1 présente un schéma du dispositif servant à mesurer la


résistivité électrique.
7.1.2 Conductibilité électrique
On utilise parfois la conductibilité électrique σ pour décrire le
caractère électrique d'un matériau. Il s'agit simplement de l'inverse
de la résistivité, soit:
1
σ= (7.4)
ρ
qui indique dans quelle mesure un matériau est conducteur d'un
courant électrique ou non. L'unité utilisée pour σ est l'inverse de
l'ohm-mètre, soit ( .m)-1 (ou S/m, siemens par mètre). La description
des propriétés électriques qui suit fait appel tant à la résistivité qu'à
la conductibilité.
La loi d'Ohm (Eq. 7.1 ) s'écrit aussi sous la forme suivante :
J = σE (7.5)
où J est la densité de courant, soit le courant par unité de surface de
l'échantillon I/A, et E est l'intensité de champ électrique, soit la
différence de tension entre deux points divisée par la distance l qui
les sépare, ou
V
E= (7.6)
l
Les matériaux solides présentent une gamme de conductibilités
électriques dont le rapport entre les valeurs extrêmes est d'environ
1027, rapport sans doute supérieur à celui de toute autre propriété
physique. Selon leur capacité de conduire un courant électrique, les
matériaux solides se répartissent en trois groupes: les conducteurs,
les semiconducteurs et les isolants. Les métaux sont de bons
conducteurs car leur conductibilité est de l'ordre de 107 S/m. À
l'autre extrême se trouvent les isolants électriques, des matériaux à
très faible conductibilité, comprise entre 10-10 et 10-20 S/m. Les
matériaux à conductibilité intermédiaire, généralement de 10-6 à 104
S/m. sont les semiconducteurs.
7.1.3 Conduction électronique et ionique
Le courant électrique résulte du déplacement de particules
électriquement chargées sous l'action de forces qui leur sont
appliquées par un champ électrique externe. Les particules à charges
positives sont accélérées dans la direction du champ, tandis que les
particules à charges négatives le sont dans la direction opposée. Dans
la plupart des matériaux solides, la circulation des électrons
engendre un courant: c'est le phénomène de la conduction
électronique. Dans le cas des matériaux ioniques, un déplacement
net d'ions produit aussi un courant: c'est le phénomène de la
conduction ionique.
7.1.4 Structure des bandes d'énergie dans les solides
Seule la conduction électronique se manifeste dans tous les
conducteurs, les semiconducteurs et de nombreux matériaux isolants.
L'ampleur de la conductibilité électrique est étroitement liée au
nombre d'électrons disponibles pour participer au mécanisme de la
conduction. Toutefois, ce ne sont pas tous les électrons d'un atome
qui subiront une accélération en présence d'un champ électrique. Le
nombre d'électrons disponibles pour la conduction électrique dans
un matériau donné est fonction de la configuration des états ou
niveaux d'énergie des électrons et de la façon dont les électrons
occupent ces états. L'examen détaillé de ces questions est complexe
et repose sur certains principes de la mécanique quantique et dépasse
la portée du présent cours; l'exposé à suivre va donc passer sous
silence certains concepts et en simplifier quelques autres.
Les concepts relatifs aux états d'énergie de l'électron, au degré
d'occupation de ces états et à la configuration électronique qui en
résulte au sein d'atomes isolés ont déjà été présentés. Rappelons que
chaque atome possède des niveaux d'énergie discrets que peuvent
occuper des électrons disposés en couches et en sous-couches. On
désigne les couches par des entiers (1, 2, 3, etc.) et les sous-couches
par des lettres (s, p, d et f). Pour chaque sous-couche s, p, d et f, il
existe respectivement un, trois, cinq et sept états possibles. Dans la
plupart des atomes, les électrons n'occupent que les états ayant la
plus faible énergie, avec deux électrons de spin opposé par état,
selon le principe d'exclusion de Pauli. La configuration électronique
d'un atome isolé représente l'arrangement des électrons dans les
états possibles.
L'application de quelques-uns de ces concepts va être étendu aux
matériaux solides. On peut considérer qu'un solide est constitué d'un
grand nombre N d'atomes initialement séparés les uns des autres,
qui vont ensuite se rapprocher et se lier pour former l'arrangement
atomique ordonné qui caractérise les matériaux cristallins. Lorsque
la distance séparant les atomes est relativement grande, chacun
d'eux est indépendant de tous les autres et adopte les niveaux
d'énergie atomique et la configuration électronique propres à un
atome isolé. Le rapprochement mutuel des atomes a pour effet que
les électrons commencent à subir l'action qu'exercent les électrons et
le noyau de chacun des atomes adjacents. Il s'ensuit que tous les
états atomiques distincts peuvent se diviser en un ensemble d'états
électroniques très rapprochés dans le solide et former une bande
d'énergie des électrons. Une telle division a une ampleur variant
selon l'espacement interatomique (Figure 7.2) et s'amorce dans les
couches électroniques extérieures, puisque celles-ci sont les
premières à subir la perturbation qu'entraîne le regroupement des
atomes. Les états d'énergie de chaque bande sont discrets, et la
différence entre deux états adjacents est extrêmement faible. À la
distance d'équilibre, les sous-couches d'électrons les plus près du
noyau ne forment pas de bande, comme le montre la figure 7.3b. De
plus, il peut y avoir des bandes interdites entre des bandes
adjacentes, comme le montre aussi cette figure, auquel cas les
électrons ne peuvent pas occuper les états d'énergie se trouvant dans
ces bandes interdites. La figure 7.3a illustre la façon traditionnelle
de représenter la structure des bandes d'énergie électronique dans
les solides.

Figure 7.2 - Courbes de l'énergie des électrons en fonction de la distance


interatomique dans un agrégat de 12 atomes (N= 12). Lorsque les atomes sont
très rapprochés, chacun des états atomiques 1s et 2s se divise pour former une
bande d'énergie électronique consistant en 12 états.

Distance
Distance interatomiques interatomique
à l'équilibre
Figure 7.3 - a) Représentation de la structure des bandes d'énergie
électronique d'un matériau solide lorsque la distance interatomique est à
l'équilibre. b) Energie des électrons en fonction de la distance interatomique
dans un agrégat d'atomes qui illustre la façon d'obtenir la structure des bandes
d'énergie à la distance d'équilibre en a).
Le nombre d'états de chaque bande est égal au nombre total de
tous les états auxquels les N atomes contribuent, Par exemple, une
bande s sera composée de N états, et une bande p, de 3N états.
Chaque état d'énergie peut accueillir deux électrons dont les spins
doivent être opposés. De plus, les bandes contiennent les électrons
qui se trouvaient dans les niveaux correspondants des atomes isolés:
ainsi, une bande d'énergie 4s dans un solide contient les électrons 4s
des atomes isolés. Bien entendu, certaines bandes sont inoccupées et
d'autres peuvent n'être que partiellement occupées.

Figure 7.4 - Schémas des structures de bandes électroniques possibles dans les
solides à 0 K. a) Structure de bandes électroniques observée dans des métaux
tels que le cuivre, où des états électroniques sont disponibles au-dessus et à
côté d'états occupés dans la même bande. b) Structure de bandes
électroniques présente dans des métaux tels que le magnésium, où des
bandes extérieures occupée et inoccupée se chevauchent. c) Structure de
bandes électroniques caractéristique des isolants, où une bande interdite
relativement large (> 2 eV) sépare la bande de valence occupée et la bande de
conduction inoccupée. d) Structure de bandes électroniques propre aux
semiconducteurs, où l'étroitesse relative (< 2 eV) de la bande interdite constitue
la seule différence par rapport à la structure des isolants.

Les propriétés électriques d'un matériau solide découlent de sa


structure de bandes électroniques, c'est-à-dire de l'arrangement de
ses bandes électroniques extérieures et de la façon dont elles sont
occupées par des électrons.
À 0 K, quatre types de structures de bandes sont possibles. Dans
le premier type (Figure 7.4a), une bande extérieure est partiellement
occupée par des électrons. L'énergie correspondant à l'état occupé le
plus élevé à 0 K est appelée énergie de Fermi EF. Cette structure de
bandes d'énergie se retrouve dans certains métaux, notamment ceux
qui possèdent un seul électron de valence s, comme le cuivre. Si
chaque atome de cuivre a un électron 4s, la bande 4s d'un solide
comportant N atomes peut toutefois accueillir 2N électrons. Ainsi,
seule la moitié des positions électroniques disponibles dans cette
bande 4s sont occupées.
Le deuxième type de structure de bandes s'observe aussi dans les
métaux (figure 7.4b) et se caractérise par le chevauchement d'une
bande inoccupée et d'une bande occupée. Il se retrouve dans le
magnésium, dont chaque atome isolé possède deux électrons 3s.
Cependant, les bandes 3s et 3p se chevauchent lorsque se forme un
solide, auquel cas l'énergie de Fermi, à 0 K. correspond à l'énergie au-
dessous de laquelle N états dans N atomes sont occupés, avec deux
électrons par état.
Les deux autres types de structures de bandes sont analogues, en
ce qu'une bande (la bande de valence) complètement occupée par des
électrons est séparée d'une bande de conduction inoccupée par une
bande interdite. L'énergie des électrons des matériaux très purs ne
peut prendre aucune valeur située dans cette bande interdite. Ces
deux types de structures de bandes diffèrent par la largeur de la bande
interdite : celle-ci est relativement large dans les isolants (figure 7.4c)
et sensiblement plus étroite dans les semiconducteurs (figure 7.4d).
L'énergie de Fermi de ces deux structures de bandes réside près du
centre de la bande interdite.
7.1.5 Conduction selon des modèles de bandes et de liaisons
atomiques
Il s'avère indispensable d'expliciter une autre notion essentielle:
les seuls électrons sur lesquels peut s'exercer une action et pouvant
être accélérés en présence d'un champ électrique sont ceux dont
l'énergie est supérieure à l'énergie de Fermi. Ce sont précisément ces
électrons, dits électrons libres, qui participent à la conduction. Les
semiconducteurs et les isolants renferment une autre entité
électronique chargée, le trou. Les trous ont une énergie inférieure à
EF et participent également à la conduction électronique. La
conductibilité électrique est fonction directe du nombre d'électrons
libres et de trous. En outre, c'est sur la base du nombre d'électrons
libres et de trous porteurs de charges que s'établit la différence entre
l es cond u ct eu r s e t l e s n o n -co n d u c te u rs ( i s o l a n t s e t
semiconducteurs).
Métaux
Un électron devient libre s'il est excité ou s'il passe dans un des
états d'énergie inoccupés et disponibles au-dessus de EF. Les métaux
ayant l'une des structures de bandes illustrées à la figure 7.4a ou 7.4b
comportent des états d'énergie inoccupés adjacents à l'état occupé le
plus élevé à EF. Comme le montre la figure 7.5, l'énergie requise pour
faire passer des électrons dans les états inoccupés les moins élevés
est très faible. En général, l'énergie fournie par un champ électrique
suffit pour exciter un grand nombre d'électrons et les faire passer
dans ces états conducteurs.
Figure 7.5 - Occupation dans un métal, d'états électroniques, a) avant et b)
après l'excitation d'un électron.

Figure 7.6 - Occupation dans un isolant ou un semiconducteur, d'états


électroniques, a) avant et b) après l'excitation d'un électron le faisant passer
de la bande de valence à la bande de conduction et produisant un électron
libre et un trou.
Dans le modèle de liaisons métalliques, il a été établi que tous les
électrons de valence sont libres de se déplacer et forment un "gaz
électronique" uniformément réparti dans tout le réseau des noyaux
d'ions. Bien que ces électrons ne soient localement liés à aucun
atome donné, ils doivent subir une excitation quelconque pour
devenir des électrons conducteurs effectivement libres. Ainsi,
l'excitation d'une petite partie de ces électrons donne tout de même
lieu à un nombre relativement élevé d'électrons libres et, par
conséquent, à une forte conductibilité.
Isolants et semiconducteurs
Les isolants et les semiconducteurs ne comportent pas d'états
inoccupés disponibles près du haut de la bande de valence occupée.
Pour devenir libres, les électrons doivent alors passer à travers la
bande interdite et accéder aux états inoccupés dans le bas de la
bande de conduction. Ce passage de l'électron n'est possible que si
lui est fournie une énergie égale à la différence d'énergie entre les
états occupé et inoccupé, soit environ l'énergie Eg de la bande
interdite. La figure 7.6 illustre le mécanisme de cette excitation. La
largeur de la bande interdite de nombreux matériaux est de
plusieurs électron volts. L'énergie d'excitation provient le plus
souvent d'une source non électrique pouvant être thermique ou
parfois lumineuse.
Le nombre d'électrons passant dans la bande de conduction
après avoir subi une excitation thermique (issue d'une source de
chaleur) est fonction de la largeur de la bande interdite et de la
température. À une température donnée, plus E est élevé, plus est
faible la probabilité qu'un électron de valence passe à un état
d'énergie dans la bande de conduction et moins les électrons de
conduction sont nombreux. En d'autres termes, plus la bande
interdite est large, plus la conductibilité électrique à température
donnée est faible. La différence essentielle entre semiconducteurs
et isolants réside donc dans la largeur de la bande interdite : étroite
dans les semiconducteurs, relativement large dans les isolants.
L'augmentation de la température d'un semiconducteur ou d'un
isolant se traduit par une hausse de l'énergie thermique disponible
pour l'excitation des électrons et par un plus grand nombre
d'électrons passant dans la bande de conduction, ce qui accroît la
conductibilité.
La conductibilité des isolants et des semiconducteurs peut
également s'inscrire dans la perspective des modèles de liaisons
atomiques décrits précédemment. Les liaisons inter-atomiques dans
les matériaux isolants sont ioniques ou fortement covalentes. Les
électrons de valence sont donc étroitement liés aux atomes ou
partages par ceux-ci. En d'autres termes, ils sont fortement localisés
et ne sont certainement pas libres de se déplacer dans le cristal. Par
contre, les liaisons dans les semiconducteurs sont entièrement ou
principalement covalentes et relativement faibles, ce qui signifie
que les électrons de valence sont moins étroitement liés aux
atomes. Par conséquent, ces électrons sont plus faciles à déplacer
par excitation thermique que ne le sont les électrons des isolants.
7.1.6 - Mobilité des électrons
Un champ électrique exerce une force sur les électrons libres et
leur imprime une accélération en direction opposée à celle du
champ en raison de leur charge négative. La mécanique quantique
Figure 7.7- Illustration du mouvement d'un
électron dévié par des diffusions.

nous fait savoir que l'interaction entre un électron accéléré et des


atomes est nulle dans un réseau cristallin parfait. Dans de telles
circonstances, tous les électrons libres devraient accélérer tant que
le champ électrique est appliqué, ce qui donnerait lieu à un courant
électrique toujours plus intense avec le temps. Nous savons
pourtant qu'un courant devient constant dès l'application d'un
champ, ce qui révèle la présence de "forces de frottement"
s'opposant à l'accélération due au champ extérieur. Ces forces de
frottement résultent de la diffusion d'électrons par des
imperfections dans le réseau cristallin, qu'il s'agisse d'atomes
d'impuretés, de lacunes, d'atomes interstitiels, de dislocations ou
même de vibrations thermiques des atomes eux-mêmes. Un
électron perd de l'énergie cinétique et subit un changement de
direction après chaque événement de diffusion, comme le montre la
figure 7.7. Il subsiste cependant un déplacement net d'électrons en
direction opposée à celle du champ, et ce mouvement des charges
engendre le courant électrique. La diffusion constitue une
résistance au passage d'un courant électrique. Plusieurs paramètres
servent à déterminer l'ampleur de cette diffusion, dont la vitesse de
dérive et la mobilité d'un électron. La vitesse de dérive vd
représente la vitesse moyenne d'un électron se déplaçant dans la
direction de la force imposée par le champ appliqué et est
directement proportionnelle au champ électrique:
vd = μe E (7.7)
La constante de proportionnalité μe correspond à la mobilité d'un
électron, qui indique la fréquence des diffusions, et s'exprime en
mètres carrés par volt-seconde (m2/V.s).
La conductibilité σ de la plupart des matériaux est donnée par:
σ = n e μe (7.8)
où n est le nombre d'électrons libres ou d'électrons de conduction
par unité de volume (tel le mètre cube) et e la valeur absolue de
la charge électrique d'un électron (1,6 x 10-19 C). La conductibilité
électrique est donc proportionnelle au nombre d'électrons libres et à
la mobilité des électrons.
7.1.7 - Résistivité électrique des métaux
La plupart des métaux sont d'excellents conducteurs d'électricité.
Le tableau 7.1 donne la valeur de la conductibilité à température
ambiante de plusieurs des métaux les plus courants. Rappelons que
la grande conductibilité des métaux est due au grand nombre
d'électrons libres excités passés dans les états inoccupés situés au-
dessus de l'énergie de Fermi, ce qui explique la grande valeur de n
dans l'expression de la conductibilité (équation 7.8).
Puisque les défauts cristallins constituent autant de centres de
diffusion pour les électrons de conduction dans les métaux, il
s'ensuit que la résistivité s'accroît (ou que la conductibilité diminue)
lorsque ces défauts sont plus nombreux. Leur concentration varie
en fonction de la température, de la composition et du degré
d'écrouissage d'un échantillon métallique.
Des expériences ont révélé que la résistivité totale d'un métal est
égale à la somme des contributions provenant des vibrations
thermiques, des impuretés et de la déformation plastique, c'est-à-
dire que les mécanismes de diffusion agissent indépendamment l'un
de l'autre, comme le traduit l'expression suivante:
ρtotale = ρt + ρi + ρd (1.9)
où ρt , ρi et ρd représentent respectivement les contributions des
vibrations thermiques, des impuretés et de la déformation plastique
à la résistivité. L'équation 7.9 est parfois appelée règle de
Matthiessen. L'incidence de chaque variable ρ sur la résistivité
totale est illustrée à la figure 7.8 par les courbes de résistivité en
fonction de la température dans le cas du cuivre et de plusieurs
alliages cuivre-nickel recuits ou déformés. Le caractère additif des
contributions distinctes à la résistivité y est montré à -100 °C.
Tableau 7.1 – Conductibilité électrique à température ambiante de
métaux et alliages courants.
Métal Conductibilité Métal Conductibilité
électrique (S/m) électrique (S/m)
Argent 6,8 x 107 Laiton (70 Cu-30 Zn) 1,6 x 107
Cuivre 6,0 x 107 Platine 0,94 x 107
Or 4,3 x 107 Acier au carbone ordinaire 0,6 x 107
Aluminium 3,8 x 107 Acier inoxydable 0,2 x 107
Fer 1,0 x 107

Figure 7.8 - Résistivité électrique


en fonction de la température dans
le cas du cuivre et de trois alliages
cuivre-nickel dont un a été
déformé. Les contributions des
vibrations thermiques, des
impuretés et de la déformation à la
résistivité sont indiquées à -100 °C.

Incidence de la température
La résistivité du cuivre pur et des alliages cuivre-nickel indiqués
à la figure 7.8 augmente proportionnellement à la température au-
dessus d'environ -200 °C. Ainsi,
ρt = ρ0 + aT (7.10)
où ρ0 et a sont des constantes propres à chaque métal. Cette relation
entre la résistivité thermique et la température résulte de
l'augmentation, avec la température, des vibrations thermiques et
d'autres irrégularités réticulaires (comme des lacunes), qui
constituent des centres de diffusion des électrons.
Incidence des impuretés
Lorsqu'une seule impureté formant une solution solide est ajoutée,
la résistivité ρi de cette impureté est fonction de sa concentration ci
exprimée en proportion d'atomes (%at/100), selon l’expression :
ρi = Aci(1 − ci) (7.11)

Figure 7.9 – Résistivité électrique


à la température ambiante en
fonction de la composition des
alliages cuivre-nickel.

Composition (%m de Ni)

Dans le cas d'un alliage à deux phases, α et β, la résistivité se


détermine approximativement à l'aide de la règle des mélanges
suivante:
ρi = ραVα + ρβVβ (7.12)
où les V et les ρ représentent les fractions volumiques et les
résistivités spécifiques des phases respectives.
Incidence de la déformation plastique
À l'origine d'une augmentation des dislocations diffusant des
électrons, la déformation plastique élève donc elle aussi la résistivité
électrique. La figure 7.8 présente également l'effet de la déformation
sur la résistivité.
7.1.8 - Alliages à usage commercial
Les propriétés électriques et autres du cuivre en font le
conducteur métallique le plus largement répandu. On produit du
cuivre exempt d'oxygène à haute conductibilité, à teneur
extrêmement faible en oxygène et en autres impuretés, aux fins de
très nombreuses applications électriques. L'aluminium, dont la
conductibilité est environ moitié moindre que celle du cuivre, sert
aussi fréquemment de conducteur électrique. La conductibilité de
l'argent est supérieure à celle du cuivre et de l'aluminium, mais son
coût en restreint l'usage en ce sens.
Il s'avère parfois nécessaire d'améliorer la résistance mécanique
d'un alliage métallique sans en affaiblir sensiblement la
conductibilité électrique. La constitution d'un alliage en solution
solide et l'écrouissage améliorant la résistance au détriment de la
conductibilité, il faut trouver un compromis acceptable en ce qui
concerne ces deux propriétés. On augmente le plus souvent la
résistance en introduisant une deuxième phase qui n'a pas
d'incidence aussi négative sur la conductibilité. Par exemple, les
alliages cuivre-béryllium sont durcis par précipitation, mais leur
conductibilité est environ cinq fois moindre que celle du cuivre très
pur.
Certaines applications, telles que la fabrication des éléments
chauffants des fours, exigent une grande résistivité électrique.
L'énergie que perdent les électrons qui sont diffusés se dissipe sous
forme de chaleur. De tels matériaux doivent non seulement avoir une
forte résistivité, mais aussi résister à l'oxydation à température
élevée et, bien sûr, posséder un point de fusion élevé. On utilise
couramment le ni chrome, un alliage nickel-chrome, dans les
éléments chauffants.
7.2. Semi-conductibilité
La conductibilité électrique des matériaux semiconducteurs n'est
pas aussi prononcée que celle des métaux, mais leurs
caractéristiques électriques uniques les rendent particulièrement
utiles. Les propriétés électriques de ces matériaux sont très
étroitement liées à la présence de concentrations même minimes
d'impuretés. Le comportement électrique d'un semiconducteur
intrinsèque repose sur la structure électronique inhérente au
matériau pur. Lorsque les propriétés électriques sont déterminées
par la présence d'atomes d'impuretés, le semiconducteur est dit
extrinsèque.
7.2.1 - Semi-conduction intrinsèque
La figure 7.4d illustre la structure de bandes électroniques qui
caractérise les semiconducteurs intrinsèques: à 0 K, une bande de
valence entièrement occupée est séparée d'une bande de conduction
inoccupée par une bande interdite relativement étroite et
généralement inférieure à 2 eV. Les deux éléments semiconducteurs
sont le silicium (Si) et le germanium (Ge), dont l'énergie de la bande
interdite est respectivement de 1,1 eV et 0,7 eV environ. Les deux
appartiennent au groupe IVA du tableau périodique et sont liés par
covalence. De plus, une multitude de composés semiconducteurs
ont aussi un comportement intrinsèque. De tels composés résultent
de la réunion d'éléments des groupes IIIA et VA, l'arséniure de
gallium (GaAs) et l'antimoniure d'indium (InSb), par exemple, et
sont souvent appelés composés III-V. Les composés faits d'éléments
des groupes IIB et VIA se comportent aussi comme des
semiconducteurs, tels le sulfure de cadmium (CdS) et le tellurure de
zinc (ZnTe). Plus les deux éléments formant ces composés sont
distants l'un de l'autre dans le tableau périodique (leurs
électronégativités deviennent alors plus dissemblables), plus les
liaisons atomiques deviennent ioniques et plus la bande interdite
s'élargit, et les matériaux deviennent plus isolants. Le tableau 1.2
indique la bande interdite de quelques composés semiconducteurs.

Tableau 7.2 - Énergie de la bande interdite, mobilité des Électrons et des


trous et conductibilité électrique intrinsèque à la température ambiante de
matériaux semiconducteurs.

Concept de trou
Dans les semiconducteurs intrinsèques, le passage de chaque
électron excité dans la bande de conduction se traduit par l'absence
d'un électron dans une des liaisons covalentes ou, dans la structure
des bandes, par un état électronique inoccupé dans la bande de
valence (Figure 7.6b). Sous l'influence d'un champ électrique, on
peut interpréter le déplacement de la position de cet électron
manquant dans le réseau cristallin comme s'il résultait du mouvement
des autres électrons de valence qui comblent sans cesse la liaison
incomplète (figure 7.10). On peut alors considérer un électron
manquant de la bande de valence comme une particule à charge
positive portant le nom de trou. On pose qu'un trou a une charge
d'ampleur identique à celle d'un électron, mais de signe contraire
(+1,6 x 10-19 C). Ainsi, en présence d'un champ électrique, les
électrons excités et les trous se déplacent dans des directions
opposées. Par ailleurs, les imperfections réticulaires des
semiconducteurs ont pour effet de diffuser des électrons et des
trous.

Figure 7.10 - Modèle de conduction électrique par liaisons


électroniques dans du silicium intrinsèque: a) avant l'excitation,
b) et c) après l'excitation (déplacements d'un électron libre et
d'un trou sous l'action d'un champ électrique extérieur).
Conductibilité intrinsèque
Puisqu'un semiconducteur intrinsèque contient deux types de
porteur de charge (des électrons libres et des trous), l'expression de
la conduction électrique (équation 7.8) doit être modifiée ainsi afin
d'inclure un terme rendant compte de la contribution du courant
associé aux trous :
σ = n e μe + p e μp (7.13)
où p est le nombre de trous par unité de volume et µp identifie la
mobilité des trous.
Dans les semiconducteurs, la valeur de µp est toujours inférieure à
celle de µe. Dans le cas des semiconducteurs intrinsèques, chaque
électron passant de l'autre côté de la bande interdite laisse derrière
lui un trou dans la bande de valence.
On a alors :
n = p (7.14)
et
σ = n e (μe + μp) = p e (μe + μp) (7.15)
Le tableau 7.2 donne aussi la conductibilité intrinsèque et la
mobilité des électrons et des trous, à la température ambiante, de
plusieurs matériaux semiconducteurs.
7.2.2 - Semi-conduction extrinsèque
Presque tous les semiconducteurs à usage commercial sont
extrinsèques, ce qui signifie que leur comportement électrique est
déterminé par des impuretés qui, même en concentrations minimes,
sont à l'origine d'électrons ou de trous excédentaires. Par exemple,
même une concentration équivalant à un atome d'impureté sur I0l2
atomes suffit à rendre extrinsèque du silicium à la température
ambiante.
Semi-conduction extrinsèque de type n
Le silicium servira de nouveau à illustrer la semi-conduction
extrinsèque. Un atome de Si possède quatre électrons, dont chacun
est en liaison covalente avec un des quatre atomes adjacents de Si.
On y ajoute maintenant, à titre d'impureté de substitution, un atome
d'impureté de valence 5, soit un atome des éléments du groupe VA
du tableau périodique (par exemple P, As ou Sb). Seuls quatre des
cinq électrons de valence de ces atomes d'impureté peuvent
participer à la liaison puisqu'il n'y a que quatre liaisons possibles
avec les atomes voisins. L'électron excédentaire est ici faiblement
lié à la région entourant l'atome d'impureté par une légère attraction
électrostatique, comme le montre la figure 7.11a. L'énergie de
liaison de cet électron étant relativement peu prononcée (de l'ordre
de 0,01 eV), il est facile à retirer de l'atome d'impureté et devient
ensuite un électron libre ou conducteur (figures 7.11b et 7.11c).
On peut se représenter l'état d'énergie d'un tel électron à partir du
schéma des bandes d'énergie électronique. Les électrons faiblement
liés possèdent un seul niveau d'énergie, ou état d'énergie, qui se
trouve dans la bande interdite et juste sous le bas de la bande de
conduction (Figure 7.12a). L'énergie de liaison de l'électron
correspond à l'énergie requise pour exciter l'électron afin de le faire
passer de l'un de ces états d'impureté à un état au sein de la bande de
conduction. Chaque excitation (Figure 7.12b) apporte un seul
électron à la bande de conduction; une impureté de ce type porte le
nom de donneur. Puisque chaque électron donneur est excité à partir
d'un niveau d'impureté, aucun trou correspondant n'est créé dans la
bande de valence.

Figure 7.11 - Modèle de semi-conduction extrinsèque de type n (liaison


électronique). a) Un atome d'impureté comme le phosphore, à cinq électrons de
valence, peut se substituer à un atome de silicium. Il en résulte un électron de
liaison supplémentaire, qui est lié à l'atome d'impureté et tourne autour de lui. b)
Excitation engendrant un électron libre. c) Déplacement de cet électron libre par
suite de l'application d'un champ électrique.

Figure 7.12 - Modèle de semi-conduction extrinsèque de type n (liaison


électronique). a) Un atome d'impureté comme le phosphore, à cinq électrons de
valence, peut se substituer à un atome de silicium. Il en résulte un électron de
liaison supplémentaire, qui est lié à l'atome d'impureté et tourne autour de lui. b)
Excitation engendrant un électron libre. c) Déplacement de cet électron libre par
suite de l'application d'un champ électrique.
À la température ambiante, l'énergie thermique disponible suffit à
exciter un grand nombre d'électrons à partir d'états donneurs; il se
produit aussi quelques transitions intrinsèques de la bande de valence
à la bande de conduction, comme le montre la figure 7.6b, mais en
quantité négligeable. Le nombre d'électrons dans la bande de
conduction est ainsi nettement supérieur au nombre de trous dans la
bande de valence (n >> p), et la valeur du premier terme du membre
de droite de l'équation 7.13 rend négligeable le deuxième terme :
σ ≅ n e μe (7.16)
Un tel matériau est qualifié de semiconducteur extrinsèque de type
n. Les électrons constituent les porteurs majoritaires en raison de leur
densité ou de leur concentration, tandis que les trous forment les
porteurs de charge minoritaires. L'énergie de Fermi des
semiconducteurs de type n est décalée vers le haut dans la bande
interdite, à proximité de l'état donneur, et sa position exacte est
fonction de la température et de la concentration du donneur.
Semi-conduction extrinsèque de type p
L'ajout au silicium ou au germanium d'impuretés de substitution
trivalentes telles que l'aluminium, le bore et le gallium, du groupe
IIIA du tableau périodique, produit l'effet opposé. Une des liaisons
covalentes de chacun de ces atomes est à court d'un électron, et cet
électron manquant peut être assimilé à un trou faiblement lié à
l'atome d'impureté. Ce trou peut être libéré de l'atome d'impureté par
suite du transfert d'un électron provenant d'une liaison adjacente,
comme le montre la figure 7.13. Essentiellement, l'électron et le trou
permutent. Un trou qui se déplace est dit excité et participe à la
conduction d'une manière analogue à celle d'un électron donneur
excité.
Les excitations extrinsèques, lors desquelles sont produites des
trous, peuvent aussi être représentées au moyen d'un modèle de
bandes. Chaque atome d'impureté de ce type engendre un niveau
d'énergie dans la bande interdite, immédiatement au-dessus de la
bande de valence (Figure 7.14a). Un trou apparaît dans la bande de
valence lorsqu'un électron qui s'y trouvait passe, en conséquence de
l'excitation thermique, dans un tel état d'impureté (Figure 7.14b).
Figure 7.13 - Modèle de semi-conduction extrinsèque de type p (liaison
d'électrons). a) Un atome d'impureté tel que le bore, à trois électrons de
valence, peut se substituer à un atome de silicium. Il en résulte un déficit d'un
électron de valence, ou un trou associé à l'atome d'impureté. b) Déplacement
de ce trou sous l'action d'un champ électrique.

Figure 7.14 - a) Schéma des bandes d'énergie dans le cas d'un niveau
d'impureté accepteur situé dans la bande interdite et immédiatement au-dessus
de la bande de valence. b) Excitation d'un électron le faisant passer dans la
niveau accepteur et laissant un trou dans la bande de valence.

Cette transition ne produit qu'un porteur, soit un trou dans la


bande de valence, et ne donne pas lieu à un électron libre dans le
niveau d'impureté ni dans la bande de conduction. Une telle impureté
porte le nom d'accepteur, parce qu'elle est susceptible d'accepter
un électron de la bande de valence en y laissant un trou. De même,
le niveau d'énergie dans la bande interdite associé à ce type
d'impureté est qualifié d'état accepteur.
Dans ce type de conduction extrinsèque, la concentration des trous
est beaucoup plus élevée que celle des électrons (donc p >> n) et un
matériau est alors dit de type p parce que ce sont des particules
chargées positivement qui assurent la conduction électrique. Les
trous constituent les porteurs majoritaires et la concentration des
électrons est plus faible. Dans un tel cas, c'est le deuxième terme du
membre de droite de l'équation 7.13 qui prédomine, soit:
σ ≅ p e μh (7.17)
Pour les semiconducteurs de type p, le niveau de Fermi se situe
dans la bande interdite, près du niveau accepteur.
Les semiconducteurs extrinsèques de type n et de type p sont
fabriqués à partir de matériaux extrêmement purs: la teneur générale
en impuretés est de l'ordre de 10-7 %at. Divers procédés permettent
l'ajout de donneurs ou d'accepteurs spécifiques en concentrations
préétablies. En ce qui concerne les matériaux semiconducteurs, ce
procédé d'alliage est appelé dopage.
L'énergie thermique disponible à la température ambiante donne
lieu à un grand nombre de porteurs de charge (des électrons ou des
trous, selon le type d'impureté) dans les semiconducteurs
extrinsèques, qui acquièrent ainsi une conductibilité électrique
relativement élevée à la température ambiante. La plupart de ces
matériaux sont consacrés à la fabrication de dispositifs
électroniques fonctionnant aux conditions ambiantes.
7.2.3 - Variation de la conductibilité et de la
concentration des porteurs avec la température
La figure 7.15 présente les courbes (logarithme) de la
conductibilité électrique en fonction du logarithme de la température
absolue dans le cas du silicium intrinsèque et du silicium dopé à des
concentrations de 0,0013 %at et 0,0052 %at de bore, qui est un
accepteur dans le silicium. Il faut noter dans cette figure que la
conductibilité électrique intrinsèque du matériau s'accroît fortement
avec la température. Par ailleurs, le nombre d'électrons et de trous
augmente avec la température en raison de la plus grande quantité
d'énergie thermique disponible pour exciter les électrons et les faire
passer de la bande de valence à la bande de conduction. Les valeurs
de n et de p dans l'expression de la conductibilité intrinsèque
(équation 7.15) sont par conséquent plus élevées. La mobilité des
électrons et des trous diminue légèrement avec la température parce
que les vibrations thermiques suscitent une dispersion accrue des
électrons et des trous. Néanmoins, la diminution de µe et µh ne
contrebalance pas l'augmentation de n et de p. et l'effet net d'une
hausse de température demeure l'augmentation de la conductibilité.

Figure 7.15 - Variation de la conductibilité électrique en fonction de la


température (échelles logarithmiques) dans le cas du silicium intrinsèque et du
silicium dopé au bore selon deux concentrations.

L'expression mathématique de la variation de la conductibilité


intrinsèque σ en fonction de la température absolue T est :
Eg
lnσ = C − (7.18)
2kT
C est une constante indépendante de la température, Eg est l'énergie
de la bande interdite, et k est la constante de Boltzmann. Étant
donné que l'augmentation de n et de p avec la température est
tellement plus prononcée que la diminution de µe et µh, la relation
entre la concentration de porteurs et la température pour le
comportement intrinsèque est à peu près la même que dans le cas de
la conductibilité, soit:
Eg
ln n = lnp = C′ − (7.19)
2kT
Le paramètre C' est une constante indépendante de la température et
qui diffère de C dans l'équation 7.18.
Compte tenu de l'équation 7.19, il est également possible de
représenter la variation du comportement électrique des
semiconducteurs en fonction de la température sous la forme du
rapport entre le logarithme naturel des concentrations d'électrons et
de trous et l'inverse de la température absolue. La figure 7.16
présente les courbes d'un tel rapport, établies à partir de données
tirées de la figure 7.15, et révèle que la courbe du matériau
intrinsèque prend la forme d'une droite rectiligne. De telles courbes
facilitent le calcul de l'énergie de la bande interdite. Selon l'équation
7.19, et comme l'indique la courbe de la figure 7.17, la pente de
cette droite rectiligne est -Eg/2k, et Eg se détermine par:
∆ lnp ∆ lnp
Eg = − 2k (1)
= − 2k (1)
(7.20).
∆ T
∆ T
Les figures 7.15 et 7.16 révèlent également que, à une
température inférieure à environ 800 K (527 °C), les matériaux
dopés au bore sont extrinsèques de type p, c'est-à-dire que presque
tous les trous porteurs résultent d'excitations extrinsèques et de
transitions d'électrons de la bande de valence au niveau accepteur
du bore, qui laissent des trous dans la bande de valence (Figure
7.14). L'énergie thermique disponible à une telle température
conduit à un grand nombre d'excitations, mais ne permet pas à
beaucoup d'électrons de la bande de valence de traverser la bande
interdite. La conductibilité extrinsèque est donc nettement
supérieure à celle du matériau intrinsèque. Par exemple, à 400 K
(127 °C), la conductibilité du silicium intrinsèque et du silicium
extrinsèque dopé à 0,0013 %at de bore est respectivement de 10-2 et
600 S/m (Figure 7.15). Cette comparaison illustre que même des
concentrations extrêmement faibles d'éléments d'impureté ont une
incidence sur la conductibilité.
Comme le montre la figure 7.15, la conductibilité extrinsèque
varie aussi en fonction de la température, dans le cas des deux
matériaux dopés au bore. À partir d'environ 75 K (-200 °C), la
conductibilité augmente d'abord avec la température, atteint un
maximum, puis décroît légèrement avant de devenir intrinsèque, ou,
par rapport à la concentration de porteurs (c'est-à-dire de trous),
ln(p) augmente d'abord linéairement avec la diminution de l/T (ou
avec l'augmentation de T). Un grand nombre d'excitations
extrinsèques demeurent possibles même à une température
relativement basse, puisque le niveau accepteur se situe
immédiatement au-dessus du haut de la bande de valence. Lorsque
la température augmente davantage (1/T diminue), la concentration
des trous devient indépendante de la température (Figure 7.16). À ce
stade, presque tous les atomes de bore ont accepté des électrons de
la bande de valence et sont dits saturés : on parle alors d'une région
de saturation (Figure 7.17). Les impuretés donneuses deviennent
épuisées au lieu d'être saturées. Le nombre de trous de cette région
est sensiblement le même que le nombre d'atomes d'impuretés
dopantes (ici, du bore).

Figure 7.16 – Concentration


des porteurs (électrons et
trous) en fonction de
l'inverse de la température,
dans le cas du silicium
intrinsèque et de deux
matériaux au silicium dopé
au bore.
Figure 7.17 – Courbe du
logarithme naturel de la
concentration de trous en
fonction de l'inverse de la
température absolue, dans le
cas d'un semiconducteur de
type p ayant un comportement
extrinsèque, saturé et
intrinsèque.

La diminution de la conductibilité avec l'augmentation de la


température au sein de la région de saturation qui caractérise les
deux courbes extrinsèques de la figure 7.15 s'explique par une
moindre mobilité des trous liée à la hausse de la température. Dans
l'expression de la conductibilité extrinsèque que donne l'équation
7.17, e et p sont indépendants de la température dans cette région et
la seule relation avec la température provient de la mobilité.
Il faut également noter, dans les figures 7.15 et 7.16, que la
conductibilité des deux matériaux dopés au bore devient intrinsèque
à environ 800 K (527 °C). Au début du comportement intrinsèque,
le nombre de transitions intrinsèques de la bande de valence à la
bande de conduction devient supérieur au nombre de trous d'origine
extrinsèque.
Soulignons aussi l'incidence de la teneur en accepteurs de bore
sur le comportement électrique du silicium: d'abord, la
conductibilité extrinsèque, la conductibilité de saturation et les
concentrations de trous sont plus élevées dans le matériau ayant la
plus forte teneur en bore (Figures 7.15 et 7.16), comme le laissait
prévoir la présence d'un plus grand nombre d'atomes de B donnant
lieu aux trous, puis la température intrinsèque initiale augmente
avec la teneur en matériaux dopants.
7.2.4 - Effet Hall

Figure 7.18 – Représentation


schématique de l'effet Hall. Les
porteurs de charges positives ou
négatives qui font partie du courant
Ix sont déviés par le champ
magnétique B. et engendrent la
tension de Hall V.

Il est parfois souhaitable de connaître le type, la concentration et


la mobilité du porteur de charges majoritaire. Puisqu'une simple
mesure de la conductibilité électrique ne le permet pas, il faut aussi
procéder à une expérience d'effet Hall. L'effet Hall se manifeste dès
lors qu'un champ magnétique appliqué perpendiculairement à la
direction du déplacement d'une particule chargée exerce sur la
particule une force qui est perpendiculaire à la fois au sens du
champ magnétique et à la direction du déplacement de la particule.
Pour expliquer l'effet Hall, utilisons l'échantillon en forme de
parallélépipède illustré à la figure 7.18, dont un sommet se trouve sur
l'origine d'un graphe cartésien. Sous l'action d'un champ électrique
externe, les électrons et les trous se déplacent dans la direction des x
et donnent naissance à un courant Ix. Lorsqu'un champ magnétique
B est appliqué dans la direction des z positifs, la force résultante
s'exerçant sur les porteurs de charges les dévie dans la direction des y
et amène les trous (porteurs de charges positives) vers le côté droit de
l'échantillon, et les électrons (porteurs de charges négatives) vers le
côté gauche, comme le montre la figure. Il se crée ainsi une tension,
appelée tension de Hall ou VH, dans la direction des y. La valeur de
VH varie en fonction de Ix, de Bz et de l'épaisseur d de l'échantillon
comme suit:
RH Ix Bz
VH = (7.21)
d
où Ru est le coefficient de Hall, qui prend une valeur constante pour un
matériau donné. Dans les métaux, où la conduction est assurée par les
électrons, RH est négatif et s'exprime ainsi:
1
RH = (7.22)
n e
On peut donc calculer la valeur de n, dans la mesure où RH peut
être établi à l'aide de l'équation 1.21 et où la valeur de la charge e
d'un électron est connue. De plus, les équations 7.8 et 7.22 donnent
pour la mobilité des électrons µe
σ
μe = (7.23a)
n e
μe = RH σ (7.23b)
On peut donc calculer la valeur de µe si la conductibilité σ a aussi
été mesurée.
Dans le cas des semiconducteurs, la façon de déterminer le
porteur majoritaire et le calcul de la concentration et de la mobilité
des porteurs sont plus complexes.
7.2.5 - Dispositifs à semiconducteurs
Les propriétés électriques uniques des semiconducteurs les
rendent très utiles dans des dispositifs remplissant des fonctions
électroniques particulières. Les diodes et les transistors constituent
deux exemples familiers de tels dispositifs. La petite taille, la faible
consommation d'énergie et la capacité opérationnelle immédiate des
dispositifs à semiconducteurs (parfois appelés dispositifs à l'état
solide) ne représentent que quelques-uns des avantages qu'ils offrent.
Un très grand nombre de circuits extrêmement petits, dont chacun
comporte une multitude de dispositifs électroniques, peuvent être
intégrés sur une petite puce de silicium. La mise au point de dispositifs
à semiconducteurs, à l'origine des circuits miniaturisés, a débouché
sur l'apparition et la croissance extrêmement rapide de nombreuses
industries nouvelles depuis quelques années.
Redresseur de courant p-n
Un redresseur, ou diode, est un dispositif électronique
contraignant le courant à ne circuler que dans une seule direction,
comme le fait un redresseur transformant un courant alternatif en un
courant continu. Le redresseur de courant p-n est fabriqué à partir
d'un seul semiconducteur dopé de façon à être de type n sur un côté
et de type p sur l'autre (Figure 1.19a). La jonction de pièces de
matériaux de type n et de type p donne lieu à un piètre redresseur,
car la présence d'une surface entre les deux pièces rend le dispositif
inefficace. De plus, tous les dispositifs doivent être dotés de
matériaux semiconducteurs monocristallins en raison des
phénomènes électroniques nuisibles au fonctionnement d'un
dispositif qui se produisent aux joints de grains.

Figure 7.19 - Représen-


tation schématique de la
répartition des électrons et
des trous d'un redresseur
de courant p-n dans le cas
a) d'un potentiel électrique
nul, b) d'une polarisation
directe et c) d'une
polarisation inverse.

Avant l'application d'un potentiel à l'échantillon p-n, les trous


constituent les porteurs majoritaires du côté p et les électrons
prédominent du côté n, comme le montre la figure 7.19a. On peut
appliquer un potentiel électrique externe à un redresseur p-n selon
deux polarités différentes. Si on utilise une pile, la borne positive est
reliée au côté p et la borne négative, au côté n, ce qui renvoie à la
polarisation directe. La polarité opposée (borne négative à p et
borne positive à n) est dite polarisation inverse.
La figure 7.19b illustre le comportement des porteurs de charges
après l'application d'un potentiel de polarisation directe. La jonction
p-n attire les trous du côté p et les électrons, du côté n. Lorsque les
électrons et les trous se rencontrent près de la jonction p-n, ils se
recombinent et s'annihilent mutuellement sans cesse de la façon
suivante
électron + trou → énergie (7.24)
La polarisation directe se caractérise donc par le grand nombre
de porteurs de charges qui circulent dans le semiconducteur jusqu'à
la jonction, comme le révèlent la présence d'un courant notable et la
faible résistivité. La moitié droite de la figure 7.20 illustre en
polarisation directe les caractéristiques courant - tension (I-V).

Figure 7.20 - Caractéristiques d'un


redresseur p-n relatives au courant
et à la tension dans le cas de la
polarisation directe et de la
polarisation inverse.

Dans le cas de la polarisation inverse (figure 7.19c), les trous et les


électrons, porteurs majoritaires, s'éloignent rapidement de la jonction
p-n et laissent donc la région autour de la jonction relativement
exempte de porteurs de charges mobiles. La recombinaison est très
limitée, de sorte que la jonction p-n devient très isolante. La figure
7.20 illustre également les caractéristiques I-V de la polarisation
inverse.
Des porteurs de charges (électrons et trous) apparaissent en grand
nombre lorsque la tension de la polarisation inverse est élevée
(parfois de l'ordre de plusieurs centaines de volts). La très rapide
augmentation du courant qui en résulte, appelée claquage, est
illustrée à la figure 7.20.
Transistor
Les transistors, dispositifs à semiconducteurs extrêmement
importants dans les circuits microélectroniques actuels, remplissent
deux fonctions essentielles. Ils amplifient un signal électrique et
jouent dans les ordinateurs un rôle de commutateurs pour le
traitement et le stockage de l'information.
Les deux types de transistors sont le transistor à jonctions (ou
bipolaire) et le MOSFET (metal-oxide-semiconductor field-effect
transistor ou transistor MOS à effet de champ), principalement.
Transistor à jonctions
Le transistor à jonctions comporte deux jonctions p-n disposées
dos à dos selon une configuration n-p-n ou p-n-p. La figure 7.21
offre une représentation schématique d'un transistor à jonctions p-n-p
et du circuit qui l'accompagne. Une très mince région de base de
type n se trouve enclavée entre la région de l'émetteur et la région
du collecteur de type p. Le circuit comprenant la jonction
émetteur-base (jonction 1) se caractérise par une polarisation
directe, alors qu'une tension de polarisation inverse est appliquée à
la jonction base-collecteur (jonction 2).

Figure 7.21 - Schéma d'un transistor à jonctions p-n-p et du circuit qui


l'accompagne, avec les courbes des tensions d'entrée et de sortie en fonction
du temps indiquant l'amplification de la tension.
Figure 7.22 - Répartition et
direction du déplacement
des électrons et des trous
dans un transistor à
jonctions de type p-n-p a)
lorsqu'aucun potentiel n'est
appliqué et b) lors d'une
polarisation adéquate pour
l'amplification de la tension.

La figure 7.22 illustre le fonctionnement lié au déplacement des


porteurs de charges. Puisque l'émetteur est de type p et que la
jonction 1 est en polarisation directe, un grand nombre de trous
entrent dans la région de base. Ces trous sont des porteurs
minoritaires dans la base de type n et quelques-uns s'associent à des
électrons majoritaires. Toutefois, si la base est extrêmement étroite
et que les matériaux semiconducteurs ont été bien préparés, la
plupart de ces trous traversent la base sans se recombiner, passent
dans la jonction 2 et entrent dans la région du collecteur de type p.
Ils font désormais partie du circuit émetteur-collecteur. Une légère
hausse de la tension à l'entrée du circuit émetteur-base suscite une
forte augmentation du courant dans la jonction 2, qui est elle-même
assortie d'une importante augmentation de la tension aux bornes de la
résistance de charge, comme le montre également la figure 7.21.
Ainsi, un signal de tension qui traverse un transistor à jonctions est
amplifié, comme le révèlent les deux courbes de la tension en
fonction du temps apparaissant à la figure 7.21.
Le fonctionnement d'un transistor n-p-n est analogue, sauf que ce
sont des électrons, plutôt que des trous, qui passent dans la base et
entrent dans le collecteur.
MOSFET

Figure 7.23 – Vue en


coupe d'un transistor
MOSFET.

Un des types de MOSFET consiste en deux îlots de


semiconducteur de type p formés dans un substrat de silicium de
type n, comme le montre la section de la figure 7.23, où les îlots sont
joints par un étroit canal de type p. Des connexions métalliques
appropriées (source et drain) sont effectuées sur ces îlots et
l'oxydation superficielle du silicium entraîne la formation d'une
couche isolante de dioxyde de silicium (SiO2). Un connecteur final
(grille) est ensuite façonné sur la surface de cette couche isolante.
Le fonctionnement d'un MOSFET diffère de celui d'un transistor
à jonctions par le fait qu'un seul type de porteur de charges (des
électrons ou des trous) est actif. L'application d'un champ électrique
à la grille fait varier la conductibilité du canal. Par exemple,
l'application d'un champ positif à la grille fait sortir des porteurs de
charges (ici, des trous) du canal et diminuer la conductibilité
électrique. Par conséquent, une légère modification du champ
appliqué à la grille engendre une variation de courant relativement
prononcée entre la source et le drain. À certains égards, le
fonctionnement d'un MOSFET est tout à fait analogue à celui d'un
transistor à jonctions. La principale différence réside dans le fait que
le courant dans la grille est extrêmement faible par rapport au courant
dans la base d'un transistor à jonctions. On utilise donc un MOSFET
lorsque les sources du signal à amplifier ne supportent pas un
courant important.
Semiconducteurs dans les ordinateurs
En plus d'amplifier un signal électrique imposé, les transistors et
les diodes peuvent assurer des fonctions de commutation pour les
opérations arithmétiques et logiques ainsi que le stockage
d'informations qu'effectue un ordinateur. Les nombres qu'utilise ce
dernier et les fonctions qu'il remplit prennent la forme d'un code
binaire, c'est-à-dire de nombres exprimés à base 2. Ainsi, les
nombres sont représentés par une suite de deux états (parfois
désignés 0 et 1). Les transistors et les diodes d'un circuit numérique
font office de commutateurs à deux états: marche et arrêt, ou
conduction et non-conduction. "Arrêt" correspond à un des deux
états numériques binaires, et "marche", à l'autre état. Un nombre est
donc représenté au moyen d'un ensemble d'éléments de circuit
contenant des transistors adéquatement commutés.
Circuits microélectroniques

" "

Figure 7.24 - a) Micro graphie obtenue au microscope électronique à balayage


montrant une petite région d'une puce de microprocesseur (un dispositif
d'adresse spécifique de 0,5 MB). Les régions étroites blanches représentent
une couche d'aluminium superficielle jouant un rôle de connexion dans ce
dispositif. Les régions grises correspondent à du silicium dopé en couches de
diffusion ayant été revêtu d'un diélectrique inter couches. Facteur
d'agrandissement: environ 2000. b) Micrographie optique montrant une partie
d'un circuit servant à vérifier le fonctionnement de puces. Les régions pâles
étroites représentent les connecteurs en aluminium, tandis que les régions
carrées blanches correspondent à des plots de vérification (dispositifs à
semiconducteurs). Les circuits de vérification (aussi composés de dispositifs à
semiconducteurs) apparaissent au coin supérieur gauche de la micrographie.
Facteur d'agrandissement: environ 50.

La généralisation des circuits microélectroniques, qui


renferment des milliers de composants électroniques sur une très
petite surface, a révolutionné le domaine de l'électronique depuis
quelques années. Cette révolution est le fruit du développement de
la technologie aérospatiale et de la nécessité de disposer
d'ordinateurs et de dispositifs électroniques de petite taille qui
consomment peu d'énergie. L'amélioration des procédés de
fabrication et de traitement a entraîné une diminution remarquable
des coûts de production des circuits intégrés, et c'est pourquoi les
ordinateurs personnels sont maintenant à la portée financière d'un si
grand nombre de personnes. Les circuits intégrés se sont déjà
répandus dans d'innombrables appareils et fonctions: calculatrices,
systèmes de communication, montres, production et contrôle
industriels et tous les secteurs de l'industrie de l'électronique.
Des procédés de fabrication ingénieux sont mis à profit pour
assurer une production de masse de circuits microélectroniques bon
marché. Il s'agit d'abord de faire croître des monocristaux
cylindriques de taille relativement grande faits de silicium très pur,
qui sont découpés en tranches circulaires. De nombreux circuits
microélectroniques ou intégrés, parfois appelés "puces", sont mis au
point sur une seule tranche. De forme rectangulaire, une puce fait
habituellement 6 mm de côté et contient des milliers d'éléments de
circuit: diodes, transistors, résistances et condensateurs. Les figures
7.24a et 7.24b présentent des photographies de puces de
microprocesseur à différentes échelles, qui révèlent toute la
complexité des circuits intégrés.
7.3. Conduction électrique des céramiques ioniques et
des polymères
À la température ambiante, la plupart des polymères et des
céramiques ioniques sont des matériaux isolants et possèdent une
structure de bandes d'énergie électronique analogue à celle que
présente la figure 7.4c, où une bande de valence occupée est séparée
d'une bande de conduction inoccupée par une bande interdite
relativement large, habituellement supérieure à 2 eV. C'est pourquoi,
dans de telles conditions, l'énergie thermique disponible ne fait
passer qu'un très petit nombre d'électrons au-delà de la bande
interdite et la conductibilité est très faible. Le tableau 7.3 donne la
conductibilité électrique de quelques matériaux à la température
ambiante, alors que le tableau 7.4 indique la résistivité électrique
d'un grand nombre de céramiques et de polymères. De nombreux
matériaux sont manifestement utilisés en raison de leurs propriétés
isolantes et doivent donc offrir une grande résistivité électrique. La
conductibilité électrique des matériaux isolants augmente avec la
température et peut devenir supérieure à celle des semiconducteurs.

Tableau 7.3 - Conductibilité électrique de 13 matériaux non métalliques à la


température ambiante.
Matériau Conductibilité Matériau Conductibilité
électrique électrique
(S/m) (S/m)
Graphite 3 x l04 – 2 x 105 Polymères
Céramiques Phénol-formaldéhyde 10-9 - 10-10

Béton (sec) 10-9 Polyméthacrylate de < 10-12


méthyle
Verre 10-10 - 10-11 Nylon 6,6 10-12 - 10-13
sodocalcique Polystyrène
Porcelaine 10-10 - 10-12 Polystyrène < 10-14

Verre ~ 10-13 Polyéthylène 10-15 - 10-17


borosiîieaté
Oxyde < 10-13 Polytétrarluoroéthylène < 10-17
d'aluminium
Silice fondue < 10-18

7.3.1 - Conduction des matériaux ioniques


Les cations et les anions des matériaux ioniques possèdent une
charge électrique et peuvent donc migrer ou diffuser en présence
d'un champ électrique. Le mouvement net de ces ions engendre un
courant électrique qui s'ajoute au courant attribuable au déplacement
d'électrons. Les anions et les cations migrent évidemment dans des
directions opposées. La conductibilité totale, σtotale, d'un matériau
ionique est donc égale à la somme des contributions d'origines
électronique et ionique, soit:
σ" totale = σélectronique + σionique (7.25)
L'une ou l'autre des contributions peut prédominer, selon la
nature et la pureté du matériau et, bien sûr, la température.
On peut associer une mobilité u.v à chaque espèce ionique comme
suit:
nieDi
μi = (7.26)
kT
où ni et Di représentent respectivement la valence et le coefficient
de diffusion d'un ion donné. Ainsi, la contribution ionique à la
conductibilité totale augmente avec la température, à l'instar de la
contribution électronique. En dépit de ces deux contributions à la
conductibilité, la plupart des matériaux ioniques constituent des
isolants, même à température élevée.
7.3.2 - Propriétés électriques des polymères
La plupart des polymères sont de mauvais conducteurs de
l'électricité (tableau 7.3) en raison du petit nombre d'électrons libres
pouvant participer à la conduction. Le mécanisme de la conduction
électrique de ces matériaux n'est pas encore bien compris, mais il
semble que la conduction dans les polymères très purs soit de
nature électronique.

Polymères conducteurs
Depuis quelques années, on est parvenu à synthétiser des
polymères ayant une conductibilité électrique analogue à celle des
conducteurs métalliques. C'est pourquoi on les qualifie de
polymères conducteurs. On a déjà produit des polymères de
conductibilité 1,5 x 107 S/m, qui correspond, par rapport au volume,
au quart de la conductibilité du cuivre et, par rapport à la masse, au
double de cette conductibilité.
Ce phénomène a été observé dans plus d'une dizaine de
polymères, dont le poly-acétylène, le polyparaphénylène, le
polypyrrole et la polyaniline dopés aux impuretés appropriées. À
l'instar des semiconducteurs, ces polymères peuvent être de type n (à
électrons libres dominants) ou de type p (à trous dominants), selon
le produit dopant. Mais contrairement aux semiconducteurs, les
atomes ou les molécules d'impureté ne se substituent pas aux
atomes de polymère.
Les polymères très purs possèdent une structure de bandes
électroniques analogue à celle des isolants électriques (Figure 7.4c).
Le mécanisme à l'origine du grand nombre d'électrons libres et de
trous produits dans les polymères conducteurs est complexe et
demeure incompris. Il semble que les atomes dopants suscitent la
formation de nouvelles bandes d'énergie chevauchant la bande de
valence et la bande de conduction du polymère intrinsèque, et
donnent ainsi lieu à une bande partiellement occupée et à une grande
concentration d'électrons fibres ou de trous à la température ambiante.
L'imposition, par des moyens mécaniques ou magnétiques, d'une
orientation aux chaînes de polymère lors de la synthèse donne un
matériau fortement anisotrope dont la conductibilité est maximale
dans la direction de ladite orientation.
Les polymères conducteurs sont destinés à de nombreuses
applications, dans la mesure où ils ont une faible masse volumique,
sont très flexibles et sont faciles à produire. Les piles rechargeables
actuelles sont dotées d'électrodes faites de polymères et sont, à maints
égards, déjà supérieures aux piles de type métallique. Les polymères
conducteurs sont également présents dans le câblage de composants
d'avion et de fusée, les enduits antistatiques des vêtements, les
matériaux de blindage électromagnétique et les dispositifs
électroniques (transistors et diodes).
7.4. Comportement diélectrique
Un matériau diélectrique offre les propriétés d'un isolant
électrique (non métallique), présente la structure d'un dipôle
électrique ou peut être doté de cette structure. En d'autres termes, il
se caractérise par la séparation, à l'échelle atomique ou molécule,
des entités possédant des charges électriques positives ou négatives.
Les matériaux diélectriques se retrouvent dans les condensateurs en
raison des interactions dipolaires avec un champ électrique.
L'application d'une tension aux bornes d'un condensateur confère une
charge positive à une plaque et une charge négative à l'autre plaque, et le
champ électrique correspondant est orienté de la plaque positive à la
plaque négative.
La capacité C est liée à l'ampleur de la charge Q accumulée sur
une plaque selon l’expression :
Q
C= (7.27)
V
où V est la tension appliquée aux bornes du condensateur. L'unité de
capacité est C/V, ou farad (F).

Figure 7.25 - Condensateur à plaques


parallèles a) doté d'un vide et b)
assorti d'un matériau diélectrique.

Prenons maintenant le cas d'un condensateur à plaques parallèles où le


vide a été fait dans la région entre les plaques (figure 1.25a). La capacité peut
être calculée à l'aide de l'expression :
S
C = ε0 (7.28)
l
où S est l'aire des plaques, et l, la distance les séparant. Le paramètre ε0 ,
représentant la permittivité du vide, est une constante universelle dont la valeur
est de 8,85 x 10-12 F/m.
Si on insère un matériau diélectrique dans la région entre les
plaques (figure 7.25b), alors
S
C=ε (7.28)
l
où ε est la permittivité du milieu diélectrique, supérieure à ε0. La
permittivité relative εr, souvent appelée constante diélectrique,
s'exprime au moyen de l'équation suivante:
ε
ε= (7.29)
ε0
Elle est supérieure à l'unité et représente l'accroissement de la
capacité de stockage des charges attribuable à l'insertion d'un milieu
diélectrique entre les plaques. La constante diélectrique d'un
matériau est une propriété déterminante en ce qui concerne la mise
au point de condensateurs. Le tableau 7.5 donne la valeur de er de
quelques matériaux diélectriques.

Tableau 7.5 - Constantes diélectrique et champs de claquage de quelques


matériaux diélectriques.
NB : les valeurs de champ de claquage données sont des valeurs moyennes ;
la valeur précise est fonction de l’épaisseur, de la forme de l’échantillon, de la
vitesse et de la durée d’application du champ électrique.
Matériau Constante diélectrique Champ de
claquage
60 Mhz 1 Mhz
(kV/cm)
Céramiques
Céramique de – 15 – 10.000 20 – 120
titanate
Mica – 5,4 – 8,7 400 – 800
Stéatite (MgO- – 5,5 – 7,5 80 – 140
SiO2)
Veire 6,9 6,9 100
sodocalcique
Porcelaine 6,0 6,0 16 – 160
Silice fondue 4,0 3,8 100
Polymères
Phénol- 5,3 4,8 120 – 160
formaldéhyde
Nylon 6,6 4,0 3,6 160
Polystyrène 2,6 2,6 200 – 280
Polyeethylène 2,3 2,3 180 – 200
Polytétrafluoroé 2,1 2,1 160 – 200
thylène

7.5. Autres propriétés électriques des matériaux


Nous traiterons brièvement de deux autres propriétés électriques
relativement importantes de certains matériaux, à savoir la
ferroélectricité et la piézoélectricité.
7.5.1 - Ferroélectricité

"
Figure 7.32 - Maille élémentaire de titanate de baryum (BaTiO3) a) selon une
projection isométrique et b) vue de face, où sont visibles les déplacements des
ions Ti4+ et 02- à partir du centre de la face.

Les ferroélectriques sont des matériaux diélectriques qui se


polarisent spontanément, c'est-à-dire en l'absence d'un champ
électrique. Ils constituent les homologues diélectriques des matériaux
ferromagnétiques, susceptibles de manifester un comportement
magnétique permanent. Des dipôles électriques permanents doivent
être présents dans les matériaux ferroélectriques, comme nous le
verrons dans le cas du titanate de baryum, un des ferroélectriques les
plus répandus. La polarisation spontanée découle de l'emplacement
des ions Ba2+, Ti4+ et O2- dans la maille élémentaire (figure 7.32). Les
ions Ba2+ sont situés aux coins de la maille élémentaire, dont la
symétrie est quadratique (un cube légèrement allonge dans une
direction). Le moment dipolaire résulte des déplacements relatifs des
ions O2- et Ti4+ à l'écart de leurs positions symétriques, comme le
révèle le profil de la maille élémentaire. Les ions O2- se trouvent
légèrement au-dessous du centre de chacune des six faces, tandis que
l'ion Ti4+ se déplace au-dessus du centre de la maille élémentaire.
Ainsi, un moment dipolaire ionique permanent est associé à chaque
maille élémentaire. Toutefois, lorsque le titanate de baryum est
chauffé au-delà de sa température de Curie ferroélectrique (120
°C), la maille élémentaire devient cubique et tous les ions adoptent
une position symétrique dans la maille élémentaire cubique. Le
matériau possède désormais une structure cristalline type
pérovskite et le comportement ferroélectrique cesse.
La polarisation spontanée des ferroélectriques découle
d'interactions entre des dipôles permanents adjacents lors desquelles
ils s'alignent mutuellement tous dans la même direction. Dans le cas
du titanate de baryum, par exemple, le déplacement relatif des ions
O2- et Ti4+ s'effectue dans une même direction pour toutes les mailles
élémentaires situées dans un volume donné du matériau. D'autres
matériaux sont ferroélectriques, tels le sel de Rochelle
(NaKC4H4O6.4H20), le phosphate dihydrogène de potassium
(KH2PO4), le niobate de potassium (KNbO3) et le zirconate-titanate
de plomb (Pb[ZrO3, Ti03]). Les ferroélectriques se caractérisent par
une constante diélectrique extrêmement élevée à des fréquences de
champ relativement faibles : ainsi, à la température ambiante, la
valeur de εr du titanate de baryum peut atteindre 5000. Les
condensateurs fabriqués avec les ferroélectriques sont donc
nettement plus petits que ceux qui sont faits à partir d'autres
matériaux diélectriques.
7.5.2 - Piézoélectricité
Quelques céramiques possèdent une propriété inhabituelle
nommée piézoélectricité (littéralement, électricité due à une
pression). Ici, c'est l'application de forces externes à un échantillon
qui y induit la polarisation et y fait apparaître un champ électrique.
L'inversion du signe de la force externe (exercer une compression
plutôt qu'une tension) suscite l'inversion de la direction du champ.
La figure 7.33 illustre l'effet piézoélectrique.
Les matériaux piézoélectriques servent à fabriquer des
transducteurs, qui sont des dispositifs transformant l'énergie
électrique en contraintes mécaniques, ou réciproquement. Parmi les
dispositifs familiers comportant des piézoélectriques figurent les
tourne-disques, les microphones, les générateurs ultrasoniques, les
jauges de déformation et les sonars. En parcourant les sillons d'un
disque, la tête de lecture d'un tourne-disques fait varier la pression
s'exerçant sur un matériau piézoélectrique situe dans cette tête de
lecture. La variation de pression est transformée en signal électrique,
qui est amplifié avant d'atteindre le haut-parleur.
Les matériaux piézoélectriques comprennent les titanates de
baryum et de plomb, le zirconate de plomb (PbZrO3). le phosphate
dihydrogène d'ammoniac (NH4H2P04) et le quartz. Celle propriété
se retrouve notamment dans /es matériaux à structure cristalline
complexe et à faible degré de symétrie. On peut améliorer le
comportement piézoélectrique d'un matériau poly cristallin en le
chauffant au-delà de sa température de Curie, puis en le refroidissant
jusqu'à la température ambiante dans un champ électrique très
intense.

!
Figure 7.33 – a) Dipôles au sein d'un matériau piézoélectrique. b) L'application
d'une contrainte de compression au matériel produit une différence de
potentiel.

Vous aimerez peut-être aussi