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CEC Thyroidologie

Les hypothyroïdies congénitales

Pr Ines Kammoun Ben Ayed


10/02/2023

1
L’hypothyroïdie congénitale (HC) primaire :
l’endocrinopathie la plus fréquente en période néonatale
(1/3000 à 1/4000 naissances)

En l’absence d’un traitement précoce: retards profonds de la


croissance, de la maturation osseuse et du développement
psychomoteur

La sévérité de la présentation de l’HC varie selon son


étiologie

Intérêt du dépistage systématique de masse pour instaurer


un traitement précoce et intensif

2
Rappel :organogénèse et physiologie fœtale

Aspects cliniques

Etiologies

Diagnostic différentiel

Traitement

Suivi et Pronostic

Dépistage

3
Rappel : organogénèse et physiologie fœtale

4
5
Ellis H, Cilinical anatomy, 11ème édition
6
Relations des métabolismes thyroïdiens maternel,
placentaire et foetal 7
Changements relatifs des fonctions thyroïdiennes maternelle
et fœtale pendant la grossesse 8
Variations des concentrations sériques de la TSH et de la T4 chez les
nouveau-nés à terme et prématuré durant les cinq premiers jours de vie
9
10
11
Aspects Cliniques

12
Peut être asymptomatique à la
naissance
13
Au moindre doute, l’instauration du
traitement s’impose sans délai

14
Étiologies

15
Anatomie

blocs

Récepteur TSH

Autres

16
17
Athyréose

• Profil clinique le plus sévère ++


• Loge thyroïdienne vide
• Traitement urgent +++
• Ne pas attendre un bilan anatomique (qui peut être différé
de plusieurs années)
•Intérêt d’un traitement in utero si l’absence de thyroïde est
repérée à l’echo obstétricale
18
Ectopie thyroïdienne

• Cause la plus fréquente d’hypothyroïdie congénitale dans


l’espèce humaine (incidence = 1/100.000 à 1/600.000
habitants)
• Anomalie de la migration de l’ébauche thyroïdienne à la fin
de la 7è SA (tissu thyroïdien au niveau du foramen caecum
ou le long du tractus thyréoglosse)
Localisation linguale : 90 % des cas

19
•La fonction thyroïdienne peut être normale à la naissance
si le reliquat glandulaire sécrète suffisamment d’hormones:
profil d’hypothyroïdie compensée = TSH élevée et T4
normale d’où l’intérêt du dépistage par la TSH

•Facteurs génétiques ?? mutations des gènes TTF1 (thyroïd


transcription factor) /NKX2 . Elles sont confortées par la
présence de cas familiaux
20
Imagerie ?

21
L’échographie thyroïdienne : loge cervicale vide . Elle est
moins sensible pour la visualisation de la thyroïde linguale
(de petite taille).

La scintigraphie à l’Iode 123, à l’Iode 131 ou au Technétium


99m (Tc99m) est l’examen de référence : la fixation au
niveau de la base de la langue

Scintigraphie thyroïdienne au 99mTc


Glande thyroïde en position linguale

22
TDM et IRM : si suspicion de transformation néoplasique et/ou en
vue d’un geste chirurgical.

23
Traitement chirurgical : si symptomatologie
obstructive ou faisant suspecter une
dégénérescence maligne

Traitement I131 pour désobstruer l’oropharynx en


cas de goitre basi-lingual symptomatique

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Blocs de l’hormonogénèse

Goitre +++

Parfois dès l’échographie obstétricale

Traitement in utero pour réduire le


volume

25
Syndrome de
Pendred
26
Gène de la pendrine

1896 (Vaughan Pendred, Lancet): l’association de goitre et


de surdité chez 2 sœurs

1927 : transmission autosomique récessive établie

1958 :Un trouble de l’organification des iodures explique le


goitre (Morgan et Trotter, test de chasse au perchlorate).

1996 : gène codant pour un transporteur d’anions (7q31)

27
La pendrine est le transporteur de l’iode au pôle apical
du thyréocyte

Altérations du trafic de l’iode au sein de la thyroïde et


celles du chlore altérant la partition de la cochlée :
goitre et hypoacousie

…Maladies rénales ?? … (la pendrine s’exprime aussi


comme un transporteur d’anions au niveau du néphron)

28
Autres causes

29
Les causes génétiques d’hypothyroïdie centrale congénitale
10 fois plus rare que les hypothyroïdies périphériques
LHX3 TRH-R
OTX2 PROP1 PIT1
LHX4
HESX1

TSH

Transmission Déficit thyréotrope isolé Anomalies extra-


hypophysaires
TSHß R OUI NON
TRH-R R OUI NON
Facteurs de transcription hypophysaire
LHX3 R NON OUI
LHX4 D NON OUI
OTX2 D NON OUI
HESX1 D/R NON OUI
PROP1 R NON NON
PIT1 D/R NON NON
Autres
PROKR2 D OUI OUI
LEPR R OUI OUI
IGSF1 ? ? ?

30
Les causes génétiques d’hypothyroïdie centrale congénitale
10 fois plus rare que les hypothyroïdies périphériques
LHX3 TRH-R
OTX2 PROP1 PIT1
LHX4
HESX1

TSH

Transmission Déficit thyréotrope isolé Anomalies extra-


hypophysaires
TSHß R OUI NON
TRH-R R OUI NON
Facteurs de transcription hypophysaire
LHX3 R NON OUI
LHX4 D NON OUI l’hypo centrale
OTX2 D NON OUI
peut être isolée
HESX1 D/R NON OUI
PROP1 R NON NON
ou associée à
PIT1 D/R NON NON d’autres déficits
Autres
hormonaux
PROKR2 D OUI OUI
LEPR R OUI OUI
hypophysaires
IGSF1 ? ? ? congénitaux
31
Les causes génétiques d’hypothyroïdie centrale congénitale
10 fois plus rare que les hypothyroïdies périphériques
LHX3 TRH-R
OTX2 PROP1 PIT1
LHX4
HESX1

TSH

Transmission Déficit thyréotrope isolé Anomalies extra-


hypophysaires
TSHß R OUI NON
TRH-R R OUI NON
Facteurs de transcription hypophysaire
LHX3 R NON OUI
LHX4 D NON OUI l’hypo centrale
OTX2 D NON OUI
peut être isolée
HESX1 D/R NON OUI
PROP1 R NON NON
ou associée à
PIT1 D/R NON NON d’autres déficits
Autres
hormonaux
PROKR2 D OUI OUI
LEPR R OUI OUI
hypophysaires
IGSF1 ? ? ? congénitaux
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Résistance aux HT

33
Syndromes associated with permanent primary
congenital hypothyroidism

Trisomy 21 :
thyroid hypoplasia

DiGeorge syndrome (délétion 22q11.2 )


The candidate gene is TBX1 and disruption in the
development of the arterial supply

Williams syndrome (Délétion 7q11.23)


deletion of the elastin gene
thyroid hypoplasia 34
Hypothyroïdie congénitale transitoire

5-10% des NN détectés (dépistage systématique)

T4 normale ou basse et TSH ± élevée


Causes :
• Agents goitrigènes
• Passage trans-placentaire d’Ac anti R-TSH type bloquant
• Déficit iodé
• Traitement par ATS

Evolution : normalisation du bilan en 1-2 semaines (mdcmts)


ou 1-4 semaines (Anti R-TSH)

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Diagnostic différentiel

36
Primary hypothyroidism
Prenatal or postnatal iodin deficiency or excess
Maternal antithyroid medication
Maternal TSH receptor blocking antibodies

Secondary or tertiary hypothyroidism


Prenatal exposure to maternal hyperthyroidism
Prematurity (particularly < 27 weeks gestation)
Drugs
Steroids
Dopamine

Else
Isolated TSH elevation
Low T4 with normal TSH
Prematurity
Illness
Undernutrition
Low T3 syndrome 37
Traitement

38
Posologie initiale de LT4 : 10 à 15 µg/Kg/j ou dose standard
de 50 µg/j

Surveillance T4 et TSH :
• 2 à 4 semaines après le début du traitement
• tous les 1 à 2 mois pendant les 6 premiers mois
• tous les 3 à 4 mois entre 6 mois et 3 ans
• puis tous les 6 à 12 mois, et 4 semaines après changement
de posologie ou résultats anormaux.
La FT4 doit être maintenue au dessus de 13 pmol/l

Les doses sont supérieures (en µg/kg/j) aux doses requises


chez le grand enfant et l’adulte Comprimés à 25 50 75 100 µg…
Gouttes de L thyroxine (à
conserver à 4°) 1 goutte = 5 µg
Prise doit être > 30 mn avant un
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repas
Le comprimé doit être broyé dans une suspension
de lait en poudre, le lait maternel, ou de l'eau.

Eviter l'administration concomitante de soja, de


calcium en fibres, ou de fer

Adapter la posologie

Traitement à vie ++
40
European Journal of Endocrinology (2014)171, 615–621
Objectif : comparer la dose quotidienne de traitement substitutif par L-T4 chez des adultes
atteints d’athyréose congénitale et des adultes après thyroïdectomie totale.

13 patients (âge: 21,5±2,1 ans, groupe CH) avaient une athyréose congénitale et étaient traités
par L-T4 depuis les premiers jours de vie
23 patients (âge: 24±2,7 ans, groupe AH) avaient une hypothyroïdie après thyroïdectomie
totale.
Au moment de cette évaluation, tous les patients avaient des taux d’hormones thyroïdiennes
libres dans la zone normale et leur TSH se situait entre 0,8 et 2 μIU/ml.

La posologie du traitement substitutif (en µg/Kg/j) était significativement plus élevée chez les
patients du groupe CH vs ceux du groupe AH : 2,16±0,36 vs 1,73±0,24 µg/kg/j (P <0,005).

Ainsi, pour corriger leur hypothyroïdie, les patients du groupe CH requièrent une dose
quotidienne de L-T4/kg plus élevée que les patients du groupe AH. Cette différence pourrait
être expliquée par le déficit dès la vie fœtale avec la création initiale d’un seuil de sensibilité
plus élevé (set point) de l'axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien.
41
European Journal of Endocrinology (2014)171, 615–621

42
Traitement de l’hypothyroïdie congénitale
par injections intra-amniotiques de thyroxine

Injections intra-amniotiques d’hormones thyroïdiennes au fœtus


atteint de goitre hypothyroïdien

l’échographie prénatale permet de faire le diagnostic précoce de


goitre fœtal
Il s’associe à une hyper ou hypothyroïdie (dosage des hormones
thyroïdiennes dans le liquide amniotique ou le sang du cordon)

Un goitre important peut être responsable de complications


obstétricales et néonatales (hyperextension du cou entraînant une
compression trachéale et/ou des difficultés à l’accouchement )

43
La thyroxine peut être injectée à la dose de 200 à 800
microg/injection, avec 1 à 6 injections au total, sur un
rythme de toutes les 1 à 4 semaines.

Pendant la grossesse, la taille de la thyroïde a régressé


dans 8 cas sur 9 mais à la naissance, tous les
nourrissons étaient en hypothyroïdie (le taux de TSH
intra-amniotique ne reflète pas de façon fiable la
fonction thyroïdienne )

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Suivi et Pronostic

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Le pronostic à long terme dépend :
• de la sévérité de l’hypothyroïdie
• de l’âge au début du traitement par la l-thyroxine (LT4)
• de la dose initiale
• du délai mis à obtenir des taux de thyroxine (T4) et de TSH
dans les limites désirées.

Le développement physique, la croissance et la


maturation osseuse sont normaux sous traitement.

Néanmoins l’existence d’anomalies mineures pendant la


petite enfance (retard d’acquisition du langage, troubles
de la coordination et de la motricité fine) a été mise en
évidence chez certains patients. 46
47
Dépistage

48
49
Dépistage
Le dépistage d’une maladie consiste à identifier dans une population
apparemment en bonne santé, les individus ayant une forte
probabilité d’être atteints de cette maladie, grâce à des tests appliqués
de façon systématique et standardisée.

La validité d’un test de dépistage se mesure à la fréquence de sa


confirmation par les meilleurs moyens diagnostiques disponibles.
La validité est appréciée par la sensibilité et la spécificité.

La fiabilité :
•la reproductibilité mesurée dans une observation et entre plusieurs
observations,
•la stabilité dans le temps
•le pouvoir discriminent qui se mesure en terme de sensibilité, de
spécificité et de valeurs prédictives.
50
Principes à respecter pour la réussite d’un dépistage

1- La maladie = menace grave pour la santé publique


2- Un traitement d’efficacité démontrée peut être administré aux sujets
chez lesquels la maladie a été décelée.
3- Moyens appropriés de diagnostic et de traitement.
4- Maladie décelable pendant une phase de latence ou au début de la
phase clinique
5- Connaitre l’histoire naturelle de la maladie, notamment son évolution
depuis la phase latente jusqu’à la phase symptomatique.
6- Examen de dépistage efficace
7- Epreuve utilisée acceptable par la population
8- Coût de la recherche des cas (y compris les frais de diagnostic et de
traitement des sujets reconnus malades) : non disproportionné par
rapport au coût global des soins médicaux.
9- Le choix des sujets qui recevront un traitement soit opéré selon des
critères préétablis
10- Assurer la continuité d’action dans la recherche des cas et non la
51
considérer comme une opération faite « une fois pour toutes ».
Technique de prélèvement de Guthrie : des gouttes de sang
capillaire séché sur papier buvard. Elle respecte les principes
de réussite d’un dépistage publiés par l’OMS relatifs au test.
Avantages de la technique de Guthrie : faible volume de
sang nécessaire, facilité de la réalisation, du stockage et du
transport des prélèvements.

Un dépôt de 20 µL de sang conduit à une tache de 8 mm de


diamètre.
La TSH est remarquablement stable dans les prélèvements
de Guthrie.
Aucune diminution du taux de la TSH n’a été notée dans les
prélèvements conservés entre 4°C et 37°C et dans un haut
degré d’humidité pendant 30 jours.
52
Dans la majorité des programmes de dépistage de
l’HTC déjà en place, le prélèvement est recommandé
entre le deuxième et le cinquième jour de vie.

Pour les prématurés (< 32 SA) : un second prélèvement


est recommandé après deux à quatre semaines de vie
extra-utérine (élévation retardée de la TSH par
immaturité du mécanisme de rétrocontrôle).

53
La TSH n’est pas perturbée par une détresse respiratoire.

Un second prélèvement est recommandé chez les nouveau-nés après


l’arrêt d’un traitement par la dopamine. Le traitement prénatal par les
glucocorticoïdes (dexaméthasone ou béthamétasone) n’a pas
d’influence sur la fonction thyroïdienne à la naissance et dans la période
néonatale.

Le prélèvement doit être réalisé dans tous les cas avant une transfusion
sanguine
L’allaitement maternel n’a pas d’influence ou très peu sur la fonction
thyroïdienne du nouveau-né.

Premier dosage systématique de la TSH associé ou non à un dosage de la


T4 (dosages radioimmunologiques +++)

Seuil de TSH proposé : 20 mU/L pour les dosages radioimmunologiques


et 15 mU/L pour les dosages immunofluorométriques. 54
Etude tunisienne
5694 nouveau-nés non prématurés ont été prélevés au CMNT entre novembre 1995
et juillet 1997.

Les mères de 88,4% de ces nouveau-nés habitaient le grand Tunis. Le sex ratio
garçons/filles était de 1,08.

La moyenne du poids à la naissance était de 3,29 kg avec un écart type de 0,54. Les
poids de 2,15 kg et 4,35 kg correspondaient respectivement aux 2,5ème et 97,5ème
percentiles.

Seuls 4765 ont pu bénéficier de la détermination de la TSH et de la T4 (921 nouveau-


nés n’ont pas été intégrés pour des problèmes techniques)

Deux nouveau-nés hypothyroïdiens confirmés et deux nouveau-nés


fortement suspects de l’être
DÉPISTAGE DE L'HYPOTHYROÏDIE CONGÉNITALE À TUNIS. SEUILS DE RAPPEL ET
PROTOCOLE.
N. Elkadri, MV El May*, S. M’timet*, C Ben Slama**, N Khrouf***. 55
Estimation du coût d’un test de dépistage

L’estimation a inclus le papier, le matériel de prélèvement et


les réactifs de dosage.

Dosage de la TSH par la technique employée dans notre


première expérience : 01 DT

Dosage de la TSH et dosage complémentaire de la T4 sur le


même prélèvement de dépistage : 1,8 DT

56
Cependant : 5% des nourrissons en hypothyroïdie sont
méconnus dans les programmes de dépistage
néonatal :

•Erreurs dans la manipulation des échantillons, des


tests, de l'analyse des données, ou de la
communication des résultats.

•Dans de rares cas, l'augmentation de la TSH sérique


chez l'enfant affecté est retardée de plusieurs jours ou
semaines après l'accouchement (ectopie)

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Conclusion
Il est temps d’instaurer un dépistage systématique de l’hypothyroïdie
congénitale en Tunisie :

• haute fréquence de l’hypothyroïdie congénitale


• sensibilité de ce dépistage néonatal contrastant avec le manque
de performance du dépistage clinique
• faible coût
•conséquences néfastes de l’absence de diagnostic à la naissance

58
Merci

59

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