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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Introduction
Pourquoi suivre un cours de philo en faculté de Droit ?
1. Avoir une formation de qualité
L'université est un groupe de savants qui cherchent à un savoir plus
− Les étudiants ne sont pas des clients
− On vient à l'université pour apprendre
− BUT études : soutenir la formation de notre esprit critique
• Or, des citoyens avec un esprit critiques sont la clef d’une bonne société

2. Les juristes ont besoin de se nourrir de savoirs non juridiques


Il est indispensable de comprendre :
− D’où vienne les lois
− Dans quel objectif social elles sont créées
− Dans quelle mesures les lois ont des pdv différents
− Ce que signifie les lois -> philosophie

Interdisciplinarité :
− On sera plus pertinents si on arrive à combiner, en partant de notre pdv, si on prend en plus le pdv des
autres
− On est meilleur à plusieurs
− Pour comprendre le droit nous avons besoin de la philo

PDV INTERNE : PDV EXTERNE :


→ Spécifique à un sujet → Regarder de l'extérieur
→ Risque d'aveuglement → Risque d'erreur
→ On ne remet rien en raison → Manquer certaines choses
→ On exécute sans
comprendre

PDV EXTERNE MODERE :


→ Bon côté pdv externe + interne
→ Regarde d'abord de manière
externe puis on regarde ce que
font et dise d'autres personnes

3. La philosophie est indispensable aux juristes


Qu'est-ce qu'est la philo?
Socrate : inspirateur de la philo, maitre de Platon
→ On avait déjà pensé avant, mais la philo construit des façons d'organiser sa façon de penser
→ Socrate est le premier à organiser la façon de penser mis en scène Platon dans ses œuvres
→ Il s'adresse aux experts et leur demande toutes les questions de la philo de façons radicale

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→ Il va tirer des conclusions et construire un raisonnement avec eux et leur montrer que leurs savoir ne
reposent sur rien (stéréotype, préjugés, opinions, …)
→ Il va se donner comme mission d'enlever ses opinions chez les gens : il va vider l'esprit des gens pour faire
de l'espace et le reremplir après : il va accoucher la pensé

La seule certitude qu'on sait, c'est qu'on ne sait rien

→ La philo n'a pas tous le savoir


o But de la philo : aller contre toute idée tout faite basée sur des préjugés

Ce serait antiphilosophique de définir la philosophie

De là, 3 éléments
→ La philo commence à partir du moment où on s'étonne
o Figure de l'enfant : il s'étonne de tout et s'interroge sur TOUT
▪ Se pose des qst fondamentales
o Nous avons arrêté de nous questionner
o Tout ce qui nous semble d'aller de soi, sommes-nous vraiment sur?
o Trouver des sens nouveaux
→ Construire une méthode de pensée en poussant la réflexion, en élaborant des contextes pour reconstruire
des idées basées sur des fondements vrais et soldes
o Avancer sur le chemin d'une pensée, de la réflexion
o Le philosophe ne trouvera jamais LA vérité
→ Le philosophe s'engage dans un chemin sans fin
o Mais la démarche a de l'intérêt
o La philosophie n'a jamais de sens
o Elle ne s'arrête jamais
o Il y a toujours qlq chose à chercher, à creuser un peu plus loin
o Sorte de promenade
▪ L’intérêt n'est pas la destination mais la marche en soit
▪ La pratique de la philo et la réflexion est intéressante
▪ La philo en tient de sa pratique

En gros
La philosophie :
− Méthode de pensée − Elle réfléchit et se réfléchit − Elle pense et se pense
− Pensée de la méthode (comme dans un miroir)

But :
− Sert à développer un regard critique sur le monde qui nous entoure
− Réfléchir autrement
− Pratique de pensée, de réflexions
− Pas juste du par cœur

Le cours va nous former et non nous apprendre à formater

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Philosophie de la justice (programme du Q1)


1. Premiers éléments sur la notion de justice
Justice = (pas au sens ‘institution judiciaire)
− Idéal, valeur, principe, sentiments
o Nous avons tous en nous, une sorte de perception émotionnelle de la justice ou plutôt de
l'injustice
o Sentir que qlq est juste/injuste
− Tout un chacun est respecté, à une place
− Equilibre, balance, mesure, harmonie
− Difficile à expliquer

Le mot droit (instrumentalisé, discours normatif) et justice (discours éthique ou moral) ont une étymologie
commune mais sont pourtant deux choses distinctes !

2. Une approche décalée de la question


On peut clarifier certains concepts mais on n’aura jamais de vraie réponse, il faut donc adopter une approche
décalée :
→ Deleuze propose de penser la justice en acte, c’est-à-dire penser à comment la justice se pratique. On
ne pense plus la justice de manière abstraite, on part de situations concrètes, « au cas par cas ». Il pose
les questions

OÙ ? COMBIEN ? + QUI ? COMMENT ?


→ Important de faire au → Réfléchir à plusieurs (2, 3, 4, 6, + ) ? → Les lois sont générales
tribunal ? → Du même milieu social ? Ou pas du tout → Même solution pour tout le
→ Change qlq chose ? → A combien on rend justice ? monde ?
→ Apporte qlq chose ? → Qui est dans la meilleures position pour → Cas particuliers ?
savoir ce qui est juste et prendre un → Généralité abstraite ?
jugement ? → Singularité ? Adapter pour
QUAND ? - Être totalement dans la situation ? tout le monde ?
- Être impliqué émotionnellement ?
→ Seulement lors de - Être à distance ?
l'injustice ? Avant ? - Le sentiment nous rend plus juste ?
→ Décide de ce qui est juste
en écrivant la loi ?
→ Décide de ce qui est juste
quand se pose une qst
concrète d'injustice ?

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Partie I : délibérer à plusieurs

Introduction : Twelve Angry men


En droit belge contemporain,
Twelve angry men : monument du 7ème art, qui pourtant n’a pas eu l’équivalent du jury est la Cour
beaucoup de succès à sa sortie d’assises
OÙ ? → Compétente pour les crimes,
→ Dans une petite pièce fermée à clef, sans accès à l’extérieur les délits politiques et les délits
→ Sans possibilité d'en discuter avec la famille, les amis = sans influence de presse
- Cour d'assises : moyen de rentrer chez soi
→ Ils ne pourront sortir seulement après avoi rune décision à l'unanime
→ Pas de grand protocole (contrairement aux lieux de justice normalement)
- Le tribunal est très organisé
- Ici juste une petite pièce, sans organisation
- Avec tout un protocole, la discussion aurait eu la même conclusion ?

COMBIEN ? + QUI ?
→ 12 HOMMMES BLANCS
- Alors que l'accusé n'est pas blanc
- Manque de diversité = moins juste ?
- Faudrait un plus grand mix de tout ? (Homme, femme, blanc, noir, jeunes, vieux,, …)
- De milieux diffèrents = plus de diversité
- Equitable ?
→ Tirés au sort
- Pareil en Belgique : un jury diffèrent va être désigné (12 personnes avec 3 magistrats professionnels)
pour chaque affaire à la Cour d’assises
→ Y a-t-il un équilibre dans cette forme d’institution dans ses divers aspects ?

QUAND ?
→ Question non évoquée dans le film. Il est tout de même notable qu’aux premiers instants du film, l’homme
incarnant la minorité numérique n’est pas pris pour crédible.
→ Faut-il un certain temps de réflexion/discussion pour qu'une décision soit juste ?
- Pas moral de décider d’un tel cas en 5min
- Nos 1eres impression sont-elles tjs injustes ?
- Faut-il un certain temps pour qu'elle ait l'aire juste ?
→ Quand portent-ils vraiment un jugement
- Au début avaient-ils vraiment eu le temps d'en discuter ?
→ Le seul à dire non coupable dès le début était-il plus capable de juger correctement ? Avait-il pris le temps
avant ? Était-il juste plus juste ?

DE QUOI ?
→ Dans le film le jury décide de la culpabilité, la peine n’est pas de leur ressort.
→ En Belgique on décide d’abord de la culpabilité et ensuite de la peine.
o L’ordre des décisions a-t-elle une importance ?
o Est-ce-que poser une décision en se dédouanant de tout conséquence de peine est un choix juste ?
o Connaitre la peine change-il la façon de juger ?
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COMMENT ?
→ Jugement basé sur le principe d’unanimité
- S’ils n’y arrivent pas, ils doivent prononcer à statuer
- En droit belge :
▪ 6-6 l’accusé est acquitté,
▪ 5c-6i on se tourne vers les 3 juges professionnels,
▪ 6c-7i alors les magistrats doivent au minimum être 2/3 pour coupable
→ La question de l’unanimité est-elle réellement juste ?
- Il est compliqué de s’opposer à la majorité,
- Une décision peut-elle être juste même si on est seul à penser comme ça
→ Laisser entrer l’empathie de chacun : quel est l’enjeu sur l’impartialité, quelle est la limite à (pré)définir ?
- ici: Le juré qui a tenu à la culpabilité avait de l’empathie mais pour le père tué. + parallélisme avec
sa relation père-fils
- Mais le premier a jugé non coupable a aussi eu de l’empathie mais pour l’accusé
→ Procédure : ils forment eux-mêmes une mini procédure et structurent leur délibération
- Besoin d'une structure pour avoir une décision juste ?

1. La démarche de Tocqueville
Alexis de Tocqueville : Aristocrate français, juge et philosophe, qui a beaucoup voyagé dans le « nouveau
monde » = Etats-Unis
→ Il en a profité pour analyser et décrire le système juridique américain alors qu’il était envoyé par l’état
français afin d’étudier le système carcéral de ces derniers
→ Pour lui, ça marche mieux qu’en France et il en est persuadé
- Démocratie complètement instable dans la politique française du 19ème
- Il va tout analyser pour comprendre ce qui fait la stabilité des Etats-Unis
→ Selon lui le Jury = clef d'un bon régime politique

Attention : Double détour par rapport au film :


→ Détour temporel : ses écrits datent d’avant le film et à une époque qui n’est pas la notre
→ Détour en matière d’objet : il parle de la justice en même temps qu’il parle de son sujet principal (le
système carcéral)

a. Notes introductives :
Qu’est-ce qu’un jury selon Tocqueville ?
→ « J’entends par jury un certain nombre de citoyens pris au hasard et revêtus momentanément du droit
de juger »
- Donc exactement comme dans le film et en Belgique
→ Il s’agit d’une institution à la fois judicaire et politique
→ Une combinaison entre pouvoir du peuple (démocratie) et autorité des « légistes » (juristes)
professionnels

République ≠ démocratie
→ République = forme de gouvernement où le pouvoir appartient aux gouvernés
- Gouvernés = toutes personnes soumises à l’autorité de l’Etat
- Ne prend pas en compte les femmes ni les esclaves !!
→ Dans la démocratie il faut nuancer la valeur et le sens que l’on donne au terme : PEUPLE
- car peuple peut ne désigner qu’un caste estimé comme supérieur = aristocratie de l’époque
→ Mais ce n’est pas pour autant qu’il veut que le pouvoir appartienne au gouvernés sans aucun contrôle
des institutions compétentes
- il faut que les délibérations émanent des deux « institutions »
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2. Le jury populaire, institution politique et judiciaire


à la fois

1 BUT = faire régner la justice


Institution judiciaire : influence sur le sort des procès
→ dans un cas particulier VS
Institution politique : grande influence sur les destinées mêmes de la société à l’échelle de la société

b. Institution judiciaire
= Il applique la loi et tranche des litiges → il rend la justice (attention les contentieux= l’ensemble des litiges)

Pour lui c’est très important l’aspect judiciaire dans un jury :


UNANIMITE PRATIQUE ET THEORIQUE :
D’un point de vue pratique, théorique et juridique tout le monde est d’accord de dire qu’il est nécessaire d’avoir
une assise composée de jurés.
→ Invention à la base britannique (crée dans une société « peu avancée ») mais qui est restée au fil des
évolutions et qui s’est développé partout malgré la complexification des mœurs et des litiges à trancher
→ Point de vue pratique : il est très efficace
→ Point de vue théorique : TOUT le monde est d’accord pour dire qu’il est essentiel et nécessaire

GRAND AVANTAGE :
Quand on tire au sort des juges citoyens ça diminue le nombre de juges professionnels
→ Permet de considérablement diminuer la corruption au sein de l’affaire car il ne s’agit pas des mêmes
enjeux (les juges veulent se faire un nom et faire carrière)
→ De plus, selon lui, il y a très peu de bons juges professionnels donc on ne peut espérer qu’ils le soient
tous
- Il vaut donc mieux 12 jurés qui sont à 100% neutres et ne se basent que sur l’affaire et les faits
en tant que citoyens que des juges professionnels qui ont des connaissances juridiques sans
bonnes compétences d’application
- Les jurés vont régler une affaire qui n’a aucune influence sur eux et vont pouvoir décider de la
façon la juste sans etre corrompu par leur ambition

En bref : institution indispensable à tout pouvoir judiciaire dont l’objectif est la justice

c. Institution politique
Le jury est républicain :
→ LE POUVOIR EST AUX MAINS DES GOUVERNES (peuple = souverains)
o Chacun des citoyens est à la fois électeur (doirt de vote), éligible (peut être élus) et potentiellement
juré
→ Le jury est au cœur de la vie politique
o Appliquer les lois à des cas particuliers = décider de la direction réelle de la société = exercer le
pouvoir
o Jury = maitre de la société, car il donne sa force aux lois, il rend les lois effectives
o Il intervient directement dans la vie des gens
→ Plus encore en matière civile qu’en matière pénale
o Quand un jury est saisi d’une affaire pénale c’est à ce moment-là qu’il rend une loi effective et
qu’elle devient applicable à tous.
o Elle dit du jury qu’il est maitre de société car il donne de la force a loi.
▪ L’effectivité est donc importante ! (Cercles de SPD)

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o Mais en matière civile c’est encore plus fort, car les affaires
pénales sont finalement assez éloignées des citoyens lambda car Droit pénal : ensemble de
ils ne se sentent pas concernés par les lois pénales (tuer, violer, règles qui définissent les
voler,…) tandis qu’en civile tout le monde a des petits conflits du infractions et les peines
quotidien au niveau des relations humaines.
Droit civil : ensemble de
▪ C’est quand le jury intervient en matière civile, qu’il
règles qui régissent les
donne le plus de force aux lois car il intervient dans
relations entre particuliers
l’usage de la vie des gens
(sans que pour autant ce soir
une infraction)

Le jury influence directement les mœurs des citoyens américains :


La république ne peut perdurer que si chacun de ses membres est éduqué à
un certain ethos (même façon de penser que Platon et Aristote)
→ Ethos = (du grec) caractère, façon d’être/d’agir → c’est nécessaire à la société
→ Le jury permet acquérir, d’influencer et de renforcer cet ethos
- Jury = « école gratuite et toujours ouverte »
- Les citoyens seront en contacts avec la classe la plus élevée (ceux qui ont fait des études de droit)
qui vont les instruire
▪ Aristocratie formée par l’éducation
- Les lois seront enseignées d’une manière pratique par les rares personnes qui ont appris le droit de
façon théorique

L’expérience du jury permet de développer certaines vertus


1) L’équité
a. Vertu qui consiste à reconnaitre à chacun ce qui lui est dû (traiter chacun comme il devrait être
traité)
b. Il juge en sachant qu'il pourrait être jugé un jour
i. Le juré voudrait être bien jugé s’il était à la place de l’accusé donc il va bien juger
c. Il développe une éthique de réciprocité
2) Le sens des responsabilités
a. Faire comme s’il était « extraordinaire » : c'est sa parole qui rend justice
b. Il doit donc s’imaginer comme un magistrat professionnel, et va prendre conscience de la portée
politique de ses actes

3) L’altruisme
a. Les jurés vont devoir s'occuper d'une affaire qui ne les concerne pas du tout
b. Ils sont forcés de s'impliquer dans la définition de ce qui est juste
c. Ils sont forcés de participer à la direction de la société
d. Permet de lutter contre l'individualisme

Ces trois vertus sont indispensables au maintien de la république

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3. L’équilibre entre peuple et légistes, clef de voute de


la république
USA = système républicain le plus abouti, où le peuple gouverne le plus et le mieux
→ Cause : l’égalité des chances et égalité sociale
- De faire fortune.
o La fortune aux us circule à toute vitesse
o Les extrêmes sont moins figés en France. En France il y a 2 classes sociales : très riche ou très
pauvre (qui restera pauvre et pareillement). Aux US, il y a plus de classe moyenne et quasi tout
le monde doit travailler (contrairemet en France)
o Tous ont la même chance de faire fortune et de changer de statut social
o Tout le monde peut développer son activité et faire profit
o Les américains vivent avec l’idée que tout le monde à les mêmes chances de faire fortunes, qu’ils
sont tous égaux
- De développer son intelligence
o LE fait que la fortune soit plus mobile et mieux répartie rend l'instruction plus accessible à tout
le monde
o Elle n'est pas réservée au plus favorisés

Ainsi tout le monde acquiert plus ou moins le même nombre de connaissance liée à la religion, l’histoire, le droit,
… Même si tout de fois certains sont nés avec plus d’intelligence,
- Il y aura toujours une « différence intellectuelle qui vient de Dieu »
- Mais tous auront les mêmes accès à l’instruction
- Il y aura donc une égalité des intelligences qui va venir renforcer le sentiment d’égalité entre les citoyens
Cette égalité sociale soutient et permet la souveraineté du peuple
- Il n’y a pas de meilleurs, donc il faut reconnaitre à tous les mêmes droits
- Si on se ressent tous égaux, on va considérer que si on prend une décision tous ensemble, elle sera
forcement bonne puisqu’on va avoir tendance à donner raison à la majorité

a. Double risque pour la république


Il existe un double risque pour la république : tyrannie de la majorité et de la minorité

Tyrannie de la majorité
Pour lui, il est donc important que les citoyens ne soient pas dominés par une minorité mais il y a tout de même
le risque d’une « tyrannie de la majorité » :

Il faut se soumettre à la majorité :


→ Si la majorité l’emporte toujours, comment une minorité qui subit une injustice peut lutter ?
o Un groupe minoritaire n'a aucun moyen de se faire entendre par la majorité
→ Comment savoir si la majorité est toujours juste ?
o Grand danger du collectif dominant et difficulté d’être en minorité

Le pouvoir a la majorité entrave la liberté d'expression et de penser :


→ « je ne connais pas de pays (=us) où il règne, en général, moins d’indépendance d’esprit et de véritable
liberté de discussion qu’en Amérique »
→ la majorité s’impose tellement que ça devient difficile de conserver une certaine intégrité/singularité
dans notre réflexion et dans notre expression.
→ Personne n’ose dire qu'il s'oppose vu que c’est difficile d’aller à l’encontre de la majorité quand on est
en minorité

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L’idée même de république démocratique et de confier le pouvoir à la majorité contient en elle-même


ses propres dangers. ; « c’est par le mauvais emploi de leur puissance, et non par impuissance, que les
républiques démocratiques sont exposées à périr »

Tyrannie de la minorité
Ce risque se manifeste aussi au niveau des jurys :

En matière pénale, « le juge et les jurés sont égaux. Le jury est dès lors porté à voir dans le juge l’instrument
passif du pouvoir social et il se défie de ses avis »
→ Les choses sont assez simples
→ Les juges et jurés sont à égalité, c’est facile de résoudre le litige

En matière civile : « (l’) influence (du juge) sur eux (les jurés) est presque sans bornes »
→ Risque de tyrannie et de la minorité (que le juge s’impose aux jurés parce qu’il est plus intelligent, il
connait mieux les lois).
→ Les jurés ont plus tendance à s’appuyer sur les conseils du juge professionnels ou même à prendre la
décision qui aura été trouvée par le juge
→ Le juge « éducateur » pourrait devenir un juge « manipulateur »
o Les juges vont trop influencer les jurés et pourrait souffler la réponse
→ Risque le pouvoir judiciaire soit confisqué au peuple par le magistrat
→ Ce ne serait pas une sorte de tyrannie de la minorité déguisée ?

D’autant plus problématique que :


→ Jury = « maitre de la société » mais s’il est influencé, il n’est plus maitre
→ Pour certains cas, les juge exercent seuls (sans jury)
→ Les juges ont la possibilité d’annuler une loi

b. Un équilibrage réciproque
Le pouvoir d’annuler des lois adoptées par le peuple fait « rempart » contre les potentielles dérives « tyranniques
» de la souveraineté du peuple mais l’inventivité du peuple permet le dynamisme constitutionnel et social

Selon lui, les deux tyrannies possibles s’équilibrent mutuellement


→ La tyrannie de la minorité annule la tyrannie de la majorité et inversement

Jurys = « le moyen le plus énergique de faire régner le peuple, est aussi le moyen le plus efficace de lui apprendre
à régner »
→ Les légistes font pénétrer leur « esprit » dans la société, le peuple restant aux commandes

Pour Tocqueville on trouve dans cette décision à la fois l’instruction du juge et à la foi la souveraineté du peuple,
c’est très bien.
→ Il faut le peuple pour faire progresser la société des USA et faire évoluer la constitution.
o Mais si le peuple est seul sans encadrement, tout partirait dans tous les sens, il n’y aurait aucun
cadre
→ C’est la même chose par rapport au jury, surtout en matière civile.
o Le jury c’est le lieu de l’entente parfait entre magistrats et jurés : qualité des légistes et autorité
souveraine du peuple.
o Les légistes font pénétrer l’esprit légiste (=aimer l’ordre, être bien structuré, réfléchir de
manière rationnelle) dans le peuple
→ Le jury par cette articulation entre autorité de juge et pouvoir du peuple est un beau lieu d’équilibre.
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Donc le légiste « ne peut pas forcer le peuple à faire des lois, mais du moins il le contraint à ne point être infidèle
à ses propres lois et à rester d’accord avec lui-même ».
→ C’est avec l’aide des légistes que le peuple va réussir à bien exercer sa souveraineté. Pour que le peuple
soit souverain, il faut l’aide des juristes.
→ Le légiste a alors une place médiane dans la société

Vocabulaire discriminant + vision idéaliste, élitiste ?


→ Non : aux qualités exceptionnelles des légistes (ordre,...) répondent les forces du peuple (instinct
démocratique, passion, attrait pour la nouveauté)
→ Le peuple décide qui peut devenir juge, changer la constitution et les légistes mettent des limites aux
accès du peuple
→ = complémentarité, cercle fécond source de cohésion sociale et étai de la république

Légistes Peuple

− Respect de l’ordre
− Instinct démocratique
− Respect de la loi
− La passion
Qualités − Aiment l’ancien (aiment qu’on
− Aime la nouveauté
respecte les opinions et décisions de
− Innovant
leur prédécesseurs

− Trop lents − Trop de fougue


Défaut
− Trop fermés d’esprit − Pas assez de réflexion

Pour Tocqueville, le système américain est le plus aboutit, parce qu’il y a cet équilibrage permanent entre
→ Majorité – minorité
→ Peuple – légistes

c. D’autres mécanismes permettant cet équilibrage


La séparation des pouvoirs
Il faut trois pouvoir bien séparés pour assurer un équilibre et éviter la tyrannie
→ Pouvoir législatif qui représente la majorité sans être l’esclave du peuple
→ Pouvoir exécutif qui ait une force qui lui soit propre
→ Puissance judiciaire indépendante des deux autres

Des institutions communales


La commune était une institution politique de proximité et à petite échelle. On y menait prenait des décisions et
il s’y exerçait un pouvoir local
→ Permettent au peuple de participer au pouvoir politique
→ Chacun aura une plus grande liberté
→ Chacun ressent son poids dans le pouvoir

Selon Tocqueville, le système politique des USA se caractérise par :


→ Une mise ne danger de la liberté de pensée
→ Un grand pouvoir de censure constitutionnelle exercée par des juges
→ Une égalité des chances entre tous
→ Moins de disparités sociales qu'en France

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4. Mise en perspective : échos aristotéliciens

a) Deux remarques introductives


Le cadre de réflexion d’Aristote est différent du notre
→ On va devoir rentrer dans une réflexion qui est inscrite dans un contexte historique social et culturel
totalement différent du nôtre. Même sa façon de se poser des questions est ≠ de nous.
o Ex : pour lui il faudrait exclure les plus pauvres des décisions (choquant pour nous mais ça se
comprend en parti du fait du contexte dans lequel il vit)
→ Aussi la façon dont il pense la politique (=façon dont la cité d’Athènes s’organise et fonctionne). Pour lui
on ne peut pas penser la politique sans penser l’éthique et l’éducation

Éthique = la science pratique qui permet aux humains de vivre une vie meilleure.
→ C’est comme une compréhension du bien vivre mais en pratique.
→ Quand il parle d’éthique il parle aussi des émotions.
→ Le but de l’éthique c’est le bien.
→ Ce qui est éthique c’est le juste milieu.
o On dit de son éthique que c’est une théorie de la juste mesure.
o Ex : être courageux ce n’est ni avoir peur de rien ni avoir peur de tout, la vertu du courage se
situe entre ces deux extrêmes

Pour Aristote, éthique et politique sont indissociables (// Tocqueville qui pense que certaines qualités des
citoyens permettent de maintenir le système politique)
→ Il dit même qu’ils sont indissociables
→ Ils ont le même but = le bien (de chacun, de la cité)
→ Réfléchir à la vie politique c’est aussi réfléchir à la vie individuelle

Pas de jury comme nous le connaissons à Athènes


Les jugements étaient rendus dans les tribunaux par un très grand nombre de citoyens tirés au sort.
→ On ne va pas parler de juré ou de juge dans le même sens que Tocqueville ou comme on les connait
aujourd’hui
→ Le juge (syn. Juré) pour Aristote ≠ magistrat professionnel,
o c’est l’un des nombreux citoyens tirés au sort.
→ Il n’y avait pas de délibération collective

b) Approche terminologique du mot « délibérer »


Définition fr de délibérer : Examiner, peser tous les éléments d'une question avec d'autres personnes, ou
éventuellement en soi-même, avant de prendre une décision, pour arriver à une conclusion.
→ On voit bien dans cette définition que délibérer c’est le processus, l’action, qui mène au jugement.
→ Chez Tocqueville on a pu remarquer que ce qui se passe lors de la délibération dépasse même le cadre
du judiciaire, car il y a un enjeux politique
→ On a aussi vu que la procédure et les identités des acteurs étaient très importants.

Déf en grec ancien, βουλευειν (bouleuein) : « délibérer », « conseiller », « siéger dans un conseil », « se consulter
», « délibérer en soi-même ou avec d’autres », « projeter en soi-même, méditer » et « décider »
On peut donc dire que c’est =
→ Processus préalable à une prise de décision (et solution finale)
→ Pratique solitaire ou collective

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→ Utilisé dans le cadre institutionnel notamment dans des assemblées consultatives (= assemblées qui
fonctionnent sans vote, seulement avec des discussions donc qui n’a qu’une fonction de conseil // conseil
d’état)

En Grèce il n’existe pas de discussions qui visent à rendre la justice.


→ Non seulement il n’y a pas de petit jury de 12 personnes mais en plus il n’y a pas de moment dans les
institutions qui prévoient qu’on discute avant de rendre la discussion. 1.
→ Chacun des juges va écouter les deux parties qui ne sont pas d’accord et puis aller déposer un caillou sois
dans l’amphore acquittement soit dans l’amphore accusement soit dans l’amphore dédommagement
de x pièces.
o Il n’y a pas de discussions. Pour rendre le jugement on compte le nombre de caillou.
→ La justice est rendue collectivement mais à la fois c’est une affaire de décision purement individuelle.

c) Une première lecture d’Aristote


Le peuple a besoin d’un encadrement
Aristote trouvait ça vraiment bien qu’il n’y ait pas de délibération collective, il trouve même ça indispensable
qu’il n’y ait pas de délibérations.
→ Pour lui les citoyens sont incapables de rendre des décisions justes si on ne les encadre pas.
→ C’est important que les citoyens jugent mais qu’ils n’arbitrent pas
→ Dans l’arbitrage il y a une idée de compromis.
→ Aristote n’a pas beaucoup d’estime pour le peuple
4 arguments contre l’arbitrage :
[1. Il n’y a pas de critère de décision. On ne va jamais trouver de solution si on commence à discuter.
→ Puisque tous les citoyens sont égaux, comment décider de qui a raison ?
→ Ce serait un marchandage sans fin

[2. Ça causerait des troubles dans la cité puisque ça peut générer des ruptures entre les juges qui sont des
citoyens. De cette façon-là, on ne pourra pas arriver à qlq chose qui est du bien (pour chacun et pour la
société)
→ Ici éthique et politique se rejoignent puisque le bien commun mène vers l’ordre de la société
→ Si on donne trop de pouvoir aux juges, ce serait le chaos

[3. La masse populaire est déraisonnable et manipulable. Les citoyens ne sont pas capables d’identifier les
moyens nécessaires pour attendre la finalité qui est le bien.
→ Leur décision serait perverties par leurs passions et les influences extérieures

[4. Si on généralise l’arbitrage, on sort du cadre politique. Pour Aristote, une communauté politique doit
être régie par des lois. Dans le cadre de l’arbitrage, on aurait à faire à des décisions particulières qui
dépendent de cas particuliers. La cité ne peut pas fonctionner comme ça

La souveraineté de la loi
→ Il faut un cadre légal, par des lois générales et abstraites.
→ La loi empêche alors le marchandage par des choix simples : il ne faut plus discuter de combien
dédommager si c’est écrit dans la loi.
→ Le jugement doit dépendre de la loi et non de discussions entre les citoyens.

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Mais qui fait la loi ?


Pour y répondre il parle de la cité idéale = cité dont toute l’organisation poursuis le bien commun et le bien de
chacun → mais ce n’est pas Athènes !

Dans une cité juste il faudrait que les lois soient établies par un phronimos (il a le pouvoir législatif).
→ C’est une personne idéale qui a des capacités particulières le rendant capables d’arbitrer.
→ Il possède le phronesis
= sagacité, prudence, sagesse pratique (et non théorique)
= vertu « prescriptive »
= cette vertu pousse le phronimos à viser la médité
= législation

Qualités du phronimos :
[1. Il a une connaissance générale des choses humaines basée sur son expérience de vie. Il n’est pas
déconnecté de la réalité

[2. Il a le « désir droit » càd le désir de bien agir, de bien vivre et d’être heureux

[3. Il a une compréhension du bon sens qui lui permet de saisir la spécifié de chaque situation.
→ Il va non seulement être capables d’arbitrer mais il va aussi être capable de progresser tout le
temps vers le bien (grâce à l’expérience)
→ Capacité de faire un jugement à voir l’enjeux et la procédure à suivre dans chaque cas particulier
→ Être compréhensif va permettre au Phronimos d’écouter les autres.

[4. Il a une intelligence intuitive


→ Càd un fait qu’on pose dans notre raisonnement et qu’on n’a pas à déduire, comme 1+1=2.
→ Intelligence intuitive : vision de l’esprit.
→ Si on a l’intelligence intuitive on est capable d’identifier comment les choses s’articulent et
comment penser les choses, on la vision de la finalité ultime de toute action

[5. Il a la capacité de ressentir en son âme ce qui est juste, d’agir en fonction de cette justice et de vivre
tous les jours en fonction de cette justice

Le phronimos est donc capable d’identifier les moyens requis par la finalité de la vie et de
la cité (le bien) et saura toujours quoi faire dans chaque situation particulière
→ Il ne reflechis pas aux fins elles-memes, mais sur les moyens d’atteindre cette fin

A la fin de cette première lecture d’Aristote nous retenons que sa vision est légaliste (= formaliste, respect de
la loi) et élitiste/aristocratique.

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

d) Une seconde lecture d’Aristote


Il va appliquer deux tempéraments (=nuances) pour respecter l’intégrité de sa pensée
→ Le légalisme est nuancé par la notion d’équité
→ L’élitisme est nuancé par la démocratie.

La loi générale (même celle établie, conçue et pensée par un phronimos) ne peut pas tout anticiper et est donc
parfois incomplète/imprécise :

→ Dans certaines situations particulières, les juges doivent donc parfois faire preuve d’équité
− Equité = vertu qui consiste à reconnaître à chacun ce qui lui est dû, à traiter chacun de façon égale
− Les juges doivent prendre la décision que le Phronimos aurait prise s’il était la
− Le juge doit être équitable afin de corriger le manquement de la loi et de l’adapter

→ Les plus susceptibles d’agir ainsi avec vertu = ni trop riches ni trop pauvres (juste milieu)
− Les riches tombent dans la démesure = injuste
− Les pauvres sont avides d’avoir plus = injuste
− MAIS, la classe moyenne ne travaille pas, car travailler est un fardeau !

→ Pour lui, la cité idéale serait celle avec une classe moyenne majoritaire
− Car les gens moyennement fortunés sont les plus faciles à se laisser guider par la raison
− Il faudrait donc exclure les pauvres afin qu’ils n’aient pas de citoyenneté et ne puisse pas voter
(=démocratie censitaire)

→ Parfois il faudra poser un choix singulier, neuf en faisant preuve d’équité et donc confier cette fonction aux
hommes de la classe moyenne
− Une décision hors du cadre légal pourrait aussi être une décision juste
− Plus nuancé que ce qu'on a vu avant

Nuances à la menace que constitue la souveraineté populaire :


→ Historiquement la démocratie Athénienne est fondée sur la souveraineté populaire
− Il est nécessaire, fondamental que le peuple puisse participer aux jugement, aux lois et à la vie
politique MAIS en restant dans le cadre établis par le phronimos
− Parce que quand le peuple rend des jugements, il devient maitre de la constitution (// T.)
▪ C'est le peuple qui décide, lui qui rend la loi concrète
▪ Aristote va moins loin que T. (pour lui les citoyens sont aussi là pour l'élaboration des lois)

→ Depuis toujours, les hommes du peuple peuvent (sont capables) d'atteindre une meilleure capacité de juger
− Ensemble ils sont capables de quelque chose
− Il ne fait pas confiance à la délibération collective, car
▪ Ce n’est qu’une source de confusion, d’inaction, car elle est sans fin donc
▪ Ni politique, ni éthique ni juste
− Mais si on met les gens du peuples ensemble, les vertus et les qualités de chacun pourront se
combiner et s’additionner pour former comme un énorme humain pour mener à une
action/décision juste
▪ C’est ce que Aristote espère, ce n’est pas garanti !

En ccl : Les citoyens ne sont pas inaptes à juger si on les met ensemble et qu’ils doivent appliquer des lois
étables par un phronimos.

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

e) Avec Aristote et Tocqueville, pistes de réflexion sur l’acte de juger


Le légiste a des qualités incroyable qui font un peu échos aux qualités du phronimos
→ Ce sont bien deux personnages différents
→ Mais tous les deux sont nécessaire à la république « aboutie »/ « cité idéale »

Il est nécessaire que le peuple puisse exercer sa souveraineté mais tout en l’encadrant

Ni l'un ni l'autre ne s'intéresse à la délibération collective en tant que telle :


→ Aristote : le peuple doit intervenir mais en étant bien cadré
→ Tocqueville : Idées qu'il n'y a pas grand-chose à espérer de la délibération
o Soit, il ne s'y intéresse pas
o Soit, il ne pense pas que quoi que ce soit de juste puise naitre d'une décision collective

Peut-on penser la justice sans être profondément pris dans sa propre position, son propre contexte
→ Ce que pensent Aristote et Tocqueville de la justice dépend de leur place dans la société et de leur
époque et contexte social

Qui sommes-nous quand nous jugeons ?


→ Sommes-nous influencés par notre propre personne ne jugeant ?

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Partie II : Juger avec impartialité et ou avec


sentiment

Introduction : « The music Box »


Dans ce film, le personnage principal, avocate qui défend son père dit « il m’a élevé, je le connais, c’est un homme
bien je le sais ».
→ Cet amour qu’elle a pour lui va la pousser à prendre des positions parfois dérangeantes : on voit des
témoins qui viennent dire des choses bouleversantes et elle réagit de manière déplacée.
→ Son amour pour son père l’amène peut-être à manquer de compassion envers d’entre personnes

Question : Est-ce que les émotions biaisent notre jugement ?


→ Est-on capable de juger d’une personne quand on le connait si bien ?
→ Quand on connait une personne la juge-t-on bien ou moins bien que si on ne le connaissait pas ?
→ Sommes-nous capables de juger d'une situation, d'une personne, d'un fait quand nous sommes trop
proches ?
// avec la partie I (émotions des acteurs du procès + représentativité du jury).
→ Au début du film, il y a un confrère qui dit « je regrette qu’il n’y ait pas de jury, une fille qui défend son
père ça les aurait touchés ».
→ Il sous-entend donc que la capacité des jurys à être impartial est plus faible que celle des magistrats.
→ Cette possibilité d’impartialité concerne aussi le juge.
→ Un des avocats qui discute avec Anne lui dit que le juge est juif et qu’ils doivent prendre en compte cet
aspect.
→ Question de l’implication du juge

Autres enjeux : l’antisémitisme


→ Dans le film, le beau-père est antisémite. Pour certains, le réalisateur voulait dénoncer l’antisémitisme.
→ Un élément qui vient nourrir cet enjeu là c’est de s’intéresser à la vie du scénariste du film, Joe Eszterhas
→ Beaucoup de critiques pensent qu’il s’est bcp inspiré d’un procès réel,
− celui de John Demjanjus, un citoyen États-Unien d’origine ukrainienne, Israël a demandé son
extradition car c’était un supposé ancien SS.
− Il a un écho à l’histoire du film.
→ D’autres critiques disent que le scénariste ne s’est pas juste inspiré de ce procès.
− C’est surtout le fait que celui-ci ait grandi dans un environnement bourgeois et très antisémite
qui aurai joué. Il s’interrogeait beaucoup sur l’implication de son pays, la Hongrie, dans la 2nd
guerre mondial. Un an après la sortie, le père du scénariste a été condamné pour avoir publié un
roman antisémite pdt la guerre, peut-être un rapport ?
− Question de ce qu’on peut croire ou non de nos parents ?

Autre problématique, question de la compromission


→ le film sort pdt la guerre froide. Certains estiment que Music Box nous montre que les états unis
étaient prêts à bcp de choses pour lutter contre le communisme.
→ Est-ce que parce qu’il y aurait une dimension politique sous-jacente, il faut invalider le procès ?
→ Ou alors faut-il quand même aller jusqu’au bout pour qu’une personne ayant commis des crimes de SS
soit punie ?

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

→ Comment on se souvient ? Peut-on punir les gens pour qlq chose qu’ils ont fait dans une autre vie
presque ?
→ Est-ce nécessaire d’être neutre pour juger bien ou alors dès qu’on est personnellement/politiquement
impliqué alors on juge mal ? Est-ce possible d’être impartial alors qu’on a tous un background ?
o // avec la partie 1 : dans 12 hommes en colère, il y avait un problème de représentativité. Est-
ce que je suis capable de juger ou alors je suis forcément biaisé en fct de mon sexe, âge,
histoire…
REPRENONS LES QUESTIONS DE DELEUZE
→ Comment juger ? Avec nos émotions ou sans nous impliquer ?
→ Qui est le plus même à bien juger ?

Approche juridique :
→ Le droit donne bien d’exigences pour que le juge ait des apparences d’impartialité. On est philo donc
on va plutôt aborder l’impartialité du coté conceptuel.

Approche philosophique :
→ Sur la base des écrits de deux économistes et philosophes écossais des « Lumières »
→ Ces deux théories sont : -
o Spectateur judicieux de David hume.
▪ Judicieux = qui est capable de juger de façon équilibrée. Traduisible par sagace.
o Spectateur impartial d’Adam Smith

Le but des Lumières : Lutter contre les oppressions politique et religieuse :

→ ils ont lutté contre les superstitions : faire triompher la raison sur la
religion.
→ Ils ont essayé de rationnaliser des systèmes de croyance pour établir
que l’état s’appuie sur des bases vraiment solides
→ Nous devons revoir notre manière de penser, de manière déagée de
notre coryance pour avoir une pensée plus libre et sans domination

1. Les propositions de Hume

a) Positionnement scientifique et objectifs


Hume développe son idée dans son livre « Traité de la nature humaine. Essai pour introduire la méthode
expérimentale du raisonnement dans les sujets de morale » (1739-1740)

Il est empiriste :
→ Il veut baser sa science sur la nature humaine, sur l’expérience et sur Empirisme =
l’observation Ensemble de théories
→ Pour les empiristes, la raison peut nous aider à comprendre la chose. philosophiques qui
font de l'expérience
→ Mais la connaissance n’est pas juste rationnelle, elle est aussi basée sur qu’on
sensible l'origine de
peut observer toute connaissance.

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Il est moraliste pratique


→ Il veut élaborer une science des vertus et des vices, pour améliorer nos capacités à bien agir (et bien
juger)
→ Il réfléchit au mœurs dans une perspective normative : volonté d’identifer comment être vertueux
→ Hume dit que, en permettant de mieux comprendre nos comportements et la nature humaine nous
pourrons mieux agir et améliorer nos capacités sur le chemin de la vertu.
o Il nous dit en pratique comment agir de façon juste, vertueuse et morale
b) Fondement de nos jugements : le sentiment ( la raison)
Hume développe une conclusion jamais développée avant lui !

Selon lui, la distinction entre le bien et le mal ne dépend pas de la raison mais du sentiment.

La raison nous permet de distinguer vrai et faux → la raison nous permet


d’identifier un fait réel (oui, il y a un micro) et de faire un lien entre les faits (c’est le
micro qui amplifie le son).

Le sentiment « impression de notre esprit » nous permet de distinguer bien et


mal, beau et laid.

Pour illustrer son argument, il prend l’exemple du meurtre avec préméditation(=assassinat).


→ En observant cet assassinat d’un point de vue empiriste : sur quelle base factuelle peut-on dire que c’est
un vice ?
o En étant empiriste, on verra qu’il n’y a rien dans ce comportement qui est mauvais.
o La seule chose que je peux constater c’est que ça provoque en moi un sentiment de
désapprobation
→ On ne peut pas juger ce meurtre avec notre raison car, dans le meurtre il n’y a rien de vrai ou de faux.

Ce constat s’applique à une situation précise mais aussi à tous les vices et toutes les vertus en général et est donc
applicable à tous nos jugements
→ On considérera un comportement bon ou mauvais en fonction de ce que Hume appelle « une impression
de notre esprit »
→ Ça va même jusqu’à la question de l’esthétique,
o Sensation de plaisir en voyant un objet = beau
o Sensation de douleur ou désagréable = laid

c) Comment juge-t-on sur la base de nos sentiments ?


Comment les sentiments de plaisir ou de déplaisir naissent en nous même si on n’est pas touché directement ?
→ Grace à l’empathie (que Hume appelait « sympathy ») = mécanisme psychologique qui nous rend
capables de ressentir les sentiments de quelqu’un d’autre
→ L’empathie va donc nous permette de juger sur base de nos sentiments

En résumé, les différentes étapes de l’empathie sont

1| Principe de ressemblance :
→ Il dit que nous percevons tous les choses de la même façon donc on peut tous se faire une idée de ce
que seraient nos sentiments dans telle situation
→ « Je sais ce que je ressentirais si j’étais une femme battue »
18
Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

2| Perception :
→ On va voir les causes et effet de l’acte
→ « J’observe que cet homme frappe cette femme

3| Se faire une idée :


→ Sur base des perceptions
→ Je peux me mettre à la place de la personne
→ Pour Hume c’est insuffisant car une idée ce n’est pas un sentiment.
→ « Si j’étais à la place de cette femme je ressentirai xxx »

4| Conversion de l’idée en impression


→ L’impression c’est de l’ordre du vécu et de l’expérience tandis que l’idée est plus générale et
intellectuelle.
→ Je m’identifie à cette personne
→ L’impression c’est quelque chose de vif et intense

5| Sentiment (plaisir/déplaisir) :
→ C’est un sentiment atténué.
→ Je vais ressentir un peu de sa douleur.

6| Opération de l’imagination = empathie


→ L’empathie c’est la conversion d’une idée en impression, comme ça qu’on passe du n°3 au n°6.
→ C’est l’imagination empathique.
→ Je vais me représenter un peu la peine que ressent cette femme et je vais m’identifier à elle.

Importance de l’imagination ! :
→ Nous n’avons pas accès à l’intériorité d’autrui, on ne peut qu’imaginer ce que la personne ressent
→ Nous pouvons observer les causes de leurs sentiments, ce qui suscite une idée entre nous et
l’imagination permet ensuite de transformer cette idée en impression
→ Je peux donc ressentir la même chose qu’autrui sur la base des causes et effets que j’observe

d) Ce mécanisme est applicable aux sentiments et jugements moraux

Vertus naturelles et artificielles

Vertus naturelles : Vertus artificielles :


→ Elles sont innées. → Elles ont été créées par et ou pour la société
→ Ce sont des vertus pour lesquelles le mécanisme (progressivement), elles ne sont pas naturellement
d’empathie est spontané (ex : face à une situation présentes chez l’Homme ne suscitent pas toujours
d’injustice). un sentiment de plaisir.
→ il est facile d’avoir de l’empathie car on a juste à → Elles ont un processus plus compliqué et demandent
nous mettre à la place d’un proche et dans une un effort d’imagination plus fort
situation particulière → Empathie généralisée envers l’ensemble des
→ Elles vont susciter en nous des sensations plus humains
fortes. → Ex : pudeur, allégeance, justice, bonnes manières
→ Ex : générosité

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Pour Hume, les humains sont égoïstes.


→ Ils sont généreux si ça peut les arranger.
→ Ils ne vont agir qu’en fonction de ce qui suscite en eux un sentiment de plaisir.
→ « J’observe qu’il sera de mon intérêt de laisser autrui en possession de ses biens, pourvu qu’il agisse de
même avec moi ».
C’est une régulation croisée,
→ par l’imagination empathique (fondée sur l’observation et le sentiment)
→ et par l’imagination, qui permet de penser une forme de convention sociale.
Autrement dit, même si on est égoïstes on comprend qu’il est dans notre intérêt de limiter notre égoïste, à
condition que tout le monde le fasse.
→ les bonnes manières sont des vertus puisque, à terme, elles suscitent en moi un sentiment de plaisir.
→ Donc, le sens de la justice et de l’injustice ne dérivent pas de la nature mais naissent artificiellement,
quoique nécessairement, de l’éducation et des conventions humaines
Les vertus artificielles ont la même origine que les vertus naturelles et ont peut les
identifier par Attention, l’imagination est
→ Le sentiment : si tous agissent avec justice/bonnes manières, nous critique et dangereuse (pour
ressentirons du plaisir un empiriste) elle est
→ Une hypothèse : on imagine les bienfaits d’une adhésion collective néanmoins mais aussi
o L’effort/l’exigence d’imagination sera donc plus intense pour les observable et nécessaire car
vertus artificielles elle nous permet d’articuler
des idées pour arriver à une
C’est aussi plus simple de ressentir de l’empathie pour nos compatriotes que pour décision plus juste
les étrangers.
→ Quand on connait moins bien les gens, on connait aussi moins bien les
conséquences et les causes de leurs situations.
→ Pourtant : On arrive quand même à émettre des jugements sur ce qui se passe ailleurs et sur des choses
s’étant déroulées dans le passé
On ressent beaucoup plus d'empathie pour les gens que l'on connait (vs étrangers) et pour les gens qui nous
ressemblent
→ Cela dépend de chacune des personnes = variables
→ Donc vraiment partial ?
Vu que nos jugements sont appuyés sur les sentiments, si notre empathie est variable ça veut dire qu’aucun de
nos jugements n’est partial ou universel. Alors, on ne pourrait jamais porter de jugement de portée générale ?

Sentiment moral : singulier, intime, variable.


→ Il est intime, c’est ce que je ressens.
→ Il va sans cesse changer en nous et entre les différentes personnes
Jugement moral : sentiment mis en mots, communicable à autrui et donc
généralisable.
→ C’est l’expression langagière du sentiment morale.
→ Le jugement est ce que je vais dire en fonction de mon sentiment.
→ Possiblement généralisable, puisqu’on peut tous se mettre d’accord sur
un jugement

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Le juidicous spectator
Encore une fois, il part de l’observation.
→ Il observe que jugements et sentiments varient mais que dans des régions du monde totalement ≠
certaines vertus sont définies de la même manière.
→ Par exemple, ce qui est considéré comme une vertu en Chine est aussi considéré comme une vertu en
Angleterre

Le jugement moral, qui est posé partout, est celui qui est posé par un spectateur judicieux,
→ Une figure dont l’empathie ne varierai pas puisqu’elle n’est pas exposée à la situation.
→ On peut dire que ce spectateur c’est comme la raison
o Il ne parle pas de la raison rationnelle (vrai/faux)
o Mais du point de vue calme, détaché et impartial
o On est tous capable d’adopter un point de vue général et de mettre en parenthèse notre point
de vue singulier (notre histoire) et notre intérêt personnel de côté (=égoïsme)
→ Mais c’est aussi une méthode que tout le monde peut adopter
o Nous pouvons adopter une méthode de correction de notre sentiment ou au moins une
correction de notre langage.
o Nous ne pouvons pas corriger notre sentiment mais nous pouvons corriger notre langage càd
notre jugement.
→ Ce n’est pas une personne comme le phronimos d’Aristote ou le légiste talentueux de Tocqueville.

S’il faut prendre la distance, il ne faut pas non plus trop en prendre puisqu’il faut quand même ressentir quelque
chose.
→ Ce point de vue se base donc toujours sur l’empathie mais c’est une empathie élargie,
o je ne vais pas m’identifier qu’à une seule personne mais me mettre à distance pour m’identifier
à toutes les personnes concernées.
→ Pour être impartial, il ne s’agit pas de comparer les points de vue de l’un ou de l’autre mais d’avoir de
l’empathie pour tous les protagonistes en adoptant tous les points de vue différents en même temps.
→ Le jugement impartial est donc fondamentalement imprégné de sentiments

Importance du dialogue :
→ L’échange de jugement moral particulier va aider les jugements généraux. Pour arriver à la situation du
spectateur judicieux : on y arrive par une raison (=juste distance) imaginée.

Métaphore du spectateur :
→ le spectateur de théâtre se trouve à distance de la scène et peut tirer un jugement calme et s’identifie à
tous les personnages à la fois
→ En plus, après le spectacle on peut discuter avec les autres.

e) Conclusion : antinomie ?
Tout est affaires de sentiments et tout est affaire de jugement (MAIS ce sont bien deux choses différentes)

Il y a ici une contradiction :


→ On a dit que le sentiment est intime.
→ On a aussi dit que tout jugement moral se base sur un sentiment, certes partagé largement (on peut
parler d’une communion de sentiments)

En effet, on a étudié les individus comme s’ils étaient retranchés en eux-mêmes mais c’est faux :
→ Chaque individu est enraciné dans une société qui peut l’influencer (ce qu’on observe ce sont des idées
qui s’imposent à nous).
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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

→ Alors, le sentiment moral lui-même devient un jugement puisqu’il est postérieur aux idées qui circulent
dans la société, les « normes générales » qui nous influences toujours déjà.
→ Le sentiment n’est pas seulement intime, il est influencé et biaisé

Cette antinomie est seulement apparente car :


Chacun a la capacité de prendre le point de vue du spectateur judicieux.
→ D’une part, le sentiment moral est toujours intime.
→ Par contre la raison, en tant que point de vue, permet de laisser ce sentiment à l’intérieur de chacun.
→ En fait, on n’est pas uniquement limité à nos sentiments puisqu’on a la capacité d’entrer en empathie
élargie.
→ On peut tous poser un jugement qui va être potentiellement distinct du sentiment premier.

Le « formatage » social des individus


→ Quand Hume dit qu’on est influencé par la société, il parle du discours et non du sentiment.
→ Chacun contribue à instituer la société (puisqu’on limite notre égoïsme),
o « je marque mon accord avec la justice puisque si tout le monde le fait ça pourra mener à la
société vertueuse. »
→ Ça n’empêche pas le sentiment intime et intérieur.
→ En résumé, le formatage social des individus se fait uniquement au niveau des jugements moraux et pas
au niveau des sentiments moraux qui restent singuliers et intimes
→ Ex : si je juge qu’il est important de respecter l’institution judiciaire ce n’est pas pour autant que je n’ai
pas un sentiment intérieur qui me fait détester cette même institution.

2. LES PROPOSITIONS DE SMITH

a) Positionnement scientifique et objectifs


LIBERALISME :
Smith est connu comme le père de l’économie politique moderne, plus précisément du libéralisme économique.
→ Selon lui, pour que tout se passe bien, il faudrait que l’état intervienne le moins possible et laisse chacun
vaquer à ses activités, en particulier économiques.
→ Laisser le marché prospérer

MORALISME :
Smith est aussi moraliste, pour lui comme pour Hume, une vie sans vertu n’est pas une vie authentiquement
humaine
→ En 1759, il écrit « Théorie des sentiments moraux » où il s’interroge sur la façon dont on peut déterminer
si une chose est vertueuse ou vicieuse.
→ Il a lu Hume, le cite, parfois parle de lui sans le citer (possible examen texte de Smith qui parle de hume
sans le citer).
→ Il cherche à définir le principe de notre évaluation morale : comment pouvons-nous bien juger ?

EMPIRISME
Il part du postulat que nous sommes tous égoïstes et qu’il ne faut pas miser sur le fait que nous allons collaborer,
→ il faut penser la société, l’économie et l’état en partant de l’égoïsme des humains

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

b) Principe de la moralité (sur quelles base juge-t-on ?)


Pour Smith, le fondement de nos jugements c’est le sentiment ressenti par empathie (//Hume)
→ Pour lui c’est évident, il est empiriste, c’est quelque chose qu’il observe.
→ Ce n’est pas un postulat mais un constat.
→ Il n’a pas besoin de prouver ce qu’il dit puisqu’il le voit.

Pour lui, par nature, TOUS les êtres humains possèdent 2 sentiments originaires :
→ Égoïsme
→ L’empathie : tout le monde en est capable

Il dit que l’empathie c’est : le sentiment de partager avec quelqu’un d’autre une passion (//Hume)
→ Mais il ne fait pas toujours clairement la différence entre l’empathie et le sentiment.

Smith est d’accord avec Hume pour dire que l’empathie procède de l’imagination.
→ On adopte le sentiment de l’autre et on le fait notre.
o Ex : quelqu’un se cogne et je dis « aie »
→ Puis on se transporte en dehors de nous-même.
o En se disant « si j’étais à sa place j’aurais mal »
→ Par l’imagination, on se met à la place d’autrui puisqu’on n’a pas directement accès à leur intériorité

L’imagination (donc le fondement de l’empathie) ce n’est pas :

DE L’AMOUR DE SOI (=égoïsme) DE LA RAISON

→ Smith considère que ce n’est pas une → La raison c’est une opération de généralisation, qui
appropriation excentrique. permet de tirer des généralités/règles générales
→ Pour l’époque cette pensée est innovante d’observations particulières.
puisque l’égoïsme était placée au centre de → Il rejette la raison en tant que fondement de ce qui nous
la pensée permettrait de savoir ce qui est juste ou ce qui est bon.
→ Ex 1 : Un homme peut ressentir de → Ex : La sixième fois que j’aurai vu une personne prendre
l’empathie pour une femme qui accouche, il une claque, ma raison pourra me dire « ok j’ai vu 7 fois
ne pense pas à lui puisqu’il ne connaitra une situations singulières dans laquelle la violence avait
jamais cette situation. l’air douloureuse, j’en déduit que, et c’est la raison qui
→ Ex 2 : On peut juger de situations très me permet de le faire, que la violence ce n’est pas bien.
éloignées de nous, on entre en empathie → La raison ne peut pas à la fois causer le sentiment
avec des citoyens romains par exemple d’un (empathie) et permettre de le généraliser,
autre siècle → Elle permet uniquement de tirer des règles générales de
→ On peut donc juger d’une situation qui n’a moralité.
rien à voir avec nous personnellement. → C’est toujours l’imagination qui est la cause, la raison
c’est l’opération de généralisation

La double empathie

Selon les observations de Smith, l’empathie est donc double (qui vient compléter les idées de Hume)
→ Hume nous a déjà parlé de l’empathie du spectateur.
→ Smith ajoute que l’acteur va aussi entrer en empathie avec le spectateur.

Ce qu’on adore en tant qu’humain c’est de constater l’empathie des autres à l’égard de nous.
→ Quand on souffre, savoir que d’autres s’imaginent à notre place, nous fait du bien.
→ Néanmoins, l’empathie du spectateur et la souffrance de l’acteur n’auront jamais la même force :

23
Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

o si j’ai de l’empathie pour une personne triste, je ne pourrai pas être aussi triste qu’elle.
o Le ressenti empathie n’est jamais aussi fort que le sentiment en soit
→ Donc on a la fois envie que les autres ressentent ce qu’on sent mais c’est une position intenable.
→ Seul l’homme faible et peu vertueux voudra que l’autre souffre autant que nous.

Il faut tempérer l’expression de nos sentiments sinon ça peut déranger les autres, leur causer du déplaisir.
→ Donc l’individu vertueux est aussi en empathie avec le spectateur.
→ Exemple : Si notre amie est en train d’exploser et de pleurer très fort on aura du mal à se ressentir avec
elle car c’est tellement fort. Si elle entre en empathie avec nous et qu’elle se calme un peu alors on
pourra entre en empathie avec elle

Comment bien juger alors ?


On juge bien d’une situation quand le sentiment qu’elle suscite en nous rencontre le sentiment de l’autre = s’il y
a une concordance des sentiments
→ Ça arrive après que l’acteur ait atténué ses passions par empathie avec l’autre
→ Alors, le spectateur et l’acteur arrivent à une même position.
→ Chacun approuve les sentiments de l’autre et les considère comme appropriés
→ La froideur du spectateur va aussi soutenir celui qui est impliqué dans la situation
→ Nous sommes donc tous capables de faire un jugement juste

Pour poser un bon jugement Smith rajoute 2 critères (un peu moins important mais aide) :
[1. Idée de perfection :
→ Pour identifier l’endroit à partir duquel on peut poser un bon jugement on se pose par rapport à l’idée
d’un accomplissement complet, à l’horizon de la vertu accomplie, à l’horizon de quelqu’un qui poserait
un jugement parfait
→ Même si cette personne n’existe pas, pour prendre cette juste position on se demande « que ferai une
personne parfaite à ce moment-là »

[2. Common degree of excellence :


→ Moyenne sociale : degré de proximité des individus par rapport à l’idée de perfection.
→ Pour poser le bon jugement sur la situation, il faut se poser par rapport à la moyenne (que ferait Mr tout
le monde dans cette situation ?)

L’impartial Spectator
En conclusion, notre évaluation empathique d’une situation combine :
→ Nous-même ce qu’on ressent
→ L’idéal
→ La norme sociale
C’est à l’intersection de ses trois critères que se place la figure du spectateur impartial.
→ Ce n’est pas une personne, comme pour le spectateur judicieux c’est une figure, un pdv qui est le bon à
prendre
→ Pour Hume c’est ce qui nous permet d’approuver ou de désapprouver une personne ou un trait de
caractère avec vertu.
→ Tout cela est ancré dans l’expérience : nos sentiments sont toujours en jeu puisque tout jugement ne
peut être basé que sur un sentiment mais on va les encadrer
→ Il est aussi qst d’imagination puisqu’on va tjs imaginer non seulement ce que l’autre peut ressentir mais
aussi ce que le spectateur impartial jugerait.
Que ce soit le spectateur judicieux de Hume ou le spectateur impartial de Smith, leurs deux figures sont des
sortes de méthodes, des formulations.
→ Si on juge à partir du spectateur impartial ou à partir du spectateur judicieux, alors on posera un
jugement juste.
24
Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

c) De quoi juge-t-on ?
Jugement porté sur autrui (qlqun d'autre)
→ Juger d'un acte, d'une situation qui ne concerne que l’autre
→ Je vais prendre le pdv du spectateur impartial

Jugement porté sur nous-mêmes


→ Comme si je me divisais
→ J’ai en moi un "je" spectateur et le "je" jugé
→ Le moi juge et le moi qui pense

Jugement porté sur notre interaction sur autrui


→ Jugement sur l'interaction grâce au pdv du spectateur impartial
→ Pour compenser notre égoïsme naturel : examiner MA situation et celle de L'AUTRE depuis un pdv
extérieur
o Ni le siens, ni le miens
→ On s'intéresse à égalité aux sentiments des deux personnes
→ Possible que si les deux font cet efforts

d) Comment juge-t-on ?
Pour nommer la figure du spectateur impartial, Smith parle aussi de juge intérieur, homme intérieur, œil naturel
de l’esprit, œil du dedans
→ La capacité à poser des jugements justes est donc en nous,
→ c’est une qualité naturelle que d’agir vertueusement
→ nous l’appelons la conscience et c’est un don de la nature
→ Nous avons tous le désir de réaliser nous-mêmes ce qui serait approuvé par tous et ce que nous
approuvons chez les autres.
→ Naturellement, nous recherchons aussi l’approbation du spectateur impartial.

Exemple : si un compliment pas du tout sincère et non mérité (parce qu’on a triché par exemple) nous a été fait,
il ne nous fait pas plaisir car ça ne serait pas approuvé par un spectateur impartial.
→ Autrement dit, naturellement on cherche à avoir l’approbation des autres.
→ Si on veut juste l’approbation des autres, on n’essaie pas d’être impartial, on fait semblant,
→ pour cela que nous devons surtout chercher à avoir l’approbation du spectateur impartial

L’amour de ce qui est honorable et noble de deux choses est dû à :


→ L’amour d’autrui (ni celui de la personne qui nous regarde, ni celui de l’humanité en général)
→ L’amour de soi
→ Notre désir de vivre « bien », notre inspiration à devenir quelqu’un de bien
→ La volonté d’être digne d’éloge à nos propres yeux, aux yeux des autres et aux yeux du spectateur
judicieux

L’individu vertueux
L’intervention de la conscience, donc de l’œil du dedans (la conscience), intervient chez tout le monde, et pas
seulement des personnes exceptionnelles
→ Les êtres les plus vertueux ne sont pas ceux qui ont le plus de consciences mais
→ ce sont ceux qui se distinguent par la constance et non par des capacités exceptionnelles.
→ En tout circonstance, ils ne cherchent pas d’abord les éloges mais avant tout à adopter le point de vue
du spectateur impartial.

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Selon Smith, malgré notre ancrage dans un certain contexte, une société particulière : l’empathie vertueuse est
celle de n’importe quel/tout spectateur impartial (et nous pouvons tous l’être mais peu le font)
→ Le spectateur impartial est en mesure de rentrer en empathie même avec des gens qu’il ne connait pas.
→ Il cherchera alors à s’informer au mieux sur leur situation (qu’il connait peu) et, grâce à l’imagination, il
réussira à s’imaginer à la place des victimes.
→ L’empathie lui permettra ensuite d’imaginer comme les victimes auraient besoins d’être secourues et de
les aider.
→ Donc, pour Smith, le jugement du spectateur impartial peut être universel.

Concrètement
On juge dans trois tribunaux

[1. Celui de l'homme du dehors


On l'utilise le plus souvent, c’est quanton juge selon la norme sociale : ce que les autres pensent, disent et
jugent
→ Nous sommes tous empathiques et donc sensibles aux ressentis des autres mais nous avons quand
même le désir de plaire
→ On se soumet alors au jugement extérieur pour plaire et on juge comme les autre
→ Pas de spectateur impartial

[2. Celui de notre propre conscience : de "l'homme dedans la poitrine"


Quand on applique notre propre conscience, c’est donc le meilleur tribunal
= "juge supérieur de notre conduite"
→ Mais notre conscience est souvent influencée et troublée par « lhomme du dehors »
→ On pourra donc avoir des craintes et des hesitations et ne pas l’ecouter

[3. Celui du "juge omniscient du monde"


Lorsque notre conscience est totalement troublée, il nous reste l’espoir/la croyance d’être un jour jugé par un
juge totalement impartial
→ Cette croyance/espoir peut nous aider quand on n'arrive pas à suivre notre conscience et nous aide à
orienter notre conduite et nos jugement
→ L’espoir d’avoir l’approbation de ce juge suprême nous permet de nous accrocher pour agir versement.

Palier notre faiblesse L'éducation est donc cruciale !


On est faible, car on n’est pas toujours capable d’écouter notre
« juge intérieur » et donc d’appliquer le pdv du spectateur judicieux Par l'éducation, on pourra aider à respecter
→ Bien que ce désir soit un don inné les règles morales
→ Malgré cette espérance d'un jugement final impartial → On va apprendre aux enfants à ne pas
faire ce qui est désapprouvé par la
Face à notre faiblesse, il y a le sens du devoir
→ C’est une sorte d’approximation de la vertu qui est fondé société
sur les règles que notre raison a permis de dégager → La personne bien éduquée va agir
o Donc un retour au premier tribunal « comme si » elle était vertueuse
o On se base sur les normes sociales
Ex : on apprend à être polit et dire merci
→ c'est une façon de nous aider, pour combler nos difficultés
quand quelqu’un fait quelque chose pour
o le sens du devoir nous donne un sentiment de
« devoir accomplis » nous (on fait semblant d'être vertueux)
→ Universel : il change selon le contexte et la société dans → On n'est pas vraiment tjrs
laquelle on vie (importance de l’éducation) reconnaissant mais on dit quand
→ Hypocrisie : on a quand même le désir sincère d'accomplir même merci
notre devoir → On fait donc semblant d’être vertueux
o même si on fait juste semblant
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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

e) Règles de justice
Les règles de justices ont une place à part parmi les règles de morales car ce sont les seules qui soient précises.

Smith, empiriste, fait un constat : nul ne peut supporter l’injustice.


→ Dès lors, des juges sont nécessaires pour éviter la vengeance privée et le chaos social.
→ Or, dans les états bien gouvernés, les décisions de justice des juges sont soumises à des règles de justices.

Pour déterminer ces règles, il y a 2 méthodes :

[1. La jurisprudence (≠ du sens du cours de SPD)


= science qui cherche à définir les principes généraux qui peuvent être adaptés à chaque situation
→ Puisque les règles sont générales, il y a plus d’indétermination et donc une plus grande marge
d’appréciation pour le juge.
o Il y a plus de place pour le spectateur impartial.
→ Lorsqu’un conflit se présente à lui, le spectateur impartial va évaluer les circonstances de chaque cas
→ Elle nous pousse à nous interroger autrement
→ Ele va nous soutenir vers un chemin éthique. Autrement dit, elle mène à s’interroger autrement ; ne pas
essayer de tout prévoir puisque ce n’est pas possible, mais elle nous mène aussi à ne pas être passifs.

[2. La casuistique
= science qui consiste à définir très méticuleusement tout un ensemble de cas Ethique = que pouvons-nous
et à faire correspondre à chaque cas un règle précise décider dans cette situation
→ Il y a moins d’indétermination donc les juges ont moins de marge
précise
d’appréciation.
→ Morale appliquée
o Empêcher d’utiliser le pdv du spectateur judicieux
→ Dépend des circonstances
→ Surtout, elle laisse moins de place pour l’éthique.
→ Pour Smith, cette méthode est vaine car il est impossible de prévoir Morale = ce qui est bien ou mal
toutes les situations et leur solutions à l’avance. → Beaucoup plus général

Différence entre les deux approches :


La règle dit que le voleur doit être emprisonné. Mais qu’est-ce qu’il se passe si le voleur était pauvre, s’il avait
besoin de voler pour ne pas mourir de faim ?
→ Selon la casuistique : la règle est précise donc il devrait être emprisonné dans tous les cas,
o ça n’a pas de sens
→ Selon la jurisprudence : elle va prendre en compte les circonstances, les sentiments, la lourdeur de
menace, la sincérité de la promesse
o Peut-être qu’elle aboutira a la même conclusion, que oui il devrait honorer sa promesse
o Mais pas forcement

Remarque :
Smith a grandi dans une époque de conflit religieux et a reçu une formation de théologien.
→ Les prêtres et les confesseurs disaient : là tu as péché, là tu as été vertueux.
→ Pour Smith c’est insupportable car ça empêche les gens d’aller vers le spectateur
vertueux,
o ça dit au gens « ne te préoccupe pas du 2ème tribunal, préoccupe-toi
seulement de la norme sociale ».
→ Il dit qu’il est important que le spectateur impartial reste notre façon de juger et de
penser et que l’on garde notre discussion intérieure

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

f) Réconcilier les réflexions moralistes et éco-politique de Smith


Smith est également le père du libéralisme économique
→ Restriction de toute intervention de l'état : il doit laisser chacun vaquer à ces activités surtout
économique
La main invisible
Il développe alors l’image de la main invisible : puisque l’état n’intervient pas, alors chacun va poursuivre son
activité économique et le marché va s’autoréguler et la société sera plus harmonieuse
→ Basée sur l’égoïsme naturel (que nous possédons tous) : chacun poursuit ses intérêts personnels et donc
tout se passera bien
Le rapport avec le moralisme ?
A première vu la main invisible et le spectateur impartial semblent inconciliables
→ La main invisible se réalise à l’insu des personnes sans qu’ils se rendent compte de son intervention
→ Le spectateur impartial est une métaphore qui nous invite à la prise de responsabilité consciente

Mais on se rend compte qu’il y a tout de même des similitudes et qu’elles concordent :

[1. Moralité dans l’économie


Smith n’était pas radicalement libéral.
→ Il soutient des propositions morales en économie.
→ Il dit que l’État doit un peu réglementer le commerce.
→ Il n’est pas totalement amoral car il dit qu’il faut éviter de donner les postes importants aux hommes
d’affaire car ils n’auront que des objectifs d’enrichissement personnel.
→ Il plaide pour une certaine redistribution des richesses par l’État.
o Idée que l’état prélève des richesses aux plus favorisées et les distribue aux plus favorisés. A aussi
lutté en faveur d’un minimum salarial
→ Donc il y a des éléments de l’ordre du moralisme dans ses approches économiques

[2. Métaphore de la main invisible


La première fois qu’il en parle c’est dans son traité des sentiments moraux. Il évoque cette métaphore pour
exprimer un paradoxe de la société :
→ il observe que les riches donnent un peu de leur richesse aux pauvres
→ Paradoxe = on est tous égoïstes (désir d’être toujours plus riches) et pourtant ca a un effet positif sur les
pauvres

Cela s’explique par le fait qu’on a tous tendance à aimer les choses harmonieuses
→ Le plaisir qui est à la base du sentiment de beauté est le même que quand on regarde quelque chose de
bien rangé, un système en ordre, beaucoup plus que ce qui est utile.

Il dit que c’est ça qui joue chez les riches.


→ Quand les riches accumulent les richesses, le but n’est pas la satiété corporelle,
→ c’est la recherche d’une satisfaction qui réside dans le plaisir de regarder un domaine bien ordonné, le
palais bien organisé.
→ Quand ils repartissent leur richesse c’est la même chose : ce n’est pas par envie d’harmonie
o « ce n’est pas ordonné que moi j’ai plein et lui rien »
→ Ils ne le font pas par empathie mais bien par égoïsme

Il dit qu’en expliquent ça il met en évidence une ruse de la nature :


→ les riches pensent qu’ils amassent des richesses pour leur satisfaction personnelle mais non
→ avec la main invisible, les riches ne se rendent pas compte pourquoi ils partagent une part de leur
richesse, ils servent malgré eux l’intérêt de la société, c’est une ruse de la nature.

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Attention ce n’est pas de l’empathie !!!


→ le riche ne fait pas un pas vers l’autre, il agit involontairement et par égoïsme
→ Puisqu’il cherche à atteindre cette sensation d'harmonie pour satisfaire son plaisir personnel, par amour
du beau
→ Il n’est pas en train d’agir en conscience : ce n’est pas une exposition vertueuse mais une ruse de la
nature

Conclusion
Différence entre le riche et le philosophe (=personne qui essaye de bien vivre, donc de vivre avec la position du
spectateur impartial)
→ Le philosophe essaye de vivre avec la position du spectateur impartial et donc de vivre une vie vertueuse
→ Il cherchera l'harmonie du monde mais en conscience de ses actions
→ Il arrive à servir la main invisible mais en plein conscience

3. Mise en perspective
La véritable vison du juge selon A. Supiot (allégorie)

C’est une statue qui représente la Prudence.


→ La Prudence a un compas : qui lui permet de mesurer les choses et les intérêts de chacun
→ un miroir : qui lui permet de s’occuper des autres et aussi de se regarder elle-même, pour être un bon
juge il est nécessaire de se connaitre soi-même
o Tout jugement requiert une faculté de discernement qui est ancrée dans le vécu, sans le miroir,
le juge ne peut pas juger la réalité puisqu’il ne la connaitra pas assez bien
o // hume et Smith : prendre en compte nos sentiments
→ A l’arrière de son visage il y a un autre visage (jeune femme/vieil homme).
o Le bon juge c’est celui qui a la fois regarde vers l’avenir et vers le passé.

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Partie III : Comment fonder la justice sociale


?

Introduction
Dans cette partie, il ne s’agit plus de juger d’un acte ou d’un comportement. Il s’agit de penser la justice à l’échelle
de la société

a) La série « John Adams »


John Adams affirme vouloir un pays libre : c'est sa priorité
→ Le jugement juste et le jugement libre est lié à la vie sociale
→ La scène de justice observée dans le film de John Adams se situe dans un Congrès Continental ou siègent
13 états colonies de la GB. C’est une justice non judiciaire mais sociale.

PAR QUI les principes de justices sociales doivent-ils être définis ?


− Les caractères et caractéristiques personnelles de John Adams et des autres délégués ?
→ Faut-il que les principes de justice soient définis par des gens de grande moralité ?
→ Par des gens qui connaissent la loi ?
→ J.A est aussi fermier, est-ce important que les personnes qui établissent les principes de justices aient
ce genre d’expérience ?
→ Quinton dit que ses positions sont influencées par sa religion : est-ce important ?
→ Ça doit être établi par des personnes puissantes ou plutôt par des personnes talentueuses ? –
− Une ou plusieurs personnes ?
− Quid de la diversité et/ou représentativité du Congrès ?
→ Faut-il une femme au Congrès ou bien ça ne change rien ?
− Confier cette tâche à des individus ou des représentants : la même chose ?

COMMENT définir ces principes de justices, les principes d’une société juste ?
− Par le débat ? Si oui, un débat libre ou organisé ? Un temps de parole pour tout le monde ?
− À partir des faits, notamment de la nécessité ou du vécu des plus faibles - À la majorité, à l’unanimité ?
− Par un vote ou au consensus
− L’exigence que toutes et tous s’engagent est-elle admissible ?
− Quid du recours à la violence ?
− Par des principes ou des mesures concrètes ?
− Au nom de la paix ?
− Par loyauté à une autorité, une loi ? (Sur la base d’une habilitation, juridique, politique ?)
− Par la raison ?
− Avec le cœur ?
− À partir de principes divins, sacrés ?
− À partir de la nature, des principes naturels ?
− Sur la base d’évidences ?
− En cherchant des principes universalisables

30
Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Ce sont toutes des questions relatives à la fondation de la société


→ Commet établir des principes justes pour la vie sociale
→ Comment savoir que ce sont les bons principes ?
Il y a toujours eu une sorte d'organisation sociale
→ Trouver le moment de départ de cette organisation relève de l’imagination
→ Difficile/impossible de penser les humains hors tout organisation sociale
→ Bcp de philosophes se sont alors interrogé sur ce point de départ et se sont donc basé sur ces fictions

En philosophie moderne (15e -18e s) de nombreux penseurs ont proposés un contrat social comme fiction pour
penser ce moment zéro (=les contractualistes).
→ Non seulement un accord entre tous,
→ mais l’accord par lequel on passe
o de l’état « de nature » : hors de toute organisation sociale
o à l’état « civil » : quand les individus deviennent citoyens, en se donnant certains principes
d’organisation sociale. Et de vie collective
→ C’est se dire : au moment zéro, au moment d’établir les principes de base de la fondation sociale, on fait
un accord.
→ Ce contrat dit comment on passe de l’état de nature à l’état civil.

Contractualiste : philosophe qui réfléchisse à la fondation de la société


→ Il y en avait bcp : on va en voir 2

b) Thomas Hobbes (1588-1679)


Philosophe anglais qui est le tout premier a à avoir utilisé le mot contrat social
→ A son époque : la guerre civile était très intense et ça va l’influencé
→ toute sa pensée va être influencée par ce qu'il vit, donc la peur
→ a écrit Léviathan
Point de départ : la nature
À cet état, tous les humains sont égaux, comme ils ont tous le droit naturel (=liberté naturelle, rien à voir avec
une norme)
→ liberté naturelle de faire de leur puissance ce qu’ils veulent, d’user de leur force pour rester en vie et
satisfaire leurs désirs.
→ Hors de toute société, nous avons tous ce droit naturel
→ C'est un fait

Etat de guerre
Ce droit naturel engendre un le chaos total état de guerre permanent : comme tout le monde peur avoir ce qu’il
veut, que tout le monde veut la même chose, les gens vont se battre tout le temps, donc on a peur tout le temps
→ C’est problématique pour tout le monde puisque tout le monde veut satisfaire ses désirs mais personne
n’y arrive
→ l’état de nature devient alors une menace

Tout le monde va faire un calcul théologique dans le but de sauver sa peau, chacun va par la raison, arriver à
une conclusion qui s’impose alors naturellement : il faut sortir de cet état de guerre
→ Ce n’est pas une question moral, ni un choix moral : c’est un choix guidé par la peur et la raison
→ BUT : survie
→ Chacun aspire à la paix

31
Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Passer de la guerre à la paix


Chacun va passer un contrat par lequel il renonce à son droit de nature au profit d'un personne (l'Etat)
→ Chacun passe un contrat avec l’Etat en échange de sa protection
→ Ce contrat fonde la société
→ Les individus passent de l’état de nature à l’état civil (ils deviennent citoyens)
L’Etat est alors en possession des droits naturels de tout le monde
→ c'est une personne artificielle, un corp politique, un léviathan
→ Léviathan : de base un monstre mythique : ici, c'est comme un individu immense composé de milliers de
visage (de tous les citoyens qui lui ont donné leur droit de nature)
o C’est une puissance coercitive commune et légitime qui impose un « respect mêlé d’effroi »
→ Il possède alors une force suffisante pour faire régner la paix

L’Etat a le monopole de la violence légitime : c’est le seul a encore pouvoir user de force
→ chaque individu sera contraint à suivre ses engagements et voir en même temps ses propres intérêts
garantis

R °1 : C’est une fiction !


→ Hobbes précise bien que ça n'a peut-être pas eu lieu historiquement mais c'est ce qui se passerai si on
n’avait pas d'organisation
R °2 : Ça ne signifie pas que selon Hobbes l’humain soit méchant (puisque déjà méchant veut dire qu’il y a un
système de morale et dans la nature ça n’existe pas).
→ Surtout, pour Hobbs, les humains sont malheureux et ont peur
→ « L’homme est un loup pour l’homme, par parce qu’il est méchant, mais que chacun a un droit de nature
pour faire ce qu’il veut ».

Contrat social pour Hobbes : contrat fondant la société et par lequel les
individus passent de l’état de nature à l’état civil (ils deviennent citoyens)

c) Jean-Jacques Rousseau (1712 – 1778)


Rousseau propose une conception du contrat social + de 100 ans après Hobbes qui est assez différente
→ H : but = survie
→ R : but = liberté
Il a écrit « Le contrat social »

L’état de nature
Les humains vaquent à leurs activités, chacun dans son coin et sans faire la guerre.
→ Initialement, les individus sont donc libres et indépendants et les ressources sont abondantes.
→ Il n’y a pas de guerre
→ Ils sont inégaux mais sans liens sociaux

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Forme de collectivisation
La vie collective arrive après lorsque, par des circonstances accidentelles, les humains commencent, par hasard,
à mener une forme de vie collective
→ Ex : ils découvrent l’agriculture et commencent à partager des terres

Ça rend la situation instable, les individus commencent à interagir entre eux ce qui montre les inégalités
→ Cet état de nature évolue vers des conflit : la survie du genre humaine est en danger
→ Certains prennent le pouvoir et dominent les autres : la liberté des Hommes n’est pas garantie
o Il n’y a rien de pire pour les humains que de vivre en tyrannie (sans liberté)

Conclure un pacte
Il faut trouver un solution, une façon de se mettre d'accord, une association pour chacun soit protégé et toujours
libre
→ Il faut un contrat entre tous les humains : chacun s'engage à l'égard de l'autre
→ But : préserver les humains de la tyrannie

Chacun est co-contractant = il y a quelque chose qui s'impose à tous mais qui leur permet de rester libre
→ Chacun se donne tout entier à condition que tout le monde le fasse aussi
→ on est tous égaux, car on se soumet tous aux lois et personne ne se soumettra à quelque chose de
particulier
→ domination
Par ce contrat, l’Homme renonce à sa liberté naturelle mais acquiert la liberté civile.
→ Liberté indépendante
→ Liberté autonome : chacun décide librement se signer et choisit de ses propres loi par la négociation
→ Dès lors, chacun pourra se faire entendre quand il faut décider quelle règle appliquer.

Il y a un acte, un pacte de constitution de la société : une convention établie entre les hommes
→ Doit être adoptée à l'unanimité : si certains n’ont pas consenti, on n’est pas égaux
→ Si on ne passe pas de contrat, on laisse la raison humaine dominer, c’est-àdire que certains vont dominer
d’autres.
→ Nous devons passer d'agrégation à association via ce pacte
→ Avec ce pacte, on passe à la société
→ C’est l’acte par lequel s’institue le peuple

Contrat social pour Rousseau : fiction, hypothèse théorique qui vise à rendre
compréhensible l’institution de l’État en général

L’état de nature permet de penser le genre de situation s’il n’y avait pas d’état, ce n’est qu’une fiction pour mieux
comprendre notre société

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

d) Différences entre Hobbes et Rousseau

HOBBES ROUSSEAU
Etat de guerre Etat de pacifisme
− Tout individu est potentiellement en − Chacun vaque à ses occupations
conflit et en guerre contre les autres personnelles
− Ils désirent souvent la même chose mais − Pas de guerres ni de conflits
tout le monde ne peut pas avoir la − C’est dans un second temps que les
même chose conflits émergent : les êtres humains
− Conflit et guerre permanents vont se rapprocher par hasard ce qui va
mener aux premières formes de vie
collective
− L’état de guerre est une conséquence
Etat de nature de la vie sociale
Etat d’égalité Etat d’inégalité
− Les hommes ont un droit naturel (d’user − Les hommes ne sont pas égaux : ils
librement de leurs forces pour satisfaire n’ont pas la même force, puissance
leur désir physique, capacité intellectuelle
− Tous ont ce droit naturel = égalité − Inégalités fondamentales entre tout le
monde
− Ce sera grâce au contrat social que les
hommes deviendront égaux (ce sera
une égalité artificielle
BUT : garantir la sécurité BUT : garantir la liberté
− L’état de guerre est nuisible − A cause des inégalités, certains sont
− Chacun va faire un calcul d’intérêt et plus puissants et vont en dominer
rationnellement conclure à la paix (car d’autres
c’est dans leur intérêt) − L’état va établir des lois que tous les
indivis doivent respecter
Liberté = indépendance, sans contrainte − Chaque individu est contractant et doit
− Ils renoncent à leur liberté en passant le signer ce contrat et donc participe à
contrat l’établissement de ces lois
− Cette loi est le résultat de la décision
Contrat social
collective

Liberté = autonomie, ils participent eu


même à la loi
Verticalité Horizontalité
− Conclut entre chaque individu − Conclut entre tous les individus
− Contrat individuel avec l’état − Contrat entre les individus
− Etat = corps politique unifié − On passe de l’agrégat à l’association :
une vraie communauté avec une
volonté générale

Mais on retrouve les mêmes étapes chez les deux auteurs, et il n’y a pas forcement désaccord sur tout

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

1. Les propositions de Rawls (1921-2002)

a) La philosophie de Rawls
Rawls écrit presque 2 siècle après Rousseau
→ Il s’inscrit dans le courant contractualise mais ne prétend aucune originalité
→ Il n’apporte aucune nouvelle idée mais vient juste clarifier et organiser le système du contrat social
→ Ecrit la « Théorie de la justice »

Pour Rawls, la justice dépend de la façon dont les institutions répartissent les droits fondamentaux et les devoirs
des individus.
→ Puisqu’il n’y a pas de justice sans une bonne organisation de la société, il réfléchit donc dans son livre à
comment organiser la société.
→ Il associe alors la justice à l’équité, l’équité étant indispensable pour toute société juste
=chacun a droit à la même chose

En partant de là, il pose les 2 principes qui sont nécessaires à l’équité (et donc au fondement d’une société juste) :

L’égalité entre tous = principe de liberté


Ce principe dit que chaque personne doit avoir un droit égal au système le plus étendu de libertés de bases.
→ Il va alors faire une liste de ces libertés de base : la liberté de penser, d’expression, le droit politique, le
droit de ne pas être agressé ou tué, le droit de pas être arrêté de façon arbitraire.
→ Ces libertés doivent être assurées à tout le monde, il faut que chacun ait le plus de libertés possibles et
qu’elles soient compatibles avec les libertés de base des autres.

La société en général doit faire en sorte que chaque individu ait un accès égal au système le plus étendu de
libertés de bases
→ il est prioritaire sur le second

La répartition d’avantage économique et sociaux = principe d’égalité / de différence


Il faut que les avantages, ressources et richesses soient bien répartis.
→ Ce principe consiste à imposer que les inégalités sociales et économiques soient organisées de manière
à ce qu’elles apportent aux plus désavantagés les meilleures perspectives.
→ L’idée c’est que les biens premiers (pouvoir, autorité…) soient mieux répartis en ayant en tête qu’à la
base ils ne sont pas bien répartis.
→ Le but est de garantir l’égalité des chances.

On peut prendre une décision inégalitaire si c’est en faveur des plus défavorisés = équité = discrimination positive
→ Par contre, les inégalités ne seront pas acceptables si elles visent favoriser ceux qui sont plus favorises
→ Pour au final rendre la société plus juste

Pensée contractualiste
Pour prouver ses principes il va utiliser la pensée contractualiste

Situation fictive
Ces 2 principes ce sont ceux qui feraient l’objet d’un accord entre toute personne placée dans une « position
originelle d’égalité »

La position originelle d’équité est donc


→ une position initiale avant le début de la société
→ une position dans laquelle on passerait un bon contrat, puisqu'on est à égalité et on pourrait s'accorder
sur des principes de justice
→ une situation fictive
35
Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Fiction dans un fiction : les individus sont sous un voile d’ignorance :


→ On imagine qu’on est dans la position originelle et dans cette position il y a des individus sous le voile
d’ignorance.
o ils ont une connaissance de la société humaine et qu’ils sont membres de la société (qu’il y a
des pauvres, des riches, des égoïstes, …)
o Mais ils ne savent pas qui ils sont dans la société ni qui ils seront
→ On gomme toutes les particularités des individus
→ Les personnes ne choisiront alors pas des principes de justice qui sont dans leurs intérêts puisqu’ils ne
connaissent rien de leur identité
o Elles vont s’imaginer dans la pire situation possible
→ Égalité et impartialité sont ainsi garanties
→ Chaque personne sous ce voile d’ignorance choisira les 2 principes expliques au-dessus, car tous aura
cette même reflexion

Les inégalités règnent dans la société mais il faut les neutraliser


→ Pour se trouver à égalité et ainsi établir une décision valide
→ Pour enlever les inégalités, il faut le voile d’ignorance
Accord unanime
Ces 2 principes ne s’imposent pas naturellement, ils sont fondés sur l’accord unanime entre individus rationnels
placés dans cette situation fictive.
→ S’il n’y a pas d’unanimité, le contrat n’est pas valable
→ Chaque personne placée sous un voile d'ignorance en viendrait à la bonne et même conclusion

Etablir les principes de jutice : quelques conditions

Par qui ?
Par des individus rationnels et moraux :

Les humains sont rationnels car ils cherchent toujours à maximiser leur bien-être de la meilleure manière
possible :
→ Ex : la théorie des prix : plus un article est recherché, puis il devient cher
→ C’est la même chose pour les décisions qu’on prend : on va accorder plus ou moins de poids aux éléments
en fonction de ce qui est important pour nous
→ On fait toujours un calcul pour être dans une situation qui est le plus agréable en sachant qu’on pourrait
être dans la pire des situations à la base
Les humains sont moraux et pas nihiliste :
→ On ne va pas prendre des décisions dont le but serait la destruction de l’humanité et le chaos (=nihiliste,
pas de hiérarchie morale, de valeur)
→ Ils ont une certaine conception du bien
→ Les individus vont réfléchir en tant qu’individus moraux, ils vont prendre des décisions qui sont
moralement défendables.

Comment ?
Rawls explique que, dans l’idéal, il faudrait que les individus puissent choisir entre toutes les conceptions de la
justice, tous les principes possibles. Seulement, c’est impossible, pour deux raisons :
→ L’exhaustivité est impossible
o même s’il était possible d’envisager tous les principes possibles on n’arriverait jamais à les
concevoir de manière assez claire pour que tous les individus puissent bien les comprendre

36
Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

→ Il n’est pas garanti que les individus posent « le meilleur choix » (sous-entendu ici qu’il n’y a qu’un seul
bon choix)
→ Il n’y a qu’une seule conception de la justice (qui comprend les 2 principes

Selon lui dans la position originelle d’égalité, les individus ne vont pas inventer les principes mais on va leur
procure une liste de conceptions traditionnelles
→ ils vont réfléchir par paire et déterminer laquelle est la bonne.
→ Cette réflexion est faite de manière binaire
→ En comparant les ≠ conceptions de la justice proposé et ils vont arriver à un accord unanime
→ Ensuite, puisqu’on est rationnel, forcément, tout le monde arrivera à la même conclusion.
→ Rawls n’envisage pas que les gens puissent arriver à des conclusions différentes, il a une vision univoque
de la réalité (// Hobbes et Rousseau)

C’est une procédure intérieure et individuelle :


→ La procédure qu’il imagine n’est pas une délibération (>< Aristote) car au fond c’est comme si la réflexion
était faite par un seul individu (puisqu’ils suivent tous le même chemin).
→ Même s’ils en discutent, chacun va comparer par paire et chacun va intérieurement suivre la même
réflexion, le même processus.
→ Donc le modèle que Rawls propose est une sorte de déduction car à la fin la même réponse s’impose à
tout le monde.
→ Quand il dit que le groupe de partenaire n’est pas une assemblée, c’est un groupe de personne et ça
n’importe pas car tout le monde arrive à la même conclusion
→ Est-ce vraiment un accord s’il n’y a pas de délibération ??

Donc : on compare différentes conceptions de la justice et on conclue, à la fin à la même réponse.

En résumé, la position originelle d’égalité =

Une situation hypothétique, fiction théorique (// Hobbes, Rousseau)


→ En ce sens, elle est transcendantale : c’est la condition de possibilité d’une pensée des principes
de justice (ce qui rend possible)
→ C’est une sorte de scène de justice d’avant la justice mais ce n’est pas une vraie situation comme le
disait Hobbes (état de nature) et Rousseau

Au fil de la Théorie de la justice,elle devient un certain point de vue


→ Que chacun peut adopter à tout moment
→ Depuis lequel il est possible de poser un choix rationnel et juste ; situation souhaitable pour qu’un
accord soit posé.
→ Si les individus qui s’y placent se mettent d’accord à l’unanimité, les principes de justice seront
garantis
→ // Spectateur judicieux : point de vue que chacun est capable de poser
o Mais il le critique

b) Echos au spectateur judicieux


Tout ceci fait écho à la fiction du spectateur judicieux de Hume.
→ Mais il le critique en proposant sa position originelle qu'il trouve meilleure
→ alors que ce n’est qu’une forme de déclinaison
Pour Rawls, il y a 3 gros problèmes dans la théorie de la justice de Hume :

37
Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

La justice est conçue comme une « organisation des désirs »


Dans la théorie de Hume, ce qui suscite en moi un sentiment agréable sera vertueux.
→ Ça veut dire que la société est composée d’individus qui cherchent tout le temps à augmenter leur
satisfaction.
→ Au fond la justice, c’est simplement une maximisation du bien-être.
→ Autrement dit, on considérera comme juste ce qui suscite le plus de désir.
→ Pour Rawls c’est problématique car ça voudrait qu’on pourrait bafouer les intérêts, droits et désirs de
certains au nom de la satisfaction générale des autres.

Selon Rawls, la théorie de la justice développée par Hume équivaut à discriminer une minorité au profit d’une
majorité
→ Puisque la satisfaction générale l’emporte
→ Les sentiments agréables l’emportent parce qu’ils sont plus nombreux même ca ne veut pas dire qu’ils
sont unanimes
→ alors que le choix rationnel des principes de justice implique une autolimitation volontaire des désirs de
chacun (j’accepte d’être un peu moins content pour que la société soit un peu plus égalitaire).
→ Rawls estime qu’il faut distinguer le juste du bien et que la justice est prioritaire.

Pour Rawls, chez Hume, il manque un législateur idéal, acolyte du spectateur judicieux qui organiserait les règles
sociales
→ Ce serait un bon gestionnaire qui mettrait une limite et qui repartirait les moyens de la société
→ Sans lui, on se contente de considérer que ce qui est juste, ce qui maximise notre bien-être, notre
satisfaction et donc on en vient à détruire la satisfaction des autres au nom de la majorité

Paradoxe dans la théorie de Hume


On doit à la fois
→ se ficher des laissés pour contre
→ et être empathique
o Hume ne cesse de rappeler que nous sommes tous en mesure d'être empathique et nous
devons tous l'être pour avoir une société juste
Il faut être altruiste et tolérer des injustices sociales ?
→ Donc l'empathie nous pousserai à accepter que certains individus soient privés de leur droit ou de leurs
ressources

Le paradigme (= la théorie) du spectateur judicieux détruit la pluralité inhérente à la société


On fait comme si la pluralité des individus pouvait être limitée à une seule « personne », position.
→ La société est alors organisée sur la base de ce qu’un spectateur judicieux considérera comme désirable
→ la société est réduite à un individu.
→ L’individu tout seul peut avoir une pensée générale qui profite à l’ensemble de la société.

Au contraire, dans la théorie de Rawls, les bases individualistes permettent de préserver les « valeurs de la
communauté »
→ Rawls veut penser une société en partant de bases individualistes mais sans assigner la société à un
seul individu, même si c’est un individu fictif comme chez Hume
→ Mais il ne précise pas que c’est une communauté

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Comment ?
En fondant les principes de justice sur la fiction du contrat.
→ Le contrat implique forcément la pluralité.
→ De plus, ça suppose aussi qu’il y ait des conflits dans la société. Le contrat implique aussi qu’il y ait des
conflits

Rawls dit que d’une part, puisqu’il y a autant de conflits dans la société il faut que la décision soit unanime.
→ L’accord unanime de ces personnes sous le voile de l’ignorance est pris sur la base de la situation
potentiellement la plus conflictuelle.
→ Preuve que ce n’est pas univoque comme chez Hume

Chacun va alors s’imaginer quels sont les principes qu’il choisirait même s’il avait la pire place possible.
→ Cet accord, ils vont y arriver car chacun des individus placés sous le voile d’ignorance est désintéressé
par les autres et prend des décisions de manière à ce que ce soit le plus favorable pour lui
potentiellement

C’est du réalisme C’est de la réciprocité


→ je ne peux pas compter sur le fait que les autres vont penser à moi. → Chacun est rationnel et
→ J’applique donc la règle du maximin : donc voit l’intérêt mutuel
o je vais choisir la situation qui va me permettre d’avoir le (≠ commun) de la
maximum (préserver mes droits, mes intérêts, mes désirs) coopération.
o dans une position ou je serai au minimum → C’est une sorte de calcul
→ Egoïsme → Solidarité

Attention à ne pas confondre « impartial » et « impersonnel » comme Hume.


→ Il ne faut pas oublier les différences entre les individus
→ On ne peut pas se fonder sur l’empathie d’un spectateur judicieux avec quiconque.
→ Le fait que le spectateur judicieux soit impersonnel ne garantit donc pas son impartialité

La base de la théorie de Rawls est donc le désintérêt de chacun pour


les autres contrairement à Hume pour qui c’est l’empathie

c) RAWLS PENSE-T-IL VRAIMENT LA PLURALITÉ INHÉRENTE DE LA SOCIÉTÉ MIEUX


QUE HUME ?
Sans doute pas, puisqu’il reste pris dans « l’individualisme méthodologique ».
→ On peut dire que Hume, contrairement à ce que dit Rawls, fait mieux droits à la pluralité sociale que
Rawls
→ 3 arguments

Le spectateur judicieux n’est pas une univocité gommant les différences


Il dit que le problème du spectateur judicieux c’est que celui-ci va prendre le point de vue de chaque individu et
va adopter les principes selon la majorité.

MAIS c’est faux : le SJ a une empathie élargie et non singulière


→ Ce n’est pas une addition et une comparaison des sentiments de tous
→ c’est une prise en compte de tous les points de vue en même temps
39
Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Hume n’a pas une vision univoque de la rationalité


Pour Hume, la justice est une vertu perçue par l’imagination, ce n’est pas pour autant que c’est une somme de
sentiments positifs
→ Même si on peut ressentir un sentiment désagréable quand on assiste à un procès et que nos jugements
se basent sur nos ressentis,
→ on considère tout de même que la justice dans son ensemble est possible.

Pour Hume, la justice est unifiée puisqu’elle sera une vertu pour tous ceux qui adoptent le pdv du SJ.
→ Tout le monde sera d’accord mais ce n’est pas pour autant que tout le monde aura le même jugement
et le même sentiment.
→ On arrive tout de même tous à la même conclusion car on se dit que c’est bien pour notre société mais
notre réflexion reste différente
→ L’imagination reste donc propre à chacun, le SJ ne gomme pas les spécificités individuelles

Selon Rawls : nous réfléchissons tous de la même façon pour arriver à une conclusion unanime
→ Il ne laisse donc aucune place aux différence

Hume accorde beaucoup d’importance à la discussion


La discussion est nécessaire pour établir et affiner nos jugements moraux (et pas nos sentiments moraux qui ne
changent pas !!!)
→ C’est déjà là une prise en compte de la pluralité.
→ En effet, ça veut dire que chez Hume il y a une diversité des jugements moraux, ce qui fait que la
discussion est utile (chose que Rawls ne voit pas chez Hume)
→ Nous pouvons évoluer par la discussion
o Débattre, discuter, prouver, comparer

En bref, la société et l’individu ne se confondent pas, pour Hume :


→ La décision juste = par décentrement par rapport à son propre point de vue et non
par addition
→ Sentiments et jugements moraux sont pluriels
→ Jugement et norme (sociale) peuvent avoir une valeur universelle mais ouverts à la
remise en question

Lecture pas très convaincante


On en retire que la lecture de Hume par Rawls n’est pas très convaincante : elle révèle une faiblesse de la Théorie
de la justice.
→ Dans la position initiale, il n’y a pas de conflit possible quant au choix des principes de justice.
→ L’accord sera forcément unanime puisque tout le monde réfléchit de la même manière, et tous ont la
même vision morale.
→ Rawls n’envisage pas que plusieurs principes de justice soient également valables
→ La société est donc homogène et sans aucune diversification ou multiculturalisme

Sa théorie ne semble pas en mesure de répondre à la réalité de nos société et ne parait pas correspondre à la
réalité des collectivité humaine

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

d) La critique de l’utilitarisme par Rawls


L’utilitarisme
L’utilitarisme est un courant de pensée né à la fin du 18ème siècle
→ Ce sont des penseurs qui veulent réformer la société.
→ Pour eux, il faut que les institutions maximisent le bien-être du plus grand nombre possible d’individus
o Si une institution ne le fait pas, elle doit être réformée
o Ce qui est légitime c’est ce qui maxime le bonheur d’un plus grand nombre possible
→ Grâce à un calcul d’utilité (ou règle du maxima)
o Applicable à tout

Grands representants : Jeremy Bentham, John Stuart Mill

Rawls veut dépasser l’utilitarisme car ce n’est pas fondamental selon lui
→ Il veut corriger cette approche et lui trouver une solution de rechange

Critique selon Rawls


Ses critiques de l’utilitarisme correspondent aux critiques de Hume

Pour lui, appliquer le calcul d’utilité à l’ensemble de la société est condimentent problématique

Pour lui, la règle de calcul d’utilité est problématique car elle est appliquée à l’ensemble de la société alors
qu’elle ne peut marcher que pour un seul individu. Au niveau collectif ça ne s’applique par pour 3 raisons :

Ça ne prend pas en compte les individualités


Si on définit la justice comme ce qui satisfait le maximum de personnes, elle ne concerne plus le bien de chacun
mais seulement l’addition maximale
→ La société est alors un agrégat, une somme de désirs à satisfaire
→ Cette approche néglige la pluralité qui règne entre les individus et oublie que chaque membre de la
société est distincts les uns des autres
→ La justice n’est qu’une sorte de moyenne

C’est immoral
Il y a un risque au calcul d’utilité, c’est qu’on puisse justifier qu’on sacrifie le bien-être de certains au nom du
bien-être global
→ Risque pour les minorités

Il y a un paradoxe
Si on est utilitariste comme Hume, comment peut-on à la fois avoir l’empathie du spectateur judicieux et à la
fois négliger les intérêts de certains ?

Solutions de Rawls
Pour éviter ces failles et dépasser l’utilitarisme, Rawls propose une variante du contrat social
→ Ce serait un accord de tous dans la position originelle d’égalité
→ Puisque la base de la société est un contrat, tous sont consentants, ce n’est donc pas un agrégat et on
prend en compte la diversité
o Par l’accord unanime, on a une pluralité
→ De plus, on ne sacrifie pas les intérêts de certains au nom de l’ensemble.

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

e) Rawls ne parvient pas à dépasser l’utilitarisme


Quand on analyse les principes de justices, on remarque que Rawls ne fait que proposer une variante de
l’utilitarisme

La position originelle d’égalité gomme les particularités des individus


Rawls dit qu’un accord n’est pas possible sans cette position originelle.
→ Mais le voile d’ignorance gomme la diversité
→ Finalement, on se demande si sa base est vraiment différente et plus ouverte que les utilitaristes
→ Il rencontre les mêmes problèmes que chez les utilitaristes mais n’a pas de solution non plus
o Mais son principe n’est quand même pas utilitariste
o Ils tombent au même endroit, mais pas de la même façon

Les 2 principes de justices sont qu’une version aménagée de l’utilitarisme


Ici, le bien c’est toujours la satisfaction d’un désir et le juste c’est toujours un management des désirs.

La seule chose que Rawls fait c’est qu’il prévoit d’adapter le bien en faveur des plus défavorisés.
→ Il veut maximiser le bien-être de tous sans laisser certains de côté.
→ Néanmoins, son calcul reste le même, c’est le calcul utilitariste
→ Il limite les dégâts mais ne change pas de conception

Il conserve un des présupposées principaux de la théorie utilitariste


Rawls l’assume : il trouve que l’utilitarisme est problématique au niveau collectif, mais au niveau individuel c’est
une bonne chose
→ Sa théorie du choix rationnel est donc utilitariste
o Comment maximiser mes intérêts en minimisant mes couts ?
→ Tout individu est prioritairement guidé par la recherche de son intérêt
→ l’utilitarisme ne pose aucun problème tant qu’il est au niveau individuel. A ce stade-là̀, il reste utilitariste.

Critique de la philosphie rawlsienne


Le choix des principes de justice résulte d’une somme de choix individuels et non d’un choix collectif.
La théorie du choix rationnel est d’inspiration utilitariste puisque l’idée du choix rationnel c’est que les gens
choisissent en cherchant à atteindre leurs intérêt personnels.
→ Pas de réflexion collective
→ c'est la somme de choix individuel
→ Le choix collectif est impossible
Donc les principes de justice sont juste un choix individuels qui s'additionnent a d'autre choix individuels
Cette théorie empêche l’invention des principes de justice
On peut seulement choisir parmi les propositions qui existent, ce qui nous arrangera le mieux.
→ On ne peut pas radicalement créer avec les personnes qui sont là quelque chose de neuf
→ Inconcevable que les personnes délibèrent de quelque chose qui naisse de la discussion
→ Or c’est souvent comme ca que naisse les bonnes idées

Ces deux problèmes découlent du sens très restreint que Rawls donne à la rationalité
→ Pour lui, elle est instrumentale c’est uniquement la recherche des meilleurs moyens pour atteindre un
but
→ Il n’imagine pas du coup que dans notre rationalité́ humaine il y ait quelque chose de critique, quelque
chose qui ne soit pas seulement instrumentale, qu’il ne soit pas seulement le meilleur moyen pour
atteindre le but

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

f) Conclusion
En conclusion, les réponses de Rawls à notre question du « comment penser la justice sociale » ne sont pas
pleinement suffisante.

Selon lui :
→ Il faut imaginer des individus totalement égaux (car placés sous le voile d’ignorance, dans la positiotn
originelle d’égalité)
→ Comme ils sont rationnels, ces individus s’accorderont forcement sur les 2 principes de justices (liberté
et différences)
→ Et voila sa réponse qu’il permet de mieux répondre à la question que les utilitaristes

Mais Rawls n’atteint pas vraiment ses objectifs et sa théorie n’est qu’une forme d’hybridation entre l’utilitarisme
et du contractualisme
→ Utilitarisme : conception de la rationnalité donc des conditions de justice
→ Contractualiste : la societe est fondée sur un contrat, un accord

La société n’est alors qu’une « entreprise de coopération en vue d’un profite mutuel »

La philosophie de Rawls a toutefois été…

Très fertile : il a inspiré un très grand nombre de piloches politiques

Très critiquée :
→ Il reste utilitariste et n’atteint donc pas son objectif
→ Sa théorie n’est pas neutre, alors qu’il prétend l’être
o De nombreuses intuitions morales sous-tendent sa théorie
o Il y a des incohérences dans son propos
→ Il est trop abstrait de l’individu
o Il se fonde trop sur une fiction
o Tellement abstrait que ça devient vide
→ Théorie difficile à mettre en œuvre concrètement (surtout le 2ème
principe)
o d'un point de vue pratique c'est compliqué
o c'est beau sur papier mais comment faire ?

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

2. Les propositions de Sen et Nussbaum (20ème -21ème)


Ce sont deux personnes qui ont critiqué Rawls et développé des arguments important sur la justice sur base de
Rawls

Amarty Sen : économiste et philosophe indien Martha Nussbaum : philosophe états-unienne


Son parcours est marqué par sa jeunesse en Inde : Initialement c’est une spécialiste de philosophie
→ témoin de grande violences ethnique et ancienne
religieuse et de la famine au Bengale → Mais déjà à l'époque, ces travaux portaient sur
→ Ses recherches en économie ont été la vulnérabilité et sur le rôle des émotions et
profondément influencée par cette origine de l'imagination dans la délibération
o Culture nourrie par l'expérience
artistique de sa famille Elle est donc devenue également une grande figure de
o Et l'influence des drames de son la philo contemporaine
enfance → Elle a étendu ses réflexion à la société
contemporaine et à une action politique
Il a développé des théories de choix social, de bien- concrète
être économique, … → Elle a mis ne évidence l'importance de
→ Recherche en économie (prix Nobel) : l'imagination et des émotions pour juger
porte sur le lien entre économie et éthique rationnellement
→ Recherche en philo : il développe des → BUT : lutter contre les inégalité, le droit des
propitions en réponse à Rawls animaux, la mondialisation
Elle a écrit :
Il a écrit L'idée de justice
→ Les frontière de la justice : critique du
contractualiste
→ Poetic justice : Jugement basé sur l'imagination
et les émotions

Tous deux travaillent à la question de la justice sociale et ils ont collaboré pendant plusieurs années à l’ONU
→ Ont critiqué l'approche strictement quantitative caractérisant les analyses économiques et du bien-
être
o PIB : problématique, car basé sur des chiffres
→ Ont essayé de trouver d’autres façons de penser et de mesurer la qualité de vie
o Important de prendre la complexité humaine en compte et la singularité des situations
concrètes.

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

a) Pourquoi veulent-ils repenser une théorie de la justice ?

Pour Sen
Critique
Sen dit qu’il est important de prévenir l’injustice flagrante dans A l’inverse de son maitre Socrate, Platon situe
le monde, plutôt que de rechercher ce qui est parfaitement juste son travail philosophique et politique au niveau
→ Il dit donc qu’il est important d’empêcher l’injustice de la pensée, hors du concret et de la gestion
plutôt que d’imaginer ce qui serait idéal. des affaires de son époque : il s'agissait de
s'intéresser à comment comprendre les choses,
En fait, il est entrain de critiquer radicalement une tradition
de théoriser ces conditions d’intelligibilité
philosophique qui existe depuis Platon : l’institutionnalisme plutôt que d'interroger la mise en pratique
transcendantal
→ Institutionnalisme : car il s’agit de s’intéresser aux → Apres Platon, les philosophes ont suivis
institutions cette voie : ils imaginent des cités idéales,
→ Transcendantal : Expression qui vise toutes les utopiques, dans lesquels il y aurait une
approches dont l'objectif est de définir les meilleurs justice parfaite
institution, des dispositifs institutionnelles justes pour
toutes sociétés

L’institutionnalisme transcendantale est une approche de la justice qui consiste à :


→ Se concentrer sur la justice parfaite (et non relative) plutôt que de chercher à penser ce qui est « plus
juste » (= ne pas envisager la justice relative)
o Ils se concentrent sur ce qui serait absolument juste sans essayer de graduer un peu les chose
→ Penser des institutions idéales, mais sans se préoccuper du concret, de leur mise en œuvre dans une
société réelle

C’est exactement le projet de Rawls, mais c’est une approche trop abstraite et formelle

Propositions
Sen veut donc :
→ Partir du concret, du sentiment d’injustice (sensibilité) pour construire un cadre théorique.
o Il veut créer un cadre qui puisse permettre de réduire les injustices en s’inspirant de situations
réelles.
o On a tous une sensibilité à l’injustice et si on part de ça, on peut créer une réflexion générale

→ Trouver comme une société plus juste serait possible.


o Objectif plus modeste qui n’est pas de détruire toutes les injustes mais de limiter les plus
intolérables

→ Procéder par comparaisons (c’est une autre tradition philosophique)


o Il veut rejoindre une autre tradition qui est plus minorité et qui est celle d’Adam Smith (//).
o Eux essayent d’imaginer une société plus juste en procédant par comparaison de chacune des
divisions possibles
o on ne vise pas le juste dans l'idéal mais on essaye de résoudre la question de la justice en
comparant les différents modes de vie que les gens peuvent avoir
o Comparer par exemple les effets des théories sur la réalités

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Pour Nussbaum
Critique
Selon elle, 4 problèmes fondamentaux ont été négligés/ignorés par les philosophes politiques :
→ la revendication d’égalité des femmes
→ les droits civiques des personnes handicapées (physiquement et mentalement)
→ le problème de la mondialisation (
o nécessité d’étendre la justice et les droits liés à la citoyenneté à tous les habitants de la planète
o comment penser à l’échelle globale ?
→ la nécessité d’accorder des droits aux animaux « non humains »

Ces 4 enjeux requièrent qu’on repense le cadre (l’État) et la base (la conception de l’individu) des théories de la
justice
→ Elle estime que l’État tel qu’on le connait ne permet pas de prendre en compte ces problèmes.
→ Aussi, qu’on ne peut pas planter des relations humaines sur un contrat.
→ Il faut trouver un nouveau modèle, qui correspondent au monde contemporain, à ses réalités et à ses
complexités

Propositions
Elle veut :
→ Partir du concret
o Cette théorie doit être en dialogue avec le monde réel et pouvoir répondre aux problèmes les +
urgents

→ Comparer les effets des théories sur la vie concrète.


o La théorie doit se baser sur la comparaison de faits réels
o Elle a aussi une approche comparatiste

→ Que la théorie soit à une distance suffisante des conflits du moments afin de construire une théorie
générale
o Doit être abstraite, générale et pas totalement influencée par les conflits du moment

b) Point de départ : tous deux partent d’une scène de justice


Ce ne sont pas des fictions, mais vraiment des points de départ
Pour Sen
Sen part d’un exemple qui est plus qu’une illustration
→ En effet, il va tellement l’utiliser que ça devient chez lui c’est une sorte de fiction fondatrice
→ qui n’est pour autant pas transcendantale, puisqu’elle n’est pas nécessaire pour penser la justice
→ Il invente une situation ou trois enfants se disputent une flûte :

Bob, Anne et Carla se disputent tous les trois une flûte. Anne dit qu’elle doit être à elle car elle
est la seule à savoir en jouer, Bob parce qu’il est tellement pauvre que ça serait son seul jouet
et Carla la réclame parce qu’elle est celle qui l’a fabriqué.
Mais à qui donc revient la flûte ?

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Cette histoire nous montre bien qu’une pluralité de principes rivaux peuvent être jugés pertinents pour
l’évaluation de la justice
→ Un observateur extérieur qui serait mis en position de juge aurait de bonne raison d'attribuer la flûte à
chacun des enfants sans connaitre les arguments des autres, puisque chacun des enfants à un prétention
légitime à posséder la flûte
→ Pour Sen, il n’est donc pas défendable que les principes destinés à définir la société soient exclusifs
→ Et il peut tout à fait y avoir une pluralité de point de vue et donc une conception de la justice associée
et chacune est pertinente

La revendication de chaque enfant repose sur une théorie générale du traitement impartial, sans biais, qui se
concentre respectivement sur l’usage efficace et l’utilité (Anne), sur l’équité économique et la justice distributive
(Bob), enfin sur le droit aux fruits de ses propres efforts (Carla).
Leurs arguments sont parfaitement généraux et leurs raisonnements respectifs sur la nature d’une société juste
reflètent des idées fondamentales qui peuvent toutes être défendues impartialement (sans être tributaires
d’intérêts particuliers)

Cet exemple montre encore une fois l’importance du réel chez Sen
→ Ici, le jeu et la dispute sont typiques de l’être humain

Comme pour Sen plusieurs principes sont valables, le débat public est indispensable et c’est un critère de
légitimité
→ Dans la réalité il est très probables que les partenaires n’arrivent pas à un accord unanime
→ Contrairement à Rawls

Critique de Rawls :
Pour Sen, l’accord unanime des partenaires est irréaliste.
→ chez Rawls l’idée d’une pluralité de principes rivaux n’est pas prise en compte.
→ Et s’il peut y avoir plusieurs principes juste, s’il n’y a pas d’émergence unique d’un ensemble de principes
de justice bien précis, alors toute la théorie de la Justice comme équité tombe.
→ Cette querelle montre bien qu’il peut exister plusieurs principes de justices qui soient bon, qu'il peut
exister une pluralité de principes de justices, autant rationnelles les uns que les autres et pourtant
contradictoires

Il va beaucoup critiqué Rawls mais en même temps, il apprécie énormément son travail
→ il y a quand même qlq liens dans leurs travaux

Pour Nussbaum
Nussbaum ne se donne pas une scène original ou un moment transcendantal.

Elle part du roman Hard times (Ch. Dickens, 1854)


→ Elle part d’un roman car pour elle la littérature est la clé qui nous permet d’ouvrir de nouveaux horizons.
→ Selon elle, lire des romans stimule la raison, l’émotion et l’imagination, c’est la base de l’éducation
démocratique : ils nous permettent de comprendre la réalité humaine
o Ils nous transportent dans des vies différentes des nôtres, de développer notre empathie
o Nous permettent d’imaginer d'autre manière de penser

En outre, ce que dénonce l’auteur dans ce roman est selon Nussbaum encore plus pertinent aujourd’hui (20ème )
qu’à son époque (18ème)
→ car ça parle de la situation des ouvriers et de la tendance à tout réduire à des chiffres = la singularité et
la complexité de l’expérience humaine
→ ces deux points se sont aggravés aujourd’hui
47
Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Elle reprend plus précisément la leçon d’économie de Sissy Jupe (confrontation allégorique):

C’est une petite fille qui a grandi dans un cirque et dont le père est un clown qui n’arrive plus à faire rire
le public. À un moment il disparait et laisse sa fille qui se retrouve accueillie par un bourgeois

Elle passe du monde du cirque (monde de la fantaisie, de l'imagination, qui permet la solidarité,
l'empathie humaine) au monde bourgeois où tout est organisé comme un grand calcul

Dans ce roman, Monsieur Gradgrind présente 5 traits (// avec l’économie utilitariste) : il est décrit comme une
personne qui résout tout par la raison et le calcul. Quand à un moment G. demande à B. s’il a un cœur celui-ci
répond de manière très technique et scientifique.
→ Il réduit les distinctions qualitatives à des différences quantitatives = traduit tout en chiffre
→ Il calcule seulement la somme d’utilité :
o efface le singulier, le personnel
o Par exemple, dans son école, les enfants sont appelés par des numéro
→ Il exige des solutions claires et simples
o Pour tout problème, il fait un classement hiérarchique selon une seule grille
→ Il définit la rationalité comme un calcul
→ Les Intérêts et préférences de chacun sont des données neutres et non des caractéristiques personnelles

Les pratiques actuelles du PIB // la réflexion de Monsieur G : 2 gros problèmes au PIB :


→ Connaitre le PIB ne nous dit rien de la distribution des richesses et des revenus
→ Connaitre le PIB ne nous indique pas comment les êtres humains utilisent l’argent disponible.
o Est-ce qu’ils doivent tout payer ou bien existe-t-il un système de solidarité ? C
o eux qui doivent + payer (par exemple parce qu’ils sont malades), est-ce qu’on prend en compte
le fait qu’ils ne s’en sortent pas forcément avec ce qu’ils ont ?
o Et dans une ville immense, d’un million d’habitants, si seules 25 personnes meurent de faim dans
les rues ?

Cette question, le professeur la pose à Sissy : « c’est tout aussi dur, pour ceux qui meurent de faim, que les autres
soient un million ou un million de million »
→ Cette réponse étonne le prof qui pensait qu’elle serait contente qu’il y ait que 25 personnes.

Nussbaum dit que ses réponses sont « émotionnelles » mais elle n’oppose pas pour autant l’émotion à la raison.
→ Sans cette émotion, la rationalité serait « purement instrumentale » et serait alors injuste et erronée.
→ En effet, l’intellect pur, rationnel et sans émotions est value blind.
→ Les émotions permettent dès lors de pointer les problèmes à résoudre
→ Elles ne donnent pas de solutions, mais aide à rester concentré sur les problèmes qu'il faut résoudre

Pour Nussbaum, la réponse de Dickens à travers Hard Times est l’expression du paradigme (=un modèle, un
principe général) de l’économie contemporaine et l’esquisse d’un autre paradigme
→ C’est-à-dire que c’est l’ensemble des représentations des croyances qui sont exemplaires (=un modèle
de pensée).
→ Ce romain est une mise en mot du paradigme de la vision de tout mettre en chiffres.

Dès lors, lire ce roman nous invite à :


→ Repenser l’économie et les politiques publique
→ Juger sans nous arrêter aux seuls chiffres.
o Nussbaum ne dit pas qu’il faut arrêter de compter, elle dit juste que ça ne suffit pas.
o La justice et la qualité de vie sont à prendre en compte de façon plurielle vu la pluralité de la vie
humaine

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

L’imagination littéraire, par les « images » qu’elle nous procure est essentielle à la théorie et la pratique de la
citoyenneté

Critique de l’utilitarisme
= comment j’obtiens le plus avec le moins ? (Maximisation de bien-être)

[ Au niveau de l’individu ]
La vision de Monsieur G. comme tous les utilitaristes se base sur une vision très réductrice de la personne.
→ L’individu est vu comme un « container de satisfactions », un réceptacle de plaisir et de déplaisir.
→ Ça implique que, parfois, tellement habitués à la misère et à la galère, on puisse être satisfait de très peu
sans envisager qu’autre chose, qu’une vie meilleure soit possible

[ Au niveau de la rationalité ]
Rappel : être rationnel c’est se donner les moyens les plus efficaces pour servir ses propres intérêts
→ L’utilitarisme une conception étriquée de la raison, limité à un calcul maximin d’efficacité
→ Sissy ne pense pas comme Monsieur G., qui lui est rationnel, qui pense que pour prendre une décision il
faut calculer ce que la chose apporte
→ Cette vision pour Nussbaum est erronée
→ Ce que Sissy illustre, c'est que ce n'est ni rationnel, ni raisonnable de juste calculer et de ne pas
s'interroger

[ Au niveau politique ]
Pour Nussbaum l’ONU ne devrait pas prendre des décisions sur base d’un simple calcul car les chiffres ne sont
pas les meilleurs critères pour fonder une société juste
→ En disant ça, elle dit à peu près la même chose que Rawls (ce qu’il dit sur la majorité) mais elle va plus
loin car elle pense que la figure du contrat n’est pas adéquate non plus

Conclusion : alternatives
Nos émotions ont une dimension sociale : elles jouent un rôle dans nos relations avec les autres et dans le
fonctionnement de la société (contrairement à Rawls)
→ Par exemple, l’empathie et la pitié vont nous pousser à aider les autres tandis que le dégout va nous
pousser à les rejeter.
→ Selon elle, nous sommes plus que de simples robots égoïstes qui chercheraient à maximiser leurs
avantages.
→ Elles doivent être prises en compte dans les approches du jugement et de la justice

En outre, puisque nous sentiments sont construits socialement et culturellement, la société doit s’occuper de
former nos sentiments
→ C’est même crucial en démocratie. (// Tocqueville voire Aristote, fondation de la personnalité citoyenne).

L’expérience littéraire nous permet de développer une palette d’émotions plus large que ce que nous amène
juste notre vie à nous
→ Elle nous procure des images qui vont nous sensibiliser à la souffrance des autres.
→ C’est important, car ces images vont être prédominantes pour nos choix personnels et nos préférences
politiques.
→ Important pour nous individuellement et aussi pour les choix politique

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

c) Héritage revendiqué par Sen et Nussbaum : les Lumières


Les Lumières = mouvement à la fois philosophique, culturel et littéraire qui visait à lutter contre l’arbitraire du
pouvoir et les croyances basées sur la superstitions
→ C’est un travail d’une part sur la qualité de la réflexion et, d’autre part, sur l’idée (plus politique) qu’on
peut accepter la domination injustifiée
→ C’est un engagement qui passe par une lutte contre l'irrationnel, les superstition, l'arbitraire :
→ But : faire triompher la raison sur la croyance et renouveler la pensée

Rawls, Sen et Nussbaum s’inscrivent tous les trois dans la tradition des Lumières, mais les deux derniers y
ajoutent 2 tempéraments :

Sen montre que ce mouvement n’est pas seulement occidental


De tout temps et partout
Selon Sen, les Lumières ce n’est pas l’apanage de l’Europe
→ C’est important pour lui de montrer qu’il a existé de tout temps et partout « des puissantes traditions de
raisonnement argumenté qui préfèrent la logique à la foi et aux convictions irréfléchies ».

Il veut aussi contredire l’idée que la démocratie est une invention des occidentaux à l’époque des Lumières
→ Certes, la structure institutionnelle de la démocratie représentative est occidentale.
→ Par contre, l’idée d’un gouvernement pas la discussion où il y a un débat public n’est pas du tout une
invention propre à l’Europe ou à l’Occident.

2 grands types d’approches


Parmi ces conceptions, il y a 2 grandes types qui se concentre chacun sur un aspect différent
→ Ce qui doit être : idéal, justice parfaite
→ Ce qui est : concret, injustices à résoudre

Pour Sen, il faut combiner les 2


→ Il ne suffit pas de (prétendre) savoir ce qui est juste et de définir des institutions sur cette base
→ il faut aussi partir du concret, sans gommer la singularité et l’imprévisibilité des comportements humains

Il pense que l’institutionnalisme de Rawls n’est pas convaincant et impossible.


→ Rawls s’inscrit seulement dans l’idéal
→ Mais selon Sen, il faut à la fois définir des principes généraux et abstraits mais aussi partir du vécu de
chacun

Certains philosophes sont comparatistes


Parmi les références occidentales, certains philosophes sont comparatistes et non contractualistes ou
institutionnalistes
→ Ce qui les intéressent c'est un tradition alternative, la tradition comparatiste plutôt que le
contractualiste
→ Ils cherchent le réel et non l’idéal
→ Ex : Smith, Condorcet, Bentham, Wollstonecraft, Marx, Mill

Pour ces philosophes de courant alternatif, il y a une vision de la raison qui n’exclue pas les sentiments
→ La combinaison des deux qui est possible
→ Ex : sentiment d’injustice qui est commun chez tous et concret et sur lequel il faut se baser.

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

d) Critique du contractualisme par Sen et Nussbaum


Les bases du contrat social sont la réciprocité et le bénéfice mutuel :
→ Ce n’est pas un projet commun
→ L’idée est d’éviter que quiconque vive sous la domination d’autrui. L’enjeu n’est pas l’entraide ou la
charité, c’est que chacun puisse poursuivre son propre intérêt.
→ Les contractants sont des adultes autonomes et rationnels qui poursuivent leur propre intérêt
→ l'idée est de calculer ce qu'on peut gagner individuellement en faisant qlq chose avec les autres

Mais selon Sen et Nussbaum c’est contradictoire car la plupart des relations humaines sont asymétriques
→ Il n’y a jamais d’égalité parfaite
→ Nos relations ne sont pas seulement basées sur des calculs d’intérêts
→ contractualisme ne prend pas en compte les asymétries, ni la vulnérabilité ou la dépendance de certains

Exemple typique d’une relation asymétrique : entre une mère et son enfant
« La raison qu’a la mère d’aider son enfant n’est pas à chercher dans les
récompenses de la coopération, mais justement dans la conscience qu’a la mère
de cette asymétrie : ses actes feront une différence énorme pour la vie de l’enfant
et celui-ci ne peut les effectuer lui-même. Elle n’a pas besoin de rechercher un
avantage mutuel — réel ou imaginaire — ni de faire comme s’il y avait un contrat
pour comprendre ses obligations à l’égard de l’enfant » Sen

Autre exemple : la relation avec les animaux non-humains


« Nous sentons une responsabilité envers les animaux « en raison, précisément,
de l’asymétrie qui existe entre eux et nous, et non d’une symétrie qui susciterait
en nous un besoin de coopérer »

Sen et Nussbaum veulent trouver une théorie qui correspond à la réalité des relations humaines :
Donc, la base de le société ne peut pas être un contrat entre individus rationnels
→ Nous sommes vulnérables car nous avons besoin les uns des autres et nos relations avec les autres sont
influencées par cette vulnérabilité.
→ Les relations humaines ne peuvent pas être juste entre des adultes autonomes et rationnels.
→ Il faut penser un modèle qui corresponde mieux à nos relations, notamment au care (soin)

Il faut dépasser le contractualisme et ses prolongements car ils « ne laissent aucune place à ceux qui, pour de
longues périodes de leur vie, ou même durant toute leur vie, sont sensiblement inégaux dans leur contribution à
la productivité ou engagés dans des vies asymétriques à cause de leur condition de dépendance »
→ En gros, il faut prendre en compte notre vulnérabilité et la dépendance qui en découle
→ Nous sommes vulnérables car nous avons besoin les uns des autres et nos relations avec les autres sont
influencées par cette vulnérabilité

Sinon, tous ceux qui ne seront peut-être jamais des adultes autonomes seront mis à l’écart, comme s’ils n’étaient
pas concernés par la justice sociale.
→ Autrement dit, pour Nussbaum, il faut repenser les bases de la société pour que tout le monde soit sujet
de droit, même les personnes handicapées et animaux-non humains

Au sujet des animaux non-humains ils se retrouvent rejetés par les contractualistes mais pas par Nussbaum
→ Elle pense que la rationalité́ n’est pas que du calcul mais de l’imagination empathique.
→ On peut rentrer en empathie avec les animaux si on prend conscience que nous sommes aussi des
animaux mais humains

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

→ On admettra une interdépendance même si la relation est asymétrique


→ Pour N, le contractualise est incapable de prendre en considération les besoins et les droits de tous les
êtres

Nous ne sommes jamais à égalité et nous sommes toujours pris dans des relations où il n’y a pas qu’un calcul.

Pour résumer, Sen et Nussbaum critiquent la théorie rationaliste à 2 parts :


→ De la théorie « économiste » du « choix rationnel » : il y a d’autres bases possibles pour le comportement
raisonnable
→ D’une politique basée sur le seul bénéfice mutuel et la réciprocité

e) Qu’est-ce qu’un choix rationnel ?


Pour Nussbaum
Pour Nussbaum, pour poser un jugement rationnel il faut faire preuve d’imagination empathique.
= mécanisme par lequel on se met à la place d’autrui, on s’identifie à lui, on ressent ce qu’il ressent, on vit ce
qu’il vit
→ Ainsi, dans nos rapports aux animaux non-humains, nous considérer comme des animaux parmi les
autres nous permet d’imaginer leur vécu
→ Il ne faut pas être dans une logique de calcul pur, ni dans une simple quête du meilleur moyen d'obtenir
la satisfaction mais il faut arriver à une conclusion par imagination, par empathie en nous mettant à la
place d'autrui
→ Dans son livre, Nussbaum observe des cas pratiques de cette théorie.
→ Elle appuie que ces jugements concrets ne seraient pas juste et équitables sans l’utilisation de
l’imagination empathique (par des juges, dans le cas d’un procès par exemple)

Exemple d’un cas pratique : M.J Carr vs General Motors corporation


« Mary Carr subit du harcèlement le part de collègues hommes. Elle en parle à ses supérieurs mais aucun ne
réagit. Elle quitte son travail et porte plainte »

1° juge : il donne raison à̀ l’entreprise car ce n’était que des blagues et que l’employeur n’aurait rien pu y faire.
Et que ça arrivait souvent alors ce n’est pas grave
→ Elle fait appel à̀ cette décision, car selon elle, elle avait été harcelée car elle était une femme et il y avait
donc discrimination

2° juge (Posner) : il prend un point de vue diffèrent de celui du premier juge. Il faut prendre le point de vue de
cette femme et non celui de l’entreprise
→ Prend le pdv de Mary : il y avait harcèlement et discrimination. Ce n’étaient pas que des plaisanteries et
elle était personnellement visée
→ Et du pdv de General Motors : on ne peut pas imaginer qu’aucune r »action n’était envisageable

C’est le même système pour la Cour Européenne des Droit de l’Homme :


→ Pour évaluer s’il y a eu traitement humiliant, la Cour prend en compte le ressenti de la personne (CEDH,
article 3)
o Ex : on a rasé les cheveux de tous les prisonniers, la prison s’est défendue en disant que c’était
pour lutter contre les poux. La Cour a dit que ce n’est pas ça le soucis, le soucis c’est de se
demander si ces prisonniers se sont sentis humiliés ou pas. Alors, la prison a été condamnée, car
eux se sont sentis humiliés
→ D’un point de vue général, une décision peut paraitre correct mais il faut se mettre à̀ la place de la
personne pour se rendre compte d’une humiliation vécue par celle-ci

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Conclusion
La justice poétique n’est pas de la littérature mais une imagination empathique.
→ On juge comme un lecteur d’un roman qui rentre en empathie avec les protagonistes du récit

Juger rationnellement et prendre une décision juste c’est imaginer le point de vue et le ressenti des
personnes concernées (// spectateur judicieux/impartial)

Pour Sen
Il n’est pas en désaccord avec Nussbaum mais il va se poser des questions différentes

Pour Sen, ce qui est raisonnable résulte du débat public, à l’examen collectif
C’est un double déplacement par rapport à l’utilitarisme :
→ Focus sur le niveau collectif (et non individuel) puisque l’enjeu pour lui c’est la justice sociale
→ Quête du raisonnable plutôt que du rationnel

Face à̀ ceux qui veulent penser la justice sociale, au niveau collectif, 2 problèmes :
→ Les théoriciens ont comme une « peur panique face à̀ l’incommensurabilité́ et à la diversité́ ».
o Ils refusent d’envisager des situations comparables à la querelle des 3 enfants.
o Ils refusent d’envisager des situations qui impliquent pourtant des choix qui ressortent dans la
vie quotidienne
→ Échec des tentatives visant à̀ dépasser l’individualisme méthodologique
o Ils pensent toujours le collectif comme la somme des individus
o donc le choix collectif est toujours pensé comme l'addition des choix individuels et au fond ça ne
marche jamais

Proposition de Sen pour sortir de cette aporie (grosse difficulté)


= donner un rôle central au débat public

Le choix « rationnel » est une conclusion qui découle d’un « examen critique mené du point de vue des autres
pour nous conduire vers le comportement raisonnable dans les rapports avec autrui »
→ Et pas une conclusion qui survit à l'auto-examen

Il ne s’agit pas ici de rechercher une réponse seule et unique mais de prendre en compte le point de vue « social
», les évaluations menées par les autres
→ Les comparaisons sont uniquement possibles par le débat public
→ Et avec le débat public, tous voient comment l’accord est conclu

Sen s’inspire du droit (publicité) et il donne beaucoup d’importance aux médias.

→ La publicité en droit est nécessaire pour rendre quelque chose obligatoire


→ Et les médias jouent un rôle important dans la justice et les injustices du monde car ils nous permettent
d’avoir conscience des événements qui nous entourent

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Conclusion
Une théorie de la justice doit accepter que les jugements soient partiels et incomplets et il faut fonctionner par
raisonnement, comparaison

→ Il y a une incontournable incomplétude des décisions vu la pluralité́ des raisons et des logiques
o incl. dans le raisonnable
o mais ca ne nous empêche pas de prendre une décision
→ critères pluriels : l’échelle unique, ça ne marche que quand on compte, pas quand on juge
o Il faut admette la pluralité des raison, des logiques dans nos efforts d'évaluation raisonnable
(plus flexible que rationnel)

On ne peut donc pas miser sur un critère unique :


→ Juger implique de prendre en compte les critères d'évaluation différents
→ Et il n’est pas toujours possible de classer les considérations rivales
→ Chacun peut faire des classements partiels mais pour prendre une décision, il faut prendre ces
classement partiels en compte, les comparer et tenter d'arriver à un consensus par le débat

f) Comment poser un jugement impartial ?


À quelles conditions notre décision (en matière de justice sociale notamment) ne sera-t-il pas biaisé, partial, donc
injuste et non universalisable? Comment s’assurer de la qualité de nos jugements?

Selon Sen et Nussbaum c’est en étant impartiaux


→ Ils vont développer une conception « ouverte » de l'impartialité en s'inspirant de/critiquant Rawls

Pour Sen
Critique de la « position originelle » de Rawls
Pour lui, la position originelle est ethnocentrée et fermée, elle ne peut donc pas être un gage d’impartialité

[ Cadre fermé ]
C’est un cadre restreint à une société, un (seul) État, un microcosme isolé et autonome.
→ Tout cela est incohérent avec la société d’aujourd’hui touchée par la mondialisation

Mondialisation = interactions économiques et politiques incessantes entre États et le monde extérieur aux
frontières de chaque État intervient nécessairement

[ Pas d’identités multiples ]


Nous nous caractérisons tous par des identités multiples :
→ Nous nous identifions à la fois aux gens « de la même religion, du même groupe linguistique, de la même
ethnie, du même sexe, des mêmes convictions politiques, de la même profession, etc. »
→ Il se réfère à Marx qui « mettait en garde contre le danger de réduire l’ouvrier à n’être qu’un ouvrier »

Oui, le voile d’ignorance permet de dépasser le calcul de nos intérêts personnels et de nos objectif matériels,
mais il ne nous permet pas de mobiliser nos identités multiples
→ Or nos identités nous permettent de rentrer en empathie et on pourra prendre une décision sur cette
base
→ Cette ouverture est indispensable à l'évaluation sociale
→ Sans cette ouverture notre décision va manquer d'impartialité car elle va s'appuyer sur une seule de nos
identités (à notre seule appartenance à un état)

On jugera mieux (plus impartialement) si on ne se limite pas à considérer les choses sous le seul angle de
l’appartenance à un certain Etat mais si on prend nos identités multiples en compte
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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

[ « Esprit de clocher » ]
Le voile d'ignorance n'empêche pas "l'esprit de clocher (= l'attachement à son propre village)
→ Ce terme vise plus précisément les préjugés, la vision des choses qu'il y a dans tel ou tel groupe social
→ Sous le voile d'ignorance, vu qu’on est entre membre de la même société, on a les même visions
→ Or on ne peut pas poser un jugement impartial sur un tel "esprit de clocher"

Nous devons nous décentrer de nos préjugés

Le « spectateur impartial » de Smith est mieux que la « position originelle »


Sen dit que, pour être impartial, il faut nous décentrer de notre point de vue égo/ethnocentré

Sen va développer au niveau collectif la pensée de Smith qui était au niveau individuel
→ Les conditions d’un jugement juste pensées par Smith peuvent être étendues au niveau politique
→ l’impartialité « ouverte » (=prise en compte des jugements venus d’ailleurs) est valable en matière de la
justice sociale.
→ Pour poser un jugement juste, il faut s'ouvrir aux points de vue de l'autre et ainsi dépasser notre « esprit
de clocher »

Pour Sen, on trouve là la notion de « point de vue positionnel »


= Qui signifie que la position où l’on se trouve influence toujours notre jugement
→ Ce n’est pas pour autant que ça rend notre jugement partial
→ Par contre, ne pas en avoir conscience serait une illusion d’objectivité : il faut chercher des points de
comparaison, c’est même nécessaire

La seule voie est « la prise en compte systématique de points de vue extérieurs, dont certains viennent de très
loin »
→ l’évaluation de la justice sociale requiert le regard « des yeux de l’humanité », c’est-à-dire de recourir à
l’impartialité « ouverte »

Inspiration par Smith


Sen trouve donc plusieurs « piliers » de sa théorie chez Smith :
→ Une conception de la justice qui n’est pas réduite à la maximisation de la somme des utilités
→ Un ancrage dans le concret (Smith était empiriste)
→ Une prise en compte de « l’incomplétude de l’évaluation sociale » : tout jugement est partiel et
discutable, il n’y a pas de réponse statique et exclusive •
→ L’impératif de ne pas se laisser « piéger par les préjugés locaux » : il faut assumer la diversité des
conceptions
→ Et encore bien d’autres

Pour Nussbaum
Pour Nussbaum, la lecture de textes littéraires offre la possibilité de reconstruire artificiellement la position du
« spectateur impartial » de Smith
→ Smith a développé une théorie de la rationalité émotionnelle (Très très différente de la rationalité chez
Rawls qui n'est qu'un calcul) :

Le « spectateur impartial » n’est donc pas dénué d’émotions et son « impartialité » est
→ Une garantie par une forme de détachement mais sans rejet de ses émotions
→ une combinaison de l’identification empathique et d’une l’évaluation externe, à juste distance
o Il n'est pas complètement dans l'empathie non plus, il se met à distance

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Le point de vue du « spectateur impartial » est donc exigé de toute personne impliquée dans la vie publique
(autant les citoyens que les juges)
→ Ce n’est seulement en adoptant le pdv du « spectateur impartial » qu'on pourra faire un jugement juste

Comment adopter ce point de vue ?


La lecture des textes littéraires peut nous aider à remplir les conditions de l’impartialité (en affinant notre
ressenti)
→ Permet de nous identifier à chacun mais aussi de dépasser les limites du pdv de chacun : la lecture nous
permet de mettre en comparaison chaque perspective avec celle des autres et nous entraine à adopter
le pdv du spectateur impartial
→ Aide à reconstruire et adopter la position du « spectateur impartial »
→ « guidance morale » : Permet de développer nos capacités à juger des situation et à juger de nos propres
émotions face à ces situations
o En sachant que toute émotion n'est pas nécessairement bonne

Mais la lecture peut aussi déformer notre vision du monde (il faut donc rester vigilent)
→ Mais c’est justement par la lecture que l’on développe également notre esprit critique et que l’on peut
ainsi prendre de la distance

Le champ de l’imaginaire permet de développer notre capacité d’empathie et d’aiguiser notre jugement,
notamment en matière de justice sociale (politiques publiques) et judiciaire

Il y a une grande importance du processus d’éducation continue dans l'exercice du jugement critique grâce à la
lecture
→ On apprend à affiner notre propre jugement en étant confronté à la fois à la diversité des positions à
l'intérieur du roman
→ mais aussi à la multiplication des lecture, des interprétions, des ressentis qui vont en entre proposé par
des critiques professionnel ou même des proches

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

g) Propositions politiques
Comment établir les principes d’une société juste ?
→ Ce qui les intéressent ce ne sont pas des critères chiffrés, standardisées mais des facteurs qui concernent
directement la qualité de vie de chacun dans la diversité et la singularité du vécu des personnes
→ Ils sont d'accord la dessus mais ont des approches tout de même différentes

Pour Sen
Qualités chez Rawls
Politiquement, Sen trouve chez Rawls 2 qualités qu'il souhaite ainsi conserver dans sa proposition :

Rawls a rendu sa juste place à la liberté, c'est le premier principe de justice :


→ Il prévoit que tous les individus bénéficient d'un certains nombres de libertés de base égale et c’est
indiscutable
→ Rawls met la liberté au centre de sa proposition, comme quelque chose de crucial et Sen veut faire de
même
→ Pour Sen c'est vraiment une bonne chose : c’est inacceptables que les libertés d'une partie de la
population puissent être sacrifiées au nom des intérêts d'une majorité ou d'une satisfaction globale
o ce n'est pas seulement un élément parmi d'autre

Ce qui concerne les inégalités sociaux-économiques :


→ Rawls a mis en avant les personnes les plus défavorisés : il a ainsi eu une influence sur la façon dont on
pense et dont un mène les politiques actuelles de luttes contre la pauvreté
o On peut faire des inégalités si ça contribue l'égalité des chances
→ Ce sont des moyens de vivre la vie qu'on souhaite
→ Sen se base la dessus

Problème chez Rawls


Mais, Sen estime que Rawls ne permet pas vraiment de penser les possibilités concrète d'être libre et que tous
les contractualistes et les utilitaristes dans leur ensemble confondent :
→ résultat final : combien chaque individu a de libertés et de ressources
o Ex : chaque individu a une allocation de 1000€ /mois
→ et résultat global : combien chaque individu a de libertés et de ressources mais surtout voir comment il
en est arrivé la et ce qu’il va en faire
o Quels effort, quelles contraintes a-t-il subit pour en arriver là?
o Dans quelle mesure est-il libre ?
• Une personne handicapée pourra faire moins de chose avec la même allocation
• Une personne âgée devrait privilégiera son droit à la santé plutôt que son droit au
logement

Proposition de Sen
Il va essayer de conserver les points positifs de Rawls tout en conservant son positionnement comparatisme,
encré dans la réalité
Il va distinguer 2 notions de la liberté :
→ La dimension procédurale : établie dans les textes et principes, en théorie
→ La dimension des capabilités : ce qui opèrent concrètement quand on met les principes en œuvre

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Q1 - Philosophie | Anna Sonnenschein

Les capabilités = mot inventé par Sen pour viser qlq chose qui dans la liberté
n'a pas encore pensé avant lui
→ Ce sont des mesures pour évaluer notre capacité réelle à vivre une
vigne digne d’être vécue
→ Elles sont en nombre indéfini, vu l’incommensurabilité des principes
de justice et « l’irréductible diversité » des individus et des situations
o Singularité de personnes et de situation
→ Elles fonctionnent par combinaisons, en réseau : il faut les combiner
pour évaluer la capacité globale de chacun·e à être libre

Comment définir les capabilités à prioriser ? Qu'est-ce qu'on doit faire et comment mesurer?
→ Par le débat public : au niveau de chaque société il faut discuter, élaboré collectivement les
combinaisons de capabilités que les citoyens sont d'accord de valoriser comme les mesures de la vie
bonne
o En Belgique par exemple on a l'éducation en priorité

→ Par chacun, sur la base de notre sentiment d’injustice notamment


o Nos droit et nos obligations sont liés à notre humanité commune
o Pour établir nos libertés, nous devons assumer nos responsabilité à titre individuel et pour cela
on doit se baser sur notre sentiment d'injustice que nous avons tous et comparer les situations

Pour Nussbaum
Elle veut aussi prendre en compte la pertinence du monde réel et elle va trouver que l'approche de Rawls a
échoué
→ Il faut réfléchir à comment les principes de justice sont mis en pratique, ce à quoi ils mènent
→ Elle est d’accord avec Sen que mobiliser les capabilités (plutôt que des chiffres ou une vision utilitariste)
permet de penser la justice dans le réel et non au seul niveau des institutions

Mais contrairement à Sen, et sans prétendre à l’exhaustivité, elle dresse une liste de 10 « capabilités de base »,
indispensables pour garantir la dignité de tout être humain

1. la vie Comment les établir, les mettre en œuvre, les compléter =


2. la santé du corps → par un débat public, on peut en discuter
3. l’intégrité du corps → mais le plus important c’est par un engagement de
4. les sens, l’imagination et la pensée chacun par l’imagination empathique, en étant conscient
5. les émotions de nos vulnérabilités et relations asymétriques
6. la raison pratique
7. nos affiliations Pour établir les bases d'une société, on ne doit pas s'en
8. nos relations avec les autres espèces remettre à des institutions, il faut assumer nos
9. le jeu responsabilités à titre individuel et collectif
10. le contrôle par chacun de son
environnement de vie

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