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06/04/2023 23:56 Imprimer: Le contrôle fiscal, un pouvoir discrétionnaire à finalités variables : le cas du Sénégal.

Par Ousmane Cisse, Format…

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Le contrôle fiscal, un pouvoir discrétionnaire à finalités variables : le cas du


Sénégal. Par Ousmane Cisse, Formateur.
Parution : lundi 9 août 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/controle-fiscal-pouvoir-discretionnaire-finalites-variables-cas-senegal,39899.html
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Le système fiscal sénégalais repose sur un contrat moral implicite entre l’Etat et les contribuables. A cet
égard, les déclarations souscrites sous la responsabilité de chaque contribuable, bénéficient, a priori,
d’une présomption de sincérité. En contrepartie, l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire de
contrôle. Seulement, la mission confiée au fisc n’est pas précisément de terroriser le contribuable mais de
lutter contre la fraude fiscale.

Le système fiscal sénégalais, à l’image des systèmes fiscaux des pays en développement, repose sur un système
déclaratif. C’est ainsi que les obligations fiscales des contribuables sont essentiellement fondées sur les déclarations
qu’ils établissent et qui sont présumées exactes et sincères.
Corrélativement, le législateur reconnait à l’Administration fiscale un pouvoir de contrôle général lui permettant de
vérifier l’exactitude et la sincérité de la déclaration fiscale du contribuable.
Pour mener à bien cette mission qui consiste à occuper le terrain dans une démarche dissuasive, à collecter
l’ensemble des impôts et taxes éludés, à sanctionner les comportements frauduleux, la Direction générale des Impôts
et des Domaines (DGDI) dispose des pouvoirs de contrôle et de coercition les plus étendus.
L’inégalité entre les armes de la DGDI et celles du contribuable, au désavantage de ce dernier, n’est pas de nature à
émouvoir l’opinion publique en présence d’un « fraudeur patenté... ». Mais est-ce que le pouvoir de contrôler un
contribuable est laissé à la seule appréciation discrétionnaire de l’administration fiscale ? En d’autres termes, la
question posée ici est celle de savoir quel est le degré de liberté dont dispose l’administration fiscale pour contrôler ou
ne pas contrôler un contribuable, pour lui infliger telle ou telle sanction.
Loin de prendre position dans les affaires « DGDI contre les contribuables », la réponse à cette question sera moins
tranchée tant l’application des dispositions fiscales (sources d’édictions et sources d’interprétations) nécessite des
débats techniques à l’issue contentieuse incertaine. De ce point de vue, il convient de voir d’abord les finalités du
contrôle fiscal avant d’analyser l’encadrement de sa mise en œuvre discrétionnaire.

I. Le contrôle fiscal, un pouvoir à finalité variable.

Le contrôle fiscal, garant du civisme fiscal, a vocation à appréhender l’ensemble des manquements à la législation
fiscale qu’ils soient commis de bonne foi ou de manière délibérée. Cette mission confiée à l’administration fiscale n’est
pas, à notre avis, de terroriser les contribuables mais de lutter contre la fraude.
Il lui appartient donc de bien choisir ses cibles, les personnes qui méritent d’être contrôlées au regard des finalités
assignées à l’impôt. Si la finalité première de l’impôt demeure la couverture des charges publiques, le contrôle fiscal
poursuit trois grandes finalités.
D’abord, une finalité dissuasive qui consolide l’adhésion de tous les contribuables au respect des obligations fiscales.
Ensuite, une finalité budgétaire qui vise à recouvrer avec rapidité et efficacité l’impôt éludé. Et enfin, une finalité
répressive qui sanctionne les comportements les plus frauduleux des contribuables. La sanction n’est pas
nécessairement prononcée par une juridiction répressive. A côté des sanctions pénales au sens du droit pénal général,
existent des sanctions administratives fiscales infligées par la D.G.I.D sous le contrôle des juridictions de droit
commun.
Pour atteindre ces finalités, la D.G.D.I dispose de plusieurs prérogatives lui permettant de recueillir les
renseignements dont il a besoin. Dans cette perspective, elle peut contraindre certaines personnes, voire le
contribuable lui-même, à peine de sanction et sans formalisme, à lui fournir des informations. La communication peut
être provoquée ou spontanée. Dans tous les cas, lorsqu’un contribuable cherche à dissimuler une information, la
D.G.D.I peut aller rechercher celle-ci en utilisant une procédure de perquisition. Mais pour ne pas effrayer le
contribuable, le législateur préfère parler de droit de visite et d’enquête. Bien que la loi de 2012 s’abstienne d’utiliser
le terme, elle confère à la D.G.I.D un véritable pouvoir de perquisition, ou plutôt de « visite ». Les agents des impôts
et domaines ont ainsi la possibilité de s’introduire chez le contribuable qu’ils soupçonnent de se soustraire au
paiement de l’impôt sur les bénéfices ou de la T.V.A, afin de saisir les documents nécessaires à leur enquête.
Une fois les irrégularités relevées, l’administration déclenche son pouvoir discrétionnaire de contrôle de manière à
exercer son pouvoir de redressement.

II. Le contrôle fiscal, un pouvoir discrétionnaire limité.


Le contrôle de l’impôt a pour objectif de vérifier l’accomplissement par le contribuable de ses différentes obligations
fiscales. Mais la question est de savoir est ce que l’administration fiscale a le droit ou bien l’obligation de sanctionner
le manquement commis par un contribuable à ses obligations fiscales ? En ce domaine, la règle est celle de

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l’opportunité. En effet, à l’image du droit de la fonction publique, en matière fiscale, l’administration fiscale dispose de
pouvoir discrétionnaire. La notion de pouvoir discrétionnaire se définit par opposition à celle de compétence liée.

En droit administratif, suivant une analyse classique, on peut dire qu’il y a pouvoir discrétionnaire lorsque
l’administration est libre dans son action. En d’autres termes, et pour reprendre une formule traditionnelle de Michoud
« il y a pouvoir discrétionnaire toutes les fois qu’une autorité agit librement, sans que sa conduite [à tenir] ne lui soit
dictée à l’avance par une règle de droit ».
La transposition en droit fiscal du pouvoir discrétionnaire a été certes lente. Mais, il permet de déterminer l’impôt de la
manière la plus précise en fonction de l’exacte situation fiscale des contribuables. A cet égard, le pouvoir de contrôler
un contribuable est laissé à la seule appréciation discrétionnaire du fisc. En d’autres termes, l’administration est libre
de contrôler qui elle veut quand elle le veut, sous réserve seulement du respecter du délai de reprise.
En réalité, le pouvoir discrétionnaire de contrôle est la contrepartie du système déclaratif. En effet, dès lors que
l’impôt est assis à partir des informations données par le contribuable, la sincérité des déclarations de celui-ci peut
être vérifiée à tout moment. Il s’agit d’une exigence démocratique : sans pouvoir discrétionnaire de contrôle, le risque
serait grand que la fraude soit impunie, menaçant ainsi la matérialité du principe d’égalité des contribuables devant
l’impôt. Il y va même de l’acceptation de l’impôt par les opérateurs économiques. Une hausse des prélèvements
fiscaux n’est supportable et supportée que si la D.G.I.D dispose d’un pouvoir discrétionnaire lui permettant de
réclamer efficacement aux « délinquant fiscaux » et autres dissimulateurs ce qu’ils doivent à la nation.
Malheureusement, nombreux sont ceux faisant l’objet d’un contrôle qui pensent être « victime d’acharnement et de
représailles politiques » ; d’autres en revanche, pensent avoir été dénoncés. Or si les dénonciation existent, beaucoup
sont mensongères. C’est pourquoi les dénonciations sont systématiquement vérifiées et très peu de contrôles sont
entrepris sur leur seule base.

La majorité des contrôles sur place notamment la vérification de comptabilité résulte d’un contrôle sur pièces. A
l’occasion de ce dernier, les agents des impôts et domaine relèvent très souvent des anomalies suffisamment graves
pour qu’une vérification puisse être entreprise. Ils proposent alors le dossier à la programmation du contrôle fiscal, le
quel est décidé par leurs directions. Plus un contribuable est riche, ou une entreprise importante, plus leur contrôle est
fréquent, car ce sont ceux qui permettent de récolter le plus d’argent. Cette course au chiffre peut se faire au
détriment du contribuable. Car la programmation du contrôle fiscal, nous semble, assez difficile. Par exemple, une
entreprise se distingue, lors d’un contrôle sur pièces, par des anomalies qui seront facilement expliquées sur place. A
l’inverse, un contribuable dont le dossier est impeccable, peut cacher une fraude importante. Pour obtenir de bons
résultats, un vérificateur peut se monter très rigoureux avec un contribuable qui n’a fait que se tromper de bonne foi.
C’est en ce sens que le contrôle fiscal est redoutable comme redouté.
Dans tous les cas, le contrôle fiscal présente nécessairement des limites. En effet, la D.G.D.I ne peut pas contrôler
tout le monde, car les opérateurs économiques qui sont dans l’informel sont assez nombreux et les centres fiscaux pas
assez. Des investigations généralisées, omniprésentes, supposeraient de mettre en œuvre des moyens humains et
matériels ruineux. Surtout, cela établirait des relations détestables entre le fisc et le contribuable, lequel vivrait sans
cesse dans la crainte d’une administration inquisitoire, pour ne pas dire terrifiante.

Ousmane CISSE, Formateur en fiscalité des affaires, associé au cabinet Cisses Management Juridique et Fiscal, et
enseignant associé à l’U.C.A.D. [->cisseprofiscal@gmail.com]

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