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Résumé
Les ruminants possèdent trois compartiments digestifs pré-gastriques parmi
lesquels le rumen est le plus volumineux. Les conditions physico-chimiques
du biotope ruminal sont particulièrement favorables au développement
d’une biocénose anaérobie qui dégrade et fermente près de 50 % de la
biomasse ingérée par les ruminants. Le méthane représente un des produits
majeurs de la fermentation des aliments dans le rumen avec les acides gras
volatils. Cette voie métabolique constitue un moyen essentiel d’élimination
de l’hydrogène produit lors de la fermentation des glucides. Outre la perte
d’énergie qu’il représente pour l’animal (jusqu’à 10% de l’énergie ingérée),
son rejet dans l’atmosphère contribue pour 3% environ à l’effet de serre. Il
est possible de moduler les émissions de méthane d’origine digestive via
l’alimentation des animaux, leur sélection génétique ou l’apport d’additifs
alimentaires dont certains lipides.
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La production de méthane d’origine digestive chez
les ruminants et son impact sur le réchauffement
climatique
2H 2H
2H
CO2 + Acétate Pyruvate Oxaloacétate Malate
2H
Acrylate Fumarate
2H 2H
CH4
Propionate Succinate
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La production de méthane d’origine digestive chez
les ruminants et son impact sur le réchauffement
climatique
Une autre équation calculée à partir des bilans d’hydrogène métabolique mesurés
in vitro (Demeyer 1991) indique qu’une relation existe entre la production de
méthane et la composition du mélange d’acides gras volatils.
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Figure 3. Relation stoechiométrique entre le méthane et les acides gras volatils produits
au cours des fermentations ruminales (Moss et al 2000)
M éthane (µmol)
330
310
Y= 45.97 X + 85.43 r2= 0.78
2
290
270
250
230
210
190
170
(C 2+C 4)/C 3
150
1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5
Il y a donc une relation positive directe entre les émissions de méthane et une
alimentation riche en fourrages qui favorisent la production d’acétate dans le
rumen. A l’inverse, la consommation d’aliments riches en amidon qui favorise la
production de propionate, réduira les quantités de méthane produit. Une méta-
analyse réalisée sur 101 expérimentations et 290 traitements a permis de montrer
que la part d’énergie métabolisable perdue sous forme de méthane diminue
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ECH4 (%)
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les ruminants et son impact sur le réchauffement
climatique
D’un point de vue pratique, la graine de lin, riche en ALA, déjà utilisée dans
l’alimentation des ruminants présente une efficacité antiméthanogénique
démontrée in vivo. Machmüller et al (2000) ont montré qu’un ajout de 2,5 % d’huile
de lin à la ration d’agneaux en croissance a diminué leur production de méthane
de 10%. La diminution a été 30 % chez des vaches laitières supplémentées avec
5% d’huile de lin (Martin et al 2008). Outre la quantité d’ALA apportée dans la
ration, la forme de distribution du lin aurait également un impact important sur la
quantité de méthane émise par les animaux, la méthanogenèse étant d’autant
plus diminuée que la disponibilité des ALA dans le rumen est importante (huile
> graine de lin extrudée > graine de lin crue) (Martin et al, 2008). La quantité
d’hydrogène utilisée pour réduire les acides gras insaturés n’intervient que de
manière très limitée dans la diminution de la synthèse de méthane. Les acides
gras saturés à chaîne moyenne comme l’acide laurique (C12:0) et l’acide
myristique (C14:0) présents dans l’huile de coprah ou de palmiste ont des effets
négatifs importants sur la population des archaea et des protozoaires et donc sur
la production de méthane in vitro (Soliva et al 2004) et in vivo (Machmüller et al
2003).
Les lipides ont un effet persistant sur la méthanogenèse mais ils peuvent
également avoir une action négative sur la digestion de la matière organique et
plus particulièrement de la fraction cellulosique de la ration dans le rumen lorsque
ceux-ci sont incorporés à des niveaux importants (> 6% MS ingérée), ce qui peut
constituer un facteur limitant à leur utilisation (Ikwuegbu et Sutton 1982).
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L’importance d’un gaz pour son effet de serre dépend à la fois de son pouvoir (ou
forçage) radiatif (puissance radiative que le gaz à effet de serre renvoie vers le
sol) et de sa durée de vie dans l’atmosphère. Le pouvoir de réchauffement global
(PRG) d’un gaz se définit comme le forçage radiatif cumulé sur une durée de 100
ans et s’exprime relativement au CO2. Le méthane est une cible particulièrement
intéressante dans le cadre de la lutte contre l’effet de serre puisque son PRG
est nettement supérieur (x 21-23) à celui du dioxyde de carbone (CO2) et que
sa durée de vie dans l’atmosphère est courte (12-20 ans). Ces deux derniers
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points signifient que le méthane est un gaz très réactif et qu’une réduction de ses
émissions aura des répercutions positives rapides sur l’effet de serre.
Tableau 2. Sources et puits de méthane au niveau mondial
Sources naturelles
- Océans, lacs et terres humides 255 Tg
- Termites 10 Tg
Total des sources naturelles 265 Tg
Sources anthropogéniques
- Energie (pétrole, gaz, charbon) 130 Tg
- Riziculture 110 Tg
- Fermentation entérique 80 Tg
- Combustion de biomasse 40 Tg
- Décharges 40 Tg
- lisiers des animaux 25 Tg
Total des sources anthropogéniques 425 Tg
Total des émissions 690 Tg
Puits de méthane
- Sols - 40 Tg
- Troposphère (oxydation du radical OH) - 510 Tg
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Au niveau mondial, les émissions annuelles de méthane digestif ont été estimées
à environ 80 Tg (Tg = teragramme = 1012 g) ce qui représente de 11 à 18 % des
émissions totales de méthane (Tableau 2). Par ailleurs, l’ensemble des sources
de méthane représente 15 à 20 % des gaz à effet de serre, ce qui signifie que la
contribution du méthane à l’effet de serre est faible puisqu’elle représente
de l’ordre de 3 %.
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La production de méthane d’origine digestive chez
les ruminants et son impact sur le réchauffement
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Tableau 3. Emissions moyennes de méthane digestif par les bovins en fonction de leur
niveau de production (Vermorel 1995)
Type de bovins Poids des Production Régime Méthane produit
animaux (kg) animale alimentaire (g/j/animal)
Vache laitière 600 0 Foin 146
600 20 kg/j 75% F + 25% C 393
650 30 kg/j 65% E + 35% C 428
700 40 kg/j 60% E + 40% C 500
Vache allaitante 650 0 kg/j Foin 207
650 7 kg/j Foin 264
Génisse laitière 125 28% F + 72% C 40
250 73% F + 27% C 131
650 75% F + 25% C 178
(gestante: 2 derniers
650 50% F + 50% C 166
mois)
Taurillon Frison 150 1 000 g/j 15% F + 85% C 27
350 1 120 g/j 22% F + 78% C 150
525 1 180 g/j 20% F + 80% C 193
580 930 g/j 60% E + 40% C 221
Taurillon Charolais 250 1 100 g/j 40% F + 60% C 93
620 860 g/j 60% E + 40% C 203
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2.50
2.00
1.50
1.00
0.50
0.00
Total Agriculture Indust rie Résidentiel/tertiaire Energie Transport
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Les seules émissions de méthane digestif par les animaux en France métropolitaine
ont été évaluées à 1,456 Tg en 1997 et varient fortement en fonction de la taille des
animaux, de leur niveau de production et du type d’alimentation qu’ils reçoivent
(Tableau 3) (Vermorel 1995 et 1997). Cette valeur globale pour la France peut
être comparée aux 80 Tg de méthane digestif émis au niveau de la planète
(Tableau 2) Elle représente donc 76 % des émissions totales de méthane issues
de l’élevage, 73 % de celles d’origine agricole et 54 % des émissions totales en
France. Compte tenu de la taille des animaux et de leur effectif, le cheptel bovin
et notamment les vaches laitières sont à l’origine de 90 et 55 % du méthane
entérique, respectivement. Ils devancent les ovins, les caprins, les équins et les
porcins qui n’en représenteraient ensemble qu’environ 10 %.
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La production de méthane d’origine digestive chez
les ruminants et son impact sur le réchauffement
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Equins
Chevaux 902 (21,8) 19299 443870 1,4
Ânes et poneys 75 (12,1) 907 20866 0,07
Total équins 977 (20,7) 20206 464736 1,5
Tableau 5. Effet du niveau de production laitière sur les émissions de méthane par les
vaches
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C’est dans ce cadre qu’un Groupe de Travail coordonné par J-P Jouany (INRA de
Clermont-Ferrand) a été mis en place par l’INRA à la demande du Ministère de
l’Agriculture et de la Pêche en 2007-2008 pour évaluer les émissions nationales
actuelles de méthane entérique et de prévoir leur évolution pour les années 2010
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Conclusion
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Bibliographie
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