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Biochimie et Biologie Cellulaire I

MMEDB105
Bac1 Médecine
Syllabus rédigé par M. Jadot et M Boonen
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2 - Acides aminés
24- Synthèse protéique
33 - Peptides
39 - Protéines, structure, "repliement" et dénaturation
64 - Protéines – relation structure / fonction
79 - Enzymologie
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Acides aminés

1- Structure générale
Les acides aminés sont les unités de base des protéines. Un acide aminé est constitué d'un
groupement carboxyle, d'un groupement aminé, d'un atome d'hydrogène et d'un
groupement R distinct pour chaque acide aminé et fixé au carbone . Ce groupement R
s'appelle la chaîne latérale ou le résidu.

2- Stéréochimie
Le tétraèdre formé par les quatre groupements fixés sur le carbone asymétrique confère
une activité optique aux acides aminés. A l'exception de la glycine, chaque acide aminé
peut donc exister sous deux formes, dont l'une est l'image spéculaire de l'autre, une forme
est lévogyre, l'autre est dextrogyre.
Toutefois plutôt que de distinguer entre acide aminé lévogyre et dextrogyre, on a
l'habitude de classer ces molécules en deux catégories en se référant à l'arrangement
spatial des quatre atomes fixés au carbone asymétrique de la sérine :

Tous les acides aminés dont les atomes fixés sur le carbone  ont un arrangement spatial
semblable à ceux de la sérine lévogyre, sont appelés acides aminés L. Leurs isomères
optiques qui ont donc ces atomes orientés comme dans la sérine dextrogyre sont appelés
acides aminés D. Le sens dans lequel ils feront dévier le plan de la lumière polarisée sera
éventuellement indiqué par (+) ou (-). Il faut bien remarquer qu’un acide aminé L peut
être dextrogyre tout comme un acide aminé D peut être lévogyre.
Chez les mammifères, les acides aminés qui entrent dans la constitution des protéines sont
tous de la série L.
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3- Catégories d’acides aminés


Vingt chaînes latérales qui diffèrent en taille, forme, charge, capacité de former des
liaisons hydrogène et réactivité, sont trouvées dans les protéines. Les protéines de toutes
les espèces, depuis les microorganismes jusqu'à l'homme sont constituées à partir de ces
mêmes vingt acides aminés. A noter toutefois l'existence d'un vingt et unième acide
aminé, la sélénocystéine, dont nous reparlerons plus loin. Les acides aminés peuvent être
répartis en quatre groupes.

3.1. Le résidu est non polaire ou hydrophobe


Ce groupe contient huit acides aminés :
-à résidu aliphatique (alanine, valine, leucine, isoleucine et méthionine)
-aromatique (phénylalanine et tryptophane) et
-la proline dont le groupement  aminé n'est pas libre mais substitué par le résidu pour
donner une structure cyclique
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La proline est particulière dans ce sens que son azote est présent dans un groupement
aminé secondaire alors que pour tous les autres acides aminés il s'agit d'un groupement
aminé primaire.
3.2. Le résidu est polaire mais non chargé au pH physiologique
Ces acides aminés sont au nombre de sept. La sérine, la thréonine, et la tyrosine ont un
groupement hydroxyle, la cystéine, un groupement sulfhydryle, l'asparagine et la
glutamine une fonction amide.

La glycine, qui ne présente qu'un atome d'hydrogène comme chaine latérale, a été placée
dans ce groupe arbitrairement, en considérant son comportement polaire consécutif au fait
que ses groupements aminé et carboxyle dictent seuls le comportement de la molécule
dans sa globalité.

3.3. Le résidu est chargé négativement au pH physiologique


Il s'agit de deux acides aminés dicarboxyliques :
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3.4. Le résidu est chargé positivement au pH physiologique


Trois acides aminés font partie de ce groupe: la lysine qui possède un groupement 
aminé, l'histidine un groupement imidazole et l'arginine une fonction guanidinium. Tous
trois possèdent 6 carbones.

Notons le cas particulier de l’histidine dont le pK du groupement imidazole est proche du


pH physiologique et qui pourra donc être trouvé sous forme non chargée ou sous forme
chargée positivement, en fonction de l’environnement local (voir plus loin).

4- Ionisation des acides aminés


Le groupement carboxyle peut être ou non dissocié de même que le groupement
aminé. Les acides aminés pourront donc exister essentiellement sous trois formes, suivant
la valeur du pH:

A ces formes pourront éventuellement s'en ajouter d'autres provenant de l'ionisation


éventuelle de fonctions dissociables présentes dans le résidu R.

4.1. Rappel élémentaire sur la dissociation des acides carboxyliques et des amines
L'équation de dissociation d'un acide monocarboxylique est la suivante :
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caractérisée par une constante de dissociation Ka:

Le plus souvent la notion de pKa est utilisée :

Ka pour un acide tel que l'acide acétique vaut environ 10-4; pKa = 4,6

L'équation de dissociation d'une amine R-NH2 sera :

caractérisée par la constante Kb :

La notion de pKb = log 1/ Kb peut aussi être utilisée. Il est également possible de rendre
compte de l'intervention d'une amine dans les équilibres acido-basiques de la façon
suivante:

caractérisée par la constante K'a :

L'avantage d'une telle formulation est qu'elle permet une plus grande généralisation.
La forme donneuse de proton (R-NH3+) est la forme acide de même que pour l'acide
carboxylique R-COOH est la forme acide. La forme capable d'accepter les protons (R-
NH2) est la forme basique de même que R-COO- est la forme basique.

On peut montrer facilement que pK'a = 14 - pKb.

Le pK'a d'une amine primaire est de l'ordre de 10.


Lorsque l'on titre un acide carboxylique, l'évolution du pH en fonction des formes acides
(R-COOH) et basique (R-COO-) est donnée par la relation suivante (Equation
d'Henderson - Hasselbach) :
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L'évolution du pH, lors de la titration d'une amine sera de même :

ou d’une façon plus générale

4.2. Acides aminés simples


Nous entendons par là un acide aminé qui n'a comme fonctions dissociables que les
groupements -COOH et -NH3+ portés par le carbone . Prenons comme exemple
l'alanine. Supposons que nous dissolvions cet acide aminé dans l'eau pure. On constate
que le pH de la solution est d'environ 6.
Si dans un premier temps, on ajoute un acide fort, on obtient une courbe de titration
centrée sur une valeur de pH égale à 2,3. Si à un autre échantillon, on ajoute une base
forte, on obtient une courbe de titration centrée sur une valeur de pH égale à 9,7.
Rappelons que ces valeurs de pH correspondent aux pK des fonctions titrées. Vu leurs
valeurs on doit admettre que la première courbe de titration correspond à la fonction
carboxyle, la seconde à la fonction aminée. D'autre part comme la solution d'acide aminé
dans l'eau pure a un pH de 6, il résulte que dans ces conditions, la fonction COOH (pKa =
2,3) est sous forme COO-; et que la fonction aminée (pK'a = 9,7) est non dissociée et sous

forme : -NH3+. En solution dans l'eau pure, l'alanine aura donc la structure suivante :

Cette forme s'appelle la forme isoélectrique.

Les équations de dissociations de cet acide aminé pourront donc se représenter de la façon
suivante :
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Nous pouvons tirer de ces équations les conclusions suivantes :


a) L'alanine peut exister sous trois formes :

- La forme (I) a ses deux fonctions non dissociées, c'est la forme la plus acide, elle est
chargée positivement.
- La forme (II) a la fonction carboxyle dissociée, la fonction aminée non dissociée, sa
charge nette est nulle, c'est la forme isoélectrique.
- La forme (III) a ses deux fonctions dissociées, c'est la forme la plus basique, elle est
chargée négativement.

b) L'évolution des concentrations relatives de ces différentes formes en fonction du pH,


nous sera donnée par l'équation d'Henderson-Hasselbach appliquée à la première et la
seconde dissociation.

c) l'équation d'Henderson-Hasselbach appliquée à chaque fonction dissociable établit le


rapport entre ces différentes formes ;

d) Les courbes de titration que l'on peut établir en se référant aux relations présentées en
(b), nous indiquent également comment évolue la charge de la molécule en fonction du
pH. En milieu suffisamment acide, toutes les molécules sont chargées positivement, en
milieu suffisamment basique, elles sont chargées négativement. Entre ces valeurs
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extrêmes, les molécules deviennent de moins en moins positives lors d'une augmentation
du pH, passent par la forme isoélectrique, ensuite deviennent de plus en plus négatives.

Le point isoélectrique (PI) est le pH de la solution où la charge nette des molécules


d'acides aminés est nulle, les charges positives égalant les charges négatives. Ce pH peut
être facilement déterminé. Pour un acide aminé simple, les équations de dissociation
seront :

D'après la définition du point isoélectrique, à ce pH nous aurons :

Dans ces conditions, la concentration (H+) pourra être trouvée de la façon suivante :

Pour un acide aminé simple, le point isoélectrique est donc égal à la moyenne
arithmétique des deux pK.

4.3. Acides aminés ayant une fonction COOH dans leur chaîne latérale
Il s'agit de l'acide aspartique et de l'acide glutamique. Nous prendrons comme exemple
l'acide aspartique. Cet acide aminé contient trois fonctions dissociables : -COOH, -

COOH et -NH3+. On peut procéder expérimentalement, comme nous l'avons fait pour
l'alanine. En résumé, les résultats et les déductions que l'on peut en tirer sont les suivants :
a) La solution aqueuse de ce composé a un pH de 2.8.
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b) Si on titre cette solution avec de l'acide puis de la base, on obtient une courbe de
titration résultant de la dissociation des trois fonctions et que l'on peut décomposer en
trois parties, l'une provenant de l'-COOH, une autre du -COOH, une troisième de l'-

NH3+. Les pKa de chacune de ces fonctions que l'on peut déduire de ces courbes sont
respectivement de 1,9; 3,7 et 9,6.
c) Tenant compte des trois fonctions dissociables et de leur pKa, les formes sous
lesquelles l'acide aspartique peut exister sont les suivantes :

La forme (I) n'a aucune fonction dissociée, elle porte une charge positive; la forme (II)
résulte de la dissociation de l'-COOH, elle porte une charge nulle, c'est la forme
isoélectrique; la forme (III) a deux fonctions dissociées, l' et le -COOH, elle porte une
charge négative; la forme (IV) a toutes ses fonctions dissociées, elle porte deux charges
négatives.

d) La façon dont le rapport entre ces formes varie, lorsque le pH change sera obtenue en
appliquant l'équation d'Henderson-Hasselbach à chaque fonction dissociable :
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Lorsque le pH augmente, la charge de la molécule varie de 1 charge positive à 2 charges


négatives.

e) Dans la façon dont nous avons procédé ci-dessus - de même que pour l'alanine - pour
établir les équations de dissociation, nous supposons implicitement que la dissociation
d'une fonction est totale lorsque la dissociation de la fonction suivante se réalise.
Pratiquement, nous avons considéré la solution d'acide aminé comme si elle était faite
d'un mélange à parts égales d'un acide carboxylique et d'une amine primaire dans le cas de
l'alanine, de deux acides carboxyliques et d'une amine primaire dans le cas de l'acide
aspartique. Une telle supposition est tout à fait justifiable pour l'alanine, les pK de l'-

COOH et de l'-NH3+ étant très éloignés l'un de l'autre. Aussi une dissociation telle que
celle-ci n'est pratiquement pas à envisager :
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Dans le cas de l'acide aspartique, la situation est moins simple. En effet, les pK des deux

carboxyles sont relativement proches, (pKa1=1,9 ; pKa2=3,7) ce qui signifie que la

dissociation suivante impliquant une cinquième forme de l'acide aminé pourrait ne pas
être tout à fait négligeable:

Par mesure de simplicité, nous négligerons toutefois cette dissociation et la forme (V)
qu'elle implique; la concentration de cette forme est de toute façon toujours largement
inférieure à celle des formes (I) et (III) dans la zone de pH où on peut envisager son
existence.

Pour connaître la valeur du point isoélectrique d’un acide aminé acide, nous procèderons
de la façon suivante :

La forme isoélectrique est AH2 et l'électroneutralité ne sera possible que si :


Cela ne pourra se réaliser que si on se trouve dans une zone de pH où ces deux formes
sont présentes, en d'autres termes où les deux premières dissociations sont impliquées.
Cela signifie que la troisième dissociation (K'a) ne doit pas être considérée.
Dès lors,

Le point isoélectrique d'un acide aminé "acide" est égal à la moyenne arithmétique des
pK de ses deux fonctions acides carboxyliques.
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4.4 Autres acides aminés


Un raisonnement tel que celui que nous avons tenu ci-dessus (acides aminés acides)
s'applique à tous les acides aminés qui ont un groupement dissociable dans leur chaîne
latérale.

a) Acides aminés basiques (lysine, arginine, histidine).

Ces acides aminés ont donc une charge qui varie de 2+ à 1- en fonction du pH.

On peut tout aussi facilement démontrer que:

Le point isoélectrique d'un acide aminé basique est égal à la moyenne arithmétique des
pK des fonctions basiques. Notons que dans le cas de l’arginine et de la lysine, la
dissociation de la fonction ionisable portée par la chaîne latérale se produit lorsque la
fonction amine portée par le carbone  est déjà dissociée. Par contre, dans le cas de
l’histidine, la valeur de pK de la fonction ionisable portée par le résidu (groupement
imidazole) est telle qu’elle perd son proton avant que ne débute la dissociation de la
fonction amine portée par le carbone .
Nous remarquerons donc que de façon générale, le point isoélectrique s'obtient en
prenant la moyenne arithmétique des pK qui concernent les dissociations où la
forme isoélectrique est impliquée.

b) Tyrosine et cystéine.

Ces acides aminés ont une charge qui varie de 1+ à 2-


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Remarque. Parmi les différentes formes que peut prendre un acide aminé, il en est qui
sont prépondérantes d'un point de vue physiologique, ce sont celles qui peuvent exister
dans les limites de variation du pH de la cellule et du milieu intérieur (pH=environ 7,4).
Ce sont les valeurs de pK des différentes fonctions qui permettront d'identifier ces formes.

4.5 Charge des acides aminés


La charge des acides aminés varie en fonction du pH. Il est souvent très utile de pouvoir
déterminer quelle est la charge nette de ces molécules à un pH donné.

a) On peut tout d'abord constater qu'au pH isoélectrique, la forme prépondérante


de l'acide aminé est la forme isoélectrique. Prenons le cas d'un acide aminé simple,
dont le pKa = 2,3 et pK’a = 9,7. Le point isoélectrique vaudra 6. A ce pH, la
proportion de chacune des trois formes de l'acide aminé peut être déterminée
comme suit:

On voit que la forme (AH) isoélectrique est largement prépondérante. Ce que nous venons
de voir est valable quel que soit l'acide aminé.

b) A un pH inférieur au pH isoélectrique, l'acide aminé a une charge nette positive ;


à un pH supérieur au pH isoélectrique, il a une charge nette négative.
Pour caractériser la charge d'un acide aminé à un pH donné, on peut utiliser la notion de
charge moyenne. Elle se définit comme étant la charge rapportée à une molécule. Il s'agit
d'une valeur théorique puisqu'il est évident qu'un acide aminé ne peut être porteur d'une
charge fractionnaire.
La charge moyenne peut se déduire de la courbe de titration ou, dans de nombreux cas se
calculer facilement en utilisant l'équation d'Hasselbach.
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5- Quelques techniques biochimiques applicables aux acides aminés

5.1. Fluoro-2,4-dinitrobenzène et colorimétrie


Le groupement aminé peut réagir avec le fluoro-2,4-dinitrobenzène (FDNB). Le résultat
est la fixation du dinitrobenzène sur l'acide aminé. Le dérivé obtenu est fortement coloré
en jaune. Cette réaction, est à la base de la méthode de Sanger, qui fût largement utilisée
pour réaliser l'identification d'acides aminés amino-terminaux dans des peptides (voir plus
loin).

Profitons de l’obtention de cette molécule colorée pour évoquer une technique très
largement utilisée dans les laboratoires de biochimie. Il s’agit de la colorimétrie. Cette
technique permet de mesurer la concentration d’un soluté en se référant au pouvoir
d’absorption de la lumière par la solution. Un faisceau lumineux est envoyé sur une
cuvette contenant la solution dont on veut estimer la concentration. Un détecteur mesure
l’intensité de la lumière à la sortie de la cuvette. L’application de cette technique repose
sur l’utilisation de la loi de Lambert-Beer :
A= log I0/I =  c d
Où A représente l’absorbance, I0 représente l’intensité de la lumière incidente, I l’intensité
de la lumière après passage à travers la solution, c, la concentration du soluté, d, la longueur
du trajet optique, et  le coefficient d’extinction molaire, c’est-à-dire l’absorbance d’une
solution 1 molaire de la molécule à une longueur d’onde donnée, lorsque la longueur du trajet
optique est unitaire. Dans la pratique, la concentration sera mesurée sans recours au
coefficient d’extinction molaire, en faisant appel à un étalon de concentration connue.

5.2. Séparation et identification des acides aminés


5.2.1. Chromatographie, notions générales
Dans toutes les séparations par chromatographie, le principe de séparation des molécules
est basé sur l'existence d'un système constitué de deux phases entre lesquelles les
molécules sont partitionnées : une phase stationnaire et une phase mobile. La séparation
dépend des tendances relatives des molécules d'un mélange à s'associer plus ou moins
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fortement à l'une ou l'autre phase. Cette technique s'applique aussi aux peptides (voir plus loin)
et autres composés.

5.2.2. Chromatographie sur papier et TLC


La chromatographie sur papier est une technique ancienne, actuellement supplantée par
des techniques bien plus sophistiquées. Son principe est néanmoins une belle illustration
de ce qu’est une chromatographie de partage adéquate pour séparer, par exemple, les
acides aminés d'un mélange.
Des échantillons à analyser sont placés à 5 cm environ de l'extrémité d'un papier-filtre et
ce papier est placé dans une nacelle contenant le solvant de chromatographie, le tout est
enfermé dans une cuve de chromatographie. Le solvant comprend plusieurs constituants
polaires et non polaires. Les plus polaires s'associent à la cellulose c'est la phase
stationnaire. Les moins polaires constituent la phase mobile. C'est la chromatographie
de partage normale. Le solvant peut se déplacer vers le haut ou vers le bas. Quand le
solvant a parcouru presque tout le papier, on peut utiliser un système de détection des
acides aminés (ninhydrine par exemple) laissant apparaître un spot coloré là où se situent
les acides aminés.
Les acides aminés les plus hydrophobes auront migré plus loin que les acides aminés
moins hydrophobes et ces derniers auront migré plus loin que les acides aminés polaires et
chargés.
La distance parcourue par l'acide aminé rapportée à la distance du front de solvant à partir
de l'origine (Rf) est caractéristique de chaque acide aminé. En comparant les valeurs
obtenues pour l'échantillon à analyser à des valeurs étalon on peut identifier les acides
aminés de l'échantillon inconnu. On peut augmenter la résolution de la chromatographie si
elle est bidirectionnelle. On place l'échantillon à un coin d'une feuille carrée, on effectue
la chromatographie dans un premier mélange de solvants, on sèche la feuille on la tourne
de 90° et on effectue une deuxième chromatographie dans un deuxième mélange de
solvants.
La chromatographie en couche mince (TLC) de partage est basée sur le même principe
que la chromatographie sur papier : de la cellulose par exemple couvre une plaque de
verre, un film de plastique. La TLC d'adsorption se réalise par exemple avec du gel de
silice activé déposé sur le support, elle ne s'applique pas aux substances polaires tels les
acides aminés et hydrates de carbone mais bien aux substances telles que les lipides.
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5.2.3. Chromatographie échangeuse d’ions


La phase solide est constituée d'une résine synthétique sur laquelle sont greffés soit des
groupements SO3- ou COO- (résines échangeuses de cations) ou NH3+ (résine
échangeuse d'anions).
Les acides aminés sont habituellement séparés sur une colonne à groupements SO3-
laquelle est préalablement chargée soit avec des Na+ ou H+. On y ajoute une solution
acide (pH 3 par exemple) d'acides aminés: les acides aminés acides seront peu ou pas
retenus, par contre seront retenus les acides aminés basiques et de manière générale,
toutes les molécules ayant un PI tel qu'elles possèdent une charge nette positive suffisante
au pH choisi par l'expérimentateur. En augmentant graduellement le pH les acides aminés
seront graduellement libérés (dès que leur charge nette positive est insuffisante).

d'après: Principles of Biochemistry, 2nd ed, Lehninger, A.L., Nelson, D.L. & Cox, M.M., Worth Publishers, NY.
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6- Quelques applications diagnostiques de l’analyse des acides aminés


L’identification et le dosage d’acides aminés dans le plasma ou dans l’urine peut présenter
un intérêt diagnostique. Ces deux objectifs peuvent être rencontrés par l’utilisation de
techniques basées sur les principes décrits précédemment. Lorsque des acides aminés se
retrouvent en abondance dans l’urine, on parlera d’aminoacidurie. La concentration d'un
acide aminé dans le plasma est l'aminoacidémie. A titre d'exemples, illustrant l'intérêt de
réaliser la mesure de la concentration d'un ou plusieurs acides aminés dans un fluide
biologique:
La phenylcétonurie (PKU) est une maladie métabolique résultant d’un
dysfonctionnement de la réaction catalysée par la phenylalanine hydroxylase, première
enzyme impliquée dans le catabolisme de la phénylalanine (voir chapitre acides aminés
dans le cours de Bac2). Ce trouble du métabolisme de la phénylalanine provoque
l’apparition dans l’urine et dans le plasma, de concentrations anormalement importantes
de phénylalanine et de molécules issues de la transformation de cet acide aminé :
phénylpyruvate, phényllactate, phénylacétate. Il est essentiel de diagnostiquer très
précocement cette maladie dont les manifestations cliniques apparaissent dans les
quelques premières semaines après la naissance. Si le nouveau-né n’est pas soumis à une
diète adaptée, cette maladie provoquera un profond retard mental.
La cystinurie est la conséquence d’un déficit au niveau de l’activité d’un transporteur de
cystine et d’acides aminés basiques (lysine, arginine) dans les cellules épithéliales. Cette
maladie s’accompagne d’une excrétion massive de ces acides aminés dans l’urine et peut
conduire à la formation de précipitats de cystine au niveau du rein.
La maladie de Hartnup est caractérisée par un déficit de transport épithélial d’acides
aminés simples (mono-aminés, mono-carboxyliques). Ces molécules apparaissent en
abondance dans l’urine. Parmi les acides aminés concernés par ce déficit de transport, on
trouve le tryptophane, ce qui expliquerait certains des problèmes métaboliques
caractérisant la maladie de Hartnup. En effet, nous verrons plus loin que le tryptophane
peut servir de précurseur pour alimenter la synthèse de nicotinamide. D’autre part, les
problèmes d’ataxie seraient dûs à l’accumulation intestinale excessive de tryptophane, le
catabolisme microbien de cet acide aminé conduisant à la production d’indole directement
responsables d’effets toxiques (voir cours suivant, chapitre "Métabolisme des acides
aminés".
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7- Annexes

Propriétés chimiques des acides aminés


1. Réactions du groupement carboxyle
a) Le groupement carboxyle peut être estérifié avec des alcools pour donner des esters. En présence d'un
excès de NH3, ceux-ci peuvent être transformés en amides:

b) Le groupement carboxyle peut être éliminé pour donner naissance à une amine :

Certaines de ces amines sont très importantes biologiquement. L'histidine après décarboxylation donne
naissance à l'histamine. Le tryptophane après hydroxylation et décarboxylation produit la sérotonine ou 5-
hydroxytryptamine. Les catécholamines dérivent, en plusieurs étapes, dont une décarboxylation, de la
tyrosine.

2. Réaction du groupement aminé


a) Rappelons la réaction du groupement aminé avec le fluoro-2,4-dinitrobenzène (FDNB) vue
précédemment.
Une autre réaction du même type est celle qui conduit à la fixation d'un
résidu dansyl sur l'acide aminé, à partir de chlorure de dansyl:
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Le dérivé ainsi obtenu est fortement fluorescent.


c) Les isothiocyanates peuvent réagir avec le groupement aminé pour donner finalement par cyclisation une
phénylthiohydantoïne de l’acide aminé.

Cette réaction a été largement mise à profit pour analyser la séquences des peptides par la méthode
d'Edman.

d) Par son groupement aminé, l'acide aminé peut également réagir avec la ninhydrine:

pour donner un composé pourpre. Cette réaction peut être utilisée pour la détermination colorimétrique des
acides aminés.

e) Signalons finalement la réaction avec la formaldéhyde :

La fonction aminée est devenue une amine secondaire qui est une base plus faible que l'amine primaire dont
elle dérive. La courbe de titration d'un acide aminé sera donc modifiée en présence de formaldéhyde.

3. Réactions de la chaîne latérale


Elles dépendent du type de groupement présent dans la chaîne latérale : groupement thiol (-SH), alcool (-
OH). Elles sont donc spécifiques d'un acide aminé particulier. Nous reviendrons sur ces réactions en
discutant les propriétés chimiques des protéines.
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Electrophorèse des acides aminés


La séparation des acides aminés, des polypeptides et d'autres ampholytes (molécules dont la charge nette
dépend du pH du milieu environnant) peut s'effectuer dans un champ électrique à courant continu. Elle peut
s'effectuer soit sur un support inerte telle une feuille de papier soit sur tamis moléculaire.
Normalement, c'est la charge nette qui est le facteur le plus important pour déterminer la vitesse de
migration et
donc la séparation.

où:
V représente la vitesse de migration,
E le champ électrique appliqué à la charge nette du composé envisagé,
f est un facteur de friction proportionnel à la taille du composé et à la viscosité du milieu.

Lorsqu'on applique le courant les molécules ayant une charge nette négative au pH choisi vont vers
l'électrode positive, celles ayant une charge nette positive vers l'électrode négative.
Afin d'améliorer la résolution d'un mélange on peut superposer la séparation par différence de charge et une
séparation par tamisage moléculaire. Cette technique (SDS-PAGE par exemple) n'est pas appliquée à la
séparation d'acides aminés mais de protéines et polypeptides (voir plus loin).
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La synthèse protéique

1. Transcription et traduction : quelques concepts généraux

L’ADN contient les gènes qui codent pour les protéines. Ces gènes sont composés d’exons
(séquences codantes) et d’introns. Chaque acide aminé d’une protéine est encodé, au sein d’un
exon, par un ensemble de 3 nucléotides formant ce qu’on appelle un génon.
La transcription est le processus qui consiste à transférer l’information contenue dans un gène
au sein d’une molécule d’ARNm (ARN messager). Le pré-ARNm est une « copie » du brin
d’ADN sens (5’-3’) et contient la même séquence de nucléotides que celui-ci, mais sous forme
ribonucléique au lieu de désoxyribonucléique. A noter également que les Thymidines (T) de
l’ADN sont remplacées par des Uridines (U) au sein de l’ARNm. L’épissage des introns du
pré-ARNm génère l’ARNm mature. Les génons deviennent des codons au sein de cette
molécule d’ARNm. Ils sont composés de 3 nucléotides qui correspondent aux 3 nucléotides du
génon.

Le processus de traduction protéique


- est la synthèse d’une chaîne polypeptidique (peptide ou protéine) à partir d’une
molécule ARNm
- se déroule au niveau d’un ribosome.
- consiste à « lire » la séquence nucléotidique de l’ARNm (organisée en codons) et à la
traduire en une séquence d’acides aminés. Les acides aminés sont reliés entre eux en
suivant l’ordre prédéfini par la succession des codons ; chaque codon étant lu de façon
successive et sans chevauchement. Les acides aminés sont apportés au niveau du site
de synthèse par les ARN de transfert (ARNt) qui contiennent dans leur séquence un
triplet de nucléotides complémentaires à ceux contenus dans le codon. Ce triplet
présent dans l’ARNt est appelé anticodon. L’acide aminé, quant à lui, est chargé au
niveau de l’extrémité 3’ de l’ARNt. Cette étape est appelée aminoacylation de l’ARNt
ou activation de l’acide aminé (voir plus loin).
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Les acides nucléiques étant composés de 4 nucléotides différents, et chaque codon étant
composé de 3 nucléotides, il existe par conséquent 43 possibilités d’assemblage des nucléotides
en codons, soit 64 possibilités au total :
- 61 codons codent pour les 20 acides aminés protéinogènes
- 3 codons sont des séquences d’arrêt de la traduction (codons de terminaison
ou « codons stop ») : UAA, UAG, UGA
Le codon « start » qui initie la traduction de l’ARNm en protéine est toujours AUG, un codon
qui code pour une Méthionine.
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Le code génétique est non ambigu ; à chaque codon correspond un seul acide aminé. Il est
également universel (ou presque). En effet, le code est le même dans toutes les cellules
(organismes procaryotes et eucaryotes), à quelques exceptions près. Au sein de l’ARNm des
mitochondries, des chloroplastes et de certains protistes, quelques codons peuvent différer du
code génétique « standard ».

Remarquons qu’un même acide aminé peut être encodé par plusieurs codons différents. C’est
pour cette raison que le code génétique est dit redondant ou dégénéré. Au sein des codons qui
codent pour le même acide aminé, le premier nucléotide du codon, et souvent le second, sont
identiques, mais le dernier nucléotide peut varier.

2. L’effet « Wobble »

« To wobble » en anglais signifie « osciller » ou « être bancal ». L’effet « Wobble » fait


référence au fait que la troisième base d’un codon (du côté 3’) peut former une paire non
canonique avec son complément (3ème base de l’anticodon, lorsque celui-ci est lu dans le sens
3’-5’) dans l’ARNt. Ceci explique que certains anticodons peuvent s’apparier à plus d’un
codon. Ainsi, les 61 codons du code génétique peuvent être lus, malgré la présence d’un nombre
limité d’ARNt différents dans les cellules.

3. La synthèse protéique

La synthèse protéique issue de la traduction d’un ARNm en une séquence d’acides aminés,
peut être divisée en 5 grandes étapes : 1-l’aminoacylation des ARNt (ou activation des acides
aminés) ; 2- l’initiation ; 3- l’élongation ; 4- la terminaison (comprenant le recyclage du
ribosome) ; et 5- le repliement et la maturation post-traductionnelle de la protéine.
27

3.1 L’aminoacylation des ARNt (l’activation des acides aminés)

L’aminoacylation d’un ARNt est l’étape de chargement d’un acide aminé sur un ARNt.
Cette association est finement régulée ; chaque acide aminé doit être correctement associé à
l’ARNt qui est capable de s’apparier au(x) codon(s) codant pour cet acide aminé. Cette étape
de chargement se déroule à l’extrémité 3’ de l’ARNt et est catalysée par des enzymes
cytosoliques appelées aminoacyl-ARNt synthétases.

L’aminoacylation d’un ARNt par ces enzymes se déroule en 2 ou 3 étapes, selon que la liaison
de l’acide aminé sur l’ARNt est assurée par une enzyme de type I ou une enzyme de type II,
respectivement (voir les 2 schémas ci-dessous).
28

ETAPE 1 :

ETAPE 2 (et ETAPE 3 si enzyme de classe II) :


29

Rappelons que, outre les 20 acides aminés communs à tous les organismes, 2 acides aminés
supplémentaires retrouvés dans quelques protéines sont également “codés” génétiquement.
Chez certaines archéobactéries, l’acide aminé pyrrolysine est directement attaché à son ARNt
qui reconnaît le codon UAG(stop). La sélénocysteine (notamment présente chez les eucaryotes)
est formée par la transformation d’une sérine chargée sur un ARNt spécifique dont l’anticodon
reconnaît le codon stop UGA.

L’importance des quelques protéines contenant de la sélénocystéine est illustrée par le fait
qu’une carence en sélénium cause une cardiomyopathie (maladie de Keshan). Deux myopathies
congénitales sont également causées par des mutations dans SEPN1, le gène qui code pour la
sélénoprotéine N (myopathie multiminicore et RSMD (muscular dystrophy with rigid spine
syndrome).

3.2 L’initiation de la traduction

Nous décrirons ici, et dans les sous-sections suivantes, le processus de traduction chez la
bactérie (organisme procaryote). Ceci nous permettra de mettre en avant les éléments clés du
processus dans un modèle simplifié par rapport à celui de la traduction eucaryote.

L’initiation de la traduction consiste à assembler le complexe d’initiation, rassemblant tous


les éléments nécessaires au démarrage de la traduction de l’ARNm, à savoir : la petite sous-
unité ribosomale 30S, l’ARNm, l’ARNt d’initiation porteur du premier acide aminé (et
inséré dans le site P du ribosome), 3 facteurs d’initiation (IF-1, IF-2 et IF-3 ; IF signifiant
Initiation factor), du GTP, la grosse sous-unité ribosomale 50S, et du Mg2+.

Le codon start, dans tous les organismes, est toujours AUG (correspondant à une méthionine).
Tous les organismes ont deux ARNt pour la méthionine, un ARNt qui servira pour initier la
traduction, et un ARNt permettant l’insertion de méthionines à d’autres endroits de la séquence.
30

Chez les bactéries, chloroplastes et mitochondries, le premier acide aminé porté par l’ARNt
d’initiation est une formylméthionine (fMet-ARNtfMet).

La formation du complexe d’initiation se fait en plusieurs étapes successives, tel qu’illustré sur
le schéma ci-dessus. L’ARNm, reconnu par l’ARNr 16S au niveau de sa séquence Shine-
Dalgarno, est notamment guidé dans la petite sous-unité 30S du ribosome procaryote de façon
à ce que son codon start se situe au niveau du site P (Peptidyl). C’est à cet endroit que l’ARNt
d’initiation porteur de fMet viendra s’insérer (avec l’aide des IFs). Une fois l’ARNm et l’ARNt
d’initiation correctement alignés, les IFs se dissocient et la grosse sous-unité du ribosome vient
s’associer à la petite sous-unité.

3.3 L’élongation chez les procaryotes

L’élongation est l’étape lors de laquelle les prochains acides aminés sont amenés
successivement au niveau du ribosome et liés de façon covalente à l’acide aminé précédent.
La formation de la liaison peptidique est catalysée par l’ARNr 23S (aussi appelé Ribozyme,
une enzyme qui n’est pas de nature protéique, il s’agit en fait d’un ARN ribosomique).
L’ordre dans lequel les aminoacyl-ARNt sont recrutés, avec l’aide de deux facteurs
d’élongation (EF-Tu-GTP et EF-Ts) dépend de la séquence de l’ARNm (ordre dans lequel
les codons se succèdent).
31

Lorsque la liaison est établie entre les deux acides aminés, la chaîne polypetidique en formation
se retrouve portée par l’ARNt situé dans le site A du ribosome. Une étape de translocation,
nécessitant le recrutement d’EF-G couplé au GTP, cause ensuite le déplacement des ARNt vers
le site E.

L’hydrolyse du GTP mène à la libération d’EF-G, ouvrant à nouveau


le site A pour la liaison de l’ARNt-aminoacylé suivant. L’élongation
se poursuit jusqu’à ce qu’un codon STOP soit rencontré dans la
séquence de l’ARNm.
32

3.4 La terminaison chez les procaryotes

La terminaison de la traduction est l’étape qui mène à la libération de la protéine


nouvellement synthétisée et au recyclage des sous-unités du ribosome. La terminaison est
initiée par le recrutement d’un facteur de libération (RF, Release factor) dans le site A lorsqu’un
codon stop y est rencontré. La chaîne polypetidique est alors libérée, tandis que l’ARNt et RF
se voient transloqués vers le site E (sous l’action d’EF-G-GTP) avant d’être également libérés.
La molécule d’ARNm se dissocie et le recrutement d’IF3 cause la séparation des 2 sous-unités
du ribosome. Ces sous-unités sont alors libres de participer à la traduction d’un autre ARNm.

3.5 Le repliement et la maturation post-traductionnelle de la protéine

Des protéines appelées “Chaperonnes” aident au repliement dans l’espace des protéines.
Par ailleurs, diverses modifications co- et/ou post-traductionnelles peuvent être requises pour
assurer le repliement adéquat de nombreuses protéines et leur fonctionnement optimal.
Quelques exemples sont listés ci-dessous (discutés dans d’autres sections du cours).
- clivage protéolytique - glycosylation - isoprénylation
- Acétylation - phoshorylation - oxydations
- méthylation - carboxylation - acylation de lysines
33

Peptides

1- Structure générale
Un peptide est constitué d'acides aminés unis les uns aux autres par une liaison peptidique :

La structure d’un peptide sera définie par le nombre et la nature des acides aminés qui
constituent la molécule (sa composition) et par l'ordre suivant lequel ceux-ci sont placés (sa
séquence).
Les acides aminés qui forment un peptide sont énumérés en partant de l'extrémité où le
groupement aminé est libre. La terminaison "-yl" est utilisée pour chaque acide aminé sauf pour
le dernier, qui est porteur du groupement carboxylique terminal.

Exemple : Glycyl-cystéinyl-alanyl-leucine :

La taille des peptides biologiques est variable, on en connaît constitués de trois acides
aminés (tripeptide), de neuf acides aminés (nonapeptide) etc...

2- Caractéristiques de la liaison peptidique


L’avènement de la diffraction des RX a permis la mise à jour des propriétés particulières de la
liaison peptidique. Les atomes C, O, N et H impliqués dans la liaison peptidique sont tous dans
un même plan. L'hydrogène du groupement NH est toujours en trans par rapport à l'oxygène du
groupement carbonyle.
34

Ils constituent une unité planaire rigide. Il n'y a pas de liberté de rotation autour de la liaison
existant entre le carbone du carbonyle et l'azote amide du fait d'un caractère partiel de double
liaison que possède cette liaison.

Cela se traduit par une distance entre C et N, de 1,32 A intermédiaire entre celle que l'on trouve
pour la simple liaison C-N (1,49 A) et la double liaison C=N (1,27 A).

Par contre les liaisons entre le carbone  et le carbone du carbonyle, et entre le carbone  et
l'azote ont le caractère d'une simple liaison. Dès lors, des mouvements de rotation peuvent
librement se faire autour de ces liaisons, de part et d'autre de la liaison peptidique.

Les angles  et  caractérisant ces rotations et indiqués dans la figure ci-dessus, permettent de
définir la conformation de la chaîne peptidique.
Le caractère partiel de double liaison tel qu’il existe au niveau de la liaison peptidique, a une
deuxième conséquence majeure : il fait de l’oxygène et de l’azote des partenaires potentiels
dans l’établissement de ponts hydrogènes. Nous verrons plus loin que les ponts hydrogènes
établis à partir des éléments de la liaison peptidique sont de la plus grande importance dans
l’adoption par la chaîne peptidique du niveau de structure secondaire.
35

3- Quelques exemples de peptides biologiquement actifs

Le glutathion est un tripeptide ( glutamyl-cysteinyl-glycine) (ECG). On le trouve dans de


nombreux tissus. Il représente le composé sulfhydrylé le plus abondant dans les cellules. Il a de
multiples rôles: protecteur d'enzymes à -SH, antioxydant, intermédiaire dans le passage
transmembranaire de certains acides aminés, etc. Une des sources les plus riches en glutathion
est le cristallin.

Le glutathion est un élément important de l’arsenal qui permet à nos cellules de lutter contre les
espèces réactives dérivées de l’oxygène (ROS pour « Reactive Oxygen Species), parmi
lesquelles le peroxyde d’hydrogène (H2O2). L’intervention du glutathion s’explique par le fait
que cette molécule peut exister dans deux états : glutathion réduit ou glutathion oxydé.
L’oxydation de la molécule passe par l’établissement d’un pont disulfure entre deux molécules
identiques. Cette oxydation du glutathion accompagne le fonctionnement de la glutathion
peroxydase, une enzyme importante dans l’élimination du peroxyde d’hydrogène.

L'angiotensine I est un décapeptide qui provient de l'hydrolyse par la rénine (une enzyme
rénale), d'une 2-globuline sérique produite par le foie : l'angiotensinogène. Sous l'action de
l'enzyme de conversion (ACE pour « Angiotensin Converting Enzyme »), qui libère un
dipeptide à partir de son extrémité -COOH, l'angiotensine I est transformée en angiotensine II
36

(octapeptide), une substance vasoactive très puissante. L’angiotensine II augmente la pression


sanguine en provoquant une contraction de l’artériole (voir cours de Physiologie).
L'ocytocine et la vasopressine (ADH pour hormone antidiurétique) sont des hormones
peptidiques hypophysaires. L’ocytocine provoque l’éjection du lait des glandes mammaires. La
vasopressine exerce son action antidiurétique en favorisant la résorption de l’eau des tubules
rénaux. Ces deux hormones sont des nonapeptides de structures étonnamment semblables.

Chacune de ces hormones laisse apparaître un pont disulfure intra-chaine entre les deux
cystéines 1 et 6.
L’insuline est certainement la première molécule à laquelle on pense lorsqu’on évoque les
"hormones peptidiques". Nous évoquerons sa structure et certaines de ses fonctions dans le
chapitre traitant des protéines.

Le glucagon est secrété par les cellules A des ilots de Langerhans du pancréas. Il exerce des
effets métaboliques globalement antagonistes par rapport à ceux de l'insuline. Il est constitué de
29 acides aminés.
NH2-His-Ser-Gln-Gly-Thr-Phe-Thr-Ser-Asp-Tyr-Ser-Lys-Tyr-Leu-Asp-Ser-Arg-Arg-Ala-Gln-

Asp-Phe-Val-Gln-Trp-Leu-Met-Asn-Thr-COOH
L’effet hyperglycémiant du glucagon s’explique notamment par la stimulation qu’exerce cette
hormone sur la glycogénolyse hépatique et sur la gluconéogenèse comme nous le verrons dans
la partie du cours traitant du métabolisme.

De nombreuses molécules à action antibiotique sont de nature peptidique. On rencontre


fréquemment dans ces substances des D-aminoacides.

L’aspartame (NutrasweetTM) est une dipeptide utilisé comme édulcorant par l’industrie
alimentaire. La structure de cette molécule n’a rien à voir avec un sucre puisqu’il s’agit d’un
ester méthylique d’aspartyl-phénylalanine.
37

4- Annexe

Synthèse chimique d’un peptide


La synthèse artificielle d'un peptide est d'un grand intérêt à différents points de vue. En particulier, d'un point de vue
médical, elle permet la fabrication de peptides biologiquement actifs, des hormones, par exemple, à des fins
thérapeutiques.

Le problème fondamental est celui de placer dans un ordre déterminé une série d'acides aminés, le peptide n'a en
effet de signification biologique que si les acides aminés qui le constituent se suivent d'une façon adéquate.
Essentiellement la technique consistera à masquer la fonction -NH2 ou -COOH qui ne doit pas réagir et à activer
l'autre pour que la synthèse de la liaison peptidique s'effectue rapidement.

Les groupements protecteurs doivent être tels qu'ils s'enlèvent sans préjudice pour la structure du peptide lorsque
l'assemblage est terminé. Si des groupements réactionnels se trouvent dans les chaînes latérales, ils devront
éventuellement être masqués.
Le groupement aminé sera bloqué par la réaction avec :

La synthèse d’un peptide en phase solide est illustrée ci-dessous. Elle implique les étapes :
1- de masquage du groupement NH2 de l’acide aminé (n).
2- d’immobilisation de l’acide aminé (n)
3- de démasquage du groupement NH2 de l’acide aminé (n).
4- de masquage du groupement NH2 de l’acide aminé (n-1)
5- d’activation de l’acide aminé (n-1)
6- d’établissement de la liaison peptidique entre les acides aminés (n) et (n-1)
7- de déprotection et d’hydrolyse de la liaison ester avec le support insoluble lorsque le peptide a la longueur et la
séquence voulue.
38
39

Protéines, structure, "repliement" et dénaturation

1- Introduction
Le nom de protéines a été proposé il y a plus d'un siècle pour désigner des substances azotées
complexes présentes dans les cellules animales et végétales. Les protéines occupent une position
centrale dans l'architecture et le fonctionnement de la matière vivante. Elles sont intimement
liées à toutes les phases de l'activité physique et chimique qui constituent la vie cellulaire et
possèdent des fonctions biologiques très diverses. Les enzymes, les biocatalyseurs sont des
protéines. Plusieurs protéines servent d'éléments structuraux du corps, d'autres sont des
transporteurs d'oxygène, de glucose, d'acides aminés, de lipides; d'autres participent à la
contraction musculaire; certaines sont associées aux acides nucléiques (ADN, ARNs). Les
anticorps, molécules de défense sont protéiques. Il existe des protéines de nutrition, telle la
caséine du lait ou l'ovalbumine, des protéines de stockage comme la ferritine. D'autres protéines
servent de régulateurs pour l'activité cellulaire ou physiologique, hormones et protéines de
transduction, protéines de régulation qui se lient à l'ADN et contrôlent la synthèse d'ARN
messagers, la synthèse de protéines impliquées dans la division cellulaire, d'enzymes... On peut
dire qu'il n'existe pas de fonction physiologique importante dans lesquelles les protéines ne
soient pas impliquées. Quantitativement, les milliers de protéines présentes dans l'organisme
humain constituent les trois quarts de la substance sèche.
Les caractéristiques communes à toutes les protéines sont les suivantes : ce sont des molécules
de taille importante. Chacune possède une composition en acides aminés qui lui est propre. Leur
conformation est contrôlée par les liaisons covalentes et non-covalentes, à différents niveaux de
la structure protéique. Des méthodes physico-chimiques sont utilisées pour déterminer leur
structure. Certaines protéines contiennent des groupements chimiques autres que les acides
aminés (hétéroprotéines). Les protéines ont des propriétés et des structures uniques qui
remplissent des fonctions biologiques spécifiques. Par exemple, des protéines fibreuses comme
la fibroïne de la soie et le collagène, accomplissent des rôles structuraux spécifiques. L'étude des
protéines globulaires, myoglobine et hémoglobine et des protéines catalytiques, les enzymes
démontrent la relation qui existe entre structure et fonction.
Fondamentalement, le but de la chimie des protéines est d'expliquer les fonctions physiologiques
de ces molécules complexes en fonction de leur structure. L'approche expérimentale consiste
largement en un examen des éléments constituant les molécules, de leur arrangement, de leur
comportement physique et chimique. Les constituants fondamentaux des protéines sont les
40

acides aminés. Ces acides aminés sont unis les uns aux autres pour constituer une chaîne
polypeptidique, une ou plusieurs de ces chaînes formant la protéine.
Les protéines se définissent tout d'abord par la nature des acides aminés qui les constituent et
par l'ordre suivant lesquels ils se succèdent (la séquence) ; il s'agit de la structure primaire
d'une protéine. La structure secondaire d'une protéine résulte des relations qui s'établissent
entre des acides aminés proches l'un de l'autre dans la séquence linéaire de la chaîne
polypeptidique. Quant à la structure tertiaire, elle provient de relations stériques qui
s'établissent entre résidus d'acides aminés situés à plus ou moins grande distance l'un de l'autre
dans la chaîne peptidique. Finalement, lorsque les protéines sont constituées de plusieurs chaînes
peptidiques, l'organisation spatiale de ces sous-unités donne naissance à la structure
quaternaire.

Ces structures sont assurées grâce à l'établissement de différentes liaisons : liaisons de


covalence, électrostatique, hydrogène, de Van der Waals et interactions hydrophobes.

2- Nature des liaisons


Les liaisons de covalence sont essentiellement de deux types : la liaison peptidique -CO-NH- et
la liaison disulfure -S-S-. Nous reviendrons sur la liaison peptidique un peu plus loin. Quant à
la liaison disulfure, signalons qu'elle s'établit entre les fonctions -SH de deux cystéines. Elle
peut joindre ces acides aminés à l'intérieur d'une même chaîne ou établir un pont entre deux
chaînes. Elle est relativement peu réactionnelle. Ce sont des liaisons de nature exothermique de
type fort : l'énergie de liaison est de l'ordre de 400 à 800 kJ/mole (100 à 200 kcal/mole).
41

Les liaisons ioniques sont régies par la loi de Coulomb. Leur force (F) dépend des charges
relatives des partenaires impliqués dans la liaison (Q1,Q2), de la distance entre les charges (r) et
de la constante diélectrique du milieu (D).

Elles prennent naissance entre des résidus chargés d'acides aminés basiques et d'acides aminés
acides. Comme le montre la loi de Coulomb, elles sont fortement influencées par le milieu
(constante diélectrique D). Rappelons par exemple que si D vaut 1 dans le vide, il est égal à 80
dans l'eau. L'eau va donc affaiblir les interactions électrostatiques. Ces liaisons dépendent du
pH, puisque les groupements qu'elles impliquent sont plus ou moins chargés en fonction du pH.
De nature exothermique, l'énergie de liaison est de l'ordre de 160 à 240 kJ/mole (40 à 60 kcal/
mole). Bien entendu, les liaisons ioniques sont sous l’influence du pH.

d'après: Biochimie, 2nd ed, Garrett, R.H. & Grisham, C.M., De Boeck Université, Paris

Dans une liaison hydrogène, un atome d'hydrogène est partagé entre deux atomes
électronégatifs. L'atome auquel l'hydrogène est le plus fermement associé, est le donneur, l'autre
l'accepteur. De nombreuses liaisons hydrogène peuvent s'établir dans une protéine. Par
exemple:
42

La liaison hydrogène est relativement faible. L'énergie de liaison est de 12 à 32 kJ/mole (3 à 8


kcal/mole). Elle est de nature exothermique. La longueur est intermédiaire entre une liaison de
Van der Waals et une liaison de covalence. Une telle liaison est fortement orientée, elle est
d'autant plus forte que le donneur et l'accepteur d'hydrogène sont colinéaires.
Les liaisons hydrogènes qui concernent des groupes ionisables dépendent du pH. Prenons
l'exemple d'un groupement carboxyle. Un tel groupe peut servir de donneur et d'accepteur
d'hydrogène, si le pH est suffisamment bas :

Il ne peut servir que d'accepteur, si le pH devient trop élevé.

Enfin quand deux molécules sont unies par plusieurs liaisons hydrogène, l'établissement d'une de
ces liaisons favorise d'habitude la formation des autres, en permettant un rapprochement des
fonctions qui doivent s'associer par ces liaisons ; il y a coopérativité.

Lorsque deux atomes s'approchent à une distance de 3 à 4 Ao, une attraction faible se produit et
donne naissance à une liaison de Van der Waals. Elle est plus faible et moins spécifique que la
liaison électrostatique et la liaison hydrogène. Cette interaction résulte de ce que la distribution
de la charge électronique autour d'un atome change au cours du temps. L'attraction entre les
atomes augmente quand ils se rapprochent, jusqu'à ce qu'ils soient séparés par une certaine
43

distance où des forces de répulsions se manifestent et deviennent dominantes. Les deux atomes
seront situés à une distance minimale (rayon de Van der Waals) résultant d'une balance entre les
forces d'attraction et de répulsion. L'énergie de la liaison de Van der Waals est faible, environ 4
kJ/mole (1 kcal/mole). La liaison de Van der Waals est exothermique. Individuellement, cette
liaison n'est pas spécifique ; toutefois une certaine spécificité peut apparaître si une
complémentarité stérique permet à plusieurs liaisons de Van der Waals de s'établir
simultanément.

Les interactions hydrophobes trouvent toute leur signification quand on considère que l'eau est
le solvant biologique par excellence. Lorsque des molécules non polaires sont mises dans l'eau,
elles ont tendance à s'associer, ces associations s'appellent des interactions hydrophobes.
Supposons des molécules de méthane dans l'eau. Pour que ces molécules soient séparées l'une
de l'autre, il faut qu’à chaque endroit où elles se trouvent la structure de l'eau soit brisée, que les
molécules se réorientent et que de nouvelles liaisons hydrogène s'établissent. Les molécules
d'eau autour des molécules de méthane doivent donc être plus organisées qu'autre part dans la
solution. En langage thermodynamique, cette situation s'accompagne d'une perte d'entropie.
Une autre possibilité est que des molécules de méthane s'associent, pour constituer des zones
hydrophobes. Une telle situation est plus favorable car elle oblige un nombre plus restreint de
molécules d'eau à s'orienter de façon particulière. La diminution d’entropie imposée au système
est donc moins importante. Dans l'eau, les molécules non polaires se rassemblent, non parce
qu'elles ont une grande affinité l'une pour l'autre mais parce que les molécules d'eau sont
fortement cohérentes. A l'intérieur des zones hydrophobes, des liaisons type Van der Waals et
hydrogène pourront s'établir.
Comme nous l'avons vu, plusieurs résidus d'acides aminés sont hydrophobes ; dans les protéines
ils auront tendance à se rapprocher en présence d'eau, pour former des zones hydrophobes. Une
particularité des interactions hydrophobes est qu'elles sont endothermiques. Elles seront donc
favorisées par une légère élévation de température.

3- Structure primaire
Elle est donc définie par la suite des acides aminés constituant la chaîne peptidique. La
séquence résulte de l'information génétique. Les caractéristiques de la liaison peptidique, que
nous avons décrites dans le chapitre « Peptides », sont bien entendu retrouvées dans le cas d’une
protéine.
44

4- Structure secondaire
Comme nous l’avons vu précédemment, les angles  et  caractérisent les rotations possibles
entre le carbone alpha et l’azote amide d’une part, et entre le carbone alpha et le carbonyle
d’autre part. Toutes les valeurs d’angles ne sont pas permises. Il faut en effet tenir compte de
contraintes liées notamment à la structure des résidus. Les valeurs que prennent ces angles
permettent de définir la conformation de la chaîne peptidique.

d'après: Lehninger Principles of Biochemistry, 4th ed, Nelson, D.L. & Cox, M.M., W.H. Freeman and Co, New York

Les rotations possibles sont restreintes et dépendent de la composition en acides aminés de la


chaîne protéique. Les structures secondaires qui en résultent sont essentiellement au nombre de
3, l'hélice , le feuillet plissé  et l'hélice du collagène. Le diagramme de Ramachandran, repris
ci-dessus, montre les angles de rotation  et  caractérisant ces trois types de structures
secondaires. Les zones pointillées correspondent aux régions dans lesquelles on a pu mesurer des
valeurs d’angles  et  dans le cas d’une chaîne peptidique synthétique, exclusivement
constituée d’alanine, l’acide aminé sensé faire l’objet du moins de "contraintes". Les points
rouges représentent les valeurs expérimentales obtenues à partir de la chymotrypsine. Nous
45

pouvons constater que la plupart des points expérimentaux se retrouvent dans les zones
"permises" (d'après les observations faites avec la poly-alanine). Les coordonnées retrouvées en
dehors des zones permises peuvent correspondre à des acides aminés qui, du fait de la structure
de leur résidu, sont de nature à altérer la structure secondaire. C’est le cas de la glycine et de la
proline. A l’intérieur de la zone « permise », on retrouve des zones de concentration des angles
 et , correspondant aux coordonnées d’acides aminés s’organisant en différents types de
structures secondaires.

4.1. L’hélice 
En tenant compte des exigences stériques et des possibilités de formation de
liaisons hydrogènes, une configuration spécifique particulière, dite en hélice
 a été déduite pour une chaîne polypeptidique dont la composition en acides
aminés -L est généralement quelconque. L'hélice  droite est particulièrement
stable. L'hélice  contient 3,6 acides aminés par tour de spire. Elle est
stabilisée par des liaisons hydrogène s'établissant entre le groupement C=O de chaque acide
aminé et le groupement NH d'un acide aminé situé quatre résidus plus loin dans la séquence
linéaire.
Donc tous les CO et NH sont unis par une liaison hydrogène. Les résidus émergent à
l'extérieur de l'hélice. L'enveloppe de la chaîne peptidique est donc celle d'un cylindre.
L'hélice  peut être déstabilisée quand des groupements lysyls non dissociés (-NH3+),

aspartyl ou glutamyl dissociés ( ou  COO-) sont voisins, du fait de répulsions électrostatiques


de charges semblables. La structure en hélice  va donc dépendre du pH.
46

d'après: Biochimie, 2nd ed, Garrett, R.H. &


Grisham, C.M., De Boeck Université, Paris

D'autre part la structure en hélice  sera brisée là où se trouve une proline,


puisque à cet endroit, il n'y a pas de liaison hydrogène possible : (en 1) ni de
rotation autour de la liaison C-N (en 2), donc pas d’angle 

La glycine peut également rompre la structure en hélice . En effet, comme elle n'a pas de
résidu, il n'y a pas de contrainte stérique et d'autres configurations peuvent être prises à cet
endroit. Notons que la proportion d'hélice  diffère d'une protéine à l'autre et dépend de la nature
des résidus d'acides aminés. L'hélice  s'accommode d'une composition en acides aminés
quelconque mises à part les réserves signalées plus haut (acides aminés chargés voisins, proline,
glycine).

4.2. Le feuillet plissé 


Du fait de la composition particulière en acides aminés de certaines protéines (telles la fibroïne
de la soie) ou de certaines séquences de protéines une configuration de la chaîne polypeptidique
47

presque totalement étirée et non condensée est adoptée au contraire de l'hélice . On peut
schématiser le feuillet plissé  comme ci-dessous.
La distance dans la séquence entre les acides aminés pontés par des ponts hydrogène est
beaucoup plus longue que celle qui existe dans l'hélice . Les liaisons hydrogènes qui stabilisent
la structure se font entre des chaînes différentes quoique de petits segments d'une chaîne unique
puissent exister sous cette configuration. Le feuillet plissé peut résulter d’un arrangement
parallèle ou antiparallèle des chaînes peptidiques.

d'après: Biochimie, 2nd ed, Garrett, R.H. & Grisham, C.M., De Boeck Université, Paris. (Irving Geis)

4.3. L’hélice du collagène


On connaît une troisième structure périodique secondaire, c'est une hélice différente de l'hélice
, et que l'on trouve dans le collagène. Nous verrons les caractéristiques de cette structure
secondaire lorsque nous aborderons l’étude de la structure et des propriétés du collagène.

4.4. Coudes 
Il arrive, au sein d’une chaîne peptidique, que l’orientation de la molécule change brutalement.
C’est ce qui se passe dans une organisation de type hélice-boucle-hélice. L’endroit précis où
s’effectue ce virage à 180° de la chaîne peptidique porte le nom de coude . Il s’agit d’une
structure comportant quatre acides aminés. Les coudes  les plus fréquemment rencontrés sont
dits de type I et de type II. Ils présentent respectivement une Pro en deuxième position et une
48

Gly en troisième position du tétrapeptide. Un pont hydrogène, établi entre les groupes
peptidiques du premier et du quatrième acide aminé, stabilise ces coudes I et II.

4.5. « Heptad repeats »


La lecture de la séquence de certaines protéines révèle des répétitions d’acides aminés avec une
fréquence de 7 résidus. On parle de « heptad repeat ». Nous avons vu que la structure
secondaire de type hélice  classique était caractérisée par un enroulement de 3.6 acides aminés
par tour. Il suffit donc d’une très légère modification de l’enroulement d’une hélice  pour
qu’elle expose 3.5 acides aminés par tour. Dans ces conditions, si un même résidu apparaît tous
les 7 acides aminé dans la séquence, nous trouverons, tous les deux tours d’hélice, le même acide
aminé capable d’engager une liaison avec un partenaire positionné avec la même régularité à la
surface d’une seconde molécule hélicoïdale. Cet arrangement peut contribuer à organiser les
chaînes peptidiques en structures superhélicoïdales.

5- Structure tertiaire
Elle se réfère à la tendance qu'ont les chaînes polypeptidiques à présenter de nombreuses
circonvolutions, de nombreux replis pour donner naissance à une structure spatiale complexe
relativement rigide. La structure tertiaire des protéines globulaires laisse fréquemment
apparaître des segments de chaîne peptidique organisés en domaines.
On peut se demander ce qui régit cette prise de configuration complexe. L'hypothèse la plus
admise est que la structure tridimensionnelle d'une protéine native dans son milieu physiologique
normal, est celle pour laquelle l'énergie libre du système est minimale. La conformation est
déterminée par la totalité des interactions interatomiques et par conséquent par la séquence des
acides aminés. En termes de sélection naturelle, cette idée insiste sur le fait que la molécule
protéique est stable au sens structural, uniquement dans des conditions similaires à celles pour
lesquelles elle a été sélectionnée, c’est-à-dire les conditions physiologiques. Lorsque la protéine
adopte la configuration native elle acquiert son activité.

Les études d'Anfinsen sur la renaturation d'une protéine comme la ribonucléase ont posé la
question du rôle que jouent les ponts disulfures intra-chaînes dans l’adoption par la protéine de
sa structure tertiaire. La ribonucléase native possède quatre ponts disulfures. Les ponts disulfures
s'établissent entre des positions bien déterminées (à savoir pour la ribonucléase entre les
cystéines 26-84, 40-95, 58-110 et 65-72 de la séquence polypeptidique). Son incubation en
présence d’un agent oxydant (acide performique) conduit à la déstructuration de la protéine et à
49

la perte de son activité enzymatique, démontrant l’importance des ponts disulfures dans la
stabilisation de la conformation native. Lorsque la protéine est incubée en présence de
mercaptoéthanol (agent réducteur) et d’urée 8M (agent dénaturant), on observe une scission
des ponts disulfures et un dépliement de la protéine qui perd son activité enzymatique. Dans ce
cas, l’incubation dans un milieu dépourvu des agents dénaturant et réducteur permet un retour à
la structure initiale (une renaturation) avec réapparition de l’activité enzymatique, prouvant que
la dénaturation peut (pour cette protéine particulière) être un phénomène réversible. Quand la
molécule totalement réduite par le mercaptoéthanol (huit groupements SH) est réoxydée dans des
conditions dénaturantes (par exemple dans l'urée 8M), on obtient un mélange de produits qui
contiennent la plupart des 105 liaisons disulfures possibles. Ce mélange est enzymatiquement
inactif. La formation de ponts disulfures n’est donc pas une condition suffisante pour guider la
renaturation. Si l'urée est enlevée et la protéine exposée à de très faibles concentrations de
mercaptoéthanol, des échanges de liaisons disulfure se produisent et le mélange peut donner
naissance à un produit homogène que l'on ne peut distinguer de la ribonucléase native. Ce
processus de reploiement a donc nécessité des réactions d’échanges entre partenaires pour
retrouver les quatre ponts S-S compatibles avec l’adoption de la seule structure tertiaire active.
Comme nous le verrons plus loin, le reploiement d'une protéine peut impliquer des protéines
dotées d'activités enzymatiques : les foldases. Parmi celles-ci, la PDI (protein disulfide
isomerase) catalyse l'échange "physiologique" de ponts disulfures (voir plus loin).

Le reploiement est à la fois un processus co- et post-traductionnel. La formation de la structure


secondaire se fait progressivement, dès l’émergence de la chaîne peptidique du ribosome. Par
contre, la structure tertiaire dont on peut parfois reproduire l’apparition in vitro à partir d’une
protéine dénaturée est un processus parfois lent qui fait appel à des chaperones. L’association
transitoire de la chaperone avec la chaîne peptidique néosynthétisée évite à celle-ci de se replier
de façon anormale ou de former des agrégats stables. Un exemple de mécanisme d'intervention
d'une chaperone est celui qui implique les chaperones procaryotes GroEL-GroES.
50

d'après: Lehninger Principles of Biochemistry, 4th ed, Nelson, D.L. & Cox, M.M., W.H. Freeman and Co, New York

Le reploiement de la protéine la fait passer par des états "intermédiaires" appelés "molten
globules". L'effet bénéfice de la chaperone sur le mécanisme de reploiement est double. En effet,
la chaperone constitue un "micro-environnement" à l'intérieur duquel le reploiement est facilité,
en minimisant le risque d'interactions parasites. Par ailleurs, l'activité ATPase portée par la
chaperone, facilite la dissociation de la protéine de la chaperone, ce qui évite à la protéine de
rester "piégée" dans un état de reploiement intermédiaire.
Parmi les foldases, les peptidyl-prolyl cis/trans isomérases contribuent également au
reploiement, en catalysant la rotation de la liaison peptidique engagée par l’azote d’une proline,
un événement souvent limitant dans la vitesse de reploiement d’un domaine peptidique. 99.5% des
liens peptidiques impliquant les acides aminés autres que la proline sont « trans »; 6% des liens
peptidiques impliquant l’azote iminé de la proline sont « cis » et souvent présents dans des coudes
.
Nous avons vu que les ponts disulfures contribuent à la stabilité de la structure tertiaire de
nombreuses protéines. Ces liaisons covalentes entre deux groupements sulfhydryles se mettent
en place dans la lumière du réticulum. Contrairement au cytosol, le milieu microsomal constitue
un environnement rédox favorable à l’oxydation des groupements –SH et à la formation de ponts
S-S. Pour les protéines où les ponts disulfures ne se forment pas de façon séquentielle (co-
traductionnelle), certains réarrangements (des échanges de ponts disulfures) peuvent s’avérer
nécessaires. Comme nous l'avons signalé précédemment, la protéine PDI (Protein Disulfide
Isomerase) remplit cette fonction dans la lumière du réticulum et contribue de cette façon au
reploiement protéique.
51

Les diverses liaisons que nous avons signalées précédemment, sont utilisées pour assurer la
stabilité de la structure tertiaire. Les interactions hydrophobes jouent un rôle important,
conduisant à une sorte de séquestration à l'intérieur de la protéine, des résidus hydrophobes
d'acides aminés et à l'établissement de liaisons de Van der Waals entre ces fonctions.
Quant aux résidus hydrophiles, ils auront tendance à se placer en surface, en contact avec l'eau.
A titre d'exemple, est donnée la structure tertiaire de la ribonucléase A. On distingue très
nettement des endroits en hélice , et d'autres en feuillet plissé , indiqués par des têtes de
flèches. On peut également voir les quatre ponts disulfures dont l’importance a été testée grâce à
l’expérience d’Anfinsem, décrite précédemment.

Structure tridimensionnelle de la
ribonucléase A
52

6- Structure quaternaire
La structure quaternaire résulte de l'association de plusieurs chaînes polypeptidiques. La protéine
est dans ce cas constituée de plusieurs sous-unités. L'union entre les sous-unités met en jeu des
liaisons non covalentes. Les sous-unités (protomères) sont unies par des liaisons hydrogènes,
ioniques, hydrophobes, jamais par des liaisons de covalence. L'association se fait grâce à une
certaine complémentarité des protomères et suivant un ou plusieurs axes de symétrie. Au sens
strict, une protéine constituée de plusieurs chaînes peptidiques indépendantes, liées par des ponts
disulfures inter-chaines n’a donc pas de structure quaternaire.

7- Dénaturation
Le terme dénaturation s'applique à tout processus dans lequel la configuration de la protéine
change sans qu'il y ait rupture de la chaine peptidique (structure primaire). Il existe de nombreux
traitements dénaturants : acides, bases, urée, chaleur, rayonnement ionisants, métaux lourds,
détergents… Notons que la perte de solubilité et l'agrégation accompagnent fréquemment la
dénaturation.

La dénaturation par la chaleur se conçoit aisément. La liaison hydrogène (en particulier) est
instable lorsque la température s'élève. L'urée et le chlorure de guanidium dénaturent
principalement en brisant les liaisons hydrogènes. Ils réalisent des liaisons hydrogènes avec les
groupes peptidiques. Aux concentrations auxquelles ces molécules sont utilisées pour exercer
leur effet dénaturant (6-8 Mol/L), elles entraînent également une profonde modification de la
structure de l’eau. Les détergents sont également dénaturants. Leur partie ionique se fixe sur les
groupements chargés, leur chaîne hydrocarbonée hydrophobe établit des interactions
hydrophobes avec les résidus non polaires de la molécule, généralement masqués au coeur des
protéines globulaires. La présence des détergents permet l'apparition en surface de ces résidus
hydrophobes, dont l'hydrophobicité est "masquée" par la présence du détergent. Cet effet
équivaut donc à une disparition des interactions hydrophobes qui contribuaient à la stabilisation
de la structure native. Citons le SDS pour « sodium dodecyl sulfate », un détergent très
couramment utilisé en laboratoire.
53

8- Quelques illustrations biomédicales de l'importance de la structure protéique


Amyloidoses
Les prions (PRoteinaceous Infectious ONly Proteins) furent découverts comme étant des
protéines dotées de propriétés "infectieuses" sans intervention d’acides nucléiques. Les prions
sont responsables de maladies neurodégénératives comme la maladie de Creutzfeld-Jacob chez
l’homme, la tremblante du mouton (scrapie) et l’encéphalopathie spongiforme bovine. La
découverte de ces prions fournit une illustration médicale étonnante de l’importance que peut
avoir une conversion de structure protéique. On observe dans chaque cas des accumulations de
protéines sous forme de dépôts de fibrilles amyloïdes stables et insolubles dans le tissu
cérébral.
La protéine PrP (le produit du gène PrP) existe sous deux formes. La forme PrPc est sensible à
la protéolyse, tandis que la forme pathologique PrPsc, associée aux encéphalopathies
spongiformes transmissibles, est résistante aux protéases. Les formes PrPc et PrPsc partagent la
même structure primaire et les mêmes modifications post-traductionnelles. Elles diffèrent par
contre au niveau de leurs structures secondaire et tertiaire. La principale différence réside dans le
fait que la forme soluble sensible aux protéases est riche en structures hélicoïdales alors que la
forme pathogène PrPsc est enrichie en feuillets plissés . La conversion pathologique de PrPc en
PrPsc s’accompagne de la transformation de séquences organisées en hélice  en feuillets . On
obtient de cette façon la formation d’agrégats insolubles de la protéine PrPsc, alors que la forme
normale PrPc était soluble et n’avait que peu tendance à s’agréger. Tout se passe comme si PrPsc
fonctionnait à la manière d’une protéine chaperone, forçant l’adoption par PrPc préexistante ou
néosynthétisée de la structure PrPsc.
Plusieurs neurodégénérescences de grande importance médicale impliquent l'apparition de
dépôts amyloïdes. Une des caractéristiques de la maladie d'Alzheimer est précisément la
formation de dépôts fibrillaires dans le cerveau, résultant de l'agrégation d'une forme
anormalement repliée du peptide -amyloïde. Cette dernière est obtenu par une transformation
de la structure tridimensionnelle d'un peptide libéré par le clivage hydrolytique d'une protéine
membranaire: la protéine APP (pour Amyloid Precursor Protein). Ce clivage protéolytique
résulte de l'activité de deux protéases actives en des sites spécifiques de l'APP: les  et -
secretases, agissant respectivement dans les domaines luminal et transmembranaire de la
protéine APP.
54

CFTR et mucoviscidose
Le CFTR est une protéine dotée de 12 traverses transmembranaires, localisée dans la membrane
plasmique des cellules épithéliales. Cette protéine agit comme un transporteur actif d'ions
chlorures. La délétion d'un seul acide aminé en position 508 (une phénylalanine) est la
conséquence d'une mutation par délétion d'un codon. La forme mutante du transporteur
(CFTRF508) n'est pas capable de satisfaire aux mécanismes de contrôle de la qualité des
protéines néosynthétisées et "transloquées" dans le réticulum endoplasmique. Il en résulte une
protéolyse rapide du CFTR muté, qui par conséquent n'apparaît pas dans la membrane
plasmique, ce qui est directement responsable du déficit de flux ionique. On voit donc que la
mucoviscidose résultant de la mutation F508 peut être considérée comme une maladie du
transport intracellulaire d'une protéine, résultant d'un reploiement inadéquat de la protéine
mutée.

La phenylalanine F508 est un acide aminé du domaine de fixation nucléotidique NBD1. La


fixation d'un ATP sur ces domaines (NBD1 et NBD2) conditionne l'ouverture du canal et donc le
flux ionique. Notons que l'activité du CFTR est contrôlée par l'AMP cyclique qui, par
l'intermédiaire de la protéine kinase A phosphoryle une sérine du domaine régulateur (R
Domain) du CFTR. Cette phosphorylation est une condition pour que l'ouverture du canal puisse
se produire.
55

9- Quelques techniques d'analyse des protéines


Chromatographie échangeuse d’ions
La chromatographie d'échange d'ions, illustrée précédemment pour la séparation d'acides
aminés, peut être appliquée à la séparation de peptides, de protéines et autres molécules
ionisées.

Chromatographie sur tamis moléculaire


La chromatographie sur tamis moléculaire (filtration sur gel) (« gel exclusion
chromatography ») est une technique de séparation des molécules basée sur le critère de poids
moléculaire. Elle est généralement appliquée en conditions natives.
Le mélange de protéines traverse une colonne contenant des "billes" dont la porosité est calibrée.
Les protéines de différentes tailles moléculaires pénètrent plus ou moins dans les pores des billes
et traversent donc la colonne à différentes vitesses.

Les molécules protéiques de taille importante peuvent se retrouver exclues des billes et sont par
conséquent éluées rapidement dans le volume mort de la colonne. La séparation des protéines
observées est donc basée sur le poids moléculaire, c’est à dire que les molécules de taille
importante sont éluées de la colonne plus rapidement que les molécules de petite taille.
56

Electrophorèse native
L’électrophorèse native, à ne pas confondre avec la technique dite « SDS-PAGE » (voir plus
loin) consiste à séparer les constituants d’un mélange de protéines sur base de leurs différences
de vitesses de migration dans un champ électrique. La vitesse de migration électrophorétique
peut s’écrire : V= ExZ / f, où E représente l’intensité du champ électrique, Z, la charge de
l’espèce moléculaire soumise à la migration électrophorétique et f, le coefficient de friction. Il
est bien entendu que la migration sera par conséquent dépendante de la charge nette de la
protéine au pH auquel se déroule l’électrophorèse. Pour rappel, la charge nette de la protéine
peut être estimée en calculant le degré d’ionisation de toutes les fonctions ionisables de la chaîne
peptidique (chaînes latérales ionisables et extrémités amino- et carboxy-terminales).
Electrophorèse SDS-PAGE
La technique électrophorétique dite SDS-PAGE signifie « sodium dodecyl sulfate
polyacrylamide gel electrophoresis ».

Le support électrophorétique le plus courant est un polymère d'acrylamide plus ou moins


ponté et réticulé par addition de bis-acrylamide. Les protéines appliquées sont dénaturées par
le sodium dodecylsulfate ce qui confère à toutes les protéines une charge négative
importante, la charge intrinsèque de la protéine devenant négligeable. La vitesse de
migration des composés en polyacrylamide gel électrophoresis (PAGE), est donc basée
57

principalement sur leur poids moléculaire. Les plus petites protéines pourront migrer plus
loin que les protéines de poids moléculaire plus important. Ces dernières sont en effet
retardées par les mailles du gel de polyacrylamide. On peut déterminer de la sorte (en SDS-
PAGE) les poids moléculaires des protéines en comparant leur mobilité à celle de l'étalon de
poids moléculaire connu. Notons qu'il existe une relation linéaire entre la distance
parcourue et le logarithme du poids moléculaire.

Western blotting
Il s’agit d’une méthode permettant la mise en évidence spécifique d’une protéine après avoir
réalisé sa migration électrophorétique. Les étapes de sa mise en œuvre sont les suivantes.
Une séparation électrophorétique sera réalisée sur gel, comme décrit précédemment
(généralement SDS-PAGE). Les protéines seront ensuite transférées vers la surface d’une
feuille (par exemple de nitrocellulose). On obtient donc une réplique. L’accessibilité des
protéines à la surface de ce support permettra la mise en œuvre d’une détection spécifique de
la protéine d’intérêt à l’aide d’un anticorps primaire qui sera lui-même reconnu par un
anticorps secondaire marqué.

Le « western-blot » vise donc un double objectif : réaliser la séparation des constituants


protéiques d’un mélange et détecter de manière spécifique une des protéines de ce mélange. La
méthode est simple et se base sur une procédure en deux étapes. On exploite d’abord les
propriétés analytiques d’une électrophorèse de type SDS-PAGE, visant à séparer les chaînes
peptidiques du mélange en fonction de leurs tailles respectives. On passe ensuite au transfert des
protéines « isolées » vers la surface d’un support où la protéine d’intérêt sera identifiée
spécifiquement par immuno-détection.
58

d'après: Molecular Biology of the Cell, 4th


ed, Alberts, B., Johnson, A., Lewis, J.,
Raff, M., Roberts, K. & Walter, P.,
Garland Science, NY.

Electrofocalisation
L’électrofocalisation (ou IEF pour « isoelectric focusing ») utilise le point isoélectrique des
protéines comme critère pour permettre leur séparation. L’électrofocalisation consiste à
provoquer la migration électrophorétique de la protéine dans un support hétérogène constituant
un gradient de pH. Dans ces conditions, la migration de la protéine aura lieu aussi longtemps
qu’elle sera porteuse d’une charge nette. Dès l’instant où la protéine aura rejoint la zone de pH
correspondant à son point isoélectrique, la neutralité acquise par la protéine provoquera l’arrêt
de sa migration, autrement dit, sa focalisation à un endroit précis du gel où le pH correspond à
son PI.

« Gels 2D »
L’électrophorèse en deux dimensions (technique des « gels 2D ») combine l’utilisation d’une
séparation par électrofocalisation et d’une électrophorèse de type SDS-PAGE dans la
deuxième dimension.
59

Comme nous l’avons vu précédemment, l’électrofocalisation consiste à provoquer la migration


électrophorétique de la protéine dans un support constituant un gradient de pH. Dans ces
conditions, dès l’instant où la protéine aura rejoint la zone de pH correspondant à son point
isoélectrique, la neutralité acquise de la protéine provoquera l’arrêt de sa migration. Après avoir
permis à chaque protéine de s’équilibrer au pH correspondant à son point isoélectrique, on peut
déclencher une migration perpendiculaire en utilisant le principe du SDS-PAGE. L’intérêt de
cette technique est son haut pouvoir de résolution qui s’explique par le fait qu’elle combine
l’utilisation de deux critères de séparation des protéines entre elles : la valeur de leurs points
isoélectriques respectifs et de leurs masses moléculaires.

Fragmentation
L'identification d'une protéine nécessite fréquemment sa fragmentation. Les procédés les plus
couramment utilisés reposent sur la spécificité de certaines endoprotéases, enzymes capables de
scinder les peptides (et protéines).
Les protéases ou peptidases sont des enzymes qui catalysent la scission hydrolytique de la
liaison peptidique.
60

On connaît de nombreuses protéases qui se distinguent entre autres, par l'endroit d'une chaîne
peptidique qu'elles attaquent de préférence, c'est-à-dire leur spécificité de substrat. Les protéases
qui sont utiles pour générer des fragments applicables à l'analyse protéique appartiennent au
groupe des endoprotéases.
Parmi les protéases utilisées pour analyser la structure d'une chaîne peptidique, signalons la
trypsine et la chymotrypsine. Ce sont des enzymes secrétées par le pancréas. La trypsine scinde
les liaisons peptidiques qui engagent la fonction acide carboxylique d'une lysine ou d'une
arginine. La chymotrypsine scinde les liaisons peptidiques qui engagent la fonction acide
carboxylique d'un acide aminé aromatique : phenylalanine, tyrosine, tryptophane.

Spectrométrie de masse
Récemment, le domaine de l’identification des protéines (la protéomique) a évolué à un rythme
étonnant grâce aux progrès enregistrés simultanément dans plusieurs disciplines : la biochimie
des protéines, en particulier les techniques de fragmentation des chaînes peptidiques, et de
séparation des constituants d’un mélange de peptide (électrophorèse bidimensionnelle,
électrophorèse capillaire, chromatographie HPLC capillaire), l’informatique et en particulier les
possibilités offertes aux chercheurs de confronter des données expérimentales (séquence
partielle, poids moléculaires, taille et nombre de fragments) aux données stockées dans des bases
de données informatiques, et enfin les techniques directement liées à la spectrométrie de masse.
La spectrométrie de masse se base sur les différences de rapport masse/charge (m/z) des atomes
ionisés ou des molécules pour les séparer les uns des autres. Pour une molécule, la valeur m/z est
une caractéristique hautement spécifique et donc fort utile pour son identification. Les étapes de
cette analyse sont 1-l’ionisation et la volatilisation des molécules dans le vide poussé de
l’appareil, ce qui crée une phase de gaz ionisé ; 2-la séparation des ions en fonction de leurs
valeurs respectives de m/z et 3-la quantification des ions de valeurs m/z identiques.

Grâce à ces techniques, on peut envisager au départ d’un extrait cellulaire relativement brut de
séparer les différentes formes protéiques (par électrophorèse bidimensionnelle ou par
chromatographie multidimensionnelle), et de soumettre les fractions protéiques ainsi obtenues à
une digestion trypsique. Les peptides résultant de cette hydrolyse spécifique peuvent alors être
61

analysés par spectrométrie de masse. La masse des peptides obtenus peut constituer une réelle
carte d’identité de la protéine qui pourra être comparée avec toutes les masses de peptides
possibles obtenus de la même façon, en interrogeant des bases de données. On peut ainsi espérer
identifier une protéine sans avoir à la séquencer.
La spectrographie de masse en tandem permet le séquençage d’une chaîne peptidique.
Brièvement, l’instrument est composé de deux spectromètres de masse. Toutes les molécules
résultant de la digestion d’une protéine sont ionisées et volatilisées. Dans le premier appareil,
elles sont « triées » en fonction de leur m/z. Chaque oligopeptide est alors automatiquement
envoyé, isolément, dans le deuxième appareil après avoir subi une fragmentation par collision.
La collection de fragments de tailles diverses est analysée dans le second spectromètre de masse.
Il faut savoir que la fragmentation s’effectue principalement au niveau des liaisons peptidiques.
On obtient donc une collection de peptides dont la taille ne diffère que d’un seul acide aminé,
c’est-à-dire de la somme des masses du squelette peptidique NH-CH-CO (56Da) et de la chaîne
latérale (comprise entre 1Da pour la glycine et 130Da dans le cas du tryptophane).

fragmentation – ions y:

ion y
62

Utilisation diagnostique de l’électrophorèse des protéines plasmatiques


Le plasma renferme une concentration de protéine d’environ 7 g/dL. Ces protéines constituent un
mélange complexe, fort hétérogène. On retrouve des protéines simples, des glycoprotéines des
lipoprotéines. Une manière simple et courante d’examiner la composition protéique du plasma
consiste à utiliser l’électrophorèse native sur acétate de cellulose à un pH de 8.6, ce qui permet
la mise en évidence de 5 pics protéiques majeurs, représentant respectivement l’albumine, et les
fractions dites globulines 1, 2,  et .
63

d'après: Textbook of BIOCHEMISTRY, 6th ed, Devlin, T.M., Wiley-Liss., Hoboken NJ.

La simple observation de l’électrophorégramme après coloration des protéines totales peut


fournir des indications diagnostiques intéressantes, comme le montre la figure.
64

Protéines – relation structure / fonction

1. Introduction
Les protéines ont des propriétés et des structures uniques qui leur permettent de remplir des
fonctions biologiques spécifiques. Dans ce chapitre, nous considèrerons quelques exemples de
protéines remplissant des fonctions biologiques variées. L’insuline représentera une catégorie de
peptides à fonction hormonale, le couple myoglobine / hémoglobine constitue le paradigme de
la relation structure / fonction, le rôle de ces protéines étant d’assurer le stockage et le transport
de l’oxygène. Le collagène, protéine fibreuse, représentera la catégorie des protéines de
structure. Nous n’oublierons pas le groupe des enzymes ou protéines catalytiques.
Néanmoins, leur étude fera l’objet d’un chapitre séparé, entièrement consacré à l’enzymologie.

2. Insuline
L'insuline est une hormone secrétée par les cellules  des îlots de Langerhans du pancréas. C'est
un polypeptide constitué de 51 acides aminés. Ceux-ci sont répartis entre deux chaînes (chaînes
A et B) unies par deux liaisons disulfures. La chaîne A contient 21 acides aminés et la chaîne B,
30. La forme active de l’insuline a donc la structure d’un hétérodimère dans lequel on trouve
deux ponts disulfures inter-chaînes et un pont intra-chaîne.
65

L'insuline est synthétisée sous forme d’un précurseur inactif renfermant 86 acides aminés, qui
est scindé dans les granules de sécrétion pour donner l'insuline active. Le précurseur (pré-
prohormone) est constitué d’une chaîne peptidique unique NH2-B-C-A-COOH. L’obtention de la
forme mature active nécessite l’élimination par clivage protéolytique de la chaîne C, aussi
appelée peptide de liaison. L'insuline agit sur différents métabolismes, en particulier sur celui
des hydrates de carbone. Les régulations métaboliques exercées par l'insuline seront vues en
détails dans les cours suivants (Q2 et Bac2).
L’importance de l’insuline dans le traitement du diabète explique que la communauté
scientifique se soit beaucoup attardée sur l’étude de sa structure, de sa fonction et pour
développer des moyens de production de peptides hormonaux capables de substituer l’insuline
endogène. L’insuline fut ainsi la première hormone peptidique purifiée, cristallisée, produite par
synthèse chimique et produite par expression d’ADN recombinant.
Le diabète humain peut être traité par injection d’insuline de porc et d’insuline bovine. Dans
certains cas, une réponse immunologique délétère, entraînant une résistance à l’insuline peut
apparaître. Cette réponse est due à la reconnaissance de l’insuline injectée comme « étrangère »
avec production d’un titre important d’anticorps anti-insuline. Pareille réponse est relativement
peu fréquente, en particulier avec la forme porcine. Cette faible réponse immunitaire s’explique
par la forte conservation de nombreux acides aminés dans les différentes formes d’insuline, à la
nature conservative des acides aminés substitués, et au fait qu’ils n’entraînent pas de
modification majeure de la structure tridimensionnelle de la protéine. Actuellement, dans les
pays industrialisés, l’insuline principalement utilisée est la forme humaine, obtenue par
production procaryote ou au départ de forme porcine modifiée.
Les alignements de séquences, et la comparaison des structures tridimensionnelles des
différentes formes d’insuline permettent de révéler les éléments de structures les plus importants
de la chaîne peptidique, c'est-à-dire ce qui dans la structure de l'insuline conditionne son
interaction avec le récepteur insulinique. On retrouvera de cette façon les domaines qui
conditionnent le « fonctionnement » de l’insuline, c’est-à-dire le déclenchement de la réponse
cellulaire au signal insuline. Ce déclenchement d'une réponse cellulaire est donc dans tous les
cas la conséquence de la fixation de l'insuline sur un récepteur membranaire. Le récepteur à
insuline appartient à la famille des récepteurs RTK, c'est-à-dire des protéines
transmembranaires dont le domaine cytosolique est porteur d'une activité tyrosine kinase.
L’hyperglycémie est la manifestation biologique principale du déficit en insuline. Cette
hormone exerce un rôle régulateur de première importance dans le métabolisme. L’effet
66

hypoglycémiant de l’insuline résulte de mécanismes complémentaires qui seront décrits de façon


détaillée dans la suite du cours. Très succinctement, l’insuline provoque :
1- une accélération du transport trans-membranaire du glucose. Plusieurs transporteurs de
glucose ont été identifiés parmi lesquels le transporteur GLUT4. Ce dernier est exprimé dans les
cellules du muscle cardiaque, du muscle squelettique et du tissu adipeux. L’activité de transport
de GLUT4 est fortement stimulée par l’insuline. L’association de l’hormone à son récepteur, au
niveau de la membrane plasmique de la cellule cible déclenche la transduction du signal vers le
milieu intracellulaire. Ce système de communication déclenche la fusion avec la membrane
plasmique de structures de nature endosomale, séquestrant le transporteur GLUT4 dans le
cytoplasme. L’afflux de GLUT4 en membrane plasmique provoquera l’accélération du flux
entrant de glucose.
2- une accélération de l’utilisation métabolique du glucose. L’insuline est responsable d’une
stimulation de la glycolyse, de la lipogenèse et de la glycogénogenèse. Les mécanismes qui
sous-tendent ces régulations seront décrits plus loin.
3- un ralentissement des processus métaboliques producteurs de glucose : la gluconéogenèse et
la glycogénolyse. Les mécanismes qui sous-tendent ces régulations seront décrits plus loin.
Notons que les effets régulateurs de l’insuline ne se limitent pas au contrôle du métabolisme
glucidique. L’hormone contrôle en effet le "turn-over" protéique, en stimulant l’anabolisme et en
ralentissant la protéolyse. Elle peut également contrôler d'autres facettes du métabolisme et la
prolifération cellulaire (voir plus loin).

3. Le collagène
Le collagène représente un exemple de protéine fibreuse. Les molécules de collagène constituent
la partie protéique la plus importante du tissu conjonctif. On les rencontre dans la peau, les os,
les tendons, les cartilages. Il existe au moins 12 types de collagènes, distribués différemment
dans les tissus de mammifères. Ces différents types de collagène ont en commun d'exister sous
forme de triples hélices droites, obtenues par enroulement de trois chaînes polypeptidiques
ayant chacune une structure secondaire spécifique en hélice gauche, ou hélice du collagène.
Les molécules de collagène s’organisent, dans le milieu extracellulaire, sous forme de fibres.
La structure de la molécule de collagène lui donne des propriétés particulièrement bien adaptées
à sa fonction. En effet, le collagène s’assemblera en fibres insolubles particulièrement
résistantes à la tension, tout en gardant une certaine souplesse.
A partir de tissus de jeunes animaux, on peut extraire du collagène sous forme soluble que l'on
appelle le tropocollagène. C'est la molécule tri-hélicoïdale à partir de laquelle sont structurées
67

les microfibrilles et les fibres de collagène. Le tropocollagène a un poids moléculaire de 285 kDa
et une longueur d'environ 300 nm. Le tropocollagène entrant dans la composition du collagène
de type 1 (la forme de collagène la mieux représentée), est formé de trois chaînes de même
taille: 2 chaînes 1 et 1 chaîne 2. Chaque chaîne comprend environ 1000 acides aminés de
composition et de séquence plutôt étonnantes. En effet, la glycine représente environ 30% des
acides aminés.

Ces glycines se retrouvent en première position de triplets répétés dans la structure primaire.
On trouve également dans ces chaînes un grand nombre de molécules de proline dont certaines
sont hydroxylées : hydroxyproline (HyP) ainsi qu'un autre acide aminé inhabituel :
l’hydroxylysine (HyL).

Notons que les chaînes latérales des hydroxylysines (HyL) peuvent être porteuses de chaînes
disaccharidiques.
68

Comme nous l’avons évoqué dans le chapitre précédent (voir graphique de Ramachandran),
chaque chaîne peptidique du collagène s’organise en une structure secondaire particulière. Il
s’agit d’une hélice différente de l'hélice , l’hélice du collagène. Ils'agit d'une structure
secondaire hélicoïdale de pas gauche dont la stabilité n'implique pas des liaisons hydrogènes
établies entre les atomes impliqués dans la liaison peptidique (comme dans la structure
secondaire en hélice ). Ce ne sont donc pas des ponts hydrogènes intracaténaires qui stabilisent
la structure en hélice du collagène. Cette hélice gauche est plus étirée que l’hélice  : elle compte
3 résidus par tour (3.6 résidus par tour pour l'hélice ). L’enroulement de cette hélice gauche
résulte en fait de la répulsion (encombrement stérique) des structures cycliques formées par les
résidus Proline (cycles pyrrolidiniques), enfouis à l'intérieur de la structure hélicoïdale.
On trouve par contre des ponts hydrogène inter-chaînes qui mettent en jeu les Glycine
(agissant comme donneurs de protons) et des groupements carbonyles fonctionnant comme
accepteurs de protons). Les trois chaines sont ainsi unies les unes aux autres en une structure en
superhélice droite, maintenue grâce à ces liaisons hydrogènes inter-chaînes dont la régularité
est permise par le positionnement systématique de la glycine au même niveau, à la surface de
l’hélice, du fait de l’organisation en triplets de la structure primaire et de la présence de trois
résidus par tour d’hélice.
Les molécules de tropocollagène (triples hélices) s'alignent les unes à la suite des autres pour
donner des rangées de molécules décalées d'un quart les unes par rapport aux autres. C'est ce
qui donnera au collagène son aspect strié en microscopie électronique avec une périodicité
d'environ 67 nm.
Les fibres de collagène sont stabilisées grâce à la formation de liaisons covalentes inter-
moléculaires. On parle de réticulation (ou cross-links). Une des liaisons fréquentes résulte
d'une condensation aldolique entre deux aldéhydes dérivés de deux lysines (résidus
allysine). La transformation des résidus lysine en résidus allysine est catalysée par une
enzyme spécifique : la lysyl oxydase.
69

La biosynthèse du collagène résulte d’un processus se déroulant en plusieurs étapes.


La synthèse des chaînes peptidiques débute dans le cytosol. Les peptides sont ensuite
"transloqués" co-traductionnellement dans la lumière du réticulum endoplasmique et de là,
suivent la voie de la sécrétion. Ce cheminement intracellulaire (RE, Golgi, vésicules de
sécrétion) s'accompagne d'une maturation post-traductionnelle des chaînes de collagène
impliquant le folding (adoption de la structure hélicoïdale), la glycosylation de certaines
lysines, l'oxydation permettant l'établissement de ponts disulfures. Les extrémités amino- et
carboxy-terminales (propeptides) subiront un clivage protéolytique extracellulaire
préalablement à l’assemblage des molécules de tropocollagène en structures fibrillaires
insolubles. Ce clivage met en jeu la procollagène protéinase. L’assemblage de chaque
chaîne peptidique laisse apparaître à leur extrémité de courtes séquences ne respectant pas la
répétition classique de triplets comme partout ailleurs dans la molécule. On appelle ces
régions particulières les telopeptides amino et carboxy-terminaux. C'est dans le milieu
extracellulaire que s'établissent les pontages covalents (réticulations) dont nous avons parlé
ci-dessus.
Les événements qui se succèdent lors de la maturation biosynthétique du collagène sont donc
nombreux et le dysfonctionnement d'une étape de cette maturation suffit à provoquer la
synthèse d'un collagène anormal. Plusieurs situations (défauts génétiques ou désordres
nutritionnels) peuvent conduire à l'apparition d'un collagène de structure anormale ou
affaiblie. Les maladies du collagène peuvent être dues à des mutations dans les gènes
codant pour les chaînes peptidiques constituant le tropocollagène, ou à des déficiences des
enzymes catalysant les étapes de la maturation biosynthétique du collagène.
70

Le scorbut consécutif à une carence en Vit C (ascorbate réduit ou dihydroascorbate, à ne pas


confondre avec l'ascorbate oxydé ou déhydroascorbate) provoque un déficit en activité
prolyl hydroxylase, ce qui conduit à une impossibilité, pour les chaines de collagène néo-
synthétisées, d'acquérir leur structure normale stable. En effet la proline existe sous deux
conformations : C-endo et C-exo.
L'hydroxylation de la proline par la proly hydroxylase Vit C dépendante déplace l'équilibre
existant entre ces deux formes vers C-exo. Comme cette forme C-exo est exigée en
position Y des triplets pour que la chaine peptidique puisse adopter sa structure hélicoïdale
normale, l'impossibilité d'hydroxyler la proline (donc l'apparition de Pro au lieu de HyP en
position Y) déstabilise l'hélice du collagène.

La prolyl hydroxylase est une oxygénase. L'hydroxylation de la proline se fait aux dépends
de la conversion d'une molécule d'-cétoglutarate en succinate et CO2. Cette réaction
nécessite la participation de fer ferreux Fe++. Le mécanisme de la catalyse est tel qu'une
réaction partielle peut se produire, dans laquelle l'-cétoglutarate est transformé en succinate
sans hydroxylation de la proline. Dans cette réaction partielle, le Fe++ est oxydé en Fe+++, ce
qui inactive l'enzyme. Le rôle de la vitamine C est de réduire le Fe+++, permettant ainsi à
l'enzyme de retrouver sa forme active. Nous verrons plus loin que l'ascorbate exerce cette
fonction d'antioxydant dans d'autres contextes également.
71

L'ostéogenèse imparfaite est un groupe de maladies dans lequel la fragilité des os est la
caractéristique principale (« os de verre »). Certaines formes sont relativement bénignes,
occasionnant des fractures occasionnelles. D’autres peuvent être sévères, conduisant à des
déformations du squelette, un nanisme et même une mortalité prénatale. L’ostéogenèse
imparfaite est la conséquence de mutations survenant dans les gènes codant pour les chaînes
 du collagène de type I. Le syndrome d’Ehlers-Danlos se traduit par une hyperflexibilité
des articulations, par des problèmes cutanés (hyperélasticité) et une fragilité anormale des
tissus. On distingue plus de 10 types de syndromes d’Ehlers-Danlos. Ce syndrome peut être
la conséquence de mutations dans le collagène, de mutations provoquant un déficit en
activité lysine hydroxylase ou en pro-collagène protéinase.
La maladie de Menkes est un exemple de maladie du collagène où l’altération de la structure
des fibres est "indirecte" ou "secondaire". En effet, cette maladie est une répercussion d’un
métabolisme anormal du cuivre, ce qui provoque une activité anormalement basse de la lysyl
oxydase.

4. Myoglobine - Hémoglobine
Le couple Myoglobine-Hémoglobine représente une belle illustration de la manière dont la
structure d’une protéine peut influencer sa fonction. En effet, ces deux protéines qui ont en
commun de fixer l’oxygène, partagent des structures primaires, secondaires et tertiaires fort
proches. Toutefois, c’est l’adoption par la seule hémoglobine d’une structure quaternaire qui
lui permet de remplir sa fonction de transporteur d’oxygène alors que la myoglobine sert à son
stockage.
Myoglobine et hémoglobine sont des hémoprotéines, c’est-à-dire des protéines dont la fonction
impose l’association de leur structure peptidique à un ligand de nature non protéique (le
groupement prosthétique) : l’hème.
72

L’hème est une porphyrine (quatre noyaux pyrroles reliés par quatre ponts méthyléniques), liée
à un atome de fer.
4.1. Structure de la myoglobine
La myoglobine est une petite protéine. Elle présente une chaîne peptidique de 153 acides
aminés, pour un poids moléculaire d’environ 16 kDa. Sa structure secondaire montre une
fraction importante de ses acides aminés organisés en hélices . On trouve 8 hélices  (appelées
A, B, C…) au sein desquelles les acides aminés sont numérotés de 1 à n.
La chaîne peptidique de la myoglobine adopte une structure globulaire, qui ménage en son sein
une fente hydrophobe. Ce sillon peut accueillir la structure plane d’une molécule d’hème b.

Lorsque l’hème est « installé » dans la structure globulaire de la protéine, le fer qu’il contient est
lié par les quatre atomes d’azote des quatre noyaux pyrroles de la porphyrine et par un atome
d’azote du groupement imidazole de l’histidine F8. La dernière liaison de coordination
disponible sur l’atome de fer pourra être établie avec une molécule d’oxygène dans l’oxy-
myoglobine.
73

Notons que le micro environnement hydrophobe dans lequel se retrouve l’hème permet
l'oxygénation du fer sans oxydation en Fe+++ incapable de fixer l’oxygène (la myoglobine
porteuse de fer oxydé Fe+++ est appelée métmyoglobine). Un hème libre serait beaucoup plus
facilement oxydé.
Notons enfin que dans cet assemblage, l’encombrement stérique dont est responsable l’histidine
E7 réduit l’affinité de l’hème pour un de ses ligands potentiels : le CO, en lui imposant de fixer
le fer d l'hème avec un angle de 120°. Cette réduction d’affinité imposée par la présence de E7
(par rapport à l'affinité de l'hème libre qui fixe le CO perpendiculairement au plan de la
porphyrine) permet de tolérer notre production endogène de CO, issue notamment du
catabolisme ...de l’hème (voir plus loin).

La fixation de l'oxygène sur la myoglobine révèle une courbe de type hyperbole. Dans cette
courbe,  représente la fraction des sites de fixation occupés par le ligand (l'oxygène). La pO2
est exprimée en kPa (1 mm Hg = 0.133 kPa)
74

4.2. Structure et oxygénation de l’hémoglobine


L’hémoglobine est constituée de quatre sous-unités assemblées en un tétramère : deux sous-
unités  et deux sous-unités . L'hémoglobine présente donc une structure quaternaire. La
structure tétramérique est stabilisée par l'existence de plusieurs liaisons ioniques établies entre
les chaines  et les chaines . Chaque chaine peptidique ressemble très fort à une molécule de
myoglobine. On retrouvera donc quatre structures globulaires ménageant quatre fentes capables
d’accueillir quatre molécules d’hème qui pourront fixer chacune une molécule d’oxygène.
Toutefois, cet assemblage (l’adoption d’une structure quaternaire) permet l’apparition d’une
propriété nouvelle, particulièrement bien adaptée à la fonction de la protéine : le phénomène de
coopérativité (la fixation "coopérative" de l'oxygène).
La comparaison des courbes de saturation de la myoglobine et de l'hémoglobine montre que
contrairement à la myoglobine, qui se sature selon une courbe hyperbolique, l’hémoglobine se
fixe à son ligand selon une courbe de saturation de type sigmoïde. Ceci permet une charge (et
une décharge) de l’oxygène de type « tout ou rien », une propriété particulièrement bien adaptée
à la fonction de transport remplie par l’hémoglobine. On voit donc que l’existence d’une
structure quaternaire fait apparaître cette propriété nouvelle qu'est le phénomène coopératif.
La coopérativité résulte du fait que la fixation de l’oxygène sur les premières sous unités de
l’hémoglobine augmente l’affinité des sous unités non encore fixées à l’oxygène.
L’hémoglobine tétramérique peut exister dans un état T de faible affinité (une structure
constituée de quatre sous- unités dans leur structure « tendue » t) ou dans un état R de haute
affinité (où les quatre sous-unités sont dans leur structure « relâchée » r).

La fixation de l’oxygène provoque une modification de la structure tridimensionnelle de la


chaine peptidique. En particulier, la fixation de l’oxygène tend à ramener l'atome de Fe++ dans le
plan de l’hème, ce qui provoque un mouvement vers le plan de l’hème de l’His F8 et par
conséquent, une « traction » sur la chaîne peptidique, qui peut « se transmettre » aux autres sous
unités. La comparaison des structures r et t permet également de mettre en évidence un
déplacement de la Val E11, qui, dans la structure t, réduit l'accessibilité de l'oxygène à l'hème.

Dans le phénomène coopératif, tout se passe donc comme si la fixation de l’oxygène aux
premières sous unités d’une hémoglobine désoxygénée provoquait une « tension », répercutée
d’une sous unité à l’autre. L’accumulation de cette « tension » provoque à son tour le
basculement en bloc de la protéine tétramérique T vers son état R dans lequel chaque sous unité
présente une haute affinité pour l’oxygène. Cette affinité élevée des sous unités non encore
75

oxygénées s’explique notamment par le fait que le fer est rapproché du plan de l’hème et se
trouve par conséquent dans une position plus favorable pour accueillir la molécule d’oxygène.
Le phénomène coopératif, qui résulte de l'inter-conversion prenant place entre deux structures
d'une même protéine lors de la fixation de son ligand, peut être représenté par deux modèles:
symétrique ou séquentiel. Un comportement identique (coopératif) est observé lorsqu'on
analyse la relation qui existe d'activité et la concentration du substrat pour une enzyme
allostérique (voir chapitre enzymologie).

4.3. Effet Bohr – transport de protons et de CO2


L’effet Bohr traduit l’impact d’une modification du pH sur l’affinité de l’hémoglobine pour
l’oxygène. Une légère acidification du milieu provoque un glissement de la courbe de saturation
de l’hémoglobine vers la droite, autrement dit, provoque, à pression partielle en oxygène
inchangée, une diminution de l’affinité apparente de l’hémoglobine pour l’oxygène. D’un point
de vue fonctionnel, ce phénomène favorise la décharge de l’oxygène dans un milieu légèrement
plus acide.
L'hémoglobine transporte l'oxygène mais transporte également des protons. En tenant compte de
cette propriété, l'équation décrivant l'oxygénation de l'hémoglobine peut s'écrire :
Hb2H+ + 4O2 <-> Hb4O2 + 2H+
Le métabolisme oxydatif produit du CO2. Une partie de ce CO2 est transporté fixé à
l'hémoglobine sous forme de carbamate. Le reste du CO2 est transformé en H2CO3 par
l'anhydrase carbonique. La dissociation de cet acide produit un proton qui peut fixer la
désoxyhémoglobine.
Cet abaissement du pH provoque la protonation d'un azote imidazolique de l’histidine -146. Or,
dans la structure globulaire de chaque sous unité , la chaîne latérale de cette histidine se trouve
à proximité de la fonction acide carboxylique dissociée de l’aspartate -94. Il en résulte,
uniquement lors de l’acidification, l’établissement d’une liaison ionique entre ces deux acides
aminés, contribuant à l’adoption par la chaîne peptidique d’une structure rigide « t » de faible
affinité.

Comme nous l'avons signalé plus haut, l’hémoglobine peut également assurer le transport direct
du CO2 en fixant cette molécule (sous la forme d'un carbamate) à ses extrémités amino-
terminales. Dans ces conditions, la charge négative nouvelle (remplaçant une charge positive)
localisée aux extrémités amino-terminales contribue à l'établissement de ponts salins nouveaux,
76

qui facilite la « décharge » de l’oxygène en stabilisant l'état T. A noter que la formation d'un
carbamate libère un proton qui contribue à l'effet Bohr.

4.4. Effet du 2,3 bisphosphoglycérate


Le 2,3 bisphosphoglycérate est une molécule produite à partir d’un intermédiaire de la
glycolyse : le 1,3 bisphosphoglycérate. Ce « sous-produit » de la glycolyse peut venir se loger
sur la forme T de l’hémoglobine (une seule molécule par tétramère). Le 2,3 bisphosphoglycérate
se fixe dans une cavité présente entre les sous-unités , dans l'état T. L’établissement de liaisons
faibles entre le 2,3 bisphosphoglycérate chargé négativement, et l’hémoglobine, stabilise cet état
T, désoxygéné, de l’hémoglobine. La fixation du 2,3 bisphosphoglycérate se traduit donc par une
diminution de l’affinité apparente de l’hémoglobine pour l’oxygène ; il facilite la « décharge ».
Cet effet régulateur du 2,3 bisphosphoglycérate est un exemple de régulation allostérique
hétérotrope. Lors de l'oxygénation de l'hémoglobine, la transition T > R qui s'opère réduit la
taille de la poche dans laquelle le 2,3 bisphosphoglycérate se fixe normalement, ce qui rend
impossible l'association de l'hémoglobine et de son régulateur. On peut donc écrire:
HbBPG + O2 <-> HbO2 + BPG, où BPG représente le 2,3 bisphosphoglycérate.
Le 2,3 bisphosphoglycérate contribue à l'adaptation de l'organisme aux hautes altitudes.
Quelques heures en altitudes suffisent à voir s'élever la concentration du 2,3 bisphosphoglycérate
dans le sang. Cette adaptation permet à l'hémoglobine de conserver en rendement de décharge
dans les tissus correspondant, aussi bien en altitude qu'au niveau de la mer, à environ 40% de
l'oxygène qui peut être transporté.
Notons que le 2,3 bisphosphoglycérate se lie moins fortement à l’hémoglobine fœtale qu’à
l’hémoglobine adulte. Cette hémoglobine foetale présente une structure quaternaire dans
laquelle les chaines  sont remplacées par des chaines . Cette hémoglobine foetale de structure
22 se caractérise par une moindre affinité pour le 2,3 bisphosphoglycérate, ce qui se traduit par
une affinité apparente plus grande de l’HbF que de l’HbA pour l’oxygène. Cette régulation
permet au foetus de capter plus efficacement l'oxygène maternel.

4.5. Maladies de l’hémoglobine

Il existe un grand nombre de maladies liées à la présence de mutations dans les chaînes  ou 
de l’hémoglobine. On parle d’hémoglobinopathies lorsque la fonction biologique de
l’hémoglobine est modifiée suite à la mutation.
77

Un exemple est l’hémoglobine S, une forme mutée dans laquelle un glutamate (le 6è acide aminé
de la chaîne ) est remplacé par une valine. Cette substitution peut être détectée en mesurant la
vitesse de migration électrophorétique de la chaîne peptidique en conditions natives. Cette
mutation est responsable d’une maladie appelée anémie falciforme, caractérisée par la
déformation des hématies qui prennent la forme de faucilles. Cette relation étonnante entre d’une
part une mutation ponctuelle apparaissant au sein d’une chaîne peptidique, et d’autre part la
profonde modification morphologique subie par la cellule renfermant cette hémoglobine mutée
trouve son explication dans un phénomène d’agrégation que subissent les molécules de
désoxyhémoglobine mutées. Le remplacement d'un Glu par une Val fait apparaître une structure
nouvelle capable d'interactions hydrophobes, à la surface des chaines , ce qui est responsables
de la fixation des tétramères désoxygénés les uns aux autres par des interactions -. Ces
interactions hydrophobes nouvelles sont donc responsables de la formation spontanée
d'assemblages moléculaires dans un milieu peu oxygéné. Cela conduit à la formation de "fibres"
renfermant de multiples copies de la désoxy-Hb mutée, déformant les globules rouges et les
rendant plus vulnérables à l’hémolyse.

4.6. Glycation de l'hémoglobine


Certaines protéines peuvent subir la greffe non-enzymatique d'un glucide sur leur chaine
peptidique. On parle de glycation pour distinguer ce processus de l'addition enzymatique de
chaines saccharidiques telle qu'elle survient lors de la glycosylation post-traductionnelle des
protéines.
La réaction non enzymatique de glycation de l'hémoglobine se déroule avec une efficacité
proportionnelle à la concentration de glucose dans le sang. Le produit de glycation de
l'hémoglobine peut être distingué de l'hémoglobine normale par une simple électrophorèse. En
effet la glycation de la chaine peptidique sur le groupement -aminé d'une lysine ou sur une
valine amino-terminale modifie la charge de la protéine et par conséquent sa migration
électrophorétique.
L'hémoglobine "glyquée" (ou HbA1c) représente normalement 4 à 6 % de l'hémoglobine totale.
Cette concentration peut atteindre jusque 13% chez des individus souffrant d'un diabète non
traité. Cette mesure présente un intérêt diagnostique car si une mesure de glycémie représente
une photographie instantanée de la concentration du glucose dans le sang, le % de glycation de
l'hémoglobine est le reflet de la glycémie moyenne qui a prévalu pendant une période longue (la
durée de vie moyenne des érythrocytes est de 120 jours).
78

Divers réarrangements conduisent à la production d'AGEs (Advanced Glycation End products)


qui peuvent quitter l'érythrocyte et provoquer des pontages covalents avec diverses protéines.
Ces altérations de protéines peuvent contribuer aux dysfonctionnements rencontrés dans le
diabète (reins, rétine etc…)
79

Enzymologie

Eléments de cinétique enzymatique (rappels)

L'étude fondamentale d'une fonction catalytique est basée sur des mesures quantitatives de la
vitesse des réactions catalysées. De nombreux facteurs agissent sur cette vitesse, l'étude cinétique
que nous allons présenter montrera dans une certaine mesure comment une réaction enzymatique
est influencée par ces facteurs. Rappelons tout d'abord quelques notions de cinétique générale
concernant l'ordre d'une réaction. La vitesse d'une réaction chimique se mesure par la vitesse de
disparition ou d’apparition d’un composant de la réaction :
A+ B → X + Y

La vitesse de la réaction sera définie par :

Dans une réaction d'ordre 0, la vitesse est indépendante de la concentration en réactif :


V=cst

En intégrant : A = Ao – kt, où Ao est la concentration au temps t = 0, k est la constante de

vitesse. Cette constante de vitesse est obtenue en mesurant la pente de la droite donnant
l'évolution de la concentration - ou de la quantité si le volume est constant - du réactif (ou du
produit de réaction) en fonction du temps.

Si Ao est la quantité initiale de réactif et At la quantité après un temps t :

Elle sera exprimée, par exemple, en millimoles par minute.

Dans une réaction d'ordre 1, la vitesse est directement proportionnelle à la concentration d'un
constituant.

L'intégration donne : A = Ao e-kt

ou sous forme logarithmique : log A = log Ao – kt/2,3

k a les dimensions de l'inverse du temps, il est indépendant des unités de concentrations.


80

Mesurer la vitesse d'une réaction enzymatique


(exemple: suivi d'une oxydo-réduction utilisant le NAD+/NADH: la lactate déshydrogénase))
Absorbance - loi de Lambert-Beer
A= log I0/I =  c d
Où A représente l’absorbance, I0 représente l’intensité de la lumière incidente, I l’intensité de la
lumière après passage à travers la solution, c, la concentration du soluté, d, la longueur du trajet
optique, et  le coefficient d’extinction molaire, c’est-à-dire l’absorbance d’une solution
molaire de la molécule à une longueur d’onde donnée, lorsque la longueur du trajet optique est
unitaire. Dans la pratique, la concentration sera mesurée sans recours au coefficient d’extinction
molaire, en faisant appel à un étalon de concentration connue.
Il est donc possible de suivre au cours du temps l'apparition d'un produit ou la disparition d'un
substrat au travers d'un suivi de l'absorbance.
Comme nous le verrons plus loin, la lactate déshydrogénase catalyse la réaction :

Le NADH sert de donneur d'électrons dans la réaction de réduction du pyruvate.


Contrairement au NAD+, la forme réduite du coenzyme NADH, présente un pic d'absorbance
à 340 nm. Le suivi de la disparition de l'absorbance à 340 nm au cours du temps offre par
conséquent un moyen aisé de mesurer la vitesse de cette réaction enzymatique.

Effet de la concentration en enzyme


Dans des conditions adéquates, la vitesse d'une réaction enzymatique évolue linéairement en
fonction de la concentration en enzyme :
v = k ( E ) si (E) représente la concentration en enzyme.
Cette loi peut sembler ne pas être suivie pour diverses raisons. Par exemple, dans de nombreux
cas, la mesure d'une activité enzymatique ne se fait pas sur une enzyme purifiée. La préparation
peut dès lors être contaminée par certaines substances inhibitrices dont la concentration
augmente dans le milieu réactionnel lorsqu'on augmente la quantité d'enzyme ajoutée à celui-ci.
On pourra dans ces conditions, observer une baisse de la vitesse de réaction à forte concentration
81

d'enzyme. Des écarts de la linéarité peuvent aussi s'observer du fait uniquement de conditions de
mesures faussées par le procédé expérimental utilisé. Afin de ne pas sous-estimer la vitesse de
réaction il y aura lieu d’être particulièrement attentif au risque de s’écarter d’une cinétique
d’ordre 0 lorsque la concentration de l’enzyme augmente (chute rapide de la concentration du
substrat).

Effet de la concentration en substrat


L’équation de Michaelis-Menten
Michaelis et Menten ont suggéré que l'enzyme se combinait réversiblement avec son substrat
pour donner un complexe. C'est à partir de ce dernier que le produit serait formé avec libération
de l'enzyme inchangée.
Cette hypothèse peut se représenter de la façon suivante si E est l'enzyme, S le substrat et P le
produit :

k1, k2 , k3 et k4 représentent les constantes de vitesse pour les différentes étapes.

Si nous considérons que l’étape caractérisée par la constante de vitesse k3 représente l’étape
"limitante" du processus, on peut écrire que la vitesse de la réaction est égale à la vitesse de la

réaction (3), c'est-à-dire : v = k3 (ES)

où (ES) est la concentration de ES.


Appelons e la concentration totale de l’enzyme, c la concentration en complexe ES et s la
concentration totale en substrat.
(e - c) représente la concentration en enzyme libre qui est celle dont on doit tenir compte. La
concentration totale en substrat s peut ici être utilisée au lieu de la concentration en substrat libre,
en effet ces deux valeurs sont quasi équivalentes, vu la faible proportion du substrat engagée
dans le complexe ES.
La vitesse de disparition du substrat résulte de deux réactions ayant un effet opposé, l’une
conduisant à la formation de ES et l’autre à sa transformation en E + S.
Soit :

En même temps, dès que ES apparaît, la formation de P se réalise :


82

Voyons maintenant quelle est la vitesse nette de formation du complexe ES. Il est produit à une
vitesse qui est égale à :

Il disparaît à une vitesse valant :

La vitesse nette de formation de ES vaut donc :

Au fur et à mesure que plus de complexe est formé, la vitesse de sa formation à partir de E et S
diminue parce que (e-c) principalement diminue. Par contre la vitesse de disparition augmente
puisque c augmente. On peut imaginer qu’à un certain moment la vitesse de formation égale la
vitesse de disparition :

A ce moment, la concentration en complexe c devient constante. Quand il en est ainsi la vitesse


de disparition de s et la vitesse d’apparition de P deviennent constantes.
La valeur de c peut être tirée de l’équation :

et comme : v = k3c
83

soit :

C'est l'équation de Michaelis-Menten.


Si la valeur de la concentration en substrat est largement supérieure à la valeur de la constante

Km, celle-ci peut être négligée au dénominateur de l’expression donnant la vitesse de la réaction.

Donc à une concentration élevée en substrat, la vitesse de la réaction est indépendante de la


concentration en substrat, la cinétique est d'ordre 0.

Elle correspond à la vitesse maximale Vmax de la réaction.

L’équation de michaelis-Menten peut dès lors s’écrire :

Si la concentration en substrat est largement inférieure à la valeur de Km, on peut écrire :

La vitesse de la réaction évolue linéairement en fonction de la concentration en substrat, soit une


cinétique d'ordre 1 observée pour les faibles concentrations de substrat.

Supposons maintenant que s = Km; dans ces conditions :

La valeur de s qui donne expérimentalement une vitesse de réaction égale à la moitié de la

vitesse maximale est celle qui correspond au Km.

Très souvent, le déroulement d'une réaction enzymatique implique un nombre d'étapes largement
supérieur à ce que nous avons posé ici, chacune caractérisée par sa propre constante de vitesse.
84

On appelle kcat la constante de vitesse de l'étape limitante de la réaction enzymatique. Par


conséquent, on peut généraliser en écrivant :

où Vm = kcat e
kcat est le "turn over number".

La détermination de Vm et Km

La détermination de Vm et de Km à l’aide d’une série de points expérimentaux n’est pas facile si

l’on se réfère à la courbe hyperbolique. Elle nécessite en effet une extrapolation pour une
concentration infinie en substrat. Il existe différentes méthodes de calcul permettant de pallier cet
inconvénient. Une des plus communément utilisée est celle de Lineweaver et Burk dans
laquelle 1/v est exprimé en fonction de 1/s.

L’équation est celle d’une droite dont l’ordonnée à l’origine vaut 1/Vm, en effet si s = ∞, 1/s = 0,

d’où

L’abscisse à l’origine vaut -1/Km, en effet si :

En traçant la droite, on peut donc déterminer Km et Vm. Un inconvénient de cette méthode est
qu’elle attribue beaucoup de poids aux valeurs élevées de 1/v, c’est-à-dire obtenues à partir des
valeurs expérimentales faibles de v qui sont souvent les moins précises.
85

Inhibition d'une réaction enzymatique


L’inhibition d’une réaction enzymatique peut être réversible ou irréversible. Dans le premier
cas, elle est levée lorsque l’inhibiteur est éliminé du milieu, dans le second cas, l’enlèvement de
l’inhibiteur ne permet pas à l’enzyme de récupérer son activité.

Inhibition compétitive
Dans cette inhibition réversible, l’inhibiteur (I), du fait de sa ressemblance structurale avec le
substrat, peut former un complexe avec l’enzyme (EI), en se fixant au centre actif de celui-ci, là
où se fixe normalement le substrat. L’inhibiteur entre donc en compétition pour l’enzyme avec
le substrat. Ce complexe ne peut toutefois pas donner naissance au produit. Les réactions que
l’on doit envisager sont dès lors :

Si i représente la concentration de l’inhibiteur, on peut démontrer que :

ou

Où K'm vaut Km (1 + i/Ki) (Ki étant la constante de dissociation du complexe enzyme -


inhibiteur donc Ki = (/E/ /I/) / /EI/)
La relation est tout à fait semblable à celle que l'on obtient en absence d'inhibiteur avec cette

différence que le Km est devenu K'm avec nécessairement K'm > Km Par contre Vm qui est
égal à k3e ne change pas, d'où :
86

- a) En établissant le rapport des vitesses on aura si vi est la vitesse de la réaction inhibée :

Le rapport devient de plus en plus grand et tend vers 1 lorsque S croît.

En effet si s > K'm > Km :

A concentration suffisante en substrat, l'inhibition n'est plus manifeste, "le substrat l'emporte sur
l'inhibiteur". C'est la manifestation du caractère compétitif de cette inhibition.

- b) Le degré d'inhibition à une concentration en substrat donnée dépend du K'm qui lui-même

dépend du Km, de Ki (où Ki représente la constante de dissociation du complexe enzyme-


inhibiteur) et de la concentration en inhibiteur I. Pour une enzyme et un substrat donné,
l'inhibition dépendra de ces deux dernières valeurs. Plus le Ki est faible (plus l'enzyme a
d'affinité pour l'inhibiteur) plus l'inhibition sera forte. Plus la concentration en inhibiteur sera
grande, plus l'inhibition sera élevée.

Remarquons que la détermination graphique du K'm pourra se faire comme pour le Km par
exemple :

Inhibition non compétitive

Lorsque l'inhibition est non compétitive, l'inhibiteur n'affecte pas le Km, mais diminue la vitesse
maximale. La relation donnant la variation de la vitesse en fonction de la concentration en
substrat sera donc :

avec V'm < Vm


87

La fixation de l'inhibiteur à l'enzyme n'affecte pas la capacité de celle-ci à fixer le substrat, il


diminue le pouvoir catalytique de la molécule enzymatique, soit une modification de la valeur du
kcat.
La combinaison entre l'inhibiteur et l'enzyme peut se faire soit au niveau de l'enzyme libre, soit
au niveau du complexe enzyme substrat.
La fixation de l'inhibiteur sur l'enzyme empêche la transformation adéquate du complexe
enzyme - substrat donc, dans ce second type d'inhibition, la présence de l'inhibiteur n'exclut pas
la liaison du substrat au site actif, mais empêche l'enzyme de catalyser la réaction.
Pourvu que le complexe enzyme inhibiteur soit dissociable, ce type d'inhibition s'appelle
inhibition non compétitive.
On comprend de ce fait pourquoi l'inhibition n'est pas modifiée lorsque l'on augmente la

concentration en substrat. Le degré de diminution de Vm dépend de la concentration en


inhibiteur (I) et du Ki.

D'après le schéma de Michaelis-Menten :

De plus, en supposant que la liaison du substrat sur le site actif ne soit pas affectée par la
présence de l'inhibiteur fixé et celle de l'inhibiteur ne l'étant pas par la présence du substrat.
on dira que Ks = Ks' et Ki = Ki'.

Dans ces conditions, on peut démontrer que :

On constate qu'en présence d'un inhibiteur non compétitif, Km demeure inchangé et Vm diminue
du facteur (1 + (I)/Ki).
88

Ce qui caractérise également ce type d'inhibition est le fait que le degré d'inhibition est
indépendant de la concentration en substrat.

Inhibition mixte

Un inhibiteur peut agir à la fois sur Km et sur Vm donnant une inhibition mixte du type
compétitif et non compétitif.

Régulation allostérique
L'activité de certaines enzymes régulatrices est modifiée par des effecteurs allostériques de
faible poids moléculaire qui ont généralement peu ou pas de ressemblance structurale avec les
substrats ou les coenzymes de l'enzyme régulatrice.

La rétro - inhibition est le phénomène par lequel un produit d'une longue séquence de réactions
biosynthétiques inhibe l'activité d'une enzyme dont l'activité se manifeste au début de la voie
biosynthétique. Dans la série des réactions biosynthétiques conduisant de A à D et catalysées par

les enzymes Enz1 à Enz3, une concentration élevée de D inhibe de façon typique la conversion

de A en D. D agit donc comme un effecteur allostérique négatif et réalise la régulation de sa


propre synthèse. En fait, D se lie à un site allostérique sur l'enzyme inhibée, lequel site est
distinct du site catalytique.
Vers 1963, Monod et ses collaborateurs ont fait remarquer le manque de ressemblance
structurale entre un inhibiteur rétroactif et le substrat de l'enzyme dont l'activité est contrôlée.
Comme les effecteurs ne sont pas isostériques par rapport à un substrat, mais allostériques
(occupe un autre espace) ces chercheurs ont proposé que les enzymes dont l'activité est contrôlée
par des effecteurs allostériques (par exemple des inhibiteurs rétroactifs ou rétro inhibiteurs) lient
l'effecteur à un site allostérique physiquement distinct du site catalytique. Ainsi, les enzymes
allostériques sont des enzymes dont l'activité au site actif peut être modifiée par la présence
d'effecteurs allostériques à un site allostérique liant l'effecteur. Les études de liaison des substrats
et des effecteurs allostériques sur les enzymes contrôlées montrent que les substrats ou les
effecteurs peuvent être liés indépendamment les uns des autres.
Les enzymes allostériques montrent fréquemment une courbe de saturation en substrat de type
sigmoïde, révélant un Km "apparent" déplacé vers les faibles ou les hautes concentrations en
89

substrat selon que l'enzyme est mise en présence d'un effecteur positif ou négatif. Ces
déplacements de la courbe sigmoïde vers la droite ou la gauche traduisent des modifications,
induites par la fixation du régulateur allostérique au site régulateur, de l'affinité du site de
reconnaissance du substrat pour le substrat. A noter l'analogie avec le phénomène coopératif de
saturation de l'hémoglobine en oxygène vue précédemment, et, par exemple, l'impact du 2,3
bisphosphoglycérate sur l'affinité de l'hémoglobine pour l'oxygène (déplacement de la courbe de
saturation). Le 2,3 bisphosphoglycérate agit donc d'une manière comparable à un effecteur
allostérique régulant négativement l'activité d'une enzyme allostérique.

Effet du pH
Il est normal qu'une réaction enzymatique dépende du pH. L'enzyme est une protéine et certaines
fonctions qui interviennent dans le centre actif, et dans le mécanisme catalytique, peuvent être
dissociables. Le rôle qu'elles ont, soit dans la fixation du substrat, soit dans la catalyse peut
dépendre de la forme (dissociée ou non dissociée) sous laquelle elles se trouvent. Le substrat
peut aussi être dissociable et, ici également, peut se complexer à l'enzyme sous une forme plutôt
qu'une autre.
En général, une enzyme présente un optimum d'activité dans une zone de pH déterminée.
L'endroit sur l'échelle de pH où celle zone se trouve peut-être variable d’une enzyme à l'autre.
Supposons que l'activité d’une enzyme dépende de deux fonctions dissociables présentes dans le
centre actif, soit -COOH (résidu d'acide glutamique) et un imidazole (résidu d'histidine), et que
la catalyse exige que la fonction acide carboxylique soit ionisée et que le groupe imidazole soit
protonné. Si nous nous référons uniquement à ces deux fonctions, nous pouvons considérer

l'enzyme comme pouvant exister sous les trois formes suivantes : AH2+, AH et A-. La manière
dont varie la forme sous laquelle l'enzyme est active sera une courbe avec maximum, atteint
lorsque la molécule enzymatique présentera sa forme AH.

Effet de la température
La plupart des réactions chimiques dépendent fortement de la température, les réactions
enzymatiques également. Les effets de la température sur une réaction enzymatique peuvent
également être dus à différentes causes. Peuvent être concernées : la stabilité de l'enzyme, la
vitesse de dissociation du complexe, l'affinité de l'enzyme pour le substrat, etc. La plupart de ces
causes sont analysables expérimentalement. Rappelons qu'une réaction enzymatique comprend
au moins trois étapes : la formation du complexe enzyme-substrat, la transformation de ce
90

complexe en un complexe enzyme-produit et la dissociation avec libération du produit de


réaction. Les effets de la température peuvent être la résultante d'une action à ces divers niveaux
de la réaction.
Lorsque la température à laquelle se déroule une réaction enzymatique augmente on constate que
jusqu'à un certain point, la quantité de substrat transformé augmente, après quoi une diminution
de vitesse de plus en plus marquée s'observe. Globalement, les effets de la température sont dûs:
1) à une augmentation de la vitesse initiale donc de l'activité catalytique de l'enzyme, 2) à une
destruction progressive de l'enzyme. L'optimum de température provient d'une balance entre ces
deux effets.
Rappellons que la loi d'Arrhénius établit la relation existant entre la constante de vitesse d'une
réaction et la température :
Lnk = ln A - Ea/RT
Le logarithme de la constante de vitesse évolue donc linéairement en fonction de l'inverse de la
température. Cette relation intéressante permet d'accéder expérimentalement à la valeur de
l'énergie d'activation (Ea) d'une réaction.
On définit le Q10 comme étant l'accroissement de la vitesse d'une réaction enzymatique
observée pour une augmentation de la température de 10°C. Généralement, la valeur de Q10
d'une réaction enzymatique est proche de 2.

Effet de la fixation du substrat sur la structure de l'enzyme


Il peut arriver que la fixation d'un substrat à une enzyme provoque une profonde modification de
la structure de celle-ci. Ce phénomène appelé "induced fit" est rencontré dans le cas de
l'hexokinase de levure, catalysant la greffe d'un phosphate, puisé dans une molécule d'ATP, sur
l'hydroxyle du carbone 6 d'une molécule de -D-glucose. Lorsque le glucose est absent, l'enzyme
est dans une conformation inactive. La fixation du glucose sur l'enzyme provoque un
changement de structure qui "révèle" l'activité enzymatique. Ce phénomène d' "induced fit"
permet à l'enzyme de phosphoryler le glucose aux dépens de l'ATP tout en évitant que l'enzyme
n'hydrolyse l'ATP (soit le transfert d'un phosphate sur une molécule d'eau) en absence de
glucose.
91

Mécanisme de la catalyse enzymatique


Les enzymes sont des protéines. Notons toutefois le cas particulier des ribozymes ou acides
ribonucléiques dotés d'une activité catalytique.
Les enzymes se caractérisent par la présence dans leur structure d'un site actif. Ce site
correspond à un endroit de la protéine où les chaines latérales de certains acides aminés
appartenant à la chaine peptidique de l'enzyme sont arrangées de telle façon qu'une interaction
peut se mettre en place avec le substrat. Des attractions électrostatiques, des liaisons hydrogènes,
des interactions hydrophobes peuvent intervenir pour stabiliser le complexe constitué par le
substrat et l'enzyme au niveau du site actif. Lorsque le substrat est fixé à l'enzyme, d'autres
chaines latérales d'acides aminés situés dans le voisinage du substrat catalysent la transformation
de celui-ci. Le site actif d’une enzyme comprend donc des groupements de fixation du substrat
et des groupements catalytiques.
Dans certains cas, lors de la transformation du substrat, interviennent des cofacteurs, soit des
ions métalliques, soit des molécules organiques parfois complexes. Ces cofacteurs jouent un rôle
dans la fixation du ligand ou dans la catalyse. Nous en verrons plusieurs exemples dans les
chapitres consacrés au métabolisme, en particulier chaque fois que nous évoquerons pour la
première fois l'intervention d'une vitamine dans le déroulement d'une réaction enzymatique.

Etat de transition. L’énergie d’activation

Supposons une réaction :

Les molécules A et B possèdent une énergie de translation due à leur mouvement. Si elles
entrent en collision, un réarrangement de la distribution électronique se produit dans chaque
molécule conduisant éventuellement à un transfert d'atomes d'une molécule à l'autre. Lorsque la
réaction se produit un état de transition s'établit dont la structure ne correspond pas à un mélange
de A et de B mais à un complexe intermédiaire qui donnera naissance à C + D.
Pour que cet état de transition apparaisse, il faut que A et B possède une énergie de translation
suffisante, énergie que l'on appelle énergie d'activation Ea.
On peut considérer la formation du complexe de transition comme une simple réaction
chimique, régie par un équilibre :

où AB* représente l'état de transition. Cet équilibre est caractérisé par une constante K* :
92

La modification d'énergie libre de cette réaction vaudra : ∆G* = - RT lnK*


Ce ∆G* est donc égal à la différence entre l'énergie libre du complexe de transition et l'énergie
libre des substrats : ∆G* = G(complexe de transition) - G (substrat)
Comme nous l’avons déjà vu, la vitesse d'une réaction est liée à l'énergie d'activation (Ea =
∆G*) par la relation:

où k est la constante de vitesse.


La vitesse d'une réaction à une température donnée sera donc d'autant plus grande que Ea est
petit. Les enzymes accélèrent une réaction en diminuant l'énergie d'activation. La
combinaison du substrat avec l'enzyme donne naissance à un état de transition dont l'énergie
d'activation est plus faible qu'en absence d'enzyme.

Mécanismes par lesquels une enzyme peut réduire l’énergie d’activation


Effet entropique :
Lorsque deux molécules réagissent pour entrer dans l'état de transition, la perte de la liberté de
mouvement translationnel et rotationnel diminue fortement l'entropie, ∆S* est fortement négatif
et par conséquent ∆G* est élevé. Lorsque l'enzyme est présente, le ∆G* de la formation du
complexe de transition (AB*) est beaucoup plus petit car les molécules A et B sont fixées à
l'enzyme et ont déjà perdu une bonne partie de leur liberté de translation et de rotation. Un autre
résultat de cette fixation à l'enzyme est un effet d'orientation. Lorsque deux molécules libres
s'approchent et se rencontrent, leur orientation doit être adéquate pour que l'état de transition se
produise. Lorsque les molécules sont fixées à l'enzyme, la bonne orientation est favorisée du fait
d'une fixation appropriée de ces molécules au site actif.
Effet « tension du substrat »
L'effet « tension du substrat » est aussi appelé « stabilisation de l’état de transition ». Ce
mécanisme important s’explique par le fait que la conformation du substrat est différente de
celle de départ lorsqu’on est à l’état de transition. Il arrive que l’enzyme « force » le substrat à
adopter une conformation peu favorable, mais que cette conformation peu favorable du substrat
corresponde à la conformation moléculaire qui s’avère être la plus favorable pour l’état de
transition. C’est à cause de cette « distorsion » du substrat vers la conformation qui est celle de
93

l’état de transition qu’on qualifie ce mécanisme de « tension de substrat ». Une illustration de cet
effet nous est donnée dans le mécanisme de la réaction catalysée par le lysozyme (voir plus
loin).
La catalyse acide-base
La catalyse acide-base est rencontrée dans la plupart des réactions enzymatiques. Elle résulte de
l’intervention de chaînes latérales d’acides aminés présents au site actif et qui sont ionisables,
pouvant jouer le rôle de donneur et/ou d’accepteurs de protons pour contribuer à la
transformation du substrat vers l’état de transition. Notons que dans ces mécanismes, il y a
apparition de charges. Des liaisons électrostatiques entre le substrat à l’état de transition et des
groupements ionisés de l’enzyme peuvent contribuer à la stabilisation de l’état de transition
(diminution de l’énergie libre). Notons enfin que la catalyse acide-base est une raison importante
pour laquelle les réactions enzymatiques sont dépendantes du pH.
La catalyse covalente
Le mécanisme enzymatique peut enfin donner lieu à l’établissement d’une liaison covalente
transitoire entre l’enzyme et le substrat transformé (catalyse covalente). Ce mécanisme ne
s’applique pas à tous les exemples de réactions.

Exemples de catalyses enzymatiques


Nous considérons ici deux exemples de mécanismes enzymatiques, impliqués dans les réactions
catalysées par le lysozyme et la chymotrypsine.
Lysozyme
Le lysozyme est une enzyme douée d'activité "antibiotique", découvert par Fleming. On le
trouve dans le mucus nasal, dans les larmes. Le lysozyme est une hydrolase et plus précisément
une glycosidase. Il catalyse l'hydrolyse d'un polysaccharide, que l'on trouve dans la paroi de
certaines bactéries (faisant partie du lipopolysaccharide bactérien). Ce polysaccharide est
constitué d'une alternance de N-acétylglucosamine et d'acide N-acétylmuramique :
94

Ces dérivés de monosaccharides sont unis par des liaisons osidiques 1-4 pour donner la
structure suivante :

L'enzyme scinde la liaison qui est établie entre le C1 du NAM et le C4 du NAG.


Le lysozyme est constitué d'une seule chaîne peptidique de 129 acides aminés. C'est donc une
petite protéine d'un poids moléculaire d'environ 15 kDa. Elle contient quatre liaisons disulfures.
L'environnement en acides aminés de la liaison à scinder au niveau du site actif, montre que les
fonctions catalytiques sont les résidus acide glutamique en position 35 et acide aspartique en
position 52, qui pourront jouer le rôle de donneur et d'accepteur de protons. Ces deux acides
aminés se retrouvent, dans la protéine, dans des environnements différents. De ce fait, ces deux
chaines latérales de ces deux acides aminés acides, bien qu'ayant des pKs fort proches, se
retrouvent dans un état d'ionisation différent à pH 5, où Glu est protoné alors que Asp est
déprotoné. Cette ionisation différentielle de ces deux résidus du site actif conditionne la réaction
enzymatique. Cet état est rencontré à une valeur de pH proche de 5, correspondant bien entendu
au pH optimum de l'enzyme.
Le mécanisme catalytique actuellement retenu (il a fait débat pendant plus de quarante années)
peut se résumer de la façon suivante. Il implique l'établissement transitoire d'une liaison
covalente entre le lysozyme et son substrat.
L'enzyme a donc un pH optimum aux environs de 5. La diminution d'activité lorsque le pH
diminue en dessous de 5 ou lorsqu'il s'élève au-dessus de 5, peut s'expliquer par le fait qu’à pH
trop bas le COO- de l'aspartate 52 devient protoné alors qu'à pH trop élevé, le COOH de l'acide
glutamique 35 se dissocie.
95

Chymotrypsine
La chymotrypsine est une enzyme protéolytique secrétée par le pancréas. La chymotrypsine est
donc une hydrolase, une protéase (ou peptidase) et plus précisément une endoprotéase (ou
endopeptidase). Elle intervient dans la dégradation des protéines alimentaires au niveau de
l'intestin grêle. La réaction constitue un exemple de catalyse covalente.
L'enzyme hydrolyse une liaison peptidique préférentiellement quand le résidu de l'acide aminé
donneur du -C=O est aromatique : Tyr, Trp, Phe.
96

R1 = tyrosine, phénylalanine ou tryptophane.

La chymotrypsine est également capable d'hydrolyser des liaisons esters.


Par exemple, elle peut catalyser la réaction suivante où le substrat est le p-nitrophénylacétate :

Une telle réaction est importante pour étudier le mode d'action de l'enzyme, car un des produits
libérés, le p-nitrophénol est coloré (il absorbe la lumière vers 400 nm).
Dans le pancréas, l'enzyme est fabriquée sous forme de précurseur, le chymotrypsinogène, qui
est inactif. Cette molécule est constituée d'une chaîne polypeptidique unique de 245 acides
aminés. Le chymotrypsinogène est converti en chymotrypsine active par plusieurs clivages
endo- et exo-protéolytiques de la chaine peptidique. Au terme de cette maturation post-
traductionnelle, la chymotrypsine active est constituée de trois peptides. Ils sont unis grâce à
deux liaisons disulfures inter-chaines.
97

Trois résidus sont essentiels pour comprendre le mécanisme de la réaction catalysée par la
chymotrypsine. Il s’agit de la sérine 195, de l’histidine 57 et de l’aspartate 102, qui constituent
la triade catalytique.

La catalyse par la chymotrypsine est une séquence de deux réactions consécutives : 1- le clivage
de la liaison peptidique avec fixation covalente d’un des produits de la réaction à la sérine 195,
pour former un intermédiaire acyl-enzyme ; 2- la réaction de cet acyl-enzyme avec une
molécule d’eau conduisant à la libération du deuxième produit (voir schéma ci-dessous).
A noter que la réaction globale peut être considérée comme la succession de deux réactions pour
lesquelles deux états de transitions existent correspondant à deux intermédiaires
tétrahédriques. L’intermédiaire acyl-enzyme ne représente donc pas l’état de transition. La
réaction globale est constituée de deux réactions successives : l'acylation et la déacylation de la
sérine 195.
Le recours au p-nitrophénylacétate comme substrat de la chymotrypsine (voir plus haut) pour
suivre le déroulement de la réaction au cours du temps, permet de mettre en évidence l'acylation
rapide de la sérine 195 qui s'accompagne de la libération du p-nitrophénol. Peu de temps après le
début de la réaction, l'apparition du p-nitrophénol se ralenti. La pente moindre observée alors est
celle de la réaction globale, dont la vitesse est celle de l'étape limitante qui correspond à la
déacylation de la sérine 195.
98
99

La connaissance du mécanisme d'une réaction enzymatique peut présenter un grand intérêt


La pénicilline (découverte par Fleming) agit comme un puissant inhibiteur d'une activité
transpeptidase, essentielle pour permettre à la bactérie de synthétiser son peptidoglycan. Cette
structure rigide permet à la bactérie de résister à la lyse osmotique.
Le peptidoglycan est composé d'une chaine polysaccharidique (un enchainement de N-
acétylglucosamine et d'acide N-acétylmuramique, voir plus haut), sur laquelle sont greffées des
chaines peptidiques. La transpeptidase est responsable de l'établissement de ponts covalents
entre ces chaines peptidiques.
Cette réaction est inhibée par la pénicilline (et dérivés) dans laquelle le cycle -lactame constitue
une cible "artificielle" de la transpeptidase. Cette réaction conduit à l'inhibition irréversible de la
transpeptidase.
100

L'utilisation de la pénicilline a généré une pression de sélection favorisant l'émergence d'une


enzyme bactérienne capable d'hydrolyser le cycle -lactame : la -lactamase. Cette enzyme
est par conséquent responsable d'un phénomène de résistance aux antibiotiques.
La connaissance des mécanismes enzymatiques qui sous-tendent cette résistance a permis la
mise au point de molécules telles l'acide clavulanique. Cette molécule dont la structure
ressemble à un antibiotique -lactame, agit comme un inhibiteur irréversible de la -
lactamase, en s'y associant de manière covalente.

De très nombreuses drogues mises au point par l'industrie pharmaceutique sont des molécules
agissant comme inhibiteurs d'enzymes. Le "design" de ces molécules à action inhibitrice peut
bénéficier de la connaissance du mécanisme catalytique de l'enzyme cible. Un exemple nous est
donné par la famille des inhibiteurs de l'activité protéase du virus HIV. Ce virus appartient au
groupe des rétrovirus. Son génome est constitué d'ARN. Sa multiplication implique trois phases
faisant intervenir trois activités enzymatiques : la rétro-transcription de l'ARN en ADN,
l'intégration de l'ADN dans le génome de la cellule hôte et le clivage protéolytique des
précurseurs protéiques codés par le génome viral permettant d'obtenir les protéines nécessaires à
la construction de nouvelles particules virales. Il est clair que ces trois activités enzymatiques :
transcriptase inverse, intégrase, protéase, sont autant de cibles intéressantes pour le
développement d'une stratégie anti virale. Il existe quatre classes de protéases : les protéases à
sérine (voir la chymotrypsine étudiée précédemment), les protéases à cystéine, les métallo-
protéases et les aspartyl-protéases. La protéase du HIV appartient à cette dernière catégorie.
L'enzyme clive une liaison peptidique établie entre une phénylalanine et une proline. Deux
aspartates, situés dans le site actif de l'enzyme, permettent le déroulement d'une catalyse acide-
base, permettant le clivage de la liaison peptidique par une molécule d'eau. Cette catalyse passe
par un état de transition tétraédrique stabilisé par ponts hydrogènes (voir figure projetée).
Plusieurs inhibiteurs de la protéase HIV ont été développés de manière telle que ces molécules
forment avec l'enzyme un complexe non-covalent, mais suffisamment stable pour agir comme
des inhibiteurs irréversibles. Ces molécules ont été conçues de manière telle que leur structure
ressemble à celle de l'intermédiaire tétraédrique obtenu à l'état de transition. Ces molécules
ont en commun de pouvoir s'associer à la poche de reconnaissance de la phénylalanine
(spécificité de substrat). Elles présentent pour ce faire un groupement benzyle. Ce benzyle est
situé à proximité d'un hydroxyle qui prend la place de l'oxygène chargé négativement dans la
structure de l'état de transition. Pour le reste, les inhibiteurs ont été conçus pour s'associer le plus
efficacement à la protéase.
101

Modifications covalentes des enzymes


De très nombreuses enzymes peuvent exister sous plusieurs formes, du fait de modifications
covalentes post-traductionnelles subies par la chaine peptidique.
Parmi les modifications covalentes fréquemment rencontrées, citons le clivage protéolytique, la
phosphorylation, l'acétylation, l'ubiquitination, l'ADP-ribosylation, la glycosylation, la
méthylation, la myristoylation, la palmitoylation, la prénylation, l'adénylation,
l'hydroxylation, la sulfatation, la carboxylation etc…
Les phosphorylations constituent la forme de modification covalente la plus fréquemment
rencontrée. Certaines protéines présentent plusieurs sites de phosphorylation. Les
phosphorylations d'enzymes sont à la base de nombreux mécanismes de régulation du
métabolisme, dont nous reparlerons. Chez l’homme, environ 4000 gènes (±12% de tous les gènes)
codent pour des protéines de régulation, parmi lesquelles on dénombre plus de 500 protéines
kinases (des enzymes capables de catalyser la phosphorylation de protéines qui sont leurs
substrats).

La greffe (et l'enlèvement) de groupements phosphate sur une chaine peptidique sont des
événements catalysés respectivement par des protéine kinases et par des phosphatases. Ces
phosphorylations-déphosphorylations peuvent provoquer un changement de conformation de la
protéine, provoquant à son tour une modification de l'activité biologique de l'enzyme.

Un exemple bien connu est l'effet de la phosphorylation (par une kinase) de la glycogène
phosphorylase, ce qui conduit à l'élévation de son activité enzymatique (passage de la forme b
peu active à la forme a fort active). La régulation par phosphorylation-déphosphorylation de la
102

glycogène phosphorylase prend toute son importance dans le cadre de la régulation hormonale
(glucagon / insuline) du métabolisme du glycogène, comme nous le verrons dans le cours
suivant.

Un type particulier de modification post-traductionnelle est le clivage protéolytique, qui peut


également participer à la régulation d'une activité enzymatique. Un exemple est l'activation
protéolytique du zymogène chymotrypsinogène en chymotrypsine (voir plus haut). Un autre
exemple qui sera détaillé dans le cours de physiologie est la cascade de coagulation, dans
laquelle un clivage en cascades de zymogènes culmine dans la conversion du fibrinogène en un
réseau de fibrine (voir cours de physiologie).
Citons également l'acétylation et la méthylation parmi les modifications post-traductionnelles
utilisées pour réguler l'activité de certains acteurs du métabolisme :
103

Dans certains cas, une protéine dépourvue de traverse transmembranaire peut perdre son
caractère "soluble" et s'associer aux membranes du fait de la greffe post-traductionnelle d'une
molécule lipidique, agissant comme une "ancre hydrophobe". On verra ainsi des protéines fixées
à un acide gras (protéines palmitoylées, myristoylées etc…), associées à des groupements
isoprènes (protéines isoprénylées, géranylées, farnésylées…)

L'ADP-ribosylation constitue une modification post-traductionnelle pouvant modifier


considérablement la fonction d'une protéine. La toxine du cholera est en fait une enzyme
catalysant l'ADP-ribosylation de la sous-unité  d'une protéine G trimérique (Gs). Cette
modification covalente de la sous-unité  provoque une inhibition de son activité GTPase,
ce qui la maintient dans son état "actif" et provoque une élévation de la concentration de
l'AMP cyclique.
L'ADP ribosylation dont est responsable la toxine diphtérique, cible une protéine impliquée
dans la traduction des ARNm (le facteur d'élongation eEF2) et provoque par conséquent une
inhibition de la synthèse protéique.

Utilisation de mesures enzymatiques dans un but diagnostique


Le recours à la mesure d’une activité enzymatique dans un but diagnostique est une pratique
courante. Nous ne ferons ici qu’illustrer ce type d’application par quelques exemples.
La mesure d’une activité enzymatique dans le plasma peut être particulièrement intéressante.
Deux types d’enzymes peuvent coexister dans le plasma : 1- les enzymes dont le plasma est le
site « naturel » de résidence, autrement dit, des enzymes dont l’intervention « physiologique »
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nécessite leur présence dans le plasma, et 2- certaines enzymes normalement absentes du


plasma car ayant une localisation, et une fonction, intracellulaire.
L’apparition de l’activité de ces dernières dans le plasma est par conséquent révélatrice d’une
lésion cellulaire ayant provoqué le largage de l’enzyme. Le caractère quantitatif des dosages
enzymatiques permet non seulement le diagnostic d’une lésion mais également une estimation de
son « importance ».
La situation idéale correspond à celle d’une activité enzymatique spécifiquement présente dans
un tissu déterminé. C’est rarement le cas. Il existe toutefois certains moyens de « compenser » la
non-spécificité de la localisation de l’enzyme en pratiquant la détection de formes iso-
enzymatiques différentes et caractéristiques de certains tissus. On peut citer l’existence d’une
forme isoenzymatique de la phosphatase acide, spécifique de la prostate, une isoenzyme de
l’alcool déshydrogénase spécifiquement hépatique… (voir aussi ci-dessous). Alternativement, la
mesure des paramètres enzymatiques (Km, kcat), en plus de l’activité peut contribuer à
l’identification de l’origine tissulaire d’une enzyme détectée dans le plasma.
Transaminases
Suivi des activités AST (Aspartate aminotransférase ou GOT) et ALT (Alanine aminotransférase
ou GPT). Ces enzymes peuvent être détectées dans le sang même si elles n'y sont présentes qu'à
une très faible concentration, ce qui fournit un test d'une grande sensibilité. Ces enzymes sont
importantes dans la mise en évidence d'une souffrance hépatique ou cardiaque en particulier
(crise cardiaque, infection, effet toxique).

LDH-CPK-HBDH dans le diagnostic de l’infarctus du myocarde


La mesure de l’activité d’enzymes plasmatiques peut aussi être réalisée de manière telle que
l’apparition et la disparition d’enzymes particulières peuvent être suivies dans temps.
Suite à un accident cardiaque certaines enzymes solubles sont libérées à partir du myocarde,
comme la LDH (Lactate déshydrogénase), la CPK (Créatine phosphokinase) et l’HBDH
(Hydroxybutyrate déshydrogénase). A noter les allures fort différentes des courbes obtenues.
A noter également que l’analyse de ces profils cinétiques permet de « dater » la lésion et de
suivre l’efficacité d’un traitement.

Formes isoenzymatiques de la LDH


La lactate déshydrogénase (LDH) est constituée d’un tétramère construit à partir de chaînes
peptidiques de deux types (H et M). Il est possible de distinguer ces formes isoenzymatiques
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spécifiquement enrichies dans certains tissus grâce à une simple électrophorèse. Celle-ci, menée
en conditions non dénaturantes sera suivie d’une mise en évidence de l’activité enzymatique des
différentes formes de LDH, directement sur l’électrophorégramme.
Le profil d’activité, comparé au profil « contrôle » peut par exemple révéler un accident
cardiaque ou une souffrance hépatique.

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