Vous êtes sur la page 1sur 64

Nicole VINCILEONI

Professeur agrégé

Comprendre
L'œuvre
de
Bernard B. Dadié

L e s c l a s s i q u e s africains
184, avenue de Verdun
92130 Issy les Moulineaux

N° 860
DANS LA MÊME COLLECTION

S.-M. Eno Belinga, Comprendre la littérature orale africaine.


J. Cauvin, Comprendre la parole traditionnelle.
J. Cauvin, Comprendre les contes.
J. Cauvin, Comprendre les proverbes.
P. Ngandu Nkashama, Comprendre la littérature africaine écrite.
M.-F. Minyono-Nkodo, Comprendre « Le vieux nègre et la médaille »
de Ferdinand Oyono.
M.-F. Minyono-Nkodo, Comprendre « Les bouts de bois de Dieu » de
Sembène Ousmane.
Chr. Conturie, Comprendre « Gouverneurs de la rosée » de Jacques
Roumain.
Ch.-G. Mbock, Comprendre « Ville cruelle » d'Eza Boto.
B. Mouralis, Comprendre l'œuvre de Mongo Beti.
J. Getrey, Comprendre « L'aventure ambiguë » de Cheikh Hamidou
Kane.
L. Kesteloot, Comprendre le « Cahier d'un retour au pays natal »
d'Aimé Césaire.
F. Tsoungui, Comprendre « Sous l'orage » de Seydou Badian.
J.-C. Nicolas, Comprendre « Les soleils des indépendances » d'Ahma-
dou Kourouma.
O. Mumpini, Comprendre « Trois prétendants... un mari » de Guil-
laume Oyono Mbia.
M. Diouf, Comprendre « Véhi-Ciosane et le Mandat » de Sembène
Ousmane.
N. Vincileoni, Comprendre l'œuvre de Bernard Dadié.
L. Kesteloot, Comprendre les «Poèmes» de Léopold Sédar Senghor.

© Editions Saint-Paul, 1986


ISBN 2.85049.368.6
Avant-propos

La bibliographie des travaux critiques consacrés à Bernard


Binlin Dadié est paradoxalement réduite, surtout si l'on considère
les travaux édités, et fragmentaire puisque ces travaux critiques ne
prennent en compte que tel ou tel aspect de l'œuvre.
Il y a là, à nos yeux, un paradoxe, car Bernard Binlin Dadié
est l'écrivain le plus fécond de la littérature néo-africaine, le plus
divers et, avec Léopold Sédar Senghor, le plus traduit à ce jour.
Allant du théâtre au conte, à la poésie, au roman, à la nouvelle, à
la chronique, sans que nous oubliions les genres particuliers que sont
aphorismes, articles de journaux, notes intimes, Dadié s'est essayé
dans tous les genres.
D'où notre propos : tenter une approche qui, tout en analy-
sant précisément les différents aspects de l'œuvre, soit globale et
tende à révéler sa cohérence interne, si cohérence il y a, c'est-à-dire
la mise en évidence d'une originalité de contenu et de forme indis-
sociablement liés.
La primauté du texte étant pour nous indiscutable, la lecture
immanente qui se réfère aux textes et en analyse les différentes
structures nous a d'abord guidée, d'où les regroupements en genres
des textes de l'écrivain. Mais il ne s'agissait pas pour autant de
considérer les textes et les genres comme se refermant sur eux-
mêmes, de mettre en évidence des structures ne renvoyant qu'à
elles-mêmes : une danse devant le miroir. Il nous fallait tenter de
dégager les constantes et les ouvertures d'un texte sur l'autre, d'un
genre sur l'autre : ce jeu d'échos qui parcourt l'œuvre et qu'une
lecture plus spontanée, cette lecture première qui relève du contact
personnel avec le texte et reste au niveau de l'intuition et de la sub-
jectivité, laisse déjà présager.
A l'intérieur même du texte et du genre, l'originalité, sans
laquelle il n'est de création, imposait qu'on la mesurât par rapport
aux modèles que propose la culture héritée comme par rapport à
ceux de la culture acquise. L'étude synchronique n'élude pas l'his-
toire : toute œuvre littéraire est obtenue à partir de matériaux
datés, situés. Le texte s'ouvre donc sur l'extérieur, et les apports de
la critique externe sont sollicités par le dedans de l'œuvre. De celle-
ci, nous remontons imparablement à la situation particulière de
notre auteur, à sa qualité de pionnier dans les lettres africaines, à
son long isolement littéraire — ce n'est qu'en 1956, à plus de qua-
rante ans, que Dadié participera à des rencontres littéraires et aura
la possibilité de dialoguer avec les fondateurs et tenants de la
Négritude —, à son enracinement, à sa formation livresque, à son
érudition historique, comme à son engagement poussé en politique.
Les conditions dans lesquelles eut lieu la formation de
l'homme et de l'écrivain et furent engendrés les textes nous sont
apparues comme assez essentielles à la compréhension de l'œuvre
pour que nous en fassions la première partie de notre travail. Pion-
nier, mais d'une manière autre que ceux de la génération de la
Négritude, enraciné dans son terroir et son continent, n'ayant subi
que relativement superficiellement l'influence occidentale, mais de
façon directe et prolongée l'oppression coloniale, Dadié est moins
sensible à la théorie qu'à l'action littéraire et politique. L'Afrique,
dans sa vie comme dans son œuvre, est un vécu quotidien, non une
nostalgie. Sa formation double mais tronquée — l'école occiden-
tale en Afrique, à son plus haut niveau, est encore, comme il aura
à le dire, une « voie de garage » — et la culture profonde mais
extra-universitaire qu'il s'est faite après l'école éloignent sa pro-
duction littéraire de ces œuvres cultivées, savantes, selon les critè-
res propres à la culture occidentale, que sont les œuvres des trois
« couronnes (a) » de la Négritude comme d'une partie de leurs
émules (Birago Diop, par exemple), en même temps que de cette
« littérature d'instituteurs » qui fut celle d'hommes dont la for-
mation se déroula exclusivement en Afrique et dont les critiques de
la littérature africaine parlent avec quelque condescendance.
L'appréciation qui doit se dégager, comme naturellement, de
toute approche critique d'une œuvre est d'autant plus équitable
que les raisons objectives qui conditionnent le dedans même de
cette œuvre sont mieux perçues. Ainsi ne les avons-nous rappelées
que pour les mettre en relation avec les écrits de jeunesse, publiés
ou non, pour bien signifier que ce qui nous intéressait était le pro-
cessus de formation d'une œuvre et d'une écriture.
Ayant choisi de donner une vision d'ensemble de l'œuvre,
nous n'avons pas voulu en masquer la diversité et la richesse. Aussi
n'avons-nous pas eu peur de mettre l'accent sur une discontinuité

( Les notes sont regroupées à la fin du volume.


externe que révèle le découpage en genres, cependant que les recou-
pements, le dialogue d ' u n texte à l'autre, d ' u n genre à l'autre, les thè-
mes qui se font écho, se prolongent, s'approfondissent, impo-
sent une continuité, le sens d ' u n développement. Peu convaincue
de la possibilité d'existence d ' u n e « science » critique, nous
défiant, dans les conditions présentes où le déchiffrement et l'éluci-
dation de l ' œ u v r e de Dadié n ' e n sont encore q u ' à leurs débuts, de
toute méthode critique qui tendrait à plier l'œuvre à son propre
code et serait nécessairement réductrice, mesurant par ailleurs que
ces méthodes sont, elles aussi, marquées par le temps et le lieu où
elles ont pris naissance, nous avons approché les textes de Dadié
par plusieurs côtés et les avons soumis à une observation répétée à
partir de points de vue divers, obéissant à une recherche de carac-
tère expérimental, libre de scrupules excessifs au regard d'une pos-
sible loi d'organisation unitaire, d ' u n système textuel globalisant
posé en préalable à l'étude. Unité moins extérieure, cette cohé-
rence, plus intime et plus suggestive, qui rend compte sans œillères
des textes et du plaisir qu'ils ont pu nous donner ne m a n q u e r a pas,
nous osons l'espérer, de se manifester au lecteur qui voudra
patiemment nous suivre au long de ce travail, lequel a d ' a b o r d sou-
haité être une explication et une explicitation honnête des textes.

N.V.
1

La genèse de l'œuvre

L ' E N F A N C E I V O I R I E N N E (1916-1934)

L e fils de l ' A s s i n i e

Bernard Binlin Dadié naît en 1916 à Assinie, vingt-cinq ans


après que la Côte des Dents (c'est-à-dire des défenses d'éléphants)
ou Côte de l'Or, comme les Français appelaient alors le vaste terri-
toire qui constitue la Côte-d'Ivoire actuelle et auquel Assinie
ouvrait l'accès, eut été rattachée à la Guinée française pour devenir
une colonie (1891), et vingt-trois ans après qu'elle eut été déclarée
colonie indépendante sous le nom de Côte-d'Ivoire (1893).
Les relations de l'Assinie — territoire situé sur la frange
côtière, à l'extrémité est de la Côte-d'Ivoire, et dépendant du
royaume agni-sanwi de Krindjabo — avec la France sont fort
anciennes et expliquent que le village d'Assinie ait été la première
capitale de la colonie de Côte-d'Ivoire.
Un fort y fut construit dès 1701. Mais il fallut attendre le
XIX siècle et le remplacement de la traite négrière par celle de
l'huile de palme pour voir les Français s'intéresser à nouveau à la
côte d'Assinie, de Bassam et de toute l'actuelle Côte-d'Ivoire qui
possédait une grande palmeraie autour de ses lagunes. Le capitaine
de vaisseau Bouet-Willaumez traitait avec les rois Atékébré ou
Peter de Bassam et Attokpora de Krindjabo ; il occupait Assinie et
Bassam en 1843 et signait un nouveau traité avec les souverains
l o c a u x Selon une tradition familiale, le propre grand-père de
Bernard Binlin Dadié, notable d'Assinie, Binlin (ou Blin), avait
favorisé par son action la signature de ces traités, puisqu'il aurait
aidé au premier débarquement des Français (1838) et facilité les
relations entre ceux-ci et les rois locaux Aygiri et Attokpora (ou
Attobra ou Attacla). Dès lors, militaires, commerçants et
missionnaires s'implantèrent à Assinie. La Côte de l'Or, rattachée
à la Guinée française, était devenue une colonie quand y naquit, le
14 mai 1891, le père de Bernard Dadié, Gabriel Dadié.
Le père : Gabriel Dadié,
un pionnier des temps nouveaux

La figure de Gabriel Dadié est trop importante dans l'histoire


de la Côte-d'Ivoire et dans la vie de son fils Bernard Binlin pour
que nous ne nous arrêtions pas devant elle.
Fils de Binlin, nom signifiant « celui qui a raison (en justice) »
ou « le fort », « le solide », il adjoindra son nom, Dadié, « le cou-
teau », à celui de son père pour en faire un nom de famille. Le
prénom chrétien de Gabriel, l'archange annonciateur, viendra, le
22 décembre 1901, compléter le nom africain.
En ce nom prémonitoire sont donc, pour ainsi dire, fixées la
personnalité et l'action à venir de cet homme exceptionnel. Lui,
dont toute l'action tendra à préparer des temps nouveaux pour la
Côte-d'Ivoire et l'Afrique, s'enracine par son nom dans un passé,
une généalogie, en même temps qu'il s'affirme déjà du futur. Un
nom qui le résume.
Si, dans l'ensemble, les écoles françaises, encore rares, atti-
raient peu d'élèves du fait de la répugnance des notables, des
vieux, des familles à laisser élever leurs enfants autrement que
selon les canons traditionnels, il en allait un peu différemment
dans les régions les plus anciennement ouvertes à l'influence fran-
çaise : Assinie, Tabou, Bondoukou. Là, dès le début du siècle, les
parents acceptèrent, avec réticence, de confier leurs enfants aux
maîtres français. Ils constitueront la première armature administra-
tive, les premiers cadres proprement ivoiriens de la colonisation.
Gabriel Dadié commence donc ses études à l'école de la mis-
sion d'Assinie, implantée là en 1897. Puis il entre en 1902 à l'école
publique de Grand-Bassam où quelques instituteurs laïcs ensei-
gnent depuis 1895. Des pointes épidémiques de fièvre jaune frap-
pant, de 1902 à 1903, maîtres et élèves, obligent à la fermeture de
l'école. (L'épidémie de 1899 avait déjà entraîné le transfert de la
capitale de la colonie de Bassam à Bingerville.) Il s'oriente alors
vers le service des Postes, qui constitua, au début de la Côte-
d'Ivoire moderne, une pépinière d'hommes de valeur. En 1903,
encore tout jeune garçon, il fait partie, en tant qu'apprenti télégra-
phiste, des équipes du capitaine Schiffer qui installe entre Dabou et
Tiassalé une partie de la ligne devant relier Bingerville à Bouaké et
Korhogo. Cette ligne, qui suit le chemin des caravanes et servira à
la pénétration du pays baoulé, part de Dabou, passe par Tiassalé,
Singrobo, Ouessou, Toumodi et aboutit à Bouaké.
Très vite, G. Dadié franchit les échelons : télégraphiste mani-
pulant à Dabakala en décembre 1904, puis à Grand-Bassam en
juillet, on le retrouve receveur (il s'agit en fait d'en remplir seule-
ment les fonctions : les fonctionnaires indigènes ne sont que
gérants-receveurs) à Assikasso en 1906, à Zaranou en 1908. En
1909, il passe commis auxiliaire à 1 000 francs par an. A cette épo-
que de « pacification », la vie de receveur était mouvementée.
Aussi, pour réduire les effets conjugués de l'isolement, du dépayse-
ment et du risque dans des localités sans confort, au milieu de
populations franchement hostiles à l'implantation du chemin de fer
comme du télégraphe qui assurent leur assujettissement à l'admi-
nistration coloniale, les employés du télégraphe ne restent que
quelques mois dans le même poste et sont affectés, entre temps,
aux bureaux importants de la bordure côtière. Ainsi, la carrière de
Gabriel Dadié est jalonnée de mutations fréquentes : Alépé,
Kodiokoffi, Agboville, Bingerville, Assikasso, Bondoukou,
Bassam.
On peut penser que la connaissance directe qu'il eut alors des
résistances autochtones à la présence française et des méthodes de
pacification du gouverneur Angoulvant entrera pour quelque chose
dans l'attitude de G. Dadié à partir de 1922, lui, le Nzima5 d'Assi-
nie, par son origine allié traditionnel des Français.
A la déclaration de guerre, volontaire pour aller aux armées, il
est mobilisé sur place à Bingerville. Il doit y assurer un service
rendu pénible par la proximité du Togo et des opérations de guerre
qui s'y déroulent. Il travaille nuit et jour sans relève, ce qui lui
vaut au bout de trois mois les félicitations officielles du gouverneur
Angoulvant et l'attribution d'un fusil d'honneur. En 1919, après
Bondoukou et Bassam, il est nommé à Assinie où il assure les
fonctions de « chef du poste administratif et agent spécial » en
même temps que celles de « receveur des Postes et des Télégra-
phes ». Cette promotion est exceptionnelle dans le contexte colo-
nial d'alors, même si l'on tient compte des bouleversements entraî-
nés par la guerre. Il recevra un témoignage de satisfaction du
gouverneur de la Côte-d'Ivoire. Toutes choses qui en disent long
sur les qualités personnelles et professionnelles de Gabriel Dadié,
naturalisé français le 2 février 1920.

La naissance de Binlin Dadié


Entre temps, d'Enuayé Ouessan d'Assinie, dont le nom signi-
fie « elle rassemble », il a eu en 1916 un fils, l'aîné de ses enfants
mâles : Koffi Binlin Dadié.
Koffi fut le seul prénom du futur écrivain jusqu'à ce qu'il
reçoive le baptême chrétien en 1925. Il signifie « né le vendredi »,
et celui qui le porte est annoncé en langage tambouriné comme
celui qui « offre la boisson mais boit de l'eau », autant dire « le
généreux ».

Chemin d'Europe
Gabriel Dadié n'a pas renoncé à partir pour le front, mais,
malgré son insistante demande, il n'est incorporé qu'en mars 1921.
Il part avec le régiment de Dakar pour la France en avril et effec-
tue son service au 8e régiment de sapeurs télégraphistes du Génie
de Tours, le terminant avec le grade de sergent le 1 octobre 1922.
Dakar, puis la France vont ouvrir son horizon, le cercle de ses
contacts et de ses amitiés. Ainsi rencontre-t-il à Paris diverses per-
sonnalités noires, en particulier l'Antillais Maurice Satineau, fon-
dateur, en 1928, de la Dépêche africaine, « grand organe indépen-
dant de correspondance entre les Noirs ».

Le militant de la dignité
A son retour en Côte-d'Ivoire, « Africain français, mais Afri-
cain avant tout », comme l'écrit son fils Bernard, Gabriel Dadié
emploie sa qualité de citoyen français à tenter de « changer le
contenu colonial », selon son expression favorite que rapporte
Joseph A n o m a lequel fut quelque peu son disciple, son compa-
gnon et son parent. Très ouvert, sans complexe et sans racisme de
retour à opposer au racisme blanc, on le voit sur le bateau qui le
ramène au pays faire connaissance avec un Lagarosse — futur
sénateur et adversaire acharné — qui vient pour la première fois en
Côte-d'Ivoire, et lui donner des conseils afin de l'aider à s'ins-
taller.
Commis de première classe du cadre secondaire de l'Afrique
occidentale à la solde de 6 000 francs, il reprend son poste de rece-
veur des Postes en 1923 à Bassam, à Bouaké, puis à Dimbokro.
Là, il retrouve Georges Kassi et aussi Joseph Anoma alors institu-
teur, lequel rapporte que le soir, chez Dadié, se tenaient des réu-
nions politiques.
Mais en 1924, il démissionne de l'administration quand, ayant
prétendu aux mêmes avantages que les postiers citoyens français
blancs, ces droits lui sont refusés. Combattre avec acharnement les
injustices, lutter pour la reconnaissance de la dignité de l'homme
noir et de l'égalité des droits avec le Blanc sont des principes sur
lesquels il ne transige pas. Ses démêlés avec les colons et l'adminis-
tration coloniale en font foi. « Lui qui était citoyen français depuis
toujours, pratiquement, j'allais dire, il bâtira toute sa réussite sur
le seul critère de son identification nègre », a souligné fort juste-
ment Doudou G u e y e

Le planteur et le notable
De 1924 à 1925, on le retrouve donc, en pleine période du
« boom » forestier (1920-1930), surveillant de chantier avec Laga-
rosse, puis exploitant forestier à Rubino, d'abord au service, puis
aux côtés de Français anciens collègues des Postes, les frères Clâa.
En 1925-1926, il est à Agboville où il met sur pied, parallèlement à
l'exploitation forestière, une entreprise de petit transport. En 1925,
il projette de contracter une alliance — son union avec Enuayé
Ouessan s'étant défaite — avec une petite-nièce de Yamoussò,
grand-tante de Félix Houphouet-Boigny. Entre 1928 et 1932, il
étend ses activités de planteur. Il est électeur à la Chambre de
commerce et au Conseil supérieur des colonies dès 1927-1928, et le
Journal officiel de la Côte-d'Ivoire le mentionne en 1939 comme
électeur à la Chambre d'agriculture.
Du début de la vie aux dernières années, Gabriel Dadié est
bien un des « notables » de la Côte-d'Ivoire, au même titre que
beaucoup de ces colons blancs qu'il aidera parfois dans leurs
débuts difficiles. En fait, le prestige dont il jouit auprès des Ivoi-
riens comme des Français est évident. Sévère, rigoureux, très actif
et travailleur, il est en même temps un homme de contact.
A l'arrivée de Binger, qui effectue, en 1927, un dernier voyage
en Côte-d'Ivoire, il est délégué par ses pairs africains-français pour
prononcer le discours de bienvenue. Surtout, il est le conseiller de
deux des principaux chefs d'alors : Obodji Soboa, nommé chef
supérieur des Abbey par les Français, puis, à partir de 1927, Boa
Kouassi, roi et chef supérieur de l'Indénié, qui passe pour l'homme
le plus riche du pays. Il accompagne ce dernier à Dakar, au
Conseil du Gouvernement général de l'A.O.F., comme secrétaire-
conseiller, ainsi qu'à Paris pour l'Exposition coloniale de Vincen-
nes en 1931. Mais il s'éloignera de ces hommes quand il jugera que
leur action ne sera plus conforme aux principes qu'il défend.
En même temps, par son action et ses conseils, Dadié suscite
et encourage le développement de la classe toute nouvelle des plan-
teurs africains qui ont pour noms Georges Kassi, Joseph Anoma,
Fulgence Brou et, bien entendu, Félix Houphouet qu'il connaît dès
avant son départ pour la France, auquel le lie ensuite une alliance
familiale et qu'il connaîtra mieux à Abengourou, puisque Hou-
phouet est le neveu par alliance de Boa Kouassi. Il apprécie d'ail-
leurs tout à fait la lettre ouverte au titre retentissant : « On nous a
trop volés » qu'Houphouet publie, le 22 décembre 1932, dans le
Trait d'union de Zimmermann contre la politique de l'administra-
tion coloniale française. Il l'aide, à Abengourou, à organiser la
résistance des paysans africains contre l'exploitation dont ils sont
l'objet8.

L'animateur et l'organisateur
Surtout, après la crise du cacao et du café de 1942, il inspire et
anime de façon déterminante la formation, le 10 juillet 1944, à
« l'Étoile du Sud » à Treichville, du Syndicat agricole africain qui
porte à sa tête le médecin et planteur Félix Houphouet. C'est la
première organisation qui, avant la Conférence de Brazzaville,
avant la Constituante de 1945, préconise la liberté du travail et le
métayage librement consenti. Et c'est ce syndicat qui, avec la
Société coopérative des planteurs africains (P.A.C.), annoncée au
Journal officiel du 15 avril 1945, et l'appui des Comités d'études
franco-africaines (C.E.F.A.), créés à Dakar au début de 1945 et
vite implantés dans toute l'A.O.F., va constituer la première arma-
ture du front électoral qui portera le candidat Houphouet à la
députation le 18 novembre 1945. On oublie en effet trop souvent
que, lors des élections à la Constituante, les communistes appellent
à voter contre Houphouet, accusant ce candidat et les forces qui le
soutiennent de séparatisme. Ce sont donc bien les forces ivoirien-
nes, regroupées et galvanisées par des organisations autochtones,
au sein desquelles Gabriel Dadié joue un rôle décisif, qui condui-
sent à la victoire du candidat H o u p h o u e t
Il est intéressant de voir comment l'action de Gabriel Dadié a
été appréciée, notamment par Ouezzin Coulibaly, un des chefs
prestigieux du P . D . C . I . - R . D . A . En avril 1956, lors du baptême
de l'avenue 8 à Treichville, devenue à cette date avenue Gabriel-
Dadié — cérémonie présidée par le ministre délégué à la présidence
du Conseil, Houphouet-Boigny 11 —, après avoir rappelé à grands
traits la carrière administrative de Dadié, Ouezzin continua :
« C'était l'ère des grandes entreprises agricoles et forestières. Dadié
devint exploitant forestier et, deux ans après, planteur de café. Son
exemple fut suivi et, quelques années après, nous avions de gros plan-
teurs africains tels les Georges Kassi, Félix Houphouet-Boigny,
Joseph Anoma, Fulgence Brou, Marcel Laubhouet, etc. Mais en
même temps aussi va commencer, pour Dadié et ses compagnons, la
lutte pour l'affirmation de leur personnalité et de leurs droits. Un
groupe d'hommes dont il était en t ê t e prenait conscience de leur
valeur. Et, devant les horreurs du travail forcé et l'injustice de la
réglementation officielle de la main-d'œuvre, se constituait le puis-
sant Syndicat des planteurs africains. Parlant presque toutes les lan-
gues de Côte-d'Ivoire, Gabriel Dadié fut l'animateur infatigable de
cet organisme qui posait, pour la première fois dans le pays, des
revendications collectives d'une haute portée sociale. A la naissance
du R.D.A., le Syndicat des planteurs africains forma la première
armature et Dadié devint aussitôt l'homme politique avisé, le doyen
des dirigeants du mouvement. Militant convaincu et conscient de la
justesse de ses idées, il prit part aux campagnes électorales épiques de
1945 et 1946, défendit avec acharnement les principes d'émancipation
de la Constitution. Atteint par un mal retors, il resta, durant les qua-
tre années de souffrance, l'homme des sages solutions et le conseiller
à la technique éprouvée. Il mourut les mains jointes, comme s'il nous
recommandait d'unir toujours. »
Au long de son itinéraire, ce qui guida Gabriel Dadié, ce
furent les principes dégagés ci-dessus et un pragmatisme évident.
Pour « changer le contenu colonial », il lui fallait pouvoir s'expri-
mer, et, pour cela, il dut franchir des degrés : obtenir la citoyen-
neté sans laquelle il y avait peu de chances, avant 1945, d'être
entendu et posséder des moyens financiers. Il est évident que l'enri-
chissement, pour un Gabriel Dadié, n'était pas une fin en soi et
qu'il ne s'agissait point pour lui que la classe des planteurs afri-
cains se constituât au détriment des autres couches de la popula-
tion, qu'elle représentât l'embryon d'une bourgeoisie noire aussi
avide de pouvoir et âpre au profit que la bourgeoisie coloniale
d'alors. Il s'agissait de faire pièce aux colons en luttant sur le ter-
rain où ils seraient les plus vulnérables, avec les moyens disponi-
bles. Par la suite, il n'hésitera pas, personnellement, à s'appauvrir
considérablement en mettant tout son bien à la disposition du
R.D.A. D'autre part, il ne se lia jamais au service d'un leader en
puissance sinon dans l'espoir que l'action de cet homme serait
bénéfique pour la Côte-d'Ivoire ; s'il s'avérait qu'il s'était trompé,
que l'action du chef ne correspondait pas à ce qu'il en attendait, il
s'éloignait : il en fut ainsi pour Obodji Soboa, en 1927. Mais il sut
aussi faire taire ses ressentiments personnels, tout justifiés qu'ils
fussent, afin que triomphât la grande cause de l'émancipation afri-
caine au service de laquelle il s'était depuis si longtemps mis. Dans
la bataille politique qui suivit la Libération, même si ce fut avec la
discrétion qui sied à celui qui veut avant tout préserver l'unité d'un
mouvement, il ne manqua pas de prendre ses distances avec les col-
lègues planteurs et autres dont l'action lui semblait dictée plus par
des motifs égoïstes que par le souci de l'intérêt réel du peuple :
« J'entends vos tam-tams parleurs, mais je ne viendrai pas »,
répondait-il à certains qui sollicitaient l'appui de sa présence.
Beaucoup d'idées, comme le soulignaient Joseph Anoma et
Doudou Gueye, mais aussi beaucoup de livres et beaucoup de jour-
naux, comme le rappelle souvent son fils, circulaient dans sa mai-
son. Ainsi, les ouvrages de Marcus Garvey, mais aussi des jour-
naux : la Dépêche africaine de Satineau déjà citée (1928), la revue
Africa de Tiemoko Garan Kouyaté (1935), surtout les journaux
sénégalais : l'A.O.F. de Carpot (1922) et de Lamine Gueye (1924),
opposé à Blaise Diagne, le Périscope africain du Père Martin
(1929), le Sénégal, pro-dioufiste (1934), passaient sous les yeux du
jeune garçon. Dans Commandant Taureault, sous le pseudonyme
transparent de Gada (Gabriel Dadié), vieux militant de
l'A.P.I.D.A. (Association pour l'indépendance des autochtones),
Bernard Dadié le fait s'exprimer sur la période de l'entre-deux-
guerres :
« Nous entendions de temps à autre parler d'un Senghor commu-
niste, d'un Marc Codjo Tovalou, de nègres qui s'unissaient à Paris
pour défendre les intérêts de l'Afrique, de l'existence de journaux
interdits tels que le Nègre enchaîné, le Travailleur nègre et les
Continents. Un rideau d'airain voulait nous séparer du monde
entier. Un autre journal fut fondé par des nègres : la Dépêche afri-
caine. Les quelques numéros qui purent franchir les lignes douanières
parce qu'ils étaient adressés à des hommes considérables, à des
citoyens français, nous montrèrent les photos des nègres avocats,
écrivains, professeurs, artistes, poètes, industriels. Nous n'avions pas
besoin de les connaître ; les regarder était la preuve que nous pou-
vions n o u s réaliser nous a u s s i »
O n parlait aussi, se souvient Bernard Dadié, de Lamine Sen-
ghor, des droits de l'homme, de la guerre d'Ethiopie. Terre d'ébène,
le livre-reportage accablant d'Albert Londres sur la colonisation
(1928), y était lu et commenté, ainsi que la presse de Gold Coast
qui circulait souvent sous le manteau (son entrée était réglemen-
tée), mais était d'un accès relativement aisé pour le milieu lettré
nzima-agni dont les p o p u l a t i o n s sont à cheval sur la frontière.
Les correspondances et les amitiés de cet h o m m e de contact
étaient internationales, interraciales, nombreuses, et de qualité.
Mais c'est évidemment en Côte-d'Ivoire m ê m e qu'elles furent pré-
cieuses pour la cause qu'il défendait et que défendait le Syndicat
des planteurs africains avec, à sa tête, Houphouet. C'est en partie
grâce à Dadié, grâce à l'amitié qui le liait au M o r o N a b a des
Mossé ou au prince des Sénoufo, G b o n Coulibaly, qu'Houphouet
put recruter plus de mille cinq cents K o r h o g o et plus de trois mille
cinq cents Mossé c o m m e m a n œ u v r e s libres et faire ainsi pièce aux
planteurs blancs. C'est lui qui ira présenter, dans la région
d'Aboisso, en 1945, le candidat à la députation Houphouet. O n
sait moins qu'avant la guerre de 1940 il avait beaucoup recom-
m a n d é et favorisé l'envoi d'écoliers en France, car il ne croyait
point à cette école coloniale qui, à ses yeux, ne formait pas les
vrais cadres d o n t la C ô t e - d ' I v o i r e a u r a i t b e s o i n p o u r c h a n g e r l'état
des choses. Aussi ne put-il qu'être pleinement d'accord avec
l'action du député Houphouet-Boigny quand ce d e r n i e r e n v o y a les
boursiers de 1946 en France. Trois de ses e n f a n t s partirent ainsi.

L'appel au fils

E n 1947, se s e n t a n t fatigué — la maladie de c œ u r qui devait


l'emporter c o m m e n c e à l'affaiblir — Gabriel D a d i é fait revenir son
fils B e r n a r d de Dakar (voir plus loin, page 38), se p r é t e n d a n t plus
m a l a d e qu'il n'est. Il a c o m p r i s qu'il f a u t u n e p l u m e ivoirienne à la
lutte e t il f a i t v e n i r celui qui pourra le m i e u x la tenir.
Pendant la détention de son fils à Bassam, de février 1949 à
avril 1 9 5 0 , il le s o u t i e n t a v e c f i e r t é , c o m m e il s u i t e n s u i t e a v e c i n t é -
rêt la rédaction des articles du Démocrate que Bernard Dadié, le
véritable rédacteur en chef du journal, compose chaque jour dans
sa chambre de la concession paternelle.
E n mars 1953, alors que l'on rejuge les a c c u s é s du procès de
Bassam de 1950 dont le j u g e m e n t a été cassé en 1952 et q u e Ber-
nard Dadié retrouve pour un temps, c o m m e une ultime et vaine
brimade, le c h e m i n d e la p r i s o n d ' A b i d j a n d a n s l'attente d u procès
de révision, Gabriel Dadié, très affaibli, trouve assez de force p o u r
retenir la vie j u s q u ' à la sortie de prison de son fils, j u s q u ' à la fin
d u procès qui annule celui de 1950 et qui se c o n c l u t par un acquit-
tement général, signe de la victoire politique du R.D.A., signe
aussi de l'avènement de ces temps nouveaux pour lesquels il a v a i t
tant œuvré. Il m e u r t le 16 m a i 1953, à soixante-deux ans.
L a m è r e a b s e n t e

Les rapports d ' u n tel p è r e a v e c s o n fils n e furent pas toujours


faciles. Le jeune Koffi Binlin Dadié a peu connu la d o u c e u r de la
présence maternelle. E n effet, à son départ au service militaire, le
père, se défiant de l'environnement d'Assinie et voulant conjurer
u n sort cruel qui s'appesantissait sur les e n f a n t s d ' E n u a y é O u e s s a n
(deux sœurs et u n frère utérins de Koffi avaient déjà été e m p o r t é s
p a r la m o r t ) , avait, en a c c o r d avec elle, confié s o n fils à ses f r è r e s .
Ainsi, dès l'âge de cinq ans, celui-ci passe-t-il sous la g a r d e de son
oncle Mélantchi, aîné de Gabriel, en son campement de Binger-
ville, avant de se r e t r o u v e r plus directement sous l'autorité pater-
nelle à G r a n d - B a s s a m , Agboville ou Abengourou.
Il ne faudrait certes pas s'imaginer la famille et l'éducation
familiale en Côte-d'Ivoire, au début du siècle, sur le modèle
d'aujourd'hui dès lors qu'il est européanisé. L a cellule familiale
n'existe p a s e n t a n t q u e telle. L a f a m i l l e est la f a m i l l e élargie, et les
oncles, les t a n t e s , les b e l l e s - m è r e s p e u v e n t se s u b s t i t u e r a u p è r e et à
la mère sans que cela choque ou surprenne. Les rapports d'inti-
mité, d'affection entre parents et enfants sont discrets, pudiques,
peu extériorisés, et ce sont les rapports hiérarchiques qui sont
davantage manifestés. Par ailleurs, l ' a d a g e connu « Qui aime bien
châtie bien » est valable, alors, dans t o u s les s y s t è m e s d ' é d u c a t i o n ,
européen, africain o u asiatique, en milieu familial c o m m e en
milieu scolaire.

Il n ' e n demeure pas moins que, si B e r n a r d Dadié parle volon-


tiers dans ses interviews du père, des oncles et du milieu familial
paternel, il e s t d'une discrétion quasi totale sur sa mère. A u s s i est-
o n amené à son sujet à questionner l'œuvre et en particulier le
r o m a n Climbié qui met en scène un héros qui lui est p r o c h e :

« C l i m b i é é t a i t s e u l . E n v o y a n t l e s m a m a n s d e s e s c a m a r a d e s , il p e n -
sait à la sienne q u ' i l connaissait à peine, d o n t a u c u n trait accusé ne
lui p e r m e t t a i t d e d i r e : " M a mère est d e telle taille, d e telle c o r p u -
lence. Elle est b o r g n e . Mais de quel œil ? " Il n e l e s a v a i t p a s . E t le
plus terrible, c'est q u ' e l l e ne v o u l a i t p a s q u e C l i m b i é vînt la voir, de
p e u r q u e lui aussi n e m e u r e d u m a l m y s t é r i e u x q u i a v a i t e m p o r t é b r u -
t a l e m e n t t r o i s d e ses e n f a n t s à l ' â g e d e q u a t r e a n s . Ils se c o u c h a i e n t le
s o i r e t le m a t i n n e se r é v e i l l a i e n t p l u s . D a n s l a f a m i l l e , o n a c c u s a i t l a
g r a n d - m è r e d e les d o n n e r a u x festins n o c t u r n e s d e s sorciers. C l i m b i é
a v a i t p o u r t a n t f r a n c h i le c a p t r a g i q u e s a n s d i f f i c u l t é . M a i s la m a m a n
n'était p a s r a s s u r é e et c'est p o u r q u o i , a p r è s a v o i r é l o i g n é s o n fils d u
v i l l a g e , elle n e v o u l a i t à a u c u n p r i x q u ' i l y r e m î t les p i e d s »

Après sa réussite au certificat d'études primaires, Climbié


entre au Groupe scolaire central, la fameuse école primaire supé-
rieure (E.P.S.) de Bingerville. Il s o n g e à s a m è r e le p r e m i e r j o u r de
la rentrée, « u n lundi de la fin d u mois de septembre », qui mar-
que une étape importante de sa vie :
« Sa mère, il ne la connaissait pas très bien pour l'avoir quittée très
jeune. Avait-il connu les caresses d ' u n e mère ? Il se rappelait seule-
ment qu'elle ne le battait j a m a i s parce qu'il était enfant u n i q u e »
C e s lignes é m o u v a n t e s p e r m e t t e n t d ' i d e n t i f i e r le s e n t i m e n t
q u ' é p r o u v e C l i m b i é a v e c celui q u e d u t é p r o u v e r s o u v e n t , d a n s s a
p r e m i è r e adolescence, B e r n a r d Dadié lui-même. Elles sont d ' a u t a n t
p l u s p r é c i e u s e s q u ' e l l e s s o n t r a r e s d a n s la p r o s e p u b l i q u e , a v a r e
d ' é p a n c h e m e n t s intimes, de Dadié. L ' i m p r e s s i o n d'isolement affec-
t i f q u i s ' e n d é g a g e s ' e x p l i q u e si l ' o n se r a p p e l l e q u e s o n p è r e ,
c o m m e c'était courant d'ailleurs à l'époque, contracta d'assez
n o m b r e u s e s a l l i a n c e s et m a r i a g e s — u n e f a ç o n certes d e d é v e l o p p e r
le cercle d é j à v a s t e d e ses r e l a t i o n s et a m i t i é s — , et q u e la m a i s o n
d e G r a n d - B a s s a m é t a i t a u s s i celle des é p o u s e s successives et d e
l e u r s e n f a n t s . (Il n ' y a, d e f a i t , q u e d a n s les é t u d e s e t h n o g r a p h i -
q u e s et s o c i o l o g i q u e s m o d e r n e s q u e l ' o n p r é s e n t e la c o h a b i t a t i o n
d e l ' e n f a n t a v e c l a c o - é p o u s e o u la b e l l e - m è r e c o m m e s a n s inci-
d e n c e p s y c h o l o g i q u e s u r l ' e n f a n t a f r i c a i n . ) L a sévérité d e l ' é d u c a -
t i o n e l l e - m ê m e n e p o u v a i t q u e r e n f o r c e r ce s e n t i m e n t i n t i m e d ' i s o -
lement affectif.
C o m m e B e r n a r d D a d i é l ' a r a p p e l é d a n s les d i f f é r e n t s e n t r e -
t i e n s q u ' i l a b i e n v o u l u n o u s a c c o r d e r , a v a n t d ' a l l e r à l ' é c o l e , il lui
f a l l a i t d ' a b o r d a l l u m e r o u r a v i v e r le f e u , f a i r e le m é n a g e , l a v e r les
a s s i e t t e s , b a l a y e r , f a i r e les lits, le m a r c h é , p i l e r les b a n a n e s p o u r le
f o u t o u d e m i d i . E t , m a l g r é t o u t cela, il d e v a i t être à l ' h e u r e à
l ' é c o l e , s i n o n il é t a i t p u n i e n classe, et p u n i d e r e c h e f à la m a i s o n
o ù il r e v e n a i t , b i e n s û r , e n r e t a r d . L e fait q u e c ' é t a i t l à l ' é d u c a t i o n
d u t e m p s — il le r e c o n n a î t r a p l u s t a r d — n ' a t t é n u a i t p a s , a l o r s , le
s e n t i m e n t d ' a m e r t u m e q u i , p a r f o i s , s ' e m p a r a i t d e lui : il se ven-
g e a i t e n b r i s a n t , p a r e x e m p l e , la vaisselle. Il lui a r r i v a m ê m e , lors
d ' u n e absence prolongée de son père, plutôt que d'aller manger
c h e z ses p a r e n t s p a r a l l i a n c e , d e se n o u r r i r d ' a r g i l e , d e n o i x de
c o c o et d e s restes d e n o u r r i t u r e q u ' u n c u i s i n i e r d ' E u r o p é e n s d u
v o i s i n a g e , é m u p a r s a d é t r e s s e , lui r é s e r v a i t . O n est en d r o i t de
penser que cette é d u c a t i o n sévère n ' a u r a i t pas tant m a r q u é son
e n f a n c e et s a p r e m i è r e a d o l e s c e n c e si s a m è r e a v a i t été à ses côtés.
D ' a u t a n t p l u s q u ' i l ne d é c o u v r i r a q u ' a u s o r t i r d e l ' a d o l e s c e n c e la
tendresse pleine de sollicitude de s o n père.
C e p è r e , q u ' i l « a d m i r a i t » b i e n q u ' i l e n a i t eu u n e « p e u r
b l e u e », c o m m e il l ' é c r i t d a n s le n u m é r o 3 de la r e v u e de la F o n d a -
t i o n H o u p h o u e t - B o i g n y q u i lui est c o n s a c r é , ce p è r e q u i b a t t a i t
f o r t ses e n f a n t s , et p l u s f o r t e n c o r e d e la m a i n g a u c h e q u e d e la
m a i n d r o i t e , se r é v è l e t o t a l e m e n t à s o n fils le j o u r o ù celui-ci
t o m b e g r a v e m e n t m a l a d e . Il le p r e n d d a n s ses b r a s , le d é p o s e s u r
s o n p r o p r e lit :
« M o n père veilla une semaine entière, laissant en place toutes ses
affaires. J'avais alors quinze ans. Sorti de ma léthargie, je fus frappé
par ses traits tirés : je compris quelle sorte d ' h o m m e il était, et c'est à
partir de ce jour-là que je me suis vraiment rapproché de l u i »
Il est c e r t a i n e m e n t p a s s é b e a u c o u p d u c a r a c t è r e d u p è r e d a n s
le fils. C a r a c t è r e o m b r a g e u x , à l a fois o u v e r t et r é s e r v é , p u d i q u e ,
clos s u r t o u t ce q u i t o u c h e à l ' i n t i m i t é des s e n t i m e n t s , i n t r a i t a b l e
s u r les a t t e i n t e s à la d i g n i t é d e l ' h o m m e , g é n é r e u x a v e c t o u s . C e r -
t a i n s de ces t r a i t s , d ' a i l l e u r s h é r i t é s d u p è r e , c o m m e l ' i s o l e m e n t
a f f e c t i f d û à l ' a b s e n c e d e la m è r e , p e u v e n t e x p l i q u e r d a n s u n e cer-
taine mesure l'itinéraire scolaire c a h o t e u x de la première partie des
études du jeune Koffi Bernard.

Des études primaires cahoteuses

E n 1922-1923, B e r n a r d D a d i é est i n s c r i t à l ' é c o l e d u q u a r t i e r


F r a n c e de G r a n d - B a s s a m , mais, a y a n t vu b a t t r e u n e n f a n t
j u s q u ' a u s a n g , il s ' e n f u i t d e cet é t a b l i s s e m e n t o ù la p é d a g o g i e f a i t
t r o p b o n m é n a g e a v e c l ' a r t d e m a n i e r la c h i c o t e . C o m m e s o n h é r o s
C l i m b i é , il p e n s e a l o r s q u ' i l « n e r e t o u r n e r a p l u s d a n s c e t t e éco l e
o ù l ' o n é t a i t b a t t u c r u e l l e m e n t et o ù , c h a q u e soir, à la s o r t i e des
classes, l ' o n d e v a i t aller a u b o r d d e l ' o c é a n v i d e r les t i n e t t e s des
W . C . 1 9 . » Il r e j o i n t le c a m p e m e n t d e R u b i n o o ù s o n p è r e et s o n
o n c l e s o n t d e v e n u s e x p l o i t a n t s f o r e s t i e r s , m a i s il n e reste p a s i n a c -
tif. L e m a t i n , il s o i g n e les m a n œ u v r e s m a l a d e s et a p p o r t e à m a n g e r
à ses p a r e n t s s u r le c h a n t i e r . Il a r r i v e m ê m e q u ' o n c o n f i e à cet
e n f a n t d e h u i t a n s la t â c h e difficile d ' a l l e r p r e n d r e l ' a r g e n t d e la
p a y e d é p o s é e c h e z l ' o n c l e E d o u a r d A c k h a à B a s s a m ; p o u r ce
f a i r e , il d o i t p a r c o u r i r p l u s d e c e n t k i l o m è t r e s e n t r a i n et h u i t à
p i e d
E n 1925, d e u x i è m e t e n t a t i v e p o u r aller à l ' é c o l e . M a i s l a i s s o n s
la p a r o l e à l ' é c r i v a i n l u i - m ê m e q u i , a v e c h u m o u r , r a p p e l l e d a n s
s o n d i s c o u r s de r é c e p t i o n à l ' A c a d é m i e des s c i e n c e s d ' o u t r e - m e r , le
7 m a i 1970, les c i r c o n s t a n c e s d e s o n r e t o u r à l ' é c o l e :
« Il fallut tenir un conseil de famille pour savoir s'il me fallait retour-
ner à l'école. L a famille réunie un soir, l'oncle et le p a p a n'étaient
pas d ' a c c o r d . Le premier tenait à me voir à l'école, le second ne le
voulait pas. P o u r les départager, on me d e m a n d a de réciter l'alpha-
bet. " A , B, C, D " , et mon oncle de s'écrier : " I l faut le remettre à
l'école ! " C'était tout ce que je savais de l'alphabet. Première
chance. Je devais reprendre les classes en 1925. »
S c è n e é m o u v a n t e d a n s ce c a m p e m e n t f o r e s t i e r , c o m m e est é m o u -
v a n t e l ' a f f e c t i o n q u e l ' é l è v e v o u e r a , m a l g r é la p o i g n e de fer d o n t il
fait m o n t r e , au m a î t r e auquel son père l'a confié : Satigui Sanga-
r e t , i n s t i t u t e u r à D a b o u . C ' e s t le p r é n o m d e ce m a î t r e , sévère m a i s
a u x q u a l i t é s d ' e n s e i g n a n t c e r t a i n e s et r e c o n n u e s , q u ' i l p r e n d r a l o r s
d e s o n b a p t ê m e c h r é t i e n en j u i n 1926.
C e p e n d a n t , m a l g r é la q u a l i t é d e cet e n s e i g n e m e n t , il é c h o u e a u
c o n c o u r s des b o u r s e s q u i lui a u r a i t p e r m i s d ' a c c é d e r à l ' é c o l e
r é g i o n a l e . E n c o r e u n e f o i s , c ' e s t l ' i n t e r r u p t i o n d e s é t u d e s , le c a m -
p e m e n t , c e t t e fois-ci la p l a n t a t i o n d ' A g b o v i l l e . E n c o r e u n e f o i s,
l'oncle Melantchi — celui-là même, illettré pourtant, qui avait
insisté pour q u ' o n le remît à l'école après sa première escapade —
plaide pour u n autre essai, convaincu qu'il est que, « dans le
monde actuel, il faut savoir lire et écrire pour être vraiment quel-
q u ' u n ».
Mais à qui confier cet enfant turbulent qui n'est que plaies et
bosses ? Désormais, c'est la maison de Bassam et l'école du quar-
tier France en 1927-1928, puis l'école régionale de 1928 à 1930, qui
vont l'accueillir. Et là, de nouveau, malgré le succès qui couronne
désormais ses études, il refuse un jour de retourner en classe parce
que l'instituteur l'a tellement battu q u ' e n se sauvant il est tombé
évanoui et que des passants ont dû le ramasser et le ramener chez
les siens. Son père le reconduit p o u r t a n t à l'école. Heureusement,
son succès brillant au certificat d'études primaires le 17 juin 1930
(deuxième sur quatre-vingt-neuf reçus) lui permet d'entrer à l'école
primaire supérieure de Bingerville. Cependant, les difficultés nées
du caractère bouillant du jeune garçon et de la pédagogie discuta-
ble des maîtres d'alors, qu'ils fussent noirs ou blancs d'ailleurs,
n'allaient pas s'arrêter aux portes de l'E.P.S.

Le « g r o u p é e n » de Bingerville

Une vie dure

Le groupe scolaire central de Bingerville réunissait tous les élè-


ves, les « groupéens », provenant des écoles régionales après une
sélection par le C . E . P . des meilleurs éléments. La vie était loin d'y
être facile : installations sommaires, corvées, discipline stricte. Et,
malheureusement, le directeur Rousseau — le terrible Gongohi de
Climbié — partisan convaincu de la méthode forte, continuait
pour l'enfant la triste série des instituteurs pour qui les auxiliaires
nécessaires d ' u n e bonne éducation sont la gifle et le bâton. Dans
son discours de réception à l'Académie des sciences d'outre-mer où
il énumère les chances qui ont jalonné sa vie, Dadié a raconté à ce
sujet u n épisode significatif :
« Ma seconde chance, c'était l'école primaire supérieure de Binger-
ville en 1931. Un jeudi, deux amis et moi étions de corvée pour net-
toyer notre salle de classe. Le règlement interdisait d'y rester après le
nettoyage. Ce jeudi-là, nous étions donc dans la classe à faire nos
devoirs lorsque survint le directeur qui gifla l'un d'entre nous. Ce fut
le sauve-qui-peut. Moi, je sortis par la fenêtre, mais en laissant mon
pagne entre les mains du directeur. Il m'intima l'ordre de venir pren-
dre le pagne. Je refusai. Ici se pose un problème : en Afrique,
lorsqu'un enfant est menacé ou battu par un parent, la coutume
demande qu'il se sauve, tout comme c'est de l'insolence que de regar-
der une personne âgée dans les yeux. Je refusai donc et le directeur,
furieux, se précipita dans son bureau... »
Vint le temps où un nouveau directeur remplaça Rousseau. Ce fut
Béart. Celui-ci d e m a n d a bientôt au jeune Dadié pourquoi il avait
des notes aussi mauvaises.
« Je lui expliquai ce qui s'était passé ce jour-là, lorsque le directeur
qu'il avait remplacé avait pris mon pagne. Charles Béart déchira le
dossier, ce qui me permit d'entrer à l'école normale William-Ponty.
Ma seconde chance, car pour être fonctionnaire africain, l'apprécia-
t i o n d u c a r a c t è r e c o m p t a i t p l u s q u e les n o t e s d e t r a v a i l . »

Béart, par une pédagogie nouvelle, une discipline librement


consentie qui s'apparentait à une auto-discipline, changea, de 1931
à 1933, l'atmosphère de l'école :
« Avec le départ de Gongohi et l'arrivée de B..., l'école prit un autre
aspect. En améliorant le menu, en donnant quelque latitude aux élè-
ves, B... leur permettait de prendre goût à la vie scolaire et de libre-
ment s'exprimer. Les brimades cessèrent a u s s i »

De plus, Béart amorçait déjà à l'école primaire supérieure de


Bingerville l'action décisive qu'il mènera à l'école William-Ponty
de Gorée en faveur du théâtre scolaire et peut-être du théâtre afri-
cain tout court.

Le théâtre
C'est à Bingerville, au cours de l'année 1931, que se produisit,
semble-t-il, la mutation décisive qui marquera la naissance du théâ-
tre africain francophone ou, selon une heureuse expression qui fait
justement référence au théâtre africain traditionnel, du théâtre
« néo-africain ».
Outre les témoignages d'Amon d'Aby et Charles Béart, nous
avons à ce sujet le récit de Bernard Dadié lui-même dans Climbié :
« Un jour, le tailleur qui livrait les uniformes remplaça les boutons
de corozo par des boutons de métal doré. Cela faisait garde-cercle.
L'occasion parut bonne pour s'amuser. Aka Bilé, un élève de pre-
mière année, prit un bâton, mit sa ceinture par-dessus la veste, passa
le bâton dans la ceinture et devint brigadier de garde suivi de deux
acolytes. Ils accompagnaient le Blanc dans les recensements. Le direc-
teur, que les rires avaient attiré, intéressé par le jeu des acteurs, fit
débrousser derrière le réfectoire une grande place carrée entourée de
massifs de fleurs. Et là, les élèves pouvaient à loisir discuter, bavar-
der. Pour encourager les manifestations folkloriques, chaque samedi
soir fut consacré au t h é â t r e . . . »
Le théâtre d'ailleurs ne se limita pas à l'école, comme le rap-
porte Béart lui-même : « Quand vint le gouverneur Reste dont
l'activité était extrême, il vit l'intérêt que pouvait présenter le théâ-
tre franco-africain pour les grandes manifestations spectaculaires
qu'il aimait organiser. Le théâtre sortit de l'école. Il y eut des
représentations publiques avec des centaines de s p e c t a t e u r s » En
fait, c'est pratiquement en concomitance avec l'école William-
Ponty, qui fait jouer alors l'Entrevue de Behanzin et de Bayol (le
11 juin 1933) de Martins Gutenberg, que sont représentés à Binger-
ville le Mariage, le Marchand de bangui, etc., créations collectives
qui tenaient beaucoup de la commedia dell'arte, selon l'expression
de madame B é a r t
En réalité, le début de la carrière de dramaturge de Dadié peut
être daté de la présentation à Abidjan de la pièce les Villes en avril
1934 :
« Ma troisième chance a été la Fête des enfants avec le gouverneur
Reste à l'occasion de laquelle j'ai écrit les Villes, ma première pièce
de théâtre, dialogue entre Assinie, Grand-Bassam, Bingerville, Abid-
jan, Bouaké28. »

Ce sketch, écrit en 1933, dont le manuscrit disparut avec certains


papiers de Dadié lors des perquisitions de 1949 au domicile de son
père à Agboville, mettait en évidence la verve indépendante et sati-
rique de l'adolescent. Il y montrait comment, dans la Côte-d'Ivoire
coloniale, à peine une ville s'accroissait-elle et prenait-elle de
l'importance, qu'elle le faisait au détriment de l'agglomération
d'origine, désormais abandonnée et réduite à une existence végéta-
tive. Ce sketch enlevé sur la transhumance de la capitale avait rem-
porté un tel succès au théâtre de la Pergola qu'il avait acquis à son
auteur, en une soirée, de solides amitiés dont celle du Dahoméen
Antoine Zinsou, chef-comptable à la C.I.C.A. Il l'adoptera
comme un petit frère et mettra chez lui une pièce meublée à sa dis-
position pour qu'il puisse y écrire et travailler à son gré. C'est
Antoine Zinsou qui lui mit entre les mains, pour la première fois,
des romans sur l'Afrique écrits par des Africains, dont l'Esclave de
Couchoro. Et cette découverte allait l'inciter davantage à écrire.
De son travail à Bingerville, retenons encore cet encourage-
ment de l'un de ses professeurs sur une copie du jeune Dadié trai-
tant en quinze minutes « le désintéressement » : « Travaille, lis, et
je te prédis un bel avenir littéraire. » Un bel encouragement, cer-
tes, pour un garçon de cet âge.

Le choix de la carrière
Lors de la Fête de l'enfance, Bernard Dadié fut encore une
fois le témoin indigné des effets de la situation coloniale : les
gardes-cercles arrêtèrent et giflèrent le maître africain qui les
accompagnait parce qu'il n'était pas en uniforme. Sur-le-champ, il
décida, lui qui avait désiré être instituteur, de choisir la filière
administrative à l'école William-Ponty et de ne jamais servir
comme fonctionnaire dans cette colonie de Côte-d'Ivoire où l'on
pouvait impunément gifler un instituteur.
L a v i e f a m i l i a l e e t l e s l i e n s a v e c le t e r r o i r

C'est dans sa prime enfance et dans le milieu familial que


Dadié puisera, en partie, les moyens de résister à l'entreprise de
dépersonnalisation d u système colonial.

Les oncles

Les leçons de l'oncle Mélantchi comme celles de l'oncle Mié-


zan resteront gravées en lui et la place qu'il accorde dans Climbié à
l'oncle N ' d a b i a n , « papa N ' d a b i a n », leur double littéraire, est à la
mesure de l ' a m o u r et du savoir que ces Africains illettrés lui ont
apportés.
L'enfant, quasi orphelin de mère et dont le père était loin du
fait du service militaire, puis des difficultés rencontrées à son
retour en Côte-d'Ivoire, avait trouvé auprès de ses oncles pater-
nels, dans la tradition familiale africaine, des substituts du père et
une affection qui ne trompait pas.
Si « papa » est, chez les A k a n , l'appellation consacrée pour
les oncles et en général pour les adultes de la génération du père,
elle est dans Climbié employée avec une tendresse particulière. On
imagine volontiers Dadié enfant, couché lui aussi, comme Climbié,
« sur les jambes de l'oncle » p o u r admirer la grande nuit étoilée et
écouter les contes de la veillée. C o m m e Climbié, au sujet duquel
naît une discussion entre papa N ' d a b i a n et sa femme Bénié pour
savoir ce que l ' o n en fera, Koffi fit l'objet d ' u n débat familial, et
son caractère comme son avenir fut pesé, soupesé par ces oncles
affectueux et conscients de leurs responsabilités à son endroit :
« Laisse-le s'amuser. Plus tard il ne pourra plus le faire. — Tu le
gâtes, cet enfant. Combien de canaris n'a-t-il pas cassés sur le chemin
de la source ? Regarde ce seau qu'il a jeté à terre... Combien d'assiet-
tes te reste-t-il ? Il les a toutes brisées, l'une après l'autre. — Il chan-
gera avec le temps. — C'est maintenant ou jamais. Il deviendra un
vaurien à toujours s'amuser, à courir après les papillons, les oiseaux,
les margouillats... Regarde toutes ces plaies aux pieds. Si tu ne le
mets pas à l'école, que sera-t-il un jour ? — Oui, tu as raison... mais
à qui confier ce garçon turbulent ? Dans le monde actuel, il faut
savoir lire et écrire pour être vraiment quelqu'un (...). Notre enfant
sera i n s t r u i t »
Psychologues, indulgents aux frasques de l'enfant, ce sont ses
oncles qui insisteront pour le remettre à l'école après sa première
fuite, malgré l'opposition de certains membres du clan familial qui
ne le jugent pas très intelligent. Perspicaces — l'affection ouvrait-
elle leurs yeux ? — et avisés, ils savent aussi que le « temps de
l'ignorance est p a s s é », que, dans le monde qui vient, on ne
p o u r r a plus se passer du livre et de la plume, que l'école est un
moyen décisif p o u r développer la c o m p r é h e n s i o n entre les
hommes.
L ' a p p a r t e n a n c e culturelle

Au-delà de cette tendre et pudique sollicitude, ces hommes ont


apporté à Koffi Bernard un savoir véritable. Il a reçu auprès de
Mélantchi et Miézan cette éducation proprement africaine que
l'écrivain évoquera si souvent dans ses écrits — dans Climbié et
Les j a m b e s du fils de Dieu essentiellement. Une éducation qui se
fait au contact de la nature, où l'on apprend à l'enfant à tenir
grand compte de ses riches enseignements, et pour cela à l'obser-
ver, mais aussi à vivre en symbiose avec elle. Une éducation qui se
fait par l'exemple, mais aussi par le truchement de la parole, qui
puise au trésor, hérité de génération en génération, des légendes,
contes et devinettes que les vieux racontent la nuit. Une éducation
attentive à accroître dans l'individu la conscience de la place que
lui a destinée le Créateur « dans le circuit de tout ce qui se
m e u t », des attaches visibles et invisibles qui le relient à tout le
créé (plantes, minéraux, etc.), en « parent, frère de tout ce qui
v i t ». Une éducation qui lui inculque cette grande vérité que le
m o n d e n'est pas le seul partage de l ' h o m m e et le rend attentif aux
voix mystérieuses — en tout cas p o u r celui qui a perdu ses racines
— q u ' e m p r u n t e le créé pour s'exprimer. Nous rappellerons cette
confidence de Dadié dans l'entretien qu'il nous accordait le 11 juil-
let 1978 :
« Les vacances se passaient tranquillement à Bassam, à Agboville, à
la plantation d'Aboudé (le Boudéa de C l i m b i é et plus tard à
Abengourou. C'est là, à Aboudé, que j'ai eu pour ainsi dire ma pre-
mière initiation consciente à l'Afrique, parce que, nous qui allons à
l'école, et qui allions alors à l'école, nous perdons les racines qui
nous nourrissent de notre propre culture... J'avais douze, treize ans.
Une fin d'après-midi, étant le seul enfant à la maison et m'ennuyant,
je voulais jouer avec mon oncle Miézan. Je ne sais comment se
nomme ce jeu. Il met des graines dans mes mains et je lui dis :
"Tape." Il me répond : "Tu n'as rien dans les mains." J'ai dit : "Si,
j'ai quelque chose", et j'ouvre les mains. Je n'avais rien dans les
mains. Et lui : "Ne me regarde pas comme ça. Ferme les mains." Je
referme les mains. Il me dit : "Ouvre — ce n'était pas la nuit —,
ouvre." Je retrouve les graines dans mes mains. Alors, il m'a dit
ceci : "Dadié t'a mis à l'école des Blancs. Moi, je te mets à l'école
des Africains, à notre école, n'oublie pas ça." C'est ce jour-là que je
me suis intéressé à notre culture, que je l'ai observée avec
attention. »
P o u r qui lit avec soin les écrits de Dadié, l'attention au langage
mystérieux des choses, à l'apparent inexplicable, tisse la trame, cer-
tes sous-jacente mais continue, de toute son œuvre.
Son appartenance culturelle, le jeune Dadié la revendique,
d ' u n e certaine manière, dès son premier article « Mon pays et son
théâtre », en 1937, en se présentant comme un « fils d'Ezohiré »
— le n o m d ' u n des sept clans nzima —, même s'il s'y affirme aussi
« catholique à deux générations ». E n fait, l'appartenance ethni-
que particularisante est certainement moins ostensible dans ses
écrits que l'appartenance à une culture akan, et plus généralement
africaine. Nous y reviendrons. Nous pouvons toutefois être cer-
tains q u ' à Assohyam, c'est-à-dire Bassam, il fut plusieurs fois
témoin, vers la fin octobre, de la danse sacrée de l'abissa, ce rituel
de fin d'année à travers lequel chaque Nzima est appelé à se dépas-
ser, à tuer en lui le vieil homme pour renaître à une vie meilleure ;
qu'il a entendu l'edogbolé, le t a m b o u r sacré, répercuter sous les
doigts des initiés les rythmes transmis par les ancêtres ; qu'il a
écouté retentir les chants de l'épopée akan ; qu'il a suivi avec
attention le tribunal populaire qui se constitue pendant les « jours
de la vérité ». La substance de ce rituel, sinon toujours sa forme,
nous semble bien marquer son œuvre.

Les réalités coloniales

La conscience de son appartenance à une culture, à un terroir


était chez le jeune Dadié inséparable du sentiment qui se dévelop-
pait petit à petit en lui de la dignité de l ' h o m m e noir et de l'injus-
tice que faisait peser sur cet h o m m e la situation coloniale de la
Côte-d'Ivoire en particulier. P o u r cela, il avait le meilleur des maî-
tres : son père.

L'influence du père
Comment ne pas reconnaître l'image et l'influence du père sur
l'écrivain en herbe dans l'oncle Assouan Koffi qui, appelant Clim-
bié auprès de lui, découvre à l'enfant les injustices de ce m o n d e et
les hommes qui les combattent :
« Tu comprendras plus tard, mon enfant. Pour le moment, tu n'as
qu'un seul devoir : étudier. Tes études t'apprendront à secourir tout
homme qui souffre, parce qu'il est ton frère. Ne regarde jamais sa
couleur, elle ne compte pas. Mais, en revanche, ne laisse jamais piéti-
ner tes droits d'homme, car, même dans le plus dur esclavage, ces
droits-là sont attachés à ta nature m ê m e »

La prise de conscience du fait colonial


A si bonne école, l'enfant regarde autour de lui, apprend à
voir autre chose que les brimades et les injustices du milieu sco-
laire. Sur le wharf de Grand-Bassam, « encombré de toutes sortes
de produits attendant d'être évacués », il entend s'élever « le chant
terriblement envoûtant des tireurs de billes presque tous nus » sur
le dos desquels il voit « sans répit s'abattre la c h i c o t e ». Il
entend évoquer les exactions des gardes-cercles, ces auxiliaires
subalternes de l'administrateur, qui font la pluie et le beau temps
dans les villes et les villages lorsqu'ils y sont en mission, « exigeant
poulets, jeunes filles vierges, argent » ; il entend les vieux déplorer
« le prix dérisoire des produits coloniaux » et « les prix excessifs
des marchandises i m p o r t é e s ».
D'ailleurs, des associations volontaires d'entraide morale et
fraternelle pour tenter de faire face à cette situation sont en train
de voir difficilement le jour et de regrouper les indigènes. En 1929
naît l ' U . F . O . C . I . , l ' U n i o n fraternelle des originaires de la Côte-
d'Ivoire. A sa tête, des citoyens français ; dans le rang, par peur
des représailles, des sujets français. Présidée par Aimé Kacou puis
Jean Delafosse, elle cherche à créer une unité des élites ivoiriennes.
Réservée aux originaires du pays, elle a pu paraître hostile envers
certains Africains étrangers, notamment les Dahoméens dont la
colonisation a fait des auxiliaires remarquables de son « œuvre
civilisatrice » — fonctionnaires ou ouvriers qualifiés — par une
instruction scolaire plus p o u s s é e L'explication que les Daho-
méens donneront, eux, aux troubles de Bassam en 1928 met d'ail-
leurs en cause la police c o l o n i a l e
Devenu « groupéen », Bernard lit désormais les journaux poli-
tiques que reçoit son père39, touche du doigt la réalité de l'exploi-
tation économique colonialiste, et cela d'autant plus que la grave
crise générale de 1930 a atteint la jeune colonie et en paralyse
l'essor. Il se souvient d'avoir entendu agiter par Gabriel Dadié
toutes ces questions, qui revenaient à poser celle des droits des
Africains sur leur propre s o l
A plusieurs reprises, il évoquera ces années dans son œuvre.
P a r exemple, dans C o m m a n d a n t Taureault et ses nègres où il fait
parler son père sous le pseudonyme de G a d a :
« L'œuvre coloniale, la mission de civilisation, de christianisation ?
Des sujets dociles pour les uns et pour les autres, des robots, et lors-
que les Blancs, notamment des Français, prenaient la défense des
indigènes, les autorités les traitaient de communistes. J'ai connu per-
sonnellement un certain Simmerman qui fut expulsé pour avoir, dans
son journal, le Trait d'union, dénoncé le scandale de N'zogui, un vil-
lage brûlé à l'aube parce que les villageois avaient refusé de donner
des travailleurs à deux exploitants forestiers. Ce journal publiait en
1932 dans un de ses numéros l'article du médecin africain Félix
Houphouet, aujourd'hui président du R.D.A., article intitulé "On
nous a trop volés". On pouvait être à l'extrême-droite, le fait de
prendre fait et cause pour les indigènes vous rangeait à l'extrême-
gauche »
A coup sûr, l'insistance sur de tels faits exprime la vivacité des
réactions de la sensibilité du jeune Dadié à la misère du temps
colonial que l'adolescent vit pratiquement sur le terrain, durant les
vacances.
Les difficultés de toutes sortes, les scènes révoltantes de la vie
coloniale n ' o n t donc pas m a n q u é à l'enfance de Bernard Dadié.
Elles le mûrissaient précocement. Aussi le jeune homme qui, à la
rentrée 1934, s ' e m b a r q u e pour l'école William-Ponty de Gorée est
assez loin du naïf et timide broussard que l'on pourrait imaginer,
même si son naturel réservé laisse peu paraître au dehors ses
convictions personnelles. Intériorisant beaucoup, il a, durant ces
années de jeunesse, examiné avec attention son milieu, cette société
où il est appelé à vivre. Il a surtout trempé sa volonté qui lui per-
mettra, quelles que soient les épreuves à venir, de ne pas dévier des
buts qu'il se sera fixés et qu'il ne perçoit encore que confusément.

LES ANNÉES DE PONTY

De 1934 à 1937, B. Dadié va vivre ses « années sénégalaises »,


celles de l'entrée dans l'âge d ' h o m m e . C'est tout d ' a b o r d la fin de
la formation à l'école William-Ponty.

L'école William-Ponty à Gorée

Une école d u p o u v o i r colonial


Lorsque Bernard Dadié entre en 1934 à l'école William-Ponty
de Gorée, il entre dans une institution voulue par le pouvoir colo-
nial français. Fondée en 1903, elle doit assurer la création et
l'ascension, par l'instruction, d ' u n e élite noire soigneusement choi-
sie de médecins africains, d'instituteurs et de commis d'administra-
tion, véritable courroie de transmission entre le pouvoir colonial et
la masse noire illettrée.
L'esprit qui anime alors l'enseignement colonial ne laisse
aucun doute l o r s q u ' o n lit les directives suivantes :
« Il s'agit en effet de faciliter l'accès des carrières administratives à
ceux dont la famille a toujours secondé avec honneur notre oeuvre
civilisatrice et mis son prestige héréditaire au service de nos inten-
tions ; il s'agit de distinguer parmi les autres ceux dont les qualités de
caractère sont absolument certaines, et il faut surtout éliminer avec
un soin impitoyable tous ceux dont les facultés, même brillantes, sont
insuffisamment équilibrées, tous ceux qui feront servir à la satisfac-
tion de leurs appétits le savoir qu'on leur donnera, qui pousseront
leurs congénères à des révoltes et qui garderont toute leur vie
l ' i n q u i é t u d e et la c r u a u t é d e s l o u p s m i s e n c a g e »

Pour éviter d'ailleurs que l'enseignement des indigènes ne


devienne un instrument de perturbation sociale, on s'efforce de
vider les programmes de tout ce qui n'est pas indispensable aux
fins pratiques de la colonisation. Ils sont donc très élagués, selon le
conseil du gouverneur Camille Guy :
« De l'air, avant tout de l'air ! Les bons programmes ne s'obtiennent
qu'en élaguant, non en ajoutant. Enseignement du français et des
sciences élémentaires, des travaux techniques et enseignement profes-
sionnel approprié au milieu, c'est suffisant. A agir autrement, on ne
prépare pas des citoyens français, mais des déclassés, des vaniteux,
des désaxés, qui perdent leur qualité native et n'acquièrent que les
vices des éducateurs. C'est par ce système qu'on crée de toutes pièces
des René Maran et qu'un beau jour apparaît un roman comme
Batouala, très médiocre au point de vue littéraire, enfantin comme
conception, injuste et méchant comme t e n d a n c e »
C'est ainsi q u ' à William-Ponty, l'enseignement général, qui ne
doit pas viser à u n enseignement de type secondaire, est réduit au
minimum, malgré une formation assez solide en français et en
mathématiques.
Cette école apparaîtra de même à Dadié, de la troisième pro-
motion de commis, comme une « voie de g a r a g e ». L'exaltation
du premier départ avait vite cédé devant les contraintes de l'école,
le snobisme de certains élèves et l'esprit de compétition, heureuse-
ment le plus souvent amical, entre les différentes régions dont ils
étaient i s s u s De chaudes amitiés se nouaient cependant, qui
dureront : Hubert Maga, Modibo Keita, Hamani Diori, autant de
promotionnaires de Bernard Dadié qui sauront rester des anciens
de P o n t y pour leurs camarades d'autrefois, quelle qu'ait été
ensuite leur élévation sociale. L'atmosphère était propice au travail
studieux. Mais les mathématiques continuaient à ne point vouloir
sourire à Bernard Dadié. Aussi décida-t-il de les ignorer pour se
consacrer essentiellement au français et à la lecture nocturne des
j o u r n a u x politiques. Cela faillit, bien sûr, lui jouer un mauvais
tour à l'examen de sortie, qu'il réussit pourtant dans un rang
e x c e l l e n t A Ponty, Dadié s'affirme comme un « inassimilable »
déjà, un « d i s s i d e n t », comme en font foi certaines anecdotes.

Gorée : un haut-lieu de l'histoire

P o n t y se trouvait à Gorée, et Gorée offrait au jeune Ivoirien


une formidable leçon d'histoire. L'abrégé de toutes les souffrances
de la race noire. Cette île, « aux maisons délabrées que domine un
castel hérissé de c a n o n s », où il ira faire la préparation militaire,
offrait surtout au regard « du sable et des p i e r r e s ». Quand les
loisirs le permettaient, comme son héros Climbié, il parcourait l'île
avec ses camarades, assistait aux manœuvres militaires, visitait,
revisitait la Maison des esclaves et ses c e l l u l e s Il y apprenait,
avec l'histoire cruelle du passé, le sens de l'écoulement du temps. Il
y renforçait son dégoût de l'injustice, y puisait un aliment au sens
qu'il donnerait dans son œuvre à la mission de l'écrivain. Il y pre-
nait le goût de l'évocation historique. Il y trouvait le thème obsé-
dant, déclencheur, sinon central, de son œuvre théâtrale et poéti-
que : la traite, l'esclavage.
Mais Gorée, ce grain de poussière à la proue du continent
Afrique, cette escale désormais ignorée d ' o ù l'on ne partait plus
p o u r nul horizon, même tragique, figurait aussi ce destin en cul-de-
sac, cette existence végétative que la colonisation préparait désor-
mais aux « élites » africaines. Dadié ne s'y trompait pas.
Le théâtre de William-Ponty

Heureusement, il y avait aussi le théâtre, une activité annexe,


mais importante à l'école.
Dans le contexte défini plus haut, l'activité théâtrale née dès
avant 1914 au sein de l'école William-Ponty a pu apparaître
comme u n moyen de mieux intégrer les jeunes Pontins aux buts et
finalités poursuivis p a r la colonisation.
C'est grâce aux efforts de Charles Béart, n o m m é professeur en
1935 et appuyé par le directeur Dirand, que se développe ce qu'il
est convenu d'appeler le théâtre de William-Ponty, u n théâtre qui a
l'originalité — en tout cas l'ambition —, par rapport à combien de
théâtres scolaires, d'être moins un théâtre à l'école, un théâtre
répétitif, d'imitation, q u ' u n théâtre de création, puisqu'il vise à
inciter à une recherche de contenu et de forme pour s'adapter aux
réalités locales et lui permettre d'être reçu par un large public.
Sans doute, l'objectif global de Béart ne va pas sans paterna-
lisme et s'adapte bien à la nouvelle politique socio-culturelle qui
tente de prévaloir alors dans les colonies. Les temps ont changé
depuis 1903 et l'on préfère désormais, à la politique d'« assimila-
tion », une politique dite d ' « association », prônée par un Maurice
Delafosse et reprise par un Delavignette, qui tienne davantage
compte des réalités locales. L ' a c t i o n de Béart s'inscrit naturelle-
ment dans cette nouvelle politique culturelle. Son mérite n ' e n est
pas moindre de vouloir que ses élèves se tournent vers leur propre
culture, « vers les puissances d ' a r t que la race possède (...), qu'il
faut sauver et mettre en v a l e u r ». Songeons qu'alors, aux yeux
de la plupart, la culture africaine est morte et qu'il ne s'agit plus
désormais que de la conserver dans les m u s é e s
P o u r ce qui est du théâtre de P o n t y ou de l'impulsion décisive
que lui donne Béart à partir de 1935, nous l'examinerons sous
l'angle d u concours q u ' y a p p o r t a Bernard Dadié. Chaque année,
aux vacances, les élèves devaient se documenter dans leurs villages
sur des sujets portant sur la vie, les coutumes, les contes et légen-
des dans leurs régions. Ils présentaient ensuite, en dernière année,
une sorte de mémoire sur leurs recherches dont la note entrait en
ligne de compte pour l'examen de sortie. Les devoirs de vacances
inspiraient p o u r une large part les sujets du théâtre de Ponty, ces
pièces qui, chaque année scolaire, étaient présentées par les diffé-
rents groupes originaires des colonies de l ' A . O . F . présents à
l'école. C'est dans ces circonstances que Dadié fut conduit à écrire
Assémien Déhylé, sa première production théâtrale. En effet, à la
fête de sortie de la promotion 1934-1935, les élèves originaires de
Côte-d'Ivoire ne présentent q u ' u n chœur. Dadié sait qu'ils peuvent
faire mieux, pense à une pièce et, réunissant ses camarades de pro-
motion, leur en parle p o u r que chacun revienne de vacances avec
un sujet. C'est le sien qui l'emporte.
Aliénation ou libération ?
Les reproches que les critiques, en général, font au théâtre de
Ponty, qu'ils perçoivent, essentiellement depuis 1960, comme un
théâtre aliéné, nous obligent à poser la question suivante : en parti-
cipant au théâtre africain francophone de Ponty, Dadié participait-
il à une entreprise de négation de sa propre culture ? Devenait-il
l'acolyte de l'action assimilatrice, et partant négatrice, de la politi-
que culturelle coloniale, quand bien même celle-ci prenait le mas-
que plus trompeur d'une politique culturelle dite d'« associa-
tion » ? Contribuait-il à abolir ou nier le théâtre autochtone ?
Notre réponse, nous la donnerons en interrogeant sa pièce. Mais il
est déjà éclairant de consulter l'article qu'il écrivit en 1937 pour en
accompagner l'édition dans le numéro spécial de l'Éducation afri-
caine déjà signalé, sous le titre « Mon pays et son théâtre ». C'est
le premier écrit théorique et critique d'un Africain sur le théâtre.
Dadié y affirme l'existence d'un théâtre ivoirien autochtone, y
explique en quoi consiste son originalité et mesure le degré de sin-
cérité de sa propre pièce en la rapportant aux canons du théâtre
traditionnel. Après avoir, d'entrée de jeu, marqué les différences
matérielles qui opposent le théâtre occidental au théâtre africain —
l'appareil matériel de la production du spectacle —, mais posé
implicitement que la représentation est le référent et le but de tout
projet théâtral, il affirme que la représentation du conte et de la
légende, toujours médiatisés par un ou plusieurs acteurs et
consommés de façon dynamique par des spectateurs-participants,
est la forme autochtone du théâtre en basse Côte-d'Ivoire.
C'est sur un ton convaincu et discrètement passionné, pour ne
pas rompre la rigoureuse construction logique de la période, que
Dadié insiste sur les différences matérielles de la production théâ-
trale en France et en Afrique :
« Si par théâtre on entend un spectacle dans un lieu approprié, avec
des spectateurs payants et des acteurs payés, avec des décors, des
accoutrements, des maquillages, avec des répétitions, des réclames
tapageuses, évidemment rien de tel en pays agni, encore qu'il y ait
des lieux préférés à d'autres et qu'il y ait des masques et que les bons
conteurs et les musiciens, s'ils ne reçoivent pas d'argent, ne soient pas
insensibles aux cadeaux en nature ou même à la bouteille de gin,
encore qu'ils sachent soigner leur popularité, se faire attendre et dési-
rer. (...) Le décor, c'est la nuit (...) ; c'est l'heure (...) où les hommes
assemblés content autour du feu. »
Une telle insistance sur les différences est moins signe d'aliéna-
tion que de libération.
En fait, comme dans tout rapport de domination, ou l'on se
soumet et l'on imite, ou l'on se pose en s'opposant. C'est la pre-
mière étape de tout processus de libération. La référence à la
culture française : « S'agissait-il de pièces composées à la manière
française avec des éléments et surtout du pittoresque empruntés
aux coutumes locales ou s'agissait-il d ' u n théâtre vraiment né de
chez nous ? » est là moins pour conforter une comparaison dévalo-
risante, en faisant de la culture du conquérant la culture étalon,
que pour marquer des distances. Il n ' y a dans le texte du jeune
Dadié aucun jugement qui puisse être pris dans un sens négatif vis-
à-vis de la culture indigène. Ce serait même contre « la manière
française » que seraient dirigées ses piques, si « accoutrements »,
« réclames tapageuses » disent bien ce qu'ils veulent dire.
Si l'on veut se souvenir que les seules pièces de théâtre que
l'on étudiait à l'école étaient issues du répertoire classique français,
on mesure davantage l'importance libératrice de l'insistance sur
une dramaturgie qui s'inscrit hors des conventions de ce théâtre
classique. Ainsi ce qu'il y dit du lieu dans le théâtre agni : pas de
lieu approprié qui ne serait q u ' u n e localisation visuelle, arbitraire
et limitée — le théâtre ne se limitant pas à l'espace défini par les
tréteaux —, mais « des lieux préférés » : la place du village où se
retrouve la c o m m u n a u t é autour du feu et où participe le plus
grand nombre de gens ; pas de décors fabriqués, mais le décor
naturel de la nuit. Ainsi également ce qu'il y laisse percevoir de la
gestuelle africaine — réflexion qui va d'ailleurs très loin :
« Ces contes sont mimés et dansés. Chacun des gestes de nos danses a
un sens. Ce sens échappe souvent aux Européens parce qu'il est seule-
ment ébauché, stylisé : il y a des conventions dans le théâtre indigène
comme dans le théâtre français, mais elles sont plus difficiles à saisir
parce que, le village vivant tout entier d'une même vie, vie réelle et
vie mystérieuse, point n'est besoin d'expliquer, le moindre geste
suggère »
O n trouve, dans cet essai, l'insistance sur l'éclatement du lieu
scénique, sur une parole dialoguée qui n'est pas seulement prise
comme parole au sens strict, mais comme musique, danse « dont
chaque geste signifie », chant et musique, en quelque sorte une
parole totale, qui est échange entre les acteurs, mais aussi échange
avec tous les autres membres de la communauté, visibles ou invisi-
bles. L'accent y est mis sur le statut complexe du genre théâtral qui
tient du rite social, puisque sa fonction est, comme celle du conte
ou de la légende dont il est la représentation, de transmettre ou de
raviver dans les membres de la c o m m u n a u t é villageoise les valeurs
constitutives de leur société en même temps qu'il enracine une pra-
tique des comportements à admirer ou à rejeter et qu'il touche au
sacré tout en étant fortement mêlé de plaisir ludique et esthétique.
Ce sont là des vues neuves, fortes p o u r un élève à peine âgé de
vingt ans, dont la formation n ' a jamais été qu'une formation pri-
maire prolongée. S'il faut, peut-être, les mettre au crédit de cette
réflexion sur le théâtre, hors programme, qu'encourageait Béart à
Ponty, il faut davantage les porter à celui de Bernard Dadié et de
sa capacité de réflexion.
Résumé de la pièce
Donnons d'abord un résumé d'Assémien Déhylé, roi du
Sanwi, l'une des rares pièces africaines à être publiée dans un
périodique français spécialisé : L'Avant-Scène, n° 343.

Premier tableau : la paix


A la fin du jour, sur la place du village de Krindjabo, où cha-
cun se retrouve pour la veillée communautaire, le vieil Ezan, le
devin, envoie Assémien auprès du roi Amon N'douffou mourant.
La veillée commence avec des devinettes, puis se poursuit par le
récit d'un conteur : la légende baoulé, elle-même divisée en cinq
parties encadrées et scandées par six parties chantées.

Deuxième tableau : la guerre


Le roi Amon N'douffou, malade, rappelle à Assémien les
devoirs de sa caste ; il lui révèle, dans un récit sacré qui est une
sorte d'intronisation, l'origine historique de la discorde qui oppose
le peuple agni au Dankira et le désigne comme son successeur. Sui-
vent l'annonce voilée de la mort du roi par le héraut et les chants
des funérailles. Assémien confie à son ami Nandéga son amour
pour la guerre et son attente d'un prochain affrontement avec le
Dankira. L'ennemi est annoncé par le héraut et par le tambour,
puis le chant de guerre retentit.

Troisième tableau : Assémien roi


Les vieillards — les « vieilles tortues » — sont réunis en
conseil pour la désignation du nouveau roi. Là se placent l'inter-
vention du devin, puis l'arrivée d'Assémien et de son armée victo-
rieuse. Le chant de retour de la guerre retentit. Enfin, c'est le cou-
ronnement et les chants de couronnement entre lesquels s'intercale
la formule de reconnaissance d'Assémien aux ancêtres et aux dieux
avec la promesse solennelle qu'il leur fait de guider avec sagesse et
honneur son peuple.

La source : une chronique agni


Le sous-titre de la pièce, « chronique agni », marque, d'une
part, que cette pièce entend relater des événements historiques qui
suivent l'ordre des temps et, d'autre part, qu'elle veut dire la réa-
lité même de vie du peuple agni.
Les événements historiques rapportés s'y prêtent, car ils sont
d'une période trop ancienne, la fin du XVIII siècle (bien avant
qu'Attokpora ait signé le premier traité de protectorat avec la
France), pour qu'il puisse y avoir recours à la version coloniale
déformante de l'histoire de l ' A f r i q u e L ' e m p r u n t nécessaire à la
chronique orale garantit une certaine authenticité et, surtout, ces
événements permettent de traduire des aspects d ' u n e culture.

L a fidélité à l'histoire ?

On doit p o u r t a n t s'interroger, malgré l'état encore incertain


de l'histoire, sur le degré de fidélité de la pièce à cette histoire.

Une légende baoulé en milieu agni


N'est-ce pas une distorsion que de faire dire la légende baoulé
en milieu agni ?
Certes, Claude-Hélène Perrot le m o n t r e dans son ouvrage
remarquablement informé, les Anyi-Ndenye et le p o u v o i r aux
X V I I I et X I X s i è c l e s le problème des origines agni est complexe,
d ' a u t a n t plus que le peuplement agni lui-même n'est pas très
homogène, le Sanwi étant le plus cohérent et le plus structuré de
tous les États agni. Globalement, les peuples akan de Côte-
d'Ivoire, dont les Baoulé, o n t une origine commune : l'actuel
Ghana. Ce sont les bouleversements subis par le royaume du
Denkyira sur la fin du XVII siècle, avec la montée de la confédéra-
tion ashanti qui lui disputa victorieusement l'hégémonie des
régions aurifères, qui provoquèrent les mouvements de scission et
les différents exodes agni, baoulé, nzima, etc., vers l'ouest, qu'ils
fussent une branche dissidente des Denkyira ou un des peuples
vaincus par eux et refusant de se soumettre.
Or, il est intéressant de voir comment Dadié utilise au moins
deux chroniques au niveau de la seule chronique brafé du Sanwi :
l'une agni-sanwi et l'autre nzima. D ' u n e part, l'histoire semble en
effet attester que, vers la fin du XVII siècle, pour échapper à la
domination denkyira, un groupe de Nzima-Ezohilé ou Ezohiré,
auquel Dadié se fait gloire d'appartenir, conduit par leur reine,
émigre en Aowin et, de là, au b o r d de la C o m o é ; un quart de siè-
cle plus tard, les Nzima d'Appolonie, chassés de chez eux par les
Ashanti, se réorganisent a u t o u r de leur reine en Assinie. D ' a u t r e
part, la chronique légendaire nzima rapporte q u ' a u cours d ' u n
exode indéterminé, dans un passé quasi mythique, les Nzima
avaient oublié d'emporter le feu avec eux ; c'est un chien, que les
membres du clan cuofo envoyèrent pour en prendre, qui le leur
rapporta. C'est la légende, sinon de son propre clan, du moins de
l'un des sept « aflié » nzima, proche, que Dadié met dans la bou-
che du roi A m o n N ' d o u f f o u , et le chien dont il parle n'est que
l'« amodini », l'emblème protecteur de ses ancêtres au sens large.
Les deux peuples sont trop mêlés et leurs clans t r o p semblables
p o u r qu'il y ait là rien d'étonnant.
Certes, dans la tradition africaine où, comme on peut s'en
apercevoir dans l'énumération des valeurs perdues ou en voie de
disparition du tableau II de Monsieur Thôgô-Gnini, la fidélité a
une place première, on conçoit que la revendication d'une liberté
humaine, plus individuelle que collective, qui est l'enjeu de la tra-
gédie antique et naît d'une conception conflictuelle de l'existence
dans laquelle l'homme est en butte à une fatalité hostile, n'ait que
peu ou pas de place. L'univers traditionnel ne serait pas tragique
dans la mesure où l'homme s'y intégrerait, y préserverait harmo-
nieusement sa place grâce à la médiation des ancêtres, comme on
peut le voir dans Béatrice du Congo, I, II et II, I. Aussi un Cheikh
Anta Diop, un Eno B e l i n g a insistent-ils sur le fait que le tragi-
que serait un aspect de l'expérience humaine quasi ignoré et absent
de la tradition africaine. Cheikh Anta Diop va jusqu'à le considé-
rer comme étranger à la vision « authentiquement nègre » du
monde.
Il n'en demeure pas moins que le passé traditionnel n'est pas
sans faille et qu'une longue période de doute et de conflit fut ins-
taurée par la conquête blanche en Afrique, à quoi ne contribuèrent
pas peu les appétits blancs et noirs déchaînés. Cependant, le sens
d'un destin collectif qui est au cœur même de la vision du monde
africaine et personnelle de l'écrivain, avivée par un christianisme
évangélique et social, interdit à ses héros comme à son public toute
résignation, tout abandon de la volonté de vivre. Le tragique,
délité par l'ironie qui mobilise les intelligences, se renverse en
dynamisme épique, messianique, où origine et avenir seront récon-
ciliés. Les tragédies finissent en drames épiques.
Conclusion

ATLAS ET A N A N Z È

Si, en conclusion, nous voulons mettre sous la double enseigne


d'Atlas et d'Ananzè l'œuvre de Bernard B. Dadié, c'est que ces
deux symboles nous semblent répondre de l'ensemble, tant du
point de vue du discours que des genres et des formes.

Atlas ou l'épopée humaine

Figure symbolique dont Dadié fait une figure-clé de sa


sagesse, puisqu'il place le poème du même nom en préface à ses
aphorismes d'Opinions d'un nègre, comme de sa poésie, Atlas, fils
du titan Japet, est moins chez Dadié le géant qui combattit Zeus
et, en punition de ses crimes, fut condamné à porter le ciel sur ses
épaules que le héros qui, loin de se laisser aller à la tentation domi-
natrice pouvant l'inciter à soumettre le monde à ses aspirations
individuelles, cherche à faire triompher l'esprit et l'harmonie. C'est
ainsi, en effet, que Dadié le représente dans le poème du même
nom :
« ATLAS
Le corps trempé de sueur
La sphère sur le genou
Les yeux rivés sur un infini insondable
Dans un ultime effort
Baignant le globe de son sang
AU MONDE
Imprima un autre cours. »
Symbole de ces héros souffrants — mais épiques —, messagers
de l'avenir parce qu'ils savent regarder au-delà, que sont, pour
Dadié notamment, les écrivains, figure christique aussi, Atlas tra-
duit la dimension cosmique et humaine de l'œuvre qui a fait
l'objet de notre étude. Il s'est toujours agi pour Dadié de partici-
per, par la voie de la littérature comme par l'engagement politique
militant, à l'avènement de la LIBERTÉ. Une liberté en majuscules
ainsi qu'il l'écrit dans le poème « Atlas ». Une liberté qui refuse
ou dépasse les limites d'une revendication purement individuelle
qui pourrait n'être qu'égoïsme déguisé, pour s'affirmer aux dimen-
sions de la planète et du genre humain, comme le dit la suite du
même poème :
« ATLAS
(...)
AU MONDE
Imprima un autre cours
Au mépris des mille désirs humains
Pour que la grande Étoile de LIBERTÉ
Luise pour les cinq continents
Car il avait pour lui
DIEU
D o n t il a c c o m p l i s s a i t l e s d e s s e i n s . »

Ananzè ou l'ironie

Symbole opposé et complémentaire, selon le principe bien


africain de l'harmonie des contraires, Ananzè, la fileuse de toile et
de pièges, minuscule et disgracieuse, au statut indécis, est en regard
de cette figure tragique, mais surtout épique, la figure de l'ironie.
Figure en elle-même contradictoire, quels que soient ses
défauts et ses appétits qui la font obvier aux lois de la collectivité
et la condamnent bien souvent, elle n'en est pas moins par sa toile
le lien qui unit le monde visible à l'invisible, le ciel à la terre et les
vivants aux morts. Coureuse des routes du ciel et de la terre,
croyant œuvrer pour elle-même, elle est, sans bien en être
consciente, la médiatrice, celle par qui le mal, mais aussi la
sagesse, sont parvenus jusqu'aux hommes.
Tisseuse de liens, elle incarne l'intelligence de la ruse qui fait
quelque peu écho à la mètis des G r e c s Elle symbolise pour nous
l'ironie qui, au cœur de l'œuvre de Dadié, transmue le tragique en
épique, désagrège par la dérision l'Histoire avec sa pesanteur
d'ordre, de rationalité, de paroles intangibles et prosaïques dont
l'Europe impérialiste et rationaliste se montre si fière (relayée d'ail-
leurs aujourd'hui par tous les régimes dictatoriaux quels que soient
leurs horizons). Contre tous les o u k a z e s des « n o r m a l i s a t i o n s »,
elle opère la libération intérieure, la légèreté de l'être, résultats
d'un effort intellectuel plus grand que le prétendu sérieux de la rai-
son raisonnante et qui réconcilie l'homme avec lui-même et l'uni-
vers. Est-il d'ailleurs une œuvre littéraire véritablement grande, née
en des temps troublés des périodes de transition, qui ne soit pro-
fondément ironique ? ,
Figures empruntées, l'une à la cosmogonie grecque, l'autre à
la cosmogonie akan, Atlas et Ananzè témoignent du désir de l'écri-
vain de rassembler, d'unir, d'épouser le monde, d'embrasser son
devenir dans l'espace et dans le temps, comme de son affirmation
de l ' U n sous la variété et la multiplicité du créé, sous la lutte mou-
vante et l'accord des contraires.
Au terme de cette étude et pour l'achever sur une appréciation
plus esthétique, nous voudrions souligner q u ' A t l a s nous apparaît
comme symbolisant la tentative personnelle de l'écrivain d'embras-
ser tous les genres et de brasser tous les langages. Une tentative à
ce jour unique dans la littérature africaine d'expression française.
Une entreprise démiurgique, mais sans orgueil, répétée par l'autre
symbole : Ananzè. Car, si les fils multiples de la toile d ' A n a n z è
disent les liens nombreux et subtils qu'elle entretient avec tout le
créé, ses cercles concentriques n ' e n évoquent pas moins la
construction en écho de toute l'œuvre de Dadié.
Atlas et Ananzè sont les deux faces, à nos yeux inséparables,
du discours comme de l'esthétique de Bernard Dadié.
Ci-dessus, programme de la fête de 1936 où fut représenté Assémien Déhylé,
avec B. B. Dadié dans le rôle du sorcier.
Page précédente, début d'une composition française de l'élève Dadié en
3e année à l'école William-Ponty.
Début du texte manuscrit de Climbié.
Préface de Memoriae nigri hominis, A la mémoire du Nègre, inédit.
Page du diaire de B.B. Dadié, janvier 1939, inédit.
Page d'un cahier d'aphorismes de B.B. Dadié, janvier 1945, inédit.
Le café s e r a récolté
en COTE D'IVOIRE
Le café sera récolté en Côte clos, commettre des erreurs, mê-
d'Ivoire ! me mortelles, mais le tout en
Comme c'est curieux ! Chaque vase clos. Quand Batonala parut,
fois que des hommes font de la il fut accueilli par un tonnerre de
bonne besogne aux colonies, les protestations qui tourna à la bour-
prêtres de la civilisation leur jet- rasque, à la publication de Terre
tent l'anathène; toutes les fois d 'Ebène. Les journaux coloniaux
qu'un chef essaie de tenir sa ba- de la Métropole, outrés et non
lance en équilibre, on crie à l'a- étonnés, crièrent et écrirent en
postasie; s'il penche du côté de rouge cardinal : « Ce livre est
l'indigène en homme soucieux des une mauvaise action ». Toute vé-
véritables intérêts de la France, rité dite est une «mauvaise action»
on crie à la félonie, mais on le toute mesure humaine sollicité.
prône dès qu'il se met dans le est une « mauvaise action », par
rang des pontifes du progrès à pas contre on oublie toujours les cau-
de caméléon. Le café sera récolté ses qui provoquent les mauvaises
en Côte d'Ivoire et la main d'œu- actions. Et on nie sans apporter
vre forcée restera supprimée. Cela dans le débat des arguments de
honorera la France, plus que tou- poids. On répète le vieux caté-
tes les adresses de reconnaissance chisme qui servit sûrement à des
de tous ses sujets réunis. Romains pour perpétuer l'escla-
vage : le travail à une valeur
La tactique d'obstruction à éducative quand il est forcé, il
tout prix date. On veut travailler enrichit le maître, vient à bout de
en vase clos, exploiter en vase la paresse congénitale des indi-
gènes, etc.. La vieille rengaine
connue. Et on extorque à l'indi-
gène ses terres pour faire de lui,
un serf moderne. Dès lors il suffit
qu'un homme blanc ou noir, mette
le doigt sur la gangrène pour que
les pontifes du coffre crient au
scandale. Le travail forcé ayant
été aboli, des Etats Généraux,
sur la sellette à Paris, tentent de
le ressuciter, car leurs intérêts
se confondent avec ceux de la
Sur cette p a g e et p a g e sui- France, car le travail à vil prix
vante, article de B.B. Dadié, augmente les bénéfices.
signé Boua D. Coffi, p a r u
dans Réveil, n ° 139, d u 5 sep- Le café sera récolté en Côte
tembre 1946. d'Ivoire ! Ceux qui n'ont jamais
eu des travailleurs forcés ont tou- autorités, mais quant aux autres
jours récolté café, cola et cacao. arguments présentés pour discré-
Il ne faut donc pas accuser le diter une mesure qui est même en
Gouvernement local d e s méfaits retard sur son heure, les gens en
d e son propre égoïsme comme ont compris la spéciosité, car il
cela arrive toutes les fois q u ' u n e ne faut par hésiter à le dire :
mesure impartiale est prise. Il dans notre empire africain, il
faut cesser d ' a l e r t e r l'opinion pu- reste comme une sorte de résidu
blique, comme cela arrive trop de l'esclavage. L'esclavage sup-
souvent q u a n d un c h e f e s s a i e de primé se perpétue dans le travail
libérer des hommes aux noms d e forcé. Gerville Reache dixit. Le
la civilisation et d e la charité travail forcé était une plaie qui
chrétienne dont les sièges sont en honorait peu la civilisation huma-
Europe. L e travail forcé, 20 siè- nitaire, niais emplissait sûrement
cles après, aprés le d o g m e d e les coffres et créait des million-
la fraternité humaine, sous l ' é - naires en deux ans. Nous savons
gide de la R é p u b l i q u e liber- quelles difficultés ont toujours ren-
taire, égalitaire et fraternitaire ! contré les planteurs africains dans
A l l o n s donc ! L e café sera récol- le recrutement des travailleurs.
té et le travailleur agricole doit Nous savons quels efforts il a fallu
pouvoir vivre tout comme son ca- déployer pour instaurer le volon-
marade d e la ville. N o u s déplo- tariat. Nous savons encore que
ronsaussi la fuite constante et sans Daloa, Agboville, Man, Gagnoa,
motif souvent d e certains travail- le Sanioi, l'Indénié, etc., produi-
leurs. Sur ce point on pourrait sent du café dont Sassandra ne
d e m a n d e r quelques mesures aux peut se décerner le monopole.
Nous savions tout cela. Mais le
plus curieux de l'histoire a été,
pour nous, de voir le nom d'un
noir, M. Yacouba Sylla, dans la
longue liste des partisans du re-
tour d'un système périmé. Nous
voulons croire que sa bonne foi
a été surprise, par contre si c'est
délibérément qu'il a signé une
telle pièce, qu'il se souvienne de
son origine africaine, que ce sont
des africains qui souffrent d'une
gangrène que des blancs et des
noirs esasient de juguler, qu'un
hasard de fortune aurait pu renver-
ser les situations.
Oui, messieurs, le café sera ré-
colté en Côte d'Ivoire ! N'en dé-
plaise aux pontifes du colonialis-
me et à tous leurs acolytes, même
Nègres.
Boua D. Coffi.
FINI, L'ÉPOUVANTAIL
COMMUNISTE ?
Comme ils ont dû tressaillir vous donnez ainsi aux ennemis sont la sauvegarde d e l'existen-
toux les vieux luteurs expulsés de la France, lui dit-on. ce des blancs dans les colonies
de ce continent ou morts à la — J'ai flétri des hommes qui (on l'entretient par les salaires,
tâche avec pour cause majeure. se sont montrés indignes du les misères sociales, les spolia-
rien qu'une étiquette : commu- nom français. Châtiez-les si je tions, les discriminations). Ce
nistes. C'est-à-dire des hommes dis vrai ; châtiez-moi si les faits régime est absurde. mais Il est
qui s'étaient fait une mission que j'avance ne sont pas exacts ! établi et on ne peut y toucher
de combattre les abus et de
S'il y a des africains, des peu- brusquement sans entraîner le
dénoncer les méfaits de l'impé- ples soumis au joug impérialis- plus grand désordre : ce régime
rialisme et du colonialisme, des est oppressif. mais il fait exis-
te qui en toute bonne foi pen-
hommes qui s'étaient fait un sent que leurs oppresseurs ne ter en France plusieurs millions
apostolat d'éclairer et de défen- savent pas ce qu'ils font. qu'ils d'hommes ; ce régime est bar-
dre les autres. Il leur suffisait
se détrompent. Si nous avons. bare. mais il y aurait plus gran-
de dire à la masse, « tu as ceci au R.D.A., battu le rappel des de barbarie à y vouloir porter
comme droits et cela comme énergies. c'est que nous savons les mains... ».
devoirs », pour immédiatement qu'ils appliquent délibérément Voilà le verdict, le verdict
être surnommés communistes, un plan établi, un plan transmis qui doit atterrer ceux qui
agitateurs, agents de Moscou. de génération en génération. chantent à longueur de colon-
Les colonialistes gavés n'aiment Si aujourd'hui, nous subissons nes les douceurs de leurs chaî-
pas qu'on les dérange dans leur les assauts du colonialisme dé- nes parce qu'ils sont pour le
pénible digestion ! C'est Kodjo chaîné, c'est que notre position moment l'ennui de tel ministre,
Tovalou qu'on poursuit et qui est juste. Si dans tous les con- de tel gouverneur, de tel ad-
tombe, sur le retour au pays. seils qu'on tient, o nne parle ministrateur. Ils oublient seu-
dans un traquenard, c'est tel que du R.D.A., c'est que l'on lement une chose, une chose
européen qu'on rapatrie « pour sait quelle force nous représen- capitale : les hommes passent,
folie » parce qu'il fraie avec les tons, quels privilèges nous vou- changent d'humeur, mais le ré-
indigènes, c'est tel journaliste lons abattre. Et si nous aussi gime lui, reste. Et c'est au régi-
qu'on Incarcère parce qu'il fus- avons adopté telle attitude c'est me, que nous au R.D.A., nous
tige des « huiles » . Dans ce que nous avons percé le projet avons déclaré la guerre. Nous
pays, il suffit d'avoir des idées satanique du colonialisme op- n'attaquons ses zélés serviteurs
saines sur la relation des hom presseur et de son allié le capi-
que lorsqu'ils oublient que sans
mes entre eux pour être déclaré talisme : faire de nous, de la une certaine révolution ils n'au-
communiste ! Il suffit d'envisa- masse, des bêtes de somme. des raient certainement pas été ce
ger des mesures radicales con- hommes dépréciés, de simples qu'ils sont aujourd'hui, admi-
tre les misères sociales qu'on outils à remplir les coffres et nistrateurs, gouverneurs, mi-
semble cultiver parce que fort à les défendre quand d'autres nistres ! Et cette révolution a
« pittoresques », pour être taxé brigands les lorgnent de trop été faite par le peuple, le peu-
de communiste ! et de sans près. Voilà ! Et ils veulent. nos
ple qu'ils trahissent, le peuple
Dieu, comme si Dieu avait or- proconsuls, s'amuser à barrer qui toujours sur la brèche mène
donné dans le décalogue de la route au R.D A., comme si
le saint combat. le peuple qui,
piller les uns et d'exploiter les l'on pouvait barrer la route à
autres. Comme le temps est une idée ! Qu'ils se rappellent parce que producteur, ne veut
loin ! (1928) où la simple vue ce 27 mai 1871, la phrase de plus tendre la main comme u n
mendiant...
du journal « l'Humanité » con- Thiers, après l'odieux massacre
duisait à la « boite ». Comme le « Nous voici débarrassés des... C'était à tout cela que nous
temps est loin où l'on prenait socialistes » ! Hélas ! Qu'ils se pensions le 12 octobre au Pala-
plaisir à diriger nos lectures ! rappellent aussi, ces africains. ce. lors de la conférence du
Comme le temps est encore encore de bonne foi, que déjà conseillé Barbé. Cette réunion
loin o ùl'on veillait sur les bra- en 1791, Barnave, porte-parole fut une véritable gageure dans
ves gars de tirailleurs pour des ancêtres de nos requins un pays où tout le monde agite
qu'ils n'eussent point, en Fran- modernes disait à la tribune à l'épouvantail communiste pour
ce, de relation avec les extré- l'Assemblée, ces phrases tron obliger le troupeau à rejoindre
mistes ! Comme le temps est actuelles : « C'est dans cette le bercail, le porteur à repren-
loin ! Mais tout çela est-il réel- opinion - opinion qui met une dre son fardeau. Viendront,
lement mort ? distance Immense entre l'hom viendront pas ! Et ils vinrent
m e noir et l'homme blanc - nombreux. africains et euro-
Vigné d'Octon fut c e r t a i n e qu'est le maintien dn régime péens. Et les applaudissements
d e s colonies e t l a base de leur comme des v a g n e s coulantd'un
Il protesta en 1900 contre le nègre pourra croire qu'il est bord à l'autre, pour re-
massacre de 5.000 malgaches à tranquillité. Du moment que le prendre haleine, éclataient plus
Ambiké et dénonçait le gouver- l'égal du blanc ou que celui qui forts laissant à neine la parole
nement du général Galliéni est dans l'intermédiaire (le mu- à l'orateur E t l'on croyait en-
« basé sur la spoliation et la lâtre) est l'égal dn blanc. Il tendre : Fini l'épouvantail com-
torture ». devient impossible de calculer muniste ! Fini l'épouvantail
l'effet de ce changement d'opi- communiste ! Fini l'épouvantail
— Ce sont des armes que nion. Ce sont les préjugés qui communiste ;
Page précédente : article signé B.B. D a d i é p a r u d a n s Réveil, n ° 337, du 8
novembre 1948, p o u r lequel Gabriel Dadié félicite son fils et dit s a f i e r t é d a n s
une lettre d u 14 novembre 1948 reproduite ci-dessus.
Début du texte manuscrit du poème «Le corbillard de la Liberté» publié par
B.B. Dadié sous le pseudonyme de Boua Coffi Bernard, dans Réveil,
n ° 356 du 21 mars 1949.
Lettre adressée par le prisonnier Dadié à son père, le 10 décembre 1949,
Les condamnations de mars 1950, dont celle de B.B. Dadié.
NOTES

1 Ainsi les humanistes italiens appelaient-ils Cicéron, Virgile et Horace.


2 Il y a d'ailleurs injustice à généraliser et, là encore, les individualités ne man-
quent pas qui s'éloignent d'un modèle d'écriture. Le jugement de Senghor (l'expres-
sion est de lui), complaisamment repris, vise cette littérature dite de la «première
génération», écrite dans un français châtié, académique, mais au fond surtout laïque
et politique qui aurait écarté les mythes. Chez Dadié, discrétion n'est pas absence.
3 Ce traité du 5 juillet 1843, confirmé le 7 mars 1844, concédait en toute pro-
priété la pointe de Mafia à la France et plaçait le royaume de Krindjabo sous son pro-
tectorat. Il mérite d'être rappelé en certains de ses articles, car on en retrouvera un
écho dans le premier tableau de la pièce de Dadié, Monsieur Thôgô-Gnini : «ARTICLE
7. - En échange de ces concessions, il sera accordé par les Français protection au roi
et aux chefs d'Assinie, à qui Sa Majesté s'engage à faire donner, le jour de la ratifica-
tion du traité: 100 pièces d'étoffe assorties, 100 barils de poudre, 100 fusils à un coup,
2 sacs de tabac, 6 pièces d'eau-de-vie de 220 litres, etc. ARTICLE 8. - A la fin de cha-
que année, le roi des Français veut bien faire donner à titre de coutume: 36 fusils,
120 dames-jeannes d'eau-de-vie, 36 barils de poudre, 96 paquets de tabac, lesquels seront
donnés par douzième au roi et aux chefs d'Assinie pour les engager à se maintenir dans
la stricte alliance et à assurer à leurs sujets la sécurité nécessaire pour faire fleurir leurs
entreprises commerciales.» (Nous soulignons.)
4 B. B. Dadié note dans «Mon pays et son théâtre», l'Education africaine,
Dakar, 1937, p. 63: «Moi, (...) catholique à deux générations.»
5 Frange commerçante et lagunaire du groupe akan. Selon la légende, celui-ci
serait venu d'Egypte au VI siècle après J.-C. Historiquement, il est arrivé du Ghana
par petits groupes, du début du XVIII siècle au milieu du XIX
6 Cf. Revue de l'Institut africain de recherches historiques et politiques, Fon-
dation Félix Houphouet-Boigny, semestriel, Abidjan, n° 3, s. d., consacré en partie
à «Gabriel Dadié, une grande figure de l'émancipation africaine», pp. 16 à 33.
7 Ibid., p. 27. Nous préparons une monographie sur Gabriel Dadié où tous ces
aspects seront développés.
8 Après le «boom» forestier de 1924, les progrès de l'agriculture commerciale
qui lie le paysan ivoirien aux excès impitoyables de l'économie de marché ou de traite
vont avoir des conséquences graves sur la vie des populations africaines : généralisa-
tion du travail forcé par la coercition de l'impôt et le biais de la prestation, spoliation
des terres sous prétexte qu'elles sont «vacantes et sans maîtres», abandon forcé et mort
des cultures vivrières, obligation de vendre les produits récoltés aux commerçants euro-
péens qui fixent ces prix au taux le plus bas.
9 Lors d'une conférence de presse, le 14 octobre 1985, le président Houphouet-
Boigny confirmait le rôle joué par Gabriel Dadié dans la fondation du syndicat et celui
du syndicat dans sa désignation comme candidat à la première Constituante. Il portait
ce jugement éloquent sur G. Dadié: «Dadié, très intelligent, nationaliste très éclairé... »
10 Parti démocratique de la Côte-d'Ivoire, section locale du Rassemblement
démocratique africain. Il est à noter que la fondation du P.D.C.I. (avril 1946) a pré-
cédé de six mois celle du R.D.A. (octobre 1946).
11 Par une proclamation publiée par le journal Clarté de Dakar, n° 75, en date
du 4 janvier 1946, Félix Houphouet expliquait à ses électeurs qu'il prenait désormais
le nom de Houphouet-Boigny, associant en ces deux noms les familles qui lui avaient
donné le jour.
12 Nous soulignons, ici et dans la suite de la citation.
13 Ce qui n'était pas sans risques. Différents décrets, dont celui du 27 mars 1928,
interdisaient la mise en vente et la circulation de dessins, imprimés, périodiques ou
non, susceptibles de porter atteinte, en A.O.F., au respect dû à la présence française.
14 B. B. Dadié, Commandant Taureault et ses nègres, Abidjan, C.E.D.A., 1980,
p. 16.
15 P u i s q u e c ' e s t le n o m d e p l u m e q u ' i l se d o n n e r a p o u r p u b l i e r , d a n s G e n è s e ,
B u l l e t i n d e l ' A s s o c i a t i o n W i l l i a m - P o n t y , n ° 1, le 1 a v r i l 1 9 4 5 , le c o n t e « L a s a u n e r i e
d e l a vieille d ' A m a f i » .
16 B . B. D a d i é , C l i m b i é , n o u v e l l e é d i t i o n , d a n s L é g e n d e s a f r i c a i n e s , P a r i s ,
S e g h e r s , 1982, p . 152.
17 I b i d . , p . 150. N o u s s o u l i g n o n s .
18 R e v u e d e l ' I . A . R . H . P , , n ° 3, o p . c i t . , t é m o i g n a g e d e B . B . D a d i é i n t i t u l é
« G a b r i e l D a d i é , m o n p è r e » , pp. 29-33.
19 C l i m b i é , o p . c i t . , p . 1 0 5 .
20 L e t é m o i g n a g e d e M . S e r i M a r o , c u i s i n i e r d e G a b r i e l D a d i é e n 1 9 2 4 - 1 9 2 5 , s u r
le c h a n t i e r d e la S é g u é , t é m o i g n a g e r e c u e i l l i p a r n o u s les 5 e t 6 j u i l l e t 1 9 8 6 , c o n f i r m e
l a p r é c o c i t é r e m a r q u a b l e d e « K o f f i - k i » : « p e t i t K o f f i » o u « K o f f i le p l u s p e t i t », a u q u e l
les a d u l t e s n ' h é s i t a i e n t p a s à c o n f i e r d e s t â c h e s q u i e x c è d e n t g é n é r a l e m e n t les c a p a c i -
tés d ' u n e n f a n t d e h u i t à n e u f a n s .
21 B . B . D a d i é , d i s c o u r s d e r é c e p t i o n à l ' A c a d é m i e d e s s c i e n c e s d ' o u t r e - m e r ,
7 m a i 1970, C o m p t e - r e n d u t r i m e s t r i e l d e s s é a n c e s d e l ' A c a d é m i e d e s sciences d ' o u t r e -
m e r , X X X V I , 2, 1976,
22 I b i d . N o u s s o u l i g n o n s .
23 C l i m b i é , o p . c i t . , p . 162.
24 R o b e r t C o r n e v i n , le T h é â t r e e n A f r i q u e n o i r e e t à M a d a g a s c a r , le L i v r e a f r i -
c a i n , 1970.
25 C l i m b i é , o p . c i t . , p p . 1 6 2 - 1 6 3 .
26 C h a r l e s B é a r t , J e u x e t j o u e t s d e l ' O u e s t a f r i c a i n , m é m o i r e I . F . A . N . , n ° 4 2 ,
D a k a r , 1955, p. 790.
27 E n t r e t i e n d u 25 j u i l l e t 1 9 7 8 .
28 B. B . D a d i é , d i s c o u r s d e r é c e p t i o n à l ' A c a d é m i e d e s s c i e n c e s d ' o u t r e - m e r , o p .
cit.
29 C l i m b i é , o p . c i t . , p p . 1 0 9 - 1 1 0 .
30 I b i d . , p . 110.
31 B . B. D a d i é , « L e c o n t e , é l é m e n t d e s o l i d a r i t é et d ' u n i v e r s a l i t é » , P r é s e n c e a f r i -
c a i n e , X X V I I , 1959,
32 B . B. D a d i é , « C o n f e s s i o n » , l a R o n d e d e s j o u r s , d a n s L é g e n d e s a f r i c a i n e s , o p .
cit., p. 266.
33 C l i m b i é , o p . c i t . , p . 1 6 4 .
34 I b i d . , p . 147.
35 B . B . D a d i é , l e s J a m b e s d u f i l s d e D i e u , A b i d j a n , C . E . D . A . , 1 9 8 0 , p . 18.
36 I b i d . , p . 11.
37 C l i m b i é , o p . c i t . , p . 1 3 7 .
38 « C h r o n i q u e a o f i e n n e » , l a V o i x d u D a h o m e y , 15 m a r s 1 9 2 8 , n ° 15.
39 Il v e n d d e s b o u t e i l l e s p o u r a c h e t e r d e s j o u r n a u x : le C o u r r i e r d e l ' O u e s t a f r i -
c a i n , l ' I n d é p e n d a n t c o l o n i a l , D e c i - d e l à , le T r a i t d ' u n i o n , q u i p a r l a i e n t , se s o u v i e n t - i l ,
d u s c a n d a l e des colas, des colis p o s t a u x , des chefferies, des c o u p e u r s de bois, d u recru-
t e m e n t d e la m a i n - d ' œ u v r e .
40 E n t r e t i e n s p e r s o n n e l s .
41 C o m m a n d a n t T a u r e a u l t e t s e s n è g r e s , o p . c i t . , p . 15. C f . a u s s i les J a m b e s d u
f i l s d e D i e u , o p . c i t . , p . 9 : « E t ce c o u p d e t o n n e r r e q u i , a u m a t i n , r é v e i l l a G r a n d -
B a s s a m ! N ' z o g a , le v i l l a g e d e N ' z o g a , i n c e n d i é p a r u n e x p l o i t a n t f o r e s t i e r . »
42 G e o r g e s H a r d y , U n e c o n q u ê t e m o r a l e : l ' e n s e i g n e m e n t e n A . O . F . , A r m a n d
C o l i n , 1 9 1 7 , p . 13. G e o r g e s H a r d y f u t le p r e m i e r i n s p e c t e u r d e l ' e n s e i g n e m e n t d e
l'A.O.F.
43 C a m i l l e G u y , l ' A f r i q u e f r a n ç a i s e , 1 9 2 2 , n ° 1, p . 4 3 . C ' e s t e n c o r e ce q u ' e s t i -
m e n t c e r t a i n s j o u r n a u x i v o i r i e n s e n 1 9 3 5 , p o u r l e s q u e l s le b u t d e l ' e n s e i g n e m e n t d o i t
être d e f o u r n i r à la c o l o n i e d e b o n s travailleurs m a n u e l s : « N o u s a v o n s assez d e clercs,
d e c o m m i s , d ' e m p l o y é s d e b u r e a u et n o u s m a n q u o n s d ' o u v r i e r s d ' a r t . Il n o u s f a u t d e s
f o r g e r o n s h a b i l e s , d e s m a ç o n s a d r o i t s , d e s m e n u i s i e r s m i n u t i e u x . Il n o u s f a u t d e s a r t i -
sans p o u r c h a q u e village n o i r et n o n des f a u x s a v a n t s , des ratés, des a i g r i s » ( L é o n
R o u i l l o n , F r a n c e - A f r i q u e , 9 avril 1935).
44 B . B . D a d i é , « M i s è r e d e l ' e n s e i g n e m e n t e n A . O . F . » , P r é s e n c e a f r i c a i n e , X I ,
1 9 5 7 , p . 6 8 : « T o u s d e s a u x i l i a i r e s , p a r le f a i t m ê m e q u ' a u c u n d i p l ô m e d e v a l e u r n e
nous était délivré. Tous ceux que nous détenions étaient des diplômes locaux. Nous
pouvions avoir toutes les compétences, le diplôme local était là pour barrer l'accès à
certains postes, à certains rôles. »
45 Climbié, op. cit., p. 176.
46 Nous renvoyons à ce que nous disons plus loin de Dadié journaliste.
47 Termes repris de B. B. Dadié, Climbié, op. cit., pp. 233-234.
48 Ibid., p. 176.
49 Ibid., p. 176.
50 Ibid., p. 179.
51 Charles Béart, «Le théâtre indigène et la culture franco-africaine », numéro
spécial de l'Education africaine, Dakar, 1937, pp. 3 et 4.
52 Ainsi, le sculpteur Charles Combes, qui passera sa vie en Côte-d'Ivoire et qui
ne manquait vraisemblablement pas de sympathie pour l'Afrique et les Africains, con-
damnait toute possibilité d'évolution de l'art africain en lui-même. Tout au plus, l'Afri-
que, sinon l'art nègre, pouvait-elle inspirer l'art européen: «L'art exotique ne consiste
plus désormais qu'en balbutiements puérils, en grossières statues de bois, en ornements
mystérieux mais maladroits. Combien plus intéressante est l'image des peuples sauva-
ges exécutée par nos sculpteurs, nos peintres, avec toute leur intelligence: le Noir tra-
duit par le Blanc» (le Courrier de l'Ouest africain, 22 août 1931),
53 Nous soulignons.
54 Pour ce qui est de la trame historique événementielle globale, Assémien Déhylé
(1776-1823) apparaît bien comme le successeur d'Amon N'douffou Kpagnyi (1751-1776),
son oncle. Soucieux de laver l'injure lancée par le roi des Abouré, Kissi, à Amon N'douf-
fou, il aurait juré de ne s'asseoir sur le trône que la tête de Kissi entre les mains. Il
se fit introniser, en fait, seulement après avoir vaincu de façon décisive les Abouré
qui disputaient aux Agni-Sanwi le pouvoir sur l'Assinie.
55 C.E.D.A., 1982.
56 Ibid., p. 234.
57 Aujourd'hui, un chanteur ivoirien se permet de plagier quasi textuellement
Dadié sans que personne ne songe à s'en offusquer, tellement son adaptation de la
légende est tombée dans le domaine commun.
58 Maurice Delafosse, Essai de manuel de langue agni, Librairie africaine et colo-
niale J. André, Paris, 1901, p. 165. Il y donnait, en effet, des fragments de la chroni-
que de la reine Pokou. Nous ne craignons pas d'insister en ajoutant que beaucoup
d'intellectuels sénégalais disent avoir dû l'éveil de leur conscience politique africaine
à la légende baoulé rapportée par Dadié dans Assémien Déhylé et plus tard aux arti-
cles du même Dadié (témoignage d'A. Mbodj, professeur à l'I.F.A.N., Dakar).
59 Entretien du 14 mars 1983.
60 Les voici :
1. Le chant d'ouverture «Bon'so, Bon'so» est un chant fanti très ancien d'une
danse enlevée ; il traduit une atmosphère de joie. Le chœur dansé « Eti mo koum min »,
agni-ashanti, est aussi ancien.
2. Les chants de la légende baoulé appartiennent aussi au registre agni-fanti-ashanti.
Le chant d'entrée «Toffé, Akouman gué» appartient au conte «L'enfant avalé par
un boa»; il est très ancien, en vieux langage éhotilé (ethnie lagunaire autochtone qui
disparut, quasiment colonisée par les Agni, mais laissa des traces de sa langue dans
les légendes, contes, chants anciens). Les «chants d'exil» et «chants d'espoir», chants
de la Bassam moderne, s'adaptaient parfaitement, par leurs rythmes et leurs paroles,
au récit lagunaire.
3. Le chant de clôture « Anou» est un chant de danse agni-abodan pour prendre
congé, «demander la route», selon l'expression ivoirienne. C'est en effet un chant de
« ndolo », de veillée.
4. Le dit du héraut «N'dja anouôo u ôô» est authentique. Il précède l'annonce
de toute nouvelle.
5. Le chant de funérailles «Edja, Emo, min nouan» et le chant « O tchin tchin
ba bo tchin» sont des chants modernes connus d'Abengourou à Bassam. Nous ne revien-
drons pas sur la première fois où le chœur «Pour le mort» fut chanté à Bingerville
par le groupe agni d'Aboisso-Dimbokro et sur l'effet puissant qu'il produisit sur les
assistants, Béart en particulier. Dadié avait dû y être sensible puisqu'il le réintroduisit
dans sa pièce. F.-J. Amon d'Aby pense qu'il s'agit d'un chant relativement moderne
mis à l'honneur par la danse «djelko» de Bassam dans les années 1930 et dont le rythme
plus vif avait été ralenti pour en faire un chant funèbre. Nous assisterions donc à l'effet
inverse de celui qui se produit le plus souvent : le théâtre, au lieu de consacrer une tra-
dition, la crée en donnant ses lettres de noblesse à un chant qui, désormais, scande
les funérailles des pionniers du R.D.A.
6. Parmi les chants de guerre, «La marche », si elle n'est pas tout à fait tradition-
nelle, car les vrais étaient ashanti, doit certainement à ceux-ci; elle fut introduite par
Animan, comme les «Appels du sorcier» dont l'origine est Abengourou. Les chants
«Yenan mo» ou «Kuesn'», chants de retour de la guerre, n'ont rien à voir avec les
chants de guerre authentiques ou «fokwe». Outre que les élèves ne les connaissaient
pas, ils n'auraient pu songer à porter sur le théâtre le tambour qui les eût accompa-
gnés, et vraisemblablement il n'eût pas été pensable de le faire, tant par respect de
leur culture que parce que le régime colonial ne l'eût point accepté. Aussi s'agit-il de
chants de danses modernes exécutées à Grand-Bassam, telles que «Groslot», «Sida»
(de l'anglais «See thar»), «Concomba», surtout venues du Ghana. «Yenan mo» était
un chant de fanfare, et «Kuesn'» (de l'anglais «kin», parenté) un chant de société,
d'amicale de football.
7. Quant aux chants du couronnement, «Oman wolouan wotché» est un chant
du Ghana, « Dja yo » un chant fanti, le chœur final un authentique chant de louanges.
61 La mort des captifs voués aux mânes des ancêtres est expliquée par le fait qu'ils
ont entendu un récit sacré d'intronisation royale, réservé au seul initié à la fonction
suprême.
62 Charles Béart, «Le théâtre indigène et la culture africaine», op. cit., p. 28.
63 Erreur vénielle: ce serait en fait la lame qui échut aux Agni-Sanwi. Informa-
tion donnée par F.-J. Amon d'Aby après consultation des traditionnalistes, le 9 octo-
bre 1984.
64 B. B. Dadié, « Le rôle de la légende dans la culture populaire des Noirs d'Afri-
que», contribution au premier Congrès des écrivains et artistes noirs, Paris, 1956, Pré-
sence africaine, numéro spécial, XIV-XV, 1957.
65 Barthélemy Kotchy, «Les sources du théâtre négro-agricain» et Bernard Zadi,
« Traits distinctifs du conte africain : thèses », Revue de littérature et d'esthétique négro-
africaine, n° 2, Abidjan, N.É.A., 1979.
66 Le lieu et le moment choisis: le pont sur l'Agbo (la rivière qui l'avait vu gui-
der ses radeaux de billes de bois) à une heure du matin, disent l'importance que le père
voulait donner à ses paroles.
67 Gabriel Dadié n'a pas laissé ses amis, Marius Gautry, avocat à Bassam, ou
encore l'avocat dahoméen Jean-Ignace Pinto (par la suite sénateur, puis ambassadeur
du Dahomey indépendant et que Lamine Gueye signale dans son Itinéraire africain
comme l'un des jeunes universitaires africains connus au-delà des frontières du Séné-
gal), sur lesquels se portaient, dans l'intervalle des deux conflits mondiaux, les espoirs
de l'Afrique, se charger des études de Bernard, qui eût tant aimé être avocat.
68 Climbié, op. cit., pp. 181-182.
69 Toujours très médiocrement logé pour ne pas dire pis: au 33, rue Grammont,
au 37, rue Carnot (rappelé dans Climbié, op. cit., p. 182), à la rue Raffenel et pour
finir au 67, rue Félix-Faure. Pour s'installer, il achètera son premier lit aux enchères.
Il ne pourra acquérir son premier vélo qu'en avril 1947. Il écrit à ce sujet dans son
diaire intitulé «Lettres à Somian» ou «Retour» en date du 5 avril 1947: «Ai fait le
tour de la corniche en (sic) vélo, mon premier vélo, acheté avec l' argent envoyé par
mon père, bien que j'aie onze ans de service effectif.»
70 Nous soulignons.
71 Etait-il possible à cette époque d'agir autrement que discrètement pour un sujet
français et même pour un Français africain? Les précautions dont Dadié s 'entoure
lorsqu'il écrit sa lettre à Kablan qui porte la mention «A ne montrer à personne»,
le terme de «conspirateurs», dont il sourit d'ailleurs, sont assez révélateurs du climat
de suspicion qui r é g n a i t . .
72 Jean Suret-Canale, Afrique noire: l'ère coloniale, 1900-1945, Paris, Editions
sociales, 1964, p. 558. Cf. Climbié, op. cit., p. 184.
73 Lui qui restera sujet français malgré les droits que lui donnait sa filiation.
74 Article paru le 3 septembre 1938 dans le Périscope africain, intitulé «Igno-
rance, maladresse ou haine», signé Jean Dody. Dadié y polémiquait avec le Périscope
africain et le Jeune Sénégal, refusant le régionalisme à courte vue dont faisaient preuve,
à son avis, les deux rédactions.
75 Climbié, op. cit., p. 168: «Il restait à Climbié pour le former son chef de ser-
vice, un jeune érudit avec qui il discutait de tout. »
76 Il sera supprimé pour avoir attaqué le secrétaire général du gouvernement,
Geismar.
77 Climbié, op. cit., p. 184. Voir encore l'article «Senghor, mon parrain», Hom-
mage à Léopold Sédar Senghor, homme de culture, Présence africaine, 1976, p. 208.
78 Les Jambes du fils de Dieu, op. cit., pp. 125-126 et 134-135. Quelques exem-
ples : une carte de ravitaillement africain ne donnait droit ni au pain ni au vin ; dans
les boutiques, il y avait deux queues : une pour les natifs, une pour les Européens. C'est
avec la lucidité que nous découvrent ses diaires que Dadié s'était présenté à l'enrôle-
ment, lors de la déclaration de guerre. Il fut classé «deuxième portion ».
79 Issa Diop, poème «Coups de pilon» du 12 mars 1942. Cf. la note 165.
80 C. Quillateau, Bernard Binlin Dadié, Paris, Présence africaine, 1967, p. 138.
81 Les Jambes du fils de Dieu, op. cit., p. 127.
82 Ibid. Cf. la nouvelle «Vive qui?», pp. 134-135, où la distance ironique des
personnages vis-à-vis des chefs blancs qui se disputent le pouvoir en France et en Afri-
que exprime bien celle de Dadié par rapport à ces luttes dont il pressentait que l'issue
améliorerait bien peu le sort des nègres, à moins que ceux-ci ne se décident à être des
artisans conscients de leur propre libération. Cf., p. 134, la réplique : «Qu'avons-nous
à faire dans toutes ces affaires? » Dès 1937, B. B. Dadié adhéra activement à l'Asso-
ciation des anciens élèves de Ponty fondée par Lamine Kaba, directeur d'une école
franco-arabe qui faisait office de siège de l'Association (non déclarée, bien sûr). Il igno-
rait que Kaba était fiché comme anti-français et que les membres de l'Association étaient
surveillés (Revue de l'I.A.R.H.P., n° 4, «Daniel Ouezzin Coulibaly, le "lion du
R.D.A. " », p. 31). Il ne fut jamais sympathisant d'un Bureau d'études communisant
qui, cette même année, aurait été sis rue Grammont, pas plus qu'il ne fut, après 1943,
membre des Bureaux ou Groupes d'études communistes de Dakar ou d'Abidjan.
83 Fondé par les Lébou du Cap Vert dont les revendications, exprimées dans leur
lettre du 13 septembre 1944 au gouverneur général de l'A.O.F., sont d'une haute dignité.
84 B. B. Dadié, «Quoi???», la Communauté, 1 année, n° 5, 16 octobre 1946,
p. 2. Voir encore «Non, messieurs», Réveil, n° 244, 22 septembre 1947, «Veillons»,
Réveil, n° 256, 3 novembre 1947.
85 B. B. Dadié, «Supplément de la couleur», la Communauté, 1 année, n° 8,
30 novembre 1946.
86 Nous n'avons pas retrouvé les numéros.
87 Cette dette, Gaston Monnerville l'avait affirmée le 15 mai 1945, à l'Assem-
blée consultative, en ces termes : « Sans l'Empire, la France ne serait aujourd'hui qu'un
pays libéré. Grâce à son Empire, la France est un pays vainqueur.»
88 Témoignage de l'auteur, entretien du 11 juillet 1978.
89 Présence africaine, n° 4, 1948.
90 Ibid.
91 Présence africaine, n° 5, 1948,
92 Ibid.
93 Climbié, op. cit., p. 183.
94 Voir plus loin. Le thème se retrouve dans Climbié, op. cit., p. 192.
95 Nous soulignons.
96 Cf. B. B. Dadié, Opinions d'un nègre, Dakar, N.É.A., 1979, p. 79: «Il y a
deux sortes de patience: celle qui ennoblit et celle qui ravale. Autant j'estime la pre-
mière, autant j'abhorre la seconde.»
97 Ibid., p. 57.
98 Revue de l'I.A.R.H.P., n° 3, op. cit., témoignage de B. B. Dadié sur son père,
p. 33. Tant à Agboville qu'à Abidjan, toutes les réunions interdites se tenaient dans
la concession de Gabriel Dadié.
99 Jeune noble essouma-éhotilé envoyé à la cour de Louis XIV par le roi d'Assi-
nie, filleul de Bossuet.
100 B. B. Dadié, «La mission du journal», Réveil, n° 292, 8 mars 1948.
101 B. B. Dadié, Réveil, n° 252, 21 octobre 1947.
102 B. B. Dadié, Réveil, n° 361, 25 avril 1949,
103 B. B. Dadié, «Bons Noirs et mauvais Blancs», Réveil, n° 280, 26 janvier 1948.
104 B. B. Dadié, Réveil, n° 346, 10 janvier 1949,
105 B. B. Dadié, poème «Oui, je le sais», Réveil, n° 337, 8 novembre 1948.
106 B. B. Dadié, «Les raisons d'une alliance», Réveil, n° 360, 18 avril 1949.
107 B. B. Dadié, «A ceux qui n'ont rien appris ni rien oublié», II, Réveil, n° 250,
13 octobre 1947.
108 B. B. Dadié, «Les raisons d'une alliance», Réveil, n° 360, 18 avril 1949.
109 B. B. Dadié, «Lettre à mon ami d'Agboville», Réveil, n° 338, 15 novembre
1948.
110 B. B. Dadié, «Lettre à un jeune Abbey», Réveil, n° 324. Derrière ces paro-
les, nous entendons, comme en écho, celles de Béatrice: «A nous le ciel, au Bitandais
la terre et tous les biens qu'elle prodigue», dans Béatrice du Congo, Paris, Présence
africaine, 1970, p. 85.
111 B. B. Dadié, «Nous maintiendrons!», Réveil, n° 347, 17 janvier 1949.
112 Cf. B. B. Dadié, la Ville où nul ne meurt, Présence africaine, 1968, pp. 23,
58, 157.
113 B. B. Dadié, «A un jeune Abbey», Réveil, n° 331, 27 septembre 1948,
114 B. B. Dadié, «Lettre à mon ami d'Agboville», Réveil, n° 338, 15 novembre
1948,
115 Ibid.
116 B. B. Dadié, «Nous maintiendrons!», Réveil, n° 347, 17 janvier 1949.
117 B. B. Dadié, «A ceux qui n'ont rien appris ni rien oublié», II, Réveil, n° 250,
13 octobre 1947,
118 B. B. Dadié, «Nous maintiendrons!», Réveil, n° 347, 17 janvier 1949,
119 Ibid.
120 B. B. Dadié, «Vivre!», Réveil, n° 357, 28 mars 1949.
121 Béatrice du Congo, op. cit.
122 B. B. Dadié, «Nous vaincrons», Réveil, n° 256, 3 novembre 1947,
123 B. B. Dadié, «Nous tendons la main», Réveil, n° 359, 11 avril 1949,
124 Cf. la Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 19.
125 B. B. Dadié, «Nous tendons la main...», Réveil, n° 359, 11 avril 1949,
126 B. B. Dadié, Réveil, n° 346, 10 janvier 1949.
127 B. B. Dadié, Réveil, n° 250, 13 octobre 1947,
128 B. B. Dadié, Réveil, n° 252, 21 octobre 1947,
129 B. B. Dadié, Réveil, n° 361, 25 avril 1949.
130 Cf. Climbié, op. cit., pp. 193-194, où le sentiment de vie volée est accentué
par la grisaille de la vie de fonctionnaire soumis à la double tyrannie coloniale et admi-
nistrative.
131 La Ville où nul ne meurt, op. cit., pp. 17, 23, 28, 46, 48, 58, 59, 62, 70 et
suivantes, 168, etc.
132 Cf. les extraits qu'en publie André Clérici dans son manuel Histoire de la Côte-
d'Ivoire, Abidjan, C.E.D.A., 1962. Ils témoignent, comme peuvent le confirmer ceux
qui ont eu le privilège de consulter le Carnet avant publication, que le document n'a
pas été remanié.
133 B. B. Dadié, Carnet de prison, Abidjan, C.E.D.A., 1981, p. 27.
134 Ibid., p. 33.
135 Ibid., p. 33.
136 Ibid., p. 43.
137 Ibid., p. 34. Il n'en demeure pas moins que l'union n'exclut pas les différen-
ces et que le groupe des huit «messieurs du R.D.A. » (p. 82) n'est pas un groupe mono-
lithique. Chacun y apporte le poids de sa personnalité, mais aussi la qualité particulière
de son engagement. Cela s'exprimera, en partie, dans les déclarations qu'ils feront au
procès, heureusement placées, avec les plaidoiries des avocats de la défense, à la fin
du Carnet.
138 Ibid., p. 56.
139 Ibid., p. 34.
140 I b i d . , p . 2 1 . V o i r a u s s i p . 9 5 .
141 M a l h e u r e u s e m e n t , les f e u i l l e t s d u C a r n e t c o n c e r n a n t ces j o u r n é e s s o n t p e r d u s .
Voir aussi pp. 93-99.
142 I b i d . , p p . 6 1 , 122.
I b i d . , p . 101.
I b i d . , p p . 54, 55, 59, 62, 77, 88, 99, 1 2 0 . . .
145 H u m o u r p a r f o i s g r i n ç a n t , c o m m e d a n s ces l i g n e s à p r o p o s d u c h i e n d u r é g i s -
s e u r q u i s o u l i g n e d e ses a b o i e m e n t s e t d e ses h u r l e m e n t s les c r i s d u g e ô l i e r . E l l e s t r a -
d u i s e n t d e f a ç o n m é t a p h o r i q u e p o u r le p r i s o n n i e r ce à q u o i a é t é r é d u i t e t se r é d u i t
t r o p s o u v e n t l ' « é v o l u é » a f r i c a i n : « S o n c h i e n a b o i e , et c e c h i e n m e f a i t p e n s e r à t o u s
les c h i e n s q u i v i v e n t d e m i e t t e s : q u i , c o u c h é s a u b a s d e la t a b l e , r e g a r d e n t la n a v e t t e
d e la f o u r c h e t t e d e l ' a s s i e t t e à l a b o u c h e d u m a î t r e e t v i c e v e r s a , ces c h i e n s q u i l a p p e n t
d e s m o u c h e s ( . . . ) et s u i v e n t d e s y e u x l a b o u c h é e d e s m a î t r e s , p r ê t s à s a u t e r s u r l a p r e -
m i è r e m i e t t e t o m b é e » ( p . 8 1 ) . L a v i v a c i t é d u c r o q u i s le d i s p u t e à l ' é p a i s s e u r d u s e n s .
I b i d . , p . 133. A c ô t é d u m e s s a g e d e M a u r i c e T h o r e z f i g u r e a u s s i le m e s s a g e
de l'ancien gouverneur Latrille.
I b i d . : A r a g o n , p . 7 8 ; B o n t é , p . 8 1 ; G o r k i , p . 150.
I b i d . , p p . 7 5 , 8 5 , 9 4 , 9 5 , 1 0 1 , 125, 162.
I b i d . V o i r e n t r e a u t r e s les p a g e s 3 2 , 5 4 , 1 1 0 , 1 3 2 , 134, 1 3 5 , 162.
I b i d . , p . 94.
151 L ' i r o n i e s u r soi - « J e n e s a v a i s p a s q u e n o u s é t i o n s si p u i s s a n t s , n o u s , les
H u i t . A p r è s t o u t cela, ne devrais-je p a s m e d o n n e r d e l ' i m p o r t a n c e ? Je fais t r e m b l e r
les p u i s s a n t s d e c h e z n o u s » ( p . 71) - m o n t r e q u ' e n t o u t e s c i r c o n s t a n c e s D a d i é g a r d e
le s e n s d e l a m e s u r e . V o i r a u s s i , p . 1 5 1 , l a l e t t r e à F r é d é r i c N d a : « D a n s c e t t e l u t t e ,
il n e f a u t p a s d e m e n e u r s , c a r il n ' y e n a p a s . »
I b i d . , p . 9 4 . V o i r a u s s i p p . 55 et 6 3 .
I b i d . , p p . 119, 1 2 3 , 1 2 4 .
I b i d . , p p . 152, 166.
I b i d . , p . 185.
156 I b i d . , p . 186. M D o u z o n , e n n o u s c o n f i a n t la p l a i d o i r i e d e M W i l l a r d et e n
r e c o n s t i t u a n t , à n o t r e d e m a n d e , sa p r o p r e plaidoirie de B a s s a m p o u r qu'elles figurent
d a n s le C a r n e t d e p r i s o n , n e le f a i s a i t , n o u s p r é c i s a - t - i l l o r s d e s e n t r e t i e n s q u e n o u s
e û m e s en s e p t e m b r e 1981, q u e p a r c e q u ' i l a v a i t t o u j o u r s eu u n e g r a n d e e s t i m e p o u r
B e r n a r d D a d i é , « l ' u n des rares à n ' a v o i r j a m a i s fait p r o f e s s i o n d e foi c o m m u n i s t e ,
n o u s d i s a i t - i l , e t l ' u n d e s r a r e s à n e p a s n o u s a v o i r t o u r n é le d o s » . A t o u t a u t r e m e s s a -
g e r et p o u r t o u t a u t r e q u e D a d i é , il e û t r e f u s é le d o c u m e n t . C f . l ' h u m o u r n o n e x e m p t
de s y m p a t h i e avec lequel l ' a u t e u r parle des c o m m u n i s t e s d a n s U n n è g r e à Paris, P r é -
s e n c e a f r i c a i n e , 1959, p . 198.
157 U n e l e t t r e a d r e s s é e p a r B e r n a r d D a d i é , le 15 m a i 1 9 5 0 , a u s e c r é t a i r e g é n é r a l
d u P . D . C . I . p o u r d é c l i n e r le r ô l e d e p r é s i d e n t d e c o m m i s s i o n ( d a n s l e q u e l , « à m a s o r -
t i e d e p r i s o n , le P a r t i a c r u d e s o n d e v o i r d e m e c o n f i r m e r » ) , d i t c e d é s i r .
158 D i s c o u r s d u d é p u t é H o u p h o u e t - B o i g n y , p r é s i d e n t d u R . D . A . , le 6 o c t o b r e
1951.
159 Il s ' a g i t là d u t i t r e d e l ' é d i t o r i a l d u D é m o c r a t e d e s 2 et 3 n o v e m b r e 1 9 5 0 r é d i g é
par Dadié.
160 L e t t r e a d r e s s é e p a r B e r n a r d D a d i é , le 2 9 j a n v i e r 1 9 5 2 , a u s e c r é t a i r e g é n é r a l
d u P . D . C . I . Il s ' a g i t d e la « R é s o l u t i o n d u R . D . A . » , p u b l i é e p a r la C ô t e - d ' I v o i r e , n ° 4 3 6 ,
d u s a m e d i 26 j a n v i e r 1952,
161 B. B. D a d i é , R e v u e d e l ' I , A . R . H . P . , F o n d a t i o n F é l i x H o u p h o u e t - B o i g n y , o p .
c i t . , n ° 3, s . d .
Afrique d e b o u t ou A f r i q u e d e b o u t ! injonction o u constatation selon que l'on
choisit l ' u n e o u l ' a u t r e p o n c t u a t i o n d u titre ( d o n t l'histoire de l ' é v o l u t i o n serait inté-
ressante à faire). P . Seghers, d a n s s o n c o u r r i e r d ' é d i t e u r , écrit en g é n é r a l A f r i q u e d e b o u t !
163 P o u r u t i l e q u ' i l s o i t , l ' o u v r a g e d e C . Q u i l l a t e a u , B e r n a r d B i n l i n D a d i é ,
l ' h o m m e et l ' œ u v r e , o p . cit., ne p e u t p a s s e r p o u r u n e é t u d e d e la p o é s i e d e D a d i é .
164 C o m m e le P a n o r a m a d e l a l i t t é r a t u r e n o i r e d ' e x p r e s s i o n f r a n ç a i s e d e J a c q u e s
N a n t e t ( é d i t i o n s F a y a r d , 1 9 7 2 ) . S i g n a l o n s a u s s i , p o u r le s é r i e u x d e l ' a n a l y s e , m a l g r é
l e u r n é c e s s a i r e b r i è v e t é , les p a g e s c o n s a c r é e s à la p o é s i e d e D a d i é p a r D o r o t h y S. B l a i r
d a n s s o n e x c e l l e n t A f r i c a n L i t e r a t u r e in F r e n c h ( C a m b r i d g e , U n i v e r s i t y P r e s s , 1 9 7 6 ) .
165 Ainsi, dans l'ouvrage de J. Nantet, le docteur Issa Diop qui, en publiant dans
D a k a r - J e u n e s le poème intitulé « Coups de pilon », aurait fourni à Dadié la forme poé-
tique dont il cherchait le « c o n t e n u préexistant en lui», est-il confondu avec David Diop,
et le p o è m e déclencheur avec le recueil bien connu du jeune poète p r é m a t u r é m e n t dis-
paru intitulé C o u p s de pilon. D o r o t h y S. Blair fait la même erreur et en prend prétexte
p o u r un développement discutable sur la forme des poèmes de Dadié.
166 Lancé par une lettre de René Depestre au poète Charles Dobzynski, où il fai-
sait part de ses premières réflexions sur les nouvelles théories esthétiques d ' A r a g o n ,
publiées par les Lettres françaises, n° 573, du 16 au 23 juin 1955, le débat allait se
développer dans les numéros de la revue Présence africaine d'avril-juillet 1955 ( n 4,
5, 6) à décembre 1956-janvier 1957 (n° 11).
167 B. B. Dadié, Présence africaine, février-mars 1956, n° 6.
168 C. Quillateau, B e r n a r d Binlin Dadié, l ' h o m m e et l'œuvre, op. cit., p. 140.
Ibid., p. 139.
Ibid., pp. 135-153.
Ibid., p. 137.
172 Ibid., p. 138.
Ibid., p. 139.
Ibid., p. 140.
Ibid., p. 139.
176 « N o i r sur Blanc», p o è m e liminaire d ' A f r i q u e d e b o u t ! , dans Légendes afri-
caines, op. cit., p. 9.
177 C. Quillateau, B e r n a r d Binlin Dadié, l ' h o m m e et l'œuvre, op. cit., p. 137.
178 P o u r une compréhension plus exacte du poème, il est important de faire appel
à la première version, publiée dans la C o m m u n a u t é , le 16 octobre 1946. Nous nous
contenterons d ' e n rappeler ici les premiers vers: « A f r i q u e , continent des dieux, Afri-
que, m a Patrie, / Afrique de la reconquête des libertés blanches ! / Il n'y a personne
en Afrique. » S'il est heureux que le poète ait trouvé une formulation plus concise,
nous p o u v o n s regretter l'obscurité que l'absence de l'adjectif « b l a n c h e s » risque de
faire peser sur l'interprétation du poème.
Op. cit., p. 122.
180 Cf. « O u i , je le sais ! », Afrique d e b o u t ! , op. cit., p. 13 : « Q u e jamais plus une
202 ou une Mercury Height / N ' a i t le pas sur l ' h o m m e . » O n songe à l'identification
de la Mercédès à l ' h o m m e d ' a f f a i r e s et vice versa dans l'Afrique d ' a u j o u r d ' h u i et au
parti q u ' e n tire O u s m a n e Sembène dans Xala.
181 «Feuille au vent », la R o n d e des j o u r s , dans Légendes africaines, op. cit.,
p. 257. Cf. « Prière de Nouvel A n », H o m m e s de tous les continents, Abidjan, C.E.D.A.-
Présence africaine, 1987, p. 70: « M o n langage n'est pas toujours un langage humain. »
(Nous soulignons.)
182 C f . , par exemple, « T u d o r s » , H o m m e s de tous les continents, op. cit., p. 23.
183 B. B. Dadié, Iles de tempête, Présence africaine, 1973, p. 61.
184 « J e vous remercie, m o n D i e u » , la R o n d e des j o u r s , op. cit., p. 260.
185 « L e noir de m o n t e i n t » , la R o n d e des j o u r s , op. cit., p. 268.
186 « C o n f e s s i o n » , la R o n d e des j o u r s , op. cit., p. 266.
187 « N o u s sommes de c e u x . . . » , la R o n d e des j o u r s , op. cit., p. 271.
188 L a R o n d e des j o u r s , op. cit., p. 266.
Climbié, op. cit., p. 202.
190 « L e m o n d e , c'est toi, m o n a m o u r » , la R o n d e des j o u r s , op. cit., p. 258.
191 Il ne faudrait pas oublier les pieds, mais leur présence dans la poésie de Dadié
est beaucoup plus discrète.
192 « O u i , je le s a i s ! » , A f r i q u e d e b o u t ! , op. cit., p. 12.
193 « P r i è r e à M a r i e » , H o m m e s de tous les continents, op. cit., p. 15.
194 Genèse, 37. « P r i è r e de Nouvel A n » , H o m m e s de tous les continents, op. cit.,
p. 71.
195 « P r i è r e de Nouvel A n » , H o m m e s de tous les Continents, op. cit., p. 71.
196 N o u s employons ce terme au sens que le prophète Jérémie lui donne (23, 3;
31, 7-8): les Juifs déportés à Babylone, reste du peuple de Dieu dépositaire des pro-
messes messianiques.
197 « P r i è r e de Nouvel A n » , H o m m e s de tous les continents, op. cit., p. 70.
Ibid., p. 72. Nous soulignons.
La R o n d e des jours, op. cit., pp. 262-264. La première édition de ce poème
dans Présence africaine, 1 trimestre 1949, est intéressante à c o m p a r e r à celle de la
R o n d e des jours, n o n seulement pour les variantes (importantes), mais aussi et surtout
p o u r son organisation graphique en périodes et laisses qui met mieux en valeur le dou-
ble aspect oratoire et lyrique du poème.
200 La question de la langue, même s'il ne peut écrire q u ' e n français, et de la cul-
ture occupe fortement l'esprit de l'écrivain. Voir, par exemple, Un nègre à Paris, op.
cit., pp. 186, 191, ou la Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 21, ou encore Légendes afri-
caines, op. cit., p. 56.
201 Cf. Opinions d ' u n nègre, op. cit., p. 109: « N é n u p h a r , image de ceux qui
a b a n d o n n e n t leurs traditions, t o u j o u r s f l o t t a n t . »
202 « C o n c l u s i o n aux points de vue sur la poésie n a t i o n a l e » , Présence africaine,
n° 11, décembre-janvier 1957, p. 101, Senghor cité par Alioune Diop. Le texte se trouve
dans la préface aux Contes noirs de l'Ouest africain par R. Colin, Paris, Présence afri-
caine, et dans Négritude et H u m a n i s m e , Paris, Seuil, 1964, p. 180.
203 « C h r i s t m a s » , H o m m e s de tous les continents, op. cit., p. 52.
204 P s a u m e 97.
H o m m e s de tous les continents, op. cit., p. 25.
La Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 15.
207 « L e rôle de la légende dans la culture populaire des Noirs d ' A f r i q u e » , Pré-
sence africaine, op. cit., p. 167.
208 Cf. ci-dessus, p. 56. Cf. Climbié, op. cit., p. 212.
209 B. B. Dadié, « L e conte, élément de solidarité et d'universalité», contribution
au deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs, Rome, 1959, Présence africaine,
n u m é r o spécial X X V I I - X X V I I I , 1959, p. 77.
210 Entendons un cycle c o m m e « u n e série de contes qui t o u r n e n t a u t o u r d ' u n ou
de plusieurs personnages principaux et qui narrent leurs aventures au gré de l'imagi-
nation et des circonstances de la vie». Deux principaux se partagent l'Afrique de l'Ouest :
celui du Lièvre p o u r la savane, celui de l'Araignée p o u r la forêt, avec, en sus, p o u r
les régions côtières, les cycles de l'Antilope et de la Tortue. Cf. R. Colin, C o n t e s noirs
de l'Ouest africain, Paris, Présence africaine.
Présence africaine, op. cit.
Présence africaine, op. cit.
213 « L e rôle de la légende dans la culture populaire des Noirs d ' A f r i q u e » , Pré-
sence africaine op. cit., p. 165.
Ibid., p. 165.
Ibid., p. 165.
Ibid., p. 167.
Ibid., p. 168.
Ibid., p. 169. Cf. le c o m b a t de Dadié contre le goût de la gloire personnelle
dans la lutte politique.
219 « L e conte, élément de solidarité et d'universalité», Présence africaine, op. cit.,
p. 77.
Ibid., p. 77.
Ibid., p. 79.
Ibid., p. 77.
Climbié, op. cit., pp. 107-108.
Ibid., p. 107.
225 Ibid., p. 220.
226 B. B. Dadié, « M o n pays et son t h é â t r e » , Assémien Déhylé, C . E . D . A . -
Abidjan, 1979, p. 26.
227 « N é n u p h a r , la reine des e a u x » , Légendes africaines, op. cit., p. 43.
Ibid., p. 43.
229 «Araignée, mauvais p è r e » , Légendes africaines, op. cit., p. 76.
230 « G n a m i n t c h i è » , Légendes africaines, op. cit., p. 87.
231 Nous reviendrons sur la fiction d ' u n personnage c o n t e u r féminin, même si sa
présence est d ' u n e discrétion telle qu'elle peut passer inaperçue.
232 « L e Crocodile et le M a r t i n - p ê c h e u r » , Légendes africaines, op. cit., p. 64.
233 « Le miroir de la disette », le Pagne noir, Paris, Présence africaine, 1977, p. 7.
234 «Le Bœuf de l'Araignée», le Pagne noir, op. cit., p. 54.
235 «Araignée et la Tortue», le Pagne noir, op. cit., p. 73.
236 «Les funérailles de la mère Iguane», le Pagne noir, op. cit., p. 75.
237 «Le groin du Porc», le Pagne noir, op. cit., p. 87.
238 David Diop, «Contribution au débat sur les conditions d'existence d'une pen-
sée nationale», Présence africaine, n° 11, décembre 1956-janvier 1957, p. 101.
239 «Le miroir de la disette», le Pagne noir, op. cit., p. 7.
240 Denise Paulme, «Morphologie du conte africain», Cahiers d'études africai-
nes, 1972, I, pp. 131-163.
241 «Le pagne noir», le Pagne noir, op. cit., p. 18.
Ibid., p. 22.
243 M. Grammont, Traité de phonétique, Paris, Delagrave, 1950, p. 400. (Même
si, à juste titre, certaines remarques de Grammont sur la valeur suggestive des sonori-
tés sont discutées, cette remarque tombe sous le sens.)
244 «La bosse de l'Araignée», le Pagne noir, op. cit., p. 42.
245 «Le miroir de la disette», le Pagne noir, op. cit., pp. 11-12.
246 L. S. Senghor, Liberté I, Seuil, 1964, p. 239.
247 Marius Ano Nguessan, Contes agni de l'Indénié, s.d., Imprimerie nationale
de Côte-d'Ivoire.
248 «La lueur du soleil couchant», Légendes africaines, op. cit., p. 86.
249 «Gnamintchiè», Légendes africaines, op. cit., p. 83.
Légendes africaines, op. cit., p. 64.
251 «Le chien de Coffi», Légendes africaines, op. cit., pp. 71-72.
252 «Les jambes du fils de Dieu», les Jambes du fils de Dieu, op. cit., p. 53:
«Tout comme dans les contes, le naturel et le surnaturel cohabitaient.»
253 «Le miroir de la disette», le Pagne noir, p. 8.
254 L. S. Senghor, «Préface», Nouveaux Contes d'Amadou Koumba, Paris, Pré-
sence africaine, 1958, p. 16.
255 «L'enfant terrible», le Pagne noir, op. cit., p. 46.
256 «Gnamintchiè», Légendes africaines, op. cit., p. 83.
257 Nous empruntons termes et typologie à Tzvetan Todorov, Introduction à la
littérature fantastique, Seuil, 1970, pp. 60-61.
258 «Le groin du porc», le Pagne noir, op. cit., p. 87.
259 «Araignée et la Tortue», le Pagne noir, op. cit., p. 68.
260 «Le règne de l'Araignée», Légendes africaines, op. cit., p. 52.
261 «Le miroir de la disette», le Pagne noir, p. 14.
Ibid., p. 7.
263 «Attoua, reine des étoiles», Légendes africaines, op. cit., p. 70.
Ibid., pp. 66-67.
265 «La légende de la fumée», Légendes africaines, op. cit., p. 58.
266 «La mort des hommes», Légendes africaines, op. cit., pp. 46-47.
267 «La saunerie de la vieille d'Amafi», Légendes africaines, op. cit., p. 40.
268 «L'aveu», Légendes africaines, op. cit., p. 54.
Légendes africaines, op. cit., p. 62.
270 Cf. «Araignée, mauvais père», Légendes africaines, op. cit., p. 77; «L'enfant
terrible», le Pagne noir, op. cit., p. 51.
271 «La saunerie de la vieille d'Amafi», Légendes africaines, op. cit., p. 41.
272 «L'aveu», Légendes africaines, op. cit., p. 56. Invention qui ne manque d'ail-
leurs pas d'être intéressante lorsqu'on sait que les croyances akan défendent qu'on se
lave quand la nuit est tombée.
273 «Gnamintchiè», Légendes africaines, op. cit., p. 86.
274 «La cruche», le Pagne noir, op. cit., p. 31.
275 «L'aveu», Légendes africaines, op. cit., p. 54.
Ibid., pp. 55-56.
277 «Araignée et son fils», le Pagne noir, op. cit., pp. 149-150.
Le Pagne noir, op. cit., pp. 151 à 158.
279 «Le Crocodile et le Martin-pêcheur», Légendes africaines, op. cit., p. 65.
280 «L'homme qui voulait être roi», le Pagne noir, op. cit., p. 153. Nous soulignons.
281 Le thème du chasseur obtus serait d'ailleurs intéressant à suivre dans ces con-
tes. Il se prolonge éloquemment dans le dernier recueil, les Contes de Koutou-as-Samala
(Paris, Présence africaine, 1982), par le conte «Les premiers aveugles».
282 M. Colardelle-Diarrassouba, le Lièvre et l'Araignée dans les contes de l'Ouest
africain, Paris, Union générale d'éditions, 1975,
283 B. B. Dadié, «Mon pays et son théâtre», Assémien Déhylé, op. cit., p. 26.
284 «La bosse de l'Araignée», le Pagne noir, op. cit., p. 37. Nous soulignons.
285 «Le rôle de la légende dans la culture populaire des Noirs d'Afrique», Pré-
sence africaine, op. cit., p. 166. Ce conte est développé dans les Contes de Koutou-as-
Samala, op. cit., sous le titre «Ananzè et la sagesse», pp. 21-36.
286 «Le conte, élément de solidarité et d'universalité », Présence africaine, op. cit.,
p. 72.
Ibid., p. 72.
288 C. Brémond, «Les bons récompensés et les méchants punis. Morphologie du
conte merveilleux français », Sémiotique narrative et textuelle, ouvrage collectif,
Larousse, 1973.
289 «Les lèvres se ferment de peur que la bouche ne dise tout», selon la belle
expression que le narrateur attribue à Diaw, le matelot conteur, dans Climbié, op. cit.,
p. 227.
290 Nous renvoyons, pour aider à saisir cette dimension de sous-jacence, de vie
secrète du créé dans l'œuvre de Dadié, au très beau poème quasi ignoré « Silence dans
la nuit » d'Hommes de tous les continents, op. cit., p. 74, et au poème « Prière de Nouvel
An», ibid., p. 70, où les termes «Je soulève pour vous / un coin du voile» sont tex-
tuellement exprimés.
291 «La légende de la fumée», Légendes africaines, op. cit., p. 61.
292 «La lueur du soleil couchant», Légendes africaines, op. cit., pp. 91-92.
Légendes africaines, op. cit., p. 87.
294 «La route», Légendes africaines, op. cit., p. 96.
295 «La bataille des oiseaux et des animaux», Légendes africaines, op. cit., p. 38.
296 « Attoua, reine des étoiles», Légendes africaines, op. cit., p. 68. Nous soulignons.
297 «La saunerie de la vieille d'Amafi», Légendes africaines, op. cit., p. 43.
298 «Araignée, mauvais père», Légendes africaines, op. cit., p. 77.
299 «Le Chien de Coffi», Légendes africaines, op. cit., pp. 71, 74. Le fromager
est l'arbre du culte par excellence dans les régions akan-agni. Nous ne pensons pas
que la précision de l'auteur soit anodine. C'est encore dans et autour d'un arbre -
dans «L'homme qui voulait être roi» - que se noue la question cruciale du dernier
conte du Pagne noir qui pose le problème de la justice et du pouvoir.
300 «Le miroir de la disette», le Pagne noir, op. cit., p. 14.
301 «Le pagne noir», le Pagne noir, op. cit., p. 20.
302 «Le Bœuf de l'Araignée», le Pagne noir, op. cit., p. 57. Le thème de l'arbre
maléfique est filé au long du conte «La jeune fille difficile» du recueil les Contes de
Koutou-as-Samala. L'«époux-crâne» de la jeune fille exigeante se présente à Cocoh
tandis qu'elle est placée sous son « arbre habituel » et ne révèle sa vraie nature de « crâne »
sur le long chemin qui conduit les nouveaux époux au village du mari qu'après s'être
dépouillé, à chaque arbre rencontré (acajou, ezobé, palétuviers, dabema), de son dégui-
sement d'homme «au-dessus des autres ».
303 Cf. le conte « Les premiers aveugles » des Contes de Koutou-as-Samala, où les
«chasseurs-qui-n'avaient-peur-de-rien» ne savent pas reconnaître le Boa primordial,
«triple symbole de la transformation temporelle, de la fécondité et enfin de la péren-
nité ancestrale». Comme dit Gilbert Durand (les Structures anthropologiques de l'ima-
ginaire, Paris, Bordas, 1969, p. 364): «Etre " n o u r r i " n'est pas une raison suffisante
à l'acquisition de la sagesse; il faut encore savoir "se situer".»
Op. cit., p. 29.
Climbié, op. cit., p. 180.
Ibid., pp. 196-197. Le 10 janvier 1946, Dadié note dans son diaire n° 2 la grève
des employés de commerce et des auxiliaires du gouvernement : « Les dockers suivent,
on mobilise les travailleurs de force. » La grève générale dura du 14 au 24 janvier. La
visite du ministre dont il est question dans Climbié est celle de J. Soustelle, ministre
des colonies. Voir Réveil, n° 256.
Ibid., p p . 204-208.
308 V o i l à ce q u ' e n d i t M o c k e y d a n s s o n a r t i c l e d e R é v e i l , n ° 3 5 5 , 14 m a r s 1 9 4 9 ,
« L a b a t a i l l e d u c a c a o » : « 1 9 4 7 - 1 9 4 8 . . . C o u r s d é r i s o i r e d e s p r o d u i t s ; le s y n d i c a t f a i t
a p p e l à ses a d h é r e n t s p o u r n e p a s v e n d r e , e n p r é v i s i o n d ' u n e a u g m e n t a t i o n s e n s i b l e .
Mais des m e m b r e s , abusés p a r u n e p r o p a g a n d e insidieuse, par des menaces de baisse
p r o p a g é e s p a r d e s a g e n t s d e c o m m e r c e et d e s t r a i t a n t s q u i e u r e n t d e s m i l l i o n s d e b é n é -
fice d a n s c e t t e s p é c u l a t i o n , v e n d i r e n t leur c a c a o à q u i n z e f r a n c s . Q u i n z e j o u r s a p r è s ,
le p r i x p a s s a i t à t r e n t e - c i n q f r a n c s . L e s A f r i c a i n s e n o n t r e t e n u l a l e ç o n . » N o u s n e
r a p p e l l e r o n s p a s ici les e x a c t i o n s c o m m i s e s e n f é v r i e r 1 9 4 9 p a r les t r o u p e s a u x o r d r e s
d u c o l o n e l L a c h e r o y s u r les v i l l a g e s e t c a m p e m e n t s d e s p l a n t e u r s r e f u s a n t l a t r a i t e .
Climbié, op. cit., p p . 233-234.
I b i d . , p . 199.
I b i d . , p. 243.
Ibid., pp. 237, 242.
I b i d . , p. 202.
I b i d . , p. 204.
315 I b i d . , p . 2 4 3 .
L e s j a m b e s d u f i l s d e D i e u , o p . cit., p. 44.
Ibid., p. 99.
C l i m b i é , op. cit., p p . 240-242.
319 N o n s a n s s o u l i g n e r a v e c h u m o u r ce q u ' i l y a d e t r o p p é r e m p t o i r e d a n s c e r -
t a i n s j u g e m e n t s c r i t i q u e s : « Il f a u t s o u l i g n e r , à p r o p o s d e C l i m b i é , l ' i m p o r t a n c e d u
j u g e m e n t d e s c r i t i q u e s s u r l ' o p i n i o n . O n v o u s b a p t i s e c a r p e et v o u s r e s t e z c a r p e , m ê m e
si v o u s ê t e s b r o c h e t » , n o u s d i s a i t - i l le I l j u i l l e t 1 9 7 8 .
320 B. B . D a d i é , e n t r e t i e n d u 1 1 . 0 7 . 1 9 7 8 , à p e u p r è s r e p r i s d a n s « E n t r e t i e n
C . L . E . F . », B e r n a r d D a d i é , A r c h i v e s s o n o r e s d e la l i t t é r a t u r e n o i r e , vol. X I I , R . F . I . -
C . L . E . F . , A b i d j a n - P a r i s , 1982.
C l i m b i é , o p . c i t . , p . 146.
I b i d . , p . 103.
I b i d . , p . 105.
I b i d . , p . 143.
I b i d . , p . 133. N o u s s o u l i g n o n s .
326 I b i d . , p . 1 1 4 - 1 1 7 .
Ibid., p p . 120-121.
Ibid., p p . 125-131.
329 I b i d . , p p . 1 3 2 - 1 3 5 .
I b i d . , p. 133.
I b i d . , p . 134.
332 Il n ' a p p a r a î t q u e d a n s q u a t r e n o u v e l l e s s u r q u i n z e : « L e p r e m i e r l i v r e c o m -
m a n d é » , « L e s j a m b e s d u f i l s d e D i e u » , « L a m o n t r e » , « L e b i l l e t d e la c h a m b r e à
coucher».
333 « L e p r e m i e r l i v r e c o m m a n d é » , p . 6 : « C ' é t a i t e n 1 9 2 8 , à B a s s a m . »
334 C o n f i d e n c e d e l ' é c r i v a i n .
335 I d e m .
336 P e n d a n t t o u t e u n e a n n é e ( 1 9 4 7 - 1 9 4 8 ) , D a d i é j o u a u n r ô l e e s s e n t i e l d a n s l ' a n i -
m a t i o n de la section d u R . D . A . d ' A g b o v i l l e . Les r e n s e i g n e m e n t s qui suivent sont tirés
d ' u n a r t i c l e d e B. D a d i é d a n s Réveil, n ° 306, d u 26 avril 1948. E g a l e m e n t d a n s Réveil,
les 2 7 s e p t e m b r e e t 15 n o v e m b r e 1 9 4 8 , d e u x a r t i c l e s s i g n é s « R . D . A . , s e c t i o n A g b o -
ville» (donc de Dadié) d é n o n c e n t l'administrateur C o r r o t .
337 T r è s p r é s e n t d a n s C a r n e t d e p r i s o n .
C o m m a n d a n t T a u r e a u l t e t s e s n è g r e s , o p . c i t . , p p . 78 à 8 1 .
339 C l i m b i é , o p . c i t . , p . 108.
I b i d . , p . 107.
L a Ville o ù n u l n e m e u r t , o p . c i t . , p . 2 4 .
C l i m b i é , o p . c i t . , p . 1 0 6 . V o i r a u s s i p . 125.
L e s J a m b e s d u f i l s d e D i e u , op. cit., p. 52.
344 « L a m o n t r e » , les J a m b e s d u f i l s d e D i e u , o p . c i t . , p . 7 7 .
345 « A r c d e t r i o m p h e d e l ' E t o i l e » , les J a m b e s d u f i l s d e D i e u , o p . c i t . , p . 33.
I b i d . , p. 35.
Commandant Taureault et ses nègres, op. cit., pp. 13-16.
Les Jambes du fils de Dieu, op. cit., p. 53.
Climbié, op. cit., p. 166.
350 Il y a là une explication psychanalytique à chercher dans l'enfance de l'auteur:
la «grand-mère dévorante» qui hante Som-Nian (cf. l'histoire d 'Acouba la sorcière
dans «Le premier livre commandé », les Jambes du fils de Dieu, op. cit., p. 5) hanta
peut-être son enfance.
Climbié, op. cit., p. 125.
352 «Les jambes du fils de Dieu», les Jambes du fils de Dieu, op. cit., p. 55.
353 Ibid., p. 58.
Ibid., pp. 57-58.
Ibid., p. 56.
Ibid., pp. 53-54.
Ibid., p. 55. Nous soulignons.
Ibid., p. 56.
Ibid., p. 54.
Ibid., p. 55.
Un nègre à Paris, op. cit., pp. 65, 133.
362 «Les jambes du fils de Dieu», les Jambes du fils de Dieu, op. cit., p. 54.
Ibid., p. 54.
364 «Arc de triomphe de l'Etoile», les Jambes du fils de Dieu, op. cit., p. 33.
365 «Les jambes du fils de Dieu», les Jambes du fils de Dieu, op. cit., p. 55.
366 «Le car Bernard», les Jambes du fils de Dieu, op. cit., p. 24.
367 «Les jambes du fils de Dieu», les Jambes du fils de Dieu, op. cit., p. 54.
368 Détail biographique certain. L'oncle Agénor Wouamien, notable coutumier,
cousin, condisciple et grand ami de Gabriel Dadié recevait l'enfant et l'oncle Mélant-
chi quand ils venaient à Bingerville du campement voisin.
369 «Les jambes du fils de Dieu », les Jambes du fils de Dieu, op. cit., p. 58. Nous
soulignons.
370 «Le car Bernard », les Jambes du fils de Dieu, p. 24. Nous soulignons. Dans
le diaire n° 3, intitulé « Retour», qui rapporte le voyage de retour de Dadié en Côte-
d'Ivoire, on lit cette notation symptomatique de sa perception ironique de la mue du
Noir «assimilé» ou «évolué»: à l'escale de Sassandra, il aperçoit «l'évolué parfait,
un commis certainement: chapeau, chemisette, culotte, montre-bracelet, crayon en main,
chaussures et chaussettes, un collègue à moi qui ignore sa misère ». (Nous soulignons.)
Climbié, op. cit., p. 126.
Ibid., p. 138.
Les Jambes du fils de Dieu, op. cit., pp. 7, 18, 48... Cf. Maret, « Rapport sur
la question de la main-d'œuvre et l'organisation du travail en Côte-d'Ivoire» (1931):
« Le serf korhogo mange debout sans quitter la corde sur laquelle il tire depuis le chant
du coq. Le temps de cracher et l'on pèse à nouveau sur le câble. On ne peut s'empê-
cher de songer aux galériens de Vincent-de-Paul. » Dadié a, parmi ses notes de lecture,
un résumé important du rapport Maret.
Commandant Taureault, op. cit., p. 15 ; les Jambes du fils de Dieu, op. cit.,
pp. 9, 44.
Climbié, op. cit., p. 110.
Ibid., p. 106.
Ibid., p. 165.
Ibid., p. 166. Ce regret comme le terme de «sauvage», repris non sans une
certaine complaisance, sont perceptibles dans les diaires de Bernard Dadié.
379 Ibid., p. 166. Voir ainsi la pluie à Gorée, pp. 177-178; l'océan à Dakar,
p. 194; le paysage en allant à Saint-Louis, p. 313; les descriptions de Saint-Louis,
pp. 215-216; la côte vue du bateau, pp. 227-228, etc.
Commandant Taureault et ses nègres, op. cit., p. 44. A rapprocher du poème
«Silence dans la nuit» d'Hommes de tous les continents, op. cit.
La Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 83. Cf. Climbié, op. cit., p. 168, dans
la plantation de l'oncle Assouan Koffi : «On aurait aimé vivre là, dans le calme, dans
ce murmure d'insectes, ces chants d'oiseaux, loin de tous les bruits dissolvants de la
ville. » (Nous soulignons.)
Climbié, op. cit., p. 237.
383 Rappelons que Dadié a toujours dans ses papiers un projet de Paris à la loupe.
C'est bien au regard de l'entomologiste qu'un tel titre renvoie. Le type de regard, regard
de l'Européen, pp. 148, 192, 237, regard de l'Africain pp. 125, 211, est fréquemment
relevé dans Climbié à l'avantage de l'Africain qui, lui, « fait au moins un effort pour
briser les barrières» (ibid., p. 211).
384 Cf. Un nègre à Paris, op. cit., p. 29 ou la Ville où nul ne meurt, op. cit.,
p. 170.
Un nègre à Paris, op. cit., p. 217.
Ibid., p. 12.
Ibid., p. 14.
L'Education africaine, 1937, numéro spécial, p. 21.
389 F.-J. Amon d'Aby, Croyances religieuses et coutumes juridiques des Agni de
la Côte-d'Ivoire, G. P. Maisonneuve et Larose, Paris, 1960, p. 36.
Ibid., p. 39.
Un nègre à Paris, op. cit., p. 8.
392 Ibid., p. 8.
La Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 51.
394 Comme Dadié lui-même...
395 Un nègre à Paris, op. cit., p. 18. Nous soulignons.
Climbié, op. cit., p. 193.
Un nègre à Paris, op. cit., p. 18 et Climbié, op. cit., p. 192: « Il n'y a per-
sonne», p. 194: « Passé par le laminoir des échelons...».
398 « Le car Bernard », les Jambes du fils de Dieu, op. cit., p. 17.
399 Ibid., p. 23.
Un nègre à Paris, op. cit., p. 9. Nous soulignons.
Ibid., p. 14.
Patron de New York, op. cit., pp. 44-45.
La Ville où nul ne meurt, op. cit., pp. 17 et 31.
Un nègre à Paris, op. cit. Voir les pages 32, 147, 166, 181, 186, 194, 202...
Un nègre à Paris, op. cit., p. 192. Rapportée à la date d'écriture du texte:
1956, et à la politique française outre-mer, la remarque ne manque pas de sel.
La Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 50.
Ibid., p. 204.
Ibid., p. 38.
Un nègre à Paris, op. cit., p. 195.
Climbié, op. cit., p. 195.
411 V. Jankélévitch, l'Ironie, Paris, Flammarion, 1964.
La Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 33.
Ibid., p. 41.
Ibid., p. 43.
Ibid., pp. 43-44.
Ibid., p. 44.
Ibid., p. 44.
La Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 10.
Ibid., p. 26.
420 Cf. Patron de New York, op. cit., p. 158: « L'Amérique, hélas, n'a pu débar-
quer cette Liberté qui a pris racine dans une île, comme pour dire qu elle n' est pas
encore de la société des hommes.»
La Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 50.
Patron de New York, op. cit., pp. 22, 23, 26-27, 30-32, 34-35, 36, 37-38, 42,
61-62, 66, 70-71, 84, 92, 99-100, 124-125, 127; 141, 150, 177-179, 211-212, 240-242,
263, 265, 272, 282, 284, 285, 297, 298, 301, 302, 304-306.
Ibid., p. 31. Nous soulignons.
Patron de New York, op. cit., p. 140.
Ibid., pp. 140-141.
Ibid., p. 141. Cf. p. 57: «L'homme a été usiné, rôdé, reconditionné pour lui
permettre de jouer (...) son rôle dans la société faite d'une multitude infinie de pièces
détachées.»
427 Op. cit., p. 104.
428 Patron de New York, op. cit., p. 140.
429 Ibid., p. 241.
430 Ibid., p. 124. Cf. pour ce qui précède les pages 139-140, 150, 179, 305... Ce
thème est largement traité dans les articles de Réveil.
431 Ibid., p. 150.
432 La Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 9.
433 Ibid., p. 23.
434 Patron de New York, op. cit., p. 142.
435 H. Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, 2e édition, Paris, P.U.F.,
1975, pp. 555-595.
436 Patron de New York, op. cit., p. 302.
437 Un nègre à Paris, op. cit., p. 21. Voir aussi, en conclusion à Un nègre à Paris,
la reprise sur la qualité du regard : « Je pense que les hommes ne se regardent pas assez
dans les yeux, obnubilés qu'ils sont par leur couleur et leur situation», ibid., p. 214.
438 Un nègre à Paris, op. cit., p. 27.
439 Ibid., thème annoncé pp. 19-20, puis repris pp. 26, 27, 34, 145-146, 165, 173,
182.
440 Climbié, op. cit., p. 237.
441 Un nègre à Paris, op. cit., pp. 32-33.
442 Patron de New York, op. cit., p. 203.
443 La Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 21.
444 Un nègre à Paris, op. cit., p. 83.
445 Ibid., pp. 91-92.
446 Ibid., p. 165.
447 La Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 21.
448 Ibid., p. 88.
449 Patron de New York, op. cit., p. 222. «Bond» signifie «lien» en anglais;
l'auteur traduit par «mariage».
450 Ibid., p. 203.
451 La Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 8.
452 Ibid., p. 7.
453 Un nègre à Paris, op. cit., p. 54.
454 Climbié, op. cit., p. 211.
455 La Ville où nul ne meurt, op. cit., p. 42. Nous soulignons.
456 Carnet de prison, op. cit., p. 49. Le diaire «Retour» comporte un passage,
celui des retrouvailles toutes de pudeur et d'émotion contenue avec sa mère, Enouayeh,
devenue aveugle, à laquelle il va rendre visite à Assinie.
457 Climbié, op. cit., pp. 173, 230, 239.
458 Carnet de prison, op. cit., p. 185.
459 V. Jankélévitch, l'Ironie, op. cit., p. 130.
460 Ibid., op. cit., p. 133.
461 Georges Balandier, Histoires d'autres, Paris, Stock, 1977, pp. 158 et 163.
Dadié avait rencontré Alioune Diop à Dakar, alors que ce dernier était chef de cabinet
de Barthes, gouverneur général. Diop voulut, dès sa fondation, l'associer à la revue,
mais Dadié ne put (les raisons sont à trouver essentiellement dans son engagement poli-
tique) quitter l'Afrique pour Paris. Il devint donc collaborateur de la revue en rési-
dence à Abidjan et s'occupa activement de son rayonnement. Par une lettre du 3
septembre 1948, A. Diop revient à la charge; il lui propose «un rôle important dans
nos activités de Paris (rédacteur en chef, par exemple) qui le ferait collaborer avec " notre
ami"», c'est-à-dire André Gide.
462 Voir aussi Un nègre à Paris, op. cit., pp. 117, 166.
463 Entretien du 11 juillet 1978.
464 Pierre Verger, «Relations commerciales et culturelles entre le Brésil et le golfe
du Bénin», Journal des américanistes, Paris, Musée de l'Homme, 1969, tome LVIII,
pp. 31-56: «Dans les régions (...) dominées par le roi d'Abomey, les Africains escla-
ves émancipés, de retour de Bahia, venaient s'agréger au petit noyau formé aupara-
vant par les commerçants d'esclaves du Portugal et du Brésil. Tous étaient plus ou
moins dédiés, jusqu'en 1863 (époque de la cessation de la traite clandestine avec Cuba),

Vous aimerez peut-être aussi