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Consommation

et modes de vie N°>263>•>ISSN>0295-9976>•>septembre>2013

Adeline Dembo, Patrick Duchen

Plus forte fréquentation des commerces


de proximité, de surgelés et du hard-discount
Le commerce alimentaire connaît de profondes >>En>sept>ans,>une>plus>grande>diversité>>
mutations depuis quelques années : remise de>la>fréquentation>des>magasins>d’alimentation
en question du modèle de consommation de
masse, multiplication des formats de distribu- La fréquentation des magasins, quelle que soit leur forme, ne diminue pas.
tion de proximité, développement des ventes via Elle est stagnante pour les supermarchés, les marchés et les supérettes.
Internet et les drives. Les distributeurs redou- En revanche, les autres circuits de distribution affichent des fréquenta-
blent d’efforts pour attirer les consommateurs tions supérieures en 2012 à celles de 2005. Les plus fortes progressions
dont les budgets sont de plus en plus contraints sont atteintes par les commerces alimentaires spécialisés (+9 points), les
par les dépenses obligatoires (logement, magasins de surgelés (+7 points), le hard-discount (+6 points) et dans une
assurances, communication). Les dépenses moindre mesure les hypermarchés (+3 points). Dans le même temps, le
alimentaires deviennent une variable d’ajuste- recours aux drives et à Internet se développe. Internet ne représente que
7 % des clients du commerce alimentaire. Cette proportion est certes en
ment dans le budget des ménages.
hausse par rapport à 2005, avec un facteur multiplicatif de 2,5. Mais elle
Le CRÉDOC a renouvelé en 2012 une enquête
reste inférieure à la fréquentation des drives où se rendent près de 11 % des
réalisée en 2005 portant sur la connaissance
consommateurs. lll
des comportements des consommateurs : qui
fréquente quel type de magasin, avec quelle
fréquence d’achat ? Quelle est la satisfaction
ressentie dans chaque type de circuit de distri-
bution, quels sont les facteurs qui incitent
le consommateur à les fréquenter ou bien à
Hausse de la fréquentation des commerces alimentaires spécialisés
les éviter ? La confrontation des résultats de et de surgelés
l’enquête à sept ans d’intervalle permet de % d’individus ayant déclaré fréquenter le circuit, quelle que soit la fréquence des visites
mettre en évidence les évolutions intervenues 100
dans ce domaine. 90 88 91 2005 2012
Si les hypers et supermarchés restent les circuits 80
80 80
76 76
les plus fréquentés, les commerces alimentaires 70
70
67
spécialisés (boucheries, charcuteries…), les 60
61 61
magasins de surgelés et le hard-discount sont 50 48 48 48 48 47
davantage plébiscités qu’il y a sept ans. Les 40 40
consommateurs tendent aussi à diversifier leur 30
parcours d’achat. Ils se rendent moins souvent 20
dans chaque circuit mais fréquentent un plus 10 11 7
grand nombre de formats de distribution. Par 0
ailleurs, l’attention portée au prix se renforce Hyper Super Marchés Cce alim. Hard- Épiceries Supérette Magasins Drives Internet
spéc. discount surgelés
nettement et la demande en faveur d’une offre +3 +9 +6 +7 +4
de proximité progresse. Source : Enquêtes Commerce CRÉDOC 2005 et 2012.

centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie 1


>>Les>consommateurs> la proportion de consommateurs fréquentant 6 circuits ou plus au moins
fréquentent>plus>de>circuits,> une fois par mois est passée de 16 % à 23 %
Répartition des enquêtés selon le nombre de circuits fréquentés au moins une fois par mois, en %
mais>se>rendent>moins>
24
souvent>dans>chacun>> 23
2005
d’entre>eux 21
20
En 2005, 21 % des consommateurs ne 17 2012
16
fréquentaient au moins une fois par 14 13
13
mois qu’un ou deux circuits, ils ne sont 11
plus que 19 % en 2012. À l’inverse,
7
16 % déclaraient fréquenter 6 circuits 7 6
ou plus au moins une fois par mois, ils 4 3
sont désormais près d’un quart (23 %). 1
De plus, la part de clientèle se rendant
plus d’une fois par semaine dans chaque 1 2 3 4 5 6 7 8
Nombre de circuits
format de distribution est en baisse Source : Enquêtes Commerce CRÉDOC 2005 et 2012.
entre les deux enquêtes, si l’on exclut
les magasins de surgelés. Au contraire, en appartement, sont diplômés et Deux autres groupes se caractérisent
la part de consommateurs allant moins ont de hauts revenus. Ils accordent par une très forte sélectivité dans leurs
d’une fois par mois dans un circuit est de l’importance à la marque des choix de circuits, mais avec des profils
en hausse dans tous les canaux de distri- produits, à la qualité, et se révèlent très différents : il s’agit des massifica-
bution (à l’exception des commerces peu sensibles au prix. Ce sont par teurs et des conquis du hard-discount.
alimentaires spécialisés). ailleurs des consommateurs plus • Les massificateurs réalisent leurs
La multi-fréquentation s’accentue : les « engagés » que la moyenne, les courses dans un nombre restreint
courses alimentaires sont davantage garanties écologiques, le soutien de circuits généralistes – avant tout
réparties entre les différents circuits d’une cause humanitaire sont impor- les hypermarchés – et ont recours à
de distribution où les consommateurs tants dans leurs critères de choix. Internet et au drive. Ils sont jeunes
se rendent moins fréquemment. Ces • Les éclectiques des commerces (25-35 ans), diplômés, ont des revenus
constats vont dans le sens d’une diversi- indépendants de proximité sont plutôt élevés, résident plutôt en maison
fication croissante des parcours d’achat des hommes, ils habitent moins individuelle. Très sensibles au prix –
des consommateurs. Si les hypers souvent dans des petites agglomé- ils sont très utilisateurs des compara-
et supermarchés restent encore la rations. Au-delà de la proximité des teurs, pratiquent le marchandage et
référence, le consommateur est de plus circuits fréquentés (notamment pour l’achat d’occasion – ils considèrent les
en plus exigeant et zappeur et n’hésite gagner du temps), ils accordent une courses comme une contrainte.
pas à profiter de la diversité offerte par importance très forte aux labels de • Les conquis du hard-discount prati-
la multiplication des enseignes et des qualité des produits, mais sont, comme quent l’essentiel de leurs courses
formats de distribution. les précédents, peu sensibles au prix. dans les magasins hard-discount. Ce

>>Cinq>stratégies>> des acHats alimentaires plus espacés


Écarts 2005-2012 : « Fréquentez-vous les magasins suivants ? »
pour>faire>ses>courses
Plus d’une Deux
Une fois Une fois Moins
Deux premiers groupes de consomma- fois par à trois fois
semaine par semaine par mois par mois souvent
teurs sont caractérisés par la diversité
des circuits qu’ils fréquentent, chacun Hypermarchés -2 -2 +4 -2 +2
ayant recours à au moins quatre Supermarchés -6 -3 +3 +2 +5
circuits : il s’agit des éclectiques des Supérettes -5 -4 – +2 +8
enseignes de proximité (par exemple Épiceries -5 +3 -6 +1 +7
Carrefour City, Daily Monop’, Franprix, Hard-discount -2 -6 -3 +4 +7
les magasins de surgelés) et des éclec- Marchés -3 -5 -3 +2 +9
tiques des commerces indépendants Commerces
alimentaires -5 +3 +1 +2 -2
de proximité (épiceries de quartier, spécialisés
commerces spécialisés comme les
Magasins
boucheries et les marchés). +2 +3 +2 -7 +1
de surgelés
• Les éclectiques des enseignes de Internet -6 -6 -1 +7 +6
proximité habitent plutôt dans des Nb : Les drives ne figuraient pas dans l’enquête de 2005.
zones urbaines denses, résident Source : Enquêtes Commerce CRÉDOC 2005 et 2012.

2 centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie


typologie des consommateurs par rapport aux courses alimentaires >>Le>choix>des>points>de>
(Base : 943 individus déclarant faire leurs courses eux-mêmes) vente>:>d’abord>la>proximité,>
Commerce électronique ensuite>le>prix
Internet avec livraison, Drives
Plus d’un consommateur sur deux
(55 %) estime que la proximité géogra-
phique est déterminante dans son
choix de magasin et la place en premier
ou second critère pour le choix d’un
Les éclectiques des enseignes circuit de distribution. C’est la raison
Les massificateurs (30 %) de proximité (17 %) pour laquelle les distributeurs multi-
Grandes surfaces Petites surfaces plient les ouvertures de points de
Hypermarchés, Magasins de surgelés (Picard…) vente, notamment dans les villes : en
Supermarchés, Hard-discount Supérettes (Franprix, Système U, Casino…)
Épiceries de quartier captant la clientèle située dans une
Marchés zone de chalandise de proximité, ils
densifient le parc de leurs magasins.
Les éclectiques des circuits
indépendants de proximité (15 %) Ce critère de la proximité géographique
Les papillonneurs souligne également le peu de temps
Les conquis fréquents (12 %) que les consommateurs souhaitent
du hard-discount (26 %) accorder aux courses alimentaires, le
Commerce « traditionnel » plus souvent considérées comme une
(non électronique) corvée.
Source : Enquêtes Commerce CRÉDOC 2005 et 2012. Le facteur prix arrive en deuxième
position. Sa forte hausse par rapport à
sont avant tout des populations à plus tous les circuits. Ce sont plutôt des inactifs 2005 (+7 points) montre bien que les
faibles revenus, davantage féminisées, en couple – plus particulièrement des consommateurs prêtent aujourd’hui une
avec une plus faible proportion de seniors – ayant souvent un ancien statut attention toute particulière à leur budget
plus de 65 ans que la moyenne, peu de cadre et avec un pouvoir d’achat alimentaire. Ce critère est essentiel chez
diplômées. Ces consommateurs privi- plus élevé que la moyenne. Considérant les massificateurs et les conquis du hard-
légient avant tout le prix – ils prati- les courses comme une activité en tant discount, tandis que les éclectiques
quent peu les achats « coup de tête » que telle, voire un plaisir et pas du tout de la proximité privilégient la qualité.
– le gain de temps, vivent les courses une obligation, ils sont très sensibles aux La rapidité d’achat, la présence d’un
surtout comme une contrainte, et sont critères de qualité (le « made in France », parking sont davantage privilégiées dans
peu sensibles à la marque, au label, la marque, les garanties écologiques le choix de magasin des consommateurs
aux garanties d’hygiène et sécurité. et d’hygiène et sécurité), au caractère en 2012 qu’en 2005. Cette recherche de
Enfin, un dernier groupe est dit « papillon- convivial des magasins (peu de monde, « praticité d’achat » a été intégrée à la
neurs ». Ces derniers fréquentent presque présence d’un parking…). stratégie des distributeurs qui cherchent
à accélérer les délais de passage en
priorité à la proximité et au prix caisse et à rationaliser le parcours client
% d’individus ayant cité cet item en 1er ou 2nd critère de choix de magasin au sein du magasin. En revanche, les
55 critères qualitatifs (point de vente le
Le plus proche -1 56 plus agréable, celui où il y a le moins
39 de monde) apparaissent comme moins
Le moins cher +7 32 importants aux yeux de la clientèle en
31 2012 qu’en 2005.
Celui qui offre le plus de choix -2 33

Celui où il y a un parking +4
24 >>Prix>élevés>et>éloignement>
20
expliquent>la>baisse>>
Celui qui permet de faire 21
ses courses le plus rapidement +2 19 de>la>fréquence>des>courses
Le plus agréable 15 2012 La lourdeur du ticket de caisse (impres-
-6 21
2005 sion de prix élevé lié au volume des
Celui où il y a le moins de monde 11
-4 15 achats et au coût du déplacement)
apparaît en 2012 comme un élément
0 10 20 30 40 50 60 encore plus déterminant qu’en 2005
Source : Enquêtes Commerce CRÉDOC 2005 et 2012. dans la baisse de la fréquence des

centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie 3


courses d’alimentation. Cette raison pas aimer ce type de commerce » en 2012, des prix plus bas arrivent encore
est la plus souvent citée dans la 2012 par rapport à 2005 (+16 points en tête des améliorations souhaitées
quasi-totalité des circuits : par 47 % dans le cas des hypers et +5 points dans les deux circuits, et la part des
des personnes interrogées pour les pour les supers). Cette proportion a personnes interrogées favorables à ce
commerces alimentaires spécialisés même été multipliée par deux pour les changement a progressé (85 % pour
(+10 points), 40 % pour les épiceries hypermarchés. les hypers en 2012 contre 83 % en
de quartier (+8 points), 28 % chez les Les supérettes, les épiceries et les 2005, et 84 % pour les supers contre
déçus du hard-discount (+13 points). commerces alimentaires spécialisés 81 % en 2005). Le prix reste donc un
Les autres motifs évoqués se rapportent sont plus souvent pointés du doigt en facteur primordial pour les consom-
à l’éloignement et au manque de temps 2012 qu’en 2005 pour le prix élevé mateurs. D’autres améliorations sont
ainsi qu’à la défaillance de l’offre. Le des produits et la difficulté de station- aussi largement plébiscitées, comme
manque de temps (ou la sensation nement. Plus d’un tiers des non-clients davantage de rapidité (+16 points dans
d’en manquer) expliquerait d’ailleurs des commerces alimentaires spécia- les supers, -1 point dans les hypers) et
près d’un tiers de la réduction de la lisés explique la non-fréquentation du plus de nouveautés (plus de la moitié
fréquentation des marchés (32 % en circuit par le coût élevé des produits des individus y serait favorable dans
2012 contre 38 % en 2005) et renvoie (35 %, +5 points). Les personnes ne les deux circuits). Les consommateurs
– comme dans le cas des commerces fréquentant pas les magasins de hard- réclament aussi un plus large choix
alimentaires spécialisés – à la diffi- discount évoquent le plus souvent le de produits dans les supers (63 %).
culté de massifier ses achats lorsqu’on fait de ne pas y trouver les produits Dans les deux formats de distribution,
fréquente ce type de circuit. souhaités (28 %, +12 points) et la trouver plus de marques nationales
mauvaise image qu’elles se font de ce (-17 points dans les hypers et -16 points
>>La>non-fréquentation> type de commerce (28 %, +3 points). dans les supers) et avoir des magasins
des>circuits>:>l’éloignement> Cette explication est retenue aussi pour plus jolis ne sont pas des améliorations
encore,>le>déficit>d’image>> Internet et les drives qui pâtissent d’une jugées prioritaires en 2012, alors que
mauvaise image : 40 % des personnes ces items étaient bien notés en 2005.
et>les>prix
ne fréquentant pas les sites Internet Les consommateurs plébiscitent en
Logiquement, l’éloignement du alimentaires et 37 % de ceux qui, n’uti- revanche plus souvent des produits
domicile est aussi un motif essen- lisant pas les drives, déclarent ne pas de marques de distributeurs en 2012
tiel pour ne pas fréquenter un circuit aimer ce type de commerce. qu’en 2005 (+14 points dans les hypers,
(ou le fréquenter moins d’une fois par +9 points dans les supers).
mois). C’est le cas notamment pour les >>Hypers>et>supermarchés>:> Ces résultats montrent bien que le
hypermarchés, les supermarchés, les Les>consommateurs>sollicitent> modèle des magasins uniformes pour
supérettes et les épiceries de quartier. toujours>plus>de>prix>bas>et> répondre à la consommation de masse
Pour les hypers et supermarchés toute- n’est plus d’actualité. Le paysage des
de>marques>de>distributeurs
fois, le poids attribué à ce critère a fléchi circuits de distribution se diversifie
entre 2005 et 2012 et concerne désor- Chaque enquêté (qu’il soit client pour s’adapter aux contraintes propres
mais moins d’un non-client sur deux, ou non du circuit) a alors été inter- à chaque type de clientèle. La stratégie
sans doute en raison d’une densifica- rogé sur les améliorations de l’offre des grandes enseignes d’implanter des
tion du maillage territorial en grandes des hypers et supers qui seraient de formats de distribution spécialisés dans
surfaces alimentaires. En revanche, une nature à l’inciter à fréquenter davan- les centres-villes est un exemple carac-
part croissante d’enquêtés déclare « ne tage ces formats de distribution. En téristique de cette évolution. n

Pour en savoir plus


>> « Enquête Commerce 2012 : Comportements et attitudes des consommateurs à l’égard du commerce alimentaire », J. Colin, A. Dembo,
P. Duchen, P. Hebel, Cahier de recherche du CRÉDOC n°C301, 2012.
>> « Enquête Commerce 2005 : Comportements et attitudes des consommateurs à l’égard du commerce alimentaire », P. Moati, O. Meublat,
L. Pouquet, M. Ranvier, Cahier de recherche du CRÉDOC n°C211, 2005.

l>Directeur>de>la>publication>:>Yvon>Merlière>l>Rédacteur>en>chef>:>Yvon>Rendu>l>Relations>publiques>:>01>40>77>85>01>>>relat-presse@credoc.fr>
l>Diffusion>par>abonnement>uniquement>:>31>euros>par>an,>environ>dix>numéros>142,>rue>du>Chevaleret,>75013>Paris>l>Commission>paritaire>
n°>2193>l>AD/PC/DC>l>www.credoc.fr>l>Conception/Réalisation>:>www.lasouris.org>l

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