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EPIDERMOLYSE BULLEUSE HEREDITAIRE

PLAN DU COURS
INTRODUCTION
EPIDEMIOLOGIE
CLASSIFICATION
-Épidermolyses bulleuses simples (ou épidermolytiques)
-Épidermolyses bulleuses jonctionnelles
-Épidermolyses bulleuses dystrophiques ou dermolytiques
COMPLICATIONS
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
STRATEGIE DIAGNOSTIC
TRAITEMENT
PERSPECTIVES
CONSEIL GENETIQUE
CONCLUSION
INTRODUCTION
Les épidermolyses bulleuses héréditaires (EBH) sont des génodermatoses rares caractérisées
cliniquement par une fragilité épithéliale conduisant à la formation de bulles et d'érosions
cutanées (et parfois muqueuses) par clivage entre l'épiderme et le derme ;
Ces lésions sont le plus souvent secondaires à un traumatisme (frottement, choc, adhésif, etc.)
mais parfois spontanées ;
Elles sont classées en quatre groupes, trois en fonction du niveau de décollement dans la peau
auxquels a récemment été ajoutée une quatrième forme ;
Leur gravité est très variable, allant d'une gêne mineure à des formes rapidement
incompatibles avec la vie en passant par des affections responsables de handicaps très graves
par les complications infectieuses, nutritionnelles, cicatricielles et fonctionnelles voire viscérales
qu'elles entraînent

EPIDEMIOLOGIE
La prévalence des EBH est mal connue
Elle est estimée entre 1 cas /50 000 et 1 cas /20 000, avec probablement des différences selon
les zones géographiques
Plus 50% des EBH sont des (EB Simples). Parmi ces formes simples, les formes localisées sont
les plus nombreuses (environ deux EBS sur trois).
Les formes jonctionnelles (EB Jonctionnelles) sont plus rares, représentant près de 5 % des
EBH (dont 80 % des malades sont atteints de la forme la moins sévère, dite « généralisée
intermédiaire »).
Enfin les (EB Dystrophiques) représentent près de 20 % des EBH, avec à peu près autant de
formes dominantes que de formes récessives
Les EBH touchent indifféremment les filles et les garçons, quelle que soit leur origine
géographique.
CLASSIFICATION
Les dernières ont permis de distinguer trois groupes selon le niveau de clivage dans la peau
– les EB épidermolytiques ou simples (EBS) sont caractérisées par un clivage intra
épidermique ;
– les EB jonctionnelles (EBJ) ont un clivage situé à la jonction dermo-épidermique au sein
de la membrane basale ;
– les EB dermolytiques ou dystrophiques (EBD) ont un clivage situé sous la membrane
basale épidermique ;
– le syndrome de Kindler avec un clivage mixte au sein et au-dessus de la membrane
basale.

Épidermolyses bulleuses simples (ou épidermolytiques)


Les EBS sont les plus fréquentes des EBH.
Les formes basales sont largement majoritaires.
Ces génodermatoses sont généralement transmises de façon autosomique dominante, et sont
compatibles avec une vie normale,
Dans les formes généralisées, l'enfance peut être troublée par l'importance des bulles ou des
érosions post-traumatiques.
Certaines formes particulièrement sévères peuvent mettre le pronostic vital en jeu en période
néonatale du fait de l'importance de la surface atteinte et des risques infectieux.
Elles n'ont habituellement pas d'évolution atrophique ou cicatricielle et ne comportent pas de
grains de milium. Une fragilité dentaire peut être associée.
Récemment un nouveau sous-groupe d'EBS, les formes supra basales, a été ajouté à la
classification initiale.
Ces pathologies exceptionnelles ont un mode de transmission autosomique récessif et
donnent lieu pour la plupart à des tableaux sévères.
L'acral peeling skin disease, plus fréquent et bénin, fait exception
Aspects cliniques :
A- Formes basales :
a- L'EBS localisée (ex-Weber-Cockayne) est la forme plus commune d'EBS.
Éruption bulleuse principalement située sur les régions palmoplantaires se manifestant à l'âge
des premiers pas, parfois plus tardivement.
La marche prolongée, surtout par temps chaud, provoque des bulles de plus ou moins grande
taille, le plus souvent de l'avant-pied ou du talon.
Les bulles, rarement hémorragiques, évoluent vers la formation d'érosions qui cicatrisent
rapidement sans séquelles.
Il n'y a généralement pas de manifestation unguéale ou muqueuse.
Ces formes, certainement sous-estimées, ont la particularité d'être souvent extrêmement
douloureuses et invalidantes au quotidien.

b- L'EBS généralisée intermédiaire (ex-Koebner)


Se manifeste le plus souvent dès la naissance par une éruption bulleuse plus étendue.
L'accouchement peut produire des décollements bulleux sur les zones de frottement.
La muqueuse buccale peut être atteinte au cours des premiers mois de la vie, nécessitant des
précautions d'alimentation.
Les zones atteintes vont progressivement se limiter aux mains, pieds, coudes, genoux et siège
chez le nourrisson, aux pieds et genoux à l'âge de la marche.
Les bulles, claires, de taille variable, sont déclenchées par les chocs et les frottements appuyés,
et sont favorisées par la chaleur.
Elles guérissent sans laisser de trace, si ce n'est, parfois, des troubles pigmentaires transitoires.
Il n'y a pas d'altération unguéale permanente et les dents sont normales. La maladie s'atténue
nettement vers la puberté, mais la fragilité cutanée persiste toute la vie.

c- L'EBS généralisée sévère (ex-forme herpétiforme de Dowling-Meara) est la forme


la plus sévère.
Bulles dès la naissance et peuvent s'étendre sur la totalité de la surface corporelle.
Elles ont une disposition arciforme ou annulaire, d'où le qualificatif d'herpétiforme.
Déclenchement pas toujours traumatique, avec de véritables poussées inflammatoires causées
par la chaleur, les poussées dentaires ou les infections cutanées notamment.
L'atteinte muqueuse, le plus souvent limitée à la bouche, est quasi constante à la naissance et
disparaît souvent pendant l'enfance.
Une fragilité dentaire est généralement notée.
Une kératodermie palmoplantaire et une onychodystrophie apparaissent ultérieurement de
façon inconstante.
L'évolution est variable : l'extension importante des lésions peut causer des complications
graves (septicémie, dénutrition) en particulier en période néonatale et pendant la petite
enfance, mais généralement les lésions s'améliorent progressivement jusqu'à l'âge adulte, sans
jamais disparaître toutefois.
Des formes plus rares d'EBS basales ont été décrites :
L’EBS avec pigmentation mouchetée prédominant aux grands plis et aux membres, avec papules
hyperkératosiques palmoplantaires, atrophie cutanée et fragilité dentaire ;
L’EBS migratoire circinée ou les EBS à transmission autosomique récessive en lien avec des
mutations dans différents gènes et donnant des tableaux de sévérité variable.
Enfin, il existe une forme rarissime d'EBS à transmission autosomique récessive qui s’associe :
-ssoit à une atteinte musculaire (E
EBS avec dystrophie musculaire) qui peut ne devenir
évidente que dans l'enfance ou à l'âge adulte,
-soit à une atrésie du pylore (EBS-AP) parfois dépistée sur les échographies anténatales
(hydramnios). Une aplasie cutanée multifocale est souvent présente dans cette dernière forme.
Une opération chirurgicale de l'atrésie du pylore dans les premiers jours de vie est possible, mais
la mortalité reste très élevée.

B-Formes supra-basales :
a-L'acral peeling skin syndrome a été récemment rattaché aux EBS supra basales.
A transmission autosomique récessive ;
Se caractérise par des érosions palmoplantaires superficielles indolores ou une desquamation
des extrémités débutant dans la petite enfance et s'aggravant en période chaude ;
Il n'y a pas d'atteinte associée ;
Les bulles, superficielles, ne sont quasiment jamais vues ;

Les autres formes supra-basales sont exceptionnelles.


b-Le syndrome dysplasie ectodermique – fragilité cutanée : récemment été rattaché aux EB.
Il associe une fragilité cutanée avec érosions superficielles sans bulle, une perlèche fissurée,
une alopécie ou hypotrichose, une kératodermie palmoplantaire fissurée et un retard
staturo-pondéral.

c-L'épidermolyse bulleuse acantholytique létale (EB-AL)


Décollement cutané superficiel congénital avec signe de Nikolsky, une atteinte muqueuse, une
atrichie, une anonychie et une cardiopathie congénitale aboutissant au décès en quelques jours
Aspects microscopiques :
L'EBS généralisée sévère est caractérisée histologiquement par un clivage supra basal, au sein
des kératinocytes de l'assise basale de l'épiderme.
En microscopie électronique, on observe dans les cellules de la couche basale des agrégats
intracytoplasmiques de tonofilaments en mottes, suggérant la responsabilité d'a anomalies du
cytosquelette dans la pathogénie des EBS.
En immunohistochimie, ces amas sont reconnus par des anticorps dirigés contre les kératines
basales de l'épiderme.
L'EBS généralisée intermédiaire est en revanche associée à des modifications minimes du
cytosquelette avec réduction ou condensation des tonofilaments.
Les EBS supra basales se caractérisent par un clivage très superficiel associé à une
désorganisation du cytosquelette et de la formation des desmosomes.

Mécanismes moléculaires, génétique :


Les principaux types d'EBS sont secondaires à des mutations touchant l'un des deux gènes des
kératines 5 et 14. Ces kératines sont les constituants principaux des filaments intermédiaires des
kératinocytes de l'assise basale.
La majorité sont des mutations faux-sens changeant un acide aminé dans le domaine en
bâtonnet de la kératine 5 ou de la kératine 14 (arginine 125 de la kératine 14 ou isoleucine 161
de la kératine 5).
La plectine est également exprimée dans les cellules musculaires, est impliquée dans trois
types d'EBS : les EBS-DM à transmission autosomique récessive, l'EBS type Ogna et une forme
d'EB avec atrésie pylorique, souvent létale.

Dans les formes supra basales, plusieurs gènes codant pour des protéines impliquées dans les
jonctions inter-kératinocytaires (desmosomes et/ou jonctions adhérentes) ont été impliqués.
L'acral peeling skin syndrome est dû à des mutations du gène codant pour la
transglutaminase 5, une enzyme intervenant dans la formation et l'assemblage de la couche
cornée.
Épidermolyses bulleuses jonctionnelles
Les EBJ sont caractérisées par :
Un niveau de clivage survenant au sein de la lamina lucida de la jonction dermo-épidermique.
Les formes jonctionnelles se divisent en formes localisées et généralisées sévères (ex-EBJ Herlitz)
ou intermédiaires (ex-non Herlitz).
Très rares, elles sont à transmission autosomique récessive.
Elles se caractérisent par des bulles tendues, parfois hémorragiques et un retard de cicatrisation.
L'atteinte muqueuse est fréquente, parfois très étendue et sévère.
Les ongles sont dystrophiques et il existe très fréquemment une fragilité dentaire due à une
dysplasie de l'émail.

Aspects cliniques :
A-Forme généralisée :
a-L'EBJ généralisée sévère (EBJ-gen sev) (ex-Herlitz)
C’est la forme la plus grave car habituellement létale en quelques semaines ou mois.
Les premières lésions, constatées dès la naissance sous forme de bulles et d'érosions
prédominent sur le tronc, les jambes, le cuir chevelu et le siège.
L'atteinte unguéale, parfois congénitale est évocatrice avec des ongles décollés dans leur partie
distale et des érosions péri-unguéales chroniques.
La cicatrisation est très lente avec apparition d'un tissu de granulation bourgeonnant parfois
sans épidermisation.
Extension progressive des lésions cutanées + Persistance de plaies étendues = dénutrition,
d'anémie et de surinfections.
Il y a en général des lésions muqueuses, en particulier buccales et œsophagiennes, gênant
l'alimentation, et des manifestations ORL (avec risque d'asphyxie par bulle laryngée),
respiratoires, digestives, urinaires et oculaires

b-L'EBJ généralisée intermédiaire (EBJ-gen intermed)


concerne certains enfants atteints d'épidermolyse bulleuse jonctionnelle par mutation d'un des
gènes codant pour la laminine 332 qui survivent et peuvent atteindre l'âge adulte.
Les tableaux sont de gravité variable.
Certains enfants ont des lésions granulomateuses croûteuses et hémorragiques, souvent péri
orificielles, des dystrophies unguéales et des caries dentaires causées par une mauvaise qualité
de l'émail dentaire associées ou non à une atteinte muqueuse.
c-L'EBJ généralisée atrophique bénigne (EBJ-GAB)
Elle est due à des mutations dans le gène codant pour le collagène 17 (fréquemment appelé
aussi BP180 ou BPAG2).
Se manifeste par des bulles sérohémorragiques présentes dès la naissance parfois associées à
des aplasies cutanées des extrémités, une fragilité cutanée importante qui a tendance à
s'améliorer avec le temps,
Une atteinte muqueuse fréquente, une onychodystrophie et des anomalies de l'émail dentaire
avec des dents jaunes, fragiles et sensibles aux caries.
L'alopécie classique, toucherait moins de 50% des patients vers l'adolescence.
Des troubles pigmentaires ont été décrits, plutôt à type d'hypopigmentation ainsi qu'une
atrophie cutanée et parfois des grains de milium.

d-L'EBJ associée à une atrésie pylorique (EBJ-AP)


une fragilité des épithéliums et une atrésie pylorique, parfois associée à une aplasie cutanée
congénitale, à des anomalies urinaires et à un retard de développement.
On distingue une forme grave, mortelle en quelques mois après la naissance malgré la
correction chirurgicale de l'atrésie, et des formes plus légères comparables aux EBJ gen
intermed.
La grossesse est caractérisée par un hydramnios et un taux élevé d'α-fœtoprotéine.

e-L'EBJ late onset (EBJ-LO)


apparaît dans l'enfance ou l'adolescence et se manifeste par une dystrophie unguéale, des
bulles prédominant aux mains et aux pieds, touchant parfois les genoux et les coudes,
d'évolution non cicatricielle.
Des lésions buccales sont possibles.
Une atrophie cutanée progressive survient par la suite, non limitée aux zones bulleuses,
pouvant conduire à la perte des dermatoglyphes et à des contractures digitales.
Des caries dentaires sont fréquentes.

f-L'EBJ avec atteinte respiratoire et rénale (EBJ-RR) est une entité


exceptionnelle nouvellement décrite.

Enfin il existe Les EBJ localisées (EBJ loc) avec plusieurs sous-types :
EBJ localisée avec atteinte souvent limitée aux tibias sous forme d'ulcères de jambes
chroniques,
formes inversées (EBJ-inversa)
forme oculo-laryngée et cutanée (LOC syndrome).
Aspect microscopique :
Sur le plan ultra-structural, le clivage se produit au sein de la lamina lucida.
Il existe dans la plupart des cas des anomalies des HD qui paraissent hypoplasiques et
réduits en nombre.

Mécanismes moléculaires – Génétique


Les différentes formes cliniques d'EBJ sont dues à des mutations des gènes codant les
différents composants du complexe d'ancrage constitué par les HD et les filaments d'ancrage.
L'EBJ est donc une maladie cliniquement et génétiquement hétérogène impliquant la
laminine 332, le collagène de type XVII (aussi appelé BP180, BPAG2), l'intégrine α6 β4 et
l'intégrine α3 β1 .
La distribution tissulaire de la protéine et la nature de la mutation déterminent les différents
phénotypes cliniques.
Épidermolyses bulleuses dystrophiques ou dermolytiques
Les EBD sont caractérisées par un clivage situé sous la lamina densa.
Elles sont responsables de cicatrices atrophiques avec une peau fine rosée parsemée de
grains de milium.
Selon leur mode de transmission, dominant ou récessif, elles sont classées en deux groupes

Aspects cliniques
A-Épidermolyses bulleuses dystrophiques récessives
a-La forme généralisée sévère (EBDR-gen sev) (ex-Hallopeau-Siemens)
Responsable de handicaps majeurs.
se manifeste précocement par une éruption bulleuse généralisée mais prédominant aux
extrémités des membres, associée à une atteinte muqueuse sévère responsable de
complications dentaires, de sténoses buccales, anales et œsophagiennes responsables de
malnutrition et de retard de croissance.
La cicatrisation des érosions cutanées, lente et anormale, s'accompagne de grains de milium et
aboutit à des lésions atrophiques caractéristiques et invalidantes (ssyndactylies, contractures en
flexion des membres).
Au cours de l'enfance, la répétition des bulles et des longues périodes de cicatrisation
pathologique aboutissent à un handicap important : la marche et les gestes de la vie courante
deviennent de plus en plus difficiles.
Des érosions anales rendent la défécation douloureuse, une constipation est fréquente.
Les complications sont nombreuses ; infectieuses, nutritionnelles avec anémie, retard de
croissance, syndrome inflammatoire chronique et risque d'amylose.
Le décès survient souvent au cours des 3 premières décennies du fait de ces complications et
du risque très élevé de carcinomes spinocellulaires survenant sur les zones de peau et des
muqueuses les plus atteintes et extrêmement agressifs.

b-La forme généralisée intermédiaire (EBDR-gen intermed)


Se distingue de la forme classique par l'absence de déformations graves et un spectre clinique
très variable du point de vue de la sévérité et de l'étendue des lésions.
Les ulcérations récidivantes sur les membres peuvent être associées au développement de
carcinomes spinocellulaires.

c-L'épidermolyse bulleuse transitoire du nouveau-né :


Se traduit par des bulles de survenue précoce diminuant puis disparaissant progressivement
avec l'âge.
En microscopie électronique : Il existe des anomalies des fibrilles d'ancrage et
En immunofluorescence indirecte : une accumulation intracellulaire de collagène VII.
De nombreuses autres formes cliniques d'EDBR ont été rapportées dans
la littérature :
forme localisée (EBDR loc) moins sévère,
prétibiale (EBDR-pt) caractérisée par des lésions bulleuses et cicatricielles apparaissant dans
l'enfance sur la face antérieure des jambes et le dos des pieds. Le phénotype est variable avec
possibilité de dystrophies unguéales, lésions albopapuloïdes ou lichénoïdes prétibiales,
forme prurigineuse (EBDR pr) avec des lésions prurigineuses lichénifiées ou lichénoïdes,
forme inversée (EBDR inv) où l'atteinte cutanée est absente ou s'améliore progressivement au
cours de la vie pour ne toucher ensuite que les grands plis mais où il existe souvent une atteinte
muqueuse d'aggravation progressive au premier plan.

B-Épidermolyses bulleuses dystrophiques dominantes


l'EBDD généralisée (ex-Cockayne-Touraine) : La forme principale,
Eruption bulleuse généralisée apparaissant à la naissance ou pendant la prime enfance,
Epargnant dans la majorité des cas les muqueuses et prédominant aux zones traumatisées
(mains, pieds, coudes, genoux).
Les dystrophies cicatricielles sont aussi limitées à ces zones et n'ont donc pas la gravité de celles
de l'EBDR.
Elles sont responsables de peau atrophique en papier à cigarette, plus rarement kératosique, de
grains de milium, d'anomalies unguéales dont les plus typiques sont des pachyonychies.

Les dents sont normales.


La fonction des mains et des pieds n'est pas compromise et la fragilité cutanée s'atténuant avec
l'âge,
Le pronostic global est favorable. Il n'y a pas d'atteinte viscérale extra cutanée, en dehors d'une
constipation parfois opiniâtre mais très inconstante.

Des formes localisées, prurigineuses, prétibiales, avec atteinte unguéale isolée et acrales, ont
également été décrites tout comme l'épidermolyse bulleuse transitoire du nouveau-né à
transmission dominante.
Aspects microscopiques
Le clivage se localise sous la jonction dermo-épidermique.
Dans l'EBDD, l'examen ultra structural montre une hypoplasie ou une diminution du nombre
de fibrilles d'ancrage.
Dans l'EBDR, les anomalies ultra structurales sont identiques à celles des formes dominantes ;
elles sont beaucoup plus sévères dans l'EBDR-gen sev

Génétique
Les EBD sont dues à des mutations touchant le gène COL7A1 qui code pour le collagène de
type VII. Celui-ci est synthétisé et sécrété sous forme d'un monomère, le proα1 (VII), par les
kératinocytes basaux des épithéliums squameux stratifiés et par les fibroblastes du mésenchyme
sous-jacent.
L'interaction du collagène de type VII par l'intermédiaire de son domaine NC-1, avec la
laminine 332 et avec le collagène de type IV, assure l'attachement des fibrilles d'ancrage à la
membrane basale
Un défaut d'expression du collagène VII compromet donc gravement la cohésion
derme-épiderme.
Dans la plupart des cas, l'EBD récessive généralisée sévère est due à des mutations sur les
deux allèles COL7A1 induisant une absence complète de collagène de type VII et un tableau
clinique grave.
Dans la forme récessive généralisée intermédiaire, au moins un des allèles porte une
mutation (faux-sens ou touchant un site d'épissage), permettant une synthèse réduite de
collagène VII fonctionnel et immun réactif.
Autres syndromes avec épidermolyse héréditaire

A-Syndrome de Kindler
Il associe une photosensibilité avec une fragilité cutanée prédominant aux extrémités, une
atrophie cutanée avec une peau qui devient fine, fripée et une poïkilodermie.
Une kératodermie palmoplantaire est possible.
La fragilité cutanée s'améliore avec l'âge.
Une inflammation des muqueuses buccales (gencives surtout) et parfois du tube digestif est
présente.
Les ongles sont dystrophiques, il n'y a pas d'atteinte dentaire.

L'examen en immunofluorescence montre un clivage intra-épidermique et jonctionnel.


Cette affection à transmission autosomique récessive extrêmement rare est due à des mutations
du gène KIND1 (ou FERMT1) codant la kindline-1.

B-Absence congénitale de peau et syndrome de Bart.


L'absence congénitale localisée de peau se caractérise par des zones de derme mises à nu, aux
limites nettes, touchant souvent, mais non exclusivement, les membres en particuliers inférieurs
(genou, face antérieure du tibia et dos du pied).
Une collerette d'épiderme décollé est parfois visible en bordure.
S'associe le plus souvent à une fragilité cutanéomuqueuse d'intensité très variable.
Ce phénotype clinique a été décrit avec tous les types d'EBH (EBS, EBJ, EBD), quel que soit son
mode de transmission et correspond probablement à des érosions mécaniques survenues in
utero (frottement d'une jambe sur l'autre, succion de la main).
La cicatrisation est souvent lente, en quelques semaines et laisse place à une peau souvent
atrophique.
Une hypotrophie du membre atteint, en particulier le pied, est possible.
COMPLICATIONS

A-Complications communes à toutes les formes d’épidermolyses bulleuses


héréditaires :

a-Infections :
Les bulles deviennent alors purulentes, parfois malodorantes, suintantes, croûteuses avec un
pourtour inflammatoire.
Elles sont souvent douloureuses et ont du mal à cicatriser.
Les principaux germes en cause sont le staphylocoque doré, le streptocoque du groupeA et le
pyocyanique

b-Douleur, dépression, prurit :


Les bulles, les érosions cutanées qui en résultent et les soins sont sources de douleurs aiguës
parfois intenses, pouvant nécessiter des morphiniques. Les aplasies cutanées congénitales sont
également souvent très douloureuses.
Des carences vitaminiques doivent être dépistées et traitées.
Un syndrome dépressif réactionnel est souvent présent.
Le prurit est fréquent quelle que soit la forme (favorisé par la sécheresse de la peau et la
cicatrisation). Le grattage est lui-même source de nouvelles bulles. il s’agirait du principal
facteur d’altération de la qualité de vie devant la douleur et l’aspect physique. Il est peu
accessible aux traitements, les crèmes émollientes et les antihistaminiques oraux n’ayant qu’une
efficacité partielle.

B-Complications des formes sévères :


a-Complications digestives
Plaies et douleurs, souvent accentuées lors du passage des aliments à l’origine d’épisodes de
dysphagie aiguë partielle ou complète.
Les formes dystrophiques sévères, évoluent vers une microstomie et une ankyloglossie qui
limitent d’autant plus l’alimentation.
Des sténoses œsophagiennes, à l’origine de dysphagie chronique avec vomissements et
sensation de blocage
Une constipation est souvent notée, en particulier au cours des EBD.
La présence de fissures anales rendant la défécation douloureuse doit être recherchée et
traitée car elle entretient et aggrave la constipation.
b-Dénutrition et mauvaise prise de poids
c-Difficultés respiratoires : Dans les formes très sévères, comme l’EBJ generalized
sévère, une bulle laryngée peut provoquer un rétrécissement avec une dyspnée laryngé (tirage,
un bruit rauque produit au passage de l’air dans le larynx, une dysphonie) pouvant être une
cause de décès.
d-Atteinte oculaire :(EBJ generalized sévère, EBDR generalized severe), des bulles
peuvent se former soit sur les paupières, soit sur la conjonctive de l’œil, soit sur la cornée.
e-Atteinte des voies urinaires : dysurie par obstruction de l’urètre favorisant les
infections urinaires hautes et basses.

C-Complications tardives des formes sévères (EBD R G S et EBJ G) :


a-Rétractions :
A cause des cicatrisations lentes et anormales.
Dans les cas les plus sévères d’EBD, les doigts des mains et les orteils apparaissent comme
soudés entre eux (mains ou pieds en « moufle »).

b-Atteinte rénale et cardiaque


L’inflammation chronique cutanée et muqueuse peut être à l’origine de l’accumulation de
protéines dites « amyloïdes » dans certains tissus dont les reins (amylose rénale) avec un risque
d’insuffisance rénale chronique.
Dénutrition et amylose peuvent se compliquer d’iinsuffisance cardiaque à type de
cardiomyopathie dilatée.

c-Cancérisation :
Certains patients, en particulier ceux avec une EBDR ou une EBJ généralisée, risquent de
développer des carcinomes spinocellulaires probablement du fait de l’inflammation et du
processus de cicatrisation chronique.
Il s’agit souvent de carcinomes de mauvais pronostic, infiltrant et métastasant rapidement.
Ce diagnostic doit être suspecté et une biopsie réalisée en cas de plaie ne cicatrisant pas ou de
lésions en relief sur ou en bordure d’une plaie, ou des « croûtes » chroniques.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
A-Chez le nouveau-né,
cause infectieuse : -iimpétigo bulleux,

épidermolyse staphylococcique aiguë néonatale,
-plus rarement un herpès ou une syphilis congénitale (érosions palmoplantaires),

cause génétique : -une incontinentia pigmenti ou une ichtyose épidermolytique


(ex-érythrodermie ichtyosiforme congénitale bulleuse),
-mastocytose cutanée diffuse(exceptionnelle),
-une dermatose bulleuse auto-immune
-autres causes d'aplasie cutanée congénitale (ssyndrome du fœtus papyracée, iatrogénie,
syndrome d'Adams Oliver, etc.)

B-Lorsque la maladie se révèle plus tard :


Une dermatose bulleuse auto-immune.
l'immunofluorescence directe montre les dépôts d'IgG qui sont toujours absents dans les EBH.

C-formes paucisymptomatiques et/ou à révélation tardive : de diagnostic difficile.


L'EBD prurigineuse (EBDR pr) simule un prurigo ou un lichen plan hypertrophique ou une
mucinose.
La biopsie cutanée peut montrer un clivage infraclinique de la JDE.
STRATEGIE DIAGNOSTIC

En pratique, la détermination du niveau de clivage est l'étape première et indispensable du


diagnostic d'une EBH :
- La biopsie doit être faite sur la berge d'une bulle récente (de façon à obtenir une amorce de
clivage sans séparation complète dermo-épidermique qui pourrait gêner l'interprétation)
- Le niveau de clivage peut aussi être apprécié de façon plus rapide et précise par cartographie
d'antigènes (a antigen mapping) : l'utilisation d'anticorps dirigés contre l'antigène de la
pemphigoïde bulleuse 180, la kératine 14 et le collagène IV sur coupes de tissue congelés
permet de repérer le plancher et le toit de la bulle par rapport au niveau de ces antigènes dans
la jonction dermo-épidermique.

Les défauts d'expression de certains antigènes de la jonction dermo-épidermique permettent


d'identifier très rapidement un certain nombre d’EBH : Grâce à la cartographie d'antigènes par
immunofluorescence sur coupes de tissus congelés avec des anticorps spécifiques que ces
défauts d'expression de certains antigènes de la jonction dermo-épidermique sont mis en
évidence

La recherche de mutations par séquençage direct de l'ADN :


- Importance dans le diagnostic anténatal et le conseil génétique des EBH.
- Dans certains cas, la recherche des mutations responsables est la seule façon de déterminer la
forme exacte d'EBH.
- Les nouvelles techniques de séquençage haut débit permettent l'analyse simultanée d'un
panel de gènes prédéfinis.

MAIS :
Le diagnostic d’EBH est SOUVENT CLINIQUE devant :
- l’apparition chez un nouveau-né ou un nourrisson de bulles des zones de frottement
- et/ou d’une fragilité cutanée associée ou non à des signes extra cutanés.
TRAIEMENT :
Il n'existe actuellement aucun moyen de modifier radicalement l'évolution spontanée des EBH.
Les mesures symptomatiques ont donc une importance considérable.
Les problèmes les plus graves sont posés par les EBDR et les EBJ, à un moindre degré par
l'E
EBS-DM, qui nécessitent une prise en charge spécifique.
Une information détaillée sur la maladie, un soutien matériel et psychologique doivent être
apportés aux malades et à leurs parents par les médecins et le personnel infirmier.
La prise en charge sociale est également cruciale pour ces familles dont le quotidien est
bouleversé par cette pathologie.

Traitement local préventif des décollements post-traumatiques


- Eviter toute manipulation brutale,
- Le bébé ne doit pas être placé systématiquement dans un incubateur sauf cas
particuliers (prématurité par exemple) car chaleur et humidité peuvent abaisser le seuil
d’apparition de bulles.
- le cordon ombilical doit être clampé avec une ligature, en évitant l'utilisation de pinces
en plastique qui présentent un risque de frottement et donc de plaies
- Utiliser des vêtements amples, en couper les étiquettes et éventuellement mettre les
sous-vêtements à l'envers, protéger autour des couches ; les chaussures doivent être larges et
souples.
- L'environnement doit aussi être adapté de façon à limiter au maximum les
traumatismes (moquette, rembourrage des coins des meubles, jouets souples, atmosphère non
surchauffée).
- En cas de lésions buccales, les tétines doivent être adaptées (Les tétines molles en
caoutchouc sont à privilégier), et l'alimentation doit être liquide ou semi-liquide et jamais
chaude.
- À l'âge scolaire, l'activité sportive n'est pas conseillée
- L'éducation thérapeutique des parents est fondamentale.

Traitement médical
Traitement des plaies :
- Il est indispensable pour prévenir les surinfections et obtenir la meilleure cicatrisation
possible. Les soins sont propres mais non stériles.
- Les soins consistent au retrait des pansements sales, au bain avec savon doux (antiseptique
en cas de plaies surinfectées) puis au traitement des bulles et plaies.
- Les bulles sont nettoyées avec un antiseptique puis transpercées à l'aiguille ou coupées aux
ciseaux pour en vider le contenu tout en gardant le toit en place.
- Les croûtes sont enlevées avec de la vaseline.
- Différents pansements peuvent être utilisés mais jamais adhésifs : pansements non adhésifs
siliconés.
- En cas de bulle purulente, malodorante, croûteuse ou douloureuse, l'utilisation de
pommade antibiotique (a
acide fusidique, sulfadiazine) est recommandée.

Traitement général :
- En cas de surinfection, le recours à l'antibiothérapie générale est souvent nécessaire.
- Les antalgiques doivent être utilisés avant les grands pansements.
- à compenser par des apports adaptés (fer, protéines, aliments hypercaloriques, vitamines)
en cas d'anémie et de dénutrition.
- alimentation liquide et parfois des protecteurs gastriques dans certaines EBH.
- Les troubles du transit doivent être traités par des mesures diététiques associées ou non à
des laxatifs.
- La kinésithérapie et les orthèses sont souvent nécessaires dans les EBDR.
- Le traitement du prurit est difficile.

Traitements de fond
- Aucun traitement de fond n'est régulièrement efficace dans les EBH, quelle que soit la
forme.
- La corticothérapie générale courte pourrait améliorer certaines poussées d'EBJ. Ce type de
traitement n'est toutefois pas habituellement recommandé au cours des EBH.
- La vitamine E à fortes doses a été préconisée dans diverses variétés d'EBH, mais son
efficacité est controversée.
- De façon anecdotique, des résultats positifs ont été rapportés avec des inhibiteurs de
protéases, les cyclines, la ciclosporine.

Traitements chirurgicaux
- Les sténoses œsophagiennes des EBDR peuvent être traitées par dilatations endoscopiques
itératives ou chirurgicalement par transposition colique.
- Une gastrostomie d'alimentation devient parfois nécessaire.
- Lorsque les déformations des mains conduisent à l'impotence fonctionnelle : : Réduction
des contractures, séparation des syndactylies.
- Enfin, l'exérèse de carcinomes spinocellulaires doit être large avec greffe de peau si besoin.

Adaptation du mode de vie et éducation thérapeutique


a-Prise en charge et suivi psychologique :
Elle représente une part essentielle de la prise en charge d’un patient atteint d’EBH et de la
cellule familiale.
Les EBH ont un impact psychologique très fort sur les patients, et leurs familles
Le soutien de la famille et du patient est donc essentiel tout au long de la croissance de
l’enfant, et au-delà.
Le rôle d’une/un psychologue doit être reconnu et soutenu dans le cadre de la prise en
charge de la maladie.
b-Education thérapeutique
PERSPECTIVES
- La thérapie pharmacologique lutte contre les conséquences de la mutation du gène qui
aggravent la maladie comme l'inflammation.

- La thérapie protéique consiste à apporter la protéine déficiente par voie locale (injection
intradermique) ou générale (perfusion).

- La thérapie cellulaire consiste à apporter dans l'organisme des cellules capables de produire
la protéine déficiente

- La thérapie génique consiste à introduire grâce à un vecteur viral inactivé et sécurisé la copie
normale du gène responsable de la maladie dans des cellules afin de compenser le manque créé
par le gène muté.

- La greffe de moelle osseuse a été essayée chez certains patients atteints d'EBDR sévère avec
des résultats encourageants (amélioration de la symptomatologie) mais aux dépens d'effets
secondaires graves (mortalité élevée).

CONSEIL GENETIQUE
Dans les formes à transmission autosomique récessive le risque pour les parents d'avoir à
nouveau un enfant atteint d'une forme récessive d'EBH est de 1 sur 4 (25 %).
Dans les formes à transmission autosomique dominante, une personne atteinte a un risque
sur deux de transmettre la maladie à ses enfants à chaque grossesse et quel que soit leur sexe.
Si le couple a déjà eu un enfant atteint d'une EBH et si la (les) mutation(s) est (sont) connue(s), il
est techniquement possible de réaliser un diagnostic prénatal (DPN) pour les grossesses
ultérieures.
La recherche chez le fœtus de l'anomalie génétique déjà identifiée chez un autre malade de la
famille peut se faire à l'aide d'une choriocentèse (12e semaine d'aménorrhée) ou d'une
amniocentèse (16e semaine d'aménorrhée).

CONCLUSION
Les EBH sont un groupe hétérogène de maladies génétiques à transmission autosomique
récessive ou dominante.
Caractérisées par une fragilité cutanée et/ou muqueuse se traduisant par des bulles et
érosions cutanées.
Leur sévérité est très variable, allant de formes localisées à des formes rapidement létales ou
entraînant des handicaps majeurs.
Le diagnostic est clinique, histologique (immunofluorescence) et parfois moléculaire.
La prise en charge doit être multidisciplinaire en centre spécialisé en lien avec les acteurs de
proximité.
Les complications systémiques sont nombreuses, en particulier dans les formes généralisées,
et doivent être dépistées et traitées.

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