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Études rurales

Deux modèles du rapport entre l'homme et l'animal dans les


systèmes de représentations
Alain Testart

Abstract
Two Models of the Man-Animal Relationship in Systems of Representation

The widespread absence in Aboriginal Australia of beliefs in animal souls, of spirits masters of hunting, of the idea of a man-
animal contract, and of ceremonies for winning the favor of animals, means that the conceptions of man-animal relationships are
very different from those prevalent in America or Siberia. An examination of myths about the theft of fire leads to the same
conclusion, as does a re-examination of totemism.

Résumé
L'absence très générale en Australie de croyances aux âmes des animaux, de notion de maîtres du gibier, d'idée de contrat
entre l'homme et l'animal, de rites destinés à se concilier la faveur des animaux, renvoie à des conceptions des rapports entre
l'homme et l'animal très différentes de celles qui prévalent en Amérique ou en Sibérie. L'examen des mythes de vol du feu
conduit à la même conclusion, ainsi que la réouverture du dossier du totémisme.

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Testart Alain. Deux modèles du rapport entre l'homme et l'animal dans les systèmes de représentations. In: Études rurales,
n°107-108, 1987. Paysages. pp. 171-193;

doi : https://doi.org/10.3406/rural.1987.3210

https://www.persee.fr/doc/rural_0014-2182_1987_num_107_1_3210

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ALAIN TESTART

Deux modèles du rapport entre l'homme et l'animal


dans les systèmes de représentations

Cet article1 explore certaines façons dont les hommes pensent leurs
rapports aux animaux et, ce faisant, comment ils pensent leurs propres
rapports sociaux. Deux points doivent être précisés. D'une part, il s'agit
des rapports tels qu'ils sont pensés et non des rapports matériels ou
économiques qui se nouent entre l'homme et le monde animal, à travers
l'exploitation de celui-ci par les techniques de chasse ou d'élevage par
exemple : c'est donc exclusivement au domaine du symbolique, des
représentations, ou de l'idéologie — comme on voudra l'appeler — que
nous nous intéresserons. D'autre part, il ne sera question ici que de
rapports et seulement de cela ; c'est dire que nous nous intéresserons peu
au symbolisme particulier de telle ou telle espèce animale, que nous nous
attacherons moins à décrire les divers rites et croyances qui définissent
dans chaque système de représentations la singularité symbolique de
chaque animal qu'à tenter de mettre à jour la conception globale qui
y préside, avec l'idée que les différents rapports que l'homme imagine à
propos du monde animal font système.

1. L'idée même de cet article provient dans une large mesure d'un certain nombre
d'exposés faits au séminaire d'ethnoscience organisés par Cl. Berthe-Friedberg et A.
Peeters au Museum national d'histoire naturelle, au cours des années 1984 et 1985, en
particulier les exposés de sud-américanistes comme J.-P. Chaumeil et Ph. Descola qui
m'ont fait prendre conscience de la très grande différence qui séparait les conceptions
américaines et australiennes en ce qui concerne l'animal. Le présent article a fourni
l'occasion d'un exposé au même séminaire en novembre 1985. Je trouve ici l'occasion
de remercier tous ceux qui, en lui fournissant des matériaux ou par leurs réflexions
critiques, ont contribué à l'élaboration de ce texte.

E. R., juû-déc. 1987, 107-108 : 171-193.


172 A. TESTART

Je me propose de montrer qu'on peut repérer deux modèles,


deux conceptions globales de ces rapports entre l'homme et l'animal,
l'une réalisée dans l'ensemble australien (j'emploie le terme d'ensemble
pour indiquer que je ne compte pas m'apesantir sur les différences
pourtant sensibles à l'intérieur de cet ensemble) et l'autre réalisée dans
un ensemble plus vaste encore, essentiellement américain (dont doit
probablement être exclue la partie centrale ou nucléaire des Andes et
du Mexique) mais avec des prolongements en Sibérie et probablement
aussi en Europe du Nord.
Un mot encore, avant de commencer, sur la forme de cet exposé. Entre
les deux espaces géographiques que nous nous proposons de contraster,
on décèle aisément quelques différences frappantes ; par exemple, les rites
de chasse si développés dans l'ensemble américano-sibérien le sont fort
peu en Australie. Cet article aurait pu s'intituler : pourquoi les rites de
chasse n'existent-ils pas en Australie ? Peut-être eût-il paru plus simple,
et plus commode pour le lecteur, de prendre cette donnée ethnographique
majeure comme base de la réflexion. Mais une telle donnée qui se formule
en termes d'absence/présence ne permet pas de bâtir un bon système
d'oppositions ; à caractériser tout d'abord l'Australie par un manque,
on ne progresse en aucune façon vers la compréhension de ce qui fait
la spécificité propre de son mode de pensée, cela ne permet pas de
mettre en évidence ses caractéristiques intrinsèques qui font système,
lequel ne peut être qu'un ensemble articulé de traits positifs et non une
juxtaposition de manques. C'est pourquoi nous avons préféré partir de
phénomènes beaucoup plus complexes et certainement plus fugaces, et
plus difficiles à saisir, mais permettant mieux de dégager les principes
de chaque mode de pensée, pour ne retrouver qu'au terme de cet exposé
les évidences ethnographiques massives qu'il s'agissait somme toute de
rendre intelligibles grâce à la mise à jour de ces principes.

En guise d'introduction : remarques latérales


sur les mythes d'origine du feu

Pour introduire le sujet, je prendrai les mythes d'origine du feu


dans la mesure où ces mythes parlent des hommes et des animaux2, la
question étant : que peut-on y apprendre sur les rapports entre hommes
et animaux ?
2. Je laisse donc de côté tous les mythes, très nombreux, qui mettent en scène une
opposition entre hommes et femmes. Sans doute faut-il souligner que je ne m'intéresse
pas ici à l'interprétation de ces mythes, sujet sur lequel je n'ai pas à prendre position
dans le cadre de cet article, mais seulement à ce qu'ils sont susceptibles de nous
apprendre sur la conception que se font ceux qui les racontent des rapports entre les
hommes et les animaux.
L'HOMME ET L'ANIMAL 173

On connaît l'intrigue générale de tous ces récits ; à l'origine un


détenteur exclusif, souvent un animal, refuse de divulguer son secret,
refuse de partager son feu avec les autres ; ces derniers s'organisent
et élaborent un plan pour s'emparer de la précieuse chose : un animal
souvent vole le feu, à moins qu'il ne s'agisse de toute une série d'animaux
comme dans un course de relais ; à la fin, l'humanité dans sa totalité
se trouve en possession du feu. Ceci est la trame générale commune
à l'Amérique et à l'Australie, y compris dans l'idée d'expédition, dans
l'idée d'organisation des animaux unis dans leur effort pour arracher le
feu à l'égoïsme de son détenteur premier. Presque toujours, un animal se
trouve être le voleur et joue le rôle de médiateur et de bienfaiteur auquel
l'humanité doit d'avoir le feu. Dans tous les cas, la conclusion semble
être la même, l'histoire raconte comment l'humanité a finalement acquis
le feu. Même opposition apparente, donc, entre un animal détenteur
originel et un animal voleur. Si bien que l'on pourrait, en ce qui concerne
notre sujet des rapports entre les hommes et les animaux, résumer
l'affaire comme un jeu entre trois termes : 1. un animal détenteur
premier ; 2. un médiateur (souvent animal mais pas toujours) qui donne
ou vole le feu au profit des hommes ; 3. l'humanité bénéficiaire. Mais ce
n'est pas ainsi. Regardons de plus près.
En Amérique du Sud, dans les mythes du groupe Gé bien connus
grâce aux analyses de Cl. Lévi-Strauss [1964 : 74 sq.] exposées dans le
premier volume des Mythologiques, le jaguar est à l'origine le seul à
connaître le secret du feu ; une fois ce secret dévoilé grâce à un dénicheur
d'oiseaux hébergé par le jaguar, les Indiens voleront le feu, à moins que
le jaguar ne leur en fasse don. Dans tous les cas, le détenteur originel
perd le feu. Cette perte est un élément clef de la dynamique du récit :
c'est elle qui explique que le jaguar reste plein de haine pour les hommes
(dans certaines versions du vol), plus généralement elle rend compte de
ce que le jaguar "mange cru" tandis que les humains mangent cuit.
La même structure de récit se retrouve au Chaco : chez les Matako,
c'est parce que le jaguar a perdu le feu que lui ont ravi les hommes
qu'il organise en vain contre eux des expéditions punitives et devient
finalement un carnassier [Métraux 1939 : 53-54] ; chez les Toba, c'est
bien parce que le premier à connaître le feu, qui se trouve être un petit
rongeur, est inconsolable de l'avoir perdu qu'il ne cesse de pleurer, qu'il
déclenche la pluie et provoque une inondation catastrophique [Métraux
1946 : 108] ; chez les Ashlusay et les Lengua, c'est l'oiseau-tonnerre
qui était le détenteur premier du feu et qui, en colère de se l'être fait
voler et de se trouver contraint à manger sa nourriture crue, terrifie les
hommes avec sa voix - le tonnerre - ainsi que par des pluies diluviennes
[Métraux 1946 : 110, citant Alarcon y Canedo ; Frazer 1969 : 135, d'après
Grubb] ; etc.
Pour l'Amérique du Nord, l'exemple des Nootka suffira : après s'être
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fait voler le feu, les loups quittent leur maison et perdent définitivement
le feu [Prazer 1969 : 174-175, d'après Boas], En Sibérie occidentale, chez
les Ostiak et les Vogoul, l'ours, envoyé sur terre et muni du feu par le
dieu du ciel, attaque les hommes en dépit des instructions qu'il a reçues
et se fait dérober son précieux bien ; il restera sur terre et continuera à
attaquer les hommes [Sauvageot 1963 : 113-114].
A travers ces quelques exemples, on constate l'affirmation d'une
même perte du feu par le détenteur originel. Cette perte est fonctionnelle
dans l'économie du récit, elle introduit certaines conséquences — par
exemple le fait que le premier possesseur, généralement un carnassier,
mange cru, ou qu'il attaque ou risque d'attaquer les humains.
Or cette forme dont nous n'avons guère de difficulté à retrouver
ça et là la trace dans le grand ensemble américano-sibérien (sans
prétendre qu'elle soit partout présente) semble être absente de l'ensemble
australien3. Sans doute est-il bien imprudent d'avancer une vérité
négative, car il faudrait avoir vérifié que cette forme n'existe dans aucun
cas. Mais plusieurs indices donnent à penser que les mythes australiens
de vol du feu sont organisés différemment et qu'ils sont incompatibles
avec la forme que nous avons trouvée en Amérique d'un détenteur animal
premier qui perd son bien.
D'abord - mais c'est un indice assez faible à lui tout seul - les mythes
australiens ne disent jamais explicitement qu'il y a eu perte ; et même
si l'acquisition du feu par l'humanité se trouve être contrebalancée par
quelque événement catastrophique (typiquement, un incendie cosmique),
cet élément négatif n'est pas introduit, à l'instar des mythes américains,
par la médiation de la colère ou du chagrin du détenteur originel qui
aurait perdu son bien — et il n'y a pas lieu de supposer une telle perte.
Ensuite, il arrive que les principaux protagonistes du mythe australien,
le détenteur et le voleur, soient des animaux symbolisant les deux moitiés
de l'organisation sociale. Plus encore, le mythe précise assez souvent que
l'animal qui était le premier détenteur du feu en faisait bénéficier tous
ceux de sa moitié, n'en excluant de son usage que ceux de l'autre moitié
qui durent organiser une expédition pour s'emparer du feu.
C'est ainsi que dans la péninsule d'York, la moitié Dabu était la seule
censée avoir le feu à l'origine ; si quelqu'un de l'autre moitié, appelée
Wallar, essayait de voler le feu de Dabu, le frelon, de la moitié Dabu,
le piquait [McConnel 1931 : 9]. Chez les Ungarinyin du Kimberley : aA
l'origine les hommes n'avaient pas le feu, et ils devaient manger leur
nourriture crue. Seul le crocodile avait le feu. Le crocodile est le 'boss'
pour le feu, et il informa de son secret tous ceux de la moitié Walamba
(à laquelle il appartient). Il leur montra également comment on obtient
3. On trouvera les références bibliographiques ainsi que les résumés de plusieurs
dizaines de mythes australiens sur l'origine du feu dans Frazer 1969 : 12-32 et
Maddock 1970.
L'HOMME ET L'ANIMAL 175

du feu avec une baguette en bois. Ceux de la moitié Yara restèrent


encore longtemps sans feu et durent manger leur nourriture crue." [Pétri
1954 : 83] Ultérieurement, le crocodile se fit voler le feu par un petit
perroquet, de la moitié Yara. La tribu voisine des Unambal connaît un
mythe similaire dont les deux versions mettent en scène des animaux
différents, mais où nous notons la stabilité des oppositions de moitiés :
c'est dans les deux versions un animal de la moitié Banar qui détient
le feu à l'origine, tandis que les voleurs sont de la moitié Kuranguli
[Lommel 1952 : 19]. A l'ouest de la Terre d'Arnhem, chez les Murinbata,
seule la moitié Tiwunggu connaissait le feu à l'origine et le mythe raconte
comment ceux de la moitié Kartjin le leur volèrent [Falkenberg 1962 :
192]. Le long du golfe de Carpentarie, les Mara racontent qu'à l'origine
seul un genre de faucon noir savait faire le feu et en faisait bénéficier
les membres de sa moitié (composée des deux semi-moitiés Murungun et
Mumbali) à l'exclusion de ceux de l'autre moitié (composée de Purdal
et Kuial) ; un autre genre de rapace au plumage blanc et appartenant à
cette moitié (puisqu'il est Kuial) objecte à ce comportement égoïste et se
bat pour que sa moitié puisse bénéficier du feu [Spencer & Gillen 1904 :
438, 621]. Des croyances analogues se retrouvent dans le centre, chez
les Warramunga, ainsi qu'en témoigne une cérémonie où les acteurs de
la moitié Kingilli réactualisent les temps mythiques en faisant semblant
d'avoir froid et en se blottissant les uns contre les autres jusqu'à ce que
ceux de la moitié Uluuru viennent leur offrir le feu [ibid. : 212-215, 622].
En Australie se rencontre donc fréquemment l'idée selon laquelle
c'était une moitié dans son ensemble qui utilisait le feu à l'origine : il
faut bien alors que cette moitié (qui comprend à la fois des animaux
et des hommes, ou plutôt les deux indistinctement) n'ait perdu que
l'exclusivité de l'usage du feu mais nullement son usage lui-même, pour
la raison évidente que tous les hommes, c'est-à-dire ceux des deux
moitiés, utilisent le feu à l'heure actuelle, situation dont le mythe se
présente comme le récit fondateur. L'Australie semble ainsi se signaler,
en contraste avec les mythes sud-américains que nous avons pris comme
termes de comparaison, par cette particularité que le mythe ne se
solde pas par une perte. En réalité, entre les récits provenant des deux
continents, la différence est plus radicale encore, ainsi que le met en
évidence la figure 1.
C'est le mouvement même du mythe qui est différent dans un cas
et dans l'autre : tandis que le mythe américain inverse la situation de
départ, en faisant finalement des détenteurs du feu des exclus de son
usage et de ceux qui en étaient originellement exclus des détenteurs
finaux, le mythe australien procède plutôt par complémentation,
généralisant à l'ensemble ce qui n'était tout d'abord que le privilège
de l'une de ses parties.
176 A. TESTART

Détenteurs Bénéficiaires
premiers du vol
État initial
État final
Amérique : inversion

Détenteurs Bénéficiaires
premiers du vol
État initial + -
État final + +
Australie : complémentation

Figure 1
(Le signe + connote la possibilité d'utiliser le feu)

Cette différence est liée à une autre, tenant à la conception même que
se fait la pensée mythique des deux continents quant aux rapports entre
les hommes et les animaux. En Amérique, un animal (le jaguar des Gé)
dispose tout d'abord du feu, puis le perd : l'humanité décrit un parcours
inverse, tout d'abord dépossédée, elle acquiert le feu à tout jamais et en
exclusivité. L'opposition clef est celle entre le monde animal, d'une part,
qui mange cru — pour reprendre les célèbres analyses de Lévi-Strauss - et
l'humanité, d'autre part, qui mange cuit. Le fait qu'un groupe d'animaux
(la femelle du jaguar qui donne le feu au héros, d'autres animaux qui
aident les humains en volant le feu, etc.) joue le rôle de médiateur entre
les deux pôles de l'opposition et semble, pour ainsi dire, trahir leur
animalité au profit des humains, ne contredit pas au principe majeur
d'une opposition, bien marquée par la symétrie inverse de l'état initial
et de l'état final, entre l'animal et l'humain. Rien de tel en Australie.
L'opposition entre détenteurs premiers et bénéficiaires du vol (lesquels
sont aussi les voleurs) est une opposition entre animaux. Mais, parce
que ces mêmes animaux symbolisent les deux moitiés, c'est aussi une
opposition entre les hommes. La conception australienne découpe donc
la réalité d'une façon très différente. Si le mythe américain du vol du feu
peut servir à penser l'humanité par opposition à l'animalité, le mythe
australien ne peut servir qu'à penser un autre type d'opposition, celle
entre deux espèces animales qui sont aussi deux sortes d'humanité, une
opposition entre moitiés, entre classes, dont il faut dire qu'elles partagent
dans le même mouvement nature et société.
Ces quelques remarques nous amènent à l'idée qu'il n'y aurait pas
en Australie de rupture fondamentale entre humains et animaux et
L'HOMME ET L'ANIMAL 177

que les différences animales serviraient à penser des différences entre


les hommes. En d'autres termes, la conception américaine des rapports
hommes/animaux pourrait être organisée autour d'un clivage majeur*
qui serait horizontal :

a ...

Figure 2

tandis que la conception australienne serait pour l'essentiel5 organisée


selon des cloisonnements verticaux :

Figure 3

Nous ferons l'hypothèse supplémentaire que dans chaque cas les


principaux rapports qui se nouent entre les hommes et les animaux
sont précisément ceux qui mettent en jeu les clivages majeurs en
fonction desquels sont organisées les différentes conceptions. Autrement
dit, nous supposons que la conception américaine fait jouer un rôle
de premier plan à des rapports de type hommes-animaux tandis que
l'importance de ces rapports s'estompe en Australie au profit de
rapports d'un autre type entre hommes de segments différents ou entre
4. Ce qui n'exclut pas que l'on puisse retrouver également dans la conception
américaine l'autre type de clivage, mais à titre secondaire. Notre hypothèse concerne le
caractère central ou principal de l'un des clivages dans chacune des pensées examinées,
mais non point son exclusivité, non point l'inexistence de l'autre.
5. Ici encore, il ne s'agit que de ce qui nous paraît être l'organisation majeure de
la conception australienne. Il est probable que l'opposition homme/animal structure
certains thèmes mythiques ; je pense en particulier à celui qui veut que l'espèce canine
ait été douée de parole, tout comme l'homme, avant de la perdre suite à quelque faute
[Parker 1897 : 50 sq. ; Piddington 1932 : 397 ; R. & C. Berndt 1964 : 334-335 ; etc.].
Les Aborigènes disent d'ailleurs de ceux d'entre eux qui ne respectent pas les règles de
mariage : "They act like dogs." [Maddock 1972 : 97] Encore conviendrait-il de préciser
la position du chien qui se trouve être, dans une société de chasseurs-cueilleurs ne
pratiquant pas de domestication, le plus humanisé des animaux ; il partage la vie du
camp, il vit en société comme les hommes et on lui applique des termes de parenté
— mais à la différence des humains, cette parenté n'est pas contraignante pour le
chien, il commet l'inceste. Aussi l'espèce canine peut-elle servir à signifier, tout autant
qu'une opposition entre animal et humain, une opposition au sein de la société humaine
entre ceux qui respectent et ceux qui ne respectent pas les interdits, de même que
les légendes animales peuvent servir, mais cette fois dans l'univers du mythe à opposer
entre elles les espèces animales selon qu'elles respectent ou non les interdits.
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animaux d'espèces différentes. Soit encore, pour résumer les choses au


moyen d'un quadrilatère symbolique minimal (Fig. 4) constitué de deux
représentants seulement de chacune des deux séries, humaine et animale,
nous dirons que l'axe principal le long duquel doivent se ranger ces
rapports semble être vertical (h-a) en Amérique tandis qu'il semble être
horizontal (h-h, a-a) en Australie.

--- h h

Figure 4

Le totémisme

Les précédentes remarques, nos formulations mêmes — l'idée d'un


découpage congruent de la nature et la société, celle plus précise d'une
correspondance entre une série animale et une série sociale — tout
cela évoque irrésistiblement le totémisme et nous conduit à rouvrir
son dossier. Cela suppose évidemment que nous n'acceptions pas les
conclusions de Lévi-Strauss [1962] qui, il y a plus de vingt ans, a si
fortement contribué à le fermer. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer
longuement [Testart 1985 : 257-343] à ce sujet et ce n'est pas ici le
lieu de revenir sur ces arguments [voir toutefois Lévi-Strauss 1987 ;
Testart 1988].
En réalité, le dossier du totémisme était déjà clos avant les années
20. Pour aller vite et pour résumer les choses de façon abrupte, je dirais
que le problème principal des vues anciennes sur le totémisme consiste
dans leur incapacité à situer le rapport homme-animal du totémisme
(qui correspond plus ou moins à ce qu'on appelait à l'époque l'aspect
religieux ou rituel du totémisme) par rapport au rapport social qui se
joue entre les hommes à propos des animaux, c'est-à-dire — toujours
pour simplifier — les rapports entre clans (c'est l'aspect social du
totémisme). A oublier l'aspect social, on en venait à parler de totémisme
à propos de toute attitude rituelle de l'homme à l'égard de l'animal,
tendance qui se développa principalement chez quelques chercheurs peu
scrupuleux qui prétendirent retrouver le totémisme dans le culte de l'ours
en Sibérie, dans les enseignes de l'armée romaine ou dans les dieux
L'HOMME ET L'ANIMAL 179

de l'ancienne Egypte. Les chercheurs de premier plan et d'une autre


envergure, tels J.-G. Frazer, A. Van Gennep, etc., en dépit de ce qu'on
a pu dire, n'ont jamais commis pareille bévue. La difficulté majeure sur
laquelle ils achoppent, néanmoins, reste celle de penser simultanément
l'aspect religieux et l'aspect social du totémisme, autrement dit de
penser l'articulation entre les rapports hommes-animaux et les rapports
hommes-hommes tels qu'ils se jouent dans une organisation sociale de
type clanique. On voit que nous sommes au cœur de notre sujet, puisque
le problème théorique principal du totémisme est celui de l'articulation
entre deux axes de notre figure 4.
Dans le travail précité, j'ai soutenu que cette articulation était
différente en Australie et dans le reste du monde, autrement dit que
l'unité du totémisme ne pouvait être qu'une unité contradictoire et que
pour la retrouver il convenait tout d'abord de briser le totémisme en deux
morceaux irréconciliables6. Je ne fais que résumer certaines conclusions
de ces analyses dans la mesure où elles sont utiles au propos du
présent article.
Le totémisme — que nous n'envisageons dans cette section que sous
sa forme classique de totémisme de groupe, c'est-à-dire en excluant
provisoirement le totémisme dit individuel - met en correspondance deux
séries, une série de clans A, B, C, ..., avec une série d'espèces naturelles
a, b, c, ..., selon le schéma :

ABC...
a 6 c ...

Figure 5

Cela implique que se jouent dans le totémisme deux types de


rapports, d'une part des rapports symboliques aux animaux (A-a, B-6, ...),
d'autre part des rapports entre les hommes (A-B,
B-A, ...). La plupart des interprétations passées du phénomène
totémique ont privilégié le premier rapport à travers des questions
telles que : les hommes du clan prétendent-ils descendre de l'espèce
totémique ? Qu'en est-il de ce respect dont les hommes témoignent
à l'égard de leur totem ? L'animal totémique est-il censé assurer une
protection rituelle aux membres du clan ? Mais ces interprétations ont
largement négligé d'interroger les rapports sociaux impliqués par le
totémisme dans les sociétés où il se présentait ; ou plutôt, se sont-elles
contentées de noter qu'il y avait une organisation clanique. Or, nous
6. Pour les fins de cet article, centré sur la question du rapport entre l'homme
et l'animal, je laisse de côté une forme de totémisme - une forme que l'on voudrait
appeler faible - dans laquelle les animaux servent uniquement de blasons, d'emblèmes
ou de signes.
180 A. TESTART

n'avons évidemment aucune raison de penser que ces rapports puissent


être les mêmes dans deux sociétés différentes, du seul fait que ces
sociétés partagent la même organisation en clans. Autrement dit ces
rapports doivent être précisés. Qu'en est-il par exemple dans les très
célèbres cérémonies intichiuma décrites par B. Spencer et F.J. Gillen
[1899 ; 1927] à propos des Aranda, ces mêmes cérémonies qui occupent
une place si importante dans l'interprétation des Formes élémentaires
de la vie religieuse de E. Durkheim et que, sous le nom de talu,
A.R. Radcliffe- Brown [1913 ; 1929] tenait pour centrales à l'institution
totémique ? Il s'agit de cérémonies dites de "multiplication" de l'espèce
totémique (généralement animale, parfois végétale) : chaque clan se
doit de pratiquer périodiquement certains rituels afin d'assurer la
reproduction magique de son espèce totémique.
Remarquons au préalable que les cérémonies intichiuma forment
système puisque c'est seulement grâce à l'ensemble de tous les clans de la
tribu que se trouve assurée la reproduction globale de la nature partagée
par la classification totémique. A travers l'ensemble de ces cérémonies
se joue quelque chose comme une division rituelle du travail. C'est dire
déjà que chaque fragment ou segment des deux ordres, nature et société,
c'est-à-dire chaque espèce et chaque clan, ainsi que le rapport également
fragmentaire ou individuel qui les lie, doit être resitué dans la totalité
qui lui donne sens. Quel rapport à présent, au sein de cette organisation
cérémonielle, entretient chaque clan avec son espèce totémique ? D'une
certaine façon, elle lui appartient, mais il faut souligner que le clan n'en
tire aucun avantage, ni rituel ni matériel ; au contraire, c'est un devoir
qui lui incombe de procéder à la reproduction symbolique de son espèce,
dont tous bénéficieront, sans qu'il y trouve lui-même avantage, avec de
plus ce désavantage que le clan, au moins chez les Aranda, ne pourra
pas consommer sa propre espèce totémique. Chaque clan se trouve ainsi
être responsable du bon ordre du monde en ce qui concerne la part
qui lui revient dans la classification totémique - voilà pour le rapport
à la nature. Mais on n'est responsable que devant les autres, et toute
responsabilité suppose un rapport social. Dans Vintichiuma, chaque clan
est responsable devant les autres clans, car s'il n'accomplissait pas les
cérémonies qui lui incombent, l'espèce totémique correspondante ferait
défaut ; il léserait ainsi les intérêts de tous ceux qui sont susceptibles de
l'utiliser comme nourriture. Autrement dit, le rapport (homme-nature)
que chaque clan entretient de façon exclusive et apparemment de façon
individuelle, sinon concrète, avec le morceau de nature qui lui a été
attribué ne prend-il sens que par rapport aux autres, en fonction de ces
autres et de leur possibilité de jouir du totem qui n'est pas le leur. Loin
de se clore sur lui-même, le rapport totémique tel que nous le voyons
fonctionner dans Vintichiuma est un rapport dont la finalité est ailleurs.
Pour faire comprendre ce que je m'efforce de mettre en évidence il
L'HOMME ET L'ANIMAL 181

ne sera pas inutile de contraster ce rapport totemique avec le rapport de


propriété des sociétés occidentales. Le droit de propriété sous sa forme
classique et extrême — à'usus, abusus et usufructus — ne suppose aucune
responsabilité devant les autres, il établit entre le propriétaire et l'objet
en propriété un circuit qui se clôt sur lui-même. Non pas que la société
soit absente de cette affaire, car la propriété consiste bien sûr en un
rapport social ; mais ce rapport, aussitôt affirmé disparaît du champ des
consciences (et ne réapparaîtra plus qu'en cas de contestation), la société
et les autres s'estompent en arrière-plan pour ne plus laisser subsister
que le rapport solitaire du propriétaire à son bien. Dans la propriété, le
rapport social s'efface devant le rapport à la chose qu'il avait vocation
de fonder. Dans le rapport totemique, c'est l'inverse, le rapport à l'autre
est non seulement au cœur de la cérémonie à^ intiehiuma t il en est aussi
la finalité.
Mieux encore, peut-être, que Vintichiuma des Aranda, certains
aspects des cérémonies des tribus situées plus au nord permettront
d'illustrer ce qui vient d'être dit. Chez les Warramunga, c'est seulement
à la demande des autres clans, ceux de l'autre moitié, que la cérémonie
est accomplie [Spencer & Gillen 1904 : 298]. On ne peut donc imaginer la
relation de chaque clan avec son espèce totemique comme une relation
close sur elle-même ; elle reste subordonnée à la demande des autres
— manière d'indiquer que le rapport à la nature est subordonné au
rapport social. Mais, de même que le rapport aux autres "ouvre" — pour
ainsi dire — la cérémonie chez les Warramunga, il la "ferme" également
dans certains cas. Dans les cérémonies de plusieurs groupes totémiques (il
ne semble pas y avoir à cet égard de règle valable pour l'ensemble d'une
tribu), chez les Warramunga, les Worgaia et les Kaitish, celui qui préside
à la cérémonie s'adresse ainsi à ceux des autres clans qui lui présentent
les espèces qu'il a magiquement reproduites : "[...] je les ai faites pour
vous", aje les ai faites pour que vous les mangiez" [Spencer & Gillen
1904 : 294, 297, 309]. La signification que nous avons ainsi trouvée, par
l'analyse, aux cérémonies df intiehiuma se trouve ainsi, dans certains cas,
directement lisible dans le discours de l'officiant.
Les cérémonies de type intiehiuma sont largement répandues sur tout
le continent australien. Je ne peux m'étendre dans le cadre de cet article
sur le fait que la perspective proposée permet l'unification pour l'essentiel
des phénomènes totémiques australiens réputés si divers, qu'elle permet
en particulier de réduire l'importance de la distinction proposée par A.P.
Elkin entre totémisme cultuel et totémisme social. Disons seulement
que l'interdiction faite aux membres du clan de consommer leur animal
totemique, alors même que cette interdiction n'est pas compensée par
certains avantages, peut être vue comme équivalente aux cérémonies
de multiplication : dans un cas, il y a obligation d'une production
symbolique, soit un surplus de travail, dans l'autre, la prohibition à
182 A. TESTART

la consommation se traduit par un désavantage, quelque chose comme


un manque à gagner. Toujours, derrière le rapport rituel que l'homme
prétend entretenir avec l'animal, se joue un rapport social avec d'autres
hommes tel que chacun se trouve à chaque fois défavorisé par rapport
aux autres en ce qui concerne son totem. Quel que soit l'aspect que l'on
considère, le totémisme australien renvoie toujours à ce rapport essentiel
aux autres.
En dehors de l'Australie, et en dépit des efforts qui furent déployés
au début de ce siècle pour démontrer le contraire, les cérémonies de
type intichiuma sont totalement absentes. Cette donnée, déjà, laisse à
penser que le totémisme ne peut y fonctionner de la même façon qu'en
Australie. Pour être plus précis, considérons les Yokuts de Californie
qui pratiquent certains rites rappellant les cérémonies à? intichiuma.
Chaque moitié est associée à plusieurs espèces végétales ou animales
et est tenue de présider à la première récolte de ces espèces au moment
de leur apparition saisonnière ; elle offre alors les fruits de la récolte
aux membres de l'autre moitié et, après que ceux-ci en aient goûté,
ses membres sont désormais libres de les consommer [Gayton 1945 :
421-422]. Ces rites de prémices, subordonnés quant à l'époque de leur
accomplissement au rythme saisonnier de la nature, se présentent comme
les cérémonies australiennes de multiplication, démontrant tous une
même préoccupation pour la reproduction des espèces naturelles. Mais,
entre les unes et les autres, il y a inversion : tandis qu'en Australie c'est
le clan possesseur qui goûte à ses espèces totémiques avant de les offrir
aux autres clans, en Californie, le clan possesseur les fait goûter aux
autres pour pouvoir les consommer lui-même. Chez les Yokuts, il n'y a
pas de prohibition alimentaire sur les totems ou encore, si nous pensons
que cette prohibition pourrait exister quelque part à l'arrière-plan de ces
rites dont nous venons de parler, il faudrait dire que ces rites jouent le
rôle d'une levée de tabou.
Les Australiens professent que si le clan possesseur consommait ses
propres espèces il ne pourrait plus accomplir efficacement les cérémonies
de multiplication [Spencer & Gillen 1904 : 291, 294, 308, etc.) ; les Yokuts
expriment au contraire l'idée que si la moitié d'en face n'avait pas goûté
aux espèces, la moitié qui les possède ne pourrait pas les consommer
[Gayton 1945 : 421-422]. Ces cérémonies, dans lesquelles est mise en
oeuvre, en Australie comme en Californie, une certaine réciprocité entre
les groupes sociaux, fonctionnent donc de façon inverse sur les deux
continents : sur l'un, elles traduisent la renonciation à un droit ; sur
l'autre, elles assurent l'exercice de ce droit.
Un autre exemple peut servir à opposer le totémisme australien et
le totémisme américain. En Australie, les espèces totémiques ne sont
que les supports au moyen desquels les clans signifient les rapports
qui les lient. Le clan et son espèce totémique, dès lors, doivent être
L'HOMME ET L'ANIMAL 183

pensés dans une sorte d'indistinction ontologique (ce que traduit la


mythologie où les ancêtres du clan sont en même temps des animaux
de l'espèce totémique), ou bien, si leur rapport doit être envisagé dans
l'ordre de la parenté, il ne peut s'agir que de consanguinité. Sur la côte
Nord-Ouest de l'Amérique du Nord, les totems jouent modestement le
rôle d'emblèmes mais le point intéressant pour notre propos est la nature
de l'association que la mythologie trace entre le clan et l'espèce : les
espèces sont parfois présentées comme les ancêtres du clan, mais plus
souvent il s'agit d'animaux qui sont censés avoir épousé une femme du
clan, ou encore ces animaux sont liés au clan par le bon ou le mauvais
traitement que les ancêtres mythiques de ce clan leur ont infligé. Le
rapport du clan et de l'espèce est donc pensé essentiellement sur le
mode de l'alliance interclanique, alliance matrimoniale ou autre. Le
totémisme des Indiens de la côte Nord-Ouest inverse donc toutes les
données du modèle australien où la réciprocité qui lie les clans totémiques
est homologue à l'alliance matrimoniale ; sur la côte Nord-Ouest, non
seulement les rapports entre les hommes se trouvent effacés dans une
conception qui privilégie les rapports des hommes aux animaux, mais
encore ces rapports sont conçus sur le modèle des rapports sociaux.
Ces quelques exemples empruntés au grand ensemble américain sont
limités en nombre - encore qu'il ne puisse en aller bien différemment
compte tenu de la pauvreté du totémisme américain face à ce qu'il faut
bien appeler l'exhubérance australienne. Toutefois ils tendent à montrer
que le totémisme — conçu au sens plein du terme, c'est-à-dire impliquant
un double rapport de l'homme à l'animal et des hommes entre eux —
met différemment l'accent sur l'un ou l'autre rapport selon qu'il est
australien ou américain. Mais il reste à considérer des faits plus massifs,
en particulier le totémisme dit individuel.

Autour de la chasse, rituels et croyances

Nous nous proposons à présent d'examiner un ensemble de rites et


de croyances qui pourra paraître au premier abord assez hétéroclite.
Pourtant ces rites et croyances ont en commun de témoigner de la part
des humains d'une certaine forme de respect à l'égard des animaux, ils
tournent autour de l'idée de contrat implicite passé entre les hommes
et telle espèce animale ; en bref, ils sont centrés sur le rapport entre
l'homme et l'animal tel qu'il est défini par l'axe vertical de notre figure 4.
Or ces rites et croyances, aussi divers paraissent-ils, se retrouvent à
profusion dans les deux Amériques et en Sibérie tandis qu'ils sont
pratiquement inexistants en Australie.
Au préalable une remarque est nécessaire sur ce que l'on appelle
les rites de chasse, précautions et usages ordinaires en ce qui concerne
184 A. TESTART

la pratique cynégétique, toutes croyances qui sont plus ou moins


contraignantes selon la force des prescriptions par lesquelles elles se
traduisent. Le but en est toujours de rendre le gibier abondant et sa
prise aisée, mais quant au moyen de ces précautions symboliques on peut
grosso modo les classer sous trois rubriques selon qu'elles se rapportent :
1) aux personnes, à la personne même du chasseur, à sa femme, aux
femmes en général, à ses parents ou encore à l'état dans lequel se trouve
le chasseur (état de jeune initié, état de deuil, retour d'une expédition
militaire, etc.) lequel état traduit le plus souvent certains rapports à
d'autres personnes ;
2) à des objets, qu'il s'agisse des armes — c'est-à-dire des outils de
la chasse - dont on assurera l'efficacité grâce à des moyens magiques
ou à des précautions rituelles, ou qu'il s'agisse d'objets rituels dont on
mobilise la puissance sacrée ou magique ;
3) aux animaux, à travers des rituels, interdits et précautions qui les
concernent directement.
Les deux premières catégories regroupent des précautions et des
prohibitions qui paraissent bien universelles \ ainsi de l'impossibilité pour
le jeune initié de chasser, ou de la réserve que tout chasseur se doit
d'observer vis-à-vis des femmes, ainsi du soin qu'il doit prendre afin
d'éviter que ses armes ne viennent en contact avec les femmes indisposées
ou de l'utilisation des charmes de chasse, etc. Ces comportements ne
retiennent pas plus longtemps notre attention dans la mesure où ils ne
nous apprennent rien sur le rapport à l'animal7. Ce sont les précautions
de la troisième rubrique qui nous intéressent ici.
Tant en Amérique qu'en Sibérie, elles sont légion. Rappelons tout
d'abord le cas très célèbre de l'ours sibérien ; on fête l'ours ramené
de la chasse, on le traite comme un hôte, on l'invite à se restaurer,
mais on veille également à rejeter la faute de son meurtre sur des
étrangers, sur d'autres animaux, ou bien on attribue sa mort au hasard
malheureux... A travers ces rituels complexes et spectaculaires, l'ours est
traité comme un parent ou un allié dont on déplore le décès, quelqu'un
en tout cas avec lequel on était lié et dont la mise à mort ne peut que
constituer une véritable transgression d'interdit. D'où cette mascarade,
ce déni du meurtre, tous ces actes qui représentent autant de tentatives
de déculpabilisation. Mais l'ours n'est que le prototype le plus connu
d'une longue liste d'animaux que dans tout l'hémisphère Nord mais plus
7. Tout au plus peut-on suggérer que le manquement à ces interdictions se traduit
peut-être plus souvent en Amérique par un comportement spécifique de l'animal qui
vient sanctionner la faute du chasseur. Chez les Aléoutes, par exemple, "si les tabous
et les rituels n'étaient pas respectés, le chasseur risquait de se retrouver entouré de
loutres, éclaboussant son kayak et son visage en guise de moquerie, sans parvenir à
en capturer une seule" [Robert-Lamblin 1980 : 14-15]. En Australie, ce sont plutôt
les armes qui deviennent inefficaces : les lances touchées par une femme prennent une
trajectoire tordue, etc.
L'HOMME ET L'ANIMAL 185

particulièrement dans les régions arctiques et subarctiques on ne peut


tuer sans leur demander pardon, sans leur témoigner du respect d'une
façon ou d'une autre, à moins qu'on ne les trompe éhontément quant
aux véritables auteurs de leur mise à mort : les anciens habitants du
Kamtchatka s'excusaient auprès des phoques et des lions de mer, les
Koryak accusaient les Russes de la mort du loup, les Eskimo offrent
de l'eau douce aux phoques lorsque leurs carcasses sont tirées à terre,
partout on présente des friandises au gibier abattu, on l'enjoint d'être
raisonnable et de se laisser manger sans rancune, ou encore on coupe le
museau de l'ours pour qu'il ne puisse pas reconnaître ses meurtriers, on
lui coupe les yeux pour la même raison, ainsi qu'aux autres gibiers, mais
on traite avec déférence leurs restes, en particulier les os qu'on prend
soin de ne pas jeter aux chiens ou que l'on rend à leur milieu d'origine
— ainsi les os des animaux marins sont-ils restitués à la mer pour que
ces animaux s'y reproduisent —, on procède à des fêtes de réconciliation
entre l'homme et l'animal, etc.8.
Si l'on ne traitait pas l'animal de cette façon, il pourrait se venger,
avertir ses congénères du mauvais traitement qu'il a reçu chez les
humains et les animaux ne se laisseraient pas prendre, ou même ils
attaqueraient le chasseur. C'est donc l'idée d'un rapport réciproque entre
l'homme et l'animal dont il est question, un rapport fondé sur l'échange
de bons procédés bien qu'il ne soit pas exempt d'une certaine tension.
Entre les deux, il y a comme un pacte ou un contrat par lequel les
hommes assurent la réincarnation des âmes des animaux tandis que
l'espèce animale assure l'alimentation du groupe humain.
Rituels de déculpabilisation, excuses présentées à l'animal, déni du
meurtre, idée de contrat, souci de se concilier les faveurs de l'animal,
notion d'alliance et de vengeance légitime de l'espèce, rien de tout cela
n'existe en Australie qui ait été publié9 — sauf erreur de ma part — et

8. Sur un sujet où la littérature est particulièrement abondante, on ne peut


que mentionner quelques repères bibliographiques : Hallowell 1926 ; Bonnerjea 1934 ;
Lantis 1938 ; Juel 1945 ; Lot-Falck 1953 ; Harva 1959 ; Driver & Massey 1957 : 189,
253 sq. ; etc., sans oublier Frazer [1981-1984, III : 297-356] qui fournit toujours un
utile résumé des connaissances du début de ce siècle. Plus récemment, voir le numéro
spécial d'Études Mongole» et Sibériennes consacré à l'ours [1980] et Honigmann [1981 :
724] à propos des régions subarctiques de l'Amérique.
9. A défaut de pouvoir fournir la bibliographie d'un manque - qui de plus n'a
guère été remarqué jusqu'ici - on se contentera de relever quelques-unes des rares
mentions qui ont été faites de ce qu'il est convenu d'appeler la magie de la chasse :
la croyance répandue selon laquelle les rhombes, les churinga ou autres objets sacrés
(ou encore certains principes spirituels qui leur sont associés) sont des aides utiles
et efficaces pour la chasse [Spencer & Gillen 1899 : 203, 514 ; Howitt 1904 : 400,
660 ; Spencer 1914 : 212 ; Elkin 1933 : 477 ; Kaberry 1939 : 17-18 ; R Se C. Berndt
1942-1943 : 164-165] ; une forme de magie sympathique qui consiste à perforer un
propulseur, ce qui symbolise le transpercement de l'animal [Rie C. Berndt 1942-1943 :
318 note 24 : 165] ; l'utilisation d'ocre rouge, de sang ou d'autres substances pour
enduire la pointe d'une lance afin qu'elle ne puisse manquer son but [Kaberry 1939 :
186 A. TESTART

s'il fallait que ces notions aient pu échapper aux observateurs les plus
perspicaces depuis plus d'un siècle que l'anthropologie de l'Australie
existe, il faudrait qu'elles y soient bien cachées.
Autre chose qui n'existe pas en Australie, ce sont les notions de
maîtres des animaux ou autres esprits tutélaires, comme les "mères"
du gibier, bien connues en Sibérie et chez les Eskimo, tout autant qu'en
Amérique du Sud10. Le monde animal est conçu à l'image du monde
humain, c'est un monde hiérarchisé. Ses maîtres, le maître du gibier
terrestre, le maître ou la maîtresse des animaux marins, ou encore tel
autre maître d'une région géographique plus limitée ou tel représentant
d'une ou de plusieurs espèces animales, traitent d'égal à égal avec
les hommes, avec ses chefs, ses représentants ou ses chamans. C'est
une longue suite de tractations, de marchandages, chacun veillant aux
intérêts du groupe qu'il représente, du côté animal à ce qu'il n'y ait pas
trop de bêtes abattues, du côté des hommes à ce que leur alimentation
carnée soit en abondance suffisante. C'est à nouveau l'idée implicite de
contrat et il arrive que chaque partie comptabilise ce qu'elle a donné et
reçu en échange, surveille la partie adverse, sanctionnant ses fautes ou ses
abus. En Amérique du Nord où les sociétés semblent plus individualistes
ou, comme on a quelquefois voulu les qualifier, plus "atomistes",
les notions d'esprits maîtres y sont moins développées, l'organisation
collective du monde animal moins structurée, et la régulation de la chasse
y est assurée par des relations plus personnelles entre le chasseur et telle
ou telle espèce animale dont les représentants sont censés se donner,
s'offrir librement aux flèches du chasseur avec lequel l'espèce entretient
de bonnes relations ; en bref, l'animal est censé consentir à sa mort11.
Ces relations privilégiées nous amènent à parler de la question
connexe du totémisme dit individuel. Tandis que cette forme se trouve

16 ; R. & C. Berndt 1942-1943 : 165 ; Elkin 1967 : 355] ; l'utilisation de ces diverses
substances, de poudre magique, de charmes divers, de formules ou de chants magiques
afin de paralyser le gibier [Mathews 1905 : 52-55 ; Parker 1905 : 107, 115 ; Dunbar
1943-1944 : 175 ; Berndt 1947 : 358-359 ; R. & C. Berndt 1964 : 270]. A côté de cela,
on trouve des cérémonies de multiplication (de type intichiuma), de très importants
tabous alimentaires qui frappent surtout les jeunes et les femmes, des cérémonies
- rares ou rarement décrites - du premier animal abattu par un adolescent [Love 1936 :
87 ; Warner 1958 : 128-130] mais rien qui rappelle le "respect" professé à l'égard des
animaux en Amérique et probablement ailleurs dans le monde. Il est remarquable à
cet égard que dans le Rameau d'or, qui reste à ce jour la somme la plus formidable
qui ait jamais été écrite sur les croyances, J.G. Frazer se soit aperçu de la singularité
australienne et l'ait noté en quelques lignes : "[...] rien n'indique clairement qu'ils
(les Aborigènes) essaient, comme les Indiens de l'Amérique du Nord, de se concilier
les animaux qu'ils tuent et mangent. Les moyens adoptés par les Australiens pour se
fournir du gibier paraissent reposer, en premier lieu non sur la propitiation, mais sur
la magie sympathique" [1981-1984, III : 377].
10. Pour l'Amérique du Sud, voir par exemple : Reichel-Dolmatoff 1973 : 104 tq ;
Chaumeil 1983 : 234 tq. ; Descola 1986 : 317 tq. ; etc.
11. Sur cet aspect particulier, voir : Tanner 1979 : 138 tq. ; Sharp s. d. ; etc.
L'HOMME ET L'ANIMAL 187

être remarquablement peu développée en Australie [Testart 1985 : 327


sq.]f elle est bien connue au Mexique où l'on parle de nagual, et plus
encore dans le reste de l'Amérique du Nord où se rencontre tout un
complexe de croyances centré sur ce que les anthropologues ont appelé le
guardian spirit. Celui-ci s'obtient au terme d'une quête longue et difficile,
généralement au travers d'une vision obtenue à la suite de jeûnes et
de privations répétées, vision dans laquelle apparaît l'animal qui sera
désormais à la fois le double, le protecteur et le guide de celui qui a
réussi à s'attirer ses faveurs. Le guardian spirit assure à son possesseur
le succès à la chasse, en amour, à la guerre, et il lui garantit également
bien d'autres pouvoirs magiques12. Il s'agit donc d'un rapport privilégié
entre un homme et une espèce animale. Chacun témoigne à l'égard de
l'autre d'une certaine forme de respect analogue à celle présente dans
les croyances précédemment examinées. Cela ne va d'ailleurs pas sans
contradiction entre, d'une part, des croyances qui veulent qu'on ne doive
pas chasser l'espèce totémique par respect pour elle et, d'autre part,
d'autres croyances selon lesquelles cette espèce serait précisément la plus
facile à chasser par celui qui l'a pour totem en raison du lien privilégié qui
l'unit à elle [Rrazer 1910, III : 429 ; Hewitt 1910 : 794]. Dans d'autres cas,
la contradiction se donne sous la forme suivante : pour établir sa relation
avec le guardian spirit, l'individu doit au préalable tuer l'animal de cette
espèce [Hewitt, ibid.]. Mais, arrivé en ce point, il n'est plus nécessaire
de poursuivre. On le voit, toutes ces contradictions s'établissent, tout
comme les rites de chasse que nous avons examinés, le long de l'axe
vertical de notre figure 4.
Quoi qu'il en soit des variations culturelles, certes importantes, que
l'on ne peut manquer d'observer dans un ensemble aussi vaste que les
deux Amériques et la Sibérie, l'animal s'y présente toujours comme un
autre, un alter ego avec lequel l'homme entre dans des relations bien
définies : relations d'affinité élective plus ou moins librement choisies,
histoires de relations matrimoniales entre un animal et une femme
dont est emplie la mythologie américaine, ou plus simplement relation
amoureuse entre le chasseur et son gibier assimilé à une femme13.
Relations toujours d'échange, quelle qu'en soit la nature, de dons et
contre-dons, qui peut se muer en épreuve de force lorsque le chaman
affronte les esprits des animaux, tout comme dans le monde des hommes
les affins (les alliés au sens matrimonial) sont en même temps les ennemis,
ceux parmi lesquels on prend femme sont aussi ceux dont on prend la vie.
Bien que ces relations soient toutes conçues sur le modèle social de celles
qui prévalent entre les humains, elles supposent pour leur établissement

12. D'après Fletcher, cité par Frazer 1910, III : 399 ; voir également Swanson
1973 : 359.
13. Croyance qui se rencontre tant au Sud [Reichel-Dolmatoff 1973 : 254 »q.\ qu'au
Nord [Tanner 1979 : 138].
188 A. TESTART

le rejet du monde animal de l'autre côté d'une frontière au-delà de


laquelle finit l'humanité et par laquelle se définit l'animalité, une frontière
par rapport à laquelle il est impératif de pouvoir se situer et qu'il est
toujours dangereux de prétendre transgresser14.
Rien de tout cela ne semble typique de l'Australie caractérisée par
une certaine fluidité entre le monde animal et le monde humain en
même temps que par une segmentation beaucoup plus rigide qui oppose
autant les espèces animales entre elles que les groupes sociaux entre eux,
ni dans la mythologie où les héros ancestraux troquent si facilement
leur forme animale contre une forme humaine, ni dans les interdits
de chasse qui pour n'être pas moins nombreux qu'ailleurs dépendent
avant tout de l'état du chasseur, de ses relations aux autres, aux autres
hommes et aux femmes, à ses parents (kins et affins), mais apparemment
pas des rapports qu'il pourrait entretenir avec le monde animal. Ou
plutôt, faut-il préciser, les interdits, s'ils affectent telle ou telle espèce
animale, pour en prohiber la consommation ou la chasse, ne le font-ils
que parce que cette espèce se trouve être le totem d'une des personnes
avec lesquelles le chasseur est en relation, ils renvoient à un rapport social
et s'expliquent par lui.

Tout système de représentations incluant les rapports de l'homme à


l'animal se construit autour de quatre termes au moins — ce que nous
avons appelé le quadrilatère minimal. Cela implique la représentation de
trois types de rapports : h-a, h-h et a-a. Comme le dernier rapport,
entre animaux ou espèces animales, est le plus souvent conçu sur
le modèle des rapports entre les hommes ou des rapports sociaux,
il reste deux types de rapports fondamentaux. Tous les systèmes
de représentation relatifs au monde animal incluent probablement la
représentation de ces deux types de rapports, mais, ils se distinguent
par la manière différente dont ils envisagent ces rapports, par la façon
dont ils affectent un poids différent à chacun et conçoivent l'articulation
entre eux.
En Australie, l'homme et l'animal sont pensés dans une sorte
d'indistinction fusionnelle, mais cette masse indifférenciée est segmentée
en une multitude d'unités qui sont à la fois sociales et naturelles au moyen
d'une classification totémique ; le rapport rituel de l'homme à l'animal
14. A témoin ces innombrables mythes qui racontent le destin malheureux d'un
humain, souvent une jeune fille, coupable d'un goût excessif ou d'un penchant trop
marqué pour un animal. D'autres mythes, qui se rencontrent d'un bout à l'autre du
Nouveau Monde [Wilbert 1975 : 11-13 ; Tanner 1079 : 136-137], relatent le malaise,
éventuellement fatal s'il est mis en demeure de chasser, de celui qui prétend se
tenir dans l'indistinction entre l'homme et l'animal ou qui oscille entre les deux
points de vue.
L'HOMME ET L'ANIMAL 189

y a bien peu d'importance et se trouve, lorsqu'il existe, intégré dans une


organisation cérémonielle qui vise à affirmer la solidarité de l'ensemble
social à travers sa segmentation, il est alors dépassé, pourrait-on dire, et
immédiatement dépassé, vers un rapport social auquel il est subordonné
et qui lui donne sens. En Amérique et en Sibérie, le clivage entre
les êtres humains et le monde animal est beaucoup plus apparent et
permet l'établissement de relations beaucoup mieux définies — de parenté,
d'alliance, d'amitié, ... - entre les hommes et les animaux ; les rapports
sociaux entre les hommes s'estompant à l' arrière-plan de ce qui apparaît
bien souvent comme un tête à tête solitaire de l'homme avec l'animal,
autrui n'étant finalement appelé que pour donner sa caution, autoriser,
garantir qu'il n'interviendra pas dans les droits et les devoirs qui lient
l'homme à son guardian spirit ou à son gibier.
Par là même, nous vérifions une fois de plus le caractère singulier
de l'Australie, ce que j'ai tenté ailleurs de montrer sur d'autres bases
[Testart 1985 : passim]. Nul doute que dans notre esprit le contraste que
nous avons cru pouvoir mettre en évidence entre l'Australie et l'ensemble
américano-sibérien ne renvoie à l'existence de rapports sociaux différents,
mais ce serait le sujet d'un autre article. On peut noter néanmoins
que les deux systèmes de représentations en ce qui concerne le monde
animal trouvent leur parallèle évident dans la différence entre les formes
de partage et d'appropriation du gibier [Testart ibid. : 56 sq. ; 1987 :
passim].
Enfin, s'il est permis d'élargir encore un propos qui paraîtra peut-être
déjà trop ambitieux, il reste à souligner que les deux modèles proposés
l'ont été à propos d'un domaine géographique circonscrit, bien que
vaste. Ils ne prétendent pas en épuiser la description, mais plutôt ouvrir
une discussion sur le thème de l'articulation dans la représentation des
rapports hommes- animaux et des rapports sociaux. A l'intérieur même
du domaine abordé, on discernera sans peine des variations importantes
de chaque modèle, d'autres oppositions également significatives. Qu'en
est- il ailleurs, dans des pensées religieuses où la coupure principale
passe entre les dieux et les hommes, les animaux n'étant plus alors
que les messagers des dieux, leurs métamorphoses, ou au contraire leurs
ennemis ? La question se pose tout autant pour les mythes où le feu est
volé aux dieux que pour les sociétés à sacrifice, lequel implique selon
le schéma maussien une relation entre trois termes. Quelles différences
entre sacrifice humain et sacrifice animal, et quelles implications pour la
représentation du rapport entre l'homme, l'animal et la divinité ? Qu'en
est-il enfin dans ces sociétés d'éleveurs dont on sait que le bétail est au
centre de leur système de valeurs ?
190 A. TES TART

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