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Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

Les interstices industriels livrés par la

« mondialisation » :

un essai d’analyse pour le Maghreb

Jean-Louis Perrault

Erudit – Pekea
Jean-Louis.Perrault@univ-rennes1.fr
www.pekea.org

Séminaire
« Le développement industriel des pays méditerranéens du
Sud »

organisé par

l’Association Algérienne pour le Développement de la


Recherche en Sciences Sociales (AADRESS) & le
Groupe de Recherches sur la Régulation de l'Économie
Capitaliste (GRREC)

avec le concours de la Fondation Friedrich Ebert et du


PNUD

Bibliothèque nationale du HAMA, Alger, 2-3 mai 2006

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Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

« Ici, à l’échelle mondiale, l’absurdité


de l’économie capitaliste atteint son
expression dans le tableau d’une
humanité entière gémissant sous le
joug terrible d’une puissance sociale
aveugle qu’elle a elle-même créée
inconsciemment : le capital »
(Luxemburg 1925).

« La « consommation » d'êtres
humains, au bénéfice des choses et de
l'accumulation du capital sous toutes
ses formes, a tragiquement assombri
les débuts du capitalisme industriel et
n'a pu, avec la propagation de
l'information sur le fonctionnement
effectif de la société, dissimuler la
contradiction flagrante qui s'accusait
entre les normes invoquées par les
états et leurs violations dans la pratique
sociale » (Perroux 1981).

Dans un très bel essai sur l'histoire du Maghreb, Abdallah Laroui


revendiquait une malchance particulière pour ce bloc géographique : «celle
d'avoir toujours eu des historiens d'occasion : géographes à idées brillantes,
fonctionnaires à prétention scientifique, militaires se piquant de culture,
historiens de l'art refusant la spécialisation, et, à un niveau certes plus élevé,
des historiens sans formation linguistique ou des linguistes et archéologues
sans formation historique » (Laroui 1970a). Abdallah Laroui ajoutait qu'il vaut
mieux commencer par ce que l'on sait, plutôt que par ce que l'on arrive à
peine à deviner. Voilà un conseil prudent ! Auquel l'économiste, déjà fort
ignorant de par sa discipline, est astreint à se conformer. Dès lors, ni la
‘umma, ni l'U.M.A. n'ayant pu façonner une forme d'unité territoriale de cet
objet complexe, mal nommé al Maghrib, pouvons-nous essayer d'éclairer les
trajectoires industrielles décevantes du Maghreb au moyen d'une grille
d'économie politique internationale ? Cette dernière suppose un regard
critique sur les préconisations économiques implicitement normatives pour
reprendre l'expression de François Perroux, qui ont désigné les orientations
et les pratiques que les pôles de pouvoir du capitalisme mondial ont
souhaité faire adopter par le Maghreb.
François Perroux, citant Lyautey, nous rappelle que : «L’on ne conquiert pas
de la même façon un pays selon que l'on veut ou non en faire un marché »
(Perroux 1963 : 164). Sous-ensemble du capital, militairement violent, le
colonialisme avait pour vocation de principalement satisfaire aux besoins du
capitalisme « minier », celui de l’âge de l’acier. Le protocole de Bretton-
Woods et l’idéologie du libre-échange, issus des principes utopiques du très
mystique président Woodrow Wilson ; à l’issue de la première guerre
mondiale, devait faire perdre leur avantage territorial aux vieilles puissances
coloniales ; et substituer le commerce des matières premières à l’occupation
impériale des territoires miniers.
Le chaos planétaire contemporain révèle à quel point ces buts sont restés
lettre morte. Le contexte de la domination coloniale semble écarté ; pourtant,
jamais le contexte de la domination du Capital semble n’avoir été aussi
développé.

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D’abord, parce que la raréfaction, prévisible et annoncée, des matières


minières, dans le cadre du modèle énergétique dit de Rockefeller, est
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devenue l’une des légitimations principales de l’existence du Pentagone ;
sous le couvert miraculeux d’un « terrorisme arabe », qui permet de définir à
la demande les États « voyous ». En définissant une doctrine de la guerre
défensive menée à l’extérieur ; en posant le principe selon lequel l’utilisation
de leur armée, en n’importe quelle partie du monde, est une opération
défensive, et non pas l’attaque d’un autre pays ; en retournant
complètement les concepts, et en faisant croire à la communauté
internationale que la défense signifiait l’agression et que l’agression signifiait
la défense (Bosch 1969) ; les administrations fédérales conservatrices
républicaines et démocrates, particulièrement depuis Lyndon Johnson, ont
institué un « colonialisme opportuniste » à la hauteur des besoins ad hoc
d’un capitalisme débridé.
Ensuite, ce capitalisme n’a pas apporté les contributions que les
économistes d’intention idéologique faisaient miroiter. Face à ceux-ci, un
économiste d’intention scientifique comme François Perroux s’évertua à
dénoncer les facteurs qui empêchaient la contribution du capitalisme au
produit social (Perroux 1951 :126). Il répéta mille fois l'absurdité qu'il pouvait
y avoir, à distinguer le plan économique du plan social. Cette « mauvaise
communication entre les marchés et les groupes sociaux » (Perroux 1979 :
55) devait être, selon lui, corrigée pour échapper aux travers du capitalisme :
«il use et il corrompt ». Sa logique n’est pas celle de l’ordre
politique (Perroux 1951) :
• Il n’a cure de la morale ; alors que tout système politique a besoin
d’aspirer idéologiquement, pour conserver sa cohérence, un
ensemble de valeurs ;
• Il a intérêt à obtenir une liberté sans frein ; or aucune société
politique ne peut exister sans limitations aux libertés ;
• Il ne peut accepter dans l’ordre économique aucun arbitrage ; or tout
pouvoir politique voudrait être arbitrage et exercer ainsi ses
prérogatives.
La « mondialisation », indéfinie et subreptice, constitue donc le champ idéal
de son déploiement. Plus de face-à-face avec des institutions étatiques qui
tempèrent, ne serait-ce qu’au titre du maintien de l’ordre social, les
modalités sauvages des rapports de production. La « mondialisation » offre
le terrain idéal d’un jeu « total » du capital, qui laisse pantois ses propres
acteurs (voir (Bébéar 2003, Peyrelevade 2005, Saul 2006). À son service
depuis 60 ans les institutions de Bretton-Woods, instrumentalisées et

1
Il convient de lire, sur la question du problème posé à la planète par l’existence du
Pentagone, le très lucide ouvrage de Juan Bosch, daté de 1967 : « comme
l’impérialisme, le pentagonisme ne pouvait fonctionner sans exercer un terrorisme
armé comme l’impérialisme, le pentagonisme devait envoyer des hommes à la
guerre et à la mort ; or cela ne peut se faire sans justification. Aucune nation ne peut
mener une politique de guerre sans la justifier par quelque doctrine ou idéologie
politique. C’est doctrine ou cette idéologie peuvent être délirantes, mais il faut les
créer et les propager [...] ce ne fut pas le cas du pentagonisme qui s’organisa sans
doctrine préalable, comme une excroissance de la grande société de masse et du
capitalisme surdéveloppé » (Bosch 1969) : 91).

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adaptées, déclinent une terminologie orthodoxe : libre-échange, régime de


change flexible, libération des mouvements de capitaux, flexibilité du marché
du travail, etc., qui ne garantit pas, pour autant, la fonctionnalité du système
(voir par exemple (Artus et Virard 2005, Artus 2006).
Parallèlement, la discipline « économie », sur son versant normatif et
orthodoxe, c’est-à-dire idéologique, constitue le fer de lance de cette
propagande. Dans le domaine des relations économiques internationales, le
contenu idéologique de la discipline s’affiche. Quel que soit le niveau du
débat théorique portant sur les déterminants de la spécialisation ou les gains
à l’échange, la conclusion est de préconiser le libre-échange, sans en
préciser la forme, ni le contenu : les formes de la compétition-rivalité-
concurrence, nerfs du résultat attendu, étant implicitement supposées. Or,
aucune théorie du commerce international n’a la moindre vertu analytique ou
prédictive. Pourtant, les institutions de Bretton-Woods s’abritent derrière
elles pour véhiculer des préconisations de réforme des politiques nationales
et des préférences de structures. D'où proviennent, donc, les « vertus
dormitives » et les « réponses sans répliques», produites par une discipline
économique implicitement normative (Perroux 1970), plus spécifiquement
dans le domaine des relations internationales ? On attribue à Michael J.
Boskin le propos selon lequel : « Chips or chips are the same. It doen’t make
2
any difference whether a country makes potato chips or computer chips »
(Thurow 1994). Si de tels propos n'étaient pas tenus, dans le cadre de la «
3
rhétorique réactionnaire » (Hirschman 1991) légitimant les pires excès du
capitalisme, on pourrait imaginer qu’argumenter du caractère désuet et
4
archaïque des notions fondatrices de l'idéologie pathologique du libre-
échange soit une question absolument convenue.
Pourtant, le débat continue autour des vertus de ce dernier (Grossman et
Helpman 1995, Winters, McCulloch et al. 2004, Bhagwati 2005) ; bien que
nous n’ayons pas de théories sérieuses pour le légitimer (1 §) ; bien qu’une
convergence manifeste de la part des principales institutions laisse
transparaître un doute croissant, qui offre le visage d’une fuite en avant
libre-échangiste (2 §). C’est pourquoi l’ « intégration », concept le plus
souvent indéfini, vient relayer la notion affaiblie de libre-échange pour exiger
l’ouverture des États-nations (3 §). Ainsi, les perspectives d’une
spécialisation domestique sont fermées, pour laisser la place à
l’ « attractivité » des « mouvements » de capitaux (4§).

2
« Des puces ou des frites, c'est la même chose. Cela ne fait aucune différence
qu'un pays produise des pommes de terre frites ou des circuits intégrés ».
3
Entendue comme un mouvement d'idées, ou une action, qui s'oppose au progrès
social.
4
Nous reprenons ici la terminologie de Paul Ricoeur, lorsqu' il présente la dialectique
de l'idéologie et de l'utopie. Pour le philosophe, l'idéologie remplit la fonction de
légitimer un système d'autorité, que l'utopie vient affronter. Cependant, nous dit
Ricoeur, les deux dimensions développent des pathologies : celle de l'idéologie est la
dissimulation (Ricœur 1986). Le paradoxe, dans la discipline « économie », c'est que
l'utopie du marché autorégulateur : au-delà imaginé par Walras, devient la
représentation sociale qui légitime les rapports de force les plus défavorables aux
peuples.

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1§ Théories des échanges internationaux : des « recettes sommaires


applicables à tout pays et à toute production » (Byé 1965)
Il n’est pas contestable que les institutions de Bretton-Woods ont pour base
un socle keynésien. Les références keynésiennes sont omniprésentes dans
les préambules du FMI, de la Banque mondiale ou du GATT. Ainsi, dans le
préambule du GATT, comme dans l’accord fondateur de l’OMC, nous
trouvons le paragraphe suivant :
«Les Parties à cet accord,
Reconnaissant que leurs relations dans le domaine commercial et
économique s’efforcent d’être conduites en vue de l’amélioration
du niveau de vie, garantissant le plein-emploi et un niveau élevé
et croissant d’augmentation du revenu réel et de la demande
effective, et permettant l’accroissement de la production et du
commerce de biens et services, tout en autorisant une utilisation
optimale des ressources mondiales dans l’optique d’un
développement durable etc.» (Anonymous 1994).
Pour Jean-Marc Siroën les textes l’emportent sur les individus qui les
appliquent ; de telle sorte que cette interprétation, qui confère aux
exportations un rôle stimulant dans la croissance, n’aurait jamais été remis
en cause (Siroën 1995). Cependant, si, en effet, le principe de la croissance
généralisée est constitutif de la régulation mondiale de l’après-guerre, ce «
modèle » est au service de la puissance dominante (voir par exemple(Wade
2002). François Perroux le dénonce d’ailleurs dés 1947:
«C’est en pleine connaissance de tous effets que les Américains,
après en avoir délibéré pendant plusieurs années, ont pris la
responsabilité d’engager, par voie de persuasion et de pression
amicale, les diverses nations du monde à accepter le néo-
libéralisme de Bretton-Woods. L’audace de ces accords qui ne
sont, en apparence, que conciliation, consiste à raccorder le
monde à l’économie dominante, et inversement, par un acte de foi
dans le marché concurrentiel, qui jure avec la destination
monopolistique de cette économie et s’appuie sur une
présomption juridique d’égalité entre les parties» (Perroux 1947 :
347).
Quoi qu’il en soit, l’utilisation des objectifs économiques keynésiens, en
préambule à un accord de libre-échange, portait en elle-même de
nombreuses contradictions, comme le sait tout lecteur de la Théorie
générale. D’ailleurs, Herman Daly nous rappelle les propos de Keynes au
sujet du libre-échange : «J’ai de la sympathie pour ceux qui veulent réduire
plutôt qu’amplifier l’imbrication économique entre les nations .[...] que les
marchandises restent fabriquées nationalement chaque fois que c’est
possible et aisé » (Daly 1993). Ces principes ne font pas politique
d’industrialisation, et les vertus des remèdes keynésiens dans les pays du
tiers-monde, peu concernés par les accords de l’après-guerre il est vrai,
inspirent sans doute un franc scepticisme. Interprétation élaborée par des
Occidentaux pour des Occidentaux, la création d’emplois par le maniement
des flux monétaires, par exemple, n’a aucune raison d’être une création
d’emplois économiquement corrects : en d’autres termes, sur quoi agissent
les flux multiplicateurs (Perroux 1966b) ?

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Au-delà de l’observation d’une présence des principes généraux keynésiens


dans les préambules du GATT, la généralisation d’un principe obscurci de
l’avantage comparé ricardien comme fondement « théorique » d’un libre-
échange élargi, est lui-même indéniable. Le premier site Internet de l’OMC
portait en icône l’effigie de David Ricardo. Les cours qui sont assénés aux
pays candidats s’appuient tous sur la notion d’avantages comparés ; les
vidéos en sont disponibles en ligne (OMC 2003a, 2003b).
Pourtant, si l’on prend, encore une fois, la peine de comparer les points de
vue classiques d’Adam Smith et de David Ricardo : Adam Smith décrit et
Ricardo pose une norme. Le point de vue d’Adam Smith était précis. Sa
préférence pour le libre-échange, qui demeurait un échange de surplus,
avait pour fondement la remise en cause des positions de monopole
domestiques, à ses yeux intolérables et assimilables à des privilèges. Dans
un pays disposant de surplus et pratiquant un éventail d’activité important, le
commerce international garantissait une remise en cause de positions
rentières, produites par l’histoire et la politique. Par conséquent, chez Adam
Smith le « commerce au loin » avait des vertus de régulation domestique.
David Ricardo voulut offrir un argument qui fasse de « chaque pays » un
exportateur potentiel. Mais, à plus d’un titre, son raisonnement n’a aucune
valeur analytique pour l’économie réelle ou le monde contemporain.
D’abord, Ricardo est très explicite sur les conditions de fonctionnement de
sa théorie de l’avantage comparé. Implicite chez Adam Smith, l’hypothèse
explicite de Ricardo, d’une situation de réciprocité des avantages est fondée
sur une différenciation minimale des économies nationales. Il restreint le
domaine d’application de son principe des avantages comparatifs aux
situations dans lesquelles les conditions générales de la production sont
comparables de pays à pays (Humbert 1980). Marc Humbert recense
plusieurs éléments de similitude : l’importance de la population, la superficie
agricole, la fertilité des terres, la technologie agricole, le climat, l’habileté des
ouvriers, le niveau de progrès technique et la similitude internationale des
goûts. Les conditions générales de production, c’est-à-dire
fondamentalement la technologie/capital productif, sont alors endogènes.
Elles correspondent au postulat de restrictions à la mobilité internationale du
capital et du travail, grâce à des frontières nationales incontournables. La
mobilité du capital, Ricardo l’admet lui-même, anéantit toute distinction entre
l’avantage absolu et l’avantage comparé (Daly 1993).
Pour autant, cette dernière distinction est repoussée par Jean-Marc Siroën,
qui considère que le célèbre exemple de Ricardo, comparant des
productivités mesurées en unités de travail, ne trouve sa substance, dans le
monde réel, qu’en termes de prix monétaires. Or, le maintien des conditions
de l’avantage comparé, lorsque l’on passe de la valeur travail de Ricardo
aux prix monétaires de Smith, exige que le prix monétaire du travail en
monnaie internationale puisse être fixé à un niveau inférieur dans le pays
inefficace (Siroën 1991). En d’autres termes, un pays faiblement productif,
c’est-à-dire dont la productivité est moindre dans le schéma ricardien, devra
compenser cette faible productivité par un mix de salaire faible et de taux de
change bas : « dés que la valeur se transforme en prix –internationaux-
Ricardo rejoint Smith » (Siroën 1991 : 14).
En revanche, ce qui oppose les deux classiques ce sont les hypothèses,
qu’ils utilisent, à propos des rendements. Chez Smith, deux unités

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semblables peuvent avoir intérêt à se spécialiser puis à échanger, grâce aux


gains de productivité induits par ce changement de dimension ; alors que,
chez Ricardo, l’échange est motivé par une différence initiale de productivité
(Siroën 1991). Les théories qui emprunteront à l’hypothèse des rendements
décroissants ou constants auront fort peu de vertus analytiques. C’est le cas
du théorème HOS, qui devient pourtant le cœur « scientifique » de la
légitimation du libre-échange. François Perroux en fait une critique sans
appel :
«Considérons maintenant une nation sous-développée ou
industriellement inférieure à une autre. Supposons qu'elle prenne
au sérieux l'énoncé simpliste du théorème Heckscher-Ohlin-
Samuelson et en retienne la conclusion majeure. Le prix de
concurrence découlant des conditions spécifiques de chaque
nation, auquel on ne peut rien changer, cause et mesure
l'échange international. Cette nation ne s'attachera pas à se doter
d'une structure de développement qui modifie à son avantage les
coûts comparatifs, ni de discuter sur l'opportunité d'importer tel
produit obtenu à meilleur compte à l'extérieur, ni d'examiner si les
prix internationaux sont le fait de monopole et de groupes
dominants, ni si les importations sont liées à des investissements
directs et à des transferts d'informations qui doivent être appréciés
économiquement quant à leurs effets sur la structure de
l'économie qui les accueille ; cette nation acquiescera
passivement au « marché » international et aux « prix »
internationaux ; elle établira éventuellement l'équilibre de sa
balance en subissant une emprise de structures qui l’a réduit à
l'état de satellites » (Perroux 1970 : 2268).
Sur le fond, le postulat selon lequel la contradiction entre l'avantage de
l'individu et l'avantage de la collectivité est surmonté par le marché (Perroux
1970) est déjà éminemment questionnable. Dans le domaine des relations
économiques internationales, ce postulat amène à tenir à part la question de
la transformation de la croissance en développement, dans le cadre de
l'ouverture, c’est-à-dire la capacité à transformer des avantages courts en
avantages longs (Byé 1965). C’est toute l’absurdité de mener un
raisonnement en termes réels tout en ne s’intéressant qu’à l’échange et pas
du tout la production (Humbert 1999).
Dans le même ordre d’idées, la convocation des économies d’échelle et des
économies externes, caractéristique du cadre d’analyse de l’avantage
absolu, réduit à néant l’ensemble des arguments en faveur d’un libre-
échange tous azimuts :
«Concentrer l’attention sur les économies d’échelle, c’est liquider
l’affirmation (profitable aux puissants et aux riches), que le
commerce extérieur est plus avantageux aux « petites » nations
qu’aux «grandes» ; ce qui, visiblement, suppose qu’on oublie les
conditions inégales de l’échange et les inégalités de structures»
(Perroux 1973b : 827).
La médiocrité prédictive, qui n’entache pas la puissance idéologique, des
théories des échanges internationaux à rendements constants ou
décroissants, permettra de valider des analyses extrêmement sommaires,
fondées sur les rendements croissants. La meilleure illustration en est

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l’essentiel des travaux de Paul Krugman. Et, notamment, la transposition


pure et simple du duopole de Cournot à l’analyse des échanges entre deux
pays (Krugman 1979, Krugman 1986). Coquetterie intellectuelle sans la
moindre portée sérieuse, cette pirouette devient rapidement le cœur d’un
débat entre néoclassiques et néoconservateurs, autour de l’intervention en
politique industrielle. Cependant, lorsque l’avantage absolu gouverne, il
n’existe plus aucune garantie que les pays échangistes tirent un bénéfice
mutuel de l’échange international. Ce décalage entre la réalité des rapports
de force et la mythologie de l’analyse théorique explique, s’il est besoin,
l’absence de convergence entre les économies domestiques, et
l’augmentation des inégalités (Pritchett 1996, Went 2000).

2 § Théorie (s) des échanges internationaux : l’heure des doutes


Reprenant les perspectives ouvertes par François Perroux (Perroux 1947,
1949, 1973a), Christian Arnsperger considère que la science économique
d’intention idéologique, encore appelée mainstream, ne modélise pas le
capitalisme : elle n’en parle absolument pas. Elle laisse dans l’ombre les
phénomènes de pouvoir et d’oppression (Arnsperger 2006). L’argument vaut
particulièrement pour les théories du commerce international, caution
mythique du libre-échange. Elles ne contiennent qu’une parcelle de vérité,
alors qu’elles sont toujours invoquées ; de telle sorte que leurs vertus sont
assez fondamentalement idéologiques.
Cette tension entre la réalité et les formes théoriques est telle que des
doutes sont systématiquement exprimés par des universitaires « libéraux »
(Allais 1999, Bourguinat 2006). Ainsi, par exemple, Henri Bourguinat
interpelle les « intégrismes économiques », qui cautionnent l’érosion de la
base productive des pays industrialisés, face aux flux planétaires
considérables des capitaux et des technologies (Le Maghreb, 2 mai 2006).
Depuis une dizaine d’années, cependant, les critiques dépassent le cadre
de l’Université. Des personnalités ou des institutions, qui furent au cœur de
la production de cette mythologie, sont à court d’arguments et l’admettent.
En 1996, le FMI publie une étude au titre évocateur « Forget Convergence :
Divergence Past, Present and Future » (Pritchett 1996). L’étude constate
que le trait saillant de l’histoire économique moderne est la divergence
massive des revenus par tête, entre les pays riches et les pays pauvres. En
d’autres termes, en dépit d’une libéralisation des échanges et des flux
financiers, qui devait exprimer les spécialisations « naturelles » des
différentes nations, dotées d’atouts différenciés, le rattrapage n’est pas
observable. Le contre-exemple de la Chine et de l’Inde ne révèle pas une
expérience généralisée de convergence. Après une charge critique contre
les modèles de développement endogène, l’auteur considère que, si le futur
est déterminé par les mesures politiques qui auront été prises, et qu’aucune
« loi d’airain ne dicte la divergence » ; il n’en demeure pas moins que la
convergence ne s’est pas produite, et qu’elle ne se produira pas sans des
changements sérieux dans les politiques économiques des pays en
développement. L’article concerné constitue une charge pourtant beaucoup
plus modérée que celle d’Herman Daly, économiste du département
« environnement » de la Banque Mondiale.
Ce dernier, quelques années auparavant dans un article publié dans
Scientific American et auquel Jadish Bhagwati répondait dans le même
numéro, regrettait le caractère dogmatique du consensus des économistes

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autour d’un libre-échange basé sur la spécialisation internationale, elle-


même fondée sur l’avantage comparé. Il observait que le libre-échange avait
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longtemps été supposé bon, « sauf si l’on prouvait le contraire » .
Néanmoins, écrivait-il, cette présomption peut être inversée ; la position par
défaut consistant à favoriser la production domestique pour le marché
domestique :
« The domestic economy should be the dog and international
trade its tail. GATT seeks to tie all the dogs' tails together so
tightly that the international knot would wag the separate national
dogs» (Daly 1993).
Dix ans plus tard, reprenant la « présomption initiale », un article du Journal
of Economic Literature,récapitule le débat :
« La plupart des économistes acceptent que, à long terme, des
économies ouvertes se comportent mieux dans l’ensemble que
les économies fermées, et que des politiques relativement
ouvertes contribuent significativement au développement. De
nombreux commentateurs craignent, cependant, qu’à court terme,
l’une des étapes vers l’ouverture –la libéralisation des échanges-
affecte les acteurs les plus pauvres de l’économie, et que, même
dans le long terme, le succès de l’ouverture laisse des gens
s’enfoncer dans la pauvreté. » (Winters, McCulloch et al. 2004 :
72).
En faisant la synthèse d’environ 250 articles ou études, les auteurs
admettent qu’il ne peut y avoir une conclusion générale simple au sujet de la
relation entre la libéralisation du commerce et la pauvreté :
« Alors qu’il y a de nombreuses raisons d’être optimiste au sujet
de l’impact positif de la libéralisation du commerce sur la
réduction de la pauvreté, le résultat final dépend de très
nombreux facteurs, y compris le point de départ, les mesures
précises de réforme du commerce qui sont entreprises,
l’identité initiale des pauvres, et comment ils satisfont eux-
mêmes à leurs besoins» (Winters, McCulloch et al. 2004 : 107).
L’article conclut que, bien que la libéralisation du commerce puisse ne pas
être le mécanisme le plus puissant ou le plus direct pour résoudre la
pauvreté dans un pays, c’est le mécanisme le plus simple à mettre en place
(sic !) (Winters, McCulloch et al. 2004 : 108) ; retombant ainsi dans la
rhétorique réactionnaire standard, dénoncé par Herman Daly. Pourtant, les
études de la commission économique pour l’Afrique offrent des conclusions
accablantes : la libéralisation complète du commerce de ce continent
augmentera la richesse générale de 0,3 % et le revenu de 0,7 %. L’Afrique
du Nord engrangeant de meilleurs bénéfices que l’Afrique au sud du Sahara
(Commission économique pour l'Afrique 2004 : 6).
C’est une étude beaucoup plus atypique qui a été menée par Andrew Rose.
L’objectif de ce travail était de vérifier si le GATT et l’OMC avaient rempli les
missions qui étaient les leurs : favoriser la prévisibilité et la liberté des
échanges. Les résultats sont très tranchés, bien que statistiquement ils

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“Free trade has long been presumed good unless proved otherwise”, (Daly 1993).

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Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

portent sur la période antérieure à l’OMC. Les conclusions des différentes


études révèlent que l’accession au GATT ou à l’OMC n’est pas associée à
un renforcement des échanges, sur la période 1950-1998 : le coefficient
d’ouverture du pays accédant diminue en moyenne de 3 %, les droits de
douane augmentent en moyenne de 0,5 % (Rose 2003, 2004a, 2004b).
Comment comprendre, dans ces conditions, que les échanges augmentent
plus vite que les revenus depuis 20 ans. Selon Andrew Rose, cela
s’explique par des progrès plus important de la productivité dans le secteur
des produits échangeables, par la baisse des coûts de transport, par la
prépondérance des produits manufacturés et par la convergence des goûts.
Quel est donc le rôle du GATT et de l’OMC ? leur fonction se limite à
l’encouragement de la libéralisation des échanges comme « bien public
international » (Rose 2003).
Cette dernière offensive, largement véhiculée par le FMI (comme l’article de
Pritchett), peut être comprise comme le reflet des rivalités entre les
institutions internationales. En revanche, des remarques critiques du même
type vont émaner de l’OMC elle-même. Le texte le plus emblématique reste
celui, publié à l’occasion des 10 ans de l’OMC. S’appuyant sur la «position»
selon laquelle l’ouverture du commerce international est la clé d’une
croissance durable (Sutherland, Bhagwati et al. 2004), ce rapport constate,
dès son premier chapitre :
«Il faut admettre que les avantages résultant du commerce et des
politiques de libéralisation peuvent paraître « faibles » si on les
rapporte au revenu national, comme c’est souvent le cas aussi
pour d’autres politiques essentiellement bénéfiques. De toute
façon, même si le commerce n’apporte que des avantages «
faibles », éventuellement même quelques inconvénients, on ne
doit pas en conclure pour autant que le commerce n’aura
normalement que des effets négatifs » (Sutherland, Bhagwati et
al. 2004 : 12).
Le restant du rapport tente de réhabiliter le point de vue traditionnel,
suggérant tout au plus d’améliorer certaines modalités de fonctionnement de
l’OMC.
Les ambiguïtés, enfin, qui traversent de part en part de nombreuses
analyses « officielles » depuis dix ans trouvent un paroxysme dans un texte
de Jagdish Bhagwati, pour Foreign Affairs. Analysant les mobiles qui
pourraient amener l’échec de la conférence de Doha, l’auteur pose la
question : « Est-ce que l’échec de Doha signifie que des gains massifs à
l’échange seront perdus ? ». La réponse, nous dit Bhagwati, dépend de ce
que Doha permet d’espérer :
« A little skepticism is in order when considering huge estimates of
gains from Doha’s success. Yes, we will certainly lose substantial
gains from trade if Doha fails. But we will also survive » (Bhagwati
2005 : 17).
En l’occurrence, le modèle du GATT-OMC semble désormais incapable de
dissimuler la réalité des rapports de domination économique. Mais,
fondamentalement ce modèle n’est plus utile. Les mécanismes de
propagande ont rempli leur rôle ! Il est vrai que le passage du GATT à l'OMC
a permis, assez subrepticement, de passer d'une logique d'échange de
marchandises à une logique de mobilité généralisée du capital. De telle

10
Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

sorte que, même s'il conserve sa place, le débat sur le libre-échange est
minimisé. Désormais, la libéralisation du compte de capital suffit à garantir la
prégnance des intérêts occidentaux, notamment ceux des États-Unis, sur la
plupart des pays de la planète. En outre, les accords multilatéraux de libre-
échange acceptent des mécanismes d’intégration « économique »
régionale, présentés comme des tolérances avant une ouverture générale
au capital.

3§ Du libre-échange à l’intégration : mais où est donc passée la théorie


du nouveau développement ?
L’intégration régionale aurait pu garantir de véritables processus
d’intégration culturelle, politique, économique et sociale (Ténier 2005). Et,
sous plusieurs aspects, le niveau régional peut s’avérer plus pertinent que le
niveau mondial pour la conduite de l’action politique. En effet, l’intégration
régionale peut se concevoir comme la mise en œuvre d’une solidarité à un
échelon supérieur ; il s’agit d’un exercice partagé de souverainetés (Ténier
2003).
Dans cette optique, face aux États-nations qui se présentent comme
principe de « fermeture politique », l’intégration constitue un principe
complémentaire, et au besoin concurrent, de celui de l’ouverture des
marchés : il peut s’agir d’une nouvelle fermeture de type politique à une
échelle régionale supérieure. En revanche, lorsque l’intégration régionale
s’en tient à l’ouverture des frontières nationales : libre circulation des
marchandises des services et des capitaux, elle déconstruit les règles
nationales de protection de secteurs économiques et de cohérence des
grands programmes techniques. Cette déconstruction, par l’intégration
régionale, fait courir le risque aux états d’une dépossession des moyens de
l’action publique et « d’une immersion sans protection dans le marché
mondial» (Ténier 2003).
Or, c’est au moyen de la dénaturation du processus d’intégration politico-
économique, que l’extension de l’ « ouverture » à tout prix des activités
économiques planétaires se poursuit. En effet, c’est aussi grâce à
l’ « intégration », explique Jacques Ténier, que le capital est affranchi de
toute contribution au financement des besoins collectifs ; et, qu’il fait courir le
risque aux États d’une dépossession des moyens de l’action publique
(Ténier 2003).
Cet écueil paradoxal a déjà été dénoncé par François Perroux dans un
article de 1968, qui approfondissait une première réflexion de 1966 (Perroux
1966a, 1968). Perplexe devant le caractère implicitement normatif de la
théorie traditionnelle, François Perroux met face à face deux définitions de
l’intégration strictement antagonistes. La définition par l’économie
d’intention idéologique renvoie, selon lui, de façon implicite à la théorie
standard du commerce international :
• elle se donne comme objectif l’élimination des obstacles à l’échange.
• elle s’attache aux marchés et à l’échange, délaissant la production.
• elle contient implicitement ou explicitement un principe d’optimisation
ou d’équilibre.
Dans cette optique, l’intégration se définit exclusivement par des relations
économiques plus étroites entre les aires concernées, La libre circulation

11
Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

des facteurs de production et la coordination des politiques économiques,


permettant de produire l’égalisation des prix (Haberler 1964). Dans un tel
cadre, la politique de coordination régionale n’est pas définie, si l’on excepte
l’objectif d’égalisation des prix (Perroux 1968).
François Perroux oppose à cette définition celle de Joan Tinbergen, selon
laquelle l’intégration est « la création de la structure la plus désirable de
l’économie internationale en écartant les obstacles artificiels à l’exploitation
optimale et en introduisant délibérément tous les éléments désirables de
coordination et d’unification » (Tinbergen 1965). Il observe que « ces
définitions illustrent une tension entre l’optimisation des échanges purs et la
politique d’intervention qui dépasse de beaucoup l’idéal des « obstacles
écartés » (Perroux 1968). Et offre finalement la sienne :
«L’intégration économique est un processus d’élimination
graduelle des obstacles aux échanges entre plusieurs pays, de
confrontation entre les politiques respectives, de coordination et
d’harmonisation de directives économiques principales » (Perroux
1968 : 383).
Pour Perroux, la combinaison de deux appareils de production sur deux
territoires distincts constitue une intégration si leur combinaison est au
service des populations des deux territoires. Dés lors, puisque l’intégration
contribue à augmenter la rentabilité des entreprises et le revenu réel moyen,
elle exige, compte tenu de la recrudescence des concentrations et
centralisations du capital, l’exercice d’un contrôle sur les monopoles et les
groupes dominants. L’effet global sur le revenu des populations dépendra de
l’efficacité du contrôle sur les grands groupes (Perroux 1968).
Ce phénomène est amplifié dans le cas du Tiers monde, dans la mesure où
le contact entre les « sociétés en recherche d'un développement » et les
nations industrialisées s'établit sur un pied d'inégalité, sous la forme de
relations asymétriques. Ces sociétés subissent des « emprise de structures
» (Perroux 1981). Par conséquent, le modèle d’une intégration « voulue et
construite » exige la coopération, à défaut de quoi il laisse toute la place à la
rivalité déloyale (Humbert et Larzul 2002).
Il ressort de ce raisonnement qu’il existe une approche négative de
l’intégration. Car, la poursuite du seul libre-échange régional sans régulation
ni structuration à un niveau supérieur débouche inéluctablement sur
l’effacement de la spécificité régionale : « la dénationalisation de l’action
économique se traduit soit par une renonciation à toute définition publique
de l’avenir collectif, soit par une élaboration commune dans un espace
régional réellement intégré » (Ténier 2003)
C’est pourtant l’option clairement prise depuis la ratification de l’OMC. Ainsi,
par exemple, la commission économique pour l’Afrique emploie une formule
sans ambiguïté, au sujet de l’OMC :
« La plupart des pays africains font partie du système d’échange
multilatéral du fait de leur appartenance à l’organisation mondiale
du commerce, qui leur impose des politiques commerciales
ouvertes et libérales » (Commission économique pour l'Afrique
2003 : 54).
De telle sorte que, l’intégration économique régionale est conditionnée. Elle
est d’abord conditionnée par l’OMC, qui « autorise les membres de blocs

12
Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

commerciaux régionaux à accorder des termes commerciaux plus


favorables à d’autres membres du bloc, sans les accorder à d’autres
membres de l’OMC ». Toutefois, cette autorisation suppose, conformément
à l’article 24 du GATT, que les pays du bloc régional :
1. suppriment les droits de douane et les obstacles non tarifaires pour
presque tous les échanges entre membres :
2. n’érigent pas de nouveaux obstacles aux échanges avec les pays
tiers, extérieurs au bloc ;
3. suppriment les droits de douane et les obstacles non tarifaires vis-à-
vis de tous les pays dans les 10 ans au plus tard ;
4. soient soumis à des dispositions de règlement des différends
(Commission économique pour l'Afrique 2003).
Elle est ensuite conditionnée par le FMI, qui déplore les difficultés des
communautés économiques régionales africaines à mobiliser des
ressources régulières pour financer l’intégration « le principal objectif est de
faire en sorte que le processus d’intégration économique soit sûr, viable et
irréversible » (Commission économique pour l'Afrique 2003 : 49). En
d’autres termes, les communautés politiques constituées en État-nations
doivent impérativement être incapables de revenir en arrière sur le
mécanisme d’ouverture des échanges de biens et services. Les textes sont
extrêmement clairs à cet effet. Ainsi, par exemple, les ressources pour
financer l’intégration : « doivent être indépendante des fonds des trésors
nationaux et d’autres recettes gouvernementales afin de protéger les
communautés économiques régionales des effets d’une modification
éventuelle des priorités au niveau national » (Commission économique pour
l'Afrique 2003 : 49). L’intégration se présente ici comme un mécanisme de
pure ouverture des marchés aux intérêts des entreprises internationales ;
elle doit être protégée de toute remise en cause, fondée politiquement.
Mieux, elle doit être protégée contre la démocratie. Ce stalinisme du marché
présente l’intégration sous le jour principal qui est le sien en Afrique : une
intégration économique et commerciale, sans vertu significative pour les
objectifs de développement.
Lorsque l’intégration est financière, les résultats sont au moins aussi
ambigus. L’intégration financière internationale (IFI) ne se révèle pas comme
un puissant facteur de croissance économique. La libéralisation du compte
de capital ne donne des effets que lorsque le niveau de développement de
l’économie est suffisant. Une étude portant spécifiquement sur les pays de
la CEMAC, conclut à la façon traditionnelle de l’économie d’intention
idéologique :
«Globalement, ces tests ne permettent pas de faire ressortir une
relation significative entre l’intégration financière internationale et
la croissance économique [...] Toutefois, ces résultats doivent être
interprétés avec prudence. Il est très difficile de mesurer le degré
l’intégration financière internationale dans le cas de certains PED
pour lesquels les systèmes statistiques sont faibles [...] Par
conséquent, ces résultats n’impliquent pas que l’IFI n’exerce
aucun effet sur la croissance économique » (Mougani 2006 : 21).
Cette très louable et très prudente formulation révèle néanmoins que
l’hypothèse idéologiquement fondée, comme en matière de commerce

13
Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

international (cf supra Herman Daly), reste systématiquement valide ; quand


l’objection qui lui est faite reste systématiquement douteuse.
Il n’en demeure pas moins que cette vision particulière de l’échange et du
mouvement de capital, comme solution au problème du sous-
développement, reste embryonnaire relativement aux dimensions,
soulignées par François Perroux, des formes typiques du développement.
Qu’on le veuille ou non, les économies d’intention idéologique « rate » le
projet de développement ; à moins qu’il n’ait pas sa place dans les calculs
de gains à court terme du « marchand de Venise ».

Domaines Forme typique Enchaînement Critère


diachronique
Développement Accroissements Élévation du
Croissance
économique de dimension revenu moyen
Dialectique des Structure
Développement
structures optimum
Accroissements
Quantification et Mieux pour les
Les progrès du mieux pour
comptabilité parties
les parties
Universalisation
Le progrès Cohérences
du mieux
Mise en actes et Hiérarchie et
Développement Aspiration et
en oeuvre des cohérence des
personnel/valeurs conception
valeurs valeurs
Source : François Perroux, « Pour une philosophie du nouveau développement »,
Aubier : 61.
4§ L’insertion mondiale sans spécialisation internationale :
interstices du développement ou meurtrières du Capital ?

Offrir au capitalisme une capacité à surmonter les crises de surproduction


exigeait de dépasser la simple injonction de commerce libre. L’espace
économique de l’échange de produits manufacturés s’avère très vite saturé
au niveau des pays industrialisés, qui s’efforcent de rebâtir la cohérence et
l’autonomie de leurs systèmes productifs aux dépens de leurs concurrents.
Ce processus d’émergence de la « contrainte externe » (Destanne De
Bernis 1985) a permis la généralisation du phénomène de fusion-acquisition
au niveau planétaire. À ce titre, l’internationalisation des entreprises
demeure l’extension du processus de concentration-centralisation : « elle est
la concentration passant la frontière » (Byé et Destanne de Bernis 1987 :
751). Contre-tendance aux crises d’accumulation, elle révèle « un troisième
type d’instabilité des systèmes productifs nationaux » : stratégie des
groupes contre stratégie de cohérence nationale (Destanne de Bernis 1982)
Elle révèle également le caractère mystificateur des théories du libre-
échange (cf § 1) ,dont le résultat n’aura pas été (sauf dans le cas de pays
émergents radicalement protectionnistes présentés par la Banque mondiale
comme des bons élèves de l’insertion mondiale) le rattrapage économique.
Au contraire, la dynamique du système industriel mondial, orchestrée par les
grandes entreprises internationales d’Occident, n’aura jamais constitué le
champ d’un rattrapage (cf § 2). Ainsi, dans le cas des pays de l’UMA, hormis

14
Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

la Libye, une rapide comparaison des produits intérieurs bruts avec le chiffre
d’affaires des 100 premières compagnies américaines constitue un indice
des formes particulières du « dialogue des monopoles et des nations »
(Tableau numéro 1). En 2003, les trois pays agrégés seraient 8eme dans ce
classement, contre une position de 3eme en 1955.

Tableau n°1 Le classement relatif des trois pays du Maghreb parmi les
100 premières compagnies américaines du classement de la revue
Fortune

1955 1980 2003


e e
Algérie 17e 3 9
Maroc 8e 17e 23e
e e
Tunisie 30 31e 67
General
Major Exxon Mobil Wal-Mart Stores
Motors
Source : calculs d’après http://money.cnn.com/magazines/fortune/global500/ et (FMI
2005)
Cette amplification de la domination économique du capitalisme occidental
rend superflue la rhétorique du libre-échange. L’échange libre de produits,
primaires ou à faible valeur ajoutée au sud contre manufacturés et tertiaires
à forte valeur ajoutée au nord, ne permet pas de dépasser les antagonismes
profonds qui parcourent un capitalisme profondément rentier. Par
conséquent, plutôt que les exportations de marchandises, matérialisant des
compétences et définissant des « avantages comparés », les bailleurs de
fonds ont commencé au tournant des années 80 à composer une rhétorique
sans subtilité, qui visait à justifier la substitution des mouvements de
capitaux à court et à long terme à l’aide bilatérale ou multilatérale. On verra
une sorte d’aboutissement à cette nouvelle rhétorique dans la formule
employée en 2000 par la CNUCED, qui ne s’encombre plus de dissimuler
l’objectif du rapport de forces : « Les fusions-acquisitions internationales,
opérées sur le tout nouveau marché mondial des entreprises, sont le
principal ressort de l’expansion récente des investissements étrangers
directs» (UNCTAD 2000). Le rapport fait état de la prééminence des fusions-
acquisitions dans les mouvements de capitaux à long terme. Mais, il ajoute
que, parmi ces types d’opérations, les fusions ne représentent que 3 %,
contre 97 % pour les acquisitions. Il s’agit donc bien d’une gigantesque
opération de prise de contrôle de la valeur ajoutée planétaire ; à l’écart de
toute problématique du développement.
Dans un tel contexte, les perspectives de l’Afrique et du Maghreb sont peu
brillantes. Il a fallu, en effet, passer d’une perspective d’indépendance
sordide, c’est-à-dire l’espoir d’une dynamique endogène, façon
développement auto centré, de l’appareil de production territoriale que l’on
préserve en l’isolant, et qui se trouve distancé par l’évolution technico-
industrielle mondiale, à une dépendance misérable, qui exige d’une nation
qu’elle constitue pour des firmes une base domestique, c’est-à-dire le lieu de
localisation d’emplois productifs, de technologie et de qualifications
croissantes (Humbert 1988a, 1988b). De telle sorte que les États-nations
doivent s’efforcer de générer un appareil industriel territorial, tout en

15
Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

maîtrisant son insertion mondiale, « afin de rompre l’isolement, la mise à


l’écart de la dynamique historique mondiale » (Humbert 1986).
Or, les pays du Maghreb ont accepté le paradigme de la dépendance
misérable. Ils ont, notamment, développé une filière textile, désormais
anéantie. La dépendance misérable a fait long feu. Il reste à l’Afrique et au
Maghreb les perspectives d’un ultimatum de domination : d’un protectorat
industriel.
La spécialisation régionale étant définie par l’adéquation des « politiques
publiques » avec la stratégie des entreprises internationales, la CNUCED
nous explique que « les secteurs d’investissements les plus prometteurs
sont le tourisme, l’exploitation des ressources naturelles, ou encore des
activités –telles que les télécommunications- pour lesquelles le marché
intérieur est important » (UNCTAD 2000). Le textile et habillement pour
lesquelles il existe un vaste marché international sont placés parmi les
derniers, dans l’enquête réalisée auprès de 296 sociétés transnationales par
cette agence des Nations unies. Naturellement, les défauts intrinsèques de
ces pays sont mis en exergue (Tableaux n° 2, 3 & 4)..

Tableau n° 2 Le classement relatif de trois pays du Maghreb selon le


faible degré de corruption
Enquêtes
Rang 2003 marge haut-bas
utilisées
e
Algérie 88 4 2,0-3,0
e
Maroc 74 5 2,4-5,5
e
Tunisie 39 6 3,6-5,6
e
Finlande (Major) 1 8 9,2-10
Source : d’après (Transparency International 2003).
Le rapport de 2005 est encore plus transparent ; expliquant sur plusieurs
pages que l’essentiel de l’attractivité africaine réside dans l’industrie minière,
particulièrement le pétrole. Le syndrome hollandais se retrouve, tout
naturellement, dans la structure de l’investissement direct, révélant que
l’ouverture aux capitaux privés étrangers n’a modifié que marginalement
l’attractivité. Le rapport conclut que 63 % des fusions-acquisitions
internationales en Afrique, en 2004, relevaient des industries minières,
contre 13 % en 2003 (UNCTAD 2005 : 42). Si la rente minière constitue une
spécialisation, il s’agit d’une spécialisation subie. Elle n’a rien de nouveau,
puisque la spécialisation historique dans les matières premières a toujours
été accompagnée d'un investissement direct par les compagnies pétrolières.
En outre, elle biaise la spécialisation puisqu'elle est proportionnelle au prix
du pétrole.
Poussant jusqu’au bout l’absurdité de ces propositions, la CNUCED va
jusqu’à admettre que les initiatives africaines pour attirer les capitaux privés
n’ont pas été satisfaisantes « compte tenu de l’absence de capacités à
exploiter cet investissement direct dans de nombreux pays » (UNCTAD
2005 : 46). Il conviendrait de tirer les conséquences de cette observation ; et
de fonder le postulat selon lequel, sans un développement préalable,
l’investissement n’a aucun socle pour être fertile. En d’autres termes, le
développement constitue un fondement préalable à l’attractivité pour
l’investissement direct étranger.

16
Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

Tableau n° 3 La mesure de la « globalisation » par les agences de conseil « internationales »


Intégration Contact Connectivité Engagement
Dimension
économique interpersonnel technologique politique

gouvernementa
Investissement

Nations unies
internationale
Organisation
Technologie

Internautes
Commerce

Opérations
Rang 2005

Téléphone
Personnel

Transferts
Économie

Paiement

sécurisés
Serveurs

Serveurs
Politique

Voyage

Internet

Traités
Rang du pays

direct

ux
par critères

Singapour(*) 1 1 3 11 32 1 1 1 5 47 10 9 11 29 3 41 47
Tunisie 37 23 30 47 40 17 29 32 26 14 43 60 46 29 30 28 44
Maroc 40 21 22 54 55 32 13 46 42 4 54 52 51 48 38 52 33
Iran (*) 62 51 62 48 61 47 48 55 48 62 42 57 61 58 53 57 61

(*) pour information


Source : D’après (A.T. Kearney 2005)
Tableau n° 4 L'indice de liberté économique selon le think-tank néoconservateur Heritage Foundation

Réglementa
commercial

ment direct
gouvernem
Rang 2006

Interventio

Salaire est
Banque et
Investisse
monétaire

Droits de
propriété
Politique

Pression

Politique

informel
Marché
finance
fiscale

entale

Total
tion
pris
n
e

Algérie 119 4,0 3,6 4,0 2,0 3,0 4,0 3,0 4,0 3,0 4,0 3,46
Tunisie 99 5,0 3,9 2,5 2,0 4,0 4,0 2,0 3,0 3,0 3,0 3,24
Maroc 97 5,0 4,1 2,5 1,0 2,0 4,0 3,0 4,0 3,0 3,5 3,21
Hong Kong (leader) 1 1,0 1,8 1,5 1,0 1,0 1,0 2,0 1,0 1,0 1,5 1,28
Source : D’après (Miles, Holmes et al. 2006)

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Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

L’éventualité d’une spécialisation volontaire dans le tourisme donne encore


plus de relief au cynisme des agences internationales. En effet, l’activité
touristique est particulièrement événementielle. Tout laisse présager son
caractère cyclique dans les années à venir. Par ailleurs, au-delà de ce
caractère lié à l'économie politique internationale, le tourisme est un bien
supérieur. Par conséquent, les oscillations conjoncturelles du revenu
l'affectent abondamment. Au-delà de ces observations structurelles, et de
l'aveu même des « experts » en tourisme, cette activité « ne peut plus
s'attendre à vivre des années normales. Chaque année apportera désormais
son lot d'incertitudes et de défis nouveaux » (OMT 2006) : terrorisme
international, guérillas domestiques, hausse du prix de l'énergie, pandémies
internationales (SRASS, SIDA, grippe aviaire).
En outre, même parmi les pays du Maghreb à forte attractivité, le tourisme
reste une activit marginale. Ainsi, au sein de la Macaronésie, que le Maroc a
rejoint en septembre 2003, les îles Canaries reçoivent à elles seules près de
cinq fois plus de touristes que le Maroc (la Gazette du Maroc, n° 343, 24
novembre 2003). Où, sur un autre registre, dans les trois pays du Maghreb
étudiés et sous réserve de la qualité des statistiques manipulées, chaque
touriste aura rapporté, en termes statiques, 380€ à l'économie locale
(Tableau n° 5). Cette hypothèse de développement par l’activité tertiaire de
services touristiques, signifie la mise en dépendance à l’égard de cycles
conjoncturels des pays du Nord, massivement engagés dans la recherche
de débouchés pour leur surproduction.
Il n’y a là aucune perspective de maîtrise dynamique de l’évolution
technique ; c’est-à-dire de progrès. « Chips or chips », ce n’est pas la même
chose.

Tableau n°5 Bilan succinct du tourisme au Maghreb en 2004


Nombre
Recettes
d'arrivées % %
(M€)
(000)
Afrique, dont : 33222 100,0% 14735 100,0%
Algérie 1234 3,7% 95 0,6%
Maroc 5501 16,6% 3151 21,4%
Tunisie 5998 18,1% 1535 10,4%
Total 12733 38,3% 4781 32,4%
Note : l'Afrique sub-saharienne est sous-évaluée. Seuls quatre pays de cette zone
régionale remettent des statistiques à l'OMT.

Source : calculs d’après (OMT 2005)


Au total, en ce qui concerne les interstices laissés par la mondialisation au
Maghreb : ils sont inexistants. En revanche, les opérations des entreprises
internationales dans la région illustrent, point à point, les remarques bien
connues de François Perroux quant à l’articulation de ces firmes avec les
économies domestiques moins développées :
« Les firmes transnationales éludent dans une large mesure, les
régulations des marchés extérieurs et de ce qu'on nomme, avec
une certaine légèreté, les marchés mondiaux ou le marché
mondial. Elles exercent une pression en faveur de leur pays

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Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

d'origine : elles engendrent, dans la nation hôte, des importations


liées à leurs propres opérations productives. Elles pratiquent, avec
la maison-mère, des transferts à un prix étranger aux conditions
du marché, si imparfait soit-il, et qui, pratiquement, échappent à
tout contrôle. Elles rapatrient, comme elles l'entendent, leurs
profits et leur capital et contribuent, éventuellement, à la
décapitalisation. Il est hors de doute qu'elles participent aux
mouvements spéculatifs, par elles-mêmes et en liaison avec les
groupes financiers dont elles sont membres » (Perroux 1979 : 57.
Enfin, lorsqu’il s’agit de la privatisation d’activités industrielles, les cas les
plus fréquents révèlent une réduction de l’efficacité générale de l’appareil
productif local et de l’économie. Le paradoxe de Dimassi en offre une
illustration (cf encart)
Le Paradoxe d’Hassine Dimassi, professeur d’économie et
ancien doyen de la Faculté de droit de Sousse
Le gouvernement tunisien souhaitait privatiser une fabrique de bouteilles de
verre. Cette compagnie était légèrement déficitaire. Afin de la rendre
attrayante pour les acheteurs internationaux, dans le cadre des processus
d’acquisition internationale, le gouvernement entreprit d’interdire la consigne
des bouteilles de verre en Tunisie.
De telle sorte que les besoins en production, naturellement aux dépens des
perspectives de « développement durable », ou plus simplement au prix
d’externalités négatives considérables, furent largement amplifiés, autorisant
la privatisation d’une entreprise profitable. On aura compris que ce profit est
au prix des externalités négatives, c’est-à-dire de l’efficacité revendiquée par
les processus de privatisation ou acquisition.
Conjugués avec les afflux de capitaux, liés à l’augmentation des prix des
matières énergétiques, les acquisitions du tissu productif par les capitaux
étrangers constituent l’étape ultime de disparition des opportunités
d’investissement dans les pays du Maghreb. Déjà, le sous-développement
et l’abondance de liquidités, croisés avec les droits de propriété industrielle
des firmes du Nord, limitaient l’éventail des opportunités concevables
(Béraud et Perrault 1994a, 1994b). Désormais, les industries rentières
(télécommunications ou énergétiques) sont reprises par le capital étranger,
amenant les banquiers arabes à constater qu’ils disposent de « trop de
liquidités et pas assez d’investissements ». Ils revendiquent « l’édification de
pôles de production » (Le Maghreb, 2 mai 2006). Pourtant, au regard des
résultats macro-économiques, le niveau de la FBCF des pays concernés
reste considérable (Graphique n° 2). Mais, la corruption mise à part, il reste
canalisé dans les secteurs spéculatifs et à faible irréversibilité, notamment
l’immobilier.
De telle sorte que les afflux massifs de capitaux privés, liés aux matières
énergétiques, la corruption aidant, trouvent des emplois dans les
placements à long terme à l’étranger. Ainsi, selon la CNUCED, quatre pays
africains (l’Algérie, l’Égypte, le Nigéria, l’Afrique du Sud) comptent pour 81%
des sorties de capitaux à long terme africains en 2004 (UNCTAD 2005).
Il en résulte une augmentation soutenue des avoirs extérieurs, sans effet sur
l’industrialisation. L’ouverture à l’investissement direct étranger ne fait
qu’accélérer le mouvement d’éviction d’une industrialisation endogène. .

19
Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

Graphique n° 2 L'investissement au sens de Keynes (FBCF + ∆ Stocks) rapporté au PIB

35%

Algérie
30%

Tunisie

25%
I/PIB

Maroc
20%

15%

10%
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Source : calculs d'après les statistiques de (FMI 2005)

20
Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

Conclusion
Les analyses développées ici ne visent pas à disculper des politiques gouvernementales
erratiques, maladroites, malhonnêtes, que l’on va rencontrer partout dans le Tiers-Monde
Mais, le tournant de l’Uruguay round et des accords de Marrakech, en 1994, en garantissant la
mise en œuvre de l’organisation mondiale du commerce, parachevait le long projet du modèle
conservateur américain de libéralisation international du capital. L’instrumentalisation de l’OMC
par les puissances, en l’occurrence les entreprises internationales adossées à quelques États-
nations, est attestée. Jadish Bhagwati observe, par exemple, que depuis l’Uruguay Round, et,
tout spécifiquement dans le cadre de Doha, les lobbys des pays les plus riches multiplient les
« trade-unrelated demands » (Bhagwati 2005), dénaturant les objectifs du GATT et faisant
germer de nouvelles résistances.
Par ailleurs, la juxtaposition des accords bilatéraux (plus de 300 bilateral free-trade
agreements) et multilatéraux induit une multiplication des systèmes de préférence, laissant la
place à des tarifs multiples ; ce que Bhagwati appelle le spaghetti-bowl. Le modèle d’intention
idéologique, qui se présente comme une norme libérale, a produit un non-système (McGuirk
2002).
Finalement, l’éclatement implicite de l’OMC, laissant la place à la « libéralisation du compte du
capital », interdit toute issue de développement ou d’industrialisation contrôlés aux nations
retardataires, sauf à transgresser l’essentiel des règles de Bretton-Woods, comme le fait la
Chine par exemple. Avec la « libéralisation du compte de capital », la capacité nationale à
définir un système cohérent, articulé au système industriel mondial, vole en éclats. De nouveau,
des formes idéologiques sont mises en œuvre pour légitimer un discours dont chacun peut voir
qu’il ne porte aucune issue en termes de développement.
Gérard De Bernis, dans la postface du dialogue des monopoles et des nations, observait :
« Les systèmes productifs nationaux, plus ou moins fortement structurés jusque-là
sont mis en cause par l’action de firmes dont l’espace tend à être mondial sans qu’un
véritable système productif se soit encore structuré sur cet espace ; ce qui est
international aux yeux des nations tend à être interne à ces firmes ; ce qui est
commerce entre nations du point de vue de leur balance des paiements n’est que
délocalisation sans échange au sein de l’espace de la firme ; les fractions de capital
auxquelles la même nationalité est reconnue ne semblent pas plus « tenir ensemble
» qu’avec d’autres fractions auxquelles une autre nationalité est reconnue ; un vieux
monde fait de nations bornées par de véritables frontières, articulées par des
pouvoirs étatiques efficaces, lieux de luttes sociales autonomes et spécifiques, n’en
finit pas de mourir sans être capables d’accoucher d’un nouveau monde, de l’un ou
de l’autre des nouveaux mondes possibles, comme si les nations, anciennes ou plus
jeunes résistaient à cette décomposition, témoignant de ce qu’elles constituaient des
entités historiques, c’est-à-dire culturelles, sociologiques et politiques, humaines et
sociales pour le dire plus vite, et non de simples systèmes productifs ou des
accidents de l’histoire» (Destanne de Bernis 1982 : 451-52).

Désormais, la décomposition s’accélère alors que «d’'immenses nappes d'énergie humaine


inexploitée appellent les interprétations qui les mettent en valeur et en œuvre » (Perroux 1981
33), [...] « l'échange marchand menace et viole malgré la résistance des pouvoirs publics, des
lois et des moeurs, le domaine des choses sans prix ; elles sont, trop souvent « négociables »,
disait Charles Péguy ; les groupes sociaux luttent pour les arracher au marché » (Perroux
1963 :, 157).

Sur ces sujets, comme sur bien d’autres, des analyses pertinentes sont restées lettres mortes
(Perroux 1961, Destanne De Bernis 1968, Perroux 1980, 1981, Destanne De Bernis 1988,
Humbert 1989, 1991, Furtado 1994, Lall 2004), emportées par le raz-de-marée de la
propagande économique pseudo scientifique, notamment anglo-saxonne. Elles nous disent
toutes les exigences d’une maîtrise coordonnée du progrès technique, de l’industrialisation ; à
l’articulation des intérêts privés, et d’un projet collectif.

21
Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

Ainsi, parcourir à nouveau les analyses de François Perroux et de l’Isméa, depuis 60 ans,
permet de mesurer à quel point la pertinence de l’économie politique reste d’actualité. Face à
cela, l’orthodoxie économique nous renvoie, éternellement, à la critique de Mark Blaug : «Des
ressources intellectuelles énormes ont été investies dans des raffinements infinis, dont aucun
n’a jamais fourni un point de départ fructueux, à partir duquel on pourrait avancer une
explication fondée du fonctionnement d’un système économique » (Blaug 1980 : 173).

En l’occurrence, les modalités de diffusion d’une forme idéologique précise, prenant appui sur
des croyances organisées aux fins d’affermir les asymétries économiques autorisant la
confiscation des surplus, et donc les effets de domination, ne peuvent être distinguées qu’en
admettant que les explications des économistes d’intention idéologique « sont des alibis et
doivent être tenues elles-mêmes pour un moyen subtil de domination » (Perroux 1949 : 282) ;
nous laissant face à l’injonction d’Abdallah Laroui :

«Unification culturelle, politisation des groupes, légitimation de l'ordre étatique sont


dès lors les impératifs de toute politique nationale » (Laroui 1970b : 152).

22
Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

Annexe 1 : Balance commerciale des pays du Maghreb : marchandises et services commerciaux, en millions de $ US

1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Marchandises 1985 1986 1987

Algérie exportation 12480 8780 8610 7240 8190 11330 10720 10200 9250 8880 10240 12620 13894 9139 12525 22031 19140 18831 24652 32298

Algérie importation 9841 9228 7042 7342 9210 9715 7538 8573 7770 9370 10250 8840 8688 9403 9162 9152 9949 12364 13 533 18199

Maroc exportation 2165 2454 2826 3603 3307 4265 4313 3984 3991 5556 6881 6881 7032 7153 7367 7432 7144 7851 8777 9739

Maroc importation 3849 3803 4230 4773 5493 6800 6873 7348 6760 8272 10023 9704 9525 10290 9125 11534 11038 11879 14231 17625

Tunisie exportation 1738 1759 2139 2395 2930 3526 3699 4019 3802 4657 5475 5516 5559 5738 5872 5850 6631 6874 8027 9685

Tunisie importation 2757 2890 3039 3689 4374 5542 5189 6431 6214 6580 7902 7700 7914 8350 8474 8567 9 529 9526 10910 12738

Services commerciaux 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Algérie exportation 510 520 527 448 476 479 375 777 627 585 793 763 753 973 1010 927 884 1191 1287 -

Algérie importation 2433 1899 1332 1229 1098 1156 999 1321 1117 973 1365 1212 1000 1069 989 1411 1413 1511 1510 -

Maroc exportation 915 1055 1294 1625 1533 1871 1492 1968 1857 1876 2020 2433 2203 2558 2803 2854 3787 4098 5126 6422

Maroc importation 479 492 591 702 766 940 1015 1148 1048 1208 1350 1320 1267 1482 1537 1521 1705 1903 2350 2800

Tunisie exportation 884 864 1154 1760 1420 1561 1294 1867 1932 2174 2401 2527 2518 2607 2769 2680 2829 2603 2842 3520

Tunisie importation 448 433 438 523 524 622 579 702 755 1198 1245 1131 1066 1121 1106 1119 1332 1353 1510 1869

Balance des marchandises 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Algérie 2639 -448 1568 -102 -1020 1615 3182 1627 1480 -490 -10 3780 5206 -264 3363 12879 9191 6467 11119 14099

Maroc -1684 -1349 -1404 -1170 -2186 -2535 -2560 -3364 -2769 -2716 -3142 -2823 -2493 -3137 -1758 -4102 -3894 -4028 -5454 -7886

Tunisie -1019 -1131 -900 -1294 -1444 -2016 -1490 -2412 -2412 -1923 -2427 -2184 -2355 -2612 -2602 -2717 -2898 -2652 -2883 -3053

Balance des services 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Algérie -1923 -1379 -805 -781 -622 -677 -624 -544 -490 -388 -572 -449 -247 -96 21 -484 -529 -320 -223 -

Maroc 436 563 703 923 767 931 477 820 809 668 670 1113 936 1076 1266 1333 2082 2195 2776 3622

Tunisie 436 431 716 1237 896 939 715 1165 1177 976 1156 1396 1452 1486 1663 1561 1497 1250 1332 1651

Balance des biens et services 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Algérie 716 -1827 763 -883 -1642 938 2558 1083 990 -878 -582 3331 4959 -360 3384 12395 8662 6147 10896 -

Maroc -1248 -786 -701 -247 -1419 -1604 -2083 -2544 -1960 -2048 -2472 -1710 -1557 -2061 -492 -2769 -1812 -1833 -2678 -4264

Tunisie -583 -700 -184 -57 -548 -1077 -775 -1247 -1235 -947 -1271 -788 -903 -1126 -939 -1156 -1401 -1402 -1551 -1402

Source : Calculs d’après (OMC 1996, 2002, 2005)

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Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

Annexe 2 : Évaluation statistique du stock d'investissements directs au Maghreb et des exportations du Maghreb (1980-2004)

Stocks d'IDE (M$) 1980 % 1985 % 1990 % 1995 % 2000 % 2004 %


Monde 692714,0 972205,0 1950303,0 2992068,0 5780846,0 8895279,0
Afrique, dont : 32045,0 4,63% 33811,0 3,48% 50854,0 2,61% 77334,0 2,58% 151246,0 2,62% 219277,0 2,47%
Maghreb, dont : 4850,0 0,70% 6638,0 0,68% 9887,0 0,51% 15464,0 0,52% 24140,0 0,42% 43008,0 0,48%
Algérie 1320,0 0,19% 1281,0 0,13% 1355,0 0,07% 1465,0 0,05% 3647,0 0,06% 7423,0 0,08%
Maroc 189,0 0,03% 440,0 0,05% 917,0 0,05% 3032,0 0,10% 8825,0 0,15% 17959,0 0,20%
Tunisie 3341,0 0,48% 4917,0 0,51% 7615,0 0,39% 10967,0 0,37% 11668,0 0,20% 17626,0 0,20%

Exportations B $ 1980 % 1985 % 1990 % 1995 % 2000 % 2004 %


Monde 2036,0 1947,0 3437,0 5033,0 6449,0 9153,0
Afrique, dont : 118,8 5,83% 78,6 0,40% 102,4 2,98% 102,7 2,04% 147,0 2,28% 231,7 2,53%
Maghreb, dont : 18,6 0,91% 16,7 0,09% 19,1 0,56% 37,8 0,75% 35,3 0,55% 51,7 0,57%
Algérie 13,9 0,68% 12,8 0,07% 11,3 0,33% 27,7 0,55% 22,0 0,34% 32,3 0,35%
Maroc 2,5 0,12% 2,2 0,01% 4,3 0,12% 4,6 0,09% 7,4 0,12% 9,7 0,11%
Tunisie 2,2 0,11% 1,7 0,01% 3,5 0,10% 5,5 0,11% 5,9 0,09% 9,7 0,11%

Sources : calculs d’après (CNUCED 2005, OMC 2005)

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Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

Annexe 3 : Évolution de la population maghrébine (en millions) : 1970-2005

1970 1980 1990 2000 2005 TCAM


Algérie 14,33 18,67 25,02 30,24 32,8 2,4%
Maroc 15,31 20,05 24,18 29,11 30,7 2,0%
Tunisie 5,13 6,39 8,15 9,52 10 1,9%
Total Maghreb 34,77 45,11 57,35 68,87 73,5 2,2%
Libye 1,98 2,76 4,15 5,24 5,8 3,1%
Mauritanie 1,25 1,55 2,03 2,64 3,1 2,6%
Total Grand Maghreb 38,00 49,42 63,53 76,75 82,4 2,2%

Source : (FMI 2005) et INED, www.ined.fr

Annexe 4a: Indice de performance en matière d’IDE en moyenne mobile sur trois ans (1990-2003)

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Algérie 0,03 0,09 0,13 0,10 0,03 0,00 0,18 0,29 0,42 0,35 0,28 0,39 0,55 0,70
Maroc 0,61 0,96 1,45 1,98 2,02 1,49 1,06 1,32 1,04 1,14 0,62 1,09 1,14 1,55
Tunisie 0,82 1,13 2,73 4,37 4,58 3,08 1,87 1,27 1,29 0,94 0,87 0,78 1,15 1,51
leaders 13,60 13,80 19,95 26,32 27,93 15,10 13,42 13,25 13,68 8,16 8,50 11,15 13,53 23,84
Annexe 4b: Indice des entrées potentielles d’IDE en moyenne mobile sur trois ans (1990-2003)

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Algérie 0,154 0,143 0,165 0,162 0,154 0,161 0,16 0,159 0,165 0,153 0,166 0,168 0,176 0,178
Maroc 0,121 0,12 0,162 0,166 0,168 0,167 0,16 0,152 0,161 0,159 0,146 0,15 0,157 0,153
Tunisie 0,132 0,125 0,161 0,163 0,165 0,185 0,181 0,18 0,188 0,191 0,186 0,18 0,182 0,183
Leader 0,727 0,718 0,684 0,681 0,676 0,713 0,708 0,702 0,708 0,711 0,708 0,669 0,659 0,659
Note : le leader est le pays obtenant le meilleur indice de l'année. Le plus souvent il s'agit des Etats-Unis.
Source : (CNUCED 2005)

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Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

Annexe 5 : Maghreb : l'indicateur de développement humain du PNUD

1975 1980 1985 1990 1995 2000 2003 TCAM


Algérie 0,506 0,558 0,610 0,649 0,671 0,697 0,722 +1,3%
Maroc 0,429 0,478 0,515 0,548 0,579 0,610 0,631 +1,4%
Tunisie 0,514 0,570 0,622 0,657 0,698 0,738 0,753 +1,4%
Source : (PNUD 2001, 2005)

Annexe 6 : Maghreb : l’indice du capital humain de la CNUCED

1995 2001 ∆
Algérie 0,359 0,347 -3,3%
Maroc 0,251 0,222 -11,6%
Tunisie 0,379 0,445 17,4%
Source : (CNUCED 2005) : 291.

Annexe 7 : Maghreb : l'indice d'avantage industriel et technologique de l’ONUDI (2002)

Avantage industriel et
Avance industrielle Avance technologique
technologique
valeur Rang valeur rang valeur rang
1990 2002 2002 1990 2002 2002 1990 2002 2002
Algérie 0,043 0,053 72 0,212 0,327 66 0,205 0,163 77
Maroc 0,115 0,115 50 0,421 0,460 49 0,273 0,249 60
Tunisie 0,088 0,127 44 0,469 0,522 30 0,187 0,244 61
Singapour 0,430 0,520 1 0,609 0,625 6 0,706 0,832 1
Mali 0,002 0,002 99 0,056 0,058 102 0,040 0,041 109
Source : D’après (ONUDI 2005) : 144-62).

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Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

Annexe n° 8 L’indice des « entrées potentielles d’IDE » : 1990 - 2003

0,20

0,19 Tunisie

0,18

Algérie
0,17

0,16
Indice de Potentiel d'IDE

0,15

0,14
Maroc

0,13

0,12

0,11

0,10
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Source : calculs d’après l’annexe 4.

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Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

Annexe n° 8 (suite) INDICE DES ENTRÉES POTENTIELLES D`IED MÉTHODOLOGIE


L´indice des entrées potentielles d´IED prend en compte plusieurs facteurs, autres que la taille du marché, censés influer sur
le potentiel d´attraction d´un pays auprès des investisseurs étrangers. Il correspond à la moyenne des valeurs (normalisées
pour donner une valeur comprise entre 0, pour le pays ayant obtenu le plus mauvais résultat, et 1 pour le pays ayant obtenu
le meilleur résultat) de 12 variables. Aucune pondération n´est effectuée en l´absence de raisons justifiant a priori le choix de
pondérations particulières :
• Le PIB par habitant, qui indique le caractère plus ou moins évolué et l´ampleur de la demande locale (et d´autres
facteurs), les pays à revenu élevé étant censés attirer relativement plus d´IED dans les produits et services
innovants et différenciés;
• Le taux de croissance du PIB enregistré au cours des 10 dernières années, qui est un indicateur indirect du taux de
croissance économique prévu;
• La part des exportations dans le PIB, qui illustre le degré d´ouverture et de compétitivité;
• Le nombre moyen de lignes téléphoniques et de téléphones portables pour 1 000 habitants, qui est un indicateur de
la modernité des infrastructures d´information et de communication;
• La consommation d´énergie commerciale par habitant, qui témoigne de l´existence d´infrastructures traditionnelles;
• La part des dépenses de recherche & développement dans le PIB, qui reflète les capacités technologiques locales;
• La proportion d´étudiants du tertiaire dans la population, qui illustre le niveau de qualification;
• Le risque-pays, indicateur composite tenant compte des facteurs économiques et autres qui influent sur la
perception du risque par les investisseurs. Cette variable est mesurée de telle manière qu´une valeur élevée
correspond à un risque faible;
• La part du marché mondial des exportations de produits provenant de ressources naturelles, qui est un indicateur
indirect des possibilités d´investissement dans les activités extractives;
• La part du marché mondial des importations de pièces et de composants pour les secteurs de l´automobile et de
l´électronique, qui mesure la participation au système de production intégrée des principales sociétés
transnationales (Rapport sur l´investissement dans le monde 2002);
• La part du marché mondial des exportations de services, qui illustre l´importance des IED dans le secteur des
services, lequel reçoit environ les deux tiers des IED mondiaux;
• La part du stock mondial des entrées d´IED, qui est un indicateur général de la capacité d´attraction et d´absorption
des IED et des conditions d´investissement
Source : CNUCED, www.unctad.org/Templates/WebFlyer.asp?intItemID=2470&lang=2

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Les interstices industriels livrés par la « mondialisation » : un essai d’analyse pour le Maghreb

Bibliographie

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international.
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60.
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