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La structure soviétique

La croissance problématique de la production industrielle. En URSS, cette


croissance est spectaculaire. Au début du XXe siècle, l’industrie est quasi
inexistante ; en quelques décennies, la production a été multipliée par 10. Mais
elle a un coût social : les ouvriers sont peu qualifiés, peu payés. Les autorités
politiques, préoccupées par la rentabilité immédiate, montrent peu de volonté de
qualifier les masses. La consommation limitée par la faiblesse du pouvoir d’achat
moyen ainsi que l’absence de qualification du plus grand nombre font peser des
menaces importantes sur le développement économique futur.
L’impasse immédiate pour les autres secteurs d’activité. La collectivisation a
pour conséquence la chute grave de la production agricole, qui mène à la grande
famine de 1932-1933, et pour laquelle on continue à se demander s’il ne s’agit
pas d’une « extermination par la faim » des récalcitrants aux kolkhozes. La
collectivisation révèle les mêmes impasses pour les secteurs du commerce et de
la construction.
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L’erreur de la planification étatique. L’État soviétique est omnipotent. Il planifie
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l’économie par les plans quinquennaux et contrôle la totalité de la vie


économique. Il déresponsabilise le travailleur qui est interdit d’initiative
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personnelle, et qui est réduit à appliquer les prévisions du « plan ». De plus, cette
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économie gère la seule production, sans prendre en compte la demande, les


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possibilités de consommation. Le risque de l’auto-asphyxie est donc grand. Enfin,


combien de temps la population pourra-t-elle accepter les privations qu’on lui
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impose ?
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La structure libérale
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Une structure dynamique. L’idéal économique serait le suivant : « l’État


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laisserait aux initiatives individuelles une marge de manœuvre aussi large que
possible ». Le contrôle de l’État, nécessaire, doit être le plus faible possible.
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Certes, le capitalisme est inégalitaire, il exploite lui aussi la main-d’œuvre peu


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qualifiée. Mais la plus-value réalisée par les entrepreneurs est, pour l’essentiel,
réinvestie dans les entreprises. Contrairement à ce que dit Marx, elle contribue à
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la croissance économique dont tous bénéficient. En outre, l’entreprise capitaliste


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n’a rien d’hégémonique. Les limites de son pouvoir sont importantes : l’État
com:

légifère ; les libertés syndicales garantissent les droits de manifestation, de


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revendication, de grève ; les consommateurs sont organisés en associations pour


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se défendre ; les lois du marché exigent que les entreprises soient compétitives.
La flexibilité, la capacité de s’adapter aux hommes et aux conjonctures, fait la
force du libéralisme, contrairement à la rigidité dogmatique de l’économie
soviétique.
Les menaces qui pèsent sur le libéralisme. La croissance économique dans les
sociétés libérales demande une qualification accrue des travailleurs. Chacun veut
être reconnu pour sa compétence et sa spécialisation. Les revendications
égalitaires se développent. Pour satisfaire ces revendications, l’État intervient ; il
opère une répartition économique par de multiples prélèvements sociaux. Ces
prélèvements risquent de paralyser les entreprises, de ralentir la croissance, et de
démotiver les élites les plus créatives. Le libéralisme est par conséquent menacé
par une « socialisation » de l’économie.

Portée de l’ouvrage
Pour Aron, deux sociétés industrielles se côtoient ; leur développement dépend de
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la structure économique et politique dans laquelle elles évoluent. Ses analyses
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présentent des similitudes avec celles de Tocqueville, dans la foi commune dans
les libertés et dans les initiatives individuelles.
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L’Opium des intellectuels


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En 1955, alors que beaucoup d’intellectuels, dont Jean-Paul Sartre, se déclarent


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« compagnons de route » du parti communiste, Aron lance un pavé dans la mare :


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la religion est moins l’opium du peuple que le marxisme n’est l’opium des
intellectuels.
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Une démystification de trois mythes politiques


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Le mythe de la gauche. La gauche prétend défendre les libertés contre le


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pouvoir. Or, partout où le communisme s’est implanté, il se révèle « un pouvoir


comme un autre, une classe privilégiée contre une autre ». Comment accorder du
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Aiva

crédit à « ceux qui réclament la liberté pour tous les peuples d’Asie et d’Afrique
et non pour les Polonais et les Allemands de l’Est » ?
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Le mythe de la Révolution. La révolution est un avatar de la pensée utopique.
Lorsqu’elle se réalise, elle se traduit par « la substitution violente d’une élite à
une autre ».
Le mythe du prolétariat. Les ouvriers souhaitent une amélioration concrète de
leurs conditions de travail et de vie, et non la révolution. Or, dans les démocraties
dites « populaires », le niveau de vie a plutôt baissé et les libertés syndicales sont
muselées par le Parti. Le prolétariat défendu par les marxistes est « une doctrine
de l’Histoire », une théorie intellectuelle, il est sans rapport avec « l’expérience
vécue des travailleurs ».

Une démystification de l’Histoire


Le marxisme est une philosophie de l’Histoire qui se prétend scientifique, et par
conséquent incontestable. Quiconque conteste est un traître, un contre-
révolutionnaire qui doit être puni. En réalité, les marxistes sont « de grands
enfants » qui se rassurent sur l’avenir en définissant son aboutissement. Or, il
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n’existe pas de philosophie de l’Histoire : L’Histoire est « aléatoire ». Pour
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expliquer Hitler entre 1933 et 1945, par exemple, l’historien recherche les causes
de son avènement, des causes qui laissent toujours une part aléatoire. Il ne définit
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pas le rôle du führer – quel pourrait-il être d’ailleurs ? – dans un prétendu sens de
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l’Histoire. Les philosophies de l’Histoire ne sont que des théologies sécularisées,


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laïcisées.
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Une démystification des intellectuels


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Les intellectuels ont pris, depuis le XVIIIe siècle, l’habitude de contester


systématiquement l’ordre social dans lequel ils vivent. Or, ce dernier leur assure
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un niveau de vie convenable, une grande liberté de pensée et d’expression, tout en


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valorisant la production intellectuelle. Qu’adviendrait-il d’eux s’ils étaient mis au


pas dans et par un « Parti » qui exigerait qu’ils se mettent au service exclusif de la
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propagande pour « la cause » ?


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Leur haine pour les États-Unis, irrationnelle, les conduit à en faire un bouc
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émissaire. Ils n’acceptent pas la réussite de l’économie libérale étasunienne. En


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réalité, ils se sentent menacés dans leurs valeurs « aristocratiques », celles des
productions de l’esprit, ce qui explique leur mépris pour les valeurs étasuniennes,
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matérialistes.
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Portée de l’aronisme

Une critique de « l’idéocratie »


Ce néologisme désigne le gouvernement fondé sur une idéologie. Les horreurs des
camps d’extermination comme celles du goulag ont une cause : une idéologie qui
veut unifier la pensée et l’action ; elle conduit inévitablement à la violence et à la
contrainte. Tout État fondé sur une doctrine mène au totalitarisme et à « une
terreur à la fois policière et idéologique ».
Les sociétés libérales, à l’inverse, respectent la diversité des opinions
individuelles ; elles tirent leur force des différences, des antagonismes, qui
distinguent les élites. Cette diversité, loi de la vie, constitue la richesse de
l’humanité.

Un scepticisme qui fonde l’action politique


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L’Opium des intellectuels s’achève sur un souhait : « Appelons de nos vœux la
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venue des sceptiques s’ils doivent éteindre le fanatisme ». Aron se définit ainsi
comme le Montaigne du XXe siècle. Dans un siècle dominé par les totalitarismes
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crispés sur des idéologies à défendre, le scepticisme fonde les valeurs morales de
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la tolérance et de la liberté. Mais ce scepticisme ne conduit pas Aron à


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l’indifférence. Il se passionne pour les débats politiques, et il ne cesse d’affirmer


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ses positions. Il est un humaniste qui défend les libertés individuelles.


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La politique internationale demeure un de ses sujets de prédilection. Le constat


s’impose : aucun ordre international ne régit le monde. La politique internationale,
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par conséquent, relève d’une sorte d’anarchie en quête permanente d’une


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régulation à inventer sans fin.


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Chapitre 6
Camus

La pensée de Camus est un refus de tous les dogmatismes, de


toutes les idéologies qui emprisonnent l’homme dans un système
a priori et qui conduisent à nier les individus. Cette pensée se forge
par l’expérience vécue par l’auteur et les hommes de son époque :
« Une pensée profonde est en continuel devenir, épouse 41
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l’expérience d’une vie et s’y façonne. » Camus écrit dans différents


genres littéraires, essai, roman, théâtre ; un fil directeur relie Le
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Mythe de Sisyphe (1942) à La Chute (1956) : il traduit l’intelligence


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de celui qui est animé par une passion lucide pour les hommes.
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Un militant
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Albert Camus (1913-1960) naît en Algérie. Son père, un ouvrier agricole, meurt à
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la guerre en 1914. Camus passe son enfance à Alger. À 17 ans, il est atteint par la
tuberculose ; la maladie l’empêche de se présenter aux grands concours. Dès
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1935, il affirme : « Il me faut témoigner ». Il adhère au parti communiste, qu’il


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quitte deux ans plus tard en fuyant l’endoctrinement. Deux passions animent son
existence : le théâtre et le journalisme. Membre actif de la Résistance, militant
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contre la peine de mort, il ne cesse de s’engager. En 1956, à Alger, il lance son


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Appel pour la trêve civile. En 1957, il obtient le prix Nobel de littérature. Il


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trouve la mort dans un accident – absurde – de voiture en 1960.


com:
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L’absurde dans Le Mythe de Sisyphe
En 1942, Camus publie Le Mythe de Sisyphe, un essai, et L’Étranger, un roman.
Ce sont deux versions du même thème de l’absurde. Sisyphe est un personnage de
la mythologie grecque ; il est condamné par les dieux à rouler éternellement, aux
Enfers, un rocher sur une pente ; parvenu au sommet, le rocher redescend, et
Sisyphe recommence sans fin. Camus y voit un symbole de l’absurde de la
condition humaine.

Définition de l’absurde
L’homme est en quête de sens à donner à sa vie. Or, rien dans le monde ne répond
à sa demande, ce qui crée une tension permanente entre lui et le monde :
« L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence
déraisonnable du monde ». Dans cette situation, le suicide pose la question
philosophique essentielle : la vie vaut-elle la peine d’être vécue ? Oui, répond
Camus. Vivre, c’est vivre avec l’absurde, plus, c’est faire vivre l’absurde.
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L’origine du sentiment de l’absurde


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Quatre prises de conscience peuvent faire découvrir l’absurde. Celle de la routine


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inepte de la vie sociale et professionnelle. Celle de la fuite du temps, et donc de


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la mort inéluctable : « L’horreur vient en réalité du côté mathématique de


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l’événement ». Celle d’une nature radicalement étrangère : « L’hostilité primitive


du monde, à travers les millénaires, remonte vers nous ». Celle de nos proches
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qui nous deviennent parfois étrangers : « Il est des jours où, sous le visage
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familier d’une femme, on retrouve comme une étrangère celle qu’on avait
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aimée ».
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« Il faut imaginer Sisyphe heureux »


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C’est sur cette formule que s’achève l’essai de Camus. Sisyphe n’est malheureux
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que s’il se définit comme une victime humiliée des dieux ; mais il est capable, par
sa conscience, de refuser ce statut de victime, de nier les dieux, et d’assumer
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Aiva

totalement sa vie telle qu’elle est. Comme lui, l’homme est capable d’accéder à la
conscience de l’absurde, d’assumer sa condition, et de vivre heureux.
com:
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De l’absurde à la révolte : La Peste
Camus distingue trois étapes pour celui qui fait l’expérience de l’absurde :
« l’homme quotidien » vit l’absurde sans en avoir une claire conscience, tel
Meursault le héros de L’Étranger, au début du roman ; « l’homme absurde »
comprend l’absurde et l’assume, comme le même Meursault à la fin du roman ;
« l’homme révolté » est quant à lui capable de construire sa vie sur l’absurde,
thème de La Peste (1946).

La trame du roman
La peste sévit dans Oran, dans les années 1940. Camus distingue plusieurs
réactions face à ce fléau. Cottard, le cynique, s’en réjouit en organisant le marché
noir. Le prêtre Paneloux y voit le châtiment de Dieu ; il invite les fidèles à la
conversion. Grand, le fonctionnaire, accomplit sa tâche. Rambert, séparé de la
femme qu’il aime, veut quitter la ville ; lorsqu’il en a la possibilité, il choisit de
rester près de ceux qui luttent. Rieux – le narrateur – et Tarrou, deux médecins,
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agissent et organisent un service sanitaire qui soulage, autant que faire se peut, la
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souffrance des hommes. L’une des scènes les plus importantes du roman raconte
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l’agonie terrible et la mort d’un enfant. Elle est commentée en ces termes : « Je
refuserai jusqu’à la mort d’aimer cette création où des enfants sont torturés. »
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La peste, une métaphore


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Au début du roman, le narrateur précise : « La peste fut notre affaire à tous » ; à


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la fin du récit, il ajoute que ce fléau « les a confrontés à l’absurdité de leur


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existence et à la précarité de la condition humaine ». La peste est une double


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métaphore.
Une métaphore historique et politique. En 1955, Camus précise : « “La Peste”,
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dont j’ai voulu qu’elle se lise sur plusieurs portées, a cependant comme
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contenu évident la lutte de la résistance européenne contre le nazisme »,


nazisme souvent dénommé « la peste brune ». Les personnages représentent les
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différents comportements de la population, de la résistance au marché noir. Cette


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peste du totalitarisme, même si elle disparaît, demeure tapie et peut resurgir.


Aiva

Une métaphore métaphysique et morale. La peste est aussi l’allégorie du mal


com:

implanté dans tout homme : « Chacun la porte en soi, la peste ». Tarrou cherche à
rvox.

éradiquer le mal, à être « un saint sans Dieu » ; Rieux poursuit un but plus
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modeste : « Je n’ai pas de goût, je crois, pour l’héroïsme et la sainteté. Ce qui
m’intéresse, c’est d’être un homme ». Rieux se bat pour soulager la souffrance :
il donne un sens, et une dignité, à sa vie par la solidarité, solidarité avec ceux qui
souffrent, solidarité avec ceux qui luttent. Mais cette lutte est sans illusion. Ce
n’est pas Rieux et son équipe qui éliminent la peste : « La maladie semblait
partir comme elle était venue ». La peste existera toujours, jamais le mal ne sera
terrassé ; aux hommes de demeurer vigilants.

L’artiste « révolté » : Discours de Suède


En décembre 1957, Camus reçoit le prix Nobel. Il prononce à cette occasion un
discours en Suède, auquel s’ajoute le texte d’une conférence. Il y développe sa
conception du rôle de l’écrivain et de l’artiste.

L’artiste, un homme révolté 8465


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L’artiste vit en communion avec les hommes : « L’art n’est pas à mes yeux une
réjouissance solitaire ». Cette solidarité défend la cause des opprimés ;
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l’écrivain « ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font


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l’Histoire : il est au service de ceux qui la subissent ». Cet engagement de


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l’artiste implique « le refus de mentir sur ce qu’on sait et la résistance à


l’oppression » ; il fait de lui un « franc-tireur » qui n’accepte pas de s’inféoder à
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un parti, « de rejoindre les armées régulières ».


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Un engagement qui ne doit pas sacrifier l’art


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L’artiste qui s’engage pour la cause des vaincus, des victimes, ne doit pas oublier
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qu’il est un créateur. Il lui faut donc concilier engagement et beauté. La grandeur
de l’art se situe « dans cette perpétuelle tension entre la beauté et la douleur,
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l’amour des hommes et la folie de la création ». La création artistique exige de


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grandes qualités intellectuelles et morales : « L’artiste se forge dans cet aller-


retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se
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passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher ». La révolte de


Aiva

l’artiste est donc double, elle est morale par le refus de l’oppression, elle est
com:

esthétique par la beauté de la forme qui exprime ce refus.


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La conscience des limites de l’homme
L’essai L’Homme révolté (1951) est prolongé par le roman La Chute (1956).

L’Homme révolté
Une révolte noble. Camus pastiche Descartes : « Je me révolte, donc nous
sommes ». La révolte est inhérente à la condition humaine. Le passage de « je »,
« je me révolte », à « nous », « nous sommes », est très significatif ; la révolte
absurde n’est pas individuelle, elle implique les autres : « La solidarité des
hommes se fonde sur le mouvement de révolte et celui-ci, à son tour, ne trouve
de justification que dans cette complicité ». En se révoltant contre l’injustice,
l’oppression, les hommes se sauvent du nihilisme et de la solitude.
Une révolte dégradante. Cependant, toutes les révoltes ne sont pas justifiables.
Camus s’interroge : pourquoi la révolte absurde se dégrade-t-elle au XXe siècle
en révolutions qui donnent naissance au terrorisme d’État, à des États policiers et
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concentrationnaires qui ont érigé le crime en vertu politique ? Des moyens
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inhumains ne peuvent prétendre servir une fin humaine ; le goulag ne peut


prétendre servir la liberté. Sa démystification de la révolution démontre la
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perversion des actions prétendues révolutionnaires, en réalité barbares. Elle vaut


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à Camus beaucoup d’inimitiés, celle de Sartre en particulier.


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La Chute
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La trame du roman. Ce roman original donne la parole à Jean-Baptiste


Clamence, qui, dans un bar hollandais, accoste un interlocuteur qui n’interviendra
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jamais. Il lui confesse (lui « clame » ?) sa vie durant cinq jours. Avocat parisien,
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il menait une carrière brillante, au service de causes qu’il croyait nobles. Une
série de péripéties lui a fait comprendre qu’il n’est qu’un orgueilleux égoïste qui
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n’a travaillé en réalité que pour lui-même, pour sa renommée.


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Une lucidité amère sur l’homme. Jean-Baptiste Clamence est une sorte d’acteur
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qui tente de séduire son interlocuteur pour que ce dernier se confesse à son tour.
Ce roman montre la duplicité et la soif de pouvoir qui anime tout homme :
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« Chaque homme a besoin d’esclaves comme d’air pur. Commander, c’est


Aiva

respirer. Vous êtes bien de cet avis ? ». La Chute est une œuvre de
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démystification : la vanité et l’amour-propre sont les ressorts de l’action. Camus


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fait aussi le procès de son époque ; il expose une philosophie du soupçon qui vise
les intellectuels qui « clament » se consacrer, corps et âme, à la défense de causes
nobles, et qui, en fait, travaillent à leur propre gloire.

Portée de l’œuvre de Camus


À partir de la publication de L’Homme révolté, Camus devient la cible des
intellectuels de gauche, de Sartre notamment. Comme Aron, Camus se révèle
d’une remarquable lucidité sur l’humanité de son époque, ce qu’on ne lui
pardonne pas. Les valeurs qu’il défend en font un humaniste soucieux du respect
dû à l’homme, quelle que soit l’importance de la cause à défendre. « Je crois à la
justice, mais pas avec les bombes. Entre ma mère et la justice, je préfère ma
mère ». Ces propos, prononcés à Stockholm, qu’on a feint de ne pas comprendre –
quel crédit accorder à une justice qui demanderait le sacrifice d’une mère ? –, lui
seront reprochés jusqu’à la fin de sa vie !
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Chapitre 7
Malraux

Jean Lacouture intitule la biographie qu’il consacre à Malraux André


Malraux, une vie dans le siècle (1976). Il souligne par là l’importance
de l’Histoire dans la vie et l’œuvre de Malraux, ce que ce dernier
confirme : « Nous naissions au cœur de l’Histoire qui a traversé
notre champ comme un char ». La réflexion qu’il mène sur l’art 41
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dépasse toutefois le cadre du XXe siècle.


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Un homme qui épouse son époque


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André Malraux (1901-1976) est un autodidacte ; il quitte l’école à 17 ans sans le


baccalauréat. Il prend un premier engagement en assurant la présidence du Comité
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mondial contre la guerre et le fascisme ; il prône « une action sang contre sang »
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pour combattre la terreur d’Hitler. En 1936, il s’engage auprès des républicains


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dans la guerre d’Espagne, en créant et en dirigeant l’escadrille España. Il


n’adhère pas au communisme, mais il est un « compagnon de route ». Il s’engage
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dans l’armée française en 1939 ; fait prisonnier, il s’évade. Il entre dans la


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Résistance en mars 1944, sous le nom de « colonel Berger ». Il commande la


brigade « Alsace-Lorraine » pendant la libération du sol français. Il est le
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ministre de De Gaulle, d’abord en 1945-1946 comme ministre de l’information ;


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ensuite, de 1958 à 1969 comme ministre d’État aux affaires culturelles ; il crée
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notamment les « Maisons de la jeunesse et de la culture ». Toute sa vie il voue un


com:

intérêt particulier pour l’Orient : « J’ai été attiré par l’Asie, entre autres, parce
que l’Histoire était en train de s’y faire ».
rvox.
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La Condition humaine

Un roman inscrit dans l’Histoire


Le contexte historique. L’action de ce roman (1933) se déroule en Chine, à
Shanghai, du 21 mars aux 12 et 13 avril 1927. Sous le commandement de Tchang
Kaï-chek, l’armée révolutionnaire nationaliste du Kuomintang marche vers la
ville, soutenue par les communistes. Mais, inquiet de la puissance de ces
communistes, Tchang Kaï-chek les trahit ; aidé par les Occidentaux, il fait
assassiner des milliers d’ouvriers et de dirigeants communistes le 12 avril 1927.
La trame du roman. Les personnages incarnent l’humanité dans sa diversité.
Quatre sont des communistes chinois : Gisors, un intellectuel, un sage ; son fils
Kyo, un idéaliste qui dirige l’insurrection ; l’épouse de Kyo, May, un médecin au
service de la vie ; Tchen, disciple de Gisors, un terroriste. Deux sont français : le
baron de Clappique, un antiquaire et marchand de tableaux devenu trafiquant
d’armes ; Ferral, un industriel capitaliste. Un est belge, Hemmelrich, un
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prolétaire. Le Russe, Katow, est un militant communiste. L’intrigue retrace l’échec
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de la révolution communiste.
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Un roman aux thèses multiples


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Le roman n’est ni une apologie du communisme, ni une condamnation du


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nationalisme. Il peint les hommes qui, confrontés à une crise politique, forgent
l’Histoire et s’arrachent au néant de leur condition.
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La condition humaine est tragique, absurde. L’absurde est « tragique » parce


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que l’homme ne peut y échapper. Par sa condition d’abord, l’homme est condamné
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à mort. Ensuite, tout individu est une sorte d’étranger à soi, qui découvre, enfoui
en lui, un monde intérieur trouble. De plus, chacun est cantonné dans la plus
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grande solitude : tous les communistes, paradoxalement, sont seuls. Enfin le mal,
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la souffrance, sont omniprésents. Toutefois, l’homme n’est pas condamné à subir


cet absurde. Être homme, c’est « oser dire non », c’est se révolter, combattre
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cette condition qui lui est imposée. Mais toutes les révoltes ne sont pas
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défendables.
Aiva

L’antidestin condamné par Malraux. Toutes les actions qui portent atteinte à la
com:

dignité humaine doivent être combattues. Elles sont incarnées par Ferral, l’homme
rvox.

occidental qui ne vit que par le pouvoir qu’il s’arroge sur les autres ; sa sexualité,
la
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son colonialisme sont abjects. Cet instinct de domination, qui transforme les
autres en objets, est une tentation qu’il faut refuser : « L’homme n’a pas envie de
gouverner : il a envie de contraindre. »
L’antidestin revendiqué par Malraux. Toutes les actions qui garantissent ou
défendent la dignité humaine constituent des réponses nobles à l’absurde de la
condition humaine. L’amour est une première voie de salut pour l’homme ; il lui
permet d’échapper à la solitude en communiant avec l’autre dans le respect
mutuel. La révolution, même si elle ne réussit pas toujours, est une autre réponse
au destin ; d’une part, elle donne un sens à la vie tant individuelle que collective ;
d’autre part, elle se fixe pour but d’établir et de garantir la dignité de tous les
hommes en se battant pour ceux qui en sont privés. L’art enfin constitue une
authentique démarche pour assumer sa condition d’homme. Demeure la question
délicate de la drogue. Gisors a régulièrement recours à l’opium, et il le justifie :
« Il faut toujours s’intoxiquer : ce pays a l’opium, l’Islam le haschisch […] ».
L’opium n’est pas un avilissement, il est un oubli, une évasion, un soulagement
passager qui rend capable d’assumer sa condition d’homme. 8465
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Portée de l’œuvre
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Le roman obtient le prix Goncourt en 1933. Il s’inscrit dans le courant de


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l’existentialisme : « Un homme est la somme de ses actes, de ce qu’il a fait, de


.210

ce qu’il peut faire ». Malraux y exprime une foi certaine en l’homme, mais sans
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naïveté aucune. Tous ses héros sont caractérisés par des zones d’ombre qui les
rendent ambigus ; de nombreuses actions, qui se veulent réponses au destin
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imposé par la condition humaine, présentent la même ambiguïté, comme la


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mythomanie et l’opium, mais aussi l’alcool, le jeu, etc. Le roman de Malraux pose
plus de questions qu’il n’apporte de réponses.
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Le théoricien de l’art
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Malraux écrit beaucoup sur l’art. Les Voix du silence (1951) notamment regroupe
trois ouvrages, de même que La Métamorphose des dieux (1976).
nc
Aiva
com:

L’art, une réponse au chaos


rvox.
la
scho
univ.
Par l’art, l’homme donne un sens à ce qui en est dépourvu ; l’art « exprime une
civilisation comme elle se conçoit : il la fonde en signification ». L’art n’est pas
une reproduction du réel, une « mimésis » comme le dit Aristote ; il est une
appropriation du réel. Les artistes substituent « au système inconnu du monde la
cohérence ».

L’art, une réponse au temps et à la mort


L’art est « l’âme du passé ». Alors que les hommes meurent, les œuvres d’art
qu’ils ont produites leur survivent ; elles peuvent disparaître un temps pour
réapparaître ; elles peuvent changer de signification. Par exemple, l’art de
l’Antiquité gréco-romaine, réputé « païen », ne présente pas d’intérêt, pendant un
millénaire, pour la culture chrétienne ; avec la Renaissance, le christianisme
commence son déclin, ce qui rend de nouveau possible le dialogue avec l’art
antique : « Ce n’est pas l’Antiquité qui a fait la Renaissance, mais la
Renaissance qui a fait l’Antiquité ».
41
6
8465

« L’art est un antidestin »


:168

Cette formule est sans doute la plus importante que Malraux ait écrite sur l’art.
.112

Elle met en valeur la dignité de l’homme qui donne un sens à une existence qui
n’en a pas, qui crée une œuvre qui lui survit et qui résiste au temps.
.210

Cette révolte contre le destin imprègne la créativité artistique. On reproche


.250

souvent aux artistes leur obsession du désespoir, de la souffrance, du mal, etc.,


4:41

sans comprendre que, grâce à leur art, ils sont plus forts que leur échec puisque
1394

c’est sur celui-ci qu’ils bâtissent leur œuvre. Sans l’art, beaucoup de vies seraient
absurdes. Par l’art, elles conquièrent un sens dont elles auraient été privées. Par
:889

exemple, Du Bellay, humaniste, rêve d’une carrière à Rome ; l’échec qu’il connaît
1045

en Italie est par conséquent tragique, mais ce fiasco inspire la poésie des Regrets
qui transmue l’échec en œuvre d’art.
1064

De même, la création artistique se veut régulièrement révolte contre le temps :


ity:21

l’artiste crée pour défier sa propre mort ; Montaigne, par exemple, rédige ses
nc

Essais pour que ses proches puissent entretenir sa mémoire ; Chateaubriand


Aiva

compose ses Mémoires d’outre tombe, titre très significatif ! Un dernier


exemple : Ronsard dédie un sonnet à une jeune fille, Marie, qui vient de mourir, il
com:

le conclut par ce tercet :


rvox.

« Pour obsèques, reçois mes larmes et mes pleurs,


la
scho
univ.
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que, vif et mort, ton corps ne soit que roses ».
C’est la beauté du corps de Marie, non celle de son âme, qui est destinée à
survivre, ceci grâce au « panier plein de fleurs », métaphore du poème que
Ronsard consacre à Marie ; ce poème, en passant à la postérité entretiendra le
souvenir vivant de la beauté de Marie dans la mémoire collective : l’art défie la
loi implacable du temps qui condamne l’homme au néant.

41
6
8465
:168
.112
.210
.250
4:41
1394
:889
1045
1064
ity:21
nc
Aiva
com:
rvox.
la
scho
univ.
Chapitre 8
La pensée rationnelle et le
structuralisme

Les romantiques au XIXe siècle, puis Nietzsche, remettent en cause


l’hégémonie de la raison sur les autres facultés humaines. Les deux
grands courants du freudisme et du surréalisme qui ouvrent le 41
6
8465

XXe siècle confirment ce discrédit de la raison. Simultanément, un


rationalisme ancré dans la pensée grecque continue à s’exprimer
:168

avec Alain, et une approche renouvelée de la raison apparaît avec


.112

Bachelard. À partir des années 1950, une nouvelle rationalité est


.210

théorisée par le structuralisme.


.250
4:41

Alain
1394
:889

Un maître à penser
1045

Émile Chartier (1868-1952) mène une carrière de chroniqueur. Il signe ses textes
1064

du pseudonyme d’Alain, qu’il retient pour ses livres. Mais il est d’abord un
ity:21

professeur, en Khâgne à Henri IV, et à l’École Normale Supérieure, où il est une


sorte de maître à penser qui marque des générations d’élèves dont Raymond Aron
nc
Aiva

et Simone Weil. En 1914, il a 46 ans, il n’est pas mobilisable ; il s’engage


toutefois parce qu’il estime que son devoir de citoyen est prioritaire. Les horreurs
com:

de la guerre en font un pacifiste qui pourfend la guerre : elle est une machinerie
rvox.

inhumaine qui se fixe pour but de transformer les hommes en automates


la
scho
univ.
obéissants ; elle est aussi un mensonge général qui prétend servir la liberté et la
patrie, et qui, pour ce faire, nie toute liberté et se révèle un crime contre
l’humanité.

Le rationalisme
Alors que d’innombrables théories nouvelles fleurissent, Alain relit Aristote et
Platon pour y retrouver une pensée originelle. La vérité sur l’homme ne se trouve
pas chez Freud, dénoncé comme un nouveau mystificateur. Elle se trouve chez
Platon. Raison d’abord, passions ensuite, instincts enfin, telle est la nature
humaine et sa hiérarchie. Au-delà de Platon, les références pour Alain sont
Descartes, Kant, et Comte le positiviste, et non le « religieux ».

Le penseur des « Propos »


Alain rédige plus de 3 000 « propos » qui paraissent en première page de « La
Dépêche de Rouen et de Normandie » sous l’appellation « Propos d’un 41
6
Normand » ; il en compose environ 2 000 autres, qu’il réserve à des initiés et à
8465

des proches. Les propos sont de courts essais, regroupés dans des livres, souvent
:168

inspirés de la vie quotidienne ou de l’actualité, qui couvrent les domaines de


.112

réflexion les plus divers, et qui sont ponctués de formules lapidaires comme :
« On dit que les nouvelles générations seront difficiles à gouverner. Je l’espère
.210

bien. » « Le bonheur est une récompense qui vient à ceux qui ne l’ont pas
.250

cherché. »
4:41

La pensée d’Alain se définit comme une réflexion critique : « Penser c’est dire
1394

non. » Il opte pour la distanciation, un moyen de comprendre, de juger et d’agir. Il


ne propose pas de construire une théorie nouvelle ; il invite à la liberté
:889

intellectuelle. Il choisit la démarche de l’émiettement parce qu’elle correspond à


1045

la vie. Ses réflexions portent sur la réalité du monde, le vécu des hommes ; il ne
réfléchit pas en s’appuyant sur des systèmes théoriques ; au contraire, c’est le réel
1064

qui interpelle les grandes doctrines philosophiques.


ity:21
nc

Un penseur politique radical


Aiva

En 1927, Alain signe la pétition contre la loi d’exception qui organise la nation en
com:

temps de guerre, et qui établit la censure. En 1934, il est cofondateur du Comité


rvox.

de Vigilance des Intellectuels Antifascistes. Alain s’engage dans le mouvement


la
scho
univ.
radical de la IIIe République. Il milite pour une démocratie contrôlée par le
peuple et respectueuse des libertés individuelles. Le citoyen exerce sa liberté par
son vote et en usant de son droit d’expression. « Résistance et obéissance, voilà
les deux vertus du citoyen. » L’obéissance, réfléchie, à la loi, évite la loi du plus
fort de l’anarchie. La résistance, fondée sur la liberté d’expression, constitue un
droit démocratique de critique.

Portée de la pensée d’Alain


La vie d’Alain, traversée par trois guerres causées par le nationalisme, en fait le
défenseur de la démocratie et de la liberté. Il réfléchit sur toutes les composantes
de la vie. Ses analyses des mythes religieux demeurent des références : « Les
dieux sont nos métaphores, et nos métaphores sont nos pensées ».

Bachelard 8465
41
6

Un parcours exceptionnel
:168

Commis des Postes, Gaston Bachelard (1884-1962) devient ingénieur des


.112

Télégraphes et passe une licence ès sciences. Professeur de sciences, il réussit


.210

une agrégation de philosophie, puis un doctorat ; il devient alors professeur de


.250

philosophie à la Sorbonne. En 1961, il obtient le Grand Prix National des Lettres.


4:41
1394

Un « sur-rationalisme »
Les principes qui régissent la raison ne sont pas des principes intangibles, comme
:889

le pense Kant. La raison est une faculté modelée par les connaissances qu’elle
1045

produit : « La science instruit la raison ». Cette flexibilité atteste la puissance de


1064

la raison, faculté plastique vivante et conquérante : les progrès scientifiques sont


possibles grâce à cette plasticité. Cette conception nouvelle de la raison est
ity:21

dénommée « sur-rationalisme ».
nc
Aiva

L’analyse de l’imagination poétique


com:
rvox.
la
scho
univ.
Les images et l’homme. À partir des années 1940, Bachelard s’intéresse surtout
à la « poétique », à la créativité artistique. Par l’imagination poétique, l’homme
voit la réalité tel qu’il est, alors que par l’investigation scientifique il approche la
réalité telle qu’elle est. L’analyse des productions artistiques conduit donc à
mieux connaître l’homme. Bachelard se fonde sur les travaux de la psychanalyse
pour analyser les images littéraires : « Notre appartenance au monde des images
est plus forte, plus constitutive de notre être, que notre appartenance au monde
des idées ». Ces images s’articulent autour des quatre éléments – le feu, l’eau, la
terre et l’air – qui constituent une symbolique pérenne, profondément enracinée
dans l’imaginaire collectif.
Quelques thèses importantes. L’imagination n’est pas la faculté de former des
images, mais « plutôt la faculté de déformer les images » issues de la
perception. Elle est une activité incessante, un dynamisme qu’il faut tenter de
saisir pour la connaître. Les images du feu sont liées à l’idéal, à l’exaltation des
passions, à la sexualité, mais aussi, tel Prométhée, à la connaissance suprême.
Celles de l’eau évoquent la vie intime, mais aussi la fluidité d’un destin qui ne
41
cesse de se métamorphoser. Celles de l’air suggèrent l’ascension, la liberté, le
6
8465

désir de se développer. Celles de la terre enfin renvoient à la stabilité, à la


:168

sérénité, au retour aux origines.


.112
.210

Le structuralisme
.250

De 1960 à 1970, le structuralisme concerne toutes les sciences humaines. Même


4:41

si les linguistes, les marxistes, les psychanalystes, les historiens s’opposent


1394

régulièrement, ils partagent des points communs.


:889
1045

Une nouvelle conception du « sujet »


1064

« Je pense », « je parle », telles sont les convictions traditionnelles : l’homme,


qui est doté de raison, organise sa pensée et sa parole. Avec le courant du
ity:21

freudisme, on opte plutôt pour : « je suis pensé », « je suis parlé », le sujet n’est
plus totalement maître de sa pensée et de sa parole, il « est pensé », il « est
nc
Aiva

parlé » par les discours de son passé, de sa famille, de son éducation, de sa


société. Avec le structuralisme, la formulation doit encore se modifier ; le « je »
com:
rvox.
la
scho
univ.
sujet disparaît pour devenir objet : « ça pense en moi » ou « ça parle en moi ».
Autrement dit, l’origine du langage et du sens ne se trouve pas dans le sujet, mais
dans la structure qui organise l’inconscient et le langage.

L’apport de Saussure
Ferdinand de Saussure (1857-1913) est un linguiste considéré comme le fondateur
de la linguistique moderne. Dans son Cours de linguistique générale il montre
que les signes d’une langue sont organisés et forment un système d’oppositions et
de similarités. Par exemple, les consonnes occlusives françaises ont un point
commun, elles se prononcent la bouche fermée, mais elles s’opposent en deux
groupes, les sourdes [p], [t], [k], qui se prononcent sans vibration des cordes
vocales, et les sonores [b], [d], [g], qui mettent en jeu leur vibration. La langue
constitue ainsi « un système », au sein duquel les signes se combinent et évoluent.
Ce « système » échappe totalement à la conscience de ceux qui l’utilisent.

41
Les structures
6
8465

Le structuralisme étudie les structures inconscientes qui régissent les sociétés, la


:168

réalité humaine. De même que ceux qui parlent une langue n’ont pas conscience
.112

des structures qui organisent cette langue, les individus ont des comportements
sociaux qui sont régis par des lois générales qui leur échappent. Le structuralisme
.210

s’applique également à la psychanalyse. Jacques Lacan (1901-1981), qui


.250

représente ce courant, pense que « l’inconscient est structuré comme un


4:41

langage ».
1394
:889

Lévi-Strauss
1045
1064

Un ethnologue
ity:21

Claude Lévi-Strauss (1908-2008) mène des enquêtes ethnographiques sur le


nc

terrain, en Amazonie notamment. Ses travaux lui assurent une célébrité


Aiva

internationale. En 1959, il est élu à la chaire d’anthropologie sociale du Collège


com:

de France ; en 1973, il est élu à l’Académie française.


rvox.
la
scho
univ.
Le « maître » du structuralisme
Lévi-Strauss consacre de nombreux ouvrages au structuralisme : Structures
élémentaires de la parenté (1948), La Pensée sauvage (1962), Mythologiques (4
tomes, de 1964 à 1971), Anthropologie structurale (2 tomes en 1958 et 1973). Il
y étudie les structures des sociétés sans prendre en compte l’Histoire.
Les structures de parenté. Comme la langue, la parenté institue des couples de
relations : « mari/femme », « père/fils », « frère/sœur », « oncle maternel/fils de
la sœur ». Cette dernière relation conteste la théorie freudienne en ajoutant au
« triangle familial » – père, mère, enfant – un quatrième terme, l’oncle maternel,
parce que, dans de nombreuses organisations sociales, c’est ce dernier qui se
substitue aux parents s’ils viennent à disparaître. Elle est dénommée « relation
avunculaire » (relative à l’oncle). La parenté n’a rien d’une modalité biologique,
elle est un système d’alliances.
La prohibition de l’inceste. Elle est la loi qui fait de l’homme un être de culture :
elle est moins un interdit qu’un don, elle défend moins d’épouser la sœur, la fille,
41
ou la mère en cas de veuvage, qu’elle ne contraint à les donner à autrui. En
6
8465

donnant la femme à autrui on en fait un allié : « Il y a bien plus dans l’échange


que les choses échangées ». La réciprocité des alliances constitue la valeur
:168

culturelle de l’échange.
.112

Les structures des mythes. Lévi-Strauss procède à une analyse comparative de


.210

quantité de mythes sans s’intéresser à leur contenu sémantique. Les mythes


.250

constituent le « discours » d’une société dont il s’agit d’étudier la « grammaire ».


Ils sont analysés selon des oppositions qui sont susceptibles d’innombrables
4:41

combinaisons entre des éléments de base, les « mythèmes », comme « cru/cuit »,


1394

« bouilli/rôti », « frais/conservé », « jour/nuit », « terre/ciel », « ciel/eau » etc.


:889

La Pensée sauvage. Une infrastructure logique, une pensée inconsciente, « la


pensée sauvage », détermine les structures sociales ; une logique inconsciente
1045

détermine les lois qui régissent les sociétés.


1064
ity:21

Race et Histoire
nc

Ce livre (1952) répond à une demande de l’UNESCO. Lévi-Strauss montre que le


Aiva

concept de « race » n’a aucune validité scientifique.


com:

L’ethnocentrisme. L’ethnocentrisme caractérise toutes les cultures. L’étranger est


toujours un « barbare », un « sauvage ». Traiter par ces qualificatifs un étranger,
rvox.

c’est donc se comporter comme il se comporte à notre égard, alors même qu’on
la
scho
univ.
veut s’en distinguer : « Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la
barbarie ». En outre, la culture occidentale développe deux formes
d’ethnocentrisme qui lui sont spécifiques : elle hiérarchise les cultures ; elle
prétend imposer à tous ses propres normes.
Le refus de la supériorité de la culture occidentale. La culture occidentale ne
s’impose que par son économie et sa force militaire. Quelle est la validité de ces
critères ? Les vraies découvertes – agriculture, élevage, poterie, tissage –
remontent à des temps immémoriaux. Les Occidentaux n’ont fait que perfectionner
des techniques mises au point par d’autres.
Portée de l’ouvrage. Lévi-Strauss condamne les droits de l’homme ; mais il ne
les condamne pas en tant que tels, il les condamne parce qu’ils sont des alibis
colonialistes … qui trahissent hypocritement ces mêmes droits. Il invite les
Occidentaux à l’humilité en soulignant l’importance des échanges entre les
cultures. Enfin, il refuse un sens de l’Histoire qui donnerait à l’Occident le beau
rôle.
41
6
8465

Tristes Tropiques
:168

Cet essai (1955) s’ouvre sur : « Je hais les voyages et les explorateurs ». Ce
paradoxe doit se comprendre comme une critique des voyages habituels.
.112

Un récit de voyages. Lévi-Strauss part de sa connaissance des Indiens, les


.210

Bororos, les Nambikwaras, les Tupis, qui vivent sur le plateau du Mato Grosso au
.250

Brésil, et qu’il a côtoyés pendant de nombreuses années. Mais il rappelle aussi


4:41

son exode à New York, et il compare les tropiques d’Amérique à ceux d’Asie. Ce
récit à la première personne, écrit sur un double registre, ironique et lyrique,
1394

invite le lecteur à changer son regard sur les voyages.


:889

Les thèses de l’ouvrage. Le vrai voyageur doit être à même d’opérer un « triple
1045

décentrement », spatial, temporel et culturel. Le lecteur occidental est invité à se


libérer de sa prétendue supériorité, ainsi que de son obsession du travail pour
1064

trouver le bonheur dans la contemplation.


ity:21

Portée de l’ouvrage. Lévi-Strauss condamne l’impérialisme occidental qui tue


nc

les cultures traditionnelles et réduit l’humanité à « la monoculture ». En 2005, il


Aiva

élargit son propos pour lui donner une dimension écologique : « Ce que je
constate […] c’est la disparition effrayante des espèces vivantes, qu’elles
com:

soient végétales ou animales […] l’espèce humaine vit sous une sorte de régime
rvox.

d’empoisonnement interne ».
la
scho
univ.
Portée du structuralisme
Le structuralisme est une méthode d’analyse des réalités humaines. Il présente une
portée philosophique dans la mesure où il s’oppose aux grands courants
philosophiques reconnus. Humanisme, existentialisme, marxisme, ne sont à ses
yeux que des productions occidentales.

Un antihumanisme
L’idée d’homme développée par les Grecs est une idéologie propre à une culture,
avec toutes les illusions propres à une idéologie. L’homme n’est ni maître de son
discours, ni maître de sa pensée.

Un anti-existentialisme
La polémique qui oppose Sartre à Lévi-Strauss illustre leurs divergences. Avec le
structuralisme, l’existence n’est plus une donnée vide ; les structures préexistent à
41
toutes les formes d’activité, et les déterminent.
6
8465
:168

Un antimarxisme
.112

L’Histoire est au centre du marxisme. Or, le structuralisme se place en dehors de


.210

l’Histoire. Lévi-Strauss reproche notamment à Sartre d’ignorer les peuples


dépourvus d’Histoire, comme les Nambikwaras, chez lesquels il a pourtant
.250

rencontré une authentique tendresse humaine.


4:41
1394

Un rationalisme
:889

Le structuralisme est un rationalisme dans la mesure où il cherche à définir les


1045

structures rationnelles qui président à toutes les activités humaines. Toutefois, il


s’intéresse moins au sens qu’aux structures inconscientes qui portent ce sens.
1064

Depuis les années 1970, les questions du sens retrouvent leur crédit ; le
ity:21

structuralisme quant à lui continue à donner des outils pour parvenir à ce sens.
nc
Aiva
com:
rvox.
la
scho
univ.
Chapitre 9
La pensée spiritualiste

Le XXe siècle ne se réduit pas au matérialisme, à l’absurde et à la


déréliction, ce sentiment d’être abandonné, esseulé. Des penseurs
continuent à défendre la primauté de l’esprit sur la matière, ainsi que
la prééminence des valeurs morales. Certains fondent leurs
convictions sur leur foi en Dieu, une foi qui n’a plus rien de 41
6
8465

traditionnel.
:168
.112

Bergson
.210
.250

Une carrière brillante


4:41
1394

Henri Bergson (1859-1941) est successivement professeur à l’ENS, titulaire de la


chaire de philosophie grecque au Collège de France, élu à l’Académie des
:889

sciences morales et politiques puis à l’Académie française, couronné par le prix


1045

Nobel de littérature. Il mène des missions diplomatiques importantes auprès de


Wilson, le président des États-Unis. Il collabore à la création de la Société des
1064

Nations. Parmi d’autres œuvres, il écrit quatre ouvrages importants : Essai sur les
ity:21

données immédiates de la conscience (1889), Matière et Mémoire (1896),


L’Évolution créatrice (1907), Les Deux sources de la morale et de la religion
nc
Aiva

(1932).
com:

Quelques oppositions fondamentales


rvox.
la
scho
univ.
Le temps et la durée. Le temps, celui des horloges, est quantitatif, mesurable. Il
est essentiel pour gérer la vie quotidienne. Mais il est superficiel. La durée est
tout autre, elle est qualitative, intérieure. Elle est vécue par la conscience. La vie
profonde de l’homme se déroule dans la durée, et non dans le temps.
L’intelligence et l’intuition. L’intelligence s’exerce sur la matière : l’homme,
« homo faber », invente des outils pour améliorer ses conditions de vie.
L’intuition est d’une autre nature. Elle est un mouvement de l’esprit grâce auquel
l’homme s’approprie le monde, sort de lui pour fusionner avec une réalité
extérieure. Elle fait de l’homme un être spirituel. L’intelligence « ex-plique », de
l’extérieur ; l’intuition « com-prend », de l’intérieur.
La science et la philosophie. La science s’inscrit dans l’ordre du temps et de
l’intelligence ; elle accroît notre pouvoir sur la nature, et satisfait nos besoins
matériels. La philosophie s’inscrit dans l’ordre de la durée et de l’intuition ; elle
communie avec la nature, ou avec autrui, pour fusionner avec la fluidité et la
continuité de tout ce qui vit et dure.
41
6
8465

Une conception dynamique de la liberté


:168

Le refus des conceptions classiques de la liberté. La liberté est souvent définie


comme le choix entre des options connues, qui préexistent, ce qui la limite. En
.112

outre, l’option retenue n’est jamais connue avec certitude.


.210

La liberté est une création. L’acte vraiment libre ne consiste pas à choisir entre
.250

le bien et le mal, des données préexistantes. Il est une création qui émane des
4:41

forces profondes de la personne. Bergson est ici proche de Nietzsche.


1394

Une nouvelle conception de la mémoire


:889

La mémoire « motrice ». Produite par l’intelligence, elle est utilisée lors des
1045

études. Par l’habitude, la répétition, des liens se fixent dans le cerveau.


1064

La mémoire pure. Elle relève de l’esprit, de l’intuition. Des images se gravent


ity:21

dans la mémoire, sans le vouloir, et ressurgissent spontanément. Le souvenir du


cadre dans lequel on a appris un poème réapparaît par exemple, alors qu’on a
nc

totalement oublié le texte.


Aiva

L’oubli n’est qu’apparent. L’intelligence « oublie », pour rendre possible


com:

l’assimilation d’autres connaissances. À l’inverse, rien ne s’oublie dans la


rvox.

« mémoire pure », comme l’atteste le rêve nocturne : des images du passé,


la
scho
univ.
considérées comme disparues, réapparaissent.
Proust, parent de Bergson, reprend cette idée. Dans À la recherche du temps
perdu, il distingue la mémoire volontaire, rationnelle, de la mémoire
involontaire ; cette dernière, supérieure à la raison, est le moteur de la création
artistique.

L’élan vital
L’élan vital est une énergie créatrice indépendante de l’homme. Pur dynamisme
spirituel, il organise la matière pour engendrer des espèces de plus en plus
affranchies de cette matière : « Les choses se passent comme si un immense
courant de conscience […] avait traversé la matière pour l’entraîner à
l’organisation et pour faire d’elle […] un instrument de liberté ».

Les deux formes de la morale et de la religion


41
Les formes inférieures. La morale « close » est conformiste : elle est constituée
6
8465

de règles qui rendent possible la vie sociale. La religion « statique » diffuse des
dogmes, telle la foi en la vie éternelle, qui rassurent.
:168

Les formes supérieures. La morale « ouverte » attire, séduit. Elle est celle des
.112

créateurs qui osent des actes libres. La religion « dynamique » est celle des
.210

grands mystiques, comme le Christ ou François d’Assise : ils s’affranchissent de


.250

« la loi » pour vivre pleinement la spiritualité et l’amour.


4:41

Portée de la pensée de Bergson


1394

Bergson milite pour « un supplément d’âme ». Les hommes devront subordonner


:889

le développement technique matériel aux forces de l’esprit. Sa pensée est à la fois


1045

un vitalisme et un spiritualisme : l’esprit, réalité mystérieuse, s’inscrit dans une


durée créatrice et fait surgir la liberté. Il s’oppose aux matérialismes rationnels
1064

modernes. L’État français lui a rendu un hommage officiel en 1967 par une plaque
ity:21

fixée sur un pilier du Panthéon : « À Henri Bergson, philosophe dont l’œuvre et


la vie ont honoré la France et la pensée humaine ».
nc
Aiva
com:

Mounier et le personnalisme
rvox.
la
scho
univ.
Un croyant engagé
Emmanuel Mounier (1905-1950) fonde, en 1932, la revue Esprit, qu’il dirige
jusqu’à sa mort. Catholique, il pense que la crise économique de 1929 est le
symptôme d’une crise spirituelle et métaphysique. Il fait de sa revue un espace
pour les débats intellectuels et un instrument de combat politique en vue de
rénover la culture occidentale. Entre autres, il publie Le Personnalisme (1949).

La critique de la société occidentale


Une critique du catholicisme bourgeois. Catholique convaincu, Mounier n’en est
pas moins virulent à l’encontre du catholicisme de son époque. Il l’accuse d’avoir
été récupéré par la bourgeoisie et d’en avoir intégré les valeurs, de s’être coupé
des démunis et d’avoir trahi « l’Évangile des pauvres ».
Une critique du marxisme. Le marxisme défend les pauvres ; mais Mounier lui
reproche son matérialisme : « Contre Marx, nous affirmons qu’il n’y a de
civilisation et de culture humaine que métaphysiquement orientées », 41
6
« métaphysiquement » s’oppose à « économiquement ».
8465
:168

Une apologie de la personne


.112

Un nouvel humanisme. L’humanisme occidental, incarné par Descartes, a réduit


.210

l’homme à une rationalité abstraite coupé des autres et de la nature. Il faut donc
.250

« refaire la Renaissance », en défendant un humanisme non pas centré sur


l’homme, mais sur la personne.
4:41

Les caractéristiques de la personne. La personne est définie par quatre


1394

caractères. Sujet, elle est dotée d’une qualité d’être à développer en toute liberté.
:889

Tournée vers les autres, elle se réalise en communauté. Accueillante, elle ne doit
pas se disperser, elle ne peut donner qu’en fonction de sa richesse intérieure.
1045

Révoltée, elle combat ce qui nie sa propre richesse et celle des autres ; elle se bat
1064

dans l’Histoire… sans s’y laisser absorber.


ity:21

Portée du personnalisme
nc
Aiva

Mounier est profondément chrétien, ses valeurs sont évangéliques. Esprit ouvert,
com:

il s’entoure de collaborateurs de religions différentes et d’athées qui partagent les


mêmes valeurs humaines. Il milite pour une révolution spirituelle : « La
rvox.

révolution morale sera économique ou ne sera pas. La révolution économique


la
scho
univ.
sera morale ou ne sera rien. La révolution sera spirituelle ou elle ne sera pas ».
L’équipe soudée autour de lui se bat pour la paix et contre les fascismes, contre
l’esprit de Munich, contre les totalitarismes et les colonialismes.
Les valeurs de Mounier lui valent l’hostilité virulente des catholiques de droite,
ainsi que la méfiance de la hiérarchie romaine ; mais il est un de ceux qui font
bouger le catholicisme et qui préparent le concile Vatican II. Il refuse toute
compromission philosophique avec le marxisme ; mais il partage de nombreux
combats politiques de gauche ; il représente le mouvement révolutionnaire non
marxiste des années 1930-1950.

Teilhard de Chardin

Un prêtre et un scientifique
41
Jésuite, Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) est un scientifique de réputation
6
8465

mondiale. En 1950, il intègre l’Académie des sciences. La hiérarchie catholique


lui interdit d’accepter la chaire que lui offre le Collège de France, et de publier
:168

ses ouvrages, Le Milieu divin (1927), Le Phénomène humain (1944).


.112
.210

La théorie de l’évolution
.250

Teilhard de Chardin concilie les dogmes fondamentaux du christianisme avec les


4:41

découvertes de la science. L’observation des faits prouve la validité de


l’évolutionnisme : l’histoire de la terre est orientée, elle voit le développement
1394

d’espèces de plus en plus complexes, de plus en plus « spirituelles ». L’humanité


:889

n’en est qu’à « un stade embryonnaire ». Dieu est « le point Omega », vers
1045

lequel converge toute l’évolution pour conquérir une unité d’amour et de


spiritualité.
1064
ity:21

Une nouvelle explication du mal


nc

Le mal a pour origine les dysfonctionnements d’un ordre inachevé. Le « péché


Aiva

originel » ne s’explique plus par la faute des « premiers parents » Adam et Ève ;
com:

il est une composante d’une création en devenir ; il est destiné à disparaître. Le


rvox.
la
scho
univ.
Christ n’est plus seulement « le rédempteur », il est aussi « l’évoluteur » ; il ne
porte pas uniquement les péchés du monde, mais aussi « le poids des progrès du
monde » ; la croix, signe de mort, devient « une croix signe de croissance ».

Portée de la pensée de Teilhard de Chardin


Teilhard de Chardin a conscience de l’originalité et de l’audace de son
catholicisme : « Tous ceux qui veulent dire une vérité avant son heure risquent
de se retrouver hérétiques ». Coïncident en lui la science la plus avancée et la foi
la plus mystique. Sa foi optimiste dans le progrès le situe aux antipodes du
jansénisme de Pascal, autre scientifique de renom.

Portée des spiritualismes


Ces spiritualismes montrent que la défense des valeurs traditionnelles – la liberté,
41
l’esprit, la personne, le sujet, Dieu – n’implique ni une fixation obstinée sur le
6
8465

passé, ni un refus de la modernité. En intégrant les découvertes récentes, ces


valeurs prennent une tout autre dimension. Ce courant demeure toutefois original
:168

dans un XXe siècle dominé par le matérialisme.


.112
.210
.250
4:41
1394
:889
1045
1064
ity:21
nc
Aiva
com:
rvox.
la
scho
univ.
Chapitre 10
Modernité… postmodernité

De nombreux courants du XXe siècle remettent en cause les valeurs


humanistes. Les démocraties peinent à traduire en actes les valeurs
qu’elles célèbrent, la liberté et la justice. Dans ce contexte, des
penseurs difficiles à classer apparaissent dans les années 1960 : on
les dit relevant de la « modernité », parfois même de la 41
6
8465

« postmodernité » ; on les dit aussi philosophes de la déraison. Ce


courant ne veut pas substituer une vérité à une autre. Il refuse de
:168

livrer un savoir construit ; il est critique, démystificateur ; il s’attaque


.112

avec férocité aux sociétés bourgeoises. Il imprègne le mouvement de


.210

« mai 1968 », sans qu’on puisse l’y réduire.


.250
4:41

Deleuze
1394
:889

Les cours de Gilles Deleuze (1925-1995) sont suivis avec passion. Sa rencontre,
en 1969, avec Félix Guattari (1930-1992), un psychanalyste qui a rompu avec
1045

tous les « maîtres » de la discipline, est déterminante. Ils écrivent ensemble un


1064

ouvrage retentissant, L’Anti-Œdipe (1972).


ity:21

Une célébration du désir


nc
Aiva

Le complexe d’Œdipe, central chez Freud, est tourné en dérision. Les troubles
mentaux sont dus à la société, et non à la triangulation « moi, papa, maman ». La
com:

société et ses appareils répressifs répriment les désirs qui se vivent comme des
rvox.
la
scho
univ.
manques. Or, le désir n’est pas un manque. Il est une volonté de puissance, qui,
comme chez Nietzsche, fait de l’homme un créateur.

Une nouvelle conception de la philosophie


La philosophie n’est ni la contemplation, ni la réflexion ; Pour Deleuze, « Créer
des concepts toujours nouveaux, c’est l’objet de la philosophie ». Nietzsche, qui
fait de la connaissance une création, est ici encore la référence. Le philosophe
doit, avec le plus grand soin, « éviter de nouveaux dogmes » qui paralysent. « Ne
plantez pas, piquez ! » : la philosophie se fait exhortation à la critique et à la
libre créativité de la pensée. La société capitaliste, les normes bourgeoises
notamment, sont attaquées très violemment.

Foucault
41
6
8465

Une figure de l’intelligentsia française


:168

Michel Foucault (1926-1984) est nommé au Collège de France en 1970. Ses cours
sont de véritables événements. Ses engagements politiques sont multiples, tant sur
.112

les questions françaises qu’internationales. Dans les années 1980 sa renommée est
.210

internationale. Outre L’Archéologie du savoir (1969), et Histoire de la sexualité


.250

(inachevée, trois tomes, de 1976 à 1984), trois œuvres sont devenues des
références, Histoire de la folie à l’âge classique (1961), Surveiller et Punir,
4:41

naissance de la prison (1975), Les Mots et les Choses (1966).


1394
:889

Histoire de la folie à l’âge classique


1045

« Le grand renfermement » du XVIIe siècle. Pendant des siècles, le fou est


1064

intégré à la société, comme l’attestent « le fou du roi » ou les différentes


« journées des fous ». Le changement du traitement de la folie se situe au milieu
ity:21

du XVIIe siècle. La déraison est alors considérée comme un vice dangereux pour
nc

la société, laquelle doit s’en protéger. Le fou est séquestré par crainte de
Aiva

contamination, pour être puni et corrigé.


com:

La création de « l’asile » au XVIIIe siècle. Dans l’asile psychiatrique, on enlève


les chaînes, on nourrit et on habille les malades. On ouvre les fenêtres… mais on
rvox.

n’enlève pas les barreaux. Jusqu’au milieu du XXe siècle, on interne le fou dans
la
scho
univ.
l’ordre et la discipline ; l’écart à la norme est sanctionné. La punition, qui va
jusqu’à la camisole de force, est le seul moyen utilisé pour apprendre aux fous à
se soumettre aux règles.
Un ouvrage accusateur. En voulant « domestiquer » la folie on s’est interdit de
la comprendre, alors même que la folie est souvent à l’origine d’une créativité
exceptionnelle, celle que révèlent Nerval, Nietzsche, Van Gogh, Artaud. La raison
est devenue un mécanisme qui produit et impose des normes.
Portée de l’ouvrage. L’œuvre de Foucault s’apparente aux travaux de
l’antipsychiatrie. Ce mouvement apparaît dans les années 1960, en France, en
Italie, et surtout en Angleterre avec Ronald Laing et David Cooper. Pour
l’antipsychiatrie, l’asile doit disparaître, les malades doivent retrouver leur
pleine citoyenneté dans une société qui leur permet d’exprimer leur créativité. Ce
sont les structures sociales, qui se reproduisent dans les structures familiales, qui,
le plus souvent sont à l’origine des troubles du comportement. Se trouve ainsi
remise en cause une société qui réprime des déviances… dont elle est elle-même
à l’origine. 8465
41
6

Surveiller et Punir, naissance de la prison


:168

Les quatre formes de punition pénale. Une société punit de quatre façons : le
.112

bannissement ; la mutilation publique, avant exécution capitale le plus souvent ; la


.210

réparation, par compensation financière ou autre ; la prison enfin.


.250

L’évolution des sanctions pénales. Au XIXe siècle, le pilori, le gibet, la roue, les
4:41

supplices en public disparaissent. Le pouvoir ne croit plus en l’exemplarité de


ces peines ; il comprend que le peuple risque de prendre le parti du supplicié
1394

dans ces spectacles de l’horreur. La punition se fait désormais dans l’ombre ; elle
:889

prive de droits, en particulier de la liberté ; elle emprisonne.


1045

Un réquisitoire contre la prison moderne. Le pouvoir prétend humaniser le


châtiment en supprimant la souffrance du corps. En réalité, il s’accapare
1064

maintenant de la totalité de la personne. Le détenu est isolé, surveillé. Cette


ity:21

surveillance permanente est une mise sous tutelle de « l’âme ».


nc

Le panoptique, modèle de prison… et de société. Jeremy Bentham (1748-


Aiva

1832), philosophe utilitariste anglais, imagine l’architecture du « panoptique »


pour les prisons. Elle est conçue pour que le détenu soit constamment surveillé
com:

sans voir qui le surveille. Ce « panoptisme », cette surveillance constante, se


rvox.

généralise dans la société. Dans les ateliers, les bureaux, les hôpitaux, les écoles,
la
scho
univ.
les pensionnats, les casernes, la disposition architecturale permet à quelques-uns
de contrôler des centaines d’individus. L’école, l’armée, l’usine, l’hôpital, mettent
en place des dispositifs de contrôle, des « micro-pouvoirs » qui ne sont pas
ressentis comme tels. Chacun est conditionné par de multiples dressages
imperceptibles, jusqu’à devenir son propre censeur.
La délinquance, outil politique. La prison n’a aucun effet de réinsertion :
comment pourrait-on initier à la liberté citoyenne en privant de liberté ? Elle crée
davantage la criminalité qu’elle ne la combat. La prison est en réalité un outil
utilisé par la bourgeoisie pour imposer ses normes ainsi que ses systèmes de
surveillance. La bourgeoisie crée dans la population une peur des « délinquants »,
de ceux qui ne respectent pas les normes ; leur enfermement est justifié : la
population est protégée. Pour ne pas aller en prison, et se croire « libre », il suffit
de respecter les normes, à l’avantage de la bourgeoisie.
Portée de l’ouvrage. Cet essai s’inscrit dans « la pensée 68 », anticonformiste,
qui remet en question toute domination, toute restriction des libertés. Il incite
également à s’interroger sur « l’alibi sécuritaire » dont certains pouvoirs sont
41
6
tentés d’abuser pour justifier une politique de restriction des libertés. L’œuvre de
8465

Foucault est une référence pour toute réflexion sur la justice pénale.
:168
.112

Les Mots et les Choses


.210

« La ressemblance ». Pendant des siècles, on pense que les choses et les êtres
.250

qui se ressemblent sont dotés des mêmes qualités : la médecine croit par exemple
que la noix guérit les maux de tête parce que sa configuration interne ressemble à
4:41

celle du cerveau. Le savoir est alors condamné à demeurer « absolument


1394

pauvre ».
:889

« La représentation ». Le XVIIe siècle voit l’avènement de la raison et de « la


1045

représentation » ; dorénavant, l’esprit ne copie plus la nature ; la raison y met de


l’ordre, elle classe les objets, les êtres, les idées ; l’homme parvient à la
1064

connaissance qu’il exprime par le langage :


ity:21

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement


nc

Et les mots pour le dire arrivent aisément ».


Aiva

Selon ces alexandrins de Boileau, la raison est première ; elle « conceptualise »,


com:

elle crée le savoir ; le langage est second, il est un outil neutre et adéquat pour
exprimer les idées.
rvox.
la
scho
univ.
L’avènement des sciences humaines. À partir du XIXe siècle les sciences
humaines se développent… et l’homme est privé de toute connaissance assurée.
Les travaux de la linguistique moderne illustrent les impasses des sciences
humaines. La linguistique découvre que la perception et l’interprétation du réel
sont modelées, structurées, par le lexique et la grammaire d’une langue. Mais ces
structures ne déterminent pas intégralement le savoir, car l’intelligence a ses
structures propres. Il existe une interaction constante entre la pensée et la langue,
difficile à analyser, qui modèle le savoir et le rend aléatoire.

Faut-il envisager la mort de l’homme ?


Telle est l’hypothèse formulée par Foucault. Cette mort est une mort morale,
métaphysique. Avec les sciences humaines, toute vérité, tout savoir sur l’homme
disparaissent : Quel est le sens de la vie ? Quel est son but ? Qu’est-ce qu’un
homme ? Ces questions restent sans réponse. Du XVIe au XVIIIe siècles, on sait
qui est l’homme et ce pour quoi il vit : Être de raison, il a vocation à comprendre
et dominer le monde. Ce savoir échappe aujourd’hui à l’homme. 41
6
8465

Ce que la philosophie et le langage ne parviennent plus à dire, la création


artistique est davantage à même de l’exprimer. La « modernité », Deleuze en
:168

particulier, s’intéresse beaucoup à l’art. Depuis que les artistes ont abandonné la
.112

« représentation », la « mimésis » – le réalisme en littérature, la figuration en


.210

peinture –, ils ont libéré leur créativité pour donner une forme à l’homme et au
.250

monde. Qu’advient-il de la philosophie ? Impuissante à synthétiser le réel, elle


interroge, elle met en question.
4:41
1394
:889

Marcuse, L’Homme unidimensionnel


1045

Juif allemand, Herbert Marcuse (1898-1979) quitte l’Allemagne et s’installe aux


1064

États-Unis dès l’arrivée au pouvoir des nazis, en 1933. Il devient citoyen des
États-Unis. Entre 1960 et 1970, ses prises de position en font l’un des
ity:21

intellectuels les plus reconnus, notamment par les mouvements de contestation


étudiante en Europe et aux États-Unis. Son ouvrage-clé, L’Homme
nc
Aiva

unidimensionnel. Essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée paraît


en 1964.
com:
rvox.
la
scho
univ.
« La société unidimensionnelle »
La « société industrielle » engendre l’uniformisation. La publicité impose une
culture exclusive de la consommation. Les structures politiques s’uniformisent :
les partis politiques et les classes sociales, autrefois opposés, ne se distinguent
plus que par des différences qui ne contestent pas les fondements de la société ; le
prolétariat a perdu toute volonté révolutionnaire. Il en est de même pour l’art
devenu objet de consommation. On pourrait croire que les mœurs se sont
émancipées, mais la sexualité libérée n’est qu’un exutoire, elle n’a rien de
révolutionnaire. Quant à la langue, elle se rabougrit en langue technique,
pragmatique. « Il ne reste qu’une seule idéologie, celle qui consiste à
reconnaître ce qui est. »

« La Pensée unidimensionnelle »
La pensée authentique est grecque, elle est incarnée par Platon. Ce dernier juge
que le monde réel n’est pas la vérité ; sa démarche est subversive car elle
41
interroge et elle conteste la validité de la réalité dans laquelle les hommes vivent.
6
8465

En revanche, l’homme technique ne pose plus la question de la valeur humaine


:168

des choses : il s’intéresse uniquement à leur fonctionnement pour en tirer un


maximum de rentabilité ; il accepte l’ordre du monde pour en tirer le plus de
.112

profit possible, un conformisme destructeur de la pensée. De plus, il parle la


.210

langue de la publicité et des différents médias ; il ne s’exprime plus que par les
.250

clichés et les stéréotypes d’une culture uniformisée, qui nient son identité, sa vie
intime. « La pensée unidimensionnelle » n’est qu’absence de pensée.
4:41
1394

« Perspectives d’un changement historique »


:889

Deux changements sont envisageables. D’une part, l’homme doit utiliser la


1045

technique moderne à son avantage ; l’informatique et la cybernétique donnent la


possibilité de créer une véritable civilisation des loisirs, de la liberté. D’autre
1064

part, une révolution des mœurs s’impose : l’homme travaille pour des biens sans
ity:21

cesse renouvelés, artificiels, illusoires. Il faut arrêter cette course folle, qui n’a
pas de signification humaine, pour que l’homme puisse devenir un authentique
nc
Aiva

créateur. Mais pourra-t-on réduire au silence la publicité et les médias pour que
la culture technique laisse place à l’originalité individuelle ? Le seul espoir vient
com:

peut-être de ceux qui sont en dehors du système technique, des exclus, des parias ;
rvox.

c’est peut-être par eux que pourra se réaliser une révolution majeure de la société.
la
scho
univ.
Portée de l’ouvrage
Cet essai assure à Marcuse un succès international ; il en fait un maître à penser
de la gauche américaine. La jeunesse, celle de 1968 en France, celle de
Woodstock en 1969 aux États-Unis, se retrouve dans la critique d’une société qui
repose sur le conformisme des masses et qui ignore toute contestation sociale. De
nombreuses questions demeurent toutefois. Comment la même technique peut-elle
être source d’aliénation dans la société industrielle critiquée, et de libération dans
celle défendue ? Faut-il envisager une « croissance zéro » pour limiter la
consommation, alors que cette stagnation s’avère illusoire pour la plupart des
économistes ? Comment la même raison peut-elle engendrer une culture technique
uniforme inhumaine, et une philosophie critique de la liberté ?

41
6
8465
:168
.112
.210
.250
4:41
1394
:889
1045
1064
ity:21
nc
Aiva
com:
rvox.
la
scho
univ.
Chapitre 11
La « Nouvelle Philosophie »

Gilles Lipovetsky, dans L’Empire de l’éphémère (1987), remet en


cause un impérialisme qui caractérise la fin du XXe siècle : le
« nouveau » qui « apparaît comme l’impératif catégorique de la
production et du marketing ». Cet « impératif catégorique » semble
également concerner toute la création culturelle puisqu’on voit 41
6
8465

apparaître, dans la seconde moitié du XXe siècle, les appellations


« Nouveau Roman », « Nouveau Théâtre ». Bernard-Henry Lévy
:168

lance l’expression « la Nouvelle Philosophie » dans la revue « les


.112

Nouvelles littéraires ». La « Nouvelle Philosophie » n’est pas une


.210

« école », avec une doctrine et un leader ; les penseurs qui s’y


reconnaissent travaillent en totale indépendance. Ils présentent
.250

toutefois des caractéristiques communes : leur pensée se nourrit


4:41

davantage de celles de Camus et Aron que de celles de Marx et


1394

Sartre.
:889
1045

Les caractéristiques communes


1064
ity:21

Une démystification de la révolution politique


nc
Aiva

La critique du totalitarisme. Les « nouveaux philosophes » combattent les


totalitarismes. Comme les fascismes se sont écroulés, ils s’attaquent surtout aux
com:

totalitarismes de gauche.
rvox.
la
scho
univ.
La démythification de la « Révolution ». « Mai 68 » s’avère une révolution
avortée ; la volonté de changer la société se termine par des élections qui sont une
apothéose pour la droite. Au nom de quoi faire la révolution à la fin du
XXe siècle ? Les révolutions ont détruit un pouvoir en place pour le remplacer par
un joug plus contraignant encore. Les régimes de L’URSS, de la Chine, du
Vietnam, du Cambodge, illustrent les impasses de la révolution.

Un retour de l’humanisme
La défense des valeurs démocratiques. La faillite des idéologies politiques
extrémistes confère une légitimité aux valeurs démocratiques. L’individu retrouve
une place centrale maintenant que les idéaux collectifs et communautaires sont
discrédités. Les problèmes concrets des hommes qui souffrent doivent être traités
dans l’immédiat : on ne peut plus se réfugier derrière l’alibi d’une Histoire à
construire qui demanderait des sacrifices et de la patience.
La défense des valeurs de l’esprit. Des structures politiques adéquates ne
41
suffisent pas à la réalisation de l’homme. Celui-ci est également un esprit, et il
6
8465

doit s’épanouir en tant que tel. La « Nouvelle Philosophie » milite pour les
valeurs de l’esprit, universelles.
:168
.112
.210

Quelques « nouveaux philosophes »


.250

Avec Bernard-Henry Lévy, André Glucksmann est un des représentants les plus
4:41

notoires de la « nouvelle philosophie » qui commence à s’exprimer à partir de


1394

1975. Il faut leur ajouter Alain Finkielkraut qui n’est vraiment reconnu qu’à partir
de 1987. La présentation d’un essai majeur de chacun de ces trois philosophes
:889

donne une idée de l’enjeu de ce courant.


1045
1064

Lévy, La Barbarie à visage humain


ity:21

En 1977, l’émission de télévision « Apostrophes » présente Bernard-Henry Lévy


(né en 1948) aux côtés d’André Glucksmann comme un « nouveau philosophe ».
nc
Aiva

Connu sous le sigle BHL, il part en 1971 pour le Bengladesh, durant la guerre de
libération, et il en revient avec ce premier livre paru en 1977. La barbarie qui se
com:

dissimule sous un « visage humain », lequel s’avère un masque, est celle des
rvox.

totalitarismes qui prétendent faire le bonheur de l’humanité.


la
scho
univ.
Une analyse du pouvoir totalitaire
Une démystification de la révolution. Tout pouvoir politique veut perdurer.
Seules les structures politiques qui organisent des contre-pouvoirs, les
démocraties, sont capables de juguler l’absolutisme inhérent au pouvoir politique.
Mais les révolutions, quand elles s’imposent, refusent les contre-pouvoirs.
Une démystification de l’Histoire. Tous les totalitarismes reposent sur une
« Histoire » à édifier, ou celle d’une race, ou celle de l’humanité. Or, toute
philosophie de l’Histoire, en définissant un but précis à atteindre, conduit au
totalitarisme. L’Histoire doit donc redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser
d’être, une mémoire collective. Certes, les responsables politiques font
l’Histoire, mais ils ne suivent pas une route tracée à l’avance.
Une négation de l’individu. Tout pouvoir totalitaire nie l’individu. Dans un
système totalitaire, la propagande est officielle : Goebbels est le ministre de
l’Information et de la Propagande d’Hitler ; le jdanovisme, ou réalisme socialiste,
contrôle toutes les productions intellectuelles soviétiques. Cette propagande
41
politique élimine toute liberté de pensée et d’expression. Le pouvoir infantilise
6
8465

l’individu qui vit soumis à la loi et au discours du maître, et qui disparaît dans les
grandes manifestations de masse.
:168
.112

Le fanatisme au nom de la « cause »


.210

Le goulag inhérent au marxisme. Marx présente sa philosophie politique comme


« scientifique » ; elle ne peut donc être contestée. Quiconque la conteste
.250

représente un danger pour le bien commun : il doit être banni. « Il n’y a pas de
4:41

socialisme sans camps […] sans sa vérité terroriste. »


1394

Le totalitarisme, une nouvelle religion. Comme la religion, le totalitarisme


prêche l’obéissance et la résignation, promet le paradis pour demain, met en place
:889

son Inquisition, décrète ses dogmes infaillibles. L’État totalitaire, « ce n’est pas
1045

l’État sans religion, c’est la religion de l’État. »


1064

Un rôle nouveau pour l’intellectuel


ity:21

Le refus de servir un parti politique. L’intellectuel ne peut plus être le militant


nc

d’un parti politique, parce qu’un tel militantisme suppose un engagement total à
Aiva

une cause qui supprime toute liberté d’esprit. Il doit résister aux appels qu’on ne
com:

manquera pas de lui lancer.


rvox.
la
scho
univ.
La défense de valeurs humanistes. Confronté à l’oppression politique,
l’intellectuel oppose et défend les valeurs de l’esprit et de l’homme. Il est plus
proche de l’homme révolté de Camus que fidèle compagnon du marxisme.

Portée de l’ouvrage
En assimilant les fascismes au marxisme, Bernard-Henri Lévy procède à des
raccourcis qui lui sont régulièrement reprochés. En 1977, l’URSS paraît encore
toute-puissante ; les thèses de BHL sont vigoureusement attaquées par la gauche
politique qui l’accuse de déviances droitières. On salue toutefois la pertinence de
ses analyses des mécanismes et des mensonges totalitaires.

Glucksmann, Les Maîtres penseurs


André Glucksmann (1937-2015) militant maoïste, accuse la France en 1972 d’être
« une dictature fasciste ». Il évolue vers un atlantisme qui combat le totalitarisme
et défend les droits de l’homme. En 2003, il soutient l’intervention américaine en
41
Irak. En 2007, il soutient Nicolas Sarkozy. Son « évolution » politique est
6
8465

régulièrement mise en avant par ses détracteurs. Dans cet essai très polémique,
paru en 1977, il se livre à une critique acerbe des totalitarismes de droite et de
:168

gauche qui s’enracinent dans la philosophie du XIXe siècle.


.112

Le savoir, alibi du pouvoir


.210

Le savoir comme légitimation du pouvoir. Un pouvoir totalitaire a recours au


.250

savoir pour assurer son pouvoir. Catherine II prend près d’elle Diderot,
4:41

Frédéric II Voltaire. Les révolutionnaires de 93 se réfèrent à Du contrat social de


1394

Rousseau. Les communistes en appellent au Manifeste du parti communiste de


Marx. Le pouvoir peut même produire son propre texte comme le Petit Livre
:889

rouge de Mao. Le savoir trahit alors sa vocation : au lieu d’être un instrument de


1045

libération, il en est un d’asservissement.


1064

Une mise en accusation de la philosophie. Les philosophies du XIXe siècle, qui


prétendent détenir la vérité ultime sur l’homme et sur l’Histoire, s’avèrent édifier
ity:21

les fondements du totalitarisme. Nietzsche lui-même est dangereux lorsqu’il


nc

méprise les « faibles » et admire les « forts ».


Aiva

Une démystification de la liberté politique


com:

Au nom du savoir, de la vérité qu’il détient, le pouvoir issu de maîtres-penseurs


rvox.

annihile toute liberté pour le peuple.


la
scho
univ.
Un mensonge éhonté. « Rares, à notre époque, les pouvoirs qui se privent
d’affirmer “vous êtes libres”. Mais cette liberté est celle-ci : “tu es libre si tu
m’obéis” ». D’un côté, le pouvoir proclame la liberté, de l’autre, il impose au
peuple des lois qui encadrent cette même liberté, ce qui revient à dire : « Donne-
moi ta liberté, je te ferai plus libre ». La liberté à peine proclamée, le pouvoir en
fixe les limites : « Obéis à ma loi, c’est pour ton bien ».
Une négation du passé significative. « Du passé faisons table rase » : cette
formule de L’Internationale prive le peuple de la connaissance de son passé. Or,
un peuple qui ne connaît rien de son passé perd son identité et sa lucidité.
Comment évaluer l’intérêt d’une révolution à mener dans le présent pour préparer
le futur si toute référence au passé est devenue impossible ?
Une négation de l’individu. Ce n’est jamais l’individu qui se libère, mais on lui
impose un mode de libération. Les individus sont réduits au statut d’éléments, tous
identiques, d’un ensemble.

Portée de l’ouvrage 41
6
Cet essai connaît un grand succès de librairie. Il demeure une référence pour
8465

l’étude de la duplicité des discours révolutionnaires, mais il vaut à Glucksmann


:168

l’inimitié de la gauche. Pour ses détracteurs, il fait partie de « ceux qui sont
.112

passés du col Mao au Rotary », selon les mots de Guy Hocquenghem.


.210

Finkielkraut, La Défaite de la pensée


.250
4:41

Alain Finkielkraut (né en 1949) est marqué par l’œuvre d’Hannah Arendt. Le
succès de La Défaite de la pensée, paru en 1987, le fait connaître du grand
1394

public. Dans cet essai polémique, le mot « pensée » désigne la « raison », la


:889

faculté critique universelle célébrée au XVIIIe siècle, instrument de lucidité et de


liberté.
1045
1064

« L’enracinement de l’esprit »
ity:21

Le romantisme politique porte un coup sévère à la « pensée » : en enracinant la


culture dans un passé qui est propre à un peuple, le romantisme allemand détruit
nc

toute possibilité de se référer à des valeurs universelles. Ce romantisme se


Aiva

retrouve dans le tiers-mondisme qui se développe au XXe siècle.


com:

« La trahison généreuse »
rvox.
la
scho
univ.
L’époque actuelle est « généreuse » dans la mesure où elle invite au respect des
différences. Toutefois, la relativité culturelle se révèle ambiguë : elle est louable
parce qu’elle invite à la tolérance ; mais, en survalorisant les différences, elle fait
de la différence une sorte de valeur absolue qui devient un vecteur de
nationalisme et qui invite davantage à la guerre qu’à la paix. L’action de
L’UNESCO est également ambiguë. Certes, elle milite pour la paix universelle.
Mais elle voue un culte aux différences, et elle défend une culture fondée
davantage sur les origines que sur l’avenir à construire. Elle conduit ainsi au repli
frileux sur une identité à préserver, et elle interdit tout universalisme.

« Vers une société pluriculturelle »


Le refus d’un art qui puisse être universel conduit à nier « la » culture au profit
« des » cultures, et à classer les grands créateurs comme Proust ou Cervantès, non
pas dans un patrimoine de l’humanité, mais dans un simple particularisme
folklorique. L’absence de normes universelles conduit à légitimer toutes les
manifestations dites « culturelles ». En outre, survaloriser la tradition peut
41
cautionner des pratiques pourtant barbares : les droits modernes ont été conquis
6
8465

contre la tradition, en brisant les jougs traditionnels.


:168

« Nous sommes le monde, nous sommes les enfants »


.112

Ce refrain est celui d’une chanson pour l’Éthiopie célèbre à l’époque de la sortie
.210

du livre. Le culte voué au « jeune », jusqu’à réduire « le monde » aux « enfants »


.250

dans « une société enfin devenue adolescente », est significatif : il exprime le


refus d’un savoir construit, élaboré. Or, les philosophes des Lumières disent
4:41

judicieusement que la liberté est interdite à l’ignorant.


1394

L’essai se termine par une postface sarcastique : « La vie avec la pensée cède
:889

doucement la place au face-à-face terrible et dérisoire du fanatique et du


zombie ».
1045
1064

Portée de l’ouvrage
ity:21

Cet essai fait l’apologie des valeurs humanistes universelles fondées sur la
raison. La volonté polémique de l’auteur, qu’on peut comprendre, élude une
nc

question fondamentale. L’identité culturelle est un acquis aujourd’hui, les droits


Aiva

de l’homme sont reconnus par la plupart. L’humanité doit donc résoudre le


com:

problème politique du fédéralisme : comment concilier les particularismes


rvox.

identitaires et l’universalité d’un monde unifié ?


la
scho
univ.
Portée de la « nouvelle philosophie »
Les « nouveaux philosophes » dénoncent des totalitarismes qui, au XXe siècle, ont
engendré des monstruosités nouvelles : les univers concentrationnaires et les
génocides. Jamais encore l’État totalitaire n’avait montré une telle puissance
d’anéantissement des individus. Ils pensent que ni l’homme ni la société ne
peuvent être parfaits, que le problème du mal se posera toujours. Mais ils se
battent pour l’homme et pour ses droits, pour un monde moins injuste, moins cruel.
Ils font aussi un grand usage des médias, ce qui leur vaut d’être connus du grand
public, et d’être la cible de ceux qui leur reprochent d’entretenir d’abord leur
notoriété. On leur reproche aussi de se comporter comme des girouettes dans les
soutiens qu’ils accordent aux responsables politiques, et de se compromettre avec
la droite.

41
6
8465
:168
.112
.210
.250
4:41
1394
:889
1045
1064
ity:21
nc
Aiva
com:
rvox.
la
scho
univ.
Chapitre 12
La conscience écologique

Le mot « écologie » est inventé en 1866 par Ernst Haeckel, un


biologiste allemand. Du grec « oikos », la maison, et « logos », la
science, l’écologie est une science ; elle est d’ailleurs définie comme
telle par son créateur : « La science des relations des organismes
avec le monde environnant, c’est-à-dire, dans un sens large, la 41
6
8465

science des conditions d’existence ». Science biologique, l’écologie,


à l’origine, n’a rien d’une morale. Mais l’homme n’est pas régi par la
:168

seule détermination biologique. Doté de raison, il décide de choix qui


.112

ont des conséquences sur le milieu, les autres êtres vivants… et sur
.210

lui-même au point que la question de sa survie peut se poser.


Évoquer des « choix », c’est affirmer une liberté et une responsabilité
.250

qui justifient le mot « conscience ».


4:41
1394
:889

Une révolution culturelle


1045

Depuis la pensée grecque, deux grands courants s’opposent dans les relations de
1064

l’homme à la nature.
ity:21

L’homme dépendant de la nature


nc
Aiva

La mythologie gréco-romaine. Les mythes antiques divinisent la nature. Par


exemple, Gaïa chez les Grecs, Cybèle chez les Romains, est la déesse de la Terre,
com:

puissance de vie ; elle est vénérée comme « Grande Mère », « Grande Déesse »,
rvox.
la
scho
univ.
« Mère des dieux ». Ces hommes divinisent la nature et lui rendent un culte ; ils
ont conscience qu’ils dépendent d’elle pour vivre.
Le romantisme. Les romantiques, au XIXe siècle, vouent le même culte à une
nature qui est également chantée comme une mère ; Lamartine, par exemple, dans
« le Vallon », extrait des Méditations poétiques (1820), écrit ce quatrain :
« Mais la nature est là qui t’invite et qui t’aime ;
Plonge-toi dans son sein qu’elle t’ouvre toujours :
Quand tout change pour toi, la nature est la même,
Et le même soleil se lève sur tes jours ».
À l’opposé de l’homme soumis aux aléas du temps, la nature est vénérée parce
qu’elle représente une puissance de vie éternelle.
Le naturalisme philosophique. La philosophie naturaliste, celle des Grecs,
comme celle de l’humanisme de la Renaissance et des Lumières, fait de l’ordre
naturel la référence morale pour l’homme. En suivant les lois inscrites dans la
nature l’homme trouve son plein épanouissement. 41
6
8465
:168

L’homme dominateur de la nature


.112

La justification religieuse judéo-chrétienne. Le livre de « la Genèse » dans la


Bible confère une supériorité à l’homme sur les plantes et les animaux. L’homme a
.210

une mission : « dominer » les animaux, « soumettre » la terre.


.250

La justification philosophique cartésienne. En définissant « les hommes, comme


4:41

maîtres et possesseurs de la nature »1, Descartes distingue l’homme de toutes les


1394

composantes, de tous les êtres de la nature ; comme Bacon, il lui accorde les
pleins pouvoirs sur eux.
:889

L’impérialisme de la culture technique et industrielle. À partir du XVIIIe siècle,


1045

l’homme occidental exploite, pille, transforme la nature à son profit, sans jamais
1064

se poser la question du bien-fondé du pouvoir qu’il s’est octroyé. À mesure que


les machines se développent et se complexifient, l’homme vit de plus en plus dans
ity:21

une culture technique qui lui impose ses propres lois et lui fait oublier celles de la
nc

nature. Il faut une succession de catastrophes spectaculaires pour que l’homme


Aiva

technique occidental se réveille d’un aveuglement de trois siècles et qu’il


commence à s’interroger sur ses choix.
com:
rvox.
la
scho
univ.
Des catastrophes qui invitent à la lucidité
Les marées noires. Le 18 mars 1967, le « Torrey Canyon », un pétrolier,
s’échoue sur les côtes de Bretagne. Entre 1992 et 1999, 77 pétroliers se perdent
en mer. Certes, la pollution par les dégazages est plus importante que celle des
échouages, et elle pose des problèmes moraux bien plus graves puisqu’elle est
volontaire ; mais la pollution de plages sur lesquelles les hommes vivent, plages
qui représentent la liberté et les vacances, marque les imaginations et invite à la
réflexion
La pollution du Rhin. Le 23 juin 1969, un tonneau de 500 litres d’insecticide
tombe dans le Rhin. La pollution sur plus de 600 km fait mourir vingt millions de
poissons. Cette catastrophe retient l’attention parce que la lutte contre la pollution
du Rhin est à cette époque un enjeu international.
Seveso. Le 10 juillet 1976, un nuage polluant contenant de la dioxine s’échappe
d’une usine en Italie et touche quatre communes dont Seveso. Quelques milliers
d’animaux domestiques meurent. Cet accident frappe les esprits ; on en parle
comme de « la plus grande catastrophe depuis Hiroshima ». 41
6
8465

Bhopal. Le 3 décembre 1984, l’explosion d’une usine d’insecticide en Inde fait


:168

entre 16 000 et 30 000 victimes. Malgré l’ampleur de la catastrophe, Bhopal,


pour beaucoup d’Européens, reste une catastrophe lointaine. Tchernobyl les
.112

oblige à se sentir concernés.


.210

Tchernobyl… Fukushima. Le 26 avril 1986, l’accident nucléaire le plus grave


.250

qui soit jamais survenu donne une nouvelle dimension à l’inquiétude écologique.
4:41

Tchernobyl demeure la catastrophe au bilan impossible car les morts par cancer
sont difficiles à dénombrer. Tchernobyl est la preuve que l’homme est un apprenti
1394

sorcier, incapable de gérer la puissance qu’il s’est octroyée, incapable d’évaluer


:889

et d’assumer les dégâts dont il est pourtant responsable. La fusion totale de trois
des six réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima en mars 2011, 25 ans plus
1045

tard, révèle que le risque nucléaire perdure, qu’il est toujours aussi menaçant.
1064
ity:21

Quelques ouvrages de référence


nc
Aiva
com:

Hans Jonas, Le Principe responsabilité


rvox.
la
scho
univ.
Hans Jonas (1903-1993), philosophe allemand, est surtout connu pour cet ouvrage
paru en 1979, le livre de philosophie le plus vendu en Allemagne.
Le risque de la technique moderne. Les progrès technologiques ne sont pas
nécessairement des progrès humains, comme on le croit depuis la philosophie des
Lumières. Leurs conséquences sont imprévisibles et incontrôlables à long terme.
Le pouvoir que l’homme s’est octroyé sur la vie et sur la nature apparaît effrayant.
La technique est « d’une certaine manière, devenue sauvage ». Il faut par
conséquent apprendre à la domestiquer sinon, à plus ou moins longue échéance, la
nature nous ramènera à la réalité.
Une définition nouvelle de la responsabilité. La technique moderne est à
l’origine d’une nouvelle responsabilité qui porte sur l’avenir : nous sommes
responsables du monde que nous laisserons après nous aux générations à venir. Ce
qui n’existe pas encore est contenu en puissance dans les décisions que nous
prenons au présent, nous en sommes donc redevables.
La défense d’une « heuristique de la peur ». La peur est une heuristique, une
41
voie vers la connaissance. La peur du danger doit nous apprendre quelle est la
6
8465

valeur qui est menacée par ce danger, et que nous ne connaîtrions pas sans cette
crainte. Il nous faut imaginer les maux effectifs que notre technologie risque
:168

d’imposer à l’humanité future. Cette peur délibérée, entretenue, est à la fois


.112

instructive et mobilisatrice ; elle ne paralyse pas l’action, elle la provoque au


.210

contraire.
Portée de l’ouvrage. Hans Jonas fonde le principe de précaution : si une
.250

innovation technologique risque d’engendrer plusieurs effets néfastes, il faut


4:41

décider comme si le pire pouvait se réaliser. Il lance surtout un appel à la


1394

responsabilité : l’évolution technique n’a rien d’un processus fatal ; l’humanité


actuelle est responsable de l’humanité future.
:889
1045

Serres, Le Contrat naturel


1064

Michel Serres (1930-2019), élu à l’Académie française en 1990, synthétise les


ity:21

connaissances en replaçant l’homme dans l’univers dont il est issu. L’homme doit
redécouvrir sa véritable nature en se replaçant dans l’histoire du réel. Le Contrat
nc
Aiva

naturel paraît en 1990.


Un contrat nouveau. Un contrat social, tel que Rousseau le définit, ne suffit pas
com:

pour gérer la vie des hommes. La nature fait vivre l’homme, elle doit être traitée
rvox.

comme un sujet, et non comme un objet. Par un contrat naturel, l’homme s’engage
la
scho
univ.
dans de nouveaux rapports avec la nature.
Un « contrat de symbiose ». L’homme se comporte comme un « parasite » de la
nature, « le parasite prend tout et ne donne rien ». Avec le « contrat de
symbiose », le « parasite » se meut en « symbiote » : « le symbiote admet le
droit de l’hôte ». L’homme est « l’hôte » de la nature, il est un invité et doit, à ce
titre, respecter le milieu qui le reçoit. Le slogan « Mille cultures, une nature »
fait de la nature le principe vital unique, la valeur unique.
Portée de l’ouvrage. La réflexion est centrée sur une question de droit. La nature
n’est pas un objet pour l’homme ; elle se comporte vis-à-vis de lui comme un
sujet, et, à ce titre, comme tous les sujets, elle est un sujet de droit, même si elle
est dépourvue de conscience pour cosigner le contrat.

Ferry, Le Nouvel Ordre écologique


Luc Ferry (né en 1951) obtient le prix Médicis et le prix Jean-Jacques Rousseau
pour cet essai paru en 1992. 41
6
Les trois courants de l’écologie. Trois courants écologiques justifient le sous-
8465

titre « l’arbre, l’animal et l’homme ». Le premier, français, est une écologie de


:168

l’environnement : « À travers la nature, c’est encore et toujours l’homme qu’il


.112

faut protéger ». Le deuxième, anglo-saxon et germanique, confère aux animaux, à


« tous les êtres susceptibles de plaisir et de peine », une dignité morale ; de ce
.210

fait, ils « doivent être tenus pour des sujets de droit et traités comme tels ». Le
.250

troisième, également anglo-saxon et germanique, accorde un droit à « l’arbre »,


4:41

c’est-à-dire à toute la nature, ses formes végétales, comme ses formes minérales ;
la biosphère est érigée comme la seule valeur à laquelle l’humanité doit se
1394

soumettre.
:889

« Shallow ecology » et « deep ecology ». Les universités américaines distinguent


1045

la « shallow ecology », l’écologie superficielle, « environnementaliste », de la


« deep ecology », écologie profonde, « biocentrique ». Hans Jonas et Michel
1064

Serres sont classés dans le troisième courant, biocentrique.


ity:21

Une remise en cause du droit des animaux. Peter Singer, philosophe australien
nc

(né en 1946), crée le terme « spécisme » qui dénonce la supériorité de l’être


Aiva

humain sur les animaux. Il défend le droit des animaux dans son ouvrage
Libération animale (1975). Sa thèse est dénoncée parce que les droits n’ont de
com:
rvox.
la
scho
univ.
sens que pour un être doté de raison. Évidemment, nous avons le devoir de faire
souffrir le moins possible les animaux, ce qui condamne notamment la corrida.
Mais l’animal n’est pas un être moral ; il n’a pas de « droits ».
Une condamnation de l’écologie profonde. L’écologie profonde fusionne les
« idées brunes et rouges ». « Rouges » par la critique du capitalisme et la
défense de l’autogestion ; « brunes » par l’apologie du terroir et la nostalgie
d’une pureté perdue. Elle « plonge certaines de ses racines dans le nazisme et
pousse ses branches jusque dans les sphères les plus extrêmes du gauchisme
culturel ». À l’inverse, l’écologie environnementaliste est respectueuse de la
nature humaine. La nature a doté l’homme d’une intelligence. L’homme crée, agit
sur son environnement. Pourquoi devrait-il renier sa nature ?
Portée de l’ouvrage. Cet essai, très polémique, voire provocateur à l’encontre
de l’écologie profonde, fait de Luc Ferry le défenseur d’un humanisme « à la
française » ; il se montre proche des « nouveaux philosophes », même s’il s’est
« compromis » avec le pouvoir en devenant ministre de l’Éducation.
41
6
8465

Une question politique


:168
.112

La conscience écologique concerne l’humanité comme


.210

l’individu
.250

Les questions relevant de l’écologie n’ont de véritable sens qu’à l’échelle de la


4:41

planète, ce qui risque de déresponsabiliser les individus et de décourager les


1394

initiatives locales. Or, la conscience écologique a réussi à imposer le slogan


« Think globally, act locally » : Pense à l’échelle du monde, mais agis là où tu
:889

vis. L’école en particulier intègre les questions écologiques dans ses programmes.
1045

De telles initiatives portent leurs fruits, beaucoup d’enfants ont intégré une
1064

conscience écologique, que n’ont pas toujours leurs parents, dans leurs gestes
quotidiens. Nous assistons aujourd’hui à une mutation culturelle : l’homme change
ity:21

progressivement, dans sa vie de tous les jours, son rapport à l’environnement et à


nc

la nature ; il prend conscience qu’il en va de sa survie. Des valeurs comme le


Aiva

développement durable, le commerce équitable, se développent.


com:
rvox.

Une action à l’échelle de la nation


la
scho
univ.
L’écologie politique est la seule doctrine politique occidentale vraiment nouvelle
au XXe siècle. En France, son premier représentant, René Dumont (1904-2001) se
présente aux élections présidentielles de 1974 ; son score est faible, 1,32 % des
voix, mais il initie un mouvement qui fait de l’écologie un enjeu politique. Il est le
père spirituel du parti politique des « Verts », devenu « Europe Écologie les
Verts » en 2010. Pour ce parti, le combat ne se limite pas à la préservation de la
nature et de l’environnement, il s’étend à la critique de la société de
consommation et il vise à instaurer un nouvel ordre international.
Depuis 1975, la législation française instaure régulièrement des mesures qui
réglementent la protection de la nature. Un Ministère de l’Écologie est créé en
1977, renommé Ministère de la transition écologique et solidaire en 2017. La
résonance médiatique qu’on a donnée au « Grenelle de l’environnement » de 2007
montre que l’écologie est devenue une question de politique intérieure.

Une action à l’échelle internationale


41
En avril 2001, les partis « verts » de 70 pays se fédèrent en Australie, à Canberra,
6
8465

autour d’une « Charte des Verts Mondiaux ». Cette charte souligne la nécessité
d’un partenariat à l’échelle mondiale pour rendre efficace le combat écologique.
:168

Des ONG, comme WWF (World Wildlife Fund) ou Greenpeace, militent pour la
.112

protection de l’environnement.
.210

Depuis la fin du XXe siècle, des négociations internationales abordent la question


.250

de l’environnement. Rappelons-en quelques-unes. En 1968, se tient à Paris la


première conférence sur les ressources de la biosphère. En 1987, le Protocole de
4:41

Montréal, qui prévoit de limiter les gaz qui détruisent la couche d’ozone, est signé
1394

par 43 pays. En 1992, la Conférence de Rio, encore dénommée « Sommet de la


:889

planète Terre », formule une Charte de la Terre avec un programme d’action pour
le XXIe siècle appelé « Agenda 21 » qui propose une liste de 2 500
1045

recommandations ; la même année est publiée une liste rouge recensant plus de
1064

10 000 espèces vivantes menacées d’extinction. En 1997, la Conférence de


Kyoto, qui réunit 159 pays, aboutit au « Protocole de Kyoto » : il prévoit de
ity:21

réduire l’émission des gaz à effet de serre de 5,2 % par rapport à 1990, au plus
nc

tard pour 2012. Ce protocole est géré par des réunions annuelles qui se révèlent
Aiva

conflictuelles. La COP2 21, fin 2015 à Paris, aboutit à un accord salué comme une
com:

grande réussite ; il engage 195 pays à réduire leur émission de gaz à effet de
serre. Mais, en 2017, les États-Unis se retirent de cet « Accord de Paris ».
rvox.
la
scho
univ.
L’émergence d’une nouvelle culture

Une naissance dans la douleur


Les difficultés de la mise en place du « Protocole de Kyoto » et des « Accords de
Paris » révèlent les ambiguïtés de la politique écologique internationale. Ils sont
nombreux à se déclarer prêts à défendre la Planète, et la survie de l’humanité.
Dans les faits, les crispations sur les intérêts économiques à court et moyen
termes oblitèrent les visions à long terme et compromettent les actions unifiées
exigées par les impératifs écologiques.

Une ou des consciences écologiques ?


Les valeurs écologiques sont prises en compte depuis peu par le WEF, le Forum
Économique Mondial, qui réunit les pays les plus riches. Elles se retrouvent
davantage dans le FSM, Forum Social Mondial, un forum altermondialiste.
Progressivement, une nouvelle culture se profile : elle fait sienne la sagesse 41
6
8465

attribuée à Saint-Exupéry : « Nous n’héritons pas de la terre de nos parents,


nous l’empruntons à nos enfants. »
:168

Toutefois, il n’existe pas « une », mais « des » consciences écologiques, qui


.112

s’opposent et se déchirent. Comment concilier l’écologie environnementale et


.210

l’écologie biocentrique ? Ces divergences, ces conflits, nuisent à l’efficacité


.250

d’une action pour la Planète. Rappelons enfin que les équilibres naturels sont ceux
des espèces, et non des individus ; pour ces derniers la loi naturelle qui régit leur
4:41

survie se réduit à l’alternative : « Manger / Être mangé ». Gardons-nous de faire


1394

de la nature la référence ultime.


:889
1045

1. Voir partie IV, chapitre 3.


1064

2. Conference Of the Parties (de la Convention-cadre des Nations-Unies).


ity:21
nc
Aiva
com:
rvox.
la
scho
univ.
Table des œuvres

PLATON, « La Cité idéale », in La République


ARISTOTE, Politiques
Saint AUGUSTIN, Confessions
Saint AUGUSTIN, La Cité de Dieu
Saint THOMAS D’AQUIN, Somme théologique
41
WEBER, L’Éthique protestante et la naissance du capitalisme
6
8465

MONTAIGNE, Essais
:168

MACHIAVEL, Le Prince
.112

LA BOÉTIE, Discours de la servitude volontaire


.210

ÉRASME, Éloge de la folie


MORE, Utopie
.250

CAMPANELLA, La Cité du soleil


4:41

HUXLEY, Le Meilleur des mondes


1394

ORWELL, La Ferme des animaux


:889

ORWELL, 1984
1045

HOUELLEBECQ, La Possibilité d’une île


1064

SHAKESPEARE, Hamlet
CERVANTÈS, Don Quichotte
ity:21

CALDERÓN, La vie est un songe


nc

JANSÉNIUS, Augustinus
Aiva

GOLDMANN, Le Dieu caché


com:

MOLIÈRE, Dom Juan


rvox.

CYRANO DE BERGERAC, Les États et Empires de la Lune


la
scho
univ.
CYRANO DE BERGERAC, Les États et Empires du Soleil
FONTENELLE, Histoire des oracles
BAYLE, Dictionnaire historique et critique
HAZARD, La Crise de la conscience européenne : 1680-1715
DESCARTES, Discours de la méthode
DESCARTES, Méditations métaphysiques
DESCARTES, Les Passions de l’âme
SPINOZA, L’Éthique
LEIBNIZ, La Monadologie
LEIBNIZ, La Théodicée
PASCAL, Pensées
BACON, Novum Organum
HOBBES, Le Léviathan
LOCKE, Essai sur l’entendement humain
41
6
LOCKE, Lettre sur la tolérance
8465

LOCKE, Traités du gouvernement civil


:168

MONTESQUIEU, Lettres persanes


.112

MONTESQUIEU, De l’esprit des lois


.210

VOLTAIRE, Candide
.250

DIDEROT, Le Rêve de d’Alembert


DIDEROT, Le Neveu de Rameau
4:41

DIDEROT, Supplément au voyage de Bougainville


1394

DIDEROT, Jacques le fataliste


:889

ROUSSEAU, Discours sur les sciences et les arts


1045

ROUSSEAU, Discours sur l’origine de l’inégalité


1064

ROUSSEAU, Lettre à d’Alembert sur les spectacles


ROUSSEAU, La Nouvelle Héloïse
ity:21

ROUSSEAU, Émile ou de l’éducation


nc

ROUSSEAU, Confessions
Aiva

ROUSSEAU, Rousseau juge de Jean-Jacques


com:

ROUSSEAU, Rêveries du promeneur solitaire


rvox.

L’ENCYCLOPÉDIE
la
scho
univ.
CONDORCET, Esquisse d’un tableau historique des progrès humains
SIEYÈS, Qu’est-ce que le tiers état ?
ROUSSEAU, Du contrat social, 1762
KANT, Idée d’une histoire d’un point de vue cosmopolitique
KANT, Projet de paix perpétuelle
GOETHE, Les Souffrances du jeune Werther
FICHTE, Discours à la nation allemande
GRIMM, Contes de l’enfance et du foyer
MICHELET, Histoire de France
HEGEL, La Raison dans l’Histoire
FEUERBACH, L’Essence du christianisme
BAKOUNINE, Dieu et l’État
STIRNER, L’Unique et sa propriété
SCHOPENHAUER, Le Monde comme volonté et comme représentation
41
6
GOBINEAU, Essai sur l’inégalité des races humaines
8465

CHAMBERLAIN, Fondements du XIXe siècle


:168

RENAN, Qu’est-ce qu’une nation ?


.112

BARRÈS, Les Déracinés


.210

MAURRAS, Mes Idées politiques


.250

TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique


FREUD, Psychopathologie de la vie quotidienne
4:41

FREUD, L’Avenir d’une illusion


1394

FREUD, Le Malaise dans la civilisation


:889

LE BON, Psychologie des foules


1045

HEIDEGGER, La Question de la technique


1064

ARENDT, Les Origines du totalitarisme


ARENDT, La Crise de la culture
ity:21

ARENDT, La Condition de l’homme moderne


nc

RICOEUR, La Mémoire, l’histoire, et l’oubli


Aiva

SARTRE, La Nausée
com:

SARTRE, Les Mouches


rvox.

SARTRE, Le Diable et le Bon Dieu


la
scho
univ.
SARTRE, Qu’est-ce que la littérature ?
SARTRE, Réflexions sur la question juive
SARTRE, Saint Genet, comédien et martyr
De BEAUVOIR, Le Deuxième Sexe
SARTRE, Huis Clos
ARON, Dix-huit leçons sur les sociétés industrielles
ARON, L’Opium des intellectuels
CAMUS, Le Mythe de Sisyphe
CAMUS, La Peste
CAMUS, Discours de Suède
CAMUS, L’Homme révolté
CAMUS, La Chute
MALRAUX, La Condition humaine
LÉVI-STRAUSS, Race et Histoire
41
6
LÉVI-STRAUSS, Tristes Tropiques
8465

FOUCAULT, Histoire de la folie à l’âge classique


:168

FOUCAULT, Surveiller et punir, naissance de la prison


.112

FOUCAULT, Les Mots et les Choses


.210

MARCUSE, L’Homme unidimensionnel


.250

LÉVY, La Barbarie à visage humain


GLUCKSMANN, Les Maîtres penseurs
4:41

FINKIELKRAUT, La Défaite de la pensée


1394

JONAS, Le Principe responsabilité


:889

SERRES, Le Contrat naturel


1045

FERRY, Le Nouvel Ordre écologique. L’arbre, l’animal, l’homme


1064
ity:21
nc
Aiva
com:
rvox.
la
scho
univ.
Index

Absolutisme 73, 78, 81, 85, 107, 132, 258


Absurde 96, 172, 191, 214, 227, 228, 230, 234, 245
Anarchie 27, 163, 164, 205, 225, 238
Arbitraire 45, 52, 69, 75, 94, 114, 132
Art 14, 15, 16, 23, 26, 41, 47, 57, 60, 71, 75, 76, 77, 78, 79, 93, 115, 116, 117, 118, 124, 144, 145, 146, 148, 152,
173, 201, 202, 203, 205, 209, 215, 217, 229, 233, 234, 235, 236, 254, 261
Athéisme 39, 49, 93, 109, 124, 163, 164
41
6
Autorité 21, 32, 35, 41, 45, 52, 61, 73, 78, 81, 82, 88, 89, 90, 93, 99, 101, 103, 107, 108, 131, 133, 176, 183, 187,
8465

209, 216
Barbarie 47, 57, 63, 95, 116, 134, 198, 209, 241, 258
:168

Baroque 47, 57, 79, 80


.112

Capitalisme 48, 49, 139, 144, 153, 155, 164, 222, 223, 266
Christianisme 29, 32, 33, 35, 36, 39, 56, 84, 117, 127, 133, 151, 157, 158, 164, 173, 196, 197, 235, 247, 248
.210

Citoyen 23, 24, 57, 101, 131, 132, 133, 134, 184, 185, 237, 238, 254
.250

Classique 15, 33, 48, 57, 76, 77, 79, 80, 85, 87, 90, 95, 96, 115, 116, 141, 142, 145, 148, 172, 173, 252
Colonialisme 58, 234
4:41

Conservatisme 26, 57
1394

Contrat 99, 101, 108, 121, 131, 164, 168, 259, 266
Culture 5, 14, 16, 17, 27, 29, 31, 33, 35, 41, 42, 43, 55, 63, 64, 68, 71, 75, 93, 110, 111, 119, 120, 126, 141, 142,
:889

155, 168, 172, 175, 177, 193, 196, 197, 201, 209, 233, 235, 241, 242, 247, 254, 255, 260, 261, 264, 268
Démocratie 18, 19, 20, 27, 110, 114, 132, 150, 154, 174, 175, 180, 183, 184, 185, 186, 191, 238
1045

Désir 71, 91, 121, 152, 166, 194, 196, 203, 204, 205, 218, 239, 251
1064

Despotisme 17, 106, 107, 113, 114


Dialogue 17, 32, 118, 119, 171, 235
ity:21

Dieu 11, 20, 24, 31, 32, 35, 36, 37, 46, 48, 64, 67, 71, 75, 76, 80, 81, 82, 83, 84, 88, 91, 92, 93, 95, 97, 99, 100, 105,
109, 110, 111, 117, 136, 137, 142, 144, 147, 159, 163, 164, 165, 168, 169, 171, 173, 174, 177, 179, 188, 191,
nc

193, 196, 203, 208, 213, 216, 218, 228, 229, 245, 248, 249
Aiva

Dogmatisme 32, 55, 76, 119


com:

Droit 32, 35, 37, 70, 75, 76, 81, 82, 99, 101, 107, 108, 110, 115, 137, 138, 142, 147, 148, 149, 158, 164, 165, 167,
168, 191, 206, 238, 266
rvox.

Écologie 72, 263, 266, 267, 269


Éducation 47, 53, 55, 63, 69, 81, 120, 121, 132, 209, 239
la
scho
univ.
Égalité 27, 48, 70, 114, 117, 128, 160, 165, 177, 183, 184, 186
Empirisme 33, 98, 100, 125
Engagement 55, 106, 107, 144, 185, 186, 216, 217, 219, 229, 233, 259
Esclavage 17, 21, 64, 71, 114, 115, 144, 175, 183
Fanatisme 46, 109, 225, 259
Femme 16, 21, 97, 113, 158, 169, 175, 203, 204, 205, 209, 217, 218, 228, 240, 241
Gouvernement 18, 20, 21, 27, 101, 114, 132, 133, 144, 158, 164, 185, 186, 224
Guerre 18, 37, 47, 52, 71, 91, 98, 110, 116, 133, 137, 144, 201, 206, 214, 216, 227, 233, 237, 238, 258, 261
Histoire 5, 18, 39, 64, 84, 85, 128, 137, 139, 145, 147, 148, 149, 150, 151, 153, 155, 169, 171, 174, 183, 191, 211,
219, 224, 229, 233, 234, 240, 241, 242, 247, 252, 257, 258, 260
Individualisme 26, 42, 46, 49, 57, 101, 166, 168, 184, 185
Justice 19, 37, 65, 72, 82, 94, 117, 128, 137, 152, 158, 164, 185, 196, 205, 209, 216, 231, 251, 253
Liberté 5, 15, 17, 18, 19, 24, 25, 26, 33, 42, 45, 48, 52, 53, 55, 56, 57, 58, 61, 63, 64, 68, 70, 71, 78, 82, 83, 88, 90,
97, 100, 101, 103, 105, 107, 108, 109, 110, 114, 115, 117, 119, 120, 126, 127, 128, 131, 137, 139, 143, 144,
145, 146, 148, 149, 157, 163, 165, 171, 172, 177, 184, 185, 186, 205, 206, 209, 214, 215, 216, 217, 218, 221,
223, 224, 225, 230, 237, 238, 239, 246, 247, 249, 251, 253, 255, 258, 259, 260, 261, 263, 264
Lumières 37, 39, 73, 79, 84, 85, 95, 97, 103, 105, 106, 107, 108, 110, 111, 113, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121,
123, 124, 125, 127, 135, 137, 139, 141, 142, 145, 168, 210, 261, 263, 265
Matérialisme 25, 26, 109, 125, 144, 205, 208, 245, 247, 249
Monarchie 20, 28, 75, 78, 81, 90, 91, 97, 107, 113, 115, 132, 143, 167, 177, 180 41
6
8465

Morale 17, 18, 20, 24, 25, 33, 35, 46, 53, 59, 60, 64, 68, 71, 80, 81, 83, 89, 91, 94, 110, 114, 116, 117, 118, 120,
123, 136, 137, 152, 155, 165, 172, 173, 174, 177, 194, 195, 202, 204, 206, 211, 216, 229, 230, 245, 246, 248,
:168

254, 263, 266


Mythe 13, 18, 45, 70, 82, 114, 143, 145, 181, 216, 218, 223, 224
.112

Nation 36, 38, 75, 90, 129, 142, 143, 155, 157, 177, 179, 180, 181, 238, 267
.210

Nationalisme 142, 175, 177, 178, 179, 180, 234, 238, 261
Naturalisme 56, 263
.250

Obscurantisme 26, 71
4:41

Ordre 14, 16, 21, 24, 26, 28, 56, 57, 59, 69, 73, 78, 80, 82, 85, 91, 95, 99, 105, 109, 113, 128, 129, 133, 141, 143,
150, 164, 168, 169, 183, 197, 202, 224, 225, 245, 248, 252, 253, 255, 263, 267
1394

Paix 53, 64, 67, 71, 99, 110, 137, 138, 154, 248, 261
Panthéisme 82
:889

Passion 77, 93, 98, 117, 148, 172, 187, 202, 203, 219, 227, 251
1045

Pédagogie 16, 52, 55, 63, 120


Plaisir 25, 68, 69, 83, 149, 159, 194, 195, 266
1064

Progrès 13, 19, 48, 64, 70, 76, 84, 85, 106, 110, 111, 117, 120, 124, 127, 128, 137, 139, 143, 147, 148, 149, 150,
151, 155, 160, 168, 169, 172, 175, 184, 191, 196, 222, 239, 248, 249, 265
ity:21

Propriété 101, 114, 118, 120, 152, 153, 158, 160, 163, 165, 168
nc

Racisme 58, 209


Aiva

Raison 13, 17, 18, 19, 20, 21, 24, 26, 31, 33, 42, 43, 53, 56, 60, 61, 63, 67, 68, 69, 70, 77, 81, 82, 83, 84, 85, 87, 88,
90, 91, 92, 95, 100, 103, 105, 106, 107, 108, 109, 111, 114, 115, 120, 121, 123, 124, 135, 136, 137, 141, 142,
com:

147, 148, 149, 172, 189, 193, 194, 196, 198, 202, 203, 204, 209, 216, 219, 221, 237, 239, 246, 252, 253, 254,
255, 260, 261, 263, 266
rvox.

Rationalisme 13, 18, 49, 87, 88, 90, 91, 92, 105, 124, 141, 142, 173, 202, 237, 239, 243
la
scho
univ.
Relativisme 14, 21, 57
Religion 26, 32, 33, 35, 36, 38, 45, 46, 47, 57, 59, 68, 75, 76, 79, 82, 83, 90, 93, 96, 97, 105, 108, 109, 110, 113,
114, 118, 124, 125, 127, 133, 136, 142, 152, 158, 160, 163, 165, 167, 168, 169, 177, 179, 185, 196, 203, 216,
218, 223, 245, 246, 247, 259
République 27, 29, 69, 114, 117, 136, 137, 144, 164, 180
Révolution 39, 42, 49, 106, 111, 126, 135, 144, 151, 152, 154, 157, 160, 177, 193, 197, 198, 202, 204, 205, 222,
224, 230, 234, 248, 255, 257, 258, 260, 263
Romantisme 118, 122, 141, 142, 143, 145, 260, 263
Scepticisme 26, 56, 57, 85, 225
Superstition 82, 108, 133
Technique 42, 43, 124, 152, 196, 209, 247, 255, 264, 265
Tolérance 32, 57, 85, 100, 110, 117, 128, 225, 261
Totalitarisme 61, 69, 71, 78, 99, 184, 209, 224, 229, 257, 258, 259, 260
Tradition 13, 14, 26, 32, 33, 37, 42, 60, 67, 78, 85, 87, 88, 89, 90, 103, 105, 124, 128, 142, 188, 202, 203, 209, 218,
261
Transcendance 15, 82, 205, 206
Tyrannie 18, 20, 60, 61, 184
Universalisme 64, 111, 210, 261
Utopie 67, 68
41
Vérité 5, 14, 16, 17, 19, 26, 31, 32, 33, 51, 52, 55, 56, 57, 58, 67, 76, 79, 84, 90, 94, 95, 100, 105, 111, 119, 121,
6
8465

145, 164, 165, 171, 173, 207, 209, 215, 237, 249, 251, 254, 255, 259, 260
:168
.112
.210
.250
4:41
1394
:889
1045
1064
ity:21
nc
Aiva
com:
rvox.
la
scho
univ.
Table des matières

Avant-propos

Sommaire

Partie I
41
La pensée gréco-latine 6
8465
:168

Chapitre 1. Les présocratiques


.112

Une étape vers l’apothéose de la raison


.210

Le conflit Parménide-Héraclite
.250

Les sophistes
4:41

Chapitre 2. La pensée grecque classique


1394

La tragédie grecque
:889

Socrate
1045

Platon
Aristote
1064
ity:21

Chapitre 3. Les post-socratiques


Un contexte politique nouveau
nc
Aiva

Un mouvement précurseur, le cynisme


com:

Le stoïcisme
rvox.

L’épicurisme
la
scho
univ.
Le scepticisme
Portée des post-socratiques

Chapitre 4. La pensée politique latine


Les frères Gracques
Cicéron
La pensée politique dans l’Empire romain

Partie II
La pensée chrétienne au Moyen Âge
Chapitre 1. La théologie chrétienne
Saint Augustin
Abélard 8465
41
6
Saint Thomas d’Aquin
:168

Chapitre 2. Christianisme et politique


.112

La Révélation du Nouveau Testament


.210

De la persécution à l’Empire chrétien


.250

Christianisme et pouvoir politique


4:41

Christianisme et laïcité
1394

Partie III
:889

Le XVIe siècle
1045
1064

Chapitre 1. L’humanisme de la Renaissance


ity:21

Rupture, retour et continuité


nc

Les facteurs de la mutation culturelle


Aiva

Portée de la Renaissance
com:

Chapitre 2. La Réforme
rvox.
la
scho
univ.
Les causes de la Réforme
Les trois grands courants
La doctrine réformée
La « Contre-Réforme »
La guerre religieuse en France
Max Weber, L’Éthique protestante et la naissance du capitalisme
Portée de la Réforme

Chapitre 3. L’humanisme de Rabelais


Un appétit de vivre
Les caractéristiques de l’œuvre
L’idéal humaniste intellectuel
L’idéal humaniste politique
L’idéal humaniste moral 41
6
8465

Portée de l’humanisme de Rabelais


:168

Chapitre 4. L’humanisme dans les Essais de Montaigne


.112

Un « homme mêlé »
.210

L’idéal pédagogique humaniste


.250

Montaigne et la sagesse des Anciens


4:41

La sagesse humaniste
1394

Chapitre 5. La pensée politique


:889

Machiavel, Le Prince
1045

La Boétie, Discours de la servitude volontaire


1064

Chapitre 6. L’humanisme occidental


ity:21

Les caractéristiques de l’humanisme


nc

La contestation de l’humanisme au XXe siècle


Aiva

Le renouveau de l’humanisme
com:

Chapitre 7. L’utopie occidentale


rvox.
la
scho
univ.
More, L’Utopie (Utopia)
Campanella, La Cité du Soleil
Les caractéristiques de l’utopie moderne
La contre-utopie ou « dystopie » au XXe siècle

Partie IV
Le XVIIe siècle
Chapitre 1. Le classicisme
La réalisation d’une volonté politique
Un mouvement précurseur, la préciosité
L’art classique
Portée du classicisme
41
6
8465

Chapitre 2. Autour du classicisme


Le baroque
:168

Le jansénisme
.112

Les libertins
.210

La querelle des Anciens et des Modernes


.250

Deux précurseurs : Fontenelle et Bayle


4:41

Paul Hazard, La Crise de la conscience européenne : 1680-1715


1394

Chapitre 3. Descartes et le cartésianisme


:889

Le penseur « masqué »
1045

Le Discours de la méthode
1064

Les Méditations métaphysiques


ity:21

La science cartésienne et la nature


nc

La morale cartésienne
Aiva

Portée de la philosophie cartésienne


com:

Le cartésianisme au XVIIe siècle


rvox.
la
scho
univ.
Chapitre 4. Pascal, Pensées, 1670. Un « effrayant génie » ?
Le projet pascalien dans les Pensées
« Misère de l’homme »
« Grandeur de l’homme »
La portée des thèses pascaliennes

Chapitre 5. La pensée anglaise


Bacon
Hobbes et Le Léviathan
Locke

Partie V
Le XVIIIe siècle
41
6
8465

Chapitre 1. La philosophie des Lumières


Définition des « Lumières »
:168

Le philosophe, un homme engagé


.112

Le combat politique des Lumières


.210

Le combat religieux des Lumières


.250

La défense de nouvelles valeurs


4:41

Portée de la philosophie des Lumières


1394

Chapitre 2. Les philosophes majeurs des Lumières françaises


:889

Montesquieu
1045

Voltaire
1064

Diderot
ity:21

Rousseau
nc
Aiva

Chapitre 3. L’Encyclopédie
com:

Le combat d’un quart de siècle


Le combat pour des idées nouvelles
rvox.
la
scho
univ.

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