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actionnaires τs est plus compliqué à calculer.

Il dépend de la politique de
dividendes de l’entreprise et de la taxation spécifique de ces dividendes. Le
taux τs se calcule donc comme une moyenne pondérée du taux marginal
d’imposition des revenus et de celui des gains en capital.
À cela s’ajoute un autre niveau de complication : les investisseurs de
l’entreprise ne sont pas tous des individus. Il peut aussi s’agir d’autres
entreprises ou d’institutions financières qui bénéficient de régimes
d’imposition particuliers.
Ainsi, l’ajustement du taux marginal d’imposition aux effets de fiscalité
personnelle est un calcul délicat qui doit être conduit au cas par cas.
Néanmoins, pour donner une idée de l’impact numérique d’un tel
ajustement, prenons comme exemple le cas où τd se situe entre 30 % et
40 % et τs se situe entre 20 % et 30 %. Par application de la formule de
Miller (1977), nous obtenons les taux marginaux effectifs suivants (en
points de pourcentage) : 7086
Taux marginal corporatif (τc) 10 % 20 % 30 % 40 %
τd = 30 %, τs = 20 % –2,86 8,57 20 31,43
6331

τd = 30 %, τs = 30 % 10 20 30 40
.8:16

τd = 40 %, τs = 20 % –20 –6,67 6,67 20


92.3

τd = 40 %, τs = 30 % –5 6,67 18,33 30
196.

Les effets de fiscalité personnelle peuvent baisser l’avantage fiscal de la


:
3964

dette de manière significative. Certaines valeurs conduisent même à un


désavantage fiscal. Quelles que soient les valeurs de τd et de τs, on retient
8892

que le taux marginal d’imposition est une borne supérieure du véritable


045:

avantage fiscal de la dette, car le gain au niveau corporatif est (plus ou


0641

moins faiblement) diminué par la taxation défavorable des créanciers au


niveau de l’investisseur individuel.
:211

B. Coûts de faillite
ncity
:Aiva

De premières études empiriques ont mesuré les coûts de faillite


directement à partir de cas d’entreprises en procédure de réorganisation (par
x.com

exemple Weiss, 1990, Betker, 1997). Ces études ne portent que sur un faible
nombre d’observations. Qui plus est, elles ne mesurent que les coûts directs
larvo

de restructuration (frais administratifs et légaux, honoraires, etc.). Bris,


scho
univ.
Welch et Zhu (2006) offrent une étude de grande ampleur couvrant
plusieurs centaines de cas. Ils trouvent des coûts directs de faillite à peu
près similaires selon qu’il s’agit d’une réorganisation ou d’une liquidation,
soit une moyenne légèrement inférieure à 10 % de la valeur des actifs et une
médiane autour de 2 %.
L’estimation des coûts indirects de faillite, c’est-à-dire des coûts de
détresse financière, est plus ardue. Non seulement ces coûts sont
difficilement observables d’un point de vue externe à l’entreprise, mais ils
doivent en outre être distingués des coûts économiques. Ceux-ci pourraient
être substantiels puisque c’est souvent la détérioration de la performance
opérationnelle qui conduit l’entreprise à la détresse financière. Deux études
utilisent des conditions économiques bien particulières pour étudier des
entreprises se retrouvant brusquement en détresse financière, alors que leur
activité d’exploitation demeure la même. Andrade et Kaplan (1998)
examinent le cas d’entreprises ayant subi l’échec d’un rachat par effet de
levier (opération de type LBO). Leurs estimations des coûts de détresse
7086

financière se situent entre 10 % et 20 %. Taillard (2013) s’intéresse aux


entreprises redevables d’importantes réclamations au titre de poursuites
6331

relatives à l’amiante. Les coûts de détresse financière qu’il obtient ne sont


.8:16

statistiquement pas différents de zéro.


Enfin, l’étude de Reindl, Stoughton et Zechner (2017) propose d’estimer
92.3

les coûts de faillite par inférence à partir des prix observés des actions et
196.

options put cotées sur les marchés financiers. L’avantage est de travailler
:
3964

avec un large échantillon de données observables. L’inconvénient est que


l’inférence doit reposer sur un modèle de structure du capital. Ces auteurs
8892

trouvent des coûts de faillite moyens de 20 % avec de larges variations à


045:

travers les secteurs et à l’intérieur de ceux-ci. Les moyennes sectorielles de


0641

coûts de faillite varient de 0 à plus de 60 %.


Conformément à l’intuition du compromis statique, les coûts de faillite
:211

estimés par Reindl, Stoughton et Zechner (2017) diminuent avec la


ncity

tangibilité des actifs et augmentent avec le ratio de la valeur marchande sur


:Aiva

la valeur comptable. Ils sont en outre négativement reliés avec le niveau


d’endettement.
x.com
larvo

IV. Mise en œuvre empirique


scho
univ.
A. Calibrage
Afin de porter un jugement sur la qualité du modèle de compromis
statique, nous procédons à un calibrage simple fondé sur des valeurs de
paramètres pour une entreprise représentative de l’univers Compustat. Il
convient de souligner d’emblée qu’un tel calibrage n’est pas exempt d’un
possible biais de convexité sur lequel nous reviendrons.
Les prédictions du modèle sont jaugées sur deux dimensions : le niveau
optimal d’endettement L* ainsi que l’augmentation de la valeur de
l’entreprise résultant de cet usage optimal de la dette. Formellement, cette
seconde quantité peut être exprimée en termes proportionnels en calculant :

où le numérateur représente le bénéfice lié à l’endettement.


En excluant les entreprises du secteur financier, le niveau d’endettement
7086

moyen de l’univers Compustat s’établit autour de 20 % (l’étude de Eckbo et


Kisser, 2020, trouve un chiffre similaire). En utilisant deux méthodologies
6331

différentes et non-reliées au compromis statique, les études de Korteweg


.8:16

(2010) et Binsbergen, Graham et Yang (2010) estiment autour de 4 % le


92.3

ratio du bénéfice de la dette. Le tableau ci-dessous montre dans quelle


mesure le modèle de Leland (1994) peut générer conjointement ces deux
196.

valeurs. Compte tenu des estimations précédentes, nous utilisons τ = 10 %


:
3964

et α = 30 %. Le taux sans risque est fixé à r = 5 %. Plusieurs niveaux de


8892

risque opérationnel sont examinés.


Valeur Cible
045:

σ = 10 % σ = 20 % σ = 30 % σ = 40 %
économique moyenne
0641

20 % 77,97 % 55,59 % 41,21 % 32,26 %


:211
ncity
:Aiva

4% 7,17 % 4,20 % 2,50 % 1,61 %


x.com

Le modèle de Leland (1994) montre une tendance à surestimer les leviers


observés, ce que la littérature nomme communément l’énigme du sous-
larvo

endettement (underleverage puzzle). En outre, le modèle a beaucoup de


scho
univ.
difficulté à conjointement prédire le levier optimal et le compromis statique
qui en résulte en termes de valeur de l’entreprise. Le tableau montre que les
différents choix de paramètres ne peuvent résoudre cette tension.
Plusieurs extensions du modèle de Leland (1994) permettent de corriger à
la baisse le niveau optimal d’endettement dans le cadre du compromis
statique. D’autres travaux choisissent d’examiner la structure du capital en
dehors de ce paradigme.
B. Biais de convexité
Les conclusions de l’analyse précédente doivent être nuancées par
l’impact d’un biais de convexité, initialement mis en évidence par David
(2008) dans une étude sur les écarts de crédit. Notre variable d’intérêt, le
levier optimal, est une fonction non-linéaire de ses arguments. Elle est une
fonction concave de r et de τ, et une fonction convexe de σ et de α. En
raisonnant, comme nous l’avons fait, à partir d’une entreprise
représentative, on utilise des valeurs moyennes de paramètres et on calcule
7086

un levier fonction de paramètres moyens. À cause du biais de convexité (ou


de concavité), ce levier diffère de la moyenne des leviers calculés aux
6331

différentes valeurs de paramètres comme les figures suivantes l’illustrent.


.8:16
92.3
196.
:
3964
8892
045:
0641
:211

La figure de gauche montre un biais de concavité dans la relation entre


L et τ. Prenons un échantillon de deux entreprises ayant des taux
*
ncity

marginaux d’imposition de 5 % et 35 %, respectivement. Leurs leviers


:Aiva

optimaux sont de 44,5 % et 76,5 % avec une moyenne de 60,5 %, chiffre


x.com

auquel nous devrions comparer le levier moyen observé pour l’échantillon.


Si nous raisonnons avec une entreprise représentative (avec la valeur
larvo

moyenne du paramètre τ, soit 20 %), nous obtenons un levier optimal de


scho
univ.
67,1 %. Le biais de concavité aggrave la tendance à surestimer les leviers
observés.
La figure de droite montre un biais de convexité dans la relation entre
L et α. Prenons un échantillon de deux entreprises ayant des coûts
*

proportionnels de faillite de 20 % et 60 %. Leurs leviers optimaux sont de


60,7 % et 40,2 % avec une moyenne de 53,5 %. L’entreprise représentative
avec α = 40 % a un levier optimal de 51,8 %. Le biais de convexité réduit la
tendance à surestimer les leviers observés.
L’effet combiné des différents biais de concavité et de convexité sur la
qualité du modèle de Leland (1994) est difficile à mesurer. Néanmoins la
conclusion est que les résultats de tests de modèles fondés sur des
entreprises représentatives sont à interpréter avec précaution. Dans l’idéal,
un modèle comme celui de Leland (1994) devrait être testé au niveau de
chaque entreprise.
C. Entreprises sans dette 7086

Rappelons enfin qu’une proportion non-négligeable d’entreprises n’ont


simplement aucune dette dans leur structure du capital (19 % selon notre
6331

étude de l’univers Compustat). Cela traduit peut-être l’existence de facteurs


.8:16

bloquants au sein de l’entreprise (comme des coûts d’émission prohibitifs


92.3

ou encore une opposition de principe au recours à la dette exprimée par le


conseil d’administration).
196.

Si l’on exclut ces entreprises sans dette, le levier de l’univers Compustat


:
3964

prend alors une valeur moyenne de 31 % avec une médiane de 25 %. Ces


chiffres viennent nuancer l’ampleur de l’énigme du sous-endettement. Mais
8892

si l’on accepte l’idée que le modèle de Leland (1994) ne s’applique qu’aux


045:

entreprises endettées, il faut alors expliquer ce qui caractérise les autres


0641

entreprises, celles qui ont un levier nul. Lotfaliei (2018) avance l’idée qu’il
pourrait s’agir d’un effet d’option réelle. Le recours à l’endettement étant
:211

une décision irréversible (car il peut être très coûteux de réduire le levier), il
ncity

peut y avoir une valeur optionnelle à retarder la première émission de dette.


:Aiva

La question de l’endettement zéro reste toutefois ouverte.


x.com

À RETENIR
larvo
scho
univ.
• Le modèle de Leland (1994) permet de quantifier de manière explicite le
levier optimal selon le compromis statique.
• Ses prédictions sont conformes, directement ou indirectement, aux faits
stylisés concernant la structure du capital.
• Une exception est la relation négative entre le levier et la rentabilité
opérationnelle qui ne peut être expliquée que dans une version
dynamique du compromis avantage fiscal versus coûts de faillite.
• L’estimation des paramètres requiert une analyse au cas par cas de
chaque entreprise.
• En général, le modèle de Leland (1994) montre une tendance à
surestimer les niveaux d’endettement observés.
POUR EN SAVOIR PLUS

• Blouin, J., J. Core et W. Guay (2010). Have the tax benefits of debt been
overestimated? Journal of Financial Economics 98, 195–213.
• Leland, H. (1994). Corporate debt value, bond covenants, and optimal
7086

capital structure. Journal of Finance 49, 1213–1252.


6331

• Reindl, J., N. Stoughton et J. Zechner (2017). Market implied costs of


bankruptcy. Document de recherche disponible sur www.ssrn.com.
.8:16

• Strebulaev, I. (2007). Do tests of capital structure mean what they say?


92.3

Journal of Finance 62, 1747–1787.


196.
:

POUR S’ENTRAÎNER : ÉTUDE DE CAS


3964

1. On considère une entreprise dont les actifs valent 1 000 millions


8892

d’unités monétaires (UM) et dont leurs rendements ont une


045:

volatilité de 20 %. Supposons que cette entreprise soit cotée en


0641

course et qu’elle ait émis de la dette sur le marché obligataire. Il


est alors possible d’inférer les paramètres du compromis statique
:211

en mettant en adéquation les valeurs théoriques et observées des


ncity

fonds propres et de la dette. Spécifiquement, supposons que la


:Aiva

capitalisation boursière soit de 400 millions d’UM et que


l’obligation à 30 ans affiche un rendement à l’échéance de 5,5 %
x.com
larvo
scho
univ.
(le taux sans risque est de 5 %). Calculez les paramètres τ et α
compatibles avec ces deux valeurs. En déduire le levier optimal de
l’entreprise.
2. La méthode précédente implique que l’entreprise est à
l’endettement optimal. Vous observez que l’entreprise paie
régulièrement des frais financiers annuels de 35 millions d’UM.
Recalculez le levier optimal de l’entreprise et comparez-le avec le
levier actuel.

CORRIGÉ

1. On résout le système d’équations suivant : où

la fonction y(.) fait référence au rendement à l’échéance de la dette


perpétuelle (supposé proche de celui de la dette à 30 ans). Ainsi :
7086

Avec v = 1 000, r = 5 % et σ = 20 %, on
6331
.8:16

obtient τ = 21,4 % et α = 44,2 %. Le levier optimal correspondant


est L* = 64,3 %.
92.3

2. On résout le même système que précédemment en utilisant cette


196.

fois le coupon c = 35. On obtient τ = 10,9 % et α = 50,7 %. Le


:
3964

levier optimal correspondant est L* = 50,1 % tandis que le levier


actuel (calculé à partir du coupon c = 35) est L = 61,4 %.
8892
045:
0641
:211
ncity
:Aiva
x.com
larvo
scho
univ.
Fiche 6
Agence et asymétrie d’information
I. Les coûts d’agence de la dette
II. Les coûts d’agence des fonds propres
III. Le compromis d’agence
IV. Effets de signal et préférences ordonnées
V. Examen empirique

DÉFINITIONS
• Une relation d’agence : implique un principal qui mandate un agent
dans la réalisation d’une tâche. Un conflit d’agence apparaît dès lors que
les intérêts du principal et ceux de l’agent ne sont pas alignés.
7086

• Un contrat est complet : lorsque les parties prenantes (i) envisagent tous
les états de nature possibles, (ii) s’entendent sur les actions à prendre
6331

dans chacun des états de nature, (iii) parviennent à rédiger cette entente
.8:16

de sorte qu’une autorité externe puisse arbitrer en cas de conflit. En


pratique, les contrats sont plus ou moins incomplets.
92.3

• Les flux monétaires discrétionnaires : sont les flux de trésorerie


196.

disponibles lorsque toutes les opportunités d’investissement à VAN


:
3964

positive ont été saisies.


8892

• Le compromis d’agence : est une théorie selon laquelle il existe un


niveau d’endettement optimal, à savoir celui qui réalise le meilleur
045:

compromis entre les coûts d’agence de la dette et ceux des fonds propres.
0641

• Les préférences ordonnées : font référence au classement des modes de


financement établi selon les coûts informationnels. Selon cette approche,
:211

il n’existe pas de structure optimale du capital.


ncity

Nous allons examiner les effets sur la structure du capital qu’entraîne


:Aiva

l’abandon de la notion d’information parfaite (hypothèse centrale du


paradigme de Modigliani et Miller). L’imperfection de l’information peut se
x.com

traduire de deux manières. D’une part, nous pouvons supposer que tous les
larvo

acteurs de l’entreprise (actionnaires, créanciers, dirigeants, employés, etc.)


scho
univ.
partagent le même niveau d’information mais que l’entièreté de
l’information n’est pas immédiatement disponible. Ainsi certains états de
nature non anticipés peuvent se manifester ultérieurement. Cela donne
l’occasion à certains acteurs de se comporter de manière opportuniste,
donnant lieu à des transferts de richesse au sein de l’entreprise qui n’avaient
pas été prévus dans les ententes initiales. On parle alors de contrats
incomplets.
D’autre part, l’information peut être asymétrique, certains acteurs ayant un
niveau d’information supérieur à celui dont disposent les autres. Là encore,
cette imperfection de l’information peut inciter les acteurs les mieux
informés à agir dans leur intérêt et réallouer la richesse de l’entreprise d’une
manière non-conforme aux ententes initiales (cette fois à l’insu des autres
parties).
Les deux formes d’imperfection de l’information ne sont pas exclusives et
leurs effets sur la structure du capital peuvent se cumuler. Elles créent les
conditions favorables à des conflits d’agence. Dans une relation d’agence,
7086
un principal mandate un agent pour accomplir une tâche à sa place. Il y a
bien évidemment des bénéfices à la relation d’agence : meilleure allocation
6331

des ressources en raison de la spécialisation des compétences, augmentation


.8:16

de la productivité liée à la démultiplication des intervenants, réduction des


conflits d’intérêt grâce à la délégation, etc. Mais il y a aussi des coûts que
92.3

l’on peut classer en deux catégories :


196.

– Les coûts ex ante. Ils apparaissent à l’origine de la relation contractuelle


:
3964

(coûts de recherche de l’agent, coûts de négociation, coûts d’écriture du


contrat). Dans leur forme la plus extrême, ils peuvent représenter la perte
8892

totale des bénéfices d’agence dans le cas où le principal et l’agent ne


045:

parviennent pas à s’entendre.


– Les coûts ex post. Ils se manifestent une fois la relation contractuelle
0641

engagée (coûts de surveillance de la part du principal, coûts liés aux


:211

actions de l’agent n’allant pas dans l’intérêt du principal, coûts liés aux
ncity

contraintes subies par l’agent).


Jensen et Meckling (1976) analysent, de manière générale, les relations
:Aiva

d’agence au sein de l’entreprise. Nous portons notre attention sur celles


x.com

ayant un impact sur la structure du capital : D’une part la relation d’agence


entre les créanciers (principal) et les actionnaires (agent), formalisée par un
larvo
scho
univ.
contrat de dette, et d’autre part la relation d’agence entre les actionnaires
(principal) et l’équipe dirigeante (agent), formalisée par un contrat de travail.
Par la suite nous nous intéresserons à l’asymétrie d’information entre les
investisseurs internes à l’entreprise et ceux externes à l’entreprise. Les
premiers, peu nombreux, sont associés de près aux décideurs de l’entreprise
(dirigeants, actionnaires majoritaires, importants créanciers impliqués dans
la gestion). Les seconds, beaucoup plus nombreux, octroient des fonds à
l’entreprise par l’intermédiaire du marché financier (petits actionnaires,
créanciers obligataires). L’asymétrie d’information et les coûts de
financement qui y sont associés peuvent influencer la détermination de la
structure du capital.

I. Les coûts d’agence de la dette


A. La substitution d’actifs
Les conflits d’agence entre créanciers et actionnaires portent sur le fait que
7086

les premiers ont pour intérêt la maximisation de la valeur de l’entreprise,


tandis que les seconds cherchent à maximiser la valeur des fonds propres.
6331

Dans le monde de Modigliani et Miller ces deux objectifs coïncident, mais


.8:16

l’imperfection de l’information peut les amener à diverger. On distingue


92.3

deux types de coûts d’agence liés à l’endettement : la substitution d’actifs et


le sous-investissement.
196.

Comme les actionnaires sont sujets, par disposition contractuelle, à une


:
3964

responsabilité limitée, ils bénéficient d’une augmentation du risque


opérationnel. Par conséquent, un changement du niveau de risque
8892

opérationnel, non anticipé par les créanciers, entraîne un transfert de richesse


045:

au détriment de ces-derniers. Ce changement de niveau de risque peut se


0641

faire par substitution d’actifs, de sorte que les créanciers ne puissent pas le
détecter aisément. Plus la firme est endettée, plus l’incitation à substituer les
:211

actifs est forte pour les actionnaires. L’exemple numérique suivant illustre ce
ncity

conflit d’agence.
:Aiva

Considérons une entreprise qui doit choisir entre les projets X et Y


requérant le même investissement initial. À l’échéance, les flux monétaires
x.com

sont :
larvo
scho
univ.
Remarquons que, pour maximiser la valeur de l’entreprise, le projet Y
domine le projet X strictement car :

Supposons que l’entreprise doive rembourser 3 000 aux créanciers à


l’échéance du projet. La valeur des fonds propres est donnée par :

Du point de vue des actionnaires, il n’y a pas de préférence stricte pour Y


car : 7086
6331
.8:16

Le conflit d’agence augmente avec l’endettement. En effet, supposons à


92.3

présent que l’entreprise doive rembourser 4 500 aux créanciers. La valeur


196.

des fonds propres est donnée par :


:
3964
8892
045:

Les actionnaires ont maintenant une préférence plus marquée pour X car :
0641
:211
ncity
:Aiva

Dans cet exemple numérique, l’introduction de la dette a graduellement


modifié la politique d’investissement préférée des actionnaires. Le conflit
x.com

d’agence apparaît si l’information est imparfaite. Supposons qu’en date


initiale seul le projet Y soit connu. Les actionnaires lèvent des fonds auprès
larvo

des créanciers pour financer ce projet. Le coût de la dette est calculé sur la
scho
univ.
base du risque du projet Y, soit un risque faible. Le projet X apparaît une fois
le contrat de dette signé. Il se peut que les créanciers ne soient pas au courant
(asymétrie d’information). Il se peut aussi qu’ils prennent connaissance du
projet X mais il est extrêmement coûteux pour eux de renégocier le contrat
de dette (contrat incomplet). Dans les deux cas, les actionnaires peuvent
utiliser les fonds levés pour investir dans X au lieu de Y (substitution
d’actifs). Ils bénéficient ainsi de fonds empruntés à un coût bien plus faible
que celui qui aurait été fixé s’il avait fallu financer le projet X plus risqué.
Le phénomène de substitution d’actifs peut aussi être interprété en termes
optionnels. Comme mentionné plus haut, les actionnaires bénéficient d’une
augmentation du risque opérationnel en raison du principe de responsabilité
limitée. Leur position est analogue à une option d’achat écrite sur les actifs
de l’entreprise dont le prix d’exercice correspond au montant de la dette. Si
la valeur des actifs (v) est supérieure à l’endettement (M), les actionnaires
remboursent les créanciers et obtiennent v – M. Sinon les actionnaires font
défaut et, en vertu du principe de responsabilité limitée, réduisent leur perte
7086
à leur apport initial, fixant ainsi leur richesse à zéro. De la même manière, le
profil de gain des créanciers est analogue à une position courte sur une
6331

option de vente écrite sur les actifs de l’entreprise dont le prix d’exercice
.8:16

correspond au montant de la dette. Si v > M, les créanciers perçoivent le


remboursement M. Sinon ils prennent la propriété de l’entreprise, à la suite
92.3

du défaut des actionnaires, et récupèrent les actifs v (possiblement diminués


196.

de coûts de faillite).
:
3964

Il résulte de ces analogies optionnelles que les actionnaires ont intérêt à


augmenter le risque opérationnel (la volatilité des actifs) tandis que les
8892

créanciers ont l’intérêt opposé. Un tel conflit d’agence tend à augmenter le


045:

coût de la dette car les créanciers, au meilleur de leur information, tentent de


compenser la perte liée au comportement opportuniste des actionnaires en
0641

fixant dans le contrat un taux d’intérêt plus élevé ou en imposant des clauses
:211

visant à restreindre la marge de manœuvre des actionnaires. De telles clauses


ncity

seront étudiées ultérieurement.


:Aiva

B. Le sous-investissement
x.com

Cet autre coût d’agence de la dette a été initialement mis en lumière par
Myers (1977). Lorsque le levier de l’entreprise devient trop élevé, les
larvo

actionnaires peuvent être incités à rejeter des opportunités d’investissement


scho
univ.
pourtant à valeur actuelle nette positive. La raison est que, pour une
entreprise très fortement endettée, les flux monétaires générés par le projet
serviront pour l’essentiel à rembourser la dette existante. En d’autres termes,
les créanciers captureront la majeure partie de la valeur actuelle nette. Si les
actionnaires sont les seuls à financer le projet, ils le refuseront. Ainsi le
surendettement conduit-il au sous-investissement. L’exemple numérique
suivant illustre ce conflit d’agence.
Soit une entreprise envisageant un projet qui nécessite un investissement
initial de 1 000 et qui génère un flux monétaire terminal de 1 700. En
fonction des conditions économiques, les actifs en place génèrent les flux
suivants :

Supposons que le nominal de la dette soit de 4 000. Le projet devrait-il être


entrepris (on ignore les coûts de faillite) ? 7086

Sans projet Avec projet


6331

Expansion Récession Expansion Récession


Entreprise 5 000 2 400 6 700 4 100
.8:16

Créanciers 4 000 2 400 4 000 4 000


92.3

Actionnaires 1 000 0 2 700 100


196.

Du point de vue de la maximisation de la valeur de l’entreprise, la réponse


:

est clairement oui. Remarquons en particulier que le projet permet


3964

d’éliminer le risque de faillite. Toutefois, du point de vue des actionnaires, le


8892

rejet du projet entraîne une richesse espérée de 500, tandis que son
045:

acceptation entraîne une richesse espérée de (2 700 + 100)/2 – 1 000 = 400


dans la mesure où les actionnaires financent la totalité de l’investissement.
0641

Ainsi, lorsque l’entreprise a épuisé sa capacité d’endettement, les


:211

actionnaires peuvent se retrouver dans une situation où ils ne bénéficient


ncity

plus de la valeur marginale des investissements. C’est le phénomène de


sous-investissement, également qualifié «d’étranglement par la dette» (debt
:Aiva

overhang).
x.com

À l’instar de la substitution d’actifs, ce coût d’agence a aussi une


répercussion sur le coût initial de la dette. Les créanciers anticipent que si
larvo

l’entreprise se retrouve dans un endettement extrême, les actionnaires


scho
univ.
risquent de ne plus mettre en place la politique d’investissement qui
maximise la valeur de l’entreprise. Afin de compenser une telle perte, les
créanciers souhaiteront ajuster le coût de la dette.

II. Les coûts d’agence des fonds propres


Un autre conflit d’agence porte sur le fait que les actionnaires cherchent à
maximiser la valeur des fonds propres, tandis que les dirigeants poursuivent
leurs propres objectifs. Les conflits d’intérêt émanant de cette relation
d’agence peuvent prendre deux formes.
– Les dirigeants peuvent être incités à profiter de diverses formes de
consommation des actifs de l’entreprise (comme des bénéfices privés ou
des avantages non-pécuniaires). Il en résulte une réduction de la rentabilité
des actifs en place.
– Pour satisfaire des considérations de prestige ou de pouvoir, les dirigeants
peuvent être amenés à préférer la maximisation de la taille de l’entreprise à
7086
la maximisation de sa valeur. Jensen (1986) fait référence à la notion
d’expansionnisme démesuré (empire building tendency). Il en résulte une
6331

distorsion dans les choix d’investissements (adoption de projets à VAN


.8:16

négative, exercice sous-optimal des options réelles). On parle alors de


surinvestissement.
92.3

Le conflit d’agence entre actionnaires et dirigeants serait de faible portée si


196.

les actionnaires pouvaient remplacer (ou simplement menacer, de manière


:
3964

crédible, de remplacer) tout agent n’agissant pas dans leur intérêt. De même,
comme l’avance Stulz (1988), le marché pour le contrôle des entreprises
8892

pourrait, par le biais d’offres de rachat hostiles, sanctionner les dirigeants qui
045:

ne rempliraient pas leur mandat avec suffisamment d’efficacité. Mais ces


mécanismes de discipline sont très imparfaits dans la mesure où les
0641

dirigeants se protègent par leur enracinement (entrenchment) au sein de


:211

l’entreprise. Cet enracinement provient de la valeur ajoutée, difficilement


ncity

remplaçable, que les dirigeants développent au cours de leur carrière


(expérience dans le poste, réseautage, rareté des compétences similaires). Il
:Aiva

provient aussi de certaines dispositions contractuelles qui rendent le


x.com

licenciement ou la prise de contrôle très coûteux (parachutes dorés, pilules


empoisonnées, etc.)
larvo
scho
univ.
Toutefois, selon Jensen (1986), les actionnaires peuvent utiliser la dette
comme un outil disciplinant. D’une part, elle augmente le risque de faillite
(et donc le risque de remplacer l’équipe dirigeante), ce qui entraîne la fin des
bénéfices privés et un coût en termes de réputation. D’autre part, elle force
les dirigeants à dépenser les flux monétaires discrétionnaires (free cash
flow). Ces flux correspondent à l’argent disponible dans l’entreprise une fois
que toutes les opportunités d’investissement à VAN positive ont été saisies.
Dans une situation sans conflit d’agence, l’équipe dirigeante devrait reverser
les flux monétaires discrétionnaires aux actionnaires sous forme de
dividende spécial. Mais cette trésorerie permet d’investir dans des projets
qui, par définition, diminueront la valeur de l’entreprise mais augmenteront
sa taille. Elle exacerbe donc le conflit d’agence. Un accroissement de
l’endettement crée des frais financiers supplémentaires (que les dirigeants
doivent payer pour éviter la faillite) et si la structure du capital est bien
ajustée, ces frais peuvent réduire voire éliminer cette trésorerie excédentaire.
7086

III. Le compromis d’agence


6331

À partir des coûts d’agence identifiés précédemment, on peut établir un


.8:16

critère d’optimalité pour la structure du capital : l’endettement souhaitable


est celui qui vise le meilleur compromis entre les coûts d’agence de la dette
92.3

et ceux des fonds propres. La figure suivante illustre le compromis d’agence.


196.
:
3964
8892
045:
0641
:211
ncity
:Aiva
x.com
larvo
scho
univ.
7086
6331

Les coûts d’agence marginaux de la dette sont une fonction croissante de


.8:16

l’endettement. En effet, nous avons vu que la substitution d’actifs et le sous-


investissement prennent de l’ampleur lorsque le levier augmente. En
92.3

revanche, les coûts d’agence marginaux des fonds propres sont une fonction
196.

décroissante de l’endettement. À l’intersection de ces deux coûts marginaux


:
3964

se trouve l’endettement optimal.


La figure montre aussi comment le compromis d’agence évolue avec le
8892

nombre d’opportunités d’investissements (que nous pouvons relier avec la


045:

position de l’entreprise dans son cycle de vie). Ainsi lorsqu’une entreprise


0641

est jeune, au sens où elle dispose de peu d’actifs en place et de beaucoup


d’options de croissance, les coûts d’agence des fonds propres sont à un
:211

niveau bas car les flux monétaires discrétionnaires sont quasi-inexistants


ncity

(beaucoup de projets à VAN positive sont disponibles). En revanche les


coûts d’agence de la dette sont relativement élevés. Comme l’entreprise a de
:Aiva

nombreuses opportunités d’investissements, elle a une grande marge de


x.com

manœuvre pour substituer ses actifs. De plus, ses revenus sont volatils et elle
n’est pas à l’abri d’une contre-performance de son activité qui augmenterait
larvo

son levier et la placerait en situation de sous-investissement.


scho
univ.
Au fur et à mesure que l’entreprise avance dans son cycle de vie et gagne
en maturité, ses options de croissance diminuent au profit de ses actifs en
place et ses flux de trésorerie se stabilisent à un niveau élevé. Les flux
monétaires discrétionnaires et avec eux les coûts d’agence des fonds propres
deviennent conséquents. À l’inverse, la substitution d’actifs est moins
faisable et le sous-investissement moins probable. Le compromis d’agence
se déplace ainsi vers un endettement plus élevé.

IV. Effet de signal et préférences ordonnées


L’asymétrie d’information existant entre les investisseurs internes et
externes peut pénaliser l’entreprise dans la mesure où sa valeur
fondamentale risque de ne pas être justement mesurée par le marché. Ross
(1977) défend l’idée que le financement par dette permet de signaler au
marché la forte rentabilité de l’entreprise. Dans un monde où seuls les
bailleurs de fonds internes connaissent la rentabilité exacte des actifs, les
dirigeants des mauvais projets cherchent à se fondre avec les autres
7086

entreprises, tandis que les dirigeants des bons projets cherchent à se


6331

différencier des autres entreprises. Le financement par dette offre un moyen


.8:16

aux entreprises les plus rentables de se démarquer. On parle d’un effet de


signal par la dette. L’exemple numérique suivant illustre cette idée.
92.3

Considérons deux entreprises X et Y qui exploitent les projets suivants :


196.
:
3964
8892
045:

Les valeurs moyennes de ces deux projets sont proches (2 900 contre
0641

2 920) et le risque de Y est plus faible que celui de X. Mais, en raison de


l’asymétrie d’information, les investisseurs externes ne perçoivent pas les
:211

projets de la même manière, de sorte que le marché assigne une valeur


ncity

boursière similaire pour les deux entreprises. Une stratégie pour l’équipe
:Aiva

dirigeante de l’entreprise Y (qui cherche à se différencier) consiste à émettre


de la dette et regarder la réaction de l’équipe dirigeante de l’entreprise X.
x.com

Tant que le montant de la dette n’excède pas 1 000, l’entreprise X devrait


ajuster sa structure du capital à celle de Y, annihilant ainsi toute valeur de
larvo

signal de la dette. Entre 1 000 et 2 000, le mimétisme de X devient


scho
univ.
dangereux car l’entreprise est désormais sujette au risque de faillite. Au-delà
d’un endettement de 2 000, il est probable que l’entreprise X renonce à
suivre la structure du capital de Y car le risque de faillite deviendrait bien
trop important. Du point de vue de Y, un endettement entre 2 000 et 2 200 lui
permettra de se différencier de X (et ainsi de signaler la qualité de son projet
au marché) sans s’exposer au risque de faillite.
Myers et Majluf (1984) poursuivent le raisonnement en avançant que
l’asymétrie d’information est le déterminant principal du coût de
financement. Puisque les entreprises sont constamment à la recherche du
mode de financement le moins cher, il est alors possible de dresser une
hiérarchie dans les sources de financement, c’est-à-dire de formuler des
préférences ordonnées (pecking order) selon la relative asymétrie
d’information du mode de financement par rapport au marché. Le
classement s’établit alors comme suit :
– L’auto-financement (possible seulement s’il y a un excès de trésorerie).
C’est la ressource la moins chère puisqu’elle ne nécessite pas de recourir à
7086
l’évaluation du marché.
– Le financement par dette. Avec un tel contrat les paiements sont fixes.
6331

Seule la probabilité de défaut et le recouvrement en cas de faillite doivent


.8:16

être estimés par l’investisseur externe. À ce titre, la dette bancaire a un


coût informationnel plus faible que la dette publique, car les institutions
92.3

financières ont une capacité d’analyse et un niveau d’information


196.

supérieurs à ceux des investisseurs obligataires.


:
3964

– Les fonds propres car l’évaluation des titres d’actions par le marché
requiert une analyse plus fine de tous les flux de trésorerie (exploitation,
8892

investissement et financement) de l’entreprise.


045:

Dans une version plus élaborée des préférences ordonnées, le classement


précédent peut être temporairement bousculé par les conditions de marché.
0641

Par exemple, il y aura une préférence pour lever des fonds par actions
:211

lorsque le marché boursier est actif, c’est-à-dire lorsque les émissions de


ncity

titres sont nombreuses et couronnées de succès, concentrant ainsi l’attention


des analystes. Ce phénomène de marché «chaud» (hot market) tend à
:Aiva

réduire, pour un temps du moins, les coûts informationnels de financement.


x.com

Remarquons les visions radicalement opposées de la théorie des


préférences ordonnées et de celle de l’agence au sujet de la trésorerie
larvo

excédentaire. Selon les préférences ordonnées, les flux monétaires non-


scho
univ.
utilisés ont une valeur optionnelle car ils permettent à l’entreprise de
financer des opportunités d’investissement tout en évitant les coûts
d’asymétrie d’information liés à toute forme de financement externe. Selon
la théorie de l’agence en revanche, la trésorerie excédentaire donne les
moyens au dirigeant de mener une politique d’investissement qui n’est pas
dans le meilleur intérêt des actionnaires.
L’approche des préférences ordonnées a une conséquence directe sur la
structure du capital : les firmes ne visent aucun levier optimal.
L’endettement varie au cours du temps en fonction de l’arrivée des
opportunités d’investissement, de la capacité de l’entreprise à générer de la
trésorerie excédentaire, de l’utilisation passée de la dette (capacité
d’endettement épuisée ou non) et des conditions actuelles de marché. Cette
vision de la structure du capital contraste fortement avec celle des théories
de compromis (statique ou d’agence) qui plaident pour l’existence d’un
endettement cible. Notons d’ailleurs que les deux théories de compromis ne
sont pas exclusives. Un endettement optimal peut résulter de leurs effets
7086
cumulés.
6331

V. Examen empirique
.8:16

A. Réalisme des facteurs explicatifs


92.3

Dans un premier temps nous discutons brièvement du réalisme des


196.

arguments avancés par les théories informationnelles de la structure du


:
3964

capital. Des facteurs comme la substitution d’actifs, le sous-investissement,


l’opportunisme des dirigeants ou encore l’établissement de préférences
8892

ordonnées sont difficiles à observer directement car ils s’appuient tous, avec
045:

des degrés divers, sur des décisions de gestion prises en interne.


0641

Quelques exceptions existent. On a pu observer l’accroissement du risque


opérationnel pour les entreprises en détresse financière (Eisdorfer, 2008), ce
:211

qui représente une manifestation directe de la substitution d’actifs. On a pu


ncity

également observer les émissions de titres de diverses compagnies et évaluer


:Aiva

leur conformité avec les préférences ordonnées. Les résultats varient selon la
nature des entreprises. Les entreprises privées ont recours à
x.com

l’autofinancement et à la dette bancaire. Les entreprises publiques de petite


taille sont de gros émetteurs d’actions. Les entreprises publiques de grande
larvo

taille utilisent l’autofinancement et la dette obligataire, et constituent le


scho
univ.
groupe d’entreprises le plus en adéquation avec les préférences ordonnées
(Frank et Goyal, 2008).
Au-delà de ces quelques observations directes, la littérature parvient à
mettre en évidence certains phénomènes compatibles avec les facteurs
explicatifs. Voici quelques-uns de ces phénomènes.
Les termes du contrat de dette
Il a été montré que les termes du contrat de dette (maturité, clauses
restrictives, clauses optionnelles) sont conçus pour réduire l’incitation des
actionnaires à augmenter le risque des actifs et, plus généralement, pour
diminuer les coûts d’agence de la dette (Thatcher, 1985, Easterwood et
Kadapakkam, 1994, Dorion, François, Grass et Jeanneret, 2014, Green,
2018).

La gestion des risques


On a remarqué que l’utilisation des instruments dérivés à des fins de
7086

couverture est davantage marquée pour les entreprises ayant une corrélation
négative entre leurs opportunités d’investissement et leur capacité
6331

d’autofinancement (Gay et Nam, 1998, Carter, Rogers et Simkins, 2006,


.8:16

Gilje et Taillard, 2017). Une telle politique de gestion des risques permet à
l’entreprise de lisser sa trésorerie et de disposer de fonds lorsqu’elle a besoin
92.3

d’investir. En d’autres termes, la couverture des risques est conçue pour


196.

contourner le sous-investissement dans un contexte où la levée de fonds


:
3964

externes est coûteuse (préférences ordonnées).


8892

Les chocs de trésorerie


045:

Une relation positive entre le niveau de trésorerie et l’activité


0641

d’investissement a été établie (Fazzari, Hubbard et Petersen, 1988, Hubbard,


1998), ce qui est cohérent avec les préférences ordonnées (si les projets
:211

financés sont à VAN positive) et avec le coût d’agence des fonds propres (si
ncity

les projets financés sont à VAN négative). Plusieurs travaux utilisent des
:Aiva

chocs exogènes négatifs sur la trésorerie (comme les contributions


obligatoires au plan de retraite de la compagnie) pour montrer le sous-
x.com

investissement ou le surinvestissement dans les entreprises (Rauh, 2006,


Franzoni, 2009).
larvo
scho
univ.
Les réactions boursières
Les annonces de financement entraînent, dans l’absolu, des réactions
boursières négatives. Mais comparées relativement entre elles, l’ampleur de
ces réactions boursières en fonction du type de titre émis semble conforme
aux préférences ordonnées (Rajan et Zingales, 1995, Shyam-Sunder et
Myers, 1999, Hovakimian, Opler et Titman, 2001, Frank et Goyal, 2003).
En résumé, s’il semble communément admis que la substitution d’actifs, le
sous-investissement, l’opportunisme des dirigeants ou encore les préférences
ordonnées ont une existence pratique, la question est de savoir si ces facteurs
ont un impact significatif sur la structure du capital. C’est l’objet du second
temps de notre discussion.
B. Contribution à la structure du capital
Rappelons qu’en ce qui concerne la série temporelle des leviers, le
comportement de retour vers la moyenne a faiblement été détecté. Certains y
voient un soutien pour les théories de compromis (statique ou d’agence).
7086

D’autres y voient le rôle des préférences ordonnées qui tendent à faire de


6331

l’évolution du levier une marche aléatoire.


Revenons sur les déterminants de l’endettement dans la coupe transversale.
.8:16

La relation positive entre la tangibilité des actifs et le levier est compatible


92.3

avec le modèle d’agence. En effet, plus les actifs sont tangibles, plus les
196.

coûts d’agence de la dette sont faibles (substitution d’actifs plus difficile) et


plus ceux des fonds propres sont élevés (plus grande consommation des
:
3964

actifs de la part des dirigeants). Ce fait stylisé est également en accord avec
8892

la théorie des préférences ordonnées dans la mesure où plus les actifs sont
tangibles, et moins forte est l’asymétrie d’information entre les bailleurs de
045:

fonds internes et externes (car la valeur de recouvrement en cas de défaut est


0641

plus facile à estimer). Donc l’avantage informationnel du financement par


dette est renforcé.
:211

La relation négative entre le levier et le ratio valeur de marché sur valeur


ncity

comptable, celle entre le levier et le degré d’innovation, de même que la


:Aiva

relation positive entre le levier et la taille de l’entreprise sont trois


implications du compromis d’agence. En effet, comme nous l’avons vu, le
x.com

compromis d’agence prédit un accroissement de l’endettement avec la


larvo

maturité de l’entreprise.
scho
univ.
La prédiction des préférences ordonnées concernant la relation entre
l’endettement et la taille de l’entreprise est ambiguë. Dans quelle mesure la
dette a-t-elle un avantage informationnel (par rapport aux fonds propres)
pour les grandes entreprises ? Le niveau d’asymétrie d’information tend à
diminuer avec la maturité de l’entreprise (davantage d’actifs en place, moins
d’options réelles). En outre, les grandes entreprises sont assujetties à
davantage de communication financière, mais leur structure
organisationnelle et leur portefeuille d’activités peuvent être plus complexes.
Même si l’on accepte l’idée d’une diminution de l’opacité de l’entreprise
avec sa taille, il est difficile de déterminer si cette réduction de l’asymétrie
d’information affecte davantage la dette ou les fonds propres.
De la même manière, une entreprise avec un ratio valeur de marché sur
valeur comptable élevée ou avec un niveau d’innovation élevé souffre de
davantage d’asymétrie d’information envers ses investisseurs externes. Quel
mode de financement est-il le plus impacté ? Il n’existe pas de réponse
définitive, même si Fama et French (2002) avancent qu’une version 7086
« complexe » des préférences ordonnées peut être réconciliée avec la
relation négative entre le levier et le ratio market-to-book.
6331

Si la rentabilité opérationnelle de l’entreprise est élevée, la valeur de ses


.8:16

titres s’apparente à celle des titres analogues sans risque de défaut. Ainsi la
dette se rapproche du paiement certain du nominal et les actions deviennent
92.3

un droit sur les actifs moins le nominal. Comparativement ce sont les fonds
196.

propres qui bénéficient le plus de la réduction de l’asymétrie d’information.


:
3964

La dette perd donc de son avantage informationnel et devient moins


attractive.
8892

Le tableau suivant résume les niveaux d’appui des différentes théories aux
045:

principaux faits stylisés de la structure du capital.


0641

Relation Compromis Compromis Préférences


observée statique d’agence ordonnées
:211

Oui
Taille + Oui ?
ncity

(faiblement)
Tangibilité + Oui Oui Oui
:Aiva

Oui Oui
– Oui
x.com

(faiblement) (faiblement)
Oui
larvo

Rentabilité - ? Oui
(en dynamique)
scho
univ.
Innovation – ? Oui ?

Rappelons que les deux théories de compromis ne sont pas incompatibles.


Ensemble, elles parviennent à expliquer les cinq faits stylisés de la structure
du capital. La théorie des préférences ordonnées fournit une vision
radicalement différente. Du fait de sa formulation, cette théorie s’applique
davantage aux changements d’endettement qu’à son niveau. Un des
principaux soutiens aux préférences ordonnées provient d’ailleurs des
réactions boursières aux variations marginales de la structure du capital. Les
deux paradigmes peuvent être réconciliés au travers de différents horizons :
les entreprises visent un levier optimal à long terme (mais les déterminants
de la cible sont sujets à controverse) et elles s’en remettent à des préférences
ordonnées lorsqu’elles ajustent la structure du capital à court terme (en
particulier, les conditions de marché peuvent jouer un rôle important dans la
décision d’émission).

À RETENIR
7086

• En relâchant l’hypothèse d’information parfaite du paradigme de


Modigliani et Miller, des effets d’agence et d’asymétrie d’information
6331

influencent la structure du capital.


.8:16

• Le compromis d’agence énonce l’existence d’une structure optimale du


92.3

capital minimisant la somme des coûts d’agence (substitution d’actifs,


sous-investissement, surinvestissement).
196.

• Les effets informationnels sont aussi à l’origine des préférences


:
3964

ordonnées, une vision de la structure du capital radicalement opposée à


8892

celle des théories de compromis (statique ou d’agence).


• Les deux théories de compromis combinées permettent d’expliquer les
045:

principaux faits stylisés de l’endettement des entreprises.


0641

• Les préférences ordonnées parviennent à expliquer les variations


:211

marginales de la structure du capital (émissions de titres), surtout en ce


qui concerne les grandes entreprises publiques.
ncity
:Aiva

POUR EN SAVOIR PLUS

• deJong, A., M. Verbeek et P. Verwijmeren, 2011. Firm’s debt-equity


x.com

decisions when the static tradeoff theory and the pecking order theory
larvo

disagree. Journal of Banking and Finance 35, 1303–1314.


scho
univ.
• Frank, M. et V. Goyal, 2008. Trade-off and pecking order theories of debt.
Handbook of Empirical Corporate Finance 2, 135–202.
• Jensen, M., 1986. Agency cost of free cash flow, corporate finance, and
takeovers. American Economic Review 76, 323–329.
• Jensen, M. et W. Meckling, 1976. Theory of the firm: Managerial
behavior, agency costs and ownership structure. Journal of Financial
Economics 3, 305–360.

POUR S’ENTRAÎNER : ÉTUDE DE CAS


1. La dirigeante d’une grande entreprise présente, pour l’année à
venir, quatre projets d’investissement non exclusifs aux membres
du comité de direction. Leurs caractéristiques financières sont
résumées ci-après :
VAN Coût initial
Projet A 200 50
7086

Projet B 50 50
6331

Projet C 150 120


Projet D 250 100
.8:16

Ces projets ne sont pas divisibles. Actuellement, la capacité


92.3

d’endettement maximal est de 110. Afin de saisir les quatre


196.

opportunités d’investissement, la dirigeante propose le montage


financier suivant :
:
3964

Emprunt à long terme 110


8892

Émission d’actions 90
045:

Autofinancement 120
0641

Total 320

Le montant 120 d’autofinancement provient de la position actuelle


:211

de trésorerie capitalisée sur le marché monétaire au taux de 4 %.


ncity

La dirigeante s’inquiète d’un possible rationnement de crédit.


:Aiva

Spécifiquement, elle estime qu’il y a une probabilité p que l’emprunt


à long terme ne soit pas accordé. Elle suggère donc d’utiliser un
x.com

montant de 110 de comptes à recevoir comme collatéral pour une


larvo
scho
univ.
marge de crédit renouvelable au taux de 8 %. Pour quelles valeurs
de p le comité de direction devrait-il accepter la suggestion de la
dirigeante ?
2. Contrairement à l’opinion de la dirigeante, la majorité du comité de
direction estime que les projets B et C ont en réalité une VAN
négative. Par conséquent, le comité voudrait contraindre la
dirigeante de n’investir que dans les projets A et D. Déterminez en
fonction de p une stratégie qui remplit cet objectif.

CORRIGÉ
1. Le coût associé à la marge de crédit est de 110(0,08 – 0,04) = 4,4.
Cette opération permet à l’entreprise de saisir la VAN des quatre
projets, soit 650, avec une probabilité de 1. Sans le recours à la
marge de crédit, l’entreprise obtient la VAN des quatre projets (650)
avec une probabilité 1 – p, sinon elle n’obtient que celle des projets
A, B et D, soit 500, avec une probabilité p. Le non-recours à la
7086

marge de crédit entraîne donc un coût de 150p. Il faut donc utiliser


6331

la marge de crédit si et seulement si 4,4 < 150p, c’est-à-dire p


> 2,93 %.
.8:16

2. D’après ce qu’estiment les actionnaires, ceux-ci voudraient


92.3

maintenir la trésorerie disponible entre 150 et 200. Il faut donc dans


196.

un premier temps refuser l’émission de fonds propres. Cela étant


fait, la dirigeante se retrouve avec une trésorerie de 120 + 110(1 –
:
3964

p). Les actionnaires ne doivent donc rien faire si 150 < 120 + 110(1
8892

– p) < 200, c’est-à-dire si 3/11 < p < 8/11. Dans le cas où p < 3/11, il
y a trop d’argent disponible pour la dirigeante. Les actionnaires
045:

souhaitent alors retirer le flux de trésorerie discrétionnaire, soit 120


0641

+ 110(1 – p) – 200 = 30 – 110p, aux moyens de dividendes ou d’un


:211

remboursement anticipé de la dette. Dans le cas où p > 8/11, la


dirigeante ne dispose pas de fonds suffisants pour appliquer la
ncity

politique d’investissement optimale. Les actionnaires doivent alors


:Aiva

accepter l’émission de fonds propres pour un montant de 150 – 120


x.com

– 110(1 – p) = 110p – 80.


larvo
scho
univ.
Fiche 7
Politique de dividendes
I. Dividendes en information parfaite
II. Effets informationnels
III. Rachat d’actions

DÉFINITIONS
• L’effet de clientèle : décrit les ajustements dans l’offre de dividendes (de
la part des entreprises) et dans la demande de dividendes (de la part des
investisseurs) qui, en dépit des distorsions fiscales entre types
d’investisseurs, rétablissent la neutralité de la politique de dividendes vis-
à-vis de la valeur de l’entreprise. 7086

• Un équilibre séparateur : est, dans un modèle de signal, une situation


où les entreprises de bonne qualité parviennent à se démarquer des
6331

autres.
.8:16

• Un équilibre totalement révélateur : est, dans un modèle de signal, une


situation où l’asymétrie d’information finit par se résorber.
92.3

• L’expropriation de la richesse des créanciers : est le phénomène selon


196.

lequel les actionnaires parviennent à s’approprier la richesse de


:
3964

l’entreprise au détriment des créanciers en liquidant les actifs sous forme


de dividendes.
8892

Au-delà des droits de propriété (qui se manifestent par des droits de vote)
045:

associés aux fonds propres, le contrat reliant l’entreprise à ses actionnaires


0641

prévoit la rémunération de ces-derniers. Il s’agit de définir une politique de


distribution (payout policy) au travers de paiements de dividendes ou sous la
:211

forme de rachat d’actions.


ncity

À l’instar de la structure du capital, nous étudions la politique de


:Aiva

dividendes sous l’angle informationnel. Si l’information est parfaite et si les


frictions de marché sont négligeables, nous retrouvons le paradigme de
x.com

Modigliani et Miller qui énonce que le versement de dividendes n’a aucun


impact sur la valeur de l’entreprise. Toutefois l’imposition différenciée entre
larvo

les gains en capital et les dividendes crée une distorsion fiscale pouvant
scho
univ.
favoriser ou pénaliser telle ou telle forme de rétribution des actionnaires.
Néanmoins l’impact de cette distorsion peut être neutralisé si un effet de
clientèle se met en place.
L’information imparfaite augmente considérablement le rôle que peut jouer
la politique de dividendes sur la valeur de l’entreprise. Les dividendes
servent de signal efficace pour communiquer aux investisseurs externes la
qualité intrinsèque des investissements de l’entreprise. Ils représentent aussi
l’enjeu d’un conflit d’agence entre les actionnaires et les créanciers.
Enfin, l’entreprise peut également rétribuer ses actionnaires en rachetant
leurs titres. À certains égards, dividendes et rachat d’actions sont deux
modes de paiement substituables. Il existe néanmoins quelques différences
importantes qui en font aussi des compléments à la politique de distribution.

I. Dividendes en information parfaite


A. Le paradigme de Modigliani et Miller 7086

Supposons les trois hypothèses de Modigliani et Miller (marchés sans


frictions, information parfaite, taux de prêt ou d’emprunt unique). Comme
6331

précédemment, les notations S et V désignent la valeur de marché des fonds


.8:16

propres et celle (des actifs) de l’entreprise. Miller et Modigliani (1961)


92.3

considèrent un modèle à temps discret multi-périodique. À chaque période,


l’entreprise paye un dividende δt par action. On note nt le nombre d’actions
196.

en circulation à la date t, pt le prix unitaire de ces actions et mt le nombre


:
3964

d’actions émises à cette même date.


8892

À toute date t, la valeur de l’entreprise s’écrit :


045:
0641

En l’absence d’opportunité d’arbitrage, le prix de l’action s’écrit :


:211
ncity

où r désigne le facteur d’actualisation supposé constant.


:Aiva

Multiplions cette équation de part et d’autre par nt, nous obtenons (en
x.com

remarquant que nt + 1 = nt + mt + 1) :
larvo
scho
univ.
Cette dernière équation montre qu’en toute généralité, la dynamique de la
valeur de l’entreprise peut être affectée par la politique de dividendes
de trois manières possibles :
– À travers le dividende suivant (ntδt + 1). Remarquons à cet effet que le
montant du dividende, annoncé une période en avance, est payé
effectivement en date t + 1 sur la base du nombre d’actions en date t.
– À travers la valeur future de l’entreprise (Vt + 1) qui elle-même dépend de
la politique de dividendes future.
– À travers la décision d’émission de nouvelles actions qui, pour un niveau
d’investissement fixé, peut dépendre du montant des dividendes versés.
Miller et Modigliani (1961) montrent qu’en information parfaite, ces trois
7086
effets se neutralisent et la politique de dividendes n’a aucune incidence.
Supposons que l’entreprise doive, pour maintenir ses activités, investir le
6331

montant It à chaque période. Elle retire de ses investissements un bénéfice


.8:16

net Xt.
92.3

La décision d’émission de nouveaux titres dépend directement du montant


de financement additionnel requis, une fois les dividendes versés. Ainsi :
196.
:
3964

En insérant cette dernière équation dans le résultat précédent, nous


8892

obtenons :
045:
0641
:211
ncity

D’où l’on voit que, sur une période, la valeur de l’entreprise est
:Aiva

indépendante de la politique de dividendes. La répétition de ce calcul sur un


x.com

horizon infini donne :


larvo
scho
univ.
Théorème MM3
En information parfaite, la politique de dividendes n’a aucun impact sur la
valeur de l’entreprise car, pour une politique d’investissement fixée, tout
versement de dividende est compensé par une émission de nouvelles actions.
On comprend, d’après le théorème MM3, que si la politique de dividendes
n’est pas neutre, alors l’explication se trouve parmi les raisons pour
lesquelles il n’y aurait pas stricte compensation entre les dividendes versés et
les nouvelles actions émises. La friction la plus évidente est la fiscalité car,
nous l’avons vu, les dividendes sont traditionnellement imposés
différemment des gains en capital.
B. Fiscalité et effet de clientèle 7086

Notons τdiv et τgc les taux d’imposition appliqués respectivement aux


dividendes et aux gains en capital. Miller et Modigliani (1961) avancent
6331

l’idée que cette fiscalité différenciée peut créer un effet de clientèle. Cela
.8:16

signifie que les titres à dividendes élevés seraient détenus principalement par
92.3

les investisseurs fiscalement non pénalisés sur les dividendes, comme les
entreprises pour qui en général τdiv < τgc. À l’inverse, les titres à dividendes
196.

faibles seraient détenus par les particuliers pour qui en général τdiv > τgc.
:
3964

Ainsi, l’effet de clientèle compense pour les transferts de richesse que la


8892

fiscalité différenciée fait subir aux investisseurs. En d’autres termes, c’est


grâce à l’effet de clientèle que la politique de dividende demeure sans
045:

incidence sur la valeur de l’entreprise.


0641

Pour illustrer cette idée, considérons trois types d’investisseurs : des


individus fiscalement défavorisés sur les dividendes, des entreprises
:211

fiscalement défavorisées sur les gains en capital, et des investisseurs


ncity

institutionnels fiscalement exemptés. Le tableau suivant résume le régime


:Aiva

fiscal en place (cet exemple est inspiré de Allen et Michaely, 2003) :


x.com

Type d’investisseur τdiv τgc


Individus 50 % 20 %
larvo

Entreprises 10 % 35 %
scho
univ.
Institutionnels 0% 0%

Soient trois entreprises similaires en tout point (en particulier générant le


même bénéfice net) sauf en matière de politique de dividendes. L’entreprise
A verse l’intégralité des bénéfices sous forme de dividendes. L’entreprise B
en verse la moitié. L’entreprise C ne verse aucun dividende. Pour simplifier,
les calculs sont faits sur un bénéfice net de 100 unités monétaires. Le tableau
suivant détermine le revenu par action après impôt pour chaque type
d’investisseur :
Entreprise A Entreprise B Entreprise C
Bénéfice net 100 100 100
Dividende 100 50 0
Gain en capital 0 50 100
Revenu par action après impôt
Individus 50 65 80
Entreprises 90 77,5
7086 65
Institutionnels 100 100 100

L’effet de clientèle fait en sorte que les institutionnels détiennent les trois
6331

catégories d’actions, les individus concentrent leurs avoirs sur les actions C,
.8:16

tandis que les entreprises concentrent leurs avoirs sur les actions A. De
manière plus importante, l’effet de clientèle entraîne le même prix de marché
92.3

pour les trois actions. En effet, en supposant que tous les types
196.

d’investisseurs soient neutres au risque, et en supposant que le coût du


:
3964

capital pour les investisseurs institutionnels soit, par exemple, de 10 %, alors


en l’absence d’arbitrage :
8892
045:
0641

Imaginons que, pendant un instant, le prix de l’action C soit de 1 050,


:211

tandis que les prix des deux autres actions restent inchangés. Alors, du côté
ncity

de l’offre, les entreprises A et B sont incitées à réviser leur politique de


dividende et augmentent ainsi l’offre d’actions à faible dividende. Ce qui
:Aiva

entraîne une pression à la baisse pour le prix de l’action C. Du côté de la


x.com

demande, les individus continuent de détenir des actions C car c’est encore
avec ces titres qu’ils obtiennent le meilleur rendement. En effet :
larvo
scho
univ.
Les investisseurs institutionnels, pour leur part, vont se défaire des titres C
car leur rendement (100/1 050) est désormais inférieur à celui des deux
autres actions. Ce qui entraîne une pression supplémentaire à la baisse pour
le prix de l’action C. Ainsi, à la fois un effet d’offre et un effet de demande
vont pousser le prix de l’action C à la baisse, jusqu’au prix d’équilibre de
1 000.
C. Tests empiriques
L’effet de clientèle fonctionne-t-il en pratique ? Pour le savoir, cela revient
à déterminer si les frictions de marché (par exemple les coûts de transaction)
sont suffisamment importantes pour gêner l’ajustement de l’offre et de la
demande de dividendes et empêcher ainsi les différentes catégories
d’investisseurs d’être actionnaires des entreprises qui leur conviennent
fiscalement. Il s’agit essentiellement d’une question empirique.
7086

Une façon directe de tester l’effet de clientèle est d’examiner la


composition des portefeuilles d’actions pour différents investisseurs selon
6331

leur régime fiscal. Certaines études exploitent une fiscalité simplifiée et


.8:16

l’accès à l’information de portefeuilles individuels autorisé par certains pays


92.3

(ainsi le cas de Taïwan dans Lee, Liu, Roll et Subrahmanyam, 2006, et le cas
de la Suède dans Dahlquist, Robertsson et Rydqvist, 2009). Ces tests directs
196.

tendent à valider l’effet de clientèle mais ne portent que sur une fraction très
:
3964

limitée des données.


Une autre méthodologie consiste à étudier le comportement du prix de
8892

l’action avant et après le détachement du dividende. Elton et Gruber (1970)


045:

utilisent le raisonnement d’arbitrage suivant. Considérons un investisseur


0641

ayant acheté en date initiale une action au prix p. Soient p— et p+ les prix de
cette action juste avant et juste après le détachement du dividende δ. Si
:211

l’investisseur décide de revendre son titre juste avant la date de dividende, il


ncity

ou elle réalise un gain de :


:Aiva
x.com

S’il ou elle décide de revendre son titre juste après, alors son gain est de :
larvo
scho
univ.
En l’absence d’opportunité d’arbitrage, les deux stratégies (qui ont même
coût initial) doivent rapporter le même gain. Par conséquent :

Cette équation permet d’inférer les taux d’imposition des investisseurs à


partir des ratios observés du changement de cours boursier sur le dividende.
Elton et Gruber (1970) montrent que ce ratio augmente en fonction du
dividende. Ce qui signifie que plus le dividende est élevé, et plus le
différentiel d’imposition entre dividende et gain en capital est faible. Cela est
cohérent avec l’effet de clientèle.
Le test proposé par Elton et Gruber (1970) est statique au sens où les
investisseurs ne peuvent faire qu’une seule transaction autour de la date de
tombée de dividende (soit juste avant, soit juste après). Le raisonnement
d’arbitrage néglige aussi le fait qu’avant le versement du dividende (lorsque
7086

p– est connu), la réaction boursière est aléatoire, c’est-à-dire la valeur de p+


6331

devrait être perçue avec un certain niveau de risque.


.8:16

Si les investisseurs peuvent transiger à la fois avant et après la date de


tombée du dividende et s’ils n’ont pas la même tolérance au risque, alors la
92.3

chute relative du cours boursier (p+ – p–)/δ est plus complexe : Elle reflète
196.

l’hétérogénéité des attitudes face au risque ainsi que le volume et les coûts
:

de transaction (Michaely et Vila, 1995, Michaely, Vila et Wang, 1996). Dans


3964

un tel contexte, l’effet de clientèle est plus difficile à mettre en lumière.


8892
045:

II. Effets informationnels


0641

A. Effets de signal
:211

La neutralité de la politique de dividendes s’accorde mal avec le fait que de


ncity

nombreuses entreprises distribuent des dividendes. En présence d’asymétrie


d’information entre l’équipe dirigeante (qui connaît la qualité des projets
:Aiva

dans lesquels elle investit) et les investisseurs externes (qui n’observent pas
x.com

la gestion en interne de l’entreprise), le versement de dividendes peut


s’avérer un instrument de signal efficace dans la mesure où les trois
larvo

conditions suivantes sont réunies.


scho
univ.
– La politique de dividendes est une décision discrétionnaire approuvée par
les actionnaires. En d’autres termes, ceux qui détiennent l’information (les
investisseurs internes) contrôlent l’instrument de signal. Le signal est donc
crédible.
– Dans la mesure où il n’est pas financé par émission de titres, le dividende
provient directement de la trésorerie disponible, elle-même le résultat de la
rentabilité des investissements après frais financiers et impôt. Ainsi, il est
possible de corréler le montant du dividende avec la qualité de l’entreprise.
En d’autres termes, le dividende est un signal porteur d’information
pertinente que les investisseurs externes peuvent aisément décoder.
– Le versement de dividendes permet aux entreprises de bonne qualité de se
différencier des autres (sinon l’instrument de signal perd de son intérêt).
En d’autres termes, la politique de dividendes, lorsqu’elle est menée sur le
long terme, peut aboutir à un équilibre séparateur.
Nous présentons le modèle de Bhattacharya (1979) qui formalise les
arguments évoqués plus haut. L’actionnaire-dirigeant sélectionne un nouveau
7086
projet qui va générer pour la prochaine période le bénéfice X. Seul
l’actionnaire-dirigeant connaît la vraie valeur du projet et tente de la signaler
6331

aux investisseurs externes par le truchement du dividende δ qu’il va verser.


.8:16

Pour simplifier le régime d’imposition et malgré tout prendre en compte le


fait que les dividendes sont fiscalement défavorisés par rapport aux gains en
92.3

capital, nous supposons que les dividendes sont taxés au taux τ tandis que les
196.

gains en capital ne le sont pas.


:
3964

Le dirigeant s’engage en annonçant le dividende δ. Le recours au


financement externe dépend essentiellement de la différence entre X et δ. Au
8892

cas où le bénéfice généré par le projet ne parvienne pas à couvrir le paiement


045:

du dividende, les actionnaires subiront une pénalité proportionnelle β que


l’on peut interpréter comme le coût du financement externe.
0641

Nous supposons que le bénéfice X est une variable aléatoire distribuée sur
:211

le support [0, Xmax] selon la densité f(.). L’actionnaire-dirigeant cherche à


ncity

maximiser sa richesse qui s’écrit :


:Aiva
x.com
larvo
scho
univ.
où V(δ) représente la valeur des actifs en fin de période étant donnée la
politique de dividendes δ. En présence d’asymétrie d’information, il se peut
que V(δ) soit différent de S(δ). Bhattacharya (1979) propose de prendre la loi
uniforme comme densité de probabilité, ce qui permet de préciser
l’expression précédente :

La résolution des deux intégrales conduit à la simplification suivante :

Du point de vue de l’actionnaire-dirigeant, la meilleure politique de


dividendes est obtenue grâce à la condition de premier ordre :
7086
6331

On remarque que la politique optimale de dividendes δ* dépend de la


.8:16

qualité du projet (Xmax). À l’équilibre où l’asymétrie d’information finit par


se résoudre (on parle d’équilibre « totalement révélateur »), la valeur des
92.3

actifs reflète la valeur présente des flux de trésorerie futurs tels qu’ils sont
196.

signalés par la politique de dividendes δ. Ainsi les valeurs de V(δ) et de S(δ)


:
3964

finissent par se confondre pour donner :


8892
045:
0641

Dérivons cette expression par rapport à Xmax (rappelons que le dividende


:211

optimal δ* est une fonction de Xmax). Nous obtenons :


ncity
:Aiva
x.com

En insérant la valeur de V’(δ*) obtenue précédemment selon la condition de


premier ordre, nous arrivons à :
larvo
scho
univ.
Supposons, pour terminer le calcul, une forme linéaire du type δ*
(Xmax) = aXmax où a représente le paiement marginal de dividende. Nous
obtenons alors une forme quadratique pour a :

La racine positive s’écrit :

Cette dernière équation a une implication importante, car elle précise les
conditions sous lesquelles le dividende peut fonctionner comme un
instrument de signal efficace. En effet, dans la mesure où les investisseurs
7086

externes sont capables d’estimer r, τ et β, ils peuvent calculer a*, ce qui leur
permet d’interpréter Xmax (la qualité de l’entreprise) à partir du paiement du
6331

dividende δ*.
.8:16

On remarque que a* décroît en fonction de τ. Toutes choses égales par


92.3

ailleurs, plus les dividendes sont fortement taxés, plus le signal est coûteux.
196.

De la même manière a* décroît en fonction de β. Toutes choses égales par


ailleurs, plus le financement externe est onéreux, plus l’entreprise devra
:
3964

réduire le dividende pour pouvoir l’autofinancer plus souvent.


8892

Examinons pour finir dans quelle mesure la politique de dividendes peut


conduire à un équilibre séparateur. Considérons deux entreprises A et B
045:

ayant les mêmes paramètres r = 10 %, τ = 50 % et β = 20 %. L’entreprise B


0641

est de meilleure qualité au sens où son activité génère un bénéfice distribué


:211

selon une loi uniforme entre 0 et 110 tandis que l’activité de l’entreprise A
génère un bénéfice distribué selon une loi uniforme entre 0 et 100.
ncity

Par application de la formule de Bhattacharya (1979), a* = 0,7773. Donc A


:Aiva

verse un dividende de 77,73 et B verse un dividende de 85,5 signalant ainsi


x.com

sa qualité supérieure. L’entreprise A pourrait tenter d’envoyer le même


signal en versant le même dividende de 85,5. Les investisseurs externes
larvo

pourraient être trompés pendant un temps, mais cette stratégie de mimétisme


scho
univ.
n’est pas tenable. En effet, tout le monde sait que, compte tenu de la valeur
de a*, le bénéfice net des entreprises A et B devrait être inférieur au
dividende 77,73 % du temps. C’est bien cette fréquence que le marché
observera pour l’entreprise B. Toutefois, après plusieurs périodes, les
investisseurs externes constateront que le dividende de l’entreprise A
dépasse le bénéfice net 85,5 % du temps et en concluront que l’entreprise A
soutient un niveau de dividende qui n’est pas conforme à sa qualité
intrinsèque.
L’exemple ci-dessus montre qu’à terme, la politique de dividendes est en
mesure de signaler un équilibre séparateur. Dans la pratique, cet équilibre
peut avoir beaucoup de difficultés à se mettre en place pour de multiples
raisons. Les investisseurs externes peuvent avoir du mal à estimer certains
paramètres comme τ ou β. Ces paramètres peuvent changer au cours du
temps. Certaines entreprises peuvent brouiller leurs signaux (temporairement
et aléatoirement) pour ralentir le processus d’apprentissage des investisseurs
externes. 7086

B. Effets d’agence
6331

Le paiement de dividendes constitue un transfert d’une partie de la richesse


.8:16

de l’entreprise vers les actionnaires sans que les créanciers soient concernés.
Il représente à ce titre la source d’un conflit d’agence. Ce conflit exacerbé
92.3

conduit au phénomène d’expropriation de la richesse des créanciers


196.

(bondholders wealth expropriation) (Jensen et Meckling, 1976, Kalay,


:
3964

1982). Les actionnaires utilisent les fonds empruntés pour acquérir des
actifs, puis les liquident progressivement pour toucher des dividendes
8892

jusqu’à l’épuisement des ressources. Ils peuvent alors mettre l’entreprise en


045:

faillite et invoquer leur responsabilité limitée, laissant une entreprise vide de


tout actif aux créanciers spoliés. La tentation d’un tel détournement des
0641

ressources est d’autant plus forte pour les actionnaires que les projets
:211

d’investissements s’avèrent non-rentables.


ncity

On comprend ainsi que le conflit d’agence n’est préjudiciable aux


créanciers que si le paiement de dividendes est financé par la vente d’actifs.
:Aiva

Le problème est qu’une telle stratégie ne peut pas faire l’objet d’une
x.com

interdiction contractuelle. En effet, un gestionnaire en interne peut observer


si l’origine des fonds servant à payer les dividendes provient de la
larvo

liquidation de tel ou tel actif. Mais cette information peut difficilement être
scho
univ.
vérifiée par un auditeur externe. Des clauses de contrat de dette peuvent
restreindre (voire interdire) la vente d’actifs et/ou le paiement de dividendes.
Mais il s’agit de solutions contractuelles très contraignantes et inadaptées par
rapport à l’objectif poursuivi.
Dans la mesure où le conflit d’agence conserve une forme résiduelle, il est
possible de le quantifier à l’aide du modèle de Leland (1994). Supposons
que les actionnaires liquident constamment une fraction y des actifs afin de
financer le paiement de dividendes. La dynamique de la valeur des actifs
s’écrit alors :

Selon cette équation, les actifs génèrent en moyenne le flux monétaire


instantané vt duquel est aussitôt soustrait le flux yvt, versé aux actionnaires
et donc non réinvesti dans les opérations de l’entreprise. Remarquons que le
montant du dividende peut être supérieur à yvt si une partie est financée par
émission de titres. 7086
La résolution du modèle est identique, à ceci près que les actifs contingents
perpétuels écrits sur v sont maintenant la solution d’une EDO dont
6331

l’équation quadratique caractéristique est


.8:16
92.3

(voir l’annexe pour davantage de détails). Ainsi, les solutions pour les actifs
contingents conservent la même forme mais l’exposant du prix d’Arrow-
196.

Debreu du défaut est plus complexe. La valeur de la dette est donnée par :
:
3964
8892
045:
0641
:211
ncity

De la même manière la valeur des fonds propres s’écrit :


:Aiva
x.com
larvo
scho
univ.
Les expressions pour le seuil optimal de défaut et le coupon optimal sont
celles du modèle original à ceci près que le paramètre ξ est remplacé par ψ.
La figure ci-dessous illustre le conflit d’agence lié à la politique de
dividendes tel que mesuré par le modèle de Leland (1994). Les paramètres
sont v = 100, r = 0,05, τ = 0,1 et α = 0,4. Les valeurs de la dette (en trait
pointillé), des fonds propres (en trait maigre) et de l’entreprise (en trait gras)
sont représentées en fonction du taux de vente d’actifs y.

7086
6331
.8:16
92.3
196.
:
3964

Les directions opposées des valeurs de dette et des fonds propres en


8892

fonction de y indiquent le transfert de richesse qui est à l’œuvre. L’impact


045:

sur le levier optimal n’est pas négligeable comme le montre cette figure.
0641
:211
ncity
:Aiva
x.com
larvo
scho
univ.
7086

La prise en compte du conflit d’agence portant sur la politique de


6331

dividendes contribue à expliquer l’énigme du sous-endettement.


.8:16

III. Rachat d’actions


92.3
196.

A. Faits empiriques
:
3964

Une manière autre que les dividendes de rétribuer les actionnaires consiste
à racheter leurs titres. La pratique du rachat d’actions était très minoritaire il
8892

y a cinquante ans. Lee et Suh (2011) font état d’une nette tendance dans les
045:

pays européens au remplacement des dividendes par le rachat d’actions. En


Amérique du Nord, Grullon et Michaely (2002) rapportent que 1998 fut
0641

l’année où, pour la première fois, la somme distribuée aux actionnaires sous
:211

forme de rachat d’actions dépassa celle distribuée sous forme de dividendes.


ncity

Les parts des deux modes de paiement semblent se stabiliser depuis.


Nous reprenons les calculs de Allen et Michaely (2003) à partir de
:Aiva

l’univers Compustat. En éliminant les entreprises de services publics (code


x.com

NAICS 22) et financières (code NAICS 52), nous agrégeons, sur la période
allant de 2005 à 2020, les montants des dividendes déclarés sur les actions
larvo

ordinaires (champ Compustat 21), et les montants nets de rachat d’actions


scho
univ.
définis comme les dépenses liées au rachat d’actions ordinaires et
privilégiées (champ Compustat 115) moins toute réduction de valeur dans
les actions privilégiées existantes (champ Compustat 56). La somme des
montants de dividendes et de rachat d’actions donne le paiement total aux
actionnaires. Ces trois agrégats sont rapportés sur les bénéfices (champ
Compustat 18) et sur la capitalisation boursière (produit des champs
Compustat 24 et 25, soit le nombre d’actions en circulation multiplié par le
cours boursier).
Comme les bénéfices peuvent prendre des valeurs négatives pour certaines
entreprises, nous calculons les ratios des agrégats (et non la moyenne des
ratios par entreprise), à savoir :

où j fait référence aux entreprises présentes dans l’échantillon. Nous


7086
obtenons la figure suivante (le ratio des dividendes est en trait pointillé, celui
des rachats d’actions est en trait maigre, celui du paiement total est en trait
6331

gras) :
.8:16
92.3
196.
:
3964
8892
045:
0641
:211
ncity
:Aiva
x.com
larvo
scho
univ.
On remarque que les deux formes de paiement des actionnaires ont une
importance relative comparable, les dividendes étant légèrement supérieurs.
On voit aussi que les ratios ont tendance à varier dans la même direction,
laissant à penser que les dividendes et les rachats d’actions se comportent
davantage comme des compléments que comme de substituts.
De la même manière les ratios rapportés sur la capitalisation boursière
sont :

Voici leur représentation :

7086
6331
.8:16
92.3
196.
:
3964
8892
045:
0641

Sur la période considérée, le taux de distribution aux actionnaires s’établit


:211

autour de 4,1 % de la valeur boursière, dont 2,3 % sous forme de dividendes


ncity

et 1,8 % sous forme de rachat d’actions.


:Aiva

Notons enfin que ces chiffres agrégés masquent de grandes disparités au


sein des entreprises. Ainsi sur la période considérée, la proportion
x.com

d’entreprises ne versant rien à leurs actionnaires (paiement total de zéro) a


varié entre 39 % et 51 %. En outre, seule une minorité d’entreprises
larvo

rétribuent leurs actionnaires en mélangeant les deux modes de paiement. Sur


scho
univ.
la seule année 2020, 39,4 % des entreprises ont offert un paiement total de
zéro, 37 % ont utilisé un seul mode de rétribution, et seulement 23,6 % ont
procédé à la fois à un paiement de dividendes et à un rachat d’actions.
B. Arguments théoriques
Selon l’analyse de Modigliani et Miller, ni le versement de dividende ni le
rachat d’actions n’a d’impact sur la valeur de l’entreprise. La théorie de
l’agence, et plus particulièrement celle sur les flux de trésorerie
discrétionnaire de Jensen (1986), préconise que les actionnaires devraient
exiger le versement en leur faveur des fonds inutiles dans l’entreprise.
Également selon la théorie de l’agence, les créanciers devraient limiter toute
forme de paiement aux actionnaires afin d’éviter tout transfert de richesse à
leur détriment. Mais dans les deux cas, la théorie de l’agence ne permet pas
de discerner des effets différents selon le type de paiement. Par conséquent,
pour la théorie de l’agence, dividendes et rachat d’actions sont des substituts.
Le régime fiscal peut expliquer que les entreprises préfèrent un type de
7086
paiement aux actionnaires par rapport à un autre. L’étude internationale de
Jacob et Jacob (2013) montre que le choix entre dividendes et rachat
6331

d’actions est fortement influencé par le différentiel de traitement fiscal. Cela


.8:16

vient limiter la portée de l’effet de clientèle car, rappelons-le, si cet effet


fonctionnait pleinement, les entreprises seraient indifférentes quant à leur
92.3

mode de rétribution des actionnaires. Notons que l’argument fiscal à lui seul
196.

peut difficilement expliquer les différences observées entre les entreprises


:
3964

sujettes au même régime d’imposition.


La théorie du signal permet de faire une distinction supplémentaire entre
8892

dividendes et rachat d’actions. Ofer et Thakor (1987) montrent que ces deux
045:

types de paiement aux actionnaires peuvent induire des coûts de signal


différents. Leur modèle établit en effet que lorsqu’il y a une grande
0641

différence entre la valeur intrinsèque des fonds propres et leur sous-


:211

évaluation sur le marché, le signal envoyé par le rachat d’actions est plus
ncity

efficace que celui des dividendes. Un tel argument permet d’expliquer les
disparités observées parmi les entreprises en matière de mode de paiement.
:Aiva

Amihud et Li (2006) viennent toutefois tempérer l’importance du signal.


x.com

Selon eux l’augmentation de la part des investisseurs institutionnels (plus


sophistiqués et mieux informés) dans le capital des entreprises tend à réduire
larvo

le degré d’asymétrie d’information et donc la nécessité d’utiliser un signal.


scho
univ.
Finalement, la différence sans doute la plus importante entre le versement
de dividendes et le rachat d’actions est que ce-dernier modifie la structure du
capital à deux égards. Tout d’abord, le rachat d’actions augmente le levier de
l’entreprise. Il peut donc être vu comme une alternative à l’émission de
dette. Néanmoins, selon la théorie des préférences ordonnées, cette
alternative induirait davantage de coûts informationnels. Ensuite, le rachat
d’actions s’adresse à une fraction des actionnaires et non à leur totalité. Il
recentre donc la composition de l’actionnariat et a ainsi un impact sur le
contrôle du dirigeant.
C. Modalités du rachat d’actions
Il y a principalement trois modalités de rachat d’actions : l’offre à prix
fixe, l’enchère néerlandaise et la mise sur le marché. Cette dernière modalité
est la plus fréquente sur le marché nord-américain. Or, il s’agit de la
modalité au contenu informationnel le plus faible puisque l’entreprise laisse
le marché établir le prix. Cette pratique du rachat d’actions limite donc la
7086
portée de l’argument de la théorie du signal.
En revanche, l’offre à prix fixe est la modalité permettant à l’entreprise de
6331

transmettre le plus d’information au marché. Car au-delà de la décision de


.8:16

racheter des titres, l’entreprise peut aussi communiquer au marché un prix


qui pourrait se rapprocher de ce qu’elle estime être la valeur intrinsèque de
92.3

ses fonds propres.


196.

Entre ces deux modalités, l’enchère néerlandaise est une procédure dont les
:
3964

étapes sont les suivantes :


– L’entreprise annonce le nombre de titres qu’elle compte racheter (elle peut
8892

aussi, de manière alternative, annoncer le montant total qu’elle compte


045:

dépenser dans l’opération de rachat).


– Elle établit un intervalle de prix auquel les actionnaires peuvent céder
0641

leurs titres.
:211

– Chaque actionnaire formule, de manière confidentielle, un prix et une


ncity

quantité de rachat auxquels il s’engage à transiger.


:Aiva

– On dépouille les offres et après les avoir classées par prix croissant, on
détermine le prix de la dernière offre retenue. Ce prix s’applique alors à
x.com

tous les actionnaires ayant proposé un prix égal ou inférieur.


Même si les règles de l’enchère néerlandaise peuvent paraître
larvo

désavantageuses pour l’entreprise, il faut préciser que ce mécanisme incite


scho
univ.
les vendeurs de titres à baisser leurs propositions de prix de manière à
augmenter leurs chances de figurer parmi les propositions retenues.
À titre d’exemple, considérons l’entreprise qui annonce un programme de
rachat d’actions selon une procédure d’enchère néerlandaise. Elle souhaite
racheter 50 000 titres dans un intervalle de prix allant de 40 à 55 unités
monétaires. Elle reçoit les demandes suivantes émanant de quatre groupes
d’actionnaires :
Groupe Quantité Prix
A 15 000 45
B 22 000 51
C 17 000 48
D 6 000 47

Selon la procédure, les demandes retenues sont en priorité celle de A


(15 000 titres), puis celle de D (6 000 titres), puis celle de C (17 000 titres) et
enfin celle de B pour 12 000 titres. Le dernier prix retenu, celui de B, est
donc de 51 et s’applique à tous les demandeurs. L’entreprise dépense donc
7086

2,55 millions (50 000  51) pour racheter ses 50 000 titres.
6331

Si elle avait opté pour une offre à prix fixe, par exemple à 49, alors, en
.8:16

supposant que la demande reste la même, l’entreprise aurait racheté 38 000


titres pour un montant de 1,862 millions (seuls les groupes A, B et D
92.3

auraient participé).
196.

Ainsi, en passant d’une mise sur le marché ou d’une enchère néerlandaise à


:

une offre à prix fixe, l’entreprise, dans son opération de rachat, transforme
3964

un risque de prix en un risque de quantité.


8892
045:

À RETENIR
0641

• Dans le paradigme de Modigliani et Miller, la politique de dividendes n’a


aucune importance. Les distorsions fiscales entre dividendes et gains en
:211

capital ne changent rien si l’effet de clientèle joue pleinement son rôle, ce


ncity

qui demeure une question empirique.


:Aiva

• En contexte d’asymétrie d’information, le dividende peut s’avérer un


instrument de signal efficace.
x.com

• Le paiement de dividende est l’objet d’un conflit d’agence entre


larvo

actionnaires et créanciers qui contribue à diminuer l’endettement optimal.


scho
univ.
• Le rachat d’actions est une méthode alternative aux dividendes pour
rétribuer les actionnaires. À bien des égards (effet de signal, fiscalité,
structure du capital, gouvernance), le rachat d’actions n’est pas un
substitut aux dividendes.
POUR EN SAVOIR PLUS
• Allen, F. et R. Michaely, 2003. Payout policy in Handbook of the
Economics of Finance Volume 1, Chapter 7, ed. Elsevier, 337–429.
• Brav, A., J. Graham, C. Harvey et R. Michaely, 2005. Payout policy in the
21st century. Journal of Financial Economics 77, 483–527.
• Farre-Mensa, J., R. Michaely et M. Schmalz, 2014. Payout policy. Annual
Review of Financial Economics 6, 75–134.
• Lee, B. S. et J. Suh, 2011. Cash holdings and share repurchases:
International evidence. Journal of Corporate Finance 17, 1306–1329.

POUR S’ENTRAÎNER : ÉTUDE DE CAS


7086

1. L’entreprise XYZ dont les actifs valent v = 100, fait face à un taux
6331

d’imposition de τ = 20 % et à des coûts proportionnels de faillite de


α = 40 %. Elle utilise 2 % de ses actifs pour financer le paiement de
.8:16

dividendes. Le taux d’intérêt sans risque est r = 4 % et la volatilité


92.3

des rendements de ses actifs est σ = 30 %. Les créanciers ont une


196.

perpétuité offrant un coupon continu c = 2,5. Selon le modèle de


Leland (1994), que valent la dette et les fonds propres ? Quel est le
:
3964

niveau d’endettement ? L’entreprise est-elle à l’endettement


8892

optimal ?
045:

2. L’entreprise souhaite effectuer un rachat d’actions qui lui


permettrait de retrouver le levier optimal. Déterminez la procédure à
0641

mettre en place.
:211

CORRIGÉ
ncity
:Aiva

1. Nous obtenons D = 46,01, S = 59,65 et L = 43,55 %. Le coupon


optimal est de c* = 2,76 et L* = 46,82 %. L’entreprise est donc sous-
x.com

endettée.
larvo
scho
univ.
2. Le rachat d’actions est financé par la liquidation d’actifs pour un
montant tel que le coupon actuel de 2,5 correspond au coupon
optimal. Ainsi, avec v = 90,56, on obtient bien c* = 2,5. Le montant
d’actifs à liquider est donc de 100 – 90,56 = 9,44. C’est le montant à
allouer au rachat d’actions. Une fois l’opération terminée, nous
aurons D = 44,82, S = 50,91 et L = 46,82 % tel que visé.

7086
6331
.8:16
92.3
196.
:
3964
8892
045:
0641
:211
ncity
:Aiva
x.com
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univ.
Fiche 8
Contrats de dette
I. Clauses restrictives
II. Principales caractéristiques du contrat
III. Clauses optionnelles

DÉFINITIONS
• Le principe de pari passu : est couramment associé aux contrats de
dette. Il implique que les différents types de créanciers doivent être
traités de manière équitable, notamment en cas de renégociation.
• La clause d’avoir net minimal (minimum net worth covenant) :
impose une valeur minimale pour la valeur comptable des capitaux
7086

propres.
6331

• La clause de sûreté négative (negative pledge covenant) : interdit à


l’entreprise de mettre un actif en collatéral pour une nouvelle dette.
.8:16

• La conversion forcée : est une stratégie où les actionnaires exercent


92.3

leur option de rachat de la dette lorsque les conditions de marché sont


196.

telles que les créanciers préfèreront convertir leur dette en actions plutôt
que récupérer le prix de rachat.
:
3964

Une fois la question de la structure du capital résolue (i.e., « de combien


8892

s’endetter ? »), l’entreprise doit déterminer le contrat qu’elle souhaite


rédiger avec ses créanciers (i.e., « comment s’endetter ? »). Or, le contrat de
045:

dette est un document légal complexe qui peut prendre de multiples formes.
0641

Nous examinons les principales dimensions selon lesquelles la dette peut


:211

varier. Après avoir passé en revue les nombreuses clauses restrictives qui
peuvent être incluses dans un contrat de dette, nous analysons quelques
ncity

caractéristiques majeures que sont les structures de maturité, de priorité et


:Aiva

de placement. Enfin nous traitons des clauses optionnelles qui confèrent des
x.com

droits supplémentaires au prêteur ou à l’emprunteur.


larvo

I. Clauses restrictives
scho
univ.

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