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Cours Action de l’Etat en

mer

Master 2 Défense et Sécurité


Faculté de droit de Toulon
Philippe Dézéraud

Février - Mars 2023


Cours Action de l’Etat en mer
Master 2 Défense et Sécurité
Faculté de droit de Toulon
Philippe Dézéraud

Février - Mars 2023

Avertissement : le présent support écrit, réalisé en avril 2020 pour compenser la suspension des cours en
raison de la crise sanitaire, ne peut pas, et ne doit pas, être considéré comme constituant un cours ou un écrit
doctrinal sur l’action de l’Etat en mer. Même si au fil des ans il s’est considérablement enrichi et développé. Il faut
d’ailleurs reconnaître qu’il n’existe pas véritablement de cours de cette matière et que les ouvrages ou les écrits
disponibles ne la traitent que de manière partielle. Sans doute parce qu’il est difficile de trouver l’équilibre entre le
droit et la pratique, entre les théories du droit de la mer et du droit administratif et la réalité opérationnelle dans
un espace complexe, difficile et qui demeure, n’en déplaisent à ceux qui veulent y instaurer des frontières et
revendiquer la souveraineté de l’Etat côtier, un espace international hétérogène. Aussi ce support n’est-il pas
organisé comme un ouvrage juridique classique, décomposé en parties, titres et chapitres mais plus comme une
suite de fiches thématiques, néanmoins interdépendantes, présentées, malgré tout, sous l’appellation chapitre.
Elles sont l’expression libre d’une approche qui ne constitue pas la vérité de ce qu’est l’action de l’Etat en mer,
mais une vérité parmi d’autres possibles. Si le souci de la restitution objective a été constant, elles n’en
demeurent pas moins marquées par une perception très personnelle et constituent un témoignage de la part de
quelqu’un qui en a été l’acteur pendant de nombreuses années, avant d’en devenir un spectateur engagé mais
aussi critique. Avec du recul, j’oserais presque avancer que ce cours est un aspect « positif » de la crise sanitaire
tant Il est évident que sans la pression des évènements, qui ont contraint à la transformation « en urgence »
d’une présentation orale et « pratique », appuyée par près de 300 diapositives PowerPoint, en un support écrit,
celui-ci serait toujours à l’état de projet. Je ne peux cependant pas nier que la formalisation de ce cours lui a
conféré, par la force des choses, un caractère un peu plus académique et a atténué les illustrations concrètes et
opérationnelles intimement liées à la spécificité du milieu marin, tout en ne permettant plus d’adopter la même
liberté de ton et de propos.

Au-delà du droit, l’action de l’Etat en mer est l’expression quotidienne de la rencontre entre les activités des
particuliers, des professionnels et des intérêts et des contraintes et obligations de l’Etat. Dans un espace
changeant, accueillant comme hostile, calme comme déchaîné et pour lequel l’approche des terriens doit être
empreinte d’humilité, les préoccupations et les priorités évoluent. Si la sauvegarde de la vie humaine demeure la
priorité, ce qu’elle n’a pas toujours été au risque de surprendre les lecteurs, aujourd’hui la préservation et la
protection de ce milieu fragile et malmené , le développement de l’économie bleue et l’exploitation des énergies
marines renouvelables sont le fil rouge de toutes les actions entreprises, que ce soit au niveau international,
national, régional et désormais local.

Comme je le répète pour chacun de mes enseignements, mes propos ne sont pas la vérité, mais une vérité qui
n’attend et ne demande qu’à se confronter, au sens pacifique du terme, avec les autres. J’invite donc toutes
celles et ceux qui auraient envie d’échanger ou de contredire mes arguments et positions de ne jamais hésiter à
me contacter (pdezeraud@sfr.fr).
SOMMAIRE

CHAPITRE 1 PRßSEnTATIOn GßnßRALE : PAGE 4


CHAPITRE 2 LA DßFInITIOn DES ESPACES MARITIMES : PAGE 7
CHAPITRE 3 LES ORIGInES DE L’ACTIOn DE
PAGE 26
L’ETAT En MER
PAGE 34
: CHAPITRE 4
ORGAnISATIOn
ADMInISTRATIVE DE L’AEM
:
CHAPITRE 5 DßCOUPAGE ADMInISTRATIF DE L’AEM : PAGE 48
CHAPITRE 6 RESPOnSABILITßS DU PRßFET
MARITIME PAGE 53
PAGE 76
:
PAGE 88
CHAPITRE 7 LA POLICE En MER
PAGE 101
:
PAGE 111
CHAPITRE 8 L’EXERCICE DE LA POLICE En MER
PAGE 125

: CHAPITRE 9 LES MODALITßS DE LA


COnTRAInTE En MER

: CHAPITRE 10 LE SAUVETAGE En MER

: CHAPITRE 11 LA LUTTE COnTRE LE TRAFIC


DE STUPßFIAnTS

:
CHAPITRE 12 LA PRßvEnTIOn DES POLLUTIOnS : PAGE 136
CHAPITRE 13 LA RßPRESSIOn DES POLLUTIOnS : PAGE 151
AnnEXES : PAGE 162
Un PETIT (TRèS GRAnD) MERCI 6 TInTIn ET AUx ßDITIOnS MOULInSART POUR TOLßRER L’UTILISATIOn DE QUELQUES ILLUSTRATIOnS.

ILn’Y A PAS QUE LE CAPITAInE HADDOCK QUI ßTAIT MARIn, TInTIn A PARCOURU TOUS LES OCßAnS, PLOnGß DAnS LES
PROFOnDEURS, JOUß AU nAUFRAGß, FRßQUEnTß BEAUCOUP DE PORTS ET MRME MARCHß SUR LA LUnE MAIS PAS SUR LA MER DE LA
TRAnQUILLITß.
CHAPITRE 1

9RßSEnTATIOn

GßnßRALE

Du droit de la mer à l’action de l’Etat en mer….

On ne peut pas envisager l’action de l’Etat en mer sans faire appel au droit de la mer. Les deux matières
sont à mon sens indissociables.

On pourrait toujours m’objecter qu’un Etat peut très bien organiser la manière dont il va appréhender son action
et ses activités en mer sans tenir compte de la réalité du droit international qui s’applique sur ce milieu. Que de la
même manière un Etat peut très bien ne pas vouloir, ou pouvoir, décliner et adapter le droit de la mer dans les
espaces maritimes qui bordent ses côtes. Il existe de nombreux exemples, dans un sens comme dans l’autre,
d’Etats qui ne sont pas parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) ou convention
de Montego Bay de 1982, et qui interprètent ses règles à leur manière ( avec souvent beaucoup de pertinence et
d’originalité comme la Turquie mais occultées si ce n’est gâchées par des postures agressives et provocatrices),
ou qui les appliquent et cherchent à les faire appliquer avec plus de zèle que les Etats parties, comme les Etats-
Unis, ou des Etats qui, bien que disposant d’espaces maritimes sous souveraineté et juridiction, ne se sont pas
dotés des capacités leur permettant d’en assurer la préservation. Il y a aussi des Etats qui, même parties à la
CNUDM, ont généreusement accordé à des navires le droit d’arborer leur pavillon sans jamais se mettre en
situation de répondre de manière satisfaisante aux obligations imposées par la convention elle-même. Ce qui ,
sur ce dernier point, permet de soutenir l’affirmation selon laquelle la haute mer n’est pas une zone de non droit,
ni un refuge ou un sanctuaire pour les voyous des mers, mais simplement la conséquence du désintérêt
manifeste, ou de l’incapacité matérielle, de certains Etats de satisfaire leurs obligations ou de contribuer à l’effort
collectif pour assurer la sécurisation globale des espaces maritimes. Les instruments juridiques internationaux
existent, ils sont même très nombreux, certains diraient même trop, c’est le plus souvent la volonté de les
appliquer qui est absente ou, dans le pire des cas, le choix de les contourner qui est retenu.

C’est donc en m’appuyant sur cet ensemble cohérent du droit international de la mer (auquel j’associe les normes
du droit maritime « commercial ») que j’aborde l’action de l’Etat en mer et que je l’explique et l’illustre au travers
de l’utilisation d’une pyramide. Pyramide dans laquelle chacun des « étages » assure, de manière hiérarchisée, la
cohérence théorique de l’organisation.
A ce titre le droit de la mer constitue
la base et le socle fondamental de
l’action de l’Etat en mer. C’est bien
parce qu’il existe la convention de
Montego Bay que les Etats
disposent de droits et se sont vus
imposer des obligations. C’est à
partir du droit de la mer que les
Etats vont assoir leur légitimité à
agir en mer. Evidemment, ce qui
est le plus important pour les Etats,
c’est de définir ce que sont les
espaces maritimes placés sous leur
souveraineté et leur
juridiction, quelles sont les limites de la mer territoriale et de la zone économique exclusive que la CNUDN leur
reconnaît, quelle extension de plateau continental peuvent-ils demander ou quelles actions sont-ils en droit
d’entreprendre en haute mer pour lutter contre des actes internationalement illicites ou encore assurer la
protection de leur environnement marin ou, tout simplement, satisfaire à leurs obligations.
Mais que la CNUDM reconnaisse aux Etats le droit à disposer d’une mer territoriale et d’une ZEE ne suffit pas en
soi si les Etats ne définissent pas leurs espaces. Or, comme nous l’aborderons par la suite, cette étape
indispensable a parfois été un peu oubliée ou traduite de manière parcellaire. Il y a pourtant une obligation à
l’égard des autres Etats, et par voie de conséquence de l’ensemble des usagers des espaces maritimes ( même
s’il convient de rappeler que la CNUDM n’est pas une convention d’application directe et qu’elle ne confère pas
de droit aux individus mais seulement aux Etats, Etats auxquels il revient de décliner les modalités d’exercice des
droits), de définir précisément les limites de juridiction.

Dans un ordonnancement logique, un Etat disposant de droits sur des espaces et ayant défini les limites de ces
espaces va devoir mettre en place une organisation administrative, expression de la puissance publique et de la
représentation de l’Etat, pour appréhender le fait maritime dans son ensemble, à la fois sur les espaces mais
aussi sur les utilisateurs de ces espaces et sur ceux auxquels il reconnaît le droit d’utiliser l’ensemble des
espaces maritimes mondiaux. C’est-à-dire à la fois se mettre en situation d’exercer ses responsabilités d’Etat
portuaire, d’Etat côtier et d’Etat du pavillon. Responsabilités importantes et complexes, de nature intersectorielle
et interministérielle qui peuvent s’exercer par le biais de modèles d’organisation différents.

L’organisation administrative ainsi mise en place va avoir pour objet de permettre l’élaboration des législations et
des réglementations, portant sur les espaces et les usagers de ces espaces, et de mettre en œuvre de manière
concomitante des moyens aéromaritimes de surveillance et de contrôle. Il n’en demeure pas moins que, dans
l’absolu, un Etat peut très bien se doter d’un arsenal juridique conséquent pour organiser et réglementer l’usage
de la mer sans disposer du moindre moyen physique de surveillance, et inversement, et dans les cas les plus
extrêmes ne pas avoir d’organisation administrative du tout (les exemples malheureusement existent). La
remarque peut prêter à sourire tant cela semble constituer une évidence mais la réalité de la manière dont l’AEM
s’est construit, en France comme à l’étranger, apporte une illustration bien réelle de cette « anomalie ». On
retrouve ainsi, et ici, le domaine plus classique de l’articulation entre la police administrative, dont l’objet est
d’assurer la prévention des usages, et la possibilité d’en réprimer les abus et le non-respect des prescriptions. Ce
qui signifie qu’il importe que l’Etat prévoie et définisse la nature des infractions. Autre
évidence qui ne l’est pas tant que cela si l’on veut bien se souvenir des atermoiements rencontrés en France, et
dans bien d’autres Etats, pour assurer la lutte contre la piraterie au large de la Somalie en 2010. Piraterie qui
constitue pourtant depuis des siècles le crime le plus abominable qui puisse être commis en mer, et pour laquelle
c’est moins une logique d’incapacité à mettre en œuvre des moyens de prévention, de protection ou de réaction,
que d’être en mesure d’exercer des mesures de police en mer. L’engagement de moyens militaires, comme ce
fut le cas avec l’opération européenne Atalante, peut bien être qualifié d’opération militaire, il n’en demeure pas
moins qu’au-delà de la sécurité des marins et des navires, la piraterie est un crime et que ce crime eut et doit être
sanctionné. Cette réflexion n’est cependant pas limitée au seul cas de la piraterie, il existe beaucoup d’autres
prescriptions liées à l’usage des espaces marins qui ne « disposent » pas de textes permettant d’assurer la
répression de leur violation, ce qui d’une certaine manière réduit à néant la crédibilité de l’Etat dans le domaine
considéré, sauf à ne vouloir avoir qu’un effet dissuasif (ce qui est une option parfaitement admissible si les Etats
impliqués n’ont pas l’intention de saturer leurs juridictions avec des procédures et de remplir leurs prisons avec
des individus pour des actes commis loin de leur territoire, à moins de se vouloir « gendarme du monde » et de
se reconnaître une juridiction universelle).

Prévoir et déterminer les infractions est une autre étape indispensable et nécessaire mais encore faut- il définir
des agents verbalisateurs habilités à constater les infractions, en recueillir les preuves et à en rechercher les
auteurs de manière à pouvoir permettre l’application de la sanction pénale par l’intermédiaire de l’exercice de la
police judiciaire. Il s’agit encore une fois d’une évidence qui se heurte soit à des oublis, à des imprécisions ou des
inadaptations, soit encore à des modèles judiciaires complexes qui réservent la police judiciaire à des agents
bien précis. Nous verrons qu’il s’agit là d’une des spécificités majeures du modèle d’action de l’Etat en mer
français, si ce n’est la spécificité principale. Enfin, dès lors que l’infraction est constatée et l’auteur connu, il faut
pouvoir permettre à la justice d’en assurer la sanction. Il importe donc que les juridictions soient définies,
organisées et désignées, ce qui a là aussi été un point délicat de structuration de l’action de l’Etat en mer en
France.

Cette pyramide de l’action de l’Etat en mer constitue d’une certaine manière le fil conducteur de mon propos.
Chaque étage, comme je l’ai déjà indiqué, est un élément indispensable pour assurer la cohérence globale de
l’AEM. Si une seule venait à faire défaut, l’action physique en mer ne pourrait tout simplement pas avoir lieu ou
ne produirait pas les effets attendus.

C’est donc sous cet angle que je vais aborder la présentation de l’action de l’Etat en mer en
commençant par la définition des espaces maritimes.
CHAPITRE 2

LA DßFInITIOn DES ESPACES MARITIMES

• Généralités

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 (CNUDM)
s’est d’emblée, pour reprendre les propres termes du président de la 3ème Conférence des Nations Unies sur le
droit de la mer, M. Tommy T.B. Koh, imposée comme une véritable « constitution pour les océans ». Constitution
conférant, comme je l’ai déjà avancé, certes des droits, souverains ou de juridiction, aux Etats mais leur imposant
aussi des obligations, notamment à l’égard de la mer et de sa protection, des Etats, de leurs navires et des autres
utilisateurs.

La littérature, au sens propre comme au sens figuré, sur le droit de la mer et sur la Convention de Montego Bay
est plus qu’étoffée, riche, dense et variée. Rarement un traité international n’aura produit autant de
développements, de débats et d’envolées, tant juridiques que lyriques que celui-ci. Tout a été écrit, ainsi que son
contraire, sur ce qu’est la mer, ou ce qu’elle n’est pas ; sur le droit de la mer et ses conséquences sur la paix et le
développement économique. Rarement encore les combinaisons d’intérêts et de situations n’auront été, et sont
encore, aussi multiples pour ne pas permettre une grille de lecture unique à ce texte remarquable.

Près de quarante ans après l’adoption de cette Convention, il est indéniable que « tout y est ». La formule est
certes triviale mais la protection de l’environnement marin est ainsi déjà au cœur des préoccupations des auteurs
de la Convention, tout comme l’invitation permanente à développer la coopération entre les Etats afin de lutter
contre les activités illicites (la piraterie, les stupéfiants…), réprimer les atteintes du milieu marin (les pollutions, les
ressource halieutiques en haute mer), développer la connaissance (recherche scientifique marine, protection du
patrimoine archéologique sous-marin…..) ou permettre une exploitation partagée du patrimoine commun de
l’Humanité, sans oublier, bien évidemment et élément fondamental, la préservation des intérêts des grandes
puissances maritimes, notamment en termes de garantie de la liberté de mouvement des flottes de guerre, et de
commerce puisqu’il s’agit parfois moins d’exercer sa souveraineté sur les espaces que de s’assurer la maîtrise
des flux.

De tous temps, les Etats ont pourtant cherché à s’agrandir pour pouvoir bénéficier de plus de ressources
(agricoles, minières, « espace vital »): politique des rois de France pour élargir le royaume, conquête du Nouveau
Monde pour les Espagnols et les Portugais, conquête de l’Ouest pour les Américains, de l’Est au-delà de l’Oural
et de la Sibérie pour la Russie. Mais l’objet de l’élargissement
portait jusqu’alors sur les terres. La mer ne servait qu’à la navigation. Or, depuis la fin de la seconde guerre
mondiale et la fameuse déclaration du président Truman en 1948, les Etats ont découvert ou pris conscience que
la mer recelait de nombreuses richesses. La mer est ainsi devenue, la technologie aidant, une source potentielle
de richesses nouvelles dépassant largement le cadre de la pêche et de l’extraction côtière des hydrocarbures.
L’intérêt s’est ainsi déplacé vers les grands fonds marins, riches en nodules et sulfures polymétalliques, en
encroutements cobaltifères, en ressources génétiques marines, en gaz … Parallèlement, les ressources
traditionnelles que l’on retirait de la mer sont devenues plus rares (thon rouge, morue) ou moins faciles à extraire
(pétrole). Tout concourrait donc à ce que les Etats regardent de plus en plus loin vers le large et ceux-ci ont donc
lancé le même mouvement d’appropriation, cette fois concernant les mers. Tandis que les frontières terrestres
ont été jusqu'à présent tracées dans leur quasi-totalité, les maritimes, plus récentes et beaucoup plus
nombreuses, demeurent cependant virtuelles dans plus de la moitié des cas. La question des délimitations
maritimes est d’autant plus prégnante que la CNUDM a consacré le mouvement d’extension vers le large des
compétences des Etats côtiers:

• en arrêtant à 12mn l’extension vers le large de la mer territoriale ;

• en portant à 200 mn la limite de la juridiction nationale et en inventant la « zone


économique exclusive » qui donne des droits souverains aux Etats côtiers jusqu’à 200 mn pour
explorer, exploiter, conserver et gérer les ressources biologiques et non biologiques de la
colonne d’eau ; cette « extension » n’a rien de négligeable puisque les ZEE représentent, à
elles seules, 40 % de l'ensemble des terres émergées de la planète, à l'exception de
l'Antarctique ;

• en conférant aux Etats côtiers des droits souverains pour explorer et exploiter les
ressources du plateau continental ; on pensait à l’époque surtout à la pêche (90 % des prises
mondiales sont effectuées dans les ZEE) et aux hydrocarbures ;

• en prévoyant une exploitation future au-delà de 200 mn, soit en autorisant sous
certaines conditions les Etats à revendiquer un plateau continental jusqu’à 350 mn, soit en
instituant un régime universel de gestion des ressources minérales solides ou gazeuses au-
delà de la juridiction nationale, avec création d’une Autorité internationale des fonds marins
(AIFM) et à terme d’une Entreprise, organe opérationnel de l’AIFM qui sera mis en place
lorsque l’exploitation deviendra possible dans les grands fonds.
De sorte que, comme sur terre, les Etats ont aussi des voisins en mer. Il leur faut donc maintenant se partager la
mer et celle-ci, partant, est devenue aussi source de conflits, analogues aux conflits territoriaux de naguère. La
guerre de la morue dans l'Atlantique, la guerre du saumon dans le Pacifique, le différend canado-américain
concernant le statut juridique du passage du Nord-Ouest dans l'Arctique n'auront été, entre bons voisins, que de
simples escarmouches. Ainsi, alors que s'épuisent sur terre les ressources et que certaines en mer sont en train
de disparaître et que leur rareté exacerbe les convoitises, de nouveaux types de conflits risquent de se multiplier
pour l'affirmation de la souveraineté sur des poussières d'îles et de rochers disputés par quatre, cinq, voire six
États, dans des zones hautement stratégiques qui rendent les problèmes de délimitation encore plus
inextricables. Actuellement, il y a un peu partout dans le monde des différends de délimitations maritimes qui
n’ont pas encore trouvé de solution, ceux par exemple :

- entre la Grèce et la Turquie dans la mer Egée,

- entre le Liban et Israël et Israël et l’Autorité palestinienne,

- entre la France et l’Espagne en Méditerranée,

- entre le Chili et le Pérou (avec un dernier arrêt de la CIJ du 27 janvier 2014),

- entre l’Espagne et le Maroc,

- entre la Colombie et le Venezuela

- entre l’Irak et le Koweit dans le Khor Abdallah,

- entre les Etats-Unis et le Canada, etc…

Ces litiges sont longs et complexes, car la CNUDM ne prévoit pas de méthodes de délimitation obligatoires mais
seulement une philosophie : il faut un accord entre les Etats, qui aboutisse à une solution équitable. La
jurisprudence est relativement abondante mais elle a varié dans le temps et elle ne traite qu’au cas par cas,
chaque cas présentant des particularités propres et n’étant pas directement transposable. En effet, interviennent
au niveau national plusieurs parties prenantes, telles que : la défense, l’industrie de la pêche, l’industrie pétrolière
voire les chercheurs, les archéologues mais aussi les pouvoirs locaux plus ou moins autonomes (provinces
espagnoles, autorités de Sint Maarten, compétences des communautés Outre-Mer), dont les intérêts conjugués
finissent par limiter sensiblement la marge de manœuvre et les capacités de négociation des Etats.

Malgré cela, ces litiges n’aboutissent, fort heureusement, que très rarement à des conflits armés. Beaucoup de
litiges en matière de délimitation maritime ont été réglés par un règlement judiciaire et c’est une différence
considérable par rapport aux conflits territoriaux, qui débouchent souvent sur la guerre. A tel point que pendant
un temps, le rôle de la CIJ a été presque entièrement alimenté par des affaires de délimitation maritime. Il y a
aussi des conflits qui se résolvent à l’amiable par la conclusion d’un accord international :

- entre la Russie et la Norvège en mer de Barents

- entre la Chine et le Vietnam dans le Golfe du Tonkin (reprenant de fait les deux premiers traits
de la « fameuse » langue de buffle établie unilatéralement par la Chine (nationaliste) en 1947 et
reprise depuis par la république populaire pour revendiquer la quasi intégralité de la mer de Chine
méridionale malgré la sentence arbitrale de la cour permanente d’arbitrage de La Haye de 2016)
• La France et les espaces maritimes

Avec la 2ème ZEE au monde de par sa superficie, la France ne fait pas exception dans ce tableau :

- elle a conclu 27 accords pour la délimitation de ses espaces maritimes, avec Madagascar
(frontière avec la Réunion), La Barbade, le Royaume-Uni, ou le Suriname pour les derniers en
date ;

10
- elle a réussi par des transactions délicates à apaiser certains conflits (avec le Mexique pour
Clipperton, avec Maurice pour Tromelin) ;

- elle a recouru à l’arbitrage dans le cas de la délimitation des espaces maritimes entre
Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada (1977) ;

- elle est impliquée dans des négociations difficiles avec des voisins très proches (Italie,
Espagne) ou des amis (Pays-Bas pour Saint-Martin, Royaume-Uni et Irlande pour le plateau
continental étendu dans l’Atlantique) avec lesquels elle n’est toujours pas parvenue à un accord
(sauf avec l’Italie mais l’accord signé en 2015 à Caen est
« bloqué » par la partie italienne à la suite d’une maladresse d’un service français à l’égard de
deux navires de pêche italiens) ;

- elle n’a toujours pas pu délimiter sa frontière maritime avec plusieurs Etats (le Royaume-Uni
pour Guernesey et Aurigny, les Samoa, les Comores, le Mozambique, Antigua-et-Barbuda, ou
Saint-Christophe-et-Nieves) ;

- elle a un différend avec le Vanuatu pour Matthew et Hunter et avec Madagascar pour les Iles
Eparses.

La CNUDM 1982 est entrée en vigueur le 16 novembre 1994 et la France l’a ratifiée par la loi n°95-1311 du 21
décembre 1995. La France est ainsi officiellement partie depuis le 11 avril 1996. Pour autant, force est de
constater qu’au-delà de l’impact politique et diplomatique, la ratification de la Convention n’a pas entraîner de
modification du droit français. Ou du moins jusqu’à la publication de la loi n° 2011- 13 du 3 janvier 2011 relative à
la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'Etat en mer.

En effet, si la CNUDM est le fruit de plusieurs décennies de négociations internationales et de travaux de


consolidation de la coutume internationales et de nombreuses conventions autonomes, et même si la France l’a
ratifié assez tardivement, elle en avait cependant, bien avant sa signature, adopté et adapté les dispositions les
plus pertinentes relatives à la délimitation des espaces maritimes et à la recherche scientifique marine. Ainsi, dès
1967 la France définissait les lignes de base du littoral métropolitain indispensables à la détermination, au large,
des limites de souveraineté (décret du 19 octobre 1967 définissant les lignes de bases droites et les lignes de
fermeture des baies servant à la détermination des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur des
eaux territoriales), puis proclamait en 1968 ses droits souverains sur le plateau continental et l’exploitation de ses
ressources (Loi n°68-1181 du 30 décembre 1968 relative à l'exploration du plateau continental et à l'exploitation
de ses ressources naturelles - Article 1 : La République française exerce, conformément à la Convention de
Genève sur le plateau continental du 29 avril 1958, publiée par le décret n° 65-1049 du 29 novembre 1965, des
droits souverains aux fins de l'exploration du plateau continental adjacent à son territoire et de l'exploitation de
ses ressources naturelles).

Elle procédait en 1971 à l’extension de ses eaux territoriales à 12 milles marins à partir des lignes de base (Loi
n°71-1060 du 24 décembre 1971 relative à la délimitation des eaux territoriales françaises - Article 1 : Les eaux
territoriales françaises s'étendent jusqu'à une limite fixée à 12 milles marins à partir des lignes de base) et s’est
reconnue en 1976 une zone économique de 188 milles marins au-delà des limites des eaux territoriales (Loi
n°76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des
côtes du territoire de la République - Article 1 : La République exerce, dans la zone économique pouvant
s'étendre depuis la limite des eaux territoriales jusqu'à 188 milles marins au-delà de cette limite, des droits
souverains en ce qui concerne l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles, biologiques ou non
biologiques, du fond de la mer, de son sous- sol et des eaux surjacentes). On relèvera au passage « l’erreur »
commise par le législateur et la liberté prise en cette circonstance à l’égard des futures dispositions de la CNUDM
: la largeur de la ZEE est
mesurée à partir de la seule référence de la ligne de base et non de la limite de la mer territoriale qui peut ne pas
avoir obligatoirement 12 milles marins de large (L’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 a rétabli
l’orthodoxie juridique).

De même, par une loi du 31 décembre 1987 modifiant le code des douanes, elle a créé une zone contiguë de 12
milles marins au-delà de la limite des eaux territoriales (loi n° 87-1157)(avec les mêmes remarques que pour la
ZEE, la CNUDM la fixe à 24 milles marins à partir des lignes de base). Pour ce qui concerne la recherche
scientifique marine, encore convient-il de relever que la loi n° 86-826 du 11 juillet 1986 n’a fait que poser le
principe de l’autorisation préalable à toute opération de recherche dans la mer territoriale, la zone économique
exclusive et sur le plateau continental. Enfin, la loi n° 94- 589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de
l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer, organisait les conditions dans lesquelles, quelques soient
les espaces maritimes, les commandants des navires de l’Etat pouvaient exercer, pour le compte de l’Etat
français, des pouvoirs de police à l’égard des navires français et étrangers (avant que la loi n° 2011-13 du 5
janvier 2011 n’ajoute les navires sans nationalité) en application, notamment, du droit international.

De sorte que l’on constatait un étonnant décalage entre le caractère particulier de la Convention, qui n’est pas
d’application directe1, ou auto-applicable, et le droit français qui a été modelé pour sa plus large part avant la
signature de la convention et ne portait, pour l’essentiel, que sur les espaces maritimes.

Il apparaît également que, de manière assez étrange, la France a été très lente à satisfaire à l’obligation de
déposer auprès du secrétariat des Nations unies les coordonnées précises des espaces sous juridiction
française, sauf sous la contrainte de l’actualité (Tromelin, Madagascar et Maurice). Il en ressort que les limites au
large de ces espaces (zones économiques notamment) peuvent être difficilement opposables aux Etats tiers (et
par voie de conséquence aux usagers de ces espaces) et rendait quelque peu approximative l’estimation selon
laquelle la France disposerait du deuxième domaine maritime mondial.

Par ailleurs, dans le même temps, il


avait été décidé de créer des parcs
naturels marins outre-mer dont les
limites épouseraient celles des zones
économiques. Or, pour pouvoir
officiellement établir les coordonnées
de ces limites il était indispensable
de disposer de la définition des lignes
de base. Ce qui, pour l’outre-mer,
n’était que partiel et oubliait
notamment la Polynésie française
soit un peu moins de la moitié des
espaces maritimes sous juridiction
(sur un total de plus de 10 millions de
km2).

De sorte que si la France disposait de « l’arsenal » législatif et réglementaire complet en matière de définition des
espaces maritimes, celui-ci demeurait fragile et relativement incomplet. Notamment parce que les différentes lois
définissant les espaces maritimes avaient été « écrites » en utilisant une

1
Notamment Arrêt « Intertanko » de la CJUE du 3 juin 2008 : « la CNUDM ne confère pas aux particuliers des droits ou
des libertés susceptibles d’être invoqués à l’encontre des Etats ». La CNUDM est une convention des droits et obligations
des Etats.
terminologie relativement hétérogène, à la fois entre elles et au regard de la convention de 1982, ce qui entraînait
une fragmentation du droit applicable aux espaces maritimes qui était préjudiciable, non seulement à la bonne
compréhension de l’organisation mais aussi à une application efficace et pertinente de toutes les dispositions de
la CNUDM. Ainsi, à titre d’illustration, la création par la loi de 1976 de la zone économique est-elle demeurée un
sujet de confusion majeure, y compris chez les plus éminents juristes du Conseil d’Etat dont certains
considéraient que cette zone n’était pas la ZEE de la CNUDM 2. Même le législateur s’y perdra en 2010 lors de
l’élaboration du code minier (nouveau) en
« inventant » la zone économique dite exclusive (hérésie fort heureusement rectifiée depuis). Pour la petite
histoire, il était sans doute difficile de faire comprendre, et admettre, le sens de cette
« coquetterie » juridique qui a consisté à retirer le qualificatif d’exclusif en réaction à l’instauration des premiers
règlements des pêches de l’Europe Bleue au début des années 1970 et qui consacraient l’accès aux eaux
côtières, lui faisant perdre de facto et de jure ce caractère exclusif puisque l’Etat côtier se voyait « contraint » de
partager ses ressources avec ses partenaires .

C’est ce constat qui a conduit, en 2011, le Gouvernement à lancer, afin de donner plus de cohérence, de
pertinence et de force à l’affirmation des droits souverains et de la juridiction de la France sur les espaces
maritimes et les ressources naturelles de leur sol et sous-sol, tout en affichant ostensiblement l’importance de
ces espaces, un programme de redéfinition juridique et de délimitation de l’ensemble des espaces maritimes.

Ce programme s’est concrétisé par la publication de l’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 qui a
abrogé toutes les lois déjà citées et a fixé en un ensemble juridique homogène, paraphrasant même un peu trop
la CNUDM, les définitions des espaces maritimes sur lesquels la France se reconnaît des droits souverains, de
juridictions ou d’intérêt à agir. C’est ainsi que, outre les lignes de base, les eaux intérieures, la mer territoriale, la
zone contiguë, la ZEE et le plateau continental, la zone internationale des fonds marins est mentionnée et que la
France est même allée jusqu’à se reconnaître, pour « la beauté du droit », une baie historique au travers de la
baie du Mont Saint Michel.

En revanche, on peut regretter que le Gouvernement (et le Conseil d’Etat) n’ait pas osé innover dans la définition
juridique du plateau continental en ne réservant pas dans le droit français cette appellation qu’à la seule
extension issue d’EXTRAPLAC, dans la mesure où les droits de l’Etat côtier sur le sol et le sous-sol de la ZEE et
du plateau continental (normal) sont strictement identiques (dès lors effectivement que l’Etat a revendiqué
l’intégralité de ses ZEE alors que le plateau continental
« s’impose » sans déclaration de l’Etat côtier).

• De l’importance des lignes de base

On peut focaliser son attention et son intérêt sur la dimension juridique des espaces maritimes et les théories du
droit de la mer mais il ne faut pas pour autant oublier leur aspect éminemment concret. Or c’est pourtant ce qui
s’est produit en France et que l’on constate en examinant l’historique des décisions et des mesures adoptées.
Ainsi, on s’aperçoit que la France avait très largement anticipé l’adoption des textes internationaux et que dès
1967 elle avait défini les coordonnées des lignes de base pour la métropole (décret du 19 octobre 1967) et qu’en
1971, par la loi n° 71-1060 du 24

2
Il faut cependant reconnaître que l’appréciation des conseillers d’Etat a pu être largement influencée par la lecture du
rapport du député Bécam sur le projet de loi de juillet 1976 relatif à la zone économique et des débats parlementaires. En
effet, il n’a jamais cessé d’y être affirmé que cette loi n’avait pas pour objet de créer une zone économique ni de rendre
effective immédiatement l’extension des compétences de la République mais se bornait à autoriser le Gouvernement à
mettre en vigueur par décret en Conseil d’Etat ces extensions en fonctions des circonstances, au moment opportun et dans
les zones où il le jugerait utile.
décembre 1971, elle proclamait une mer territoriale de 12 nautiques au large des côtes du territoire français. Soit
très largement avant que l’on ne parvienne au consensus de la CNUDM.
A cela il y a une explication qui tient essentiellement dans le besoin et la préoccupation d’assurer la plus grande
sécurité à la mise en œuvre de la force océanique stratégique alors en « construction ». Le Redoutable, le
premier sous-marin lanceur d’engins (SNLE) a été lancé en 1967, admis au service actif après essais en
décembre 1971 et a
effectué sa première patrouille en 1972.
Opérant à partir de la base de l’Ile Longue
en Bretagne, il importait que la France
dispose d’un espace maritime de
souveraineté conséquent pour éloigner les
intrus potentiels et assurer de la sorte, au
cœur de la guerre froide, la crédibilité de la
dissuasion. La détermination des lignes de
base et de la mer territoriale françaises en
1967 et 1971 est en quelque sorte la
conjonction des intérêts diplomatiques,
militaires et juridiques.

La ligne de base, laisse de basse mer ou ligne de base droite, définie par la CNUDM est par conséquent la
référence fondamentale et indispensable pour déterminer et revendiquer des espaces maritimes 3. De manière
triviale, si l’on ne connaît pas le point de départ, nous aurons des difficultés à trouver un point d’arrivée. C’est cet
oubli qui a été réparé avec la mise en œuvre, en application d’une décision du comité interminstériel de la mer
(CIMER), d’un programme ambitieux et la création, sous l’égide du secrétariat général de la mer (dont nous
détaillerons les responsabilités et attributions dans un chapitre ultérieur) et du service hydrographique et
océanographique de la marine (SHOM), du portail national des limites maritimes (
https://limitesmaritimes.gouv.fr/)

3
Voir en annexe l’arrêt de la Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 janvier 2016, 14-85743
C’est à partir de ces données, récentes comme l’indique la diapo ci-dessus puisque tous les décrets, à
l’exception de la Nouvelle-Calédonie et celui de la métropole qui est une « modernisation » de celui de 1967, ont
été adoptés à partir de 2013.

La conséquence logique étant ensuite de pouvoir définir les limites de la mer territoriale et de la ZEE avec des
coordonnées géographiques précises et non plus, comme l’avaient fait toute une série de décrets en 1978 sur les
ZEE, avec la mention « vague » de « de 12 milles marins ou de 188 milles marins respectivement à partir des
côtes ou de la limite de la mer territoriale » dont on ne connaissait pas le point exact.

LA MER
TERRITORIALE
Décret n ° 2017- 366 du 20 mars 2017 Crozet (Terres australes et
antarctiques françaises) Décret n ° 2017- 367 du 20 mars 2017 Saint -Paul et
Amsterdam (TAAF)
Décret n ° 2017- 368 du 20 mars 2017 Kerguelen (Terres australes et
antarctiques françaises) Décret n ° 2018- 23 du 16 janvier 2018 Clipperton
Décret n ° 2018- 24 du 16 janvier 2018 La Réunion
Décret n ° 2018- 681 du 30 juillet 2018 (métropole)
Décret n ° 2019- 320 du 12 avril 2019 (Wallis-et- Futuna)
Décret n ° 2022- 20 du 10 janvier 2022 (Guyane) (abroge décret 2019-1219 du 21 nov
embre 2019)

Décret n° 2020- 70 du 29 janvier 2020 (Mayotte)


Décret n° 2020- 590 du 18 mai 2020 (Polynésie française)
Décret n° 2021- 214 du 24 février 2021 (Saint Pierre et Miquelon)( abroge décret du
24 novembre 2015 )

Manquent:
Nlle Calédonie, Les
Néanmoins, au regard de l’importance des espaces maritimes français, le travail de délimitation demandé au
SHOM est conséquent. Aussi, pour ce qui concerne la ZEE, à ce jour la plupart des décrets de 1978 établissant
les ZEE de manière générique sont encore en vigueur et la publication des ZEE délimitées se fait au fur et à
mesure, en fonction des priorités et au regard de la sensibilité de la précision de la délimitation des zones pour la
conduite des opérations de police, notamment des pêches dans les eaux des TAAF.

Les esprits « taquins » relèveront que l’espace maritime du parc naturel marin des Glorieuses est entièrement
délimité et correspond à la ZEE des Glorieuses alors même que celle-ci n’est qu’établie par un décret de 1978 et
en aucun cas délimitée. Ce qui signifie en clair que l’on ne connait pas ses limites.

LA ZOnE ßCOnOMIQUE EXCLUSIVE

Etablies :
Décret n ° 77-130 du 11 février 1977 (Manche - Mer du Nord -
Atlantique) Décret n ° 78-142 du 3 février 1978 (Nouvelle -
Calédonie)
Décret n ° 78-144 du 3 février 1978 (Terres australes et
antarctiques) Décret n ° 78-145 du 3 février 1978 (Wallis et
Futuna)
Décret n ° 78-146 du 3 février 1978 (Tromelin,
Eparses) Décret n ° 78-148 du 3 février 1978
(La Réunion) Décret n ° 78-149 du 3 février 1978
(Mayotte)
Décret n ° 78-276 du 6 mars 1978 (Guadeloupe)
Décret n ° 78-277 du 6 mars 1978 (Martinique)

Délimitées:
Décret n ° 2012-1148 du 12 octobre 2012
(Méditerranée)
Décret n ° 2017-366 du 20 mars 2017 (Crozet (Terres australes et antarctiques françaises))
Décret n ° 2017-367 du 20 mars 2017 (Saint -Paul et Amsterdam (TAAF))
Décret n ° 2017-368 du 20 mars 2017 Kerguelen (Terres australes et antarctiques
françaises) Décret n ° 2018-23 du 16 janvier 2018 (Clipperton)
Décret n ° 2022-20 du 10 janvier 2022 (Guyane) (abroge décret 2019-1219 du 21 nov embre 2019)
Décret n ° 2020-591 du 18 mai 2020 (Polynésie française)
Décret n ° 2021-214 du 24 février 2021 (Saint Pierre et Miquelon)

Voici donc le « terrain de jeu » sur lequel va se dérouler en priorité l’action de l’Etat en mer français. Mais je
précise bien en priorité car, comme ne le verrons, les espaces maritimes même relevant de la juridiction, voire de
la souveraineté, d’un autre Etat et de la haute mer ne sont pas étrangers à l’expression de l’AEM.

Leur définition est importante car c’est bien à partir d’elle que l’Etat va pouvoir assoir, au travers de son
organisation administrative et de ses moyens, l’application de la législation et la préservation de ses droits.
ExTEnSIOn DU PLATEAU
COnTInEnTAL
Délimitées :

Décret n° 2015-1180 du 25 septembre 2015 Martinique et Guadeloupe


Décret n° 2015-1182 du 25 septembre 2015 Nouvelle -Calédonie
Décret n° 2015-1183 du 25 septembre 2015 Kerguelen (Terres australes et
antarctiques françaises) Décret n° 2017-366 du 20 mars 2017 Crozet (Terres australes
et antarctiques françaises)
Décret n° 2020-376 du 30 mars 2020 Guyane
Décret n° 2021-42 du 19 janvier 2021 La Réunion
Décret n° 2021-60 du 25 janvier 2021 Saint-Paul et Amsterdam (TAAF)

• La superficie des espaces maritimes français

Le sujet relatif à l’importance au niveau mondial et à la part des espaces maritimes français au sein de l’espace
maritime de l’Union européenne soulève un certain nombres d’interrogations tenant à la fois aux calculs eux-
mêmes, au contenu de ces espaces et à la prise en compte des espaces ultramarins.

Il est ainsi récurrent que l’on cite la France et ses 11 millions de km² d’espaces maritimes qui en font
le deuxième espace mondial derrière les Etats-Unis.

Au risque de décevoir, voire de choquer, quelques-uns d’entre vous, il est aujourd’hui impossible de présenter un
tableau rigoureusement exact des superficies maritimes de la France, de l’Union européenne ou de l’ensemble
des Etats. Cela peut paraître surprenant alors même que la France dispose, par l’intermédiaire du service
hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) et depuis le 8 juin 2018, d’un portail spécifique
www.limitesmaritimes.gouv.fr et que d’autres Etats, comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni en ont fait autant.
Portail spécifique qui permet cependant d’accéder à un tableau récapitulatif de la superficie des différents
espaces maritimes français définis conformément à la convention des nations Unies sur le droit de la mer de
1982 (CNUDM).

C’est ainsi que le total des espaces maritimes est aujourd’hui le suivant :
Ce qui, au passage, démontre qu’il manque plus d’un million au onze millions de km² de zone économique
exclusive qui sont devenus au fil du temps le thème d’un slogan récurrent et dont on trouve l’origine dans les
débats portant le projet de loi instituant en 1976, bien avant la signature de la CNUDM, la zone économique (pas
encore exclusive) française .

Ce résultat de 10,186 millions de km² d’espaces maritimes est celui obtenu en tenant compte de la
détermination :

• Des lignes de base droites (lorsque ce n’est pas la laisse de basse mer qui est retenue);

• Des limites extérieures de la mer territoriale (12 milles), de la zone contiguë (24 milles) et de la zone
économique exclusive (200 milles) ;

• Des limites (frontières) maritimes ayant fait l'objet d'un accord entre Etats ;

• Des limites revendiquées unilatéralement par la France et non définies par un accord de délimitation ;

• Des limites extérieures du plateau continental au-delà des 200 milles marins approuvées par la CLPC
des Nations Unies ;

• Et, comme l’indique le SHOM, des éléments de la base de données GMBD et non de calculs Shom pour
l’emprise de la mer territoriale utilisée pour les estimations de superficie pour les Iles Eparses. (Les chiffres
données pour ces territoires sont par conséquent provisoires)

Ce qui justifie pourquoi en 2019 et en 2020 les résultats n’étaient pas tout à fait identiques :

Car, comme l’explique très bien une étude de Jean-Benoît Bouron 4, la première difficulté pour déterminer la
superficie des ZEE vient du fait que leurs limites ne sont pas toutes fixées. Soit parce que les pays riverains n'ont
pas signé et ratifié un accord fixant définitivement la limite de leurs espaces (mer territoriale et/ou ZEE ou, plus
historique, plateau continental), soit parce que tout simplement l’absence de délimitation précise peut permettre à
un Etat de demeurer dans un certain flou sur ses méthodes de délimitations ou la légitimité, ou la « légalité
internationale », de ses revendications. Soit encore, et comme c’est le cas dans l’exemple des évolutions
françaises entre 2019 et 2020, parce que l’on a modifié les références de quelques lignes de base (en Polynésie
ce qui en entraîné la modification en 2020 de la mer territoriale et de la ZEE).

4
« Mesurer les Zones Économiques Exclusives »http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-
scientifiques/dossiers-thematiques/oceans-et-mondialisation/geographie-appliquee/mesurer-les-zee
En synthèse, la superficie des espaces marins métropolitains est le 1er mars 2023 la suivante : (Source
SHOM)

Et pour l’outre-mer :
Pour être plus précis on peut détailler juridiquement les espaces maritimes de la sorte :

Ensemble des espaces : 10 911 921 km2


maritimes : 548 020

Ensemble des mers territoriales et eaux : 9 638 604

intérieures Ensemble des ZEE : 725 297


Extension du PC
: 10 186 624 km2
Ces superficies ne sont cependant pas les seules que l’on peut « trouver » dans des publications
officielles, pour illustrer cette affirmation il suffit de s’appuyer sur cet encadré extrait de l’étude précitée
de Jean-Benoît Bouron :

Tout comme la CNUDM a inventé le plateau continental juridique, déconnecté du plateau continental
géomorphologique (sauf pour extraplac), il y a des superficies juridiques et des superficies thématiques.

Les espaces maritimes Européens


La détermination, ou l’indétermination, de la superficie des espaces maritimes est soumise aux mêmes
aléas que ceux de la France. La transposition est absolument identique. Elle peut même, dans des
proportions limitées, être le résultat de la prise en compte additionnelle d’un espace maritime
revendiqué par deux Etats (exemple en Méditerranée entre les ZEE française et espagnole) ou de
l’indétermination politique (problème spécifique de Chypre et de la RTCN).
Cette fiche reprend par conséquent les données citées par la fiche de JB. Bouron et que l’on retrouve à
la fois sur le site www.marineregions.org et sur https://en.wikipedia.org/wiki/Exclusive_economic_zone
Les données ainsi mentionnées sont toutes aussi inexactes et imprécises mais constituent une
approximation qui permet d’opérer une comparaison sur laquelle on peut raisonnablement fonder une
appréciation des importances respectives.
Le tableau ci-dessous synthétise ces données

en millions de KM²
France 11,
7
Danemar 2,5
k
Portugal 1,7
2
Espagne 1,0
4
Italie 0,5
4
Grèce 0,5
05
Irlande 0,4
1
Suède 0,1
6
Pays bas 0,1
54
Chypre 0,0
98
Finlande 0,0
87
Croatie 0,0
59
Allemagn 0,0
e 57
Malte 0,0
54
Estonie 0,0
37
Bulgarie 0,0
34
Pologne 0,0
3
Lettonie 0,0
28
Roumani 0,0
e 23
Lituanie 0,0
07
Belgique 0,0
03
Slovénie 0,0
02
19,2
48
Question de l’intégration des espaces maritimes ultramarins français ( et néerlandais, portugais
et danois) dans les espaces maritimes européens
Si, d’une manière générale, et parce que la France est une République une et indivisible, tous les
espaces déterminés par le SHOM sont placés sous la souveraineté ou la juridiction de la France, il est
effectif que la législation et la réglementation européenne ne s' appliquent pas de manière identique. Il
est ainsi vrai que l'outre-mer français du Pacifique, qui représente 80
% de notre ZEE, et les autres Pays et territoires d’outre-mer PTOM (Nouvelle Calédonie, Polynésie
Française, Saint Barthélemy, Saint Pierre et Miquelon, les TAAF, Wallis et Futuna) ne font pas
juridiquement partie de l'Union européenne. Ainsi, la politique commune des pêches de l’Union
européenne ne s’applique que dans les RUP (régions ultrapériphériques qui sont : la Guadeloupe, la
Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint Martin). Dans les PTOM, la gestion de la ressource
halieutique est une compétence de la collectivité.
Toutefois, et pour être en phase avec le rapport d’information du Sénat du 9 avril 2014 sur
« Zones économiques exclusives (ZEE) ultramarines : le moment de vérité », les espaces marins
ultramarins dans leur ensemble n'en assurent pas moins une forme de présence de l'Europe dans des
régions et des espaces de plus en plus stratégiques.
Dans une perspectives de construction d’une Europe politique et non plus seulement juridique et
économique il importe que ces espaces maritimes soient considérés comme étant des espaces
maritimes européens.
Ainsi, les espaces maritimes français représentent plus de 50% de l’espace maritime européen.
Si l’on retire les PTOM des Etats européens de cet espace alors la part des espaces maritimes français
demeure tout de même de près d’un quart.
CHAPITRE 3

DES ORIGInES DE L’ACTIOn DE L’ETAT En MER

Au commencement….

Dans une longue introduction (chapitre 1) je vous ai présenté le lien étroit entre le droit de la mer et l’action de
l’Etat en mer, et plus particulièrement celui qui concerne les espaces maritimes, le théâtre de toutes les
rencontres, de la démonstration de force d’un Etat à l’usage plus ou moins paisible d’un baigneur.

Pendant des siècles, le besoin de sécurité maritime et le


lien à la mer se sont essentiellement exprimés au travers
des marines militaires et des routes maritimes
commerciales, expliquant sans doute ainsi pourquoi le
droit de la mer est longtemps demeuré un droit coutumier
magnifiant le principe de la liberté des mers. Liberté du
commerce mais liberté des flottes de guerre avant tout.

Mais les espaces maritimes ne sont plus aujourd’hui uniquement des lieux de contemplation, de poésie et
d’aventures exaltées de corsaires et d’explorateurs ni un milieu dans lequel la perte d’un navire ou de sa
cargaison est acceptée avec un certain fatalisme auquel on attribue le « joli » qualificatif de fortune de mer. Le
risque maritime aujourd’hui n’est plus envisagé sous le prisme de l’aventure ou de l’expédition mais de manière
rationnelle, raisonnée et étudiée parce que des vies humaines sont exposées, que l’environnement marin et les
littoraux sont menacés et que l’atmosphère elle-même est impactée par la pollution.

Le développement considérable des activités maritimes et des échanges


commerciaux a « jeté » sur les mers des navires de plus en plus grands,
capables de transporter des milliers de personnes et de tonnes de produits
pétroliers, gaziers, chimiques, tous plus dangereux
les uns que les autres pour
l’environnement marin. Navires
qui se retrouvent quotidiennement dans des espaces restreints dans
lesquels viennent également s’aventurer des plaisanciers plus ou moins
aguerris sur des navires dont la taille n’a parfois plus rien à envier aux
cargos traditionnels.

Alors que pendant très longtemps la


« terre » se protégeait des attaques venues de la mer et que l’on doit ainsi à
Vauban de magnifiques fortifications, aujourd’hui les activités humaines se
projettent en mer pour étendre les emprises portuaires, de commerce
ou de plaisance, exploiter les énergies marines
renouvelables ou les fonds marins, déposer des
câbles sur le fond des mers qui vont assurer près de 90% des échanges mondiaux
d’internet. Le monde de la pêche n’a pas échappé à une évolution qui, en restant sur
des schémas de pensée et de pratiques anciens, a conduit
à un épuisement et, parfois, à une diminution sinon une disparition de la ressource (exemple des stocks de morue
sur les bancs de Terre-Neuve) au point qu’il a fallu développer la création de fermes d’aquaculture et d’élevages
marins en mer. De la même manière l’épuisement
des ressources terrestres en matériaux nécessaires à la fabrication des ciments
entraîne un recours à l’exploitation des bancs de sables marins, lieux privilégiés de
reproduction de la faune marine.

C’est la seconde moitié du 20ème siècle qui a balayé la relation distante et poétique
des Etats avec la mer. L’affirmation de l’extension de la souveraineté et de la juridiction des Etats sur de vastes
étendues d’eaux salées, l’explosion du commerce maritime alliée à la révolution technologique, l’intensification de
l’effort de pêche, la transformation de la mer de proximité en espace de loisirs et la dégradation inattendue des
littoraux par l’effet des pollutions par hydrocarbures dues aux catastrophes maritimes à la fin des années 60 ont
conduit les Etats à agir davantage en mer et autrement que dans une seule perspective militaire ou
commerciale. Comme ils l’avaient fait en 1914, en adoptant la convention
SOLAS (Safety Of Life At Sea), après avoir pris conscience au lendemain du
naufrage du Titanic qu’il n’était plus possible de s’en
remettre au bon vouloir de la destinée
et qu’il importait de fixer des normes
de construction et
d’exploitation des navires. La convention de Montego Bay (CMB) a, pour
ainsi dire, figé la prise en compte de ces nouvelles préoccupations.
Réaffirmant le principe de liberté des mers, elle a tout de même amorcé
une certaine forme de territorialisation des
espaces maritimes.

Plus présents, plus impliqués en mer, les Etats ont également vu se développer au même rythme les activités
illicites. A côté des crimes absolus, traditionnels et
historiques que constituent la piraterie et la traite des esclaves, les
activités illicites ont accompagné développement des activités
économiques, telle la pêche INN, non déclarée et non réglementée qui
pille les ressources, le trafic des stupéfiants, des armes et même le
pillage des sites archéologiques sous-
marins. Ils sont également
confrontés aux atteintes
environnementales, accidentelles ou volontaires parce qu’il est plus
économique de rejeter des produits en mer que de les retraiter dans un
port. A côté de cela, la mer, espace qui tout à la fois relie et sépare, est
devenue le lieu de passage de milliers d’individus en quête d’une vie
meilleure et que des individus peu scrupuleux et criminels envoient à la
mort sur des embarcations qui n’en ont que
le nom, opposant sans cesse les obligations de sauvetage des vies humaines et les politiques de lutte
contre l’immigration illégale.

Une nécessité….
Confrontée, comme toutes les autres Nations maritimes, à cette évolution radicale et au foisonnement
extraordinaire de nouvelles activités en
mer, entraînant un besoin de les réglementer
et maintenant de les organiser pour les
rendre compatibles entre elles, mais aussi au
renforcement des préoccupations maritimes,
la France a fait un choix que d’aucun qualifie
d’original pour organiser son action en mer.
Alors que certains constituent et organisent
des services de garde-côtes, elle a opté pour
le développement des synergies entre tous
les acteurs impliqués. Ce dispositif, reposant
sur la
coordination de l’activité des administrations et services agissant en mer, est ainsi en place depuis plus
de 42 ans.

Mais, pour original qu’il paraisse, il n’est pas certain que la coordination des actions soit le seul véritable et
unique intérêt de l’organisation française.

Ainsi, l’action de l’Etat en mer repose sur deux fondements majeurs qui, dans l’absolu, et contrairement à
d’autres, ne sont pas indissociables. C’est même justement leur association qui donne au système français sa
dimension particulière. Cette seconde originalité, c’est l’importance du rôle confié, au travers de la fonction garde-
côtes, à la marine nationale. Marine nationale qui, loin de se cantonner dans ses attributions d’armée de mer, est
une des rares marines militaires au monde à être aussi une force de police dotée de tous les attributs classiques
de cette fonction.

Si l’on veut remonter un peu le temps, regarder l’histoire pour comprendre le présent, on s’aperçoit que le
véritable architecte des principes gouvernant l’action de l’Etat en mer n’est autre que Richelieu. A son grand
maître de la navigation et du commerce, le Roi Louis XIII « avait donné tous pouvoirs pour assurer la
conservation des droits, la sûreté de la mer et l’observation des ordonnances ». Ce qui traduit autrement exprime
plus simplement la volonté de satisfaire cinq objectifs :

- Développer une marine marchande (notamment en créant des sociétés commerciales dotées de
pouvoirs exorbitants telle la Compagnie des Indes qui avait, notamment, le droit de battre monnaie)
- Poursuivre des ambitions militaires
- Renforcer la sécurité en mer (en luttant déjà contre les pirates, les corsaires et bien sûr contre les
autres forces maritimes qui voulaient s’assurer le contrôle des voies de navigation)
- Etendre les emprises (et conquérir de nouvelles terres pour concurrencer l’Espagne et le Portugal
qui avaient déjà pris pieds en Afrique et en Amérique du sud mais aussi l’Angleterre et la Hollande
en Inde et en Asie)
- Concourir au développement scientifique (et notamment de la connaissance des sciences de la
navigation)

Près de deux siècles plus tard, en poursuivant toujours la satisfaction de ces objectifs, Bonaparte complétera
l’œuvre en créant, à l’échelon local, ce que Richelieu avait bâti au niveau central. C’est à dire un représentant
unique de l’Etat pour les affaires de la mer. Il serait, au passage, indélicat de ne pas évoquer l’apport déterminant
de Colbert qui a finement ciselé l’ordonnancement juridique des
« affaires de la mer » et créé, dans une perspective de politique maritime intégrée, un certain nombre
d’institutions qui ont traversé les siècles (en commençant par l’établissement des invalides de mer, préfiguration
d’une caisse de retraite et de sécurité sociale, le service hydrographique de la marine, le domaine public maritime
dont la définition n’a guère évolué si ce n’est la dimension spatiale, et même le service des eaux et forêts dont la
responsabilité première fut de pouvoir aux besoins en bois pour la construction des navires).

Le début du 20ème siècle allait porter atteinte à cette unicité. Les marines de commerce et de pêche se sont
séparées de la marine (nationale) (en deux temps, tout d’abord en 1916 avec la séparation de la marine
marchande de la tutelle de marine de guerre puis en 1930 avec le transfert de la police des pêches et de
l’inscription maritime) et l’évolution des techniques, de l’industrie, du commerce et des capacités nautiques a
amené, peu à peu, d’autres ministères à agir ou à s’intéresser à la mer.

A la fin des années 60, le centralisme et l’unité avait ainsi laissé la place à la dispersion des efforts et à
l’incohérence. Ce qui n’était pas sans poser de sérieuses difficultés au moment même où l’Etat se trouvait devoir
faire face à la formidable transformation des activités et du droit des espaces maritimes.

De la revendication du plateau continental à l’extension des mers territoriales, en passant par la création des
zones contiguës et des zones économiques exclusives qui viennent donner aux Etats, et tout particulièrement à
la France avec près de 11 millions de km2 d’eau salée sous sa juridiction, de nouveaux droits, mais aussi ce qui
est souvent oublié de nouveaux devoirs, l’organisation des Etats n’était pas adaptée. Que ce soit en matière de
sauvetage, de protection de l’environnement marin, de gestion des ressources halieutiques, de sécurité de la
navigation ou de recherche scientifique ou encore d’exploitation des nodules polymétalliques, il est évident que
les Etats ont négocié le texte de la CNUDM sans avoir organisé la manière dont ils répondraient à cette évolution
juridique.

Pour la France, face à ces défis et ces attentes, à la veille de la IIIème conférence sur le droit de la mer et après
avoir subi la première véritable « marée noire » avec le naufrage en 1967 du Torrey Canyon, l’héritage de
Richelieu, de Colbert et de Bonaparte paraît avoir été dilapidé : 19 services relevant de 12 ministères se
partagent, en 1971, sans concertation, 42 missions en mer.

Devenue une réalité…

C’est pourtant ce constat qui fonde le début de l’organisation moderne et toujours actuelle de l’action de l’Etat en
mer qui s’est mise en place en trois temps.

Tout d’abord en 1972, par la création du groupe interministériel de coordination des activités en mer des
administrations (GICAMA) (décret n° 72-302 du 19 avril 1972 relatif à la coordination des actions en mer des
administrations de l’État) et par la désignation d’administrations chargées de coordonner l’activité des autres, aux
niveaux central et local, dans chacune des 42 missions.

Puis surtout, et essentiellement, en 1978 par la désignation, par le décret du 9 mars 1978 relatif à
l’organisation des actions de l’État en mer, d’une autorité unique, représentante de l’Etat en mer, responsable
dans tous les domaines où s’exerce son action, choisie, pour la métropole, au sein de l’administration sur laquelle
Richelieu, Colbert et Bonaparte avaient assis leur conception d’un Etat fort en mer, c’est à dire la marine
nationale, au travers des amiraux préfets maritimes. On notera cependant cette transformation symétrique du
préfet maritime. Si le premier préfet maritime, créé par Bonaparte, était un civil, conseiller d’Etat, aux attributions
exclusivement militaires, le décret de 1978 confiait à une autorité militaire (aux attributions formellement
inexistantes en tant que telle en 1978 puisqu’elles avaient été reprises par celles de commandant de zone
maritime, instauré en 1974 par le décret n° 74-968 du 22 novembre 1974, et de commandant de région et
d’arrondissement
maritime découlant du décret de 1927 sur l’organisation de la marine) des responsabilités uniquement civiles. Il
n’en demeure pas moins que 42 ans après cette évolution, la confusion persiste toujours. Pourtant, le décret n°
79-413 du 25 mai 1979 portant organisation des actions en mer de l’Etat au large des DOM-TOM et de la
collectivité territoriale de Mayotte en confiant aux préfets et aux hauts commissaires de la République les mêmes
responsabilités, en les assistant du commandant de zone maritime, avait clairement démontré la nature de ces
fonctions.

Enfin, en 2004, et 2005, par deux nouveaux décrets confirmant et renforçant les prérogatives interministérielles
de cette autorité et du délégué du Gouvernement pour l’action de l’Etat en mer outre-mer, dans l’étendue de leurs
responsabilités, pour faire face aux nouvelles menaces, et dans leurs pouvoirs de direction de l’activité des autres
administrations.

Ainsi, les préfets maritimes sont-ils les représentants directs du Premier ministre, et de chacun des ministres, et,
par l’intermédiaire des moyens de toutes les administrations, responsables de la sauvegarde des personnes et
des biens, de la préservation du milieu marin des atteintes environnementales et de la cohabitation paisible entre
tous les usagers et de la coordination de la lutte contre les activités illicites.

Une définition de l’action de l’Etat en mer….

On ne peut échapper à la demande récurrente de donner une définition de ce qu’est l’action de l’Etat en mer. Si
cette demande est naturelle et logique pour un domaine qui se veut relever de l’étude juridique, il n’en demeure
pas moins que l’exercice reste délicat. Il existe en effet plusieurs « écoles » dont l’approche est loin d’être
identique. J’ai souvent l’habitude de dire que vous pourriez poser la question aujourd’hui à un certain nombre
d’autorités et de responsables impliqués quotidiennement dans l’AEM pour qu’invariablement vous obteniez des
réponses différentes. Pour autant, je ne dirai jamais qu’elles sont erronées. Au mieux elles sont partielles, au pire
incomplètes, ce qui revient au même mais traduit le fait que l’administration ou le ministère d’appartenance
conditionne beaucoup l’orientation de la réponse.

Néanmoins, si on cherche une définition de l’AEM, on peut se référer à Wikipédia qui n’est pas nécessairement la
référence la moins pertinente et pour lequel l’AEM représente « toutes les missions relevant en mer de l’Etat sauf
les missions liées à la défense nationale ». Ce qui est très proche de la définition donnée par la marine nationale
« L'action de l'État en mer recouvre plus strictement les missions d'intérêt public que l'État exécute en mer avec
ses propres moyens, à l'exclusion des missions de défense ». Il faut toutefois essayer d’imaginer la différence
entre « toutes les missions en mer de l’Etat » et « plus strictement les missions d’intérêt public », ce qui ne
recouvre pas nécessairement la même chose si l’on considère que l’Etat peut avoir des missions qui ne sont pas
d’intérêt public. De la même manière une des approches privilégie le principe que les moyens privés ne
pourraient pas contribuer à l’action de l’Etat en mer. L’Assemblée nationale dans le rapport n° 4327 de 2012 a
réalisé une forme de synthèse en précisant que « l’action de l’État en mer recouvre les missions d’intérêt public
que l’État exécute en mer, à l’exclusion des missions de défense ».

Il n’en demeure pas moins que seul le Sénat, et déjà par anticipation, avait eu l’approche la plus réaliste en
affirmant que « le périmètre de l'Action de l'Etat en mer reste assez flou et aucune des administrations
concernées ne semble en avoir exactement la même définition» dans son rapport d’information n° 418 de 2005.
On pourrait cependant accorder au secrétariat général de la mer la définition la plus réaliste « c’est une
organisation administrative et opérationnelle », tout en reconnaissant qu’elle n’éclaire pas beaucoup sur son
contenu. Et ce n’est pas la définition retenue par le haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie
qui permettra de clarifier les choses :
« L’Action de l’État en Mer regroupe les moyens mis en œuvre par les différents services de l’État agissant en
mer sous un commandement coordonné, afin d’assurer une réponse efficace aux problématiques survenant en
mer. Ce commandement est assuré par le délégué du gouvernement pour l’action en Mer (DDG/AEM), fonction
dévolue au Haut-commissaire, conseillé par le Commandant de Zone Maritime (CZM)5 »

Pour ma part, sans prétendre détenir la vérité, je me contenterai d’affirmer qu’il y a deux approches de l’AEM,
une vision classique et une approche globale.

La vision classique, la plus répandue, tend à présenter l’AEM comme :

- Etant par convention, une dénomination qui recouvre les actions d’intérêt public que l’État
exécute en mer avec ses moyens propres, missions de défense militaire exclues.
- Des missions qui s’exécutent dans le cadre d’une organisation, propre à notre pays.
- Et selon un modèle fondé sur la coordination des administrations maritimes par une autorité unique
de l’État qui s’oppose au modèle fondé sur l’attribution à une seule administration des fonctions de
service public maritime, le modèle « garde-côtes » .

L’approche globale pour sa part préfère retenir que l’AEM :

- Est une organisation spécifique, interministérielle dans son principe et inter- administrations dans
son fonctionnement,
- Qui est fondée sur la coordination des ministères et des administrations maritimes par une
autorité unique de l’État aux niveaux central et régional,
- Qui a pour objet d’assurer notamment la défense des droits souverains et des intérêts de la Nation,
le maintien de l'ordre public, la sauvegarde des personnes et des biens, la protection de
l'environnement et la coordination de la lutte contre les activités illicites.
- Et qui n’est pas en opposition avec le modèle garde-côtes

Ce dernier point est à mon sens une des clés de compréhension de l’AEM. Il est en effet trop fréquent d’opposer
le système français au modèle américain. Or il faut admettre que la garde-côtes américaine (US Coast Guard)
n’est pas une organisation mais un service dont la vocation est de mettre en œuvre des moyens pour assurer
l’application de réglementations dont elle peut elle-même être à l’origine sans en avoir l’exclusivité. Le système
français de l’AEM n’est pas une garde-côtes, elle a d’ailleurs choisi pour ce faire de mettre en exergue la fonction
garde-côtes qui est la réunion en un ensemble coordonné des capacités et missions qu’accomplit en mer un
service comme l’US Coast Guard.

L’AEM, c’est beaucoup plus que la mise en œuvre de moyens, nautiques ou aériens. Le concept français
d’organisation de l’action de l’Etat en mer est ainsi un concept unique et original qui repose sur l’existence de
deux niveaux de coordination. Il est le fruit d’un choix délibéré de ne pas créer un corps spécifique de garde-
côtes, qui n’aurait été que le 20ème service agissant en mer, entraînant une duplication des moyens et
dispersant encore davantage la cohérence de l’action de l’Etat en mer. Il privilégie au contraire une logique de
métier selon laquelle chaque administration, rassemblée depuis 2010 au sein de la fonction garde-côtes 6, exerce
ses missions indifféremment en mer et à terre de manière coordonnée. Ce double niveau de coordination traduit
bien le caractère interministériel dans son principe et inter-administrations dans son fonctionnement de l’action de
l’Etat en mer.

5
Formulation d’autant plus étonnante qu’un préfet n’assure jamais de commandement mais la direction des
opérations et que le CZM est l’assistant du DDG selon la formulation du décret 2005-1514 et que c’est le
commandant supérieurs des forces armées qui est le conseillé du DDG pour l’emploi des moyens militaires
6
Décret 2010 - 834 du 22 juillet 2010 relatif à la fonction garde-côtes
Interministérielle dans son principe, elle est dirigée par le Premier ministre qui s’appuie sur une structure
nationale, le Secrétariat général de la mer, qui veille à l’échelon central à la coordination entre ministères, anime
et coordonne l’action de l’échelon local, participe à la définition de la politique maritime du Gouvernement et
assure la direction de la fonction garde-côtes.

Inter-administrations, elle préserve la capacité de chaque administration d’agir en mer de sa propre autorité pour
les activités relevant de sa compétence mais les place sous une autorité de direction unique dès lors qu’il s’agit
de contribuer à l’exercice des responsabilités d’intérêt général du préfet maritime.

En métropole, le préfet maritime, amiral et à ce titre également autorité militaire sous l’autorité directe du chef
d’état-major des armées pour la conduite en mer des opérations et du chef d’état- major de la marine pour ce qui
concerne le fonctionnement, le soutien et les infrastructures, est le chaînon manquant, créé par Bonaparte, de
l’expression de la puissance de l’Etat en mer instauré par Richelieu et de l’application du droit élaboré par
Colbert.

Ils sont au nombre de trois, un par façade littorale en Manche-mer du Nord, Atlantique et Méditerranée.

Outre-mer, le concept de préfet maritime est décliné de manière plus originale et est constitué par un binôme
composé du préfet de région, délégué du Gouvernement et de l’officier de marine, commandant de la zone
maritime qui est son assistant.

Cette originalité ne remet cependant pas en cause le principe d’unicité de représentation de l’Etat en la personne
du délégué du Gouvernement. Il est le garant de l’inter ministérialité alors que son assistant officier de marine est
l’expression de l’inter-administrations.

Des priorités de l’action de l’Etat en mer….

Pour être pleinement efficace, l’organisation de l’action de l’Etat en mer doit conjuguer plusieurs approches,
internationales, économiques, environnementales, scientifiques, territoriales, sans que celles-ci soient
exhaustives, et être orientée sur la satisfaction de grandes priorités. En effet, la diversité et la multiplicité des
missions au regard des moyens disponibles imposent une mise en cohérence de ceux-ci.

Ces grandes priorités ont été fixées par le comité interministériel de la mer (CIMER) qui s’est tenu le 10 juin 2011
et à l’issue duquel il a été décidé de privilégier les cinq grandes priorités suivantes qui n’ont pas été modifiées
depuis :

- adapter les moyens dédiés au sauvetage de la vie humaine et à l’assistance aux navires en difficulté,
notamment pour faire face aux évolutions du transport maritime, aux conséquences du développement des
activités liées au transport de passagers et à la croisière et à l’accroissement des activités de loisirs nautiques. Le
récent accident, en Italie, du navire « Costa Concordia » est venu illustrer la pertinence de cette priorité et de la
nécessité de disposer de moyens d’intervention, seul ou en partenariat européen, notamment de remorqueurs
d’assistance dans les secteurs maritimes les plus sensibles ;

- poursuivre et renforcer la lutte contre toutes les activités illicites par voie maritime, et tout
particulièrement le trafic de produits stupéfiants puis après la vague d’attentats plus spécialement la prévention et
la lutte contre le terrorisme ;
- maintenir une capacité de réponse aux pollutions marines majeures et permettre la répression des rejets
illicites de produits polluants en met ;

- protéger la ressource halieutique en luttant contre son pillage et contre toutes les activités de pêche
illégale ;

- Enfin, assurer la surveillance et la préservation des aires marines protégées, qui représentent environ
20% des espaces maritimes français, soit près de 2,2 millions de km2 (ce qui représente en équivalence les 2/3
de la Méditerranée).
CHAPITRE 4
ORGAnISATIOn
ADMInISTRATIVE DE L’AEM

Présentation du décor….et aperçu historique…

Je commencerai la description de l’organisation administrative de l’Action de l’Etat en mer par un rappel


historique des origines des institutions actuelles. L’évolution générale a déjà été présentée mais la source
historique de l’AEM que représente le préfet maritime est tellement porteuse d’ambiguïté qu’il est important d’y
revenir.

On peut expliquer les raisons qui justifient la prise en compte des enjeux maritimes et trouver de nombreux
arguments pour en démontrer l’importance. Ainsi, il serait excessif de prétendre que Richelieu, Colbert ou
Bonaparte, pour ne citer qu’eux, ont inventé l’action de l’Etat en mer. Elle s’est imposée à eux et ils ont structuré
l’organisation de l’administration pour répondre à un certain nombre de préoccupations sans pour autant
déterminer une véritable politique maritime. De Philippe le Bel en 1293, et la création du premier arsenal du Clos
des Galets à Rouen, en passant par l’essor impulsé par Richelieu et Colbert tout en traversant des phases de
déclin maritime avec Louis XV et Napoléon au lendemain de Trafalgar et de renouveau avec Napoléon III et la
3ème République, la vision stratégique et l’organisation administrative ont souvent eu des difficultés à se
rencontrer.

Si au niveau central l’organisation historique a très longtemps été homogène avec un ministre de la marine
embrassant l’ensemble des marines de guerre, de commerce, de pêche et l’administration des colonies dont le
sort était intimement lié à la mer, il a fallu attendre le règlement du 7 floréal an VIII (28 avril 1800)(Consulat) sur
l’organisation de la marine qui, en créant les arrondissements maritimes, a confié au préfet maritime,
commandant de l’arrondissement, la responsabilité de la protection de la côte, du cabotage et la police des
rades. Ce qui correspondait pour l’époque à l’intégralité des polices qu’une autorité pouvait exercer sur les
espaces maritimes et sur les usagers dans une vocation très militaire. Tout en ne perdant pas de vue que les
espaces maritimes considérés étaient relativement réduits et se limitaient à des mers territoriales de moins de
trois nautiques. Il convient de relever, ce qui n’est pas sans importance, que les premiers préfets maritimes,
autorités militaires dans leurs attributions, étaient des « civils, conseillers d’Etat essentiellement. Bonaparte
introduisait ainsi une dichotomie que l’on retrouvera moins de deux siècles plus tard et qui ne manquât pas, dans
un monde
militaire très hiérarchisé, de poser des « conflits » protocolaires entre les amiraux et les préfets maritimes, qui ne
l’étaient pas ou qui le devinrent, et qui nécessitât un avis du Conseil d’Etat du 12 août 1807 sur le rang que les
préfets maritimes devaient avoir dans les cérémonies publiques.

Supprimé à la chute de l’Empire, le préfet maritime fut rétabli par les Ordonnances Royales des 27 décembre
1826 et 17 décembre 1828 qui le renfoncèrent même en lui confiant la police des pêches.

C’est l’Ordonnance royale du 14 juin 1844 concernant le service administratif de la marine qui établira
véritablement l’ordonnancement juridique de la préfecture maritime et son assimilation complète et totale à la
marine, encore unie, qui disposait de corps d’officiers, dont ceux de l’inscription maritime, spécifiquement dédiés
à l’administration de la mer, des navires et des marins (certains ont longtemps vu dans cette ordonnance royale
qui n’a jamais été formellement abrogée, et que les préfets maritimes visaient encore il y a peu dans leurs
arrêtés, l’origine de l’appellation « La Royale » dont on qualifie encore la marine nationale). Le préfet maritime
était bien une autorité militaire de la marine. Mais comme, cela a été déjà été exposé, l’unité centrale allait
commencer à voler en éclat à partir de 1904 avec la prise d’autonomie de la marine marchande, par la
nomination d’un sous-secrétaire d’Etat, et la séparation de l’inscription maritime de la marine militaire. Un
nouveau coup était porté à l’unité avec le décret du 1er février 1930 qui confiait la police des pêches à
l’inscription maritime. Dès lors le préfet maritime existait toujours en tant qu’autorité militaire responsable au sens
de l’ordonnance de 1844 de la police des eaux et rades, toujours applicable à la seule mer territoriale s’étendant
sur les trois milles marins communément admis par la communauté et la coutume internationales.

Dans le même temps, au fur et à mesure que commençait à se développer de nouvelles activités maritimes et
que le droit de la mer devenait un enjeu majeur du droit international de l’après seconde guerre mondiale, avec la
décolonisation et l’arrivée de nouveaux Etats et l’entrée en pleine guerre froide entre deux blocs antagonistes,
des politiques publiques à vocation maritimes sectorielles commençaient à se mettre en place. Ambitieuses et
justifiées, elles souffraient cependant d’un manque cruel de concertation et de coordination.

L’évolution de l’organisation

Pour beaucoup, le tournant majeur dans la structuration de l’action de l’Etat en mer se situe en 1967 et le
naufrage du « Torrey Canyon » sur les côtes anglaises des îles Scilly qui entraina la première
« marée noire » sur le littoral français. C’est peut-être séduisant sur le plan symbolique mais c’est tout aussi
erroné que la « légende » qui affirme que l’organisation actuelle de l’action de l’Etat en mer et du préfet maritime
est la conséquence du naufrage de l’Amoco Cadiz en mars 1978. En réalité, comme souvent, les accidents
servent d’accélérateur mais la réflexion sur la structuration de l’action en mer de l’Etat avait été initiée en 1965
avec une note de la marine marchande proposant la création d’un corps de défense appelé « garde marine »,
s’inspirant sans doute du modèle américain. C’est le secrétariat général de la défense nationale (SGDN) qui en
mars 1966 proposa au Premier ministre d’étudier plus largement les perspectives que pourraient ouvrir les
problèmes posés en France par l’exercice de la souveraineté nationale en mer. Il faut croire que les esprits
n’étaient pas encore prêts pour cela car le chef du cabinet militaire du Premier ministre, tout en reconnaissant
que « les responsabilités nationales dans le domaine de l’exercice de la souveraineté prennent, d’année en
année, plus d’ampleur et d’importance, tandis que croissent les servitudes en personnels et matériels » et que «
le caractère maritime commun des missions à assurer, souvent d’ailleurs complémentaires ou parallèles, devrait
conduire , dans un souci d’efficacité et d’économie, à une coordination étroite des activités et des programmes
des ministères intéressés » estima, même si l’étude d’ensemble apparaissait utile et opportune, qu’ il lui semblait
prématuré d’en saisir le Premier ministre. Ce n’était
donc pas encore une priorité nationale et l’étude fut renvoyée au SGDN. Ce dernier lança alors une enquête
auprès des ministères intéressés, sous la forme d’un questionnaire, qui lui permettra de rédiger un rapport
provisoire remis le 1er mars 1967 au Premier ministre. Rapport par lequel il envisageait trois solutions possibles :

- Intégrer des organisations selon deux variantes :


o Intégrer les pouvoirs et les moyens en créant de facto un ministère de la mer ;
o Intégrer seulement les moyens, c’est-à-dire créer une garde-côtes
- Mettre en place un organisme permanent de coordination des activités maritimes qui
aurait un peu analogue à une délégation générale à l’aménagement du territoire ;
- Aménager l’existant sans créer de structure nouvelle mais en installant une simple commission
interministérielle regroupant les différents ministères intéressés à un titre ou à un autre aux
questions de la mer.

Le Premier ministre demanda alors l’avis de tous les ministères concernés sur ce rapport provisoire. Il en résulta
que les ministères étaient tous d’accord pour que les structures existantes soient améliorées et pour qu’une
coordination des moyens soit instaurée sous la responsabilité, des douanes pour le ministère des finances, sous
celle du préfet de zone pour le ministère de l’intérieur, du préfet maritime pour celui de la défense et d’un état-
major mixte régional pour le ministère des transports. En résumé, le consensus était loin d’être acquis.

Néanmoins, ou par ailleurs, dans le même temps le Premier ministre avait confié en octobre 1966 à un inspecteur
général des finances, dans le cadre des attributions du comité central d’enquête, une enquête sur les attributions,
le fonctionnement et la coordination des services chargés de la surveillance des côtes et de l’exploitation du
plateau continental. Ce rapport d’enquête a été rendu en octobre 1967 et il préconisait de créer à l’échelon
central un comité interministériel sous la présidence du Premier ministre et de confier au niveau régional la
coordination des actions aux quatre préfets de zone de défense ayant dans leur ressort des départements
maritimes. En outre, il proposait de créer un « Institut de la mer » susceptible, selon ses termes, d’associer la
recherche fondamentale et la recherche appliquée orientée vers la mer en vue de combler les lacunes mises en
lumières par la catastrophe du « Torrey Canyon ».

Comme gouverner c’est décider, il fut acté en janvier 1968 d’envoyer un nouveau questionnaire
synthétisant le rapport provisoire et le rapport d’enquête aux ministères……

La synthèse de ce nouveau questionnaire a été rendue en janvier 1969 et a fait apparaître la persistance des
antagonismes entre les différents ministères, avec notamment une opposition forte du ministère de la défense de
voir créé un service de garde-côtes et la volonté de chaque administration de conserver ses attributions propres
sans aller au-delà des quelques regroupements déjà effectués. Cependant, tous s’accordèrent pour que la
coordination à l’échelon central soit assurée par un comité interministériel et qu’au niveau régional ce soit le
préfet de zone, en situation ordinaire, et le préfet maritime, dans l’hypothèse de l’emploi de moyens lourds. C’est
ainsi, sur la base d’un rapport de synthèse du SGDN sur l’exercice de la souveraineté nationale en mer de mars
1970 que fut publié, le 19 avril 1972, le décret relatif à la coordination de l’action en mer des administrations qui
instituait le Groupe Interministériel de Coordination de l’Action en Mer des Administrations (GICAMA), désignait le
préfet de zone pour diriger les groupes locaux de coordination des administrations et investissait le préfet
maritime de la responsabilité de prendre en mer, en cas d’urgence, les mesures nécessaires.

Une des premières missions du GICAMA fut de dresser l’inventaire des missions que les administrations
accomplissaient en mer, ce qui fut réalisé avec la publication de l’arrêté du 30 avril 1974.
Ce qui fut déterminant pour l’évolution de l’action de l’Etat en mer était la perspective de la proclamation de la
zone économique exclusive. Là où, jusqu’à présent, il existait une démarcation entre les questions de
souveraineté et de défense et les activités économiques en mer avec une seule mer territoriale, même étendue à
12 milles marins en 1971, la création de la ZEE et l’attribution des droits souverains afférents à cette zone
modifiaient complétement l’approche. L’éloignement de la côte ne permettait plus de soutenir la prééminence du
préfet de zone de défense dont les préoccupations ne pouvaient pas embrasser le domaine économique. Le
GICAMA, sous la houlette de monsieur Aymard Achille Fould, nommé en 1976 à sa tête, entrepris une nouvelle
étude portant non plus sur l’exercice de la seule souveraineté nationale mais embrassant également la protection
des droits souverains et des intérêts économiques de la France dans les espaces maritimes.

Une nouvelle gouvernance, régionale et nationale

C’est ainsi qu’il proposa de confier à une autorité unique , le préfet maritime, la responsabilité des missions dites
d’exécution de service public, c’est-à-dire de contrôle, de surveillance, d’assistance, de sauvetage et de
prévention et de lutte contre les pollutions accidentelles, sans modifier la répartition des compétences propres
des administrations.

Proposition qui fut concrétisée par la publication du décret n° 78-272 du 9 mars 1978 relatif à l’organisation des
actions de l’Etat en mer qui présente le préfet maritime comme le dépositaire de l’autorité de l’Etat en mer, le
délégué du Gouvernement et le représentant direct du Premier ministre et de chacun des ministres. Décret qui lui
confie également des mandats, dont celui essentiel d’assurer la défense des droits souverains, des intérêts de la
Nation, le maintien de l’ordre public et la sauvegarde des personnes et des biens et le pouvoir de police
administrative générale et de coordination des administrations.

Le plus paradoxal dans le fait de confier cette responsabilité au préfet maritime réside dans le fait qu’en 1978,
depuis la création en 1974 du commandement de zone maritime et la réorganisation du commandement territorial
de la marine et de défense, les fonctions militaires propres du préfet maritime étaient une coquille presque vide
qui n’existaient plus que par la force de la tradition et de l’usage. Il faudra attendre 1991, et la réforme dite
ARMEES 2000, pour que, formellement, le préfet maritime disparaisse de l’organisation du commandement
militaire de la marine et que l’appellation ne recouvre plus que les attributions découlant du décret du 9 mars
1978. Mais que l’on se rassure, en 2020, la tradition est toujours très forte et l’appellation « Préfet maritime » est
toujours générique pour désigner l’amiral qui exerce les plus hautes responsabilités militaires à Toulon, Brest et
Cherbourg (malgré l’euro qui remplaça les nouveaux, le préfet maritime est encore un peu comme les anciens
francs…..)

Au niveau central, l’évolution majeure fut la création, par le décret n° 78-815 du 2 août 1978, du comité
interministériel de la mer (CIMER), placé sous la présidence du Premier ministre et réunissant les ministres de la
défense, de l’intérieur, des affaires étrangères, des finances et du budget, des transports, de l’environnement, de
la recherche et de l’outre-mer et ceux intéressés par un dossier. Ce CIMER est chargé de délibérer sur la
politique du Gouvernement dans le domaine de la mer sous les aspects internationaux et nationaux et d’en fixer
les orientations pour l’action gouvernementale. En revanche, l’évolution introduite par ce décret pour le GICAMA
fut moins radicale. Il fut certes transformé en mission interministérielle de la mer (MISMER) rattachée directement
au Premier ministre (comme le GICAMA) mais resta sous la responsabilité de monsieur Achille Fould.

La MISMER reçut la responsabilité d’assurer la préparation et le secrétariat du CIMER, d’animer et de


coordonner l’élaboration de la politique maritime du Gouvernement et d’assurer la coordination au
niveau central de l’action en mer des administrations et d’animer l’action des préfets maritimes. Le décret de
1978 ajoute même que le président de la MISMER est assisté par une conférence maritime nationale composée
notamment des directeurs d’administration centrale des ministères impliqués dans l’AEM.

1978 constitue bien à ce titre une année charnière fondamentale, tant au niveau national que régional avec la
formalisation d’un double niveau de coordination et l’instauration d’un organe de détermination de la politique
maritime de la France, sans pour autant qu’il soit raisonnable d’en attribuer « le mérite » au naufrage de l’Amoco
Cadiz » qui, en tant que tel, n’a influé en rien si ce n’est pour conforter les choix qui venaient d’être actés.

SI la nouvelle structure du préfet maritime s’imposa assez facilement, en revanche au niveau central la vie
politique eut une influence notable sur la capacité de MISMER à assurer ses missions. En effet, Monsieur Achille-
Fould, qui avait été secrétaire d’Etat et député, disposait d’une légitimité politique qui lui permettait de « peser »
dans les réunions interministérielles et les arbitrages. La meilleure preuve est la publication du décret de 1978 et
le choix du Préfet maritime qui, si l’on s’en réfère aux études du SGDN, était loin de faire l’unanimité. Or en 1981,
le premier Gouvernement de Monsieur Mauroy consacre, pour la première fois, un ministre de la mer, en la
personne de Monsieur Le Pensec, qui se voit adjoindre pour l’exercice de ses responsabilités la MISMER. Ce qui
entraîna la démission immédiate de Monsieur Achille-Fould qui fut actée par un décret du 29 mai 1981. C’est
ainsi que de mai 1981 à juin 1987 la MISMER n’eut plus de président de droit, si ce n’est de fait en la personne
du ministre. Mais il est bien évident, dans ce contexte, que l’autorité du ministre de la mer et sa capacité à
coordonner l’activité de ses collègues de la défense, de l’intérieur, des affaires étrangères et des finances étaient
toute relatives. Néanmoins, pour assurer la coordination et la cohérence de l’action des préfets maritimes il fut
décidé à partir de juin 1987 de nommer un ancien préfet maritime comme président de la MISMER.

Très rapidement cependant la « petite structure » MISMER, composée d’une poignée de chargés de mission, fut
confrontée à l’émergence de sujets intéressants les préfets maritimes bien au-delà des seuls aspects de
souveraineté et d’accomplissement de missions en mer. L’aménagement du territoire, les conséquences de la loi
littoral, les documents d’urbanisme, les préoccupations environnementales émergentes, l’apparition de nouveaux
enjeux économiques mais aussi de nouveaux risques et menaces sur et à l’égard des espaces maritimes ont
montré les limites de l’organisation en place pour y répondre. C’est ainsi que monsieur Dujardin , conseiller d’Etat
a été mandaté pour proposer une réforme politique pour la mer. De son rapport est né le secrétariat général de la
mer.
Le secrétariat général de la mer, créé par le décret du 22 novembre 1995, est la conséquence directe des
préconisations du rapport présenté par M. Bernard Dujardin au Premier ministre. Rapport dont le constat principal
était
de relever que le
Premier ministre était le
véritable ministre de la
mer et qu’à ce titre il
devait pouvoir s’appuyer
sur un
dispositif institutionnel
composé d’un organe
d’impulsion politique (le
comité
interministériel de la
mer) et d’une structure
d’animation
interministérielle (le
secrétariat général de la
mer). Constat qu’il
exprimait en ces
termes :« La question
posée en 1978 reste d’actualité en 1995 : quel peut être, au plan de l’exécutif le responsable d’une politique
nationale de la mer : un ministre regroupant l’ensemble des secteurs maritimes dans un même département ou le
Premier ministre lui-même au moyen d’un dispositif de coordination d’activités demeurant rattachées à divers
ministères ».
L’organisation actuelle

Après ce long historique, la présentation de la gouvernance maritime « à la française » pourra sembler plus
légère. Elle se prête un peu moins au développement en tant que tel car les décrets d’organisation sont explicites
sur les responsabilités et rôles des acteurs et la mise en œuvre est surtout le fait de la volonté politique du
moment. A ce titre le décret 95-1232 du 22 novembre 1995, modifié par le décret 2004-113 du 6 février 2004, est
précis en mettant en place un comité interministériel de la mer et en créant le Secrétariat Général de la Mer.

Le comité interministériel de la mer est chargé de délibérer sur la politique du Gouvernement dans le domaine de
la mer sous ses divers aspects nationaux et internationaux et de fixer les orientations de l'action
gouvernementale dans tous les domaines de l'activité maritime, notamment en matière d'utilisation de l'espace,
de protection du milieu, de mise en valeur et de gestion durable des ressources de la mer, de son sol, de son
sous-sol et du littoral maritime.

Il définit, depuis la modification introduite en 2010 avec la création de la fonction garde-côtes, les différentes
actions menées dans le cadre de la fonction garde-côtes, il fixe les priorités, coordonne l'action des différents
services qui participent à l'exercice de cette fonction et prend toute mesure susceptible d'accroître l'efficacité de
leur action commune, aussi bien du point de vue des moyens humains que des matériels.

Il peut connaître des projets d'actes internationaux et communautaires ayant une incidence sur la politique
maritime.

Ce comité, présidé par le Premier ministre, réunit le ministre de l'économie, le ministre des affaires étrangères, le
ministre de la défense, le ministre de l'industrie, le ministre de l'environnement, le
ministre chargé de l'outre-mer, le ministre chargé du budget, le ministre chargé de l'équipement et des transports,
le ministre chargé des collectivités locales, le ministre chargé de la pêche, le ministre chargé du tourisme, le
ministre chargé de l'aménagement du territoire, le ministre chargé de la recherche et, en tant que de besoin, les
autres membres du Gouvernement et son secrétariat est assuré par le secrétariat général du Gouvernement.

Le secrétariat général de la mer est chargé d’animer et de coordonner les travaux du gouvernement en matière
maritime. Il Prépare les travaux du comité interministériel de la mer et en suit l’exécution

Il assure également une animation et une coordination des interventions de l’Etat en mer : trafics illicites, lutte
contre la pollution, …

Il est chargé d’une mission de prospective maritime et il préside, sous l’autorité du Premier ministre,
le comité directeur de la fonction garde-côtes

Par ailleurs, le SG Mer, outre sa


participation à de nombreux conseils
d’administration
d’établissements publics à vocation
maritime s’est vu confier par une
décision du Président de la Politi
République la co-présidence, avec le que
président du cluster maritime français,
du comité France maritime,
officiellement lancé en novembre 2016 Contrôle et
Animat
Préparatio
lors des assises de l’économie de la
mer et qui a pour objectif de favoriser
le développement de l’économie
maritime dans une perspective
durable et de mobiliser tous les Suivi et veille Anima
acteurs publics et privés. C’est à ce titre qu’il assure, au sein du Conseil
juridique France Maritime, la présidence
tion conjointe
avec le président de la Confédération du nautisme et de la plaisance du Comité du nautisme et de la plaisance,
comité qui avait été annoncé par le Président de la République en novembre 2016 et qui a été installé au sein en
novembre 2017. Ce comité est devenu le lieu de concertation privilégié pour un secteur divers, en constante
évolution et qui représente plus de 5,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
De la même manière il a reçu en 2018 le mandat d’assurer l’animation du comité France Océan au côté du
ministre chargé de l’environnement afin de construire un échange nourri entre l’Etat, ses établissements publics
et les organisations de protection de l’environnement marin.

En synthèse, le SG Mer veille, pour le compte du Premier ministre, à ce que chaque activité sectorielle en mer
intègre bien les contraintes ou les impératifs des autres activités sectorielles. Ce rôle important ne pourrait
évidemment pas être assuré par les ministères entre eux. Seul un service relevant directement du Premier
ministre et disposant des expertises nécessaires peut, objectivement, assurer la cohérence des travaux en
animant la concertation interministérielle dès que les sujets deviennent très transverses.

Ainsi, le secrétariat général de la mer assure l’animation de cette concertation en préparant, si besoin, les
arbitrages du cabinet du Premier ministre dans des domaines très variés : projets européens de surveillance
maritime, mise en œuvre de la stratégie d’accès aux grands fonds marins (exploration, exploitation), lutte contre
les trafics illicites par voie maritime pour ne citer que quelques-uns.
Dans le domaine régalien de la lutte contre les narcotrafics, le Secrétariat général de la mer occupe une position
pivot en veillant à la cohérence globale des positions françaises concernant le domaine maritime, tant au niveau
national qu'européen ou international (réunions du "comité de pilotage pour la lutte contre la drogue", réunions du
"groupe de liaison anti-drogue" franco-espagnol, pacte européen de lutte, initiative G8+ sur la cocaïne...). Lors
des opérations hauturières, le SG Mer s’assure que l’ensemble des aspects (opérationnels, juridiques,
diplomatiques) sont bien pris en compte dans le processus décisionnel. Cette posture, reconnue à l'étranger, fait
de la France l'un des rares pays où un seul interlocuteur peut officiellement et efficacement représenter
l'ensemble des services compétents à un niveau de représentation élevé.

Si l’on veut bien considérer, au-delà de la satisfaction symbolique des attentes des professionnels de la mer par
la nomination d’un ministre ou d’un secrétaire d’État de, ou chargé de, la mer, que ce ministre, y compris dans
ses versions plus ou moins récentes les plus étendues (MEDDM-MTES) ne serait « que » le ministre responsable
des administrations sectorielles de la mer (marins, marine marchande, ports…..) et non le ministre de l’espace
maritime dans son ensemble, on revient au constat posé par le rapport Dujardin de 1995 selon lequel « le
département ministériel unificateur n’a pu élaborer, proposer, faire adopter et exécuter une politique de la mer
au-delà des actions maritimes sectorielles de sa propre compétence ».

Cependant, qu’on le veuille ou non, la conception unificatrice des affaires de la mer, en dépit des rapprochements
effectués depuis de nombreuses années, s’est toujours heurtée à la réalité de l’éclatement des compétences et
de l’organisation administrative à la fois des activités maritimes et des interventions des services de l’Etat,
notamment dans les domaines de la défense et de la sécurité.

Pour autant, cet éclatement ne doit pas constituer un obstacle à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une
politique maritime globale mais doit, au contraire, sous l’autorité du Premier ministre, qui est à mon sens et dans
la filiation directe des concepts de Richelieu, le véritable ministre de la mer, être pris en compte par une structure
de coordination comme le SG Mer. Il n’en demeure pas moins que si le paysage a été bouleversé en juillet 2020,
la nouvelle organisation gouvernementale de juillet 2022 est beaucoup plus conforme à la transversalité du milieu
marin.

La fonction garde-côtes

C’est d’une certaine manière l’histoire de la transformation d’un argument de


communication en concept administratif et entité de gouvernance. Ou, exprimé
de manière très triviale et caricaturale, comment créer quelque chose qui existe
déjà.

L’affaire peut sembler curieuse et l’argument facile car, officiellement, tout est le fruit du discours du Havre du 16
juillet 2009 du président de la République qui a souhaité que soit franchie une étape dans le renforcement de
l’action de l’État en mer, en créant une fonction « garde-côtes ». Son objectif étant de parvenir à optimiser
l’emploi de l’ensemble des moyens, tant humains que matériels, engagés par les différentes administrations
intervenant sur la mer et le littoral. Or, tant du point de vue de l’état- major de la marine dès 2005 que du
secrétariat général de la mer, il s’agissait avant tout en lançant le slogan de « fonction garde-côtes » de faire
obstacle à une sollicitation grecque tendant à relancer le projet de mise en place d’une garde-côtes européenne
(bien avant la structuration de l’agence FRONTEX). En effet, l’idée de création d’un « corps européen de garde-
côtes » était alors un sujet récurrent et régulièrement évoqué dès lors qu’il s’agissait de faire face à un risque ou
une menace clairement identifié (pollution ou immigration clandestine). Mais cette approche qui était, et est
encore, le plus souvent sectorielle et n’embrassait jamais les aspects de la sécurité et de la sûreté maritimes
dans leur globalité. Les réponses qui avaient pu alors être apportées au niveau européen
avaient permis d’obtenir des résultats intéressants, elles étaient néanmoins demeurées le fait d’agences et
d’initiatives européennes intervenant en mer qui n’étaient pas encore parvenues à coordonner et mettre en phase
ni leur politique de développement et de planification, ni l’emploi des moyens mis à leur disposition. Ces
organismes, tels que l’agence européenne de sécurité maritime (EMSA), l’agence européenne de contrôle des
pêches (EFCA), l’agence de surveillance des frontières (FRONTEX), l’agence européenne de défense (EDA),
EUROPOL ou encore le centre d’analyse et coordination des opérations de lutte contre le narcotrafic (MAOC-N)
illustraient le constat d’une gouvernance non satisfaisante de la politique maritime et le fort cloisonnement de ses
différentes composantes (qui malgré les efforts près de 20 ans plus tard sont toujours d’actualité). C’est dans cet
esprit qu’il avait été toujours mis en avant l’existence d’une « fonction garde-côtes » et la nécessité d’en assurer
la cohérence au niveau européen. Cette cohérence ne pouvant être obtenue que par l’établissement, à terme,
d’un référentiel commun en matière de surveillance maritime, de partage de l’information, de modalités et de
capacités d’intervention et d’harmonisation juridique. Cette approche devant s’appuyer sur les structures et les
organisations nationales existantes et l’impératif d’assurer une coordination étroite de l’activité des agences
européennes. En clair, il n’était nul besoin pour la France de créer une corps spécifique européen dans la mesure
où elle disposait déjà depuis de nombreuses années d’un ensemble de moyens coordonnés et complémentaire
sous une autorité unique, ensemble faisant « fonction » de garde-côtes. Subtil jeu de mots qui n’a pas résisté à la
volonté politique de donner du corps et de la substance immédiate à un premier discours de politique maritime
générale. C’est dans cette perspective que la phrase prononcée par le Président Nicolas Sarkozy le 16 juillet
2009 prend toute son importance « Je souhaite que nous franchissions une nouvelle étape de renforcement de
l'action de l'État en mer, en créant une fonction « garde-côtes » pour organiser la mutualisation des moyens
humains et matériels de toutes les administrations de l'État intervenant sur la mer et le littoral, autour de priorités
clairement identifiées, sous l'autorité des préfets maritimes en métropole et des préfets de zone de défense
Outre-mer ». Il a donc bien fallu créer au sens administratif et juridique du terme la « fonction garde-côtes ».
Ce à quoi s’est employé le Gouvernement lors du comité interministériel de la mer du 8 décembre 2009 qui a
adopté la stratégie nationale pour la mer et les océans en affirmant: « Depuis 1978, la France a élaboré une
organisation de l’action de l’État en mer qui a montré sa pertinence lors de nombreux évènements maritimes. Ce
schéma, fruit d’une démarche nationale repose sur une coordination déconcentrée inter-administrations. Cette
organisation doit désormais évoluer pour s’inscrire résolument dans les évolutions internationales et
européennes qui sont apparues ces dernières années ». Laquelle stratégie énonce de même que « la création
de la fonction garde-côtes optimise l’ensemble du dispositif d’action de l’État en mer, tout en préservant les
avantages de l’organisation actuelle. Elle devra être en mesure d’élaborer, pour les autorités de l’État, une vision
globale et consolidée de la situation maritime, référence accessible à l’ensemble des acteurs sans réduire leur
perception locale. En cas de crise, elle constitue la composante destinée à gérer les approches et les voies de
communication maritimes. Elle s’adosse pour cela au réseau national des centres opérationnels et de gestion de
crise ». Cette précision, tout aussi évidente qu’elle puisse paraître, est essentielle. La fonction « garde-côtes » ne
se substitue pas à l’organisation de l’action de l’Etat en mer mais en constitue l’une des expressions pour tout ce
qui concerne la mise en œuvre concrète des moyens d’action et d’intervention de l’Etat en mer. A ce titre, l’action
de l’Etat en mer peut se traduire comme étant la synthèse des pouvoirs de réglementation et des responsabilités
spécifiques du préfet maritime et de la fonction garde-côtes qui en est, en quelque sorte, le « bras armé ».
C’est sur ces fondements qu’il a été décidé de créer formellement un comité directeur de la fonction garde-côtes 7,
placé sous l’autorité du Premier ministre, présidé par le secrétaire général de la mer et constitué des
responsables des services agissant en mer, dont le mandat est :

• de faire progresser la capacité des administrations à travailler ensemble, en améliorant


les procédures communes et les réseaux d’information et de communication ;

• rechercher et favoriser toutes les mutualisations pertinentes susceptibles d’améliorer


le maintien en condition des moyens navals et aériens relevant de ministères différents ;

• rechercher toutes les synergies possibles au sein du réseau des centres opérationnels
dans le respect des prérogatives et des exigences de conduite de l’action de chacun ;

• rechercher, en s’appuyant sur le réseau existant des écoles et centres de formation des
différentes administrations, l’accroissement de la capacité du personnel à opérer dans des cadres communs, de
façon coordonnée ou intégrée;

• donner son avis sur le schéma directeur des moyens qui sera présenté au ministre chargé de la
mer et validé par le Gouvernement ».

C’est ainsi également que le centre opérationnel de la fonction garde-côtes (CoFGC) 8 a vu le jour le 1er août 2011
. Il a été imaginé pour être un élément majeur visible du renforcement de la capacité d’anticipation et de réaction
devant les événements maritimes et « d’euro-compatibilité » de l’organisation française de l’AEM à même d’offrir
aux partenaires et aux agences européennes un point de contact unique pour la diffusion de l’ensemble de
l’information maritime. Hébergé au sein de l’état- major des opérations de l’état-major de la marine, le CoFGC est
placé sous l’autorité directe du secrétaire général de la mer et est composé d’agents de l’ensemble des
administrations concernées. Contrairement à ce que son appellation indique, n’a pas vocation à conduire des
opérations mais à centraliser, analyser et diffuser les informations maritimes dans tous les domaines. Véritable
carrefour de connaissances et outil de gestion de crises, il permet au secrétaire général de la mer de renforcer sa
capacité de conseil des autorités politiques et aux préfets maritimes et aux administrations agissant en mer de
disposer d’une vision globale et synthétique des activités maritimes, qu’elles soient économiques, étatiques,
scientifiques ou criminelles.

Enfin, même si cela a pu sembler moins novateur, tous les moyens de la fonction « garde-côtes » ont été unis par
un logo commun qui, au-delà des seules marques jusqu’à présent portées par les bâtiments de l’Etat, constituait
le symbole fort de l’appartenance à un ensemble uni, coordonné et polyvalent.

Si on ne peut que se féliciter de cette organisation qui est désormais bien rodée, il convient cependant de faire
preuve d’objectivité et de reconnaître que « la fonction garde-côtes » et sa création ont été avant tout une
opération de communication politique. En effet, il a fallu au moment de la rédaction du décret créant le comité
directeur de la FGC jeter un voile pudique sur l’existence de la conférence maritime nationale prévue par l’article
6 du décret n°95-1232 du 22 novembre 1995 qui non seulement ne s’était jamais réunie mais en plus est
composé, peu ou prou, des mêmes participants. De même, le CoFGC n’a pas été créé ex-nihilo mais a «
simplement » consisté au renforcement inter-administratif du CICAD-Mer qui avait été créé au lendemain de
l’accident de l’Erika et qui, tout en étant un élément du centre des opérations de la marine, était mis à la
disposition du SG Mer pour assurer le suivi des évènements maritimes. Comme l’a écrit il y a très longtemps
Anaxagore « rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau
».

7
Décret n° 2010-834 du 22 juillet 2010 relatif à la fonction garde-côtes modifiant le décret n° 95-1232 du 22 novembre 1995
modifié relatif au comité interministériel de la mer et au secrétariat général de la mer
8
Décret n° 2011-919 du 1er août 2011 relatif au centre opérationnel de la fonction garde-côtes
Les évolutions de la gouvernance

Si en 1995 la notion de « ministère de la Mer » avait fait long feu et n’avait pas réussi à s’imposer, il était apparu
progressivement nécessaire de faire porter, sous l’autorité du Premier ministre, les sujets de l’économie maritime
par un ministère « fort ». C’est ainsi qu’en 2007, avec le premier gouvernement de M. François Fillon, une
nouvelle évolution, voulue par le président Nicolas Sarkozy, apparait avec, sous la houlette d’un ministre
d’État ,une forte entité ministérielle regroupant les Transports, l’Environnement et l’Energie et chargée de la mer
au sein du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables (MEDAD) puis en 2008 du
ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT) et
en 2009 du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM). En 2010 il
devient le ministère de de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement (MEDDTL) puis
en 2012, le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) et accueille en son sein la
pêche. En 2016, il est le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM)
puis enfin en 2017 le ministère de la transition écologique et solidaire (MTES).

Dans l’intervalle, le Premier ministre avait également publié pour la première fois dans l’histoire, au moins depuis
le « testament » de Richelieu, une stratégie nationale pour la mer et les océans (livre bleu du 7 décembre 2009)
lui-même décliné pour les items relevant du nouveau grand ministère par le livre bleu des engagements du
Grenelle de la mer et complétée en février 2017 par la stratégie nationale pour la mer et le littoral.

La formation du Gouvernement le 6 juillet 2020 et la création d’un ministère de la mer, dont la vocation était de
donner une pleine dimension politique aux enjeux stratégiques de la mer, a marqué une inflexion remarquable de
la gouvernance. Le décret du 15 juillet 2020 qui fixait les diverses attributions du nouveau ministère de la Mer
disposait « qu’il élabore et met en œuvre la politique du Gouvernement dans le domaine de la mer sous ses
divers aspects nationaux et internationaux, notamment en matière d’économie maritime, de rayonnement et
d’influence maritimes ». La ministre

Le secrétaire d’Etat chargé


de la mer

• Décret n° 2022-1058 du 29 juillet 2022


relatif aux attributions du secrétaire d'État
auprès de la Première ministre, chargé de
la mer

– Par délégation de la Première ministre, M.


Hervé BERVILLE, secrétaire d'État auprès de la
Première ministre, chargé de la mer, élabore
et met en œuvre la politique du
Gouvernement dans le domaine de la mer
sous ses divers aspects, nationaux et
internationaux , notamment en matière
d'économie maritime, de rayonnement et
d'influence maritimes .

44
de la Mer (Madame Annick Girardin) était aussi pleinement associée à la conduite de l’action de l’Etat en Mer et
travaillait en collaboration avec le Secrétaire général de la mer. Désormais, avec la composition du nouveau
gouvernement le 4 juillet 2022, cette mission est assurée par Monsieur Hervé Berville, secrétaire d’Etat auprès de
la Première ministre, chargé de la mer. Le « rattachement » de la mer à la Première ministre traduit bien la
transversalité et l’importance des enjeux maritimes. Néanmoins, d’autres ministères interviennent également
dans leurs domaines respectifs tels que celui de la transition écologique, des armées, de l’agriculture, des
transports ou encore de l’Europe et des affaires étrangères sans oublier la Recherche, l’Industrie, l’Energie, la
Justice, la Culture (archéologie sous-marine) ou l’Intérieur. La lecture du décret du 29 juillet 2022 est à ce titre
éloquente tant il apparaît clairement que les compétences du secrétaire d’État sont essentiellement des
compétences partagées ou associées. La seule autonomie réside dans la disposition d’une seule direction
d’administration centrale,

la direction des affaires maritimes (DAM), qui est aussi désormais « partagée » avec le ministre de l’Agriculture et
de la Souveraineté alimentaire, qui est devenue le 2 mars 2022 de la direction générales des affaires maritimes,
de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA) . Cette nouvelle direction est le résultat de la fusion des deux
principales directions traitant du maritime au niveau central de l'État, à savoir la Direction des affaires maritimes
(DAM) et la Direction des Pêches Maritimes et de l'Aquaculture (DPMA), mais aussi les personnels des
capitaineries des ports d'État et la conduite de la politique de sécurité maritime.
ATT RIBUTIOnS
PARTAGßES

Conjointementavec le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté


industrielle et numérique, il participe à la définition et à la mise en œuvre des
politiques économiques maritimes, notammentla constructionet la
réparationnavales, les industries nautiques et les
politiquesd'innovationdans ces domaines.
Conjointementavec le ministre des sports et des jeux Olympiques et
Paralympiques et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des
territoires, il définit la politique de développementdes sportsmaritimes.
Il veille, conjointementavec le ministre de la transition écologiqueet de la
cohésion des territoires en tant qu'il est chargé des transports et de leurs
infrastructures, à assurer la cohérence des politiques et des actionsmenées

On peut même s’étonner de lire qu’après avoir « listé » en son article 1 l’ensemble des compétences le décret
précise en son paragraphe III que le secrétaire d’État est associé à la conduite de l’action de l’Etat en mer, alors
même que c’est cet ensemble de compétences qui constitue l’action de l’Etat en mer. C’est d’autant plus
surprenant que l’article 2-II-alinéa 2 confirme qu’il dispose, au nom de la Première ministre, du secrétariat général
de la mer.

ATT RIBUTIOnS
COLLECT IVES

Il participe à la définition et à la mise en œuvre de la politique en matière


d'attractivitédes métiers dans le domaine maritime.
Il est associé à la politique relative à la protectiondu littoral et aux
énergiesrenouvelablesen mer
Il est associé à la politique du tourisme sur le littoral et en mer et à l'élaboration
de la législation fiscale concernantles activités en mer et sur le lit toral
Il participe à l'élaboration des programmes de recherche,d'enseignementet
d'encouragementde
l'innovationconcernantses attributions

Et enfin……….. Il est associé à la conduite de l'action de


CHAPITRE 5
LE DßCOUPAGE ADMInISTRATIF DE

Chapitre

Le découpage administratif de l’aem

Présentation du décor….et aperçu historique…

Dans la partie introductive (chapitre 2) j’ai consacré quelques développements aux espaces maritimes et, tout
particulièrement, à la définition et à la délimitation des espaces maritimes français. Il s’agissait de cette manière
d’établir la relation étroite entre le droit de la mer et l’application qui en est faite par la France. De rappeler
l’impérieuse nécessité de connaître, avec exactitude et précision, la ligne de référence absolue, qu’elle soit laisse
de basse mer ou ligne de base droite selon les termes des articles 5 et 7 de la CNUDM. C’est à partir de cette
référence (reprise par l’article 2 de l’ordonnance n°2016- 1687 du 8 décembre 2016) qui doit être communiquée
et publiée par la division des océans et du droit de la mer de l’ONU ( Division for Ocean Affaires and the Law Of
the Sea - DOALOS) (https://www.un.org/Depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/STATEFILES/FRA.htm), en
application de l’article 16 de la CNUDM, que l’Etat côtier va pouvoir définir les coordonnées des limites de sa mer
territoriale, qui ne pourra pas excéder 12 milles marins), de sa zone contiguë de 12 milles marins
supplémentaires (même si cette zone présente aujourd’hui un intérêt très limité), et de sa zone économique
exclusive jusqu’à 200 miles marins à condition de ne pas rencontrer de prétentions d’un autre Etat. On relèvera
que la CNUDM distingue la délimitation des mers territoriales de deux Etats qui se font face en imposant la règle
de l’équidistance (article 16) alors que pour les ZEE ils devront rechercher, au travers de la conclusion d’un
accord bilatéral, une solution non plus équidistante mais équitable (article 74), ce qui ne recouvre pas tout à fait la
même chose. Il convient également de noter que la France, en reformulant l’ensemble de son dispositif juridique
de définition des espaces maritimes par l’ordonnance du 8 décembre 2016, a conservé dans son arsenal
juridique la zone de protection écologique (ZPE) qu’elle avait établie de manière conjoncturelle par la loi n° 2003-
346 du 15 avril 2003 relative à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de
la République. ZPE qu’elle avait créée ex nihilo pour pallier l’absence de ZEE en Méditerranée de manière à
pouvoir réprimer les atteintes à l’environnement marin. (Lorsqu’au-delà de la mer
territoriale, l'Etat entend sur un espace donné exercer uniquement des compétences relatives à la protection et à
la préservation du milieu marin, et à la recherche scientifique marine, reconnues aux Etats côtiers par la
Convention, l'espace correspondant est dénommé zone de protection écologique. Cette zone ne peut s'étendre
au-delà de 200 milles marins des lignes de base définies à l'article 2). Il n’y a pas de ZPE définie puisque
l’ensemble des espaces maritimes « éligibles » sont des ZEE. Néanmoins cette notion a été conservée dans
l’hypothèse où, pour des raisons essentiellement politiques et diplomatiques, la France pouvait être amenée à «
partager » des espaces maritimes. L’hypothèse n’est à mon sens pas d’école et il suffit pour s’en convaincre
d’examiner la situation des îles Eparses dans le canal du Mozambique, revendiquées par Madagascar, et de
Tromelin, revendiquée par Maurice, avec lequel avait déjà été signé un accord de cogestion de la ressource
halieutique avant que cet accord ne soit bloqué par l’Assemblée nationale. De la même manière il existe aussi un
arrangement particulier entre la France et le Mexique permettant à des navires mexicains de pêcher dans la ZEE
de Clipperton en vertu de licences délivrées par l’Etat français, à titre gratuit……

Mais les limites des espaces maritimes


« internationaux » ne sont pas les seules à avoir une
influence et une importance fondamentales sur
l’action de l’Etat en mer. Il existe ainsi dans ces
espaces ou à coté, voire en superposition, de
nombreuses limites sectorielles et thématiques,
anciennes ou récentes, qui vont déterminer
l’application de certaines polices. Il me paraît
important de les citer car elles font partie intégrante
de l’action de l’Etat en mer et sont souvent citées ou
utilisées pour déterminer le champ d’application d’un
texte ou la nature de l’acte
réglementaire demandé. En revanche, je ne procéderai pas à une étude exhaustive et approfondie de leurs
caractéristiques et me contenterai d’en donner la définition.

A tout seigneur, tout honneur, je commencerai par le domaine public maritime (DMP).

Le domaine public maritime a été créé par Colbert et a été inscrit dans l’ordonnance royale de 1681 qui «déclare
bord et rivage de la mer, faisant parte du domaine public, tout le terrain que la mer couvre et découvre pendant
les nouvelles et pleines lunes, et jusqu'où le grand flot de mars peut s'étendre sur les grève » et étendu par la loi
du 28 novembre 1963 au sol et au sous-sol de la mer territoriale (dont la largeur était de 3 milles marins en 1963
et qui, en passant à 12 milles marins en 1971, a entraîné une augmentation
importante de la superficie du
DPM qui est de l’ordre de 100
000 km2). Ces textes ont été
codifiés et la définition juridique
du DPM est aujourd’hui donnée
par le code général de la
propriété des personnes
publiques (article L.2111-4 à 6).
De manière principale le DPM
se décompose en DPM naturel
et DPM artificiel. Le DPM naturel
étant composé notamment du
sol et du sous-

4
sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer, du rivage de la mer
qui est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en
l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles, du sol et du sous- sol des étangs salés en
communication directe, naturelle et permanente avec la mer et des lais et relais de la mer.

Tandis que le DPM artificiel est constitué d’ouvrages ou d’installations appartenant à une personne publique et
qui sont destinés à assurer la sécurité et la facilité de la navigation maritime (Phare, balise) et, à l'intérieur des
limites administratives des ports maritimes, des biens immobiliers, situés en aval de la limite transversale de la
mer, appartenant à l'une des personnes publiques mentionnées concourant au fonctionnement d'ensemble des
ports maritimes, y compris le sol et le sous-sol des plans d'eau lorsqu'ils sont individualisables.

Cette définition permet une transition facile car elle cite elle-même deux autres limites courantes : les limites
administratives des ports et la limite transversale de la mer.

Les limites administratives des ports :

C’est une notion récurrente, fréquemment utilisée, qui sert essentiellement pour ce qui concerne l’AEM pour
déterminer l’autorité de police compétente sur l’espace maritime considéré. Le port peut être de différente nature,
grand port maritime, port autonome, port de commerce, port de pêche ou port de plaisance 9, sans oublier le port
militaire et comprend des emprises terrestres et maritimes plus ou moins étendues. Paradoxalement, cette notion
n’a jamais véritablement fait l’objet d’une définition juridique et elle ne se comprend finalement que par un
raisonnement a contrario. Le code des transports se contente en effet, dans son article R. 5311-1, de disposer
qu’ il est procédé à la délimitation des ports maritimes, du côté de la mer et du côté des terres, sous réserve des
droits des tiers, par le préfet pour les ports relevant de l’Etat et par l'organe délibérant des collectivités territoriales
pour les ports décentralisés. On pourrait considérer que la limite administrative d’un port serait le périmètre de
l’espace présumé portuaire (par opposition à une autre notion qui est la circonscription portuaire qui serait selon
le Conseil d’Etat sa zone d’activité et d’action potentielle et que le code des transports définit dans son article
L.5312-5 comme étant le port dans ses limites et avec ses accès portuaires. Cette notion n’emportant toutefois
aucune conséquence en termes de mesure de police administrative mais essentiellement de redevances
domaniales et de taxation des services)

9
L’organisation des ports maritimes est définie par le titre Ier du livre III de la 5e partie du code des transports
La limite transversale de la mer :

Lorsque le rivage de la mer est coupé par l’embouchure d’un fleuve ou d’une rivière, la limite transversale de la
mer est la ligne qui va déterminer la limite entre le domaine public maritime en aval et le domaine public fluvial en
amont. Elle est généralement fixée là où les berges s’évasent, sauf lorsque l’estuaire correspond à un bras de
mer s’enfonçant dans les terres (décret du 21 février 1852 sur l’inscription maritime, art. 2 et décret n°2004-309
du 29 mars 2004 relatif à la procédure de

Mer

Eaux
intérieures

Limite de

Mer

délimitation du rivage de la mer, des lais et relais de la mer et des limites transversales de la mer à l'embouchure
des fleuves et rivières). C’est une notion importante pour définir la compétence du préfet maritime et du préfet de
département dans ces espaces particuliers. Par ailleurs, elle sert de référence pour déterminer les communes «
riveraines de la mer »10 (ou littorales) au sens de la loi du 3 janvier 1986, dite loi « littoral » et de l’article L.321-2
du code de l’environnement.

La limite de salure des eaux

C’est la limite de cessation de salure des eaux qui détermine, dans les fleuves, la ligne de séparation entre le
régime de réglementation de la pêche fluviale situé en amont et celui de la pêche maritime en aval (décret sur
l’exercice de la pêche du 9 janvier 1852). Elle sert aussi de référence pour déterminer les communes « littorales »
selon l’article L.321-2 alinéa 2 du code de l’environnement

La limite des affaires maritimes

La limite des affaires maritimes dans les estuaires, fleuves, rivières et canaux de la France métropolitaine et des
départements d'outre-mer fréquentés par les navires de mer est fixée conformément au tableau annexé au décret
n° 59-951 du 31 juillet 1959 et correspond, conformément à l’article L.5000-1 du code des transports, au premier
obstacle à la navigation maritime. A son aval, la navigation est « maritime », à son amont, la navigation est «
fluviale », avec les conséquences en

10
https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/loi-littoral-classement-des-communes
matière de normes de sécurité des navires, de police de la navigation, de qualification et de régime social des
personnels (marine marchande ou batellerie). Pour les estuaires, fleuves, rivières et canaux ne figurant pas à
l’annexe du 31 juillet 1959 précité, la limite des affaires maritimes se confond avec la limite transversale de la
mer.

La laisse de basse mer

Si l’on se réfère aux travaux du groupe de travail SHOM-IFREMER relatif aux données géographiques de
référence en domaine littoral marin, la laisse de basse mer se définit comme étant l’Intersection de la surface
atteinte par les plus basses mers astronomiques avec les surfaces terrestres. Autrement exprimé, c’est la limite
atteinte par les eaux lors des plus grandes marées basses théoriques. La laisse de basse mer est également la
ligne de base « normale » retenue par la CNUDM (article 5)

La laisse de haute mer

De la même manière, la laisse de haute mer se définit comme étant l’intersection de la surface atteinte par les
plus hautes marées astronomiques avec des surfaces terrestres ou la limite atteinte par les eaux lors des plus
grandes marées hautes théoriques.

Estran

Il s’agit de la zone de terre située entre la laisse de haute mer et la laisse de basse mer

La limite des eaux

Il s’agit d’une notion qui est devenue, comme nous le verrons dans le chapitre sur les compétences du préfet
maritime, une notion essentielle de l’action de l’Etat en mer. La limite des eaux se définit comme étant le niveau
des eaux atteint à l’instant considéré. C’est donc une limite physique entre deux milieux.

Bande des 300 mètres

C’est l’espace maritime d’une largeur de 300 mètres compté à partir de la limite des eaux dans laquelle le maire
exerce une police spéciale des baignades et des engins nautiques non immatriculés.
CHAPITRE 6
LE PRßFET

Chapitre

Le préfet
(et le DDG AEM outre-mer)

De l’organisation de l’action de l’Etat en mer….

Pendant des siècles, le besoin de sécurité maritime et le lien à la mer se sont essentiellement exprimés au
travers des marines militaires et des routes maritimes commerciales, expliquant sans doute ainsi pourquoi le droit
de la mer est longtemps demeuré un droit coutumier magnifiant le principe de la liberté des mers. Liberté du
commerce mais liberté des flottes de guerre avant tout.

La seconde moitié du 20ème siècle a balayé une relation distante des Etats avec la mer. L’affirmation de
l’extension de la souveraineté et de la juridiction des Etats sur de vastes étendues d’eaux salées, l’explosion du
commerce maritime alliée à la révolution technologique, l’intensification de l’effort de pêche, la transformation de
la mer de proximité en espace de loisirs et la dégradation inattendue des littoraux par l’effet des pollutions par
hydrocarbures dues aux catastrophes maritimes à la fin des années 60 ont conduit les Etats à agir davantage en
mer et autrement que dans une seule perspective militaire ou commerciale. La convention de Montego Bay
(CMB) ou convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) a, pour ainsi dire, figé la prise en compte
de ces nouvelles préoccupations. Réaffirmant le principe de liberté des mers, elle a tout de même amorcé une
certaine forme de territorialisation des espaces maritimes.

Confrontée, comme toutes les autres Nations maritimes, à cette évolution radicale et au foisonnement
extraordinaire de nouvelles activités en mer, entraînant un besoin de les réglementer, mais aussi au
renforcement des préoccupations maritimes, la France a fait un choix que d’aucun qualifie d’original pour
organiser son action en mer. Alors que certains constituent et organisent des services de garde- côtes, elle a
opté pour le développement des synergies entre tous les acteurs impliqués. Ce dispositif, reposant sur la
coordination de l’activité des administrations et services agissant en mer est ainsi en place depuis plus de 42 ans.
Mais, pour original qu’il paraisse, il n’est pas certain que la coordination des actions soit le seul véritable et
unique intérêt de l’organisation française.

Ainsi, l’action de l’Etat en mer repose sur deux fondements majeurs qui, dans l’absolu, et contrairement à
d’autres, ne sont pas indissociables. C’est même justement leur association qui donne au système français sa
dimension particulière. Cette seconde originalité, c’est l’importance du rôle confié, au travers de la fonction garde-
côtes, à la marine nationale. Marine nationale qui, loin de se cantonner dans ses attributions d’armée de mer, est
une des rares marines militaires au monde à être aussi une force de police dotée de tous les attributs classiques
de cette fonction.

Si l’on veut remonter un peu le temps, regarder l’histoire pour comprendre le présent, on s’aperçoit que le
véritable architecte des principes gouvernant l’action de l’Etat en mer n’est autre que Richelieu. A son grand
maître de la navigation et du commerce, le Roi Louis XIII « donne tous pouvoirs pour assurer la conservation des
droits, la sûreté de la mer et l’observation des ordonnances ».

Près de deux siècles plus tard, Bonaparte complétera l’œuvre en créant, à l’échelon local, ce que Richelieu avait
bâti au niveau central. C’est à dire un représentant unique de l’Etat pour les affaires de la mer. Il serait, au
passage, indélicat de ne pas évoquer l’apport déterminant de Colbert qui a finement ciselé l’ordonnancement
juridique des « affaires de la mer » et créé, dans une perspective de politique maritime intégrée, un certain
nombre d’institutions qui ont traversé les siècles.

Le début du 20ème siècle allait porter atteinte à cette unicité. La marine de commerce et de pêche se sont
séparées de la marine (nationale) et l’évolution des techniques, de l’industrie, du commerce et des capacités
nautiques a amené, peu à peu, d’autres ministères à agir ou à s’intéresser à la mer.

A la fin des années 60, le centralisme et l’unité avait ainsi laissé la place à la dispersion des efforts et à
l’incohérence. Ce qui n’était pas sans poser de sérieuses difficultés au moment même où l’Etat se trouvait devoir
faire face à la formidable transformation des activités et du droit des espaces maritimes.

De la revendication du plateau continental à l’extension des mers territoriales, en passant par la création des
zones contiguës et des zones économiques exclusives qui viennent donner aux Etats, et tout particulièrement à
la France avec près de 11 millions de km2 d’eau salée sous sa juridiction, de nouveaux droits, mais aussi ce qui
est souvent oublié de nouveaux devoirs, l’organisation des Etats n’était pas adaptée. Que ce soit en matière de
sauvetage, de protection de l’environnement marin, de gestion des ressources halieutiques, de sécurité de la
navigation ou de recherche scientifique ou encore d’exploitation des nodules polymétalliques, il est évident que
les Etats ont négocié le texte de la CNUDM sans avoir organisé la manière dont ils répondraient à cette évolution
juridique.

Pour la France, face à ces défis et ces attentes, à la veille de la IIIème conférence sur le droit de la mer, l’héritage
de Richelieu, de Colbert et de Bonaparte paraît avoir été dilapidé : 19 services relevant de 12 ministères se
partagent, en 1971, sans concertation, 42 missions en mer.

C’est pourtant ce constat qui fonde le début de l’organisation moderne et toujours actuelle de l’action de l’Etat en
mer qui s’est mise en place en trois temps.

Tout d’abord en 1972, par la création du groupe interministériel de coordination des activités en mer des
administrations (GICAMA) (décret n° 72-302 du 19 avril 1972 relatif à la coordination des actions en mer des
administrations de l’État) et par la désignation d’administrations chargées de coordonner l’activité des autres, aux
niveaux central et local, dans chacune des 42 missions.

Puis surtout, et essentiellement, en 1978 par la désignation, par le décret du 9 mars 1978 relatif à
l’organisation des actions de l’État en mer, d’une autorité unique, représentante de l’Etat en mer, responsable
dans tous les domaines où s’exerce son action, choisie, pour la métropole, au sein de l’administration sur laquelle
Richelieu, Colbert et Bonaparte avaient assis leur conception d’un Etat
fort en mer, c’est à dire la marine nationale, au travers des amiraux préfets maritimes. On notera cependant cette
transformation symétrique du préfet maritime. Si le premier préfet maritime, créé par Bonaparte, était un civil,
conseiller d’Etat, aux attributions exclusivement militaires, le décret de 1978 confiait à une autorité militaire (aux
attributions formellement inexistantes en tant que telle en 1978 puisqu’elles avaient été reprises par celles de
commandant de zone maritime, instauré en 1974 par le décret n° 74-968 du 22 novembre 1974, et de
commandant de région et d’arrondissement maritime découlant du décret de 1927 sur l’organisation de la marine)
des responsabilités uniquement civiles. Il n’en demeure pas moins que 42 ans après cette évolution, la confusion
persiste toujours. Pourtant, le décret n° 79-413 du 25 mai 1979 portant organisation des actions en mer de l’Etat
au large des DOM-TOM et de la collectivité territoriale de Mayotte en confiant aux préfets et aux hauts
commissaires de la République les mêmes responsabilités, en les assistant du commandant de zone maritime,
avait clairement démontré la nature de ces fonctions.

Enfin, en 2004, et 2005, par deux nouveaux décrets confirmant et renforçant les prérogatives interministérielles
de cette autorité et du délégué du Gouvernement pour l’action de l’Etat en mer outre-mer, dans l’étendue de leurs
responsabilités, pour faire face aux nouvelles menaces, et dans leurs pouvoirs de direction de l’activité des autres
administrations.

Ainsi, les préfets maritimes sont-ils les représentants directs du Premier ministre, et de chacun des ministres, et,
par l’intermédiaire des moyens de toutes les administrations, responsables de la sauvegarde des personnes et
des biens, de la préservation du milieu marin des atteintes environnementales et de la cohabitation paisible entre
tous les usagers et de la coordination de la lutte contre les activités illicites.

Le concept français d’organisation de l’action de l’Etat en mer est ainsi un concept unique et original qui repose
sur l’existence de deux niveaux de coordination. Il est le fruit d’un choix délibéré de ne pas créer un corps
spécifique de garde-côtes, qui n’aurait été que le 20ème service agissant en mer, entraînant une duplication des
moyens et dispersant encore davantage la cohérence de l’action de l’Etat en mer. Il privilégie au contraire une
logique de métier selon laquelle chaque administration, rassemblée depuis 2010 au sein de la fonction garde-
côtes, exerce ses missions indifféremment en mer et à terre de manière coordonnée. Ce double niveau de
coordination traduit bien le caractère interministériel dans son principe et inter-administrations dans son
fonctionnement de l’action de l’Etat en mer.

Interministérielle dans son principe, elle est dirigée par le Premier ministre qui s’appuie sur une structure
nationale, le Secrétariat général de la mer, qui veille à l’échelon central à la coordination entre ministères, anime
et coordonne l’action de l’échelon local, participe à la définition de la politique maritime du Gouvernement et
assure la direction de la fonction garde-côtes.

Inter-administrations, elle préserve la capacité de chaque administration d’agir en mer de sa propre autorité pour
les activités relevant de sa compétence mais les place sous une autorité de direction unique dès lors qu’il s’agit
de contribuer à l’exercice des responsabilités d’intérêt général du préfet maritime.

En métropole, le préfet maritime, amiral et à ce titre également autorité militaire sous l’autorité directe du chef
d’état-major des armées pour la conduite en mer des opérations et du chef d’état- major de la marine pour ce qui
concerne le fonctionnement, le soutien et les infrastructures, est le chaînon manquant, créé par Bonaparte, de
l’expression de la puissance de l’Etat en mer instauré par Richelieu et de l’application du droit élaboré par
Colbert.

Ils sont au nombre de trois, un par façade littorale en Manche-mer du Nord, Atlantique et Méditerranée.
Outre-mer, le concept de préfet maritime est décliné de manière plus originale et est constitué par un binôme
composé du préfet de région, délégué du Gouvernement et de l’officier de marine, commandant de la zone
maritime qui est son assistant.

Cette originalité ne remet cependant pas en cause le principe d’unicité de représentation de l’Etat en la personne
du délégué du Gouvernement. Il est le garant de l’inter ministérialité alors que son assistant officier de marine est
l’expression de l’inter-administrations.

Des priorités de l’action de l’Etat en mer….

Pour être pleinement efficace, l’organisation de l’action de l’Etat en mer doit conjuguer plusieurs approches,
internationales, économiques, environnementales, scientifiques, territoriales, sans que celles-ci soient
exhaustives, et être orientée sur la satisfaction de grandes priorités. En effet, la diversité et la multiplicité des
missions au regard des moyens disponibles imposent une mise en cohérence de ceux-ci.

Ces grandes priorités ont été fixées par le comité interministériel de la mer (CIMER) qui s’est tenu le
10 juin 2011 et à l’issue duquel il a été décidé de privilégier les cinq grandes priorités suivantes :

- adapter les moyens dédiés au sauvetage de la vie humaine et à l’assistance aux navires en difficulté,
notamment pour faire face aux évolutions du transport maritime, aux conséquences du développement
des activités liées au transport de passagers et à la croisière et à l’accroissement des activités de
loisirs nautiques. Le récent accident, en Italie, du navire « Costa Concordia » est venu illustrer la
pertinence de cette priorité et de la nécessité de disposer de moyens d’intervention, seul ou en
partenariat européen, notamment de remorqueurs d’assistance dans les secteurs maritimes les plus
sensibles ;

- poursuivre et renforcer la lutte contre toutes les activités illicites par voie maritime, et tout
particulièrement le trafic de produits stupéfiants puis après la vague d’attentats plus spécialement la
prévention et la lutte contre le terrorisme ;

- maintenir une capacité de réponse aux pollutions marines majeures et permettre la répression des
rejets illicites de produits polluants en met ;

- protéger la ressource halieutique en luttant contre son pillage et contre toutes les activités de pêche
illégale ;

- enfin, assurer la surveillance et la préservation des aires marines protégées, qui représentent environ
20% des espaces maritimes français, soit près de 2,2 millions de km2 (ce qui représente en
équivalence les 2/3 de la Méditerranée).

Commentaires sur le décret n° 2004-112 du 6 février 2004 relatif à l’organisation de l’action de l’Etat
en mer et sur le décret n°2005-1514 du 6 décembre 2005

Le décret n° 2004-112 du 6 février 2004 relatif à l’organisation de l’action de l’État en mer a remplacé le décret du
9 mars 1978 relatif à l’organisation des actions de l’État en mer en lui apportant un certain nombre de
changements significatifs qui ont souvent échappé aux lecteurs peu avertis (ne serait-ce que le passage important du
pluriel au singulier).
Il est vrai qu’au premier abord les évolutions ne paraissent pas de manière évidente. En réalité, la genèse de ce
texte est plus à rechercher dans une réponse « politique » aux accidents de l’Erika et du Prestige que dans la
nécessité de modifier l’organisation. Afin d’échapper, en quelque sorte, aux récriminations à la fois européennes
et parfois populaires sur l’absence de garde-côtes, le gouvernement a entrepris de mettre en avant la spécificité
de l’organisation et sa pertinence tout en annonçant des renforcements. Le projet initial reposait sur une « simple
» modification du décret de 1978 mais les modifications étaient tellement peu substantielles que pour des raisons
« d’affichage » il a été décidé de remplacer purement et simplement le décret de 1978 pour donner l’impression
d’une véritable évolution.

Elles étaient jugées peu substantielles aux yeux de la plupart mais essentielles pour les acteurs avertis
de l’action de l’Etat en mer.

La première évolution notable se trouve dans le titre même du décret. En effet, il s’agit désormais d’un décret
relatif à l’organisation de l’action de l’Etat en mer au singulier là où les deux premiers textes parlaient des actions
des administrations (1972) puis de l’État (1978). L’action de l’Etat en mer devient ainsi un « concept », une
organisation à la fois administrative et opérationnelle, aux contours plus larges que de simples actions, même
cumulées, des administrations ou de l’Etat.

L’article 1er du décret de 2014 affirme que le


préfet maritime est le représentant de l’État en
mer alors qu’il n’était avant « que » le dépositaire
de l’autorité de l’Etat. Expression qui en soi n’avait
aucune portée juridique selon Guy Braibant dans
son traité de droit administratif. Il confirme
également que le préfet maritime est le délégué
du Gouvernement et le représentant direct du
Premier ministre et de chacun des membres du
Gouvernement et qu’il est désormais investi
d’une «autorité» au lieu d’une
«responsabilité» dans «tous les domaines où
s’exerce l’action de l’État en mer ».

Il est expressément mentionné que le préfet maritime est investi du « pouvoir de police générale ». Pouvoir de
police générale qui est le pouvoir de police administrative générale en mer dont l’objet est d’assurer, dans son
expression classique, la préservation de la sécurité, de la sûreté et la tranquillité publiques. Bien évidemment cet
article ne fait pas obstacle aux pouvoirs de police administrative spéciale que le préfet maritime détient en vertu
d’autres textes (police du passage inoffensif, police des navires abandonnés, police des épaves, police de la
prévention des pollutions….)

Il est également chargé désormais, en sus de ses compétences traditionnelles reprises du texte de 1978
:

- de la protection de l’environnement marin, ce qui a constitué la reconnaissance par le décret des


compétences qui lui étaient accordées par les textes d’organisation sur la prévention et la lutte contre les
pollutions marines ;

- de la coordination de la lutte contre les activités illicites. C’est ce qui représente sans doute un des
points les plus novateurs de la réforme de 2004. En effet, les différents services « répressifs » ou de police
judiciaire ou douanière et fiscale n’avaient pas facilement admis « l’arrivée » du préfet maritime dans
l’organisation de la répression du trafic illicite par voie de mer des stupéfiants par la
loi n° 96-359 du 29 avril 1996 relative au trafic de stupéfiants en haute mer et portant adaptation de la
législation française à l'article 17 de la convention des Nations unies contre le trafic illicite des stupéfiants et
substances psychotropes faite à Vienne le 20 décembre 1988. Il était en effet stipulé que « lorsqu'il existe des
motifs raisonnables de soupçonner qu'un trafic de stupéfiants se commet à bord de l'un des navires visés à
l'article 12 et se trouvant en dehors des eaux territoriales, les commandants des bâtiments de l'Etat et les
commandants de bord des aéronefs de l'Etat, chargés de la surveillance en mer, sont habilités à exécuter ou
à faire exécuter, sous l'autorité du préfet maritime, qui en avise le procureur de la République, les mesures
de contrôle et de coercition prévues par le droit international et la présente loi » . Si chaque service répressif
restait responsable de la lutte dans son domaine, notamment pour le recueil et l’exploitation du
renseignement, à même de mettre en œuvre de manière autonome des moyens d’intervention dans la mer
territoriale en application du code pénal ou du code des douanes, en revanche, au-delà de la mer territoriale,
c’est-à-dire dans la ZEE et en haute mer le préfet maritime était incontournable. Avec cette disposition, le
préfet maritime coordonne l’ensemble quel que soit l’espace maritime concerné.

On observera que la description des pouvoirs et


attributions du préfet maritime n’est guère différente de
celle du préfet de département. Ils sont tous deux
dépositaires de l’autorité de l’Etat, représentants du
Premier ministre et de chacun des ministres. Tout au
plus on pourra relever que le préfet maritime veille à
l’exécution des lois et des réglements là où le préfet ne
veille qu’aux réglements mais sans doute s’agit-il d’un
oubli.

Il est également important de revenir sur la zone de


compétence du préfet maritime. Si l’on reprend les
termes du décret de 1978, il était compétent
« en mer, dans les limites de la région maritime et à partir de la laisse de basse mer, sauf dans les ports à
l’intérieur de leurs limites administratives, dans les estuaires en deçà des limites transversales de la mer et dans
les baies fermées dont la liste et les limites sont fixées par arrêté du Premier ministre ». Avec l’article 1 initial du
décret de 2004 « son autorité s'exerce à partir de la laisse de basse mer, sauf dans les ports à l'intérieur de leurs
limites administratives et dans les estuaires en deçà des limites transversales de la mer ». Le changement de
formulation était important car, paradoxalement, il était impossible de déterminer en 1978 les
limites maritimes de la région maritime car il
s’agissait, et il s’agit toujours, d’une zone de
compétence terrestre. Avec le décret de 2004,
sa compétence en mer est affirmée dès la
première phrase de l’article 1 (le représentant
de l’Etat en mer est….) et cette compétence
débutait à partir de la laisse de basse mer.
Laisse de basse mer qui est aussi, certains
diraient surtout, la ligne de base « normale »
de la CNUDM pour la détermination des limites
des espaces maritimes.

5
Néanmoins, il a été nécessaire de modifier cette disposition. En effet, outre le fait que d’autres autorités de police
« terrestres » disposent de pouvoirs de police spéciale en mer dans la zone de compétence générale du préfet
maritime (le maire pour la police des baignades dans la bande des 300 mètres ou les préfets en matière de police
des pêches ou des mines ou du domaine public maritime) il a été constaté que la superposition de ces différentes
polices sur l’espace marin (la surface de la mer, la colonne d’eau et le fond et le sous-sol de la mer) laissait
apparaître un besoin de clarification pour les activités exercées dans la zone de balancement des marées mais
ne relevant d'aucune police spéciale, alors même que, selon les façades maritimes, ces zones pouvaient
concerner des surfaces très importantes. C'est notamment le cas de la circulation maritime. En effet, le code
général des collectivités territoriales en son article L.2212-3 stipule que, côté "terre", « la police municipale des
communes riveraines de la mer s’exerce sur le rivage de la mer jusqu’à la limite des eaux. Comme en matière de
police de la baignade, la limite des compétences des maires est ainsi définie par le niveau atteint par la mer à
l’instant où cette compétence doit être considérée, ce qui fait, que le maire n’exerce aucune compétence en mer,
à l’exception de cette police spéciale des baignades. Ce qui fait, en résumé, que dans la zone maritime
comprise entre les laisses de basse mer et de
haute mer, ni le préfet, ni encore moins le préfet
maritime, ne pouvaient exercer par substitution
la police de la circulation maritime puisqu'elle
ne relève pas du maire.
Afin de remédier à cette anomalie et confier la
police de la circulation maritime entre ces deux
limites à une autorité administrative trois
solutions étaient possibles :

• modifier la limite d’exercice du


pouvoir de police communale en lui
faisant rejoindre la limite de compétence du préfet maritime, c'est-à-dire la laisse de basse mer ;

• modifier la limite d’exercice du pouvoir de police administrative générale du préfet maritime


en lui faisant rejoindre celle du pouvoir de police communale, à savoir la limite des eaux ;

• confier expressément au préfet la police de la circulation maritime dans cette zone.

La première solution aurait été très difficile et délicate à mettre en œuvre. Non seulement elle aurait fait porter,
sans moyens correspondants, des responsabilités nouvelles très importantes aux maires sur des superficies
maritimes étendues (Cf. déjà la jurisprudence Saint Jean Trolimon CAA Nantes 1990) mais elle aurait entraîné
également des difficultés de délimitation du territoire communal sur l’estran.

La troisième solution aurait été juridiquement envisageable mais elle aurait introduit une troisième autorité
administrative dans la mise en œuvre de la police des baignades et des activités nautiques des engins non
immatriculés. Ce qui aurait été de nature à gêner la compréhension de la réglementation.
C’est la raison pour laquelle c’est la
deuxième solution qui a été retenue car
elle avait pour avantage de préserver le
schéma des polices spéciales en mer et
sur l’estran tout en assurant la fluidité de
la réglementation de la circulation
maritime. La modification a été effectuée
par le décret n° 2013-136 du 13 février
2013 relatif à la zone de compétence des
représentants de l'Etat en mer. Elle fait
correspondre les limites de compétences
terrestres des maires et les limites de
compétence maritimes du représentant de
l'Etat
en mer, accomplissant ainsi la continuité dans l'espace et dans le temps des autorités de police sur ces espaces
sensibles. La nouvelle formulation est : « son autorité s'exerce jusqu'à la limite des eaux sur le rivage de la mer.
Elle ne s'exerce pas à l'intérieur des limites administratives des ports. Dans les estuaires, elle s'exerce en aval
des limites transversales de la mer ».

Un lecteur attentif remarquera que la formulation pour exclure les ports et les estuaires de la compétence du
préfet maritime est également beaucoup plus compréhensible, il y eut, il est vrai, de longs débats au Conseil
d’Etat lors de l’examen du texte pour déterminer où était la zone en deçà des limites transverses de la mer, tout
dépendant de quel côté l’on regardait la limite. On peut être d’éminents juristes sans être dépourvus d’un certain
sens de l’humour.

Le décret sur l’action de l’Etat en mer outre-mer a été élaboré, et modifié, selon les mêmes errements
en l’adaptant aux spécificités de
l’organisation administratives ultra
marine. Le décret n° 2005- 1514 du 6
décembre 2005 relatif à l’organisation
outre-mer de l’action de l’État en mer
apporte un certain nombre de
changements significatifs dans
l’organisation précédemment fixée par
le décret du 25 mai 1979 relatif à
l’organisation des actions de l’État en
mer au large des départements et
territoire d’outre-mer. Il prolonge
notamment les principes nouveaux
établis par le décret
2004-112 du 6 février 2004 afin d’assurer la cohérence du dispositif réglementaire de l’organisation française de
l’action de l’Etat en mer.

Si l’on examine le titre, le texte est beaucoup plus générique en se référant exclusivement à l’organisation pour
l’outre-mer de l’action de l’Etat en mer (AEM), ce qui est globalement plus explicite que l’ancienne mention « au
large des départements et territoires » qui introduisaient une imprécision sur la définition du large. L’intitulé a
aussi été simplifié pour tenir compte de la disparité des situations
statutaires outre-mer, il concerne, comme le décret de 2004, l’action de l’État en mer au singulier alors
que les premiers textes parlaient des actions des administrations (1972) puis de l’État (1979).

L’article 1er, plus encore que le décret du 6 février 2004, lie intimement la compétence du délégué du
Gouvernement à la zone maritime. Ainsi sa zone de compétence n’est plus limitée à la notion floue et vague de «
au large des eaux bordant les côtes de… », mais est désormais strictement délimitée (néanmoins, cette
expression est conservée pour les Terres australes et antarctiques françaises, Clipperton et Saint-Pierre et
Miquelon. Elle vise dans la pratique les eaux sous souveraineté et juridiction de Clipperton, Saint-Pierre et
Miquelon et la mer territoriale de la terre Adélie).

Il convient de relever que la référence à la zone maritime, élément important soutenu par le ministère de la
défense lors de la rédaction du décret du 6 février 2004, conduit cependant à maintenir un « certain »
particularisme pour ce qui concerne Saint-Pierre et Miquelon. En effet, la zone maritime Atlantique est la seule à
comporter deux délégués du Gouvernement, un à Brest, l’autre à Saint Pierre et Miquelon. Néanmoins, les
errements antérieurs ont été maintenus et, pour l’exercice de l’assistance courante, le commandant de la zone
maritime de l’Atlantique, préfet maritime par ailleurs, délègue, comme le prévoit l’article 4, ses attributions au chef
du service des affaires maritimes de Saint-Pierre, statutairement représentant de la marine.

L’article 2 du décret de 2014 est la traduction concrète de la volonté de renforcer l’autorité du préfet
maritime ou du moins de réaffirmer en droit la prééminence qui s’était instaurer dans les faits .

« Le préfet maritime anime et coordonne


l’action en mer des administrations et la
mise en œuvre de leurs moyens, ... », on
notera que cette coordination qui était déjà
instaurée par l’article 3 du décret de 1978
ne se fait plus « en tant que de besoin »
mais est désormais permanente.

Néanmoins, il est une restriction


mentionnée dans ce premier alinéa « ...
sans faire obstacle à l’exercice par les
autorités administratives, civiles et
militaires et les autorités judiciaires des
compétences qui leur sont reconnues
par d’autres textes législatifs ou réglementaires. » qui pourrait être de nature à restreindre l’autorité effective du
préfet maritime. Cette mention a été l’objet de vigoureux échanges lors des réunions interministérielles de
préparation du décret et tous les ministères et leurs administrations disposant de prérogatives et de moyens
d’actions en mer étaient très attachés à cette mention, plus explicite que l’ancienne mention de 1978 «dans
l’exercice de leurs activités spécifiques les administrations demeurent seules compétentes pour la gestion et la
mise en œuvre de leurs moyens propres ». Il y a cependant un certain parallèlisme avec les responsabilités
préfectorales car cette restriction fait écho à la rédaction analogue de l’article 2 du décret fixant les attributions
des préfets de région (Décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à
l'action des services de l'Etat dans les régions et départements). Elle préserve notamment l’exercice des
attributions spécifiques de certaines autorités administratives ou judiciaires d’une ingérence du pouvoir
préfectoral.

Une des grandes avancées de ce texte est la possibilité pour le préfet maritime de donner des directives dans
son domaine de compétence. Le Conseil d’État lors de l’examen du texte avait rappelé que le préfet maritime
n’avait pas de pouvoir hiérarchique, c'est-à-dire organique, sur les services (ni sur la
marine). En revanche il a validé le fait qu’à ce titre, et sous réserve du respect des compétences du chef d’état-
major des armées (CEMA), le préfet maritime puisse notamment donner des directives à la marine sur les
conditions d’exécution des missions de police en mer mais en aucun cas sur les modalités de mise en œuvre
opérationnelle des moyens militaires . Exprimé d’une autre manière, le préfet maritime définit l’effet à obtenir et
précise le cadre juridique, la marine (le CEMA) ou les administrations sont seules juges des moyens à mettre en
œuvre et des procédures opérationnelles.

Une autre grande nouveauté de ce décret réside dans la mise à disposition du préfet maritime des informations
d’intérêt maritime dont les services de l’État ont connaissance. Cette prescription est importante car jusqu’à alors
le préfet maritime était tributaire de l’information que les adminsitrations voulaient bien lui communiquer (article 5
du décret de 1978 : « les autorités territoriales, services publics et établissements publics de l’Etat ayant des
compétences en mer tiennent le préfet maritime informé des affaires susceptibles d’avoir une importance
particulière en mer…. ». Ce qui faisait qu’il était le plus souvent en situation de réaction par rapport à un
événement. Avec cette précision, il est fondé à exiger une information préalable et se trouver de la sorte dans la
possibilité d’agir par anticipation.

Enfin, une mention nouvelle est apparue dans cet article 2 « Un arrêté du Premier ministre fixe la liste des
missions en mer incombant à l’État ». Il s’agit également d’un ajout qui a suscité de longs débats. Malgré les
oppositions « techniques » il a été maintenu car il s’agissait d’un ajout « politique ». En effet la mesure avait été
annoncée en comité interministériel de la mer et il a été considéré qu’il n’était pas possible de ne pas en tenir
compte. Pourtant, objectivement le principe même de cet arrêté est contre productif. Au moment de la publication
du décret il y avait effectivement un arrêté qui était toujours en vigueur, celui du 19 avril 1972 modifié par arrêté le
30 avril 1974, qui était lui-même resté en vigueur en raison du maintien de cette disposition après l’abrogation
partielle en 1978 du décret n° 72-302 du 19 avril 1972 relatif à la coordination des actions en mer des
administrations de l’État. Ce n’est qu’près de longues et pénibles discussions interministérielles que cette
obligation a été satisfaite par l’arrêté du 22 mars 2007 établissant la liste des missions en mer incombant à l'Etat
dans les zones maritimes de la Manche-mer du Nord, de l'Atlantique,
de la Méditerranée, des Antilles, de Guyane, du
sud de l'océan Indien et dans les eaux bordant les
Terres australes et antarctiques françaises. Arrêté
qui a abrogé bien évidemment celui du 19 avril
1972 et celui du 30 avril 1974 relatif à la liste des
missions en mer incombant à l'Etat dans les
départements d'outre-mer. Cet arrêté de 2007
dans sa forme actuelle est certes le fruit de
beaucoup de compromis mais, en dehors du fait
qu’il organise et identifie les missions, il introduit
un incertitude sur la réalité des responsabilités
des autorités et des
administrations et entraîne plus de confusion que de clarification .

Il convient de préciser que le préfet maritime en tant que tel ne dirige aucun service et ne dispose d’aucun moyen
en propre. Ce qui est une situation radicalement différente de celle du préfet de département qui dirige les
services déconcentrés de l’Etat. Ce n’est pas pour autant une faiblesse.
L’article 3 est une reprise de l’article 5 du décret de 1978. Il
est cependant un petit peu plus précis puisque les préfets
sont nommément désignés alors que dans la version
originale de 1978 ils étaient inclus dans les autorités
territoriales. Ce qui dans certaines circonstances avaient un
peu perturbé les relations entre les préfets maritimes et les
préfets de département. Il n’y a désormais plus aucune
ambiguïté, les préfets sont tenus d’informer le préfet maritime
de tout évènement terrestre susceptible d’avoir des
conséquences en mer.

L’article 4 a reconduit les dispositions relatives à la


conférence maritime régionale qui est un
« instrument » d’action important pour le préfet maritime.
C’est toujours un arrêté du Premier ministre du 25 juin 1984
qui détermine les modalités de fonctionnement de la
conférence maritime. On peut s’étonner de l’obsolescence
de ce texte qui n’est sans doute pas dans les priorités. Il
n’en demeure pas moins que les préfets maritimes ont su
concrètement redonner un élan à cette conférence qui au
début des années 2000 était devenue une sorte de grande
conférence sur des thèmes généraux parfois assez
éloignées des préoccupations immédiates et qui était
davantage perçue comme un outil de communication. La dernière conférence maritime organisée en 26 avril
2019 par le préfet maritime de la Méditerranée est une parfaite illustration de l’intérêt de cette conférence et de sa
vraie vocation : Conférence maritime régionale sur la protection des herbiers de posidonies : Une urgence
environnementale !

L’article 5 en fixant que le préfet maritime est un officier général de marine est venu refermer « en quelque sorte
» un débat récurrent sur la nature du préfet maritime. En effet, au-delà du caractère historique de cette fonction,
les évolutions de son contenu depuis 1978 et de son champ d’action, surtout depuis le début des années 90 ont
donné une dimension particulière au préfet maritime. Certains, s’appuyant sur l’exemple ultra marin, ont plaidé et
plaident encore pour que les préfets soient des préfets. Le premier ministre a entendu clore le débat en faisant
exprimer clairement que le préfet maritime est un officier général de marine.

L’article 6 est important en ce sens qu’il met en cohérence les autorités et les zones de compétence. En confiant
au commandant de zone maritime la fonction de préfet maritime, et non plus comme dans le décret de 1978, aux
commandants de région maritime ou d’arrondissement qui n’ont que des compétences territoriales, le décret
permet de « couvrir » l’ensemble des espaces maritimes, nationaux, internationaux et étrangers dans le respect
bien évidemment du droit de la mer et de la souveraineté des Etats sur leurs espaces et leurs navires. D’une
certaine manière cette disposition conforte aussi la cohérence et l’importance de la place de la marine dans ce
dispositif.
Cet article est également intéressant car il fonde en
droit le siège de la préfecture maritime, celui-ci pouvant
être distinct des structures militaires territoriales.

Fixer un siège à la préfecture maritime était également


une obligation pour l’application de l’article 17 de la loi
du 15 juillet 1994, modifiée, relative à l’exercice par
l’État de ses pouvoirs de contrôle en mer. C’est en effet
le siège de la préfecture maritime qui détermine la
compétence du tribunal chargé d’instruire et de juger,
au moment de la publication du décret, les affaires de
narcotrafic en haute mer. Sachant que depuis
2004, la loi du 15 juillet 1994 a été modifiée à plusieurs reprises et que désormais les infractions susceptibles
d’être réprimées en haute mer sont plus nombreuses (trafic de stupéfiants, piraterie, terrorisme, trafic d’êtres
humains…..).

Enfin, les articles 7 et 8 sont venus organiser le fonctionnement de la préfecture maritime en désignant
formellement l’intérimaire et les adjoints du préfet maritime.

Alors que l’imbrication et la confusion des responsabilités militaires issues du décret de 1978 entraînaient des
situations que l’on pouvait qualifier d’aberrantes (il était fréquent que l’intérim du préfet maritime de l’Atlantique
soit assuré par le commandant de l’arrondissement maritime de Cherbourg car il était l’officier général le plus
ancien après celui de Brest), désormais, dans la mesure où il n’y a jamais de vacance du commandement
militaire, la suppléance de la fonction de préfet maritime est toujours assurée par le commandant de zone
maritime par intérim qui est toujours colocalisé.

De même, avec l’article 8, le préfet maritime n’a-t-il plus qu’un seul adjoint pour l’action de l’État en mer. En droit,
l’adjoint « opérations » et l’adjoint « territorial » de l’autorité militaire ne sont plus, et pas, les adjoints du préfet
maritime mais ceux du commandant de zone ou de région maritimes.

Bien que cela ne soit pas mentionné explicitement, c’est la « division action de l’Etat en mer » qui est visée par
l’expression « fonctionnaires et agents, civils et militaires, désignés par les administrations qui participent à
l’action de l’État en mer ». Le terme « désignés » a été choisi pour son caractère générique et laisse ouvert le
recours aux différentes dispositions statutaires des fonctionnaires ou militaires (affectation, détachement, mise à
disposition, ...). Compte tenu de l’extension, d’une part des prérogatives du préfet maritime, d’autre part de la
notion corrélative « d’administration participant à l’action de l’État en mer », de nouveaux agents et fonctionnaires
ont été appelés à renforcer la « division AEM », au-delà des seuls officiers de marine, commissaires,
administrateurs des affaires maritimes, gendarmes ou douaniers.

Enfin, l’article 8 organise les délégations de signature du préfet maritime, pour répondre à un réel besoin de
fluidité de fonctionnement de la préfecture maritime, ainsi que de sécurité juridique des actes et décisions. Seuls
l’adjoint AEM et les membres de la « division AEM » peuvent recevoir la délégation de signature du préfet
maritime. Il appartient à chaque préfet maritime de déterminer à qui il délègue sa signature.

Le suppléant du commandant de zone maritime ne peut signer les actes de la compétence du préfet
maritime que lorsqu’il en assure la suppléance.
La délégation de signature « aux chefs des administrations civiles de l’État en ce qui concerne les matières
relevant de leurs attributions » signifie que, lorsqu’il délègue une signature dans un domaine précis, le préfet
maritime doit adresser sa délégation au chef de service de l’administration compétente (ex : sécurité maritime,
occupation du domaine public maritime (direction départementale des territoires et de la mer). Même si le texte
est imprécis, la délégation de signature
« aux commandants de la marine » suit le même régime, issu d’un principe juridique général dans toute
l’administration française. L’objectif poursuivi par l’ajout de cette mention a été le fait de l’état- major de la marine
qui y a vu la possibilité de pouvoir s’appuyer, si besoin, sur les « commandants de la marine en un lieu déterminé
» en cas de pollution de grande ampleur, comme cela a été fait pour le
« Prestige ».

En synthèse, si l’on veut bien examiner et comparer les attributions du préfet maritime avec celles des
« autres » préfets (département, région, de zone de défense et de sécurité ou de police) au regard de la nature
des fonctions exercées, on s’aperçoit que le préfet maritime n’est plus seulement le préfet de l’urgence comme il
était souvent présenté.

Certes son implication est survenue


progressivement avec les premières
grandes pollutions maritimes (Torrey
Canyon notamment en 1967) pour
répondre à des situations d’urgence
mais le décret de 1978, en lui
confiant un pouvoir de police
administrative générale, en a fait un
préfet d’ordre. L’évolution de
l’organisation de la défense puis de
la défense et de la sécurité nationale
a clairement confié au préfet
maritime le rôle de préfet de défense
et de sécurité de la zone maritime. A
côté de cela, et tout particulièrement avec la mise en place progressive d’une politique maritime intégrée, de la
volonté d’établir une planification de l’utilisation des espaces maritimes tout en s’inscrivant dans une perspective
de protection et de préservation de l’environnement et de durabilité, le préfet maritime a même changé de nature.
Avec la déclinaison de la directive cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM) puis de la communication de la
Commission européenne du 10 octobre 2007 sur la politique maritime intégrée à la suite de l’adoption en 2006 du
livre vert sur la future politique maritime de l’UE et, plus récemment par la Directive (2014/89/UE) du Parlement
européen et du Conseil du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime, des
responsabilités nouvelles lui ont été confiées. En effet, à la suite de cet ensemble de documents eux- mêmes
déclinés, plutôt transposés, en France au travers de l’exercice de deux livres bleu aux noms presque similaires
(stratégie nationale pour la mer et les océans et stratégie nationale pour la mer et le littoral), par l’adoption de lois
et décrets conduisant à l’élaboration d’une stratégie nationale pour la mer et les littoraux et de documents
stratégiques de façade permettant de passer d’une gestion intégrée de la zone côtière à une planification des
espaces maritimes, le préfet maritime est désormais, conjointement avec le préfet de région désigné, préfet
coordonnateur de façade, co-président du conseil maritime de façade, qui , inévitablement s’inscrit désormais
dans une perspective environnementale et économique.
Et pour l’outre-mer ?

Les principes exposés pour le préfet maritime en métropole au travers des dispositions du décret de 2004 sont
directement déclinables pour les délégués du Gouvernement pour l’action de l’Etat en mer outre-mer.

L’article 2 du décret du 6 décembre 2005 est une stricte transposition des dispositions concernant les
responsabilités et attributions des préfets maritimes du décret du 6 février 2004. Elles ne traduisent cependant
pas de la même manière l’autorité renforcée des préfets maritimes dans la mesure où les délégués du
Gouvernement outre-mer ont la plénitude de la représentation de l’Etat, à terre et en mer.

Il convient de souligner la subtilité d’écriture entre les deux décrets. En effet si « le préfet maritime anime et
coordonne l'action en mer des administrations et la mise en œuvre de leurs moyens », le DDG outre-mer « dirige
l’action en mer des administrations sans faire obstacle…. » et c’est le commandant de zone maritime (CZM) qui,
sous son autorité, coordonne l’action en mer des administrations (article3).

La nuance entre « anime » et « dirige » s’explique par le fait que le DDG ne peut que maintenir en mer le pouvoir
hiérarchique qu’il exerce sur la majorité des services civils à terre.

La principale innovation de cet article est de consacrer le rôle du commandant supérieur interarmées (COMSUP)
en tant que conseiller du DDG pour l’emploi des moyens militaires qui participent à l’AEM. Le COMSUP,
contrôleur opérationnel des moyens militaires est ainsi le garant du fait que l’emploi de ces moyens qui, outre-
mer, dépassent les seules capacités de la marine, notamment dans le domaine aérien ou pour la surveillance à
partir de la terre – se déroulera conformément aux directives du CEMA et de la chaîne de commandement
militaire.

L’article 3 est consacré à la description des attributions du commandant de zone maritime en sa qualité
d’assistant du DDG avec lequel il forme, en quelque sorte, « l’ensemble préfet maritime ». Ce qui signifie que « la
coordination des administrations et la mise en œuvre de leurs moyens », responsabilité de nature inter-
administrative, ne peut se confondre avec le contrôle opérationnel, notion strictement militaire. La notion de
coordination doit s’entendre comme la responsabilité d’assurer, dans le respect des compétences et attributions
propres des services/administrations et des armées, la meilleure adéquation possible dans l’action des moyens et
d’optimiser les synergies. Il s’agit, par exemple, d’éviter que des moyens nautiques de différentes administrations
se trouvent en patrouille au même moment et au même endroit pour des motifs différents. Cette fonction doit
s’entendre comme étant celle d’un animateur.

La responsabilité de l’exécution des missions relatives à l’AEM confiée au CZM recouvre l’obligation globale de
veiller en permanence à ce que l’accomplissement quotidien de chacune des missions des administrations,
figurant dans l’arrêté définissant les missions relevant de l’AEM, s’inscrive bien dans la logique des priorités
fixées par le Gouvernement et le DDG.

L’article 4 sous-entend que lorsque le DDG délègue certains de ses pouvoirs à un représentant de l’Etat affecté
dans sa zone de compétence, le CZM devient ipso facto l’assistant du délégataire, sauf à ce que lui-même
délègue une partie de ses pouvoirs à un commandant de formation ou un administrateur des affaires maritimes.
(à titre d’illustration, le CZM Antilles est l’assistant du préfet de Guadeloupe dans l’exercice des attributions
relatives à l’AEM déléguées par le DDG Antilles, de même le CZM La Réunion assiste le préfet de Mayotte dans
les mêmes circonstances à moins d’avoir délégué ses attributions au chef de l’élément de base navale de
Mayotte).

L’article 5 prend en considération l’évolution statutaire de la Polynésie française et de la Nouvelle- Calédonie. Il


définit le cadre du dialogue qui doit s’instaurer entre les représentants de l’Etat et les
services des collectivités territoriales. Dans la pratique, le CZM et son adjoint pour l’AEM ont à conduire
ce dialogue selon les orientations fixées par le DDG.

Résumé des textes d’organisation de l’action de l’Etat en mer

Le tableau ci-dessous constitue la synthèse des principaux textes réglementaires d’organisation de l’action de
l’Etat en mer en métropole et outre-mer.

Synthèse des textes d'organisation de l'action de

N Région
ational al
Décret n°2004-112 du 6 février
2004
Décret n°2005-1514 du 6
décembre 2005 Article D3223 -54

Arrêté du 28 octobre 2011 relatif à la délimitation des zones


maritimes

Arrêté du 22 mars 2007 établissant la liste des missions en mer


incombant à l'Etat dans les zones maritimes de la Manche -mer du
Nord, de l'Atlantique, de la Méditerranée, des Antilles, de Guyane, du
sud de l'océan Indien et dans les eaux bordant les Terres australes et
antarctiques françaises

Dans un souci d’objectivité ils pourraient être complétés de l’arrêté du 25 juin 1984 sur la conférence maritime
régionale mais sa rédaction au regard de la réorganisation des services déconcentrés est globalement dépassée.
Une mention particulière doit être réservée aux décrets n° 2010-834 du 22 juillet 2010 relatif à la fonction garde-
côtes et n° 2011-919 du 1er août 2011 relatif au centre opérationnel de la fonction garde-côtes. D’une part parce
que celui de 2010 est venu modifier le décret du 22 novembre 1995 en créant le comité directeur de la fonction
garde-côtes (et en omettant au passage de modifier ou d’abroger son article 6 relatif à la conférence maritime
nationale qui depuis son instauration par l’article 10 du décret 78-815 du 2 août 1978 (abrogé) ne s’est jamais
réunie) et
d’autre part parce que le décret de 2011 créant le centre opérationnel de la fonction garde-côtes n’a en rien
modifié l’organisation.

Pour ce qui concerne les missions de l’action de l’Etat en mer, notions historiques et concevables à l’origine de la
création de l’organisation, elles sont aujourd’hui, à mon sens, une source de complexité car elles sont déclinées
de manière caricaturale. L’arrêté de 2007, mais aussi l’arrêté du 25 octobre 2016 établissant la liste des missions
en mer incombant à l'Etat dans la zone maritime de Polynésie française et l’arrêté du 25 octobre 2016 établissant
la liste des missions en mer incombant à l'Etat dans la zone maritime de Nouvelle-Calédonie, banalisent et
réduisent l’importance du préfet maritime et du DDG AEM et surtout, même si les missions sont regroupées par
grande catégorie, elles ne peuvent prétendre à l’exhaustivité et ne sont absolument pas hiérarchisées. Ce qui a
conduit très vite le Premier ministre à établir, au travers de lettres de mission aux préfets maritimes, aux DDG
AEM et au SG Mer, des priorités.

Les cinq missions prioritaires de l’action de l’Etat en mer sont celles qui figurent dans le tableau ci- dessous :
Présentation synthétique de l’action de l’Etat en mer

La présentation synthétique de l’organisation de l’action de l’Etat en mer est souvent, trop souvent,
laissée à un organigramme de ce type

Evidemment elle n’est pas erronée mais elle est incomplète et ne reflète qu’imparfaitement la réalité de ce que
constitue l’AEM. Un tel schéma réduit l’AEM à des missions et à la mise en œuvre de moyens alors même que
l’AEM est un ensemble complexe reposant avant tout sur la détermination et la mise en œuvre de politiques
maritimes, globales et sectorielles, sur l’exercice de la police administrative (générale et spéciale), sur l’animation
des activités économiques et l’exercice d’actions de police administrative et judiciaire en mer.

La présentation qui suit, qui n’est pas une présentation officielle, tente de traduire cette complexité
en ne réduisant pas l’AEM à l’action en mer de l’Etat.
L’action de l’Etat en mer correspond à l’ensemble des politiques publiques qui concernent les espaces
ou les activités maritimes.

En se limitant à une présentation régionale on s’appuiera sur le préfet maritime qui est le représentant de l’Etat.

Préfet maritime dont on a vu, travers de la description du décret du 6 mars 2004, ce que sont ses responsabilités
et attributions :

- La police administrative générale qui a pour vocation d’assurer la sauvegarde des personnes et des
biens, la préservation de l’ordre public et la protection de l’environnement
- La défense des droits souverains et des intérêts de la Nation
- L’animation et la coordination des administrations
- La coordination de la lutte contre les activités illicites
La police administrative générale qui a pour vocation d’assurer la sauvegarde des personnes et des biens, la
préservation de l’ordre public et la protection de l’environnement :

Ce pouvoir de police va s’exprimer essentiellement au travers d’arrêtés préfectoraux pour réglementer les
activités, d’avis, d’assentiments, d’autorisations diverses portant sur l’utilisation du DPM, les concessions de
plage, les extractions minières, les manifestations nautiques, les aires marines protégées….et par des pouvoirs
de police administrative spéciale portant sur des actions d’office, des mises en demeure ou l’élaboration et la
mise en œuvre de plans d’urgence tel l’ORSEC Maritime ou le plan PIRATE Mer. Le procureur de la République
apparaît dans le cartouche car la violation des décisions du préfet maritime constitue une infraction pénale.
Mais comme cela a été explicité, le préfet maritime est en relation étroite avec les autres autorités préfectorales
et militaires et avec les services déconcentrés de l’Etat auxquels il peut adresser des directives

Dans le même temps, au titre de sa responsabilité dans la défense des droits souverains et des intérêts de la
Nation il organise en permanence la surveillance des espaces maritimes et du littoral au travers de la mission
VIGIMER et de la police de la surveillance du passage inoffensif dans la mer territoriale (qui est une police
spéciale).
Pour faire respecter ses actes réglementaires, ses décisions ou celles des autres autorités administratives, le
préfet maritime, au travers de son pouvoir de coordination des administrations va organiser la surveillance et
l’exercice de la police administrative en mer, pouvant conduire, sous l’autorité du procureur de la République à
des actions de police judiciaire. Dans le même temps, ces administrations vont, sous sa responsabilité, agir dans
le domaine du sauvetage en mer, de la prévention et de la lutte contre la pollution, de la police des pêches, de la
surveillance de la navigation et de la lutte contre toutes les activités illicites en mer :
Enfin, c’est justement cette partie centrale correspondant à la mise en œuvre des moyens des
administrations qui a été regroupée en 2010 sous le vocable de la fonction garde-côtes.

Fonction garde-côtes qui ne se substitue en aucune manière à l’action de l’Etat en mer mais qui en
constitue en quelque sorte le bras armé.

Enfin, dans un souci d’exhaustivité et d’objectivité, il doit être fait mention de la présentation de l’action de l'État
en mer au travers d’un autre prisme. Ce schéma, dont je ne retrouve pas l’auteur et le service qui l’a conçu,
positionne l’AEM au centre du dispositif et non comme un élément englobant. On en revient cependant toujours
au débat relatif à la confusion entre action de l’État en mer et action en mer de l’État et de la fonction garde-
côtes.
C
HAPITRE 7 LA
POLICE En MER

Rappels sur les notions de police

Avant d’aborder les modalités d’exercice de la police en mer il est utile de revenir sur la définition des différentes
polices. Je ne doute pas que les juristes avertis que vous êtes les maîtrisent pleinement, tant dans leurs
développements théoriques que jurisprudentielles, mais le milieu maritime est un monde un peu différent dans
lequel la superposition des actions est parfois déroutante. Même le législateur et des juristes réputés se sont pris
les « pieds dans le tapis » à l’occasion de l’élaboration, de l’adoption ou du commentaire de certaines lois et
textes. Le séquençage dans le temps des actions de police en mer, par les mêmes agents, obéit strictement aux
mêmes principes que sur le territoire national mais l’éloignement et la durée des transits conduisent parfois à la
création de régime sui generis.

Je commencerai donc, comme l’indique la diapositive, par aborder la notion de police administrative
générale, et bien sûr spéciale, puis la notion de police administrative et enfin la police judiciaire.
• La police administrative générale

Pour présenter la police administrative générale je m’appuierai sur


les définitions données par le professeur Jean Rivero dans son
précis de droit administratif (Edition Dalloz). Ainsi, entend-t-on par
police administrative l’ensemble des interventions de
l’administration qui tendent à imposer à la libre action des
particuliers la discipline exigée par la vie en société, dans le cadre
tracé par le législateur. Il convient, à ce stade, de bien distinguer la
police, qui constitue une forme d’action, de la police au sens
courant du terme qui désigne les services publics de police que
sont, notamment mais pas exclusivement, la police nationale et la
gendarmerie nationale.

La police administrative a pour objet de prévenir les atteintes à l’ordre public. Ordre public dont la définition est
donnée par la lecture combinée de l’article L 2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) « La
police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques » et L
2215-1 du CGCT « La police municipale est assurée par le maire, toutefois
: 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou
plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes
mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. »

La tranquillité publique est l’élément qui consiste à assurer le maintien de l’ordre (ou le bon ordre) dans les
espaces publics alors que la sécurité (ou la sûreté) a pour objet d’assurer la prévention des accidents, des fléaux,
des incendies ou des évènements naturels susceptibles de nuire à la vie des populations tandis que la salubrité
porte, notamment, sur la préservation de l’environnement et la sauvegarde de l’hygiène publique et la prévention
des épidémies. Ce qui indique clairement de manière anecdotique que la théorie des 3 S pour définir la police
administrative (générale) n’est que partielle.

Sur le territoire national le pouvoir de police administrative (générale), c’est-à-dire la capacité de la puissance
publique de contraindre les libertés individuelles dans l’intérêt général, revient au Premier ministre et en
application du code de la sécurité intérieure (article L 131-1 pour le maire et L 131-4 pour le préfet) par renvoi au
CGCT (articles précités) aux maires et, dans certaines conditions, aux préfets.

Pour la mer, il n’y a pas de dispositions législatives mais, comme nous l’avons vu, le décret n° 2004- 112 du 6
février 2004 et le décret n°2005-1514 du 6 décembre 2005 ont confié au préfet maritime en métropole et au
délégué du Gouvernement pour l’action de l’Etat en mer outre-mer le pouvoir de police générale. Pouvoir de
police générale du préfet maritime qui correspond, par parallélisme des formes, à la combinaison des pouvoirs de
police communale et administrative du maire et du préfet et dont la séparation, ou plutôt l’exercice respectif, est
matérialisée par la limite des eaux (cf article 1 du décret du 6 février 2004).

Concrètement, pour le préfet maritime (et le DDG AEM) son pouvoir de police générale va s’exprimer et se
traduire par un certain nombre d’actes et de prescriptions, générales ou particulières, et par un pouvoir
d’intervention.

Les actes susceptibles d’être pris par le préfet maritime au titre de son pouvoir de police sont :
- Des arrêtés préfectoraux, qui peuvent être simples, inter-préfectoraux ou conjoints

• Simple :

L’arrêté le plus fréquent du préfet maritime


est celui qui va réglementer l’utilisation de
l’espace maritime, dans ses quatre
dimensions (surface, colonne d’eau, fond
de la mer et espace aérien) voire même
dans l’espace temporel, d’une manière
générale et permanente comme dans le cas
de l’arrêté ci-contre (règles de navigation
dans des secteurs dangereux) ou
occasionnelle et temporaire.

• Inter-préfectoral (avec un préfet de département ou avec un autre préfet maritime, exclusivement en


Manche Mer du Nord et en Atlantique) :
Il s’agit d’un arrêté édicté pour une circonstance particulière (grand rassemblement de personnes, manifestations
nautiques, congrès de chefs d’Etat……) ou de manière circonstanciée (validation de dispositif de sécurité ou de
sûreté) afin d’assurer la cohérence et la continuité de l’intervention de l’Etat en mer et sur le territoire national, ou
entre deux zones maritimes, notamment au regard des prérogatives des services de l’Etat chargés d’assurer
l’exécution des missions de police dans les deux espaces.

- Des avis ou des assentiments

Une des particularités de notre organisation administrative en mer est que, contrairement aux apparences ou aux
présentations, le même « mille-feuille administratif » est de vigueur. Le préfet maritime est certes le représentant
de l’Etat en mer mais il ne dispose pas de la plénitude des prérogatives pour ce qui concerne l’utilisation ou la
réglementation des usages en mer. Ainsi en est-t- il en particulier de ce qui est relatif au domaine public maritime
(dont on rappellera la définition donnée par le code général de la propriété des personnes publiques par l’article L
2111-4 : « Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend, notamment, Le sol et le sous-sol de la mer
entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer (Le rivage de la mer est constitué
par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de
perturbations météorologiques exceptionnelles) ; Le sol et le sous-sol des étangs salés en communication
directe, naturelle et permanente avec la mer ; Les lais et relais de la mer »). Le préfet
maritime, en application du code du domaine de l’Etat – article R 152-1 – doit donner son assentiment sur les
projets de construction d’ouvrages ou son avis doit être sollicité par le préfet en application de l’article R 332-2 du
code de l’environnement pour les projets de classement de parties maritimes en réserve naturelle nationale et les
projets relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages
souterrains affectant le fond de la mer territoriale doivent recevoir un avis conforme du préfet maritime en
application du décret n°2006-649 du 2 juin 2006.

- Un pouvoir d’intervention

Il est évident que la seule édiction de réglementation ne suffit pas à permettre une réelle et juste application de
celle-ci. Le plus « bel » arrêté ne vaut que parce que l’autorité qui l’a émis dispose de la capacité et du pouvoir de
le faire respecter et appliquer. En cela le préfet maritime, même s’il ne dirige pas directement des services de
l’Etat, peut, par le biais de son pouvoir de coordination des administrations et de sa capacité à adresser des
directives à leurs chefs de service, disposer de la force publique ou des moyens d’intervention pour mettre fin à
une situation dangereuse pour les personnes ou pour les biens (comme par exemple en matière de sauvetage en
mer).

Il convient enfin d’apporter une précision complémentaire trop souvent oubliée. Le pouvoir de police
administrative générale du préfet maritime ne s’exerce que dans les espaces maritimes dans lesquels la France
exerce sa souveraineté conformément au droit international de la mer, c’est-à-dire dans les limites de la mer
territoriale. Au-delà, c’est-à-dire en zone économique exclusive ou sur le plateau continental le représentant de
l’Etat, dans les espaces dans lesquels la France dispose de droits souverains en matière d’exploration et
d’exploitation des ressources naturelles et de protection de l’environnement marin, dispose de pouvoirs de police
administrative spéciale.

• La police administrative spéciale

La diapositive donne une définition large de ce que représente la police administrative spéciale. Les espaces
maritimes ne constituent pas des espaces particuliers pour l’application du droit administratif et connaissent
exactement les mêmes spécificités. Ainsi, comme nous l’avons déjà vu, les décrets n°
2004-112 du 6 février 2004 et n° 2005-1514 du 6 décembre 2005, dans la continuité des décrets de 1978 et de
1979 qu’ils avaient abrogés, disposent que l’autorité du représentant de l’Etat en mer s’exerce à partir de la
limite des eaux et que ces autorités sont investies du pouvoir de police générale. C'est-à-dire concrètement du
pouvoir d’édicter des prescriptions générales ou particulières, et du pouvoir d’intervention lorsque l’ordre public
est menacé.

Mais ces mêmes autorités disposent par ailleurs de pouvoirs de police spéciale qui s’exercent soit dans les
mêmes limites géographiques que leur pouvoir de police générale :

- police du passage inoffensif : articles L 5211-2, 3 et 4 du code des transports ;

- police des épaves maritimes : article R 5142-6 du code des transports ;

- police des navires abandonnés : article R 5141-10 du code des transports ;

- police de la pollution : code de l’environnement article D.218-6 et articles L 741-4 et R 741-6 du code de la
sécurité intérieure relatifs à l’organisation et à la mise en œuvre des secours (Dispositif ORSEC) ;

soit dans, et au-delà de ces limites :

- police du sauvetage en mer : article R 742-4 du code de la sécurité intérieure ;

- police de la recherche scientifique marine : décret n° 2017-956 du 10 mai 2017 fixant les conditions
d'application des articles L. 251-1 et suivants du code de la recherche relatifs à la recherche scientifique
marine

soit encore au-delà de ces limites :

-police des îles artificielles, des installations, des ouvrages et de leurs installations connexes sur le plateau
continental et dans la zone économique exclusive et la zone de protection écologique ainsi que du tracé des
câbles et pipelines sous-marins - Décret n° 2013-611 du 10 juillet 2013.

Par ailleurs, d’autres autorités de police « terrestres » disposent de pouvoirs de police spéciale en mer dans la
zone de compétence générale du préfet maritime :

- les maires : police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des
engins non immatriculés "jusqu’à une limite fixée à 300 mètres à partir de la limite des eaux" en application de
l’article L.2213-23 du CGCT ;

- les préfets : police de la pêche de loisir : article R*911-3 du code rural et des pêches maritimes ;

: police de la pêche à pied professionnelle : article R 921-68 du code rural et des


pêches maritimes (CRPM) ;

: police de la pêche : article R*911-3 du code rural et des pêches maritimes (préfet de
région) ;

: police des mines : décret n° 71-360 du 6 mai 1971 portant application de la loi n° 68-
1181 du 30 décembre 1968 relative à l'exploration du plateau continental et à l'exploitation de ses ressources
naturelles, décret n°2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain, décret
n° 2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des
mines et des stockages souterrains et décret n° 2006-798 du 6 juillet 2006 relatif à la prospection, à la recherche
et à l'exploitation de substances minérales ou fossiles contenues dans les fonds marins du domaine public et du
plateau continental métropolitains (préfet de département désigné par le ministre chargé des mines);
: police des cultures marines : article R 923-23 du CRPM (préfet de
département);

: police du domaine public maritime : article R 2124-2 du CGCP (relatif aux


concessions d'utilisation du domaine public maritime en dehors des ports (préfet de département)).

: police des épaves maritimes : article R 5142-6 du code des transports ;

: police des navires abandonnés : article R 5141-10 du code des transports ;

- et les ministres : notamment dans le domaine maritime le ministre chargé des transports pour tout ce
qui concerne la réglementation et les normes de construction et d’exploitation des navires, le ministre
chargé de l’environnement et bien évidemment le ministre chargé des pêches maritimes.

Sans que cette liste soit à ce stade exhaustive et doit être considérée comme purement illustrative.

Ainsi l’ensemble des mesures de police administrative générale et de police spéciale tend, dans un objectif
préventif, à ce qu’un trouble ne se produise ou ne s’aggrave. Ce n’est que lorsqu’une infraction a été commise ou
a été constatée que l’on va changer de registre et « basculer » dans l’exercice de la police judiciaire. Comme
l’énonçait le professeur Rivero, la police judiciaire ne réprime pas elle-même, elle se borne à préparer la
répression par le juge pénal. Pour autant la police administrative ne cesse pas avec le « déclenchement » de la
police judiciaire. Elle va poursuivre ses manifestations jusqu’au rétablissement de l’ordre public.

• La police judiciaire

Comme cela vous a été enseigné en cours de droit de la mer, les espaces maritimes sont des espaces
particuliers qui n’obéissent pas tout à fait aux mêmes principes que le territoire national. Les espaces maritimes,
y compris la mer territoriale, demeurent des espaces internationaux dans lesquels l’application de l’ordre juridique
national entre souvent en « confrontation » avec celui d’un autre Etat. C’est la raison pour laquelle, plus encore
que pour l’exercice de la police administrative, l’application de la loi pénale en mer et à l’encontre des marins doit
s’envisager au travers du prisme de nombreux critères.

Tout d’abord, qu’est-ce que la police judiciaire ?

Sa définition et son objet sont donnée par le code de procédure pénale


Si l’objet de la police judiciaire est de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en
rechercher les auteurs encore faut-il que la loi pénale française soit applicable. Cette question qui peut sembler
évidente sur le territoire national l’est beaucoup moins dès lors que l’on se situe en mer ou que l’on peut être
confronté à des navires ou à des ressortissants étrangers dans une multitude de combinaisons possibles. Pour
apprécier la compétence pénale de la France en mer il convient de se référer aux principes de compétence tels
qu’ils ont été établis par le code pénal.

La diapositive ci-dessous présente les critères d’applicabilité de la loi pénale :

Le critère territorial s’apprécie au regard de la définition que donne l’article 113-1 du code pénal c’est- à-dire
que le territoire de la République comprend également les espaces maritimes qui lui sont liés. Il faut entendre, en
s’appuyant sur les articles 2 et 8 de la CNUDM, par « qui lui sont liés » les eaux
intérieures, lorsqu’elles existent, et vous avez vu à l’occasion du cours sur le droit de la mer que les eaux
intérieures françaises pouvaient être en certains endroits relativement conséquentes, et la mer territoriale dont
la définition a été donnée par l’ordonnance n°2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes
relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française et qui a été délimitée, au moins pour la
métropole, par le décret n° 2018-681 du 30 juillet 2018 établissant la limite extérieure de la mer territoriale au
large du territoire métropolitain de la France.
Néanmoins, ce critère territorial s’applique pour ce qui concerne les infractions définies par le code pénal qui ne
détient pas le « monopole » de l’incrimination. En effet, et en une légitime déclinaison de la CNUDM, la France a
institué par la même ordonnance du 8 décembre 2016 et par une série de décrets des zones économiques
exclusives dans lesquelles elle entend notamment sanctionner la violation de la réglementation des pêches
(article 911-3 du code rural et des pêches maritimes) ou la pollution du fait des navires ou des plateformes
(articles L 218-1 et suivants du code de l’environnement).

Le critère de la nationalité de l’auteur (article 113-6) ou de la victime (113-7) ne pose pas de difficultés
particulières quel que soit l’espace maritime dans lequel l’infraction est commise, si ce n’est celui de la
concurrence de compétence éventuelle avec soit l’Etat de nationalité de la victime ou de l’auteur, soit avec l’Etat
dans l’espace souverain duquel l’infraction a été commise, soit encore l’Etat du pavillon du navire à bord duquel
s’est produit l’infraction.

Le pavillon est une notion fondamentale du droit de la mer et nous avons vu que l’exclusivité du droit de l’Etat du
pavillon en haute mer était un principe majeur. L’article 113-3 du code pénal est explicite sur ce point en
énonçant que « La loi pénale française est applicable aux infractions commises à bord des navires battant un
pavillon français, ou à l'encontre de tels navires ou des personnes se trouvant à bord, en quelque lieu qu'ils se
trouvent ».

L’aménagement des compétences au titre des conventions internationales tel que le prévoit l’article 113-12 «
La loi pénale française est applicable aux infractions commises au-delà de la mer territoriale, dès lors que les
conventions internationales et la loi le prévoient. », infractions que l’on peut « ranger » soit dans la catégorie des
infractions mentionnées par l’article 689-1 du code de procédure pénale pour l’exercice de la compétence
universelle soit dans celle des infractions dites de haute mer par référence aux infractions définies par la CNUDM
(piraterie, trafic de stupéfiants, aide à la migration illicites, terrorisme….).

Enfin, outre les cas des immunités prévues par la CNUDM, notamment à l’égard des navires de guerre et des
navires d’Etat affectés à des missions non commerciales, la CNUDM a prévu soit des aménagements soit des
restrictions à l’exercice par un Etat de sa compétence pénale.
Ainsi, au titre des restrictions, les articles 97 et 228 stipulent que en haute mer (donc en ZEE) « en cas
d'abordage ou de tout autre incident de navigation maritime qui engage la responsabilité pénale ou disciplinaire
du capitaine ou de tout autre membre du personnel du navire, il ne peut être intenté de poursuites pénales ou
disciplinaires que devant les autorités judiciaires ou administratives soit de l'Etat du pavillon, soit de l'Etat dont
l'intéressé (le responsable) a la nationalité » et qu’en matière de répression des pollutions « Lorsque des
poursuites ont été engagées par un Etat en vue de réprimer une infraction aux lois et règlements applicables ou
aux règles et normes internationales visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les navires, commise
au-delà de sa mer territoriale par un navire étranger, ces poursuites sont suspendues dès lors que l'Etat du
pavillon a lui-même engagé des poursuites du chef de la même infraction ».
Pour ce qui concerne les aménagements, en matière d’infraction aux règlements de pêche « Les sanctions
prévues par l’Etat côtier pour les infractions dans la zone économique exclusive ne peuvent comprendre
l'emprisonnement, à moins que les Etats concernés n'en conviennent autrement, ni aucun
autre châtiment corporel » et en matière de pollution « Seules des peines pécuniaires peuvent être infligées en
cas d'infraction aux lois et règlements nationaux ou aux règles et normes internationales applicables visant à
prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin, qui ont été commises par des navires étrangers dans la
mer territoriale, sauf s'il s'agit d'un acte délibéré et grave de pollution »

La mise en œuvre de la police judiciaire

La constatation des infractions, la collecte des preuves et la recherche de leurs auteurs en mer obéissent
strictement aux mêmes principes que sur le territoire national. Néanmoins, un certain nombre de dispositions
particulières ont été introduites afin de tenir compte de la spécificité du milieu qui est par nature difficile voire
parfois physiquement hostile, notamment en cas de mauvais temps lorsque l’on veut procéder à des
constatations en mer.
La police judiciaire en mer est placée sous la direction du procureur de la République (article 14 du CPP) et elle
est exercée par :

Cet article est intéressant car il se trouve qu’en dehors des gendarmes de la gendarmerie maritime peu d’officiers
de police judiciaire sont en mesure de conduire des missions de police judiciaire en mer. C’est le 3 ème alinéa de
cet article qui est intéressant car il est déterminant pour le milieu maritime dont l’essentiel des dispositions «
répressives » repose sur lui. En l’occurrence, au travers des réglementations sectorielles (code de
l’environnement, code rural et des pêches maritimes, code des transports, code minier, code du patrimoine, code
de la recherche ou lois particulières) ce sont essentiellement les commandants des navires et aéronefs de l’Etat
qui se voient accorder par le législateur des prérogatives de police judiciaire. Prérogatives qu’ils vont exercer non
pas en application du code de procédure pénale mais des lois les habilitant.
C’est à ce titre que l’on peut considérer que les véritables originalité et spécificité de l’action de l’Etat en mer en
France sont sans doute moins les responsabilités confiées au préfet maritime que les habilitations de police
judiciaire conférées à des militaires opérant en mer. Certes il y a l’exemple des gendarmes qui relèvent du statut
général des militaires mais dont la direction générale est placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur et dont
les officiers et agents de police judiciaire agissent sous l’autorité des magistrats du parquet et des magistrats
instructeurs. Mais il s’agit pour les commandants des navires de guerre d’officiers dépendant hiérarchiquement
de l’autorité militaire.

C’est ainsi que, de manière historique en dehors de la police traditionnelle des pêches, la première habilitation
conférée à des militaires pour constater en mer un infraction définie par le code pénal, a été la loi n° 96-359 du
29 avril 1996 relative au trafic de stupéfiants en haute mer et portant adaptation

8
de la législation française à l'article 17 de la convention des Nations unies contre le trafic illicite des stupéfiants et
substances psychotropes faite à Vienne le 20 décembre 1988 qui est venue compléter la loi n° 94-589 du 15
juillet 1994.

Cette loi du 15 juillet 1994 constitue le cœur de l’exercice de la police en mer, tant d’un point de vue
« historique » que normatif. Je n’hésite d’ailleurs pas à la qualifier de loi fondamentale pour l’AEM. Même si
aujourd’hui sa « re-écriture » par le biais de l’ordonnance n° 2019-414 du 7 mai 2019 et sa codification partielle
dans le code de la défense ont modifié son « apparence initiale », elle correspond strictement à la déclinaison
des dispositions du droit international de la mer et à l’adaptation du droit français à celui-ci.
Cette loi sera étudiée dans le prochain chapitre.
CHAPITRE 8
L’EXERCICE DE LA POLICE

Chapitre

L'exercice de la police en

Dans le chapitre précédent nous avons rappelé, de manière synthétique, les différents types de police et les
modalités de leur exercice en mer. Ainsi la loi pénale et des textes législatifs, codifiés ou non, prescrivent un
certain nombre d’obligations et de règles dont ces mêmes textes prévoient la sanction lorsqu’ils ne sont pas
respectés. Mais, pour passer de la situation « prescriptive » à la sanction, il importe de disposer d’une
organisation et de procédures spécifiques permettant, dans un premier temps, d’assurer des actions de
prévention et de sensibilisation au travers de mission de surveillance avant d’envisager, dans un second temps,
les modalités permettant de saisir les juridictions compétentes de la violation des normes.

La première phase correspond évidemment à l’exercice de la police administrative par les services publics de
l’Etat, la seconde étant celle de la mise en œuvre de la police judiciaire.

Les services de l’Etat disposant de capacité de surveillance et de présence physique en mer pour encadrer les
activités maritimes ne sont pas très nombreux. De manière traditionnelle, on évoque souvent la bande des «
quatre » qui constitue le socle sur lequel s’est construit l’action de l’Etat en mer. Bande des « quatre » qui
aujourd’hui a été formalisée et élargie par la création et la formalisation en 2010 de la fonction garde-côtes
(FGC). Le décret n° 2010-834 du 22 juillet 2010 relatif à la fonction garde-côtes, en modifiant le décret n° 95-
1232 du 22 novembre 1995 relatif au comité interministériel de la mer et au secrétariat général de la mer, a
désigné non seulement la marine nationale, la gendarmerie nationale, les douanes et les affaires maritimes mais
aussi la police nationale (notamment la police de l’air et des frontières), la sécurité civile et des établissements
publics tels que l’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) et l’agence française pour
la biodiversité ou le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM). De sorte que l’Etat
dispose d’une capacité coordonnée pour assurer la surveillance du milieu marin et la prévention des infractions.

Néanmoins, pour être tout à fait objectif et réaliste, l’AEM ne s’est pas construit initialement pour répondre aux
besoins de mise en œuvre d’actions de police. Ou tout du moins d’actions de police
destinées à permettre l’application de sanction. L’AEM, envisagée et configurée à partir de 1972 et le GICAMA
puis par le décret de 1978, avait pour ambition initiale de rationaliser l’organisation des services de l’Etat et
d’identifier les responsabilités pour faire face, d’une part, à l’évolution conséquente du droit de la mer et des
espaces nouvellement « confiés » aux Etats littoraux et, d’autre part, à l’évolution conséquente des usages de la
mer. D’une manière assez triviale, l’AEM avait avant tout pour objectif de répondre à la priorité du sauvetage en
mer, à organiser la prévention et la lutte contre la pollution marine à la suite du Torrey Canyon puis de l’Amoco
Cadiz et assurer la surveillance, plus que la police, des pêches. Il s’agit là du triptyque historique de l’action de
l’Etat en mer, ou des affaires civiles de la mer qui était le qualificatif en vigueur dans les préfectures maritimes
jusqu’en 1992.

L’évolution vers la formalisation des actions de police en mer est venue à la fois de la perspective de l’entrée en
vigueur de la convention de Montego Bay en 1994 et de sa ratification par la France en 1995 et des
développements judiciaires des opérations de contrôle des pêches dans le golfe de Gascogne à la fin des
années 80 ( tout en considérant qu’il existait tout de même des réglementations sectorielles prescriptives
notamment en matière de circulation maritime avec le code disciplinaire et pénal de la marine marchande
(aujourd’hui repris par le code des transports), de répression des pollutions avec la loi du 5 juillet 1983 ou
d’occupation du domaine public maritime .

En effet, même si les missions étaient qualifiées de missions de police des pêches, il faut reconnaître que les
actions de la marine nationale sur les zones de pêche étaient essentiellement des missions d’assistance aux
pêches (cf. le Crabe Tambour) ou des missions de surveillance des pêches. La majorité des contrôles étant
effectués au débarquement du poisson et il n’y avait pas de zèle particulier de la part des pouvoirs publics pour
faire appliquer strictement les normes imposées par l’Europe au titre de la politique commune des pêches (ce qui
se traduira au début des années 2000 par une très forte amende infligée par l’UE à la France pour manquements
graves dans l’application des mesures de contrôle). C’est l’entrée de l’Espagne dans l’Europe bleu et la
généralisation des conflits sur les zones de pêche entre les pêcheurs français et espagnols et la volonté de lutter
contre les pêcheurs espagnols qui ne voulaient pas réduire leur effort de pêche que les premières missions de
police au sens premier du terme ont été effectuées. Cependant, la conduite de ces missions ne reposait sur
aucun texte législatif ou réglementaire national mais simplement sur une instruction du Premier ministre, classée
confidentiel défense, ce qui sur le plan juridique était pour le moins « léger » dès lors que l’on entendait
contraindre en mer des navires et leurs équipages. Ce sont les poursuites engagées devant les tribunaux
français par des pêcheurs espagnols blessés lors de ces opérations de police qui ont contraint l’Etat à accélérer
la formalisation des actions de police en mer.

C’est de ce constat qu’est née la loi du 15 juillet 1994, loi fondamentale de l’action de l’Etat en mer dans le sens
où elle constitue la base de toutes les actions menées en mer par les moyens de l’Etat à l’encontre des navires,
français ou étrangers, quel que soit l’espace dans lequel ils se trouvent. Elle est venue combler un « vide
juridique » en conférant un cadre légal à l’emploi de la force par les bâtiments et aéronefs de l’Etat chargés de la
surveillance en mer (Rapport Michel d’Aillières, sénateur,1994).
Le schéma ci-contre est une illustration partielle
de l’application spatiale des codes et lois français.

Il n’est pas exhaustif, il comporte les textes les plus


représentatifs et les plus souvent utilisés. Il est
évident que les codes des transports et de
l’environnement contiennent une très large partie des
normes.
L’importance de cette loi est qu’elle constitue la
passerelle entre l’ensemble des prescriptions
relatives aux usages des espaces marins relevant de
la souveraineté française ou pour lesquels elle
dispose de droits souverains ou encore la
satisfaction de ses engagements internationaux et
l’exécution des missions de surveillance et de
contrôle par les agents de l’Etat habilités.
• Etude de la loi et de ses évolutions

La loi du 15 juillet 1994, telle qu’elle a été adoptée et publiée, répondait à une attente forte de sécurité juridique
pour conduire les opérations de contrôle en mer. Si la convention de Montego Bay établit en ses articles 110 et
111 les modalités d’exercice de la reconnaissance, de l’enquête de pavillon, du droit de visite ou du déroutement
par un navire de guerre ou un navire affecté à un service public et de la poursuite, elle ne permet pas d’en
déduire les procédures que les Etats entendent mettre en œuvre pour informer le navire du contrôle, exercer le
cas échéant une contrainte pour pouvoir procéder au contrôle voire même une action de vive force, ni même les
mesures qui pourraient être appliquées temporairement aux équipages. C’est en ce sens que la loi a été très vite
rebaptisée dans le vocable courant comme étant la loi « force en mer » alors même que son véritable titre était «
Loi relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer ». Ce qui ne correspond pas
tout à fait à la même chose et le terme « force en mer » est nécessairement réducteur car il semble confiner
l’application de la loi à des mesures exclusives d’actions contraintes alors même que la loi organise l’exercice
normal du contrôle dans toutes ses variantes. Il est vrai que ce raccourci est aussi lié au fait que la loi est assortie
d’un seul décret d’application au titre éloquent « décret d’application n° 95-411 relatif aux modalités de recours à
la coercition et à l’emploi de la force en mer du 19 avril 1995 ». Ce qui était de nature à conforter cette
appréciation.

Ainsi, dans sa version originelle, la loi est-elle une loi d’organisation de la police administrative puisque l'objectif
recherché par les auteurs du projet était, en effet, de définir les moyens susceptibles d'être utilisés par les
administrations de l'État, en conformité avec le droit international, pour faire respecter les droits souverains et
d'encadrer précisément les actions des agents de l'État chargés de la police en mer.

Si l’objectif a été atteint, très vite cette loi est devenue, par le jeu des modifications successives, une loi hybride
comportant également des dispositions de police judiciaire, bien au-delà de la seule sanction du refus
d’obtempérer aux injonctions des agents habilités.
- La première édition (1994)

Pour aussi importante qu’elle soit, la loi était


relativement courte et ne comportait que 11
articles dont 2 d’exécution.

Pour la première fois elle définissait le cadre


d’exercice de la police administrative en mer en
habilitant les commandants des navires et
aéronefs de l’Etat, pour assurer le respect des
dispositions qui s'appliquent en mer en vertu du
droit international ainsi que des lois et
règlements de la République, à exercer et à faire
exécuter les mesures de contrôle et de
coercition prévues par le droit international, la
législation et la réglementation française.

Tout en précisant à l’égard de quels navires et dans quels espaces elle devait s’appliquer (aux navires français,
partout, et aux navires étrangers dans les espaces sous juridiction française ou en haute mer en vertu du droit
international, étant entendu que sont visées par cette phrase les infractions de haute mer de la CNUDM à savoir
la piraterie, le trafic des esclaves, les émissions non autorisées ou encore la poursuite) et la nature et les
procédures à mettre en œuvre pour procéder aux « contrôles » prévus par l’article 100 de la CNUDM.

Le cœur de la loi, ou du moins ce qui sera principalement retenu, réside dans son article 7 qui énonce que « Si le
capitaine refuse de faire connaître l'identité et la nationalité du navire, d'en admettre la visite ou de le dérouter, le
commandant ou le commandant de bord peut, après sommations, recourir à l'encontre de ce navire à des
mesures de coercition comprenant, si nécessaire, l'emploi de la force. » et « Les modalités de recours à la
coercition et de l'emploi de la force en mer sont définies par décret en Conseil d'Etat. ». Ce décret sera publié
moins d’un an plus tard (décret n° 95-411 du 19 avril 1995) et viendra remplacer, si tant est qu’un décret puisse
remplacer une instruction, le document qui servait de guide opératoire. Néanmoins, cette dernière affirmation est
également un peu péremptoire car l’application des dispositions de ce décret à certaines actions de police,
notamment l’interception des navires dits Go-Fast dans la lutte contre le trafic des stupéfiants, font l’objet d’une
instruction particulières du Premier ministre qui est classée secret défense.

Il convient de préciser que si cette loi est bien une loi de police administrative, elle comporte cependant une
disposition de police judiciaire pour permettre de sanctionner le refus d’obtempérer aux injonctions de contrôle
d’un agent habilité.

Enfin, la loi vient préciser de manière littéraire que l’Etat du pavillon doit être informé, par la voie diplomatique,
des mesures appliquées à l’encontre de l’un de ses navires. Ce n’est bien évidemment pas du droit et, même si
l’obligation est bien prévue par la CNUDM, elle n’a pas à être précisée par la loi. C’est une obligation qui
s’impose.
- La première évolution de la loi (1996)

La première évolution de la loi est intervenue assez rapidement et de manière conjoncturelle. Formellement,
en tant que loi de police administrative, il n’y avait pas d’évolutions particulières du droit international
justifiant que l’on revienne ou que l’on complète les dispositions relatives à l’exercice des pouvoirs de
contrôle en
mer.

C’est pourtant ce qui s’est produit d’une


manière que je qualifierai de conjoncturelle et
d’opportuniste.

En effet, il se trouve qu’en parallèle de la


préparation du projet de loi de 1994, le
ministère de la justice et le ministère des
affaires étrangères avaient mis en place un
groupe de travail chargé de préparer un projet
de loi permettant de « transposer » l’article 17
de la convention de Vienne sur le trafic illicite
des stupéfiants du 20 décembre 1988 qui était
entrée en vigueur
le 1er décembre 1990 et le 31 mars 1991 pour la France (loi n° 90-584 du 2 juillet 1990 autorisant l'approbation de
la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes et décret n°
91-271 du 8 mars 1991 portant publication de la convention des Nations Unies contre le trafic illicite de
stupéfiants et de substances psychotropes (ensemble une annexe), adoptée à Vienne le 19 décembre 1988 et
signée par la France le 13 février 1988). L’adaptation des dispositions de l’article 17 et la définition des modalités
d’application se sont rapidement trouvées au cœur des préoccupations des services de police, essentiellement
l’office central de répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), confrontés au développement des
transports transatlantiques de cocaïne entre l’Amérique centrale, les Antilles et l’Europe. Je reviendrai dans le
chapitre spécifique
« lutte contre le trafic de stupéfiants » du détail de cette loi.

Ce qui est intéressant dans ce paragraphe c’est de relever l’appréciation portée à l’époque tant par les
rédacteurs que par les législateurs.

Cette loi a été déterminante pour l’évolution de l’AEM. Elle représente peu de chose dans l’absolu mais elle
constitue le point de bascule de l’AEM historique (sauvetage -pollution -pêche) avec une entrée
« fracassante » du préfet maritime dans des domaines nouveaux. La petite histoire de cette loi débute par une
coopération informelle mais confiante entre la préfecture maritime de l’Atlantique et l’OCRTIS, notamment dans le
développement des aspects maritimes de l’opération Margarita en 1994. Coopération informelle car, aussi
étrange que cela puisse paraître aujourd’hui, l’état-major de la marine ne souhaitait pas s’impliquer dans ce
domaine de lutte. A côté de cela, le groupe de travail et de rédaction du projet de loi co-piloté par la délégation
générale de lutte contre les drogues et les toxicomanies (DGLDT) et par la chancellerie éprouvait des difficultés
pour « arbitrer » entre les velléités des services de police (OCRTIS, Douanes et gendarmerie) réclamant la
responsabilité des actions et de la mise en œuvre de l’article 17. Ce sont les relations établies entre l’OCRTIS et
la préfecture maritime qui vont inciter l’OCRTIS à suggérer la consultation de la préfecture maritime pour donner
un avis sur le projet. Il s’ensuivra non seulement une démonstration en mer décisive pour définir un mode
opératoire en phase avec la réalité du milieu marin et de la navigation et des explications sur l’AEM qui vont
modifier en profondeur le projet initial.
Lors de l’examen du projet de loi devant le Sénat, le rapporteur du projet, le sénateur Jean-Marie Girault a écrit :
« En précisant la nature des mesures qui peuvent être mises en œuvre par les commandants des bâtiments et
aéronefs de l'Etat à l'égard de ces navires, dans le cadre de l'application de la Convention de Vienne, le projet de
loi apporte un utile complément à la loi du 15 juillet 1994, relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses
pouvoirs de contrôle en mer, pour ce qui concerne le cas particulier de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Il
constitue également une innovation juridique puisqu'il prévoit, pour la première fois en droit français, l'extension
de la compétence des juridictions françaises au jugement des auteurs d'infractions commises à bord de navires
étrangers en dehors des eaux territoriales, sous réserve, là encore, d'un accord particulier conclu en ce sens
avec l'Etat du pavillon. ».

En fait, ce ne sont pas tant les dispositions nouvelles de police administrative qui sont importantes, puisqu’elles
se limitent à préciser que « lorsqu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'un trafic de stupéfiants se
commet à bord d’un navire battant pavillon français ou d’un navire battant pavillon d'un Etat partie à la convention
de Vienne et se trouvant en dehors des eaux territoriales, c'est- à-dire lorsque les conditions d'application de
l'article 17 de la Convention de Vienne se trouvent réunies, le commandant du navire de l’Etat peut appliquer les
mesures prévues par la loi du 15 juillet 1994. » mais bien l’introduction de dispositions de police judiciaire. Plus
que l’établissement de la compétence des juridictions françaises, c’est l’expression même de l’article 1 de la loi
n° 96-359 du 29 avril 1996, qui devient l’article 12 de la loi du 15 juillet 1994, qui transforme la nature de la loi : «
La recherche, la constatation, la poursuite et le jugement des infractions constitutives de trafic de
stupéfiants et commises en mer sont régis par les dispositions de la présente loi ». On ne peut pas être
plus précis au regard des définitions données de la police judiciaire par l’article 14 du code de procédure pénale.

Enfin, l’intérêt et l’un des apports majeurs de la loi dans l’évolution de l’AEM et l’affirmation du rôle essentiel du
préfet maritime sont contenus dans une simple phrase, qui juridiquement n’avait pas sa place dans la loi
exprimée de cette manière, mais qui donne pour la première fois une reconnaissance législative au préfet
maritime en stipulant que « les commandants des bâtiments de l’Etat sont habilités à exécuter ou à faire
exécuter, sous l'autorité du préfet maritime, qui en avise le procureur de la République, les mesures de
contrôle et de coercition prévues par le droit international et la présente loi. ».

De sorte que la loi du 15 juillet 1994 comporte avec cette modification un titre I organisant les mesures de police
administrative et un titre II organisant la mise en œuvre de la police judiciaire en mer dans le cadre de la lutte
contre le trafic de stupéfiants en haute mer.

- La deuxième évolution de la loi

La deuxième évolution de la loi fut en fait une surprise. Sur le plan purement juridique elle n’a modifié en rien les
dispositions en vigueur et elle s’est opérée à droit constant. En effet, sans aucune concertation interministérielle
et même interne du ministère de la défense, la direction des affaires juridiques de ce ministère a entrepris, seule,
d’abroger le titre I de la loi de 1994 pour en faire le chapitre unique du titre II du livre V de la partie 1 du code de
la défense.

Si, bien évidemment, il n’y a aucune conséquence juridique c’est en revanche la compréhension globale de
l’action de l’Etat en mer qui a été perturbée. En effet, la loi de 1994 ne concerne pas uniquement les
commandants des bâtiments et aéronefs de la marine mais l’ensemble des services de
l’Etat, à savoir des douanes, des affaires maritimes,
de la police et même de la gendarmerie maritime
au-delà des prérogatives de police judiciaire que les
gendarmes OPJ peuvent détenir, surtout dans la
mesure où il s’agit d’habilitations de police
administrative. Cette appropriation de ce texte AEM
par le ministère de la défense a été mal perçue par
les autres administrations et même par la marine
qui n’ont pas compris l’intérêt d’une telle initiative.
En tout état de cause et alors que le ministère de la
défense entendait codifier dans la partie
réglementaire du code de la défense le décret
d’application de la loi de 1994, le secrétariat du
Gouvernement a
décidé de supprimer ce projet sans accepter pour autant de « détricoter » l’ouvrage et de
« décodifier » le texte, ce qui aurait été contraire au processus global de codification (ce qui sera tout de même
fait en 2020). La loi est donc désormais connue sous l’appellation générique d’article L.1521 et suivants du code
de la défense.

- La troisième évolution de la loi

L’évolution suivante de la loi de 1994, réduite à un


titre II et à un titre III d’application, est la
conséquence de la survenance d’un évènement
majeur en matière de criminalité maritime et du
retour d’expérience de la première opération
d’interception d’un navire transportant des
stupéfiants.

L’échouage en février 2011 du navire « East Sea »


sur le littoral varois avec à son bord plus de 200
migrants, devenus illégaux en posant le pied sur le
territoire, puis le triste épisode en 2002 du « Monica
», parti du Liban avec plus de 1 000 migrants à son
bord et repéré par la marine nationale avant d’être
intercepté par la
marine italienne, ont mis en évidence une lacune juridique qui ne permettait pas de réprimer le trafic d’êtres
humains alors même que la France était partie à la convention des Nations Unies sur la criminalité
transfrontalière et au protocole de Palerme sur le trafic des êtres humains.

C’est donc par une application que l’on pourrait qualifier de « copier-coller » ou par analogie que l’on a introduit,
par la loi n° 2005-371 du 22 avril 2005 modifiant certaines dispositions législatives relatives aux modalités de
l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de police de mer, un titre III sur « l’exercice par l‘Etat de ses pouvoirs de
police en mer dans la lutte contre l'immigration illicite par mer ». Par un parallélisme des formes, il reprend, pour
la lutte contre l’immigration, les mêmes dispositifs d’habilitations pour agir à l’encontre des navires susceptibles
de commettre une infraction au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et place les
opérations sous l’autorité du préfet maritime.
Par ailleurs, le retour d’expérience de l’interception du cargo « Winner » en juin 2002 au large du Cap Vert et la
saisine de la cour européenne des droits de l’Homme par l’équipage de ce navire au sujet des conditions de
privation de liberté à l’occasion du transit vers Brest, ont conduit le Gouvernement à compléter le code de la
défense par l’adjonction d’une mention spécifique pour l’imposition de mesures privatives de liberté mais aussi
d’étendre l’application de l’article L1521 et s. aux navires situés dans les espaces maritimes sous souveraineté
d'un Etat étranger, en accord avec celui-ci, et à habiliter les commandants à exercer et à faire exercer au nom de
l'Etat du pavillon ou de l'Etat côtier les mesures de contrôle et de coercition fixées en accord avec cet Etat. Les
dispositions du titre II de la loi de 1994 ont également été complétées pour la rendre applicable aux navires
battant pavillon d'un Etat qui a sollicité l'intervention de la France ou agréé sa demande d'intervention et aux
navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité. (En effet, le « Winner » battait pavillon du Cambodge qui
n’était pas partie à la convention de Vienne et c’est l’article 108 de la CNUDM qui a servi de référence juridique).

En dernier lieu, il convient de mentionner que le terme « contrôle » a été remplacé par « police » dans le titre de
la loi.

- La quatrième évolution de la loi

Ce sont une nouvelle fois des évènements maritimes et juridiques qui ont imposé une évolution de la loi. D’une
part la résurgence ou la prégnance de la piraterie au large de la Somalie et, de l’autre, les deux arrêts de la
CEDH dans l’affaire « Medvedyev », autrement connu comme étant le capitaine du cargo « Winner » précité.

Initialement les deux dossiers étaient traités


de manière disjointe et le ministère de la
défense et la chancellerie envisageaient un
projet de loi spécifique pour définir les
mesures privatives de liberté dans le cadre
des opérations de lutte contre le trafic de
stupéfiants en mer. Alors que le projet de loi
permettant la répression de la piraterie était
instruit par le secrétariat général de la mer en
liaison avec le ministère des affaires
étrangères mais aussi les deux ministères
précités. La « jonction » des deux dossiers a
été obtenue par le SG Mer qui, arguant du fait
que les mesures privatives
de liberté n’étaient pas exclusives de la lutte contre le trafic de stupéfiants mais concernaient l’ensemble des
polices en mer, a fait appel à l’arbitrage du cabinet du Premier ministre.

C’est aussi au cours de l’examen du projet de texte par le Conseil d’Etat qu’il a été exposé pour la première fois
la spécificité de la loi de 1994 qui est une loi qui « mélange » les dispositions de police administrative et les
mesures de police judiciaire.

Il ressort de l’adoption de la loi n° 2011-13 du 5 janvier 2011 que le titre de la loi du 15 juillet 1994 est de
nouveau modifié pour devenir la loi relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités de l'exercice par l'Etat de
ses pouvoirs de police en mer à laquelle on recrée un titre I relatif à la lutte
contre la piraterie dont les modes d’action sont quasi similaires à ceux relatifs à la lutte contre le trafic de
stupéfiants et à la lutte contre l’immigration illicite.

Mais surtout la loi du 5 janvier modifie le code de la défense pour ajouter des articles L 1521-11 et suivants
relatifs aux mesures prises à l'encontre des personnes à bord des navires, autrement nommées mesures
privatives ou restrictives de liberté, qui ne sont ni des mesures de police judiciaire ni des mesures de police
administrative mais qui constituent un régime sui generis spécifique aux actions de police en mer.

- La cinquième évolution de la loi

Cette nouvelle évolution, introduite par le biais d’une ordonnance, est le fruit de l’expérience des difficultés à
conduire à leur terme des opérations complexes de lutte contre le trafic de stupéfiants (que nous étudierons dans
un
chapitre spécifique). Pour
« contourner » ces difficultés, liés le plus
souvent aux élongations entre le lieu de
l’interception et le port français le plus
proche, la marine nationale appuyée par
le secrétariat général de la mer a fini par
obtenir en 2015 une mesure qu’elle
réclamait depuis 2009. C’est-à-dire de
pouvoir, sous certaines conditions,
procéder à la dissociation entre le navire,
l’équipage et les produits stupéfiants.

C’est ainsi que cette mesure de


dissociation a été introduite dans un article 14 bis de la loi du 15 juillet 1994 comme étant une mesure
de police administrative par l’ordonnance n° 2015-1534 du 26 novembre 2015.

- La sixième évolution de la loi

La sixième modification de la loi était prévue depuis longtemps et envisagée de la même manière que pour les
opérations de police précitée. En effet elle était directement liée à la ratification de la convention pour la
répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et de son protocole pour la répression
d'actes illicites contre la sécurité des plateformes fixes situées sur le plateau continental, faits à Rome le 10 mars
1988 et révisés à Londres le 14 octobre 2005. C’est surtout la ratification du protocole de 2005 (SUA) qui était le
facteur déterminant à la fois pour modifier le code pénal et prévoir les modalités d’action à l’encontre d’un navire.
Il était donc envisagé de créer un titre nouveau à la loi de 1994 pour traiter spécifiquement et selon les mêmes
errements de la lutte contre le terrorisme en mer.

Il est apparu très rapidement que l’ajout pur et simple d’un nouveau titre pouvait être une solution mais que la
priorité était d’harmoniser les procédures quelle que soit l’objet de la police mise en œuvre en mer.
Dès lors, et pour des questions de rapidité, il a été décidé de procéder à la re-écriture de la loi du 15
juillet 1994 par le biais d’une ordonnance.

Elle s’est donc vu attribuer par l’ordonnance


n° 2019-414 du 7 mai 2019 (modifiant la loi n°
94-589 du 15 juillet 1994 relative à la lutte
contre la piraterie et aux modalités de
l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de police
en mer) un nouveau titre qui est désormais
celui de la « Loi relative à l'exercice par
l'Etat de ses pouvoirs de police en mer
pour la lutte contre certaines infractions
relevant de conventions internationales »

Ce qui a indéniablement l’avantage de la


clarté et de la synthèse. Comme
l’indiquait le communiqué du ministère des armées, qui portait ce texte, l’objectif de cette ordonnance était triple.
Il s’agissait tout d’abord de simplifier les dispositions applicables aux infractions constatées par les
administrations compétentes en mer (eaux intérieures, mer territoriale et eaux internationales) en assurant une
meilleure articulation entre autorités administratives et autorités judiciaires. Il s’agissait ensuite de compléter le
champ des infractions qui peuvent être constatées, en incluant celles qui concernent la sécurité maritime, la
prolifération d’armes nucléaires, biologiques et chimiques et les actes à caractère terroriste. ll s’agissait enfin
d’étendre les compétences des commandants de bâtiments et d’aéronefs de la marine nationale dans les eaux
territoriales vis-à-vis de ces nouvelles infractions, en substitution des administrations compétentes lorsque leurs
moyens ne sont pas disponibles. L’État bénéficiant ainsi de dispositions juridiques étendues permettant une
meilleure prise en compte des menaces et trafics menés à proximité de nos côtes et en haute mer.

En synthèse

Il apparaît clairement aujourd’hui que la séparation entre les mesures de police administrative (code de la
défense) et les mesures de police judiciaire (loi du 15 juillet 1994) est parfaitement logique et souhaitable.

Juridiquement, le plus important était de clarifier les conditions d’exercice des mesures de contrôle en mer et de
recours aux mesures coercitives par les bâtiments de l’État.

C’est ainsi que les articles L 1521-1 et suivants du code de la défense, au titre de la police administrative, visent
au respect des dispositions qui s’appliquent en mer en vertu du droit international et des lois et règlements
nationaux. Cette dimension et cette forme d’imprécision de la portée du texte sont de nature à conférer au texte
un large potentiel d’application et donc à permettre aux agents chargés de sa mise en œuvre d’agir
potentiellement sur tout le spectre des activités.

On rappellera que les dispositions du droit international en prévoient quatre mesures de contrôle et
de coercition que les commandants peuvent mettre en œuvre :

- la reconnaissance qui consiste à inviter le capitaine à faire connaître l’identité et la nationalité


de son navire ;
- la visite définie comme l’envoi d’une équipe pour contrôler les documents de bord et procéder aux
vérifications prévues par le droit international ou par la législation française;
- le déroutement qui est possible dans les hypothèses suivantes :
o la visite a été impossible ou l’accès à bord refusé ;
o en application du droit international;
o en vertu de dispositions législatives ou réglementaires particulières (police des pêches par
exemple) ;
o pour l’exécution d’une décision de justice ;
o à la demande d’une autorité de police judiciaire.
- la poursuite dans les conditions prévues par le droit international.

La loi désigne les agents habilités à mettre en œuvre les mesures de contrôle qu’elle institue : Les commandants
des bâtiments de l’État et les commandants de bord des aéronefs de l’État.

Le domaine d’application de la loi est très vaste ratione loci et ratione personæ puisque la loi s’applique

1° Aux navires français dans tous les espaces maritimes, sous réserve des compétences reconnues aux Etats
par le droit international ;

2° Aux navires étrangers et aux navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité, dans les espaces
maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française ainsi qu'en haute mer
conformément au droit international.

Elles ne s'appliquent ni aux navires de guerre étrangers ni aux autres navires d'Etat étrangers utilisés à des fins
non commerciales ;

3° Aux navires situés dans les espaces maritimes sous souveraineté d'un Etat étranger, en accord avec celui-ci ;

4° Aux navires battant pavillon d'un Etat qui a sollicité l'intervention de la France ou agréé sa demande
d'intervention

Pour être complet il importe également de mentionner que la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 (loi
« Sécurité globale ») a ajouté un article L1521-2-1 stipulant que les commandants des bâtiments de l'Etat ou les
commandants de bord des aéronefs de l'Etat peuvent procéder, au moyen de caméras équipant leur bâtiment ou
leur aéronef, à la captation, à l'enregistrement et à la transmission d'images pour faciliter et sécuriser la conduite
des opérations et précise les conditions d’utilisation, de conservation et d’information de ces images. Ceci ne
constitue pas la septième évolution mais une
« simple » adaptation devant la nécessité de sécuriser les opérations.

Elle a aussi modifié l’article L1521-4 pour préciser que dans le cadre d’une visite, l’équipe de visite peut procéder
à l'enregistrement audiovisuel de son intervention, au moyen de caméras individuelles aux seules fins de faciliter
et de sécuriser la conduite des opérations.

Ces dernières dispositions permettant à la fois de « légaliser » la transmission d’images vers les centres de
direction et de commandement et de sécuriser la conformité des opérations et de la contrainte éventuellement
exercée à l’encontre des navires et de leurs équipages et passagers.
Liens et références

Loi n° 94-589 du 15 juillet 1994


Version initiale :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000713756

1ère modification : loi n° 96-359 du 29 avril 1996 :


https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000377272

2ème modification : codification partielle : ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004


https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000238564

3ème modification : loi n° 2005-371 du 22 avril 2005


https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000628101

4ème modification : loi n° 2011-13 du 5 janvier 2011


https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000023367866

5ème modification : ordonnance n° 2015-1534 du 26 novembre 2015 article 5


https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000031531807

6ème modification : ordonnance n° 2019-414 du 7 mai 2019


https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038449444

Version en vigueur :

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000713756#

Code de la défense
Livre V articles L.1521-1 et suivants
Création ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000238564

1ère modification : loi n° 2005-371 du 22 avril 2005


https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000628101

2ème modification : loi n° 2011-13 du 5 janvier 2011


https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000023367866

3ème modification : loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 (articles L.1521-4 et 18)


https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000032627231# (article 60)

4ème modification : loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 (article L.1521-18)


https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043530276/ (article 49)
CHAPITRE 9

LES MODALITßS DE MISE En œUVRE DE LA COnTRAInTE En MER

Comme je l’ai écrit dans le chapitre précédent, la loi du 15 juillet 1994 a été très vite rebaptisée dans le vocable
courant comme étant la loi « force en mer » confortée en cela par le fait qu’elle est assortie d’un décret
d’application évocateur puisqu’il est « relatif aux modalités de recours à la coercition et à l’emploi de la force en
mer ».

Ce décret d’application n° 95-411 du 19 avril 1995 a remplacé la « petite » instruction du Premier ministre du 20
juin 1989 qui ne disposait d’aucune base légale. Petite instruction qui fut présentée, lors de l’examen de
constitutionnalité de la loi devant le Conseil constitutionnel lors de sa séance du 7 juillet 1994, par le rapporteur
Maurice Faure de la manière suivante : « à ce jour, l'usage de la force en mer est une instruction du Premier
ministre en date du 20 juin 1989 qui remplace celle d'octobre 1982. C'est sur son fondement qu'est intervenu le
tir de 1984. On soulignera en premier lieu que cette instruction est limitée à la pêche ; qu'en second lieu, elle
n'est pas publiée et qu'en troisième lieu, on peut douter de son caractère légal ... A l'exception de cette
instruction, aucun texte législatif ne détermine les possibilités d'action des agents chargés de faire respecter
l'ordre en mer en cas de refus d'obtempérer d'un navire en infraction. »

Il est par conséquent difficile de présenter les évolutions apportées par le décret par rapport à l’instruction de
1989 puisqu’elle n’est pas consultable et que peu ont eu le privilège de la consulter. Néanmoins, de mémoire, et
pour avoir eu le privilège de participer au groupe de travail sur la rédaction du décret de 1995, il n’est pas
excessif d’affirmer qu’il n’y a pas eu de « révolution ». Le texte de 1989, même limité à la pêche (à cause des
conflits dans le golfe de Gascogne avec les navires espagnols aux marques masquées et falsifiées et lors de la
guerre de l’anchois et du thon à cause de l’emploi des filets maillants dérivants) a été repris dans sa philosophie
générale. Il est vrai que s’agissant de la mise en œuvre opérationnelle de décisions politiques la marine disposait
déjà d’un certain savoir -faire.
L’intérêt du décret a été de reprendre le mode opératoire et le séquençage des actions tout en évitant les pièges
juridiques. Ainsi, alors que l’instruction de 1989 comportait une graduation et une précision des tirs de semonce
(fixation des distances par rapport au navire puis sur le navire) le décret se garde bien de telles dispositions. En
effet, malgré la précision et l’efficacité des conduites de tir des navires de la marine, il a été considéré qu’il était
risqué de s’engager sur une précision métrique ou de partie du navire que les conditions physiques du milieu
marin pouvaient ne pas permettre de respecter. Le décret en ce sens a créé un « flou » indispensable et
raisonnable.

Il se trouve, par ailleurs, que ce décret de 1995 vient de connaître un sort similaire à celui du titre I de la loi du 15
juillet 1994. Je ne reviendrai pas sur l’appréciation portée sur la codification de cette loi dans le code de la
défense, qui à mes yeux constitue une erreur grossière, mais quitte à n’avoir pas compris ce qu’était l’AEM et
l’exercice de la police en mer il aurait été perturbant de laisser perdurer plus longtemps une situation anormale
avec le décret d’application. Depuis le 28 mars 2020 il n’y a plus d’ambiguïté dans la mesure où le décret du 19
avril 1995 a été codifié dans la partie réglementaire du code de la défense par le décret n° 2020-342 du 26 mars
2020 relatif aux modalités de recours à la coercition et de l'emploi de la force en mer dont les dispositions
composent les articles R 1521-1 et suivants.

Mais la coercition ne va pas porter que sur le navire mais pourra également s’appliquer à l’égard des personnes.
En effet, comme cela est mentionné dans l’étude d’impact de la loi du 5 janvier 2011 : « dans un arrêt du 10 juillet
2008, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a constaté une violation de l’article 5§1 de la
Convention par la France, à l’occasion d’une opération d’interception d’un navire suspecté de se livrer au trafic
de produits stupéfiants. En l’espèce il a été reproché à la France de ne pas disposer, à cette époque, d’un cadre
légal suffisant organisant les conditions de privation de liberté à bord d’un navire et de ne pas faire assurer le
contrôle des éventuelles mesures de privation de liberté par une autorité judiciaire indépendante, le procureur de
la République ne répondant pas, selon la CEDH, aux critères établis par la convention. Si ce contentieux est
survenu à l’occasion d’une opération de lutte contre le trafic de stupéfiants, il concerne concrètement l’ensemble
des opérations de police que l’Etat entend conduire en mer, que ce soit la lutte contre la piraterie, l’immigration
illégale, la pêche illicite, la pollution ou le maintien de l’ordre public et, lorsque les conventions internationales
seront en vigueur et la législation française adaptée, le terrorisme et la prolifération des armes de destruction
massive. En effet, lors de l’exécution de l’ensemble de ces missions, les commandants des navires de l’Etat sont
susceptibles d’avoir à mettre en œuvre, pour des raisons de sécurité ou de sûreté, des mesures privatives ou
restrictives des libertés individuelles, notamment celle de pouvoir aller et venir librement sur le navire ».

Il faut néanmoins souligner que cet arrêt a fait l’objet d’un renvoi devant la Grande Chambre qui a confirmé le
premier arrêt (CEDH, Gde ch., 29 mars 2010, Medvedyev et autres c. France, req. n° 3394/03) mais que c’est
sans en attendre le verdict que le Gouvernement avait entrepris de compléter la loi organisant les contrôles en
mer. C’est justement pour déterminer les modalités d’application de mesures privatives et restrictives de liberté à
bord des navires contrôlés en mer que le législateur a adopté la loi n° 2011-13 du 5 janvier 2011 qui est venue,
en plus du « sujet » piraterie, compléter les dispositions du code de la défense. Néanmoins, pour être tout à fait
objectif, j’invite les lecteurs curieux à lire, ou relire, les deux arrêts de la CEDH. Ils éprouveront des difficultés à
identifier les griefs portant sur les conditions de la privation de liberté de l’équipage du Winner depuis le moment
de l’interception jusqu’à son arrivée à Brest. Les contraintes spécifiques du milieu maritime ayant même été
relevées par la Cour. Ce thème a plutôt servi « d’écran de fumée » pour essayer d’éviter de trop discourir sur le
statut du procureur de la République auquel la CEDH ne reconnaissait pas la qualité d’autorité judiciaire
indépendante. Il n’en demeure pas moins que la création d’un régime particulier
de privation de liberté à bord des navires est non seulement une nécessité mais aussi une garantie
supplémentaire pour l’exercice des missions de police en mer.

En synthèse, il y a donc lieu de considérer qu’il existe deux parties bien distinctes pour ce qui concerne
les modalités du contrôle en mer :

- Les mesures de coercition qui vont s’appliquer à l’encontre du navire ;

- Celles qui vont être appliquées à l’égard des personnes se trouvant à bord du navire.

• La coercition à l’encontre du navire

Les articles R 1521-1 et suivants du code de la défense définissent les modalités de recours à la
coercition et de l’emploi de la force en mer

Ainsi, les mesures de coercition à l’encontre


d’un navire qui ne voudrait pas se laisser
soumettre aux contrôles ou au déroutement,
organisés par la loi du 15 juillet 1994 et prévus
par la CNUDM (interrogation, visite, enquête de
pavillon, déroutement ou selon les cas
inspection), sont définies par ces articles de la
manière suivantes :

- des tirs d’avertissement, qui sont


précédés de sommations (par
tous moyens, radio, visuels,
lumineux
compréhensibles par le
capitaine du navire qui constituent un préalable indispensable avant toute action) demandant au
navire de stopper ou de se dérouter. Ces tirs d’avertissement comprennent le tir de semonce (tir
destiné à « faire du bruit » et à être « audible » et « visible ») qui peut être suivi de trois tirs d’arrêt
(dirigés sur l’avant du navire et en rapprochement progressif pour bien montrer la détermination et la
progressivité); Ces tirs sont ordonnés par le commandant du navire de l’Etat (le plus souvent un
navire de guerre) qui a sollicité et obtenu l’autorisation du préfet maritime ou du délégué du
Gouvernement pour l’action de l’Etat en mer.

- si le capitaine n’obtempère pas aux sommations, suivies éventuellement des tirs d’avertissement, le
préfet maritime, ou le DDG AEM, peut décider de l’emploi de la force qui comprend :
o sur sa décision et à son niveau , des actions de vive force, c’est à dire l’emploi de
commandos ou autres pour contraindre physiquement le capitaine du navire et son
équipage, et qui peuvent conduire à la prise de contrôle du navire
o avec l’autorisation du Premier ministre, après des sommations ou des tirs d’avertissement
ou des actions de vives forces effectuées sans succès, un tir au but, qui doit être précédé
de nouvelles sommations. Ce tir au but ne doit pas être dirigé contre les personnes et doit
être effectué avec des projectiles inertes.
Il ressort nettement de la déclinaison de cette procédure la volonté d’assurer en permanence une certaine
progressivité dans « l’escalade de la violence » permettant au navire en infraction d’avoir le temps de «
réfléchir » aux
conséquences de son entêtement. Il
convient de préciser que l’exécution d’un tir
au but, dès lors qu’il est exercé à l’encontre
d’un navire étranger, doit être signifié sans
délai aux autorités diplomatiques de l’Etat
du pavillon par le ministère des affaires
étrangères. A ce titre, il revient au préfet
maritime d’informer les ministres concernés
des mesures de coercition qu’il a engagées
et de rendre compte au Premier ministre et
au ministres concernés de l’engagement
des actions de vives forces.

Ces mesures se caractérisent par leur progressivité mais on notera que les actions de vive force ne constituent
pas un point de passage obligé entre les tirs d’avertissement (soumis à la décision du Préfet maritime) et le tir au
but (à la discrétion du Premier ministre sur demande du Prémar).

La codification du décret de 1995 ne s’est pas effectuée tout à fait à droit constant car, ainsi que le mentionne sa
notice : « Il procède, à cette occasion, à quelques modifications rédactionnelles destinées à améliorer
l'intelligibilité des dispositions en cause. Il institue, en outre, la possibilité, pour le Premier ministre, de déléguer
au représentant de l'Etat en mer l'autorisation d'ouverture du tir au but à l'encontre d'un navire, dans le cadre
d'une opération de contrôle et pour la durée de cette opération, pour la répression de certaines infractions, dans
les seuls cas où l'interception du navire en cause exige que cette autorisation soit donnée sans délai. »

En effet, il importe d’avoir toujours présent à l’esprit que le milieu maritime est un milieu contraint, à la fois par la
nature et par le temps. L’action à l’encontre d’un navire est plus complexe qu’un simple barrage routier et les
élongations avec les ports d’accueil imposent des mesures de sécurité particulières. Par ailleurs le contact entre
le commandant du bâtiment, le préfet maritime et le Premier ministre peut prendre plusieurs heures, ce qui n’est
pas toujours compatible avec les contraintes physiques, météorologiques ou nautiques. Notamment lorsqu’il
s’agit d’intercepter des embarcations rapides, ou Go-fast, dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic. Jusqu’à
présent, le Premier ministre délivrait son autorisation par anticipation sur le fondement d’un plan d’opération établi
par le préfet maritime ou le délégué du Gouvernement pour l’action de l’Etat en mer et le commandant de zone
maritime conformément à une instruction du Premier ministre classée secret défense. Désormais la sécurité
juridique de cet acte est renforcée par les nouvelles dispositions du décret qui prévoient que : « Le représentant
de l'Etat en mer peut recevoir, par arrêté du Premier ministre, délégation pour autoriser les tirs au but, pour la
mise en œuvre d'une opération de contrôle et pour la durée de cette opération, lorsqu'il existe des motifs
raisonnables de penser qu'une ou plusieurs des infractions mentionnées à l'article 1er de la loi n° 94-589 du 15
juillet 1994 relative à l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre certaines
infractions relevant de conventions internationales sont susceptibles d'être commises à bord du navire et lorsque
l'interception de ce dernier exige que l'autorisation soit donnée sans délai. L'entrée en vigueur de cet arrêté est
subordonnée à son enregistrement dans un recueil spécial, dispensé de toute publication ou diffusion et tenu par
le Premier ministre ».
En conclusion sur ce thème, il me paraît important de souligner que la séquence des mesures de coercition n’est
pas qu’une déclinaison juridique. La loi et le décret sont venus donner un fondement juridique à des actions
autrefois engagées sur une simple décision politique, sans aucune garantie et avec le risque majeur pour les
acteurs impliqués dans leur exécution de se voir « lâchés » par le politique (je ne ferai référence à un aucun
évènement en particulier, je vous laisse libre de les trouver….). Mais il ne faut pas croire que le « lâchage » n’est
plus possible, il demeure si la concertation et le dialogue entre le représentant de l’Etat et le Gouvernement n’est
pas assuré. Il en va de la crédibilité des moyens. Il serait, et il a été en quelques circonstances, dommageable
d’engager des actions de coercition (tirs d’avertissement notamment) si l’autorité n’a pas la certitude qu’elle
pourra conduire la séquence jusqu’au bout le cas échéant, c’est-à-dire pouvoir aller jusqu’au tir au but. Il n’y a
rien de pire pour décrédibiliser un moyen, notamment militaire, que de l’employer à gesticuler sans délivrer la
force. Ce fut le cas il y a quelques années en Guyane lorsque les P400 de la marine procédaient à des tirs
d’avertissement sur les pêcheurs en infraction alors même que le Premier ministre n’acceptait ni le recours aux
actions de vives forces ni les tirs au but. Enfin, en guise d’ouverture et de réflexion, je laisse le soin d’imaginer ce
que peuvent être les tenants et les aboutissants de l’article R. 1521-6. « Les dispositions du présent chapitre
s'appliquent sans préjudice de l'exercice de la légitime défense ni des compétences particulières des agents des
administrations disposant de pouvoirs spécifiques en matière d'emploi de la force ».

En dernier lieu, il me semble préférable de préciser que, même si la loi autorise le commandant du navire à
mettre en œuvre des mesures de coercition, ces dernières sont toujours dans les faits du ressort du préfet
maritime et jamais de la seule initiative du commandant. De même, il peut être complexe d’obtenir l’accord du
Premier ministre pour le tir au but. Ce qui signifie qu’il est nécessaire d’anticiper et de pré-alerter le cabinet
militaire du Premier ministre dès la phase initiale de contrôle, dès lors qu’il s’agit d’une police sensible ou à forte
visibilité. La décision du Premier ministre d’autoriser un commandant de navire (ou d’aéronef) de procéder à un tir
au but est notifiée à ce dernier par un document signé. D’expérience, je peux confirmer que ces procédures sont
strictement observées, l’utilisation d’armes mises en œuvre par des militaires dans le cadre d’une opération de
police, qui n’est pas une opération militaire, et dont la vocation est de permettre la police judiciaire est un acte fort
et dérogatoire aux principes fixés par nos textes constitutionnels depuis la révolution. Cet acte majeur ne peut
être autorisé que par celui qui dispose de la force armée (article 20 de la Constitution).

• La contrainte à l’égard des personnes

Les dispositions relatives à la mise en œuvre de mesures de coercition comportant des restrictions de
liberté à l’égard des personnes soupçonnées
d’actes délictueux ou susceptibles de
menacer la sécurité ou la sûreté dans le
cadre d’opérations en mer ont été
officiellement rendues nécessaires au regard
des observations formulées par la CEDH
dans l’arrêt Medvedyev précité. C’est ainsi
que la loi de 2011 a intégré dans le code de
la défense les dispositions permettant la mise
en œuvre des mesures de coercition,
entraînant ou susceptibles de comporter des
mesures restrictives de liberté, qui soient
juridiquement

1
sécurisées. Il faut cependant être objectif et reconnaître qu’en raison du développement important des opérations
de police de nature judiciaire en mer (piraterie, stupéfiants, trafics en tous genres) de telles mesures se seraient
imposées à terme même sans arrêt de la CEDH.

Mais si ces mesures ont été intégrées dans le code de la défense les commentaires juridiques les plus
importants, au-delà des seuls aspects matériels et procéduraux d’application, ont été formulés par le ministère de
la justice. Par sa circulaire du 13 juillet 2011 relative à la lutte contre la piraterie maritime et à l’exercice des
pouvoirs de police de l'Etat en mer, ce ministère a présenté la spécificité du régime hybride créé, qui n’est ni
vraiment administratif, ni vraiment judiciaire en faisant intervenir un magistrat de l’ordre judiciaire, le juge des
libertés et de la détention (JLD), dans l’exécution de mesures administratives. Néanmoins, son interprétation de
la loi à l’intention des procureurs généraux et des procureurs n’est pas dénuée d’un certain parti pris sur la
qualification des opérations de police en mer. En effet, malgré les dispositions sans ambiguïtés de la loi du 15
juillet 1994, le ministère de la justice répugne toujours à reconnaître le caractère judiciaire des constatations des
infractions en mer et préfère leur conserver une nature administrative en les faisant reprendre, une fois le navire
à quai, dans les procès-verbaux des officiers de police judiciaire. Le débat est cependant un peu théorique
puisque la valeur du procès-verbal initial conserve sa valeur devant les tribunaux. L’intérêt pour le ministère de la
justice était, et est toujours, de considérer de la sorte que tant que l’on est en procédure administrative il ne peut
être question de garde à vue et/ou d’interrogatoire et que les risques d’invalidation de tous les procès-verbaux
sont ainsi nettement amoindris.

Ce que la chancellerie exprime de cette manière dans sa circulaire : « Ainsi fondée à intervenir sur place,
disposant de textes répressifs nationaux incriminant ces actes, la France s’est en revanche vue reprocher, aux
termes de l’arrêt Medvedyev de la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’Homme du 29 mars
2010, l’absence de statut pour les malfaiteurs appréhendés, entre le moment de leur capture, et leur remise aux
autorités judiciaires nationales ou étrangères. Dépassant les améliorations que la loi de 22 avril 2005 avait déjà
apportées entre temps, la présente loi vient combler cette carence. Elle crée un régime « sui generis », qui ne
s’apparente ni à une garde à vue, ni à une rétention administrative, et qui, partiellement soumis au contrôle
du juge, permet de sécuriser le cadre de la retenue de ces personnes. L’intervention du procureur, puis du juge,
lors de cette phase, n’est donc pas le signe de sa judiciarisation, puisqu’elle est totalement décorrélée de la
procédure judiciaire éventuellement déclenchée lorsque cette période prend fin. Cette intervention ne préjuge en
rien de l’éventuelle reconnaissance, par la France, de sa compétence à juger les suspects ainsi capturés ».

- Nature des mesures

La loi a distingué deux mesures de nature différentes qui peuvent être imposées à l’occasion des
opérations de police. Elles sont différentes mais
d’une distinction qui a pu sembler délicate. En
effet, par application de l’article L 1521-11 du
code de la défense des « mesures de coercition
nécessaires et adaptées » peuvent être prises à
compter de l’embarquement de l’équipe de visite
». Ces mesures ne doivent pas être confondues
avec les « mesures de restriction ou de privation
de liberté » prévues à l’article L.1521-12. Elles
ne doivent pas être confondues car la notion de
« mesures de coercition », également
mentionnée à l’article L. 1521-5 alinéa 4 est une
notion
générique, plus large que celle de « mesures de restriction ou de privation de liberté » qu’elle inclut. Ces mesures
de coercition ont une finalité temporaire et précise, celle d’assurer la sécurité initiale de la prise de contrôle du
navire, la préservation des éléments et la sécurité des mesures. Ce qui impose tout de même le respect de la
proportionnalité des mesures par rapport à cette finalité par des mesures nécessaires et adaptées qui peuvent
aller, pour une durée limitée à la sécurisation du navire, de la simple interdiction de communiquer à l’application
d’entraves (menottes) permanentes ou ponctuelles, de la consignation dans un local ouvert placé sous la
surveillance d’un agent à la consignation dans un local fermé.

Ce n’est que lorsque cette phase de coercition est achevée que le commandant peut ensuite être amené à mettre
en œuvre, conformément à l’article L.1521-12 du code de la défense, des mesures de restriction ou de privation
de liberté ayant vocation à s’inscrire dans une certaine durée. Elles sont les seules à faire l’objet d’un contrôle par
l’autorité judiciaire.

- Application des mesures

C’est le commandant du navire intervenant qui va choisir les mesures restrictives de libertés qui lui paraissent
nécessaire d’imposer à toute ou partie de l’équipage du navire ainsi arraisonné. L’éventail est large est peut
consister en un simple déroutement du navire vers un port jusqu’à l’isolement dans une cabine ou un local
surveillé, que ce soit à bord du navire arraisonné qu’à celui du navire contrôleur. A ce titre, il appartient au juge
d’apprécier si l’ordre de déroutement contrôlé à distance par le navire contrôleur est une mesure restrictive de
liberté. (cela avait été considéré comme tel par le JLD de La Réunion)

Dès que le commandant a décidé d’appliquer des mesures de restriction et/ou de privation de liberté il doit
obligatoirement en aviser le préfet maritime (et non donner un avis au préfet maritime comme l’écrit la
chancellerie) qui en informe le procureur de la République « dans les plus brefs délais » (L1521- 12 du code de la
défense).

C’est la mise en œuvre effective des mesures de restriction ou de privation de liberté qui ouvre le délai de 48
heures avant le terme duquel le juge des libertés et de la détention (JLD), saisi par requête du procureur de la
République, doit statuer sur leur prolongation éventuelle (L1521-14 du code de la défense). Le JLD, saisi par
requête du procureur de la République, doit alors statuer sur la prolongation éventuelle des mesures de
restriction ou de privation de liberté pour une durée maximale de 120 heures, à compter de l’expiration du délai
précédent de 48 heures.

Cette prolongation est ensuite renouvelable


dans les mêmes conditions de fond et de
forme durant tout le temps nécessaire pour
que les personnes appréhendées soient
remises à l’autorité compétente, que celle-ci
soit française ou étrangère (ce qui peut être
le cas lorsque l’Etat du pavillon n’a pas
renoncé à sa compétence juridictionnelle ou
que la France ne souhaite pas exercer la
sienne, sachant que cela ne peut jamais
concerner des infractions pour lesquelles
leurs auteurs encourent la peine capitale
dans l’Etat considéré).
- Garanties des mesures

o Examen de santé

La loi prévoit la réalisation d'un examen de santé des personnes soumises à des mesures de restriction ou de
privation de liberté dans les 24 heures de leur application. L’examen de santé diffère de l’examen médical par la
qualification du personnel de santé qui le réalise. En effet, les bâtiments de la Marine Nationale susceptibles de
mener des opérations d'arraisonnement disposent, en l'absence de médecins militaires embarqués, de
personnels de santé qualifiés, par exemple d'infirmiers.

La loi prévoit néanmoins qu’un examen de santé doit obligatoirement intervenir dans les dix jours qui suivent le
premier examen de santé. L’examen, qu’il soit de santé ou médical, doit expressément se prononcer sur
l’aptitude de la personne à être soumise aux mesures de restriction ou de privation de liberté prises contre elle
(L1521-13 alinéa 2 du code de la défense).

o Accès au juge

Les personnes qui se voient imposer des mesures restrictives de liberté ont droit d’avoir accès au JLD du tribunal
auquel est rattaché le procureur de la République. L’accès à ce magistrat du siège, sous la forme d’une «
communication », doit pouvoir être effectif dans les 48 heures qui suivent le début de la mesure de privation ou
de restriction de liberté.

Cet accès est matériellement organisé par tout moyen (téléphone satellitaire, visioconférence, webcam etc...),
avec l'assistance d'un interprète si nécessaire, et avec les moyens de communications militaires sécurisés
disponibles. Il n’est fait exception à ce dispositif qu’en cas d’impossibilité technique (L1521-15 alinéa 3 du code
de la défense) qui est appréciée au cas par cas. On retiendra à cet effet que le choix des tribunaux compétents
n’a pas été déterminé au hasard et que la colocalisation avec les préfets maritimes permet aux magistrats de
pouvoir se rendre facilement et célérité dans les centres opérationnels de la marine.

o Décision du magistrat

Le JLD se prononce par ordonnance motivée, non susceptible de recours, notifiée à l’intéressé dans une langue
qu’il comprend, transmise dans les plus brefs délais et par tout moyen par le procureur de la République au préfet
maritime.

Il convient de relever que durant tout le temps de l’application des mesures restrictives de libertés les personnes
ne peuvent pas bénéficier d’un contact avec un avocat. La loi ne le prévoie pas et la chancellerie légitime ce refus
par le fait que la procédure judiciaire n’étant pas entamée il n’y a pas lieu de satisfaire cette demande éventuelle.

o Fin des mesures restrictives

Les mesures de restriction ou de privation de liberté peuvent prendre fin à tout moment, soit par décision du
commandant du bâtiment qui les a ordonnées initialement, soit par celle du JLD qui les contrôle (pendant la
première période des 120 heures suivantes, ou pendant chacune des périodes de 120 heures ultérieures), soit
automatiquement à l’arrivée sur le sol français ( et non à l’entrée dans la mer territoriale) des personnes
appréhendées, car ces dernières sont alors mises à la disposition de l’autorité judiciaire (L1521-18 du code de la
défense) et que commence officiellement la procédure judiciaire et une éventuelle garde à vue.
Initialement envisagées pour le cas des opérations de lutte contre le trafic de stupéfiants, les premières mesures
restrictives de liberté définies par la loi du 5 janvier 2011 et intégrées dans le code de la défense ont été
appliquées dans le cadre des opérations de lutte contre la piraterie au large de la Somalie, puis en 2013 dans le
cas spécifique du déroutement d’un navire de pêche de Crozet vers La Réunion. Elles ont même été appliquées
dans le cas du « simple » convoyage de pirates appréhendés par une frégate espagnole et ayant transité vers le
Yémen à bord d’une frégate française. Ce régime sui generis original permet de garantir la sécurité à la fois
juridique et physique des opérations de contrôle en mer.

Ces « nouvelles » dispositions ont très vite alimenté la jurisprudence de la Cour de cassation dont il convient
toutefois de relever que les griefs portaient essentiellement sur le déroulement de la phase de transfert entre la
mer et la terre (voir en annexe II)

En guise de conclusion, il
Zones de responsabilité des préfets maritimes et des
n’aurait échappé à personne délégués d gouvernement et tribunaux répressifs
à l’examen de la carte ci-
contre qui représente
l’ensemble des zones
maritimes que deux d’entre- ZONE MARITIME

elles sont des zones qui ne ZONE

sont placées sous l’autorité ZON

d’aucun préfet maritime ou ZONE


E

délégué du Gouvernement TJ
ZONE MARITIME

pour l’action de l’Etat en mer ANTILLES TJ FDF

en application des décrets du ZONE MARITIME

6 février 2004
et du 6 décembre 2005.

Ces deux zones sont les


zones maritimes de
l’océan Indien et de l’océan Pacifique dans lesquels ne se situent aucun espace maritime sous souveraineté ou
juridiction de la France. Ce qui signifie en l’espèce qu’il n’y a pas de représentant de l’Etat en mer dans ces
espaces considérés.

Si l’on était demeuré dans le schéma de l’AEM historique, cela n’aurait eu aucune importance. En revanche, dès
lors que l’Etat a entendu confier, au travers de la loi du 15 juillet 1994, des responsabilités nouvelles aux préfet
maritimes et aux DDG AEM pour lutter contre la criminalité en haute mer il importait de pouvoir soutenir l’action
hauturière de la marine dans les opérations de plus en plus nombreuses qu’elle assume dans ces zones. C’est
ainsi que le Gouvernement a été amené à décider, par l’article 4 du décret n°2007-798 du 11 mai 2007 fixant
l'organisation des commandements de zone maritime, que « dans les zones maritimes qui ne ressortissent pas
de la compétence d'un préfet maritime ou d'un délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer outre-
mer, le commandant de zone maritime exerce les fonctions de délégué du Gouvernement pour l'application des
dispositions prévues par la loi du 15 juillet 1994 », c’est-à-dire celles permettant de réprimer le trafic de
stupéfiants et le trafic de migrants. Cet article a été codifié dans le code de la défense (article D 3223-54) et a été
de nouveau complété par le décret n°2011-505 du 9 mai 2011 qui a été étendu les responsabilités à l’application
des mesures restrictives de liberté. Un arrêté du 28 octobre 2011 a ensuite été pris en application de l’article
D.3223-55 du code de la défense. Il précise notamment le siège des commandements de zones maritimes et,
indirectement, détermine la compétence du tribunal
correctionnel compétent. Pour l’océan Indien, le siège du commandant de zone maritime étant fixé à Abou Dhabi,
le tribunal compétent est celui de Paris et pour l’océan Pacifique celui de Papeete.

Enfin, en tout dernier lieu, je ne saurais terminer ce chapitre sur la police en mer sans évoquer un point de droit
qui demeure une interrogation. Si l’on lit correctement l’article 3 de la loi du 15 juillet 1994 il est indiqué que «
Sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire agissant conformément aux
dispositions du code de procédure pénale, les agents chargés de la constatation des infractions ainsi que
de la recherche de leurs auteurs sont :

1° Lorsqu'ils sont spécialement habilités à cet effet dans des conditions fixées par décret en Conseil
d'Etat, les commandants de bâtiments de l'Etat ….. »

Cette disposition a franchi plusieurs fois le filtre du Conseil d’Etat qui en a relevé pourtant l’incongruité mais ne l’a
jamais modifiée.

Il est évident que cet article confère des prérogatives de police judiciaire dont la vocation est bien de constater et
de rechercher les auteurs des infractions. Le plus étrange, c’est que les commandants des navires de l’Etat sont
spécialement habilités à effectuer cette police judiciaire sectorielle non pas par une autorité judiciaire mais par le
préfet maritime, qui demeure une autorité administrative ……

L’AEM doit être une chose bien compliquée pour perturber à ce point les plus éminents juristes.
CHAPITRE 10

LE SAUVETAGE En MER

Si on ne devait retenir qu’une seule mission de l’action de l’Etat en mer, elle ne pourrait être que le sauvetage.
Au-delà des aspects juridiques et des organisations c’est celle qui prime sur toutes les autres, n’en déplaise à
ceux qui ont critiqué et critiquent encore l’action de l’association SOS Méditerranée. C’est la mission qui exprime
la solidarité des gens de mer qu’ils soient en mer ou à terre.

Mais, sur le plan historique, il y a lieu de distinguer deux aspects bien différents du sauvetage en mer, celui des
marins, au large et entre eux, et celui de proximité, des « terriens » au profit des navires naufragés ou des
usagers.

Un peu d’histoire…

Longtemps le sauvetage au large a été inspiré du droit coutumier de la guerre maritime, au cours de laquelle on
ne se battait pas pour s’en assurer la souveraineté mais pour sa maîtrise, c’est-à-dire en contrôler les
communications. C’est ce qui explique que, contrairement aux principes de la guerre terrestre, la propriété privée,
en l’occurrence le navire de commerce, n’était pas respectée sur les mers puisqu’il était l’expression de la
communication. Néanmoins le combat naval avait ceci de spécifique dans la mesure où on ne cherchait pas, et
on ne cherche toujours pas, à mettre hors de combat des hommes mais des navires. Ce que certains auteurs
traduiront comme étant à l’origine des principes de courtoisie et d’humanité que l’on retrouvera dans la
Convention de la Haye de 1907. Ainsi, celle-ci en son article 16 précise qu’« après chaque combat, les deux
parties belligérantes, en tant que les intérêts militaires le comportent, prendront les mesures pour rechercher les
naufragés, les blessés et les malades….. ». C’est d’ailleurs pour n’avoir pas respecté cette règle, en donnant
l’ordre à ses U Boot de ne pas récupérer les naufragés des navires torpillés, que le maréchal Doenitz a été aussi
condamné à Nuremberg et non pour avoir été le dernier chancelier du IIIème Reich. Principes de courtoisie et
d’humanité qui étaient également le fait des corsaires qui capturaient les navires sans jamais « faire
couler le sang », ou presque, et dont les pirates s’excluaient en arborant le « Jolly Roger » ce qui encore
aujourd’hui fait du pirate le pire criminel que l’on puisse trouver sur les mers.

On retiendra surtout, qu’au large et entre navires, cette obligation existe en droit français depuis le décret du 21
août 1790 pour les capitaines des navires de guerre et, de manière plus récente, pour les navires de commerce,
avec la loi du 29 avril
1916 sur l’assistance et le sauvetage en mer
dont l’article 11 sera repris par la loi du 17
décembre 1926 portant code disciplinaire et
pénal de la marine marchande aux articles 83 et
85 aujourd’hui devenus l’article L.5262-5 du code
des transports . Ainsi le code dispose que " Tout
capitaine qui, alors qu'il peut le faire sans danger
sérieux pour son navire, son équipage ou ses
passagers, ne prête pas assistance à toute
personne, même ennemie, trouvée en mer en
danger de se perdre, est puni de
3 750 € d'amende et de deux ans
d'emprisonnement. Les sanctions applicables
aux commandants de force navale ou de
bâtiment de la marine
nationale sont fixées par l'article L. 324-11 du code de
justice militaire". Lequel article L.324-11 du code de justice
militaire reprend l’esprit et la règle du décret de 1790 en
énonçant que « Le fait pour tout commandant de force
navale ou de bâtiment de refuser, sans motifs légitimes, de
porter assistance à un autre bâtiment dans la détresse est
puni d'un emprisonnement de cinq ans », la cassation et
l’incapacité de servir de 1790 rejoignant la sévérité de
l’emprisonnement pour cinq ans.
Le sauvetage à partir de la terre n’a pas toujours été fondé
sur les mêmes principes de courtoisie et d’humanité,
l’altruisme du sauveteur en mer est une donnée plus
contemporaine. Comme le rappelle Jean-
Patrick Marcq, arbitre maritime à la Chambre arbitrale
maritime de Paris (http://www.arbitrage-maritime.org/fr/Gazette/G34complement/sauvetage.pdf), on a longtemps
privilégié le sauvetage des biens et des marchandises à celui des équipages. Et cela d’autant mieux que certains
droits locaux attribuaient la propriété des biens sauvés aux sauveteurs, ce qui d’une autre manière contribuât aux
pratiques des naufrageurs qui n’hésitèrent pas à éteindre les phares pour tromper les navigateurs dans les
parages dangereux. Même si Colbert, dans sa fameuse ordonnance de la marine de 1681, avait prévu en son
article 11 « Nous enjoignons à nos sujets de faire tout devoir pour secourir les personnes qu’ils verront dans le
danger de naufrage. Voulons que ceux qui auront attenté à leurs vies et biens soient punis de mort », le
sauvetage des rescapés des naufrages des navires était assez peu développé.

L’idée de formaliser la gratuité du sauvetage des personnes a pris naissance en Angleterre, à l’île de Man, C’est
ainsi qu’en 1824, au cours d’une réunion publique à la « London Tavern» que l’archevêque de Canterbury
Manners Sutton et Lord John Russel, comte de l’île de Man, décidèrent de la création de la société des Life Boats
qui deviendra quelques années plus tard la vénérable « Royal National
Lifeboat Institution » , la RNLI. Un an plus tard, il fut créé en France une organisation locale presque similaire à
Boulogne, la « société humaine de Boulogne », qui assurait la surveillance des baignades et qui fut dupliquée
progressivement le long du littoral, notamment au travers des concessions des sociétés des bains de mer. C’est
ainsi que peu à peu des sociétés de sauvetage, déclarées d’utilité publique, s’organisèrent jusqu’à se fédérer,
notamment à partir de 1865 avec la « Société Centrale de Sauvetage des Naufragés » (SCSN) puis en 1873
avec la Société des Hospitaliers Sauveteurs Bretons (SHSB) lesquelles ne fusionnèrent qu’en 1967 pour donner
naissance à la SNSM.

La formalisation de l’obligation et de la gratuité des secours en mer

C’est véritablement la Convention de Bruxelles


du 23 septembre 1910 pour la codification de
certaines règles en matière d’assistance et de
sauvetage maritime qui va poser le principe,
qui n’est pas encore véritablement absolu, de
gratuité du sauvetage des personnes (article 9
« Il n’est dû aucune rémunération par les
personnes sauvées, sans que cependant il soit
porté atteinte aux prescriptions des lois
nationales à cet égard ») par opposition à la
règle de la rémunération de celui des navires
et des cargaisons (article 2 « Tout fait
d’assistance ou de sauvetage ayant eu un
résultat utile donne lieu à une
équitable rémunération. ») . Cependant, bien au-delà de le déclarer gratuit, elle fait du sauvetage des vies
humaines une obligation (article 11 « Tout capitaine est tenu, autant qu’il peut le faire sans danger sérieux pour
son navire, son équipage, ses passagers, de prêter assistance à toute personne, même ennemie, trouvée en
mer en danger de se perdre. »).

On retrouvera cet impératif dans la convention SOLAS (Safety Of Life At Sea) élaborée par la conférence du
même nom organisée à la suite du naufrage du Titanic et adoptée à Londres le 20 janvier 1914. En son article
37, elle
réaffirme l’obligation pour
tout capitaine de navire qui
a connaissance d’un sinistre
de se porter au secours des
passagers et de l’équipage
du
navire. La Convention SOLAS est considérée comme l’instrument international le plus important pour ce qui
concerne la sécurité maritime. La convention initiale de 1914 fut remplacée successivement à quatre reprises, en
1929, en 1948, en 1960 et enfin dans sa version du 1 er novembre 1974 en vigueur en 2020 mais régulièrement
amendée et complétée. Cette obligation est aujourd’hui inscrite dans le chapitre V et la règle 33 qui énonce que :
« Le capitaine d’un navire en mer qui est en mesure de prêter assistance et qui reçoit, de quelque source que ce
soit, une information indiquant que des personnes se trouvent en détresse en mer, est tenu de se porter à toute
vitesse à leur secours en les informant ou en informant le service de recherche et de sauvetage de ce fait, si
possible. Cette obligation de prêter assistance s'applique quels que soient la nationalité ou le statut de telles
personnes ou les circonstances dans lesquelles elles sont trouvées. Si le navire qui reçoit l’alerte de détresse est
dans l’impossibilité de
se porter à leur secours, ou si, dans les circonstances spéciales où il se trouve, il n’estime ni raisonnable ni
nécessaire de le faire, le capitaine doit inscrire au journal de bord la raison pour laquelle il ne se porte pas au
secours des personnes en détresse et en informer le service de recherche et de sauvetage compétent en tenant
compte de la recommandation de l’Organisation ».

Cette obligation, inscrite dans une convention « technique » de l’organisation maritime internationale (OMI), a été
renforcée en recevant une consécration générale, au travers de la convention des Nations Unies sur le droit de la
mer par son article 98, qui fait porter l’obligation non plus directement sur les capitaines des navires mais sur les
Etats :

1. Tout Etat exige du capitaine d'un navire battant son pavillon que, pour autant que cela lui est possible
sans faire courir de risques graves au navire, à l'équipage ou aux passagers :

a) il prête assistance à quiconque est trouvé en péril en mer ;

b) il se porte aussi vite que possible au secours des personnes en détresse s'il est informé qu'elles ont
besoin d'assistance, dans la mesure où l'on peut raisonnablement s'attendre qu'il agisse de la sorte ;

c) en cas d'abordage, il prête assistance à l'autre navire, à son équipage et à ses passagers, et, dans la
mesure du possible, indique à l'autre navire le nom et le port d'enregistrement de son propre navire et le
port le plus proche qu'il touchera.

2. Tous les Etats côtiers facilitent la création et le fonctionnement d'un service permanent de recherche et de
sauvetage adéquat et efficace pour assurer la sécurité maritime et aérienne et, s'il y a lieu, collaborent à cette fin
avec leurs voisins dans le cadre d'arrangements régionaux.

Mais ce qui est le plus novateur dans cet article 98, ce n’est pas la réaffirmation de l’obligation de porter secours
qui était déjà inscrite de manière récurrente dans les conventions techniques mais son 2ème alinéa qui vient
conforter les dispositions de la convention sur la recherche et le sauvetage maritimes qui venait d’être adoptée à
Hambourg le 27 avril 1979 et inciter les Etats à satisfaire leurs responsabilités. En effet, La convention
internationale de Hambourg du 27 avril 1979 a eu pour objet de définir une approche internationale de la
recherche et du sauvetage des personnes en détresse par la mise en place d’une organisation spécifique
reposant sur la coopération à l’échelle mondiale entre les organismes de recherche et de sauvetage des Etats et
entre tous ceux, acteurs étatiques ou privés, qui participent à des opérations de recherche et de sauvetage en
mer. C’est ainsi que les États signataires de la Convention de Hambourg se sont obligés à adopter les mesures
nécessaires permettant la création et le fonctionnement d’un dispositif opérationnel permanent de recherche et
de sauvetage des personnes en détresse en mer au large de leurs côtes ou des zones maritimes dont ils ont
accepté la responsabilité. C’est ainsi qu’ont été instaurés les maritime rescue coordination center (MRCC) qui
constituent l’élément de base de l’organisation du sauvetage mondial. Pour la France, la fonction de MRCC a été
confiée aux centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) qui relèvent
organiquement du ministère chargé des transports et de la direction des affaires maritimes et qui agissent, pour
ce qui concerne le sauvetage en mer, sous la responsabilité du préfet maritime ou du délégué du gouvernement
pour l’action de l’Etat en mer outre-mer. La convention est entrée en vigueur le 22 juin 1985, soit près de trois ans
après la signature de la CNUDM.

Enfin, il est presque anecdotique de mentionner que la convention internationale de 1989 sur l'assistance, faite à
Londres le 28 avril 1989 reprend de manière laconique en son article 10 cette obligation déjà bien affirmée : « 1.
Tout capitaine est tenu, autant qu'il peut le faire sans danger sérieux pour son navire et les personnes à bord, de
prêter assistance à toute personne en danger de disparaître
en mer. 2. Les Etats Parties prennent les mesures nécessaires pour faire observer l'obligation énoncée au
paragraphe 1. »

L’organisation internationale du sauvetage (convention de Hambourg)

L’objectif de la convention de Hambourg et ce à quoi elle est parvenue est indiqué dans les deux diapositives ci-
dessous.

Le principe n’est pas celui de la mise en place d’une organisation supra nationale mais d’un ensemble coordonné
dans lequel les Etats vont collaborer à l’instauration et l’application de procédures communes. Bien évidemment
le système ainsi mis en œuvre est globalement déséquilibré dans la mesure où tous les Etats qui ont accepté de
prendre en charge une zone de sauvetage ne disposent pas des mêmes capacités et moyens d’action. Mais ce
qu’il est important de souligner c’est que les Etats ne se sont pas engagés dans la mise en œuvre de moyens de
secours mais dans l’organisation d’une structure permettant de mobiliser et de coordonner des moyens
d’intervention se trouvant dans la zone. Ce qui est différent. ( chapitre 2 § 2.1.1 : « Les Parties veillent à ce que
les dispositions nécessaires soient prises pour que les services requis de recherche et de sauvetage soient
fournis aux personnes en détresse en mer au large de leurs côtes »). C’est ainsi que de nombreux MRCC
relèvent de la responsabilité d’Etat qui ne disposent d’aucun moyen d’action hauturier, voire même parfois côtier.
Néanmoins, l’organisation mondiale du secours en mer a prévu le cas des Etats « défaillants » en permettant à
des MRCC informés de situations critiques de les coordonner en attendant l’implication éventuelle du MRCC
géographiquement compétent ( chapitre 2 § 2.1.9 : « Lorsqu’elles sont informées qu’une personne est en
détresse en mer, dans une région où une Partie assure la coordination générale des opérations de recherche et
de sauvetage, les autorités responsables de cette Partie prennent de toute urgence les mesures nécessaires
pour fournir toute l’assistance possible»).

La Convention de 1979 a fait l’objet d’amendements en 2004 et par son annexe a créé un nouveau paragraphe
3.1.9 qui impose une obligation de débarquement des naufragés en lieu sûr (chapitre 3 §
3.1.9 : « La Partie responsable de la région de recherche et de sauvetage dans laquelle une assistance
est prêtée assume au premier chef la responsabilité de veiller à ce que cette coordination et cette coopération
soient assurées, afin que les survivants secourus soient débarqués du navire qui les a recueillis et conduits en
lieu sûr , compte tenu de la situation particulière et des directives élaborées par l’Organisation. Dans ces cas, les
Parties intéressées doivent prendre les dispositions nécessaires pour que ce débarquement ait lieu dans les
meilleurs délais raisonnablement possibles »).

Cette notion de lieu sûr peut sembler une évidence en situation de sauvetage classique, c’est-à-dire le lieu le plus
proche qui permet une prise en charge médicale du naufragé (ce qui signifie que cela peut aussi être un autre
navire) mais elle a pris un relief particulier avec la crise migratoire en Méditerranée. La côte la plus proche,
souvent celle du lieu de départ des naufragés, étant loin d’offrir les garanties nécessaires et indispensables à une
prise en charge humanitaire des naufragés digne de ce nom. Ce qui a imposé au comité de la sécurité maritime
de l’OMI par sa résolution MSC.167 (78) adoptée en 2004, de préciser qu’un lieu sûr correspond à un
emplacement où les opérations de sauvetage sont censées prendre fin et où :

• La vie et la sécurité des personnes ne sont plus menacées ;

• Il est possible de subvenir à leurs besoins fondamentaux (abris, vivres, soins médicaux ) ;

• Le transport des personnes sauvées vers leur destination suivante ou finale peut s’organiser.

En conséquence, il est totalement erroné d’affirmer que le droit international fait obligation de débarquer les
naufragés dans le lieu le plus proche mais au contraire de le faire dans un lieu sûr au sens de la résolution MSC
167.

Comme cela apparait dans la diapositive ci-dessous, la zone de compétence sauvetage de la France en
Méditerranée ne coïncide pas avec sa zone économique exclusive et déborde largement sur celle de l’Espagne
et de l’Italie (qui n’a pas encore de ZEE).
De la même manière, au large des Antilles, la zone MRCC française est considérable rapportée à la superficie de
ses espaces maritimes sous juridiction.

En synthèse, il ressort de la convention de Hambourg que les Etats ont l’obligation de :

- Porter secours à toute personne


- Répondre rapidement et avec toute l’assistance possible à l’appel de détresse
- Mettre en place des moyens de communication
- Désigner le service responsable (point de contact)

et que pour faciliter et optimiser leur action elle a prévu des dérogations ponctuelles à des dispositions de la
convention sur le droit de la mer en autorisant l’entrée d’un navire étranger dans la mer territoriale d’un autre Etat
pour assurer la mission de secours sans que cela puisse être assimiler à une violation du passage inoffensif et en
maintenant la coordination des secours par le MRCC qui a autorisé l’entrée dans cet espace de souveraineté.

Enfin elle encourage tous les Etats à établir des accords préalables entre Etats voisins afin de disposer de plans
d’intervention communs. C’est notamment ce que la France a réalisé avec ses voisins au travers des plans
suivants :

- MANCHEPLAN avec le Royaume uni (et la Belgique en observateur) pour l’intervention en Manche
Mer du Nord et Nord Atlantique
- BISCAYE PLAN avec l’Espagne pour le golfe de Gascogne
- LION Plan avec l’Espagne pour le golfe du Lion

L’organisation et la responsabilité du sauvetage en France

L’organisation du sauvetage en mer relève, selon l’article R.742-2 du code de la sécurité intérieure, du ministre
chargé de la mer qui définit, en accord avec les ministres concernés, la politique générale en matière de secours,
de recherche et de sauvetage des personnes en détresse en mer, sans préjudice des compétences du ministre
chargé des transports prévues à l'article D. 742-16 (le secours aérien). Il se trouve qu’aujourd’hui, le ministre
chargé des transports est placé sous l’autorité du ministre chargé de la mer quand il ne cumule pas les deux
fonctions ministérielles. Ce qui d’une certaine
manière facilite les choses car par une autre
disposition, celle de l’article R.742-3, le
secrétariat général de la mer comprend un
organisme d'étude et de coordination pour la
recherche et le sauvetage en mer. Cet
organisme apporte son concours technique aux
ministres concernés pour les affaires
internationales. Il est chargé de la préparation
des décisions nationales relatives aux principes
directeurs de l'organisation du secours, des
recherches et du sauvetage des personnes en
détresse
en mer. Il assure la coordination entre les administrations et organismes intéressés dans l'utilisation des différents
moyens disponibles à des fins de secours, recherche et sauvetage en mer. Il comprend des représentants du
ministre chargé de la mer et, en tant que de besoin, des ministres chargés de la défense, de la sécurité civile, de
la santé, des transports, des outre-mer et des douanes. Pour simplifier le fonctionnement cet article précise que
les modalités de son fonctionnement sont fixées par le ministre chargé de la mer. Si on comprend bien la
distinction entre l’organisation générale reposant
sur l’élaboration et l’adaptation des textes et la politique d’équipement du ministère des transports d’un côté et la
nécessité de coordonner les administrations qui mettent en œuvre des moyens qui vont principalement contribuer
au sauvetage en mer, essentiellement les administrations de la fonction garde-côtes, cette dualité de direction est
préjudiciable à une bonne compréhension du dispositif.

Il en ressort que c’est bien la direction des affaires maritimes, direction du ministère de la mer en mars 2021, qui
a la responsabilité de participer avec le ministère des affaires étrangères aux négociations des conventions et
textes internationaux relatifs au sauvetage en mer et d’assurer l’élaboration de la législation et de la
réglementation nationale. De la même manière c’est cette même direction qui assure l’équipement et le
fonctionnement des CROSS qui sont les MRCC français au sens de la convention de Hambourg.

La DAM est donc l’autorité organique des CROSS qui vont assurer leurs missions opérationnelles de sauvetage
en mer sous la responsabilité des préfets maritimes. En effet, comme nous l’avons vu au travers des attributions
du préfet maritime décrites par le décret n°2004-112 du 6 février 2004, le préfet maritime est responsable de la
sauvegarde de la vie humaine en mer. Ce que confirme par ailleurs l’article R*.742-4 du CSI en énonçant que «
la responsabilité des opérations de recherche et de sauvetage des personnes en détresse en mer dans les
zones de responsabilité française appartient au préfet maritime qui assure la coordination de la mise en œuvre
opérationnelle de l'ensemble des moyens de secours, publics et privés, en mesure de participer à ces opérations.
»

Une instruction du Premier ministre du 29 mai 1990 organise toujours les modalités de mise en œuvre de cette
mission primordiale qui a fait l’objet d’un renforcement considérable au titre de l’adaptation du dispositif ORSEC
(organisation de la réponse de sécurité civile) et de la planification d’urgence pour faire face aux évènements
maritimes majeurs. Ainsi, deux instructions du Premier ministre, du 28 mai 2009 et du 13 mai 2013, traitant
respectivement de l’ORSEC Maritime et du secours maritime de grande ampleur sont l’expression de la nécessité
et de la volonté d’anticiper les risques maritimes liés à la croissance constante de la taille des navires de croisière
et de préparer la réponse à un accident comme celui du Costa Concordia impliquant plusieurs centaines si ce
n’est milliers de personnes. Ce qui se traduit concrètement par l’établissement des plans ORSEC Maritimes
spécialisés.

En résumé, le préfet maritime assume les responsabilités suivantes :


Toutefois, en matière de sauvetage en mer il convient de ne pas oublier la particularité de la police spéciale des
baignades. En effet, si le préfet maritime assume la police générale de la sécurité en mer, le code des
collectivités territoriales (article L.2213-23) a confié aux maires la police des baignades et des engins non
immatriculés dans une bande de 300 mètres à partir de la limite des eaux. Ce qui signifie qu’il est responsable
des opérations de sauvetage dans cette zone et qu’il doit pourvoir à la mise en place des secours de première
urgence. A ce titre, comme le préfet maritime, il dispose des CROSS pour assurer cette responsabilité.
Néanmoins sa responsabilité s’exerce au travers de l’obligation de délimiter une ou plusieurs zones de baignade
qui feront l’objet d’un plan de balisage adopté par arrêté du maire en complément d’un arrêté du préfet maritime.
En effet c’est la superposition des deux pouvoirs de police qui va conférer aux plans de balisage leur cohérence,
l’un pour réglementer les baignades et les engins de plage dans la bande des 300 mètres et l’autre pour
réglementer dans le même espace les navires et engins immatriculés. C’est ce qui se matérialise essentiellement
pendant la saison estivale avec l’affichage obligatoire des plans de balisage et la présence sur les plages ainsi
délimitées de surveillants de baignades (pompiers, CRS, SNSM, ou autres selon les communes) agissant sous
l’autorité du maire et répondant à son obligation de prompt secours dans la mesure de ses capacités. C’est à ce
titre que la liaison avec le CROSS est souvent délicate et nécessite de nombreuses réunions de coordination et
d’explication.

Les CROSS

Les CROSS ont un statut qui peut paraître ambigu car tout en relevant du ministère de la mer et des directions
interrégionales de la mer, services déconcentrés, ils sont dirigés par des administrateurs des affaires maritimes,
officiers de la marine gérés par le ministère de la mer, et armés majoritairement par des officiers mariniers mis à
disposition par la marine nationale qui en assure le recrutement, la formation et la gestion.

Si le fonctionnement est organisé selon des modalités définies par leur ministère d’appartenance (autorité
organique), ils accomplissent leurs missions sous l’autorité opérationnelle du préfet maritime. Néanmoins,
notamment pour les opérations complexes nécessitant la mise en œuvre de moyens conséquents de marine
nationale l’articulation entre le CROSS, coordonnateur, et le COM du commandant de zone maritime (qui est
aussi le préfet maritime) qui assure le contrôle opérationnel des moyens de la marine et souvent le
commandement de l’opération de secours, est délicate.
Par ailleurs, les CROSS sont responsables de plusieurs missions de natures différentes, sauvetage, surveillance
maritime, surveillance de la navigation, surveillance des pollutions, contrôle des pêches, ce qui a nécessité leur
spécialisation progressive de manière à ce qu’ils puissent se concentrer sur la mission prioritaire du sauvetage et
sur leur mission spécifique au profit des autres.
7j/7 et 24h/24, les 340 agents des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage
(CROSS) de métropole et d’outre-mer œuvrent pour sauver des vies en mer.

13 507 opérations de sauvetage en 2019, dont 51 % entre le 1er juin et le 30 septembre 74 %

concernent la plaisance et les loisirs nautiques

26 % les activités professionnelles (navires de commerce et de pêche) 22 025

personnes sauvées pour 288 décès ou disparitions

Les CROSS coordonnent tous les moyens nautiques et aériens sur zone, qu’ils soient publics ou privés.
En 2019, cela représente 11 311interventions (recherches et sauvetages) pendant 23 080 heures. 10 023

interventions par des moyens nautiques

- Société nationale de sauvetage en mer (SNSM)


- Navires privés
- Pompiers
- Administrations (Douanes, Gendarmerie, Affaires maritimes, Marine nationale,
municipalités)
- Moyens étrangers

1 288 interventions par des moyens aériens

- Sécurité civile
- Marine nationale
- Gendarmerie
- Armée de l'air
- Douanes
- SAMU
- Moyens étrangers et privés

Placés sous l’autorité opérationnelle des préfets maritimes, les CROSS font partie des directions interrégionales
de la mer (métropole) et des directions de la mer (outre-mer), également chargées de conduire les politiques
maritimes de développement durable, de gestion des ressources et de régulation des activités en mer.

https://www.mer.gouv.fr/surveillance-et-sauvetage-en-mer#scroll-nav 1

Enfin, il ne serait pas possible de terminer cette courte fiche sur le sauvetage en mer sans évoquer la SNSM,

Qu’est-ce que la SNSM ?

La société nationale de sauvetage en mer est une association française, reconnue d'utilité
publique. Elle a pour vocation de secourir bénévolement et gratuitement les vies humaines en
danger, en mer. La SNSM est née en 1967 de la fusion de
la Société centrale de sauvetage des naufragés (SCSN) et des Hospitaliers sauveteurs
bretons (HSB), union initiée par l'amiral Maurice Amman, ancien préfet maritime de la 2e
région à Brest, qui deviendra le 15 octobre 1967 le président de la nouvelle société. Le
pavillon de la SNSM est né de la fusion entre ceux de la SCSN et des HSB.
La SNSM est reconnue d'utilité publique le 30 avril 1970 et est une association régie par les dispositions de la loi
de 1901 qui assure sa mission en Métropole et en Outre-Mer. Sa vocation : secourir bénévolement et
gratuitement les vies humaines en danger en mer.

Les bateaux de secours de la SNSM sont répartis sur 214 stations (soit 187 permanentes et 27 saisonnières ) le
long du littoral métropolitain et d'outre-mer et agissent sous l'autorité et à la demande des centres régionaux
opérationnels de surveillance et
de sauvetage (CROSS) qui en France sont les centres de
coordination de secours en mer, qui dépendent
organiquement de la direction des Affaires maritimes du
ministère de la mer mais qui accomplissent leurs missions
de sauvetage sous la responsabilité du préfet maritime.
Mais les nageurs sauveteurs (plus de 1360 nageurs) de la
SNSM agissent également sous l’autorité des maires pour
assurer la surveillance des baignades à partir des postes de
surveillance (la SNSM
est en convention de mise à disposition avec près de 150 communes littorales et arme près de 270
postes de secours ou d’intervention.

En outre, depuis la loi de modernisation de la sécurité civile, la SNSM, en tant qu’association déclarée et agréée,
participe aux missions de sécurité civile par le biais des Dispositifs Prévisionnels de Secours (DPS) à l’occasion
de manifestations sportives ou culturelles rassemblant un nombre important de spectateurs (évènements sportifs,
concerts de musique, festivals…).

La SNSM participe donc à trois titres (secours en mer, surveillance des plages et missions de sécurité civile) à
des missions de service public dans son domaine de compétence. En 2020, la SNSM était soutenue par 9 030
bénévoles.

En 2020, 7 833 interventions ont été réalisées par


les Sauveteurs Embarqués à partir des 214 stations
de sauvetage et des postes de secours et 10 924
personnes ont été secourues.

Le financement de la SNSM (acquisition, entretien


des vedettes de secours et formation des équipages) est très majoritairement assuré par la générosité
du public (dons, legs) et de partenaires privés (mécénat). En 2017, 77 % de ses ressources annuelles
étaient d’origine privée et 24 % provenaient de financements publics (État et collectivités territoriales).
En 2016, la SNSM a rencontré des difficultés financières, principalement dû au renouvellement de sa flotte. L'Etat
cherche une solution pour compléter le budget, notamment via une possible contribution imposée aux usagers de
la mer.
A la suite de l’accident qui a endeuillé la station SNSM des Sables d’Olonne, monsieur Didier Mandelli, sénateur,
a présenté un rapport d’information sur le sauvetage en mer et la sécurité maritime (https://www.senat.fr/rap/r19-
081/r19-0811.pdf).

Ce rapport, outre le fait principal qu’il émet un certain nombre de recommandations de nature à soutenir et
renforcer l’action de la SNSM, dresse un bilan de l’organisation et de la mission sauvetage en mer.
CHAPITRE 11

LA LUTTE COnTRE LE TRAFIC DE STUPßFIAnTS En MER

Avertissement

Si les devoirs de formation d'information s'imposent, afin de mieux faire comprendre l'action des pouvoirs publics
et les conditions juridiques et opérationnelles de l'engagement des moyens de l'Etat, il est des domaines pour
lesquels tout ne peut cependant pas être exposé avec précision.

La lutte contre le trafic de stupéfiants fait partie de ceux-là et il importe de faire preuve de prudence. En effet,
dans ce qui doit être considéré comme une véritable guerre, au regard des enjeux et des conséquences de ce
trafic, il faut être mesuré dans la présentation des modes d’actons et des questions juridiques qui se posent au
quotidien. Si, comme l'exigent les principes démocratiques, la loi est accessible à tous et doit être appliquée de la
même manière pour tous, il convient toutefois de ne pas être naïfs au point de révéler aux narcotrafiquants, qui
disposent de remarquables et brillants juristes, les petits détails qui leur permettraient de mieux développer en
toute impunité leurs criminelles activités. Plus que pour tout autre action de police en mer il convient de ne pas
révéler les inévitables failles juridiques que les acteurs de l’action de l’Etat en mer s’efforcent d’éviter.

Cette fiche ne peut donc être qu'une présentation très générale du contexte et des modalités actuels de la lutte
contre le trafic de stupéfiants par voie maritime.

Dans cet esprit, je me suis largement inspiré pour la rédiger d’articles que j’ai déjà publiés ou de fiches de
synthèse qui ont servi à la justification de l’évolution de certains textes.
En matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, il n'y a pas une vérité mais des vérités.

Vérités qui, parfois, peuvent même être contradictoires. De manière similaire, il n'y a pas une route de la drogue
mais une multitude de chemins pour disséminer ce poison sanitaire, sociétal et sécuritaire aux formes et aux
origines plurielles.

La France est depuis toujours particulièrement active et déterminée dans la lutte contre le trafic de drogues. Que
ce soit bien évidemment sur le plan strictement national11, en développant des actions préventives ou par la mise
en œuvre d'une politique répressive globale, que sur le plan international en multipliant les initiatives et en
recherchant l'optimisation de la coopération entre les Etats, notamment dans les zones les plus sensibles.

A ce titre, sa présence dans la mer des Caraïbes, par le biais des départements de la Martinique et de la
Guadeloupe et de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin, lui confère une place de choix au cœur du trafic
international de cocaïne12. Trafic qui alimente bien évidemment depuis longtemps le marché de la consommation
locale et régionale mais qui s'appuie fortement en termes logistiques (stockage et redistribution) sur la situation
maritime avantageuse de ces îles pour organiser « l'exportation » vers les « gros marchés » de consommation,
Europe et Etats-Unis. Ou encore dans l’océan Indien pour s’opposer aux trafics d’opium et de cannabis qui inter
alimentent les trafics d’armes, d’êtres humains et contribuent au financement du terrorisme international, sans
évoquer les liens potentiels avec la piraterie. Mais aussi dans l’océan Pacifique, espace immense, de plus en
plus utilisé pour
« l’évacuation » de cocaïne à partir de l’Amérique centrale vers l’Australie, l’Asie et l’Europe, routes maritimes sur
lesquelles la France est idéalement placée avec la Polynésie française et la Nouvelle Calédonie et sur lesquelles
les interceptions réalisées par la marine nationale sont de plus en plus importantes.

Il est un fait indéniable que le trafic de cocaïne


est majoritairement un trafic qui emprunte la
voie maritime. Comment pourrait-il en être
autrement dès lors que les pays producteurs ou
centralisateurs sont la Colombie, la Bolivie, le
Pérou ou le Venezuela et que les
consommateurs principaux sont au-delà des
océans ? Ce qui favorise l'idée, largement
répandue, que les narcotrafiquants ont profité,
et profiteraient encore, de la mer, espace trop
souvent qualifié à tort d’espace de non droit et
de refuge pour les voyous. Il est très
difficile de combattre les idées reçues, pourtant la mer, comme je pense l’avoir démontré au travers du cours sur
le droit de la mer, n'est ni un espace de non droit ni un lieu de refuge pour les trafiquants, ces derniers utilisent «
simplement » le vecteur d'acheminement de près de 90% des biens consommés et savent très bien exploiter la
globalisation et la maritimisation du monde. Cependant, la simplicité n'est qu'apparente car le renforcement des
contrôles des flux ordinaires de marchandises devant la rentabilité de ce « commerce », mais aussi pour des
raisons évidentes de sûreté face à la menace terroriste, a stimulé l'imagination des trafiquants, de sorte que nous
avons assisté à une atomisation

11
Cf notamment le Plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 validé par le Premier ministre le
19 décembre 2018 et qui succède aux plans mis en œuvre depuis 1983
12
Michel Gandilhon (OFDT - pôle TREND), Note n° 2014-9 à l’attention de la MILDECA / 27 juin 2014 :Les Antilles
françaises (Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin) et la Guyane : au cœur du trafic international de cocaïne
des stocks de cocaïne et au recours à tous les moyens de transports maritimes possibles (navires de pêche,
voiliers, embarcations rapides, cargos, céréaliers, pétroliers…et submersibles). Il est vrai, en revanche, que la
mise en œuvre de l'imagination des narcotrafiquants a été facilitée par les difficultés, ou l'absence de volonté, des
Etats à appliquer le droit international existant.

La France n'a eu de cesse de s'adapter au contexte spécifique de ce trafic par voie maritime. Ainsi elle s'efforce
d'améliorer l'organisation et la coordination entre les différents administrations et services impliqués ou concernés
par la lutte contre cette activité illicite et de renforcer la coopération internationale. Ses efforts ont été couronnés
de succès, même si des esprits chagrins pourraient s'étonner du rapport entre les quantités saisies et les
quantités supposées exportées. Cette guerre ne s'apprécie pas uniquement en termes de prises ou de saisies
mais aussi de vulnérabilités imposées à l'adversaire. De ce point de vue, des progrès significatifs ont été
enregistrés aux Antilles et dans la mer des Caraïbes et des améliorations sont encore attendues.

La mer n'est pas une zone de non droit....

La haute mer n'est pas le lieu de refuge et de développement des activités criminelles et illicites. Son immensité
et la difficulté d'en assurer une surveillance constante, plus que l'absence ou l'insuffisance du droit, ont favorisé
son utilisation à des fins crapuleuses. En effet, très tôt, la communauté internationale a prévu et mis en place des
dispositifs permettant, ou ayant la volonté d'y parvenir, de lutter contre ceux qui entendaient développer des
activités criminelles13. Pour autant, il est évident que le principe fondamental et majeur de la Convention des
Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM ou dite de Montego Bay) de 1982 qui est celui de la liberté des
mers, avec son corollaire qui est l'exclusivité de la loi du pavillon en haute mer à l'égard des navires, continu de
nourrir ce sentiment d'impunité. Sentiment paradoxal dans la mesure où les grandes puissances maritimes, les
mêmes que celles qui font face aux trafiquants, ont soutenu avec acharnement ce principe de liberté des mers.

Le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes a de la sorte été visé par un ensemble de textes
dont l'objet était de permettre de s'opposer à ce que la mer devienne ou soit le vecteur de son accomplissement.
Ainsi, le premier instrument conventionnel en matière de trafic de stupéfiants remonte à la Convention de la Haye
de 1912 (article 9). C'est ensuite la Convention dite unique sur les stupéfiants de New York de 1961 qui, en
obligeant les Etats parties à prendre les mesures nécessaires pour que l'expédition en transit, le transport et
l'exportation des stupéfiants, autres que ceux visés par la Convention de la Haye, constituent des infractions
pénales, a initié le processus de coopération.

La CNUDM est venue confirmer ces intentions internationales puisque son article 108 considère comme illicite le
trafic de stupéfiants en haute mer et prévoit une obligation de coopération internationale, notamment en stipulant
que « tout Etat qui a de sérieuses raisons de penser qu'un navire battant son pavillon se livre au trafic de
stupéfiants...peut demander la coopération d'autres Etats pour mettre fin à ce trafic ». L'étape suivante, et
déterminante, a été franchie avec l'adoption le 20 décembre 1988 à Vienne de la Convention des Nations unies
contre le trafic illicite de stupéfiants

13
Etant entendu que les Etats sont souverains pour l'application de leur législation pénale dans leurs mers territoriales
et, notamment, de son article 17 traitant spécifiquement du trafic par voie maritime. Cet article, combiné aux
articles 3 et 4 de la convention, a eu pour effet de classer effectivement le trafic de stupéfiants dans la catégorie
des infractions majeures en mer, de nature à justifier une forme de
« correction » du principe de liberté des mers,
cependant soumise à l'accord formel de l'Etat du
pavillon. Il n'a ainsi pas été possible de surmonter
l'obstacle majeur de l'exclusivité de la loi du
pavillon. Or, c'est bien de cette exclusivité que
profitent les organisateurs des trafics en
immatriculant leurs navires dans des Etats dont
les carences, le laxisme sinon la complicité sont
chroniques. Il importe d'ajouter que cette dernière
Convention organise la coopération encouragée
par la CNUDM en renvoyant par son article 17-9 à
la conclusion d'accords
bilatéraux ou régionaux pour renforcer l'efficacité de la lutte. C'est dans cette logique que l'accord de San José
pour les Caraïbes a été signé entre
certains Etats (dont la France) riverains afin de
prévoir des procédures et autorisations
permanentes permettant d’agir à l’encontre
d’embarcations rapides profitant de l’imbrication
des espaces souverains.
Sur le plan national, on pourrait considérer que le
dispositif de lutte contre le trafic de stupéfiants en
haute mer est relativement restreint puisqu'il ne
repose « que » sur la seule loi du 15 juillet 1994
(modifiée et uniformisée par l’ordonnance n° 2019-
414 du 7 mai 2019. Loi qui a assuré, comme nous
l’avons vu dans le chapitre sur l’exercice de la police en mer, « l'intégration » dans l'arsenal répressif français des
dispositions de l'article 17 de la Convention de Vienne en :

- définissant les infractions à réprimer (article 1 – 2° :


Les infractions constitutives de trafic de stupéfiants
et de substances psychotropes définies à la section
IV du chapitre II du titre II du livre II du même code
(pénal) ainsi que le délit de participation à une
association de malfaiteurs prévu par l'article 450-1
de ce code lorsqu'il a pour objet de préparer l'une de
ces infractions) ;
- visant les espaces maritimes dans lesquels elle
s’applique (article 2 : tous les espaces maritimes y
compris ceux sous la juridiction ou la
souveraineté d’un autre Etat avec son accord ou à sa demande) ;
- précisant la qualité des agents habilités (article 3 : Les officiers de police judiciaire et agents de police
judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale, et lorsqu'ils sont
spécialement habilités à cet effet dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les
commandants de bâtiments de l'Etat, les officiers de la marine nationale et les
commissaires des armées embarqués sur ces bâtiments, ainsi que les commandants de bord des
aéronefs de l'Etat et les agents des douanes) à constater ces infractions ;
- organisant les modalités de visites et de contrôle des navires suspects (article 4 : par application des
dispositions des articles L.1521-1 et suivants du code de la défense) ;
- et prévoyant, le cas échéant, la compétence des juridictions françaises (article 13 : Pour la poursuite,
l'instruction et le jugement des infractions commises à bord de navires se trouvant au-delà de la mer
territoriale ainsi que des infractions connexes, la juridiction et le procureur de la République compétents
sont : 1° Ceux dans le ressort desquels se trouve le siège du représentant de l'Etat en mer et,
s'agissant des infractions commises en zone maritime océan Indien, ceux du tribunal judiciaire de Paris ;
2° Ceux dans le ressort duquel se trouve le port vers lequel le navire a été dérouté. Ces dispositions
s'appliquent sans préjudice des règles de compétence territoriale prévues par le code de procédure
pénale).

Ainsi, le préfet maritime en métropole ou le délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer outre-mer
est-il responsable de la mise en œuvre des dispositions de cette loi pour tout ce qui concerne l'action des
moyens de l'Etat français, essentiellement de la marine nationale et des douanes, sur l’ensemble des espaces
maritimes.

La conduite de la lutte en haute mer contre le trafic des stupéfiants repose donc sur les principes généraux de
coordination spécifiques de l'action de l'Etat en mer. Elle résulte de l'action privilégiée des services de police et
en tout premier lieu de l’office anti stupéfiant (OFAST) créé par le décret n°2019-1457 du 26 décembre 2019 et
officiellement installé en février 2020 et qui a « remplacé » l’office central de répression du trafic illicite de
stupéfiants (OCRTIS). L’OFAST a pour originalité de faire travailler au sein d’une même structure policiers,
gendarmes, douaniers et magistrats, pour favoriser l’échange d’informations et agir à tous les niveaux de la lutte
contre les trafics. L’OFAST est notamment chargé en application du paragraphe 5 de l’article 5 du décret de «
coordonner avec l'ensemble des partenaires concernés la mise en œuvre des mesures de prévention, de
recherche et de constatation des infractions constitutives de trafic de stupéfiants dont les modalités sont fixées
par la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte
contre certaines infractions relevant de conventions internationales ». Disposition loin d’être anodine et qui
signifie clairement qu’aucune opération d’interception de navire en application de l’article 17 de la convention de
Vienne ne peut être engagée sans qu’il en soit informé.

L’OFAST dispose depuis 2004 d'une antenne à Fort de France et depuis quelques années de 15 autres antennes
sur le territoire métropolitain et ultra marin. Les autres services impliqués sont la direction nationale des
recherches et enquêtes douanières (DRNED) en relation soit avec d'autres services de police ou de gendarmerie
nationaux, européens ou internationaux soit avec des structures ad hoc telle la Joint Inter Agency task Force
(JIATF) de Key West aux Etats-Unis au sein de laquelle la France dispose d'un officier de liaison.

La mise en œuvre des dispositions de l’article 17 de la convention de Vienne repose sur l’application stricte du
principe « une Partie qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu’un navire exerçant la liberté de navigation
conformément au droit international et battant le pavillon ou portant une immatriculation d’une autre Partie se
livre au trafic illicite peut le notifier à l’Etat du pavillon, demander confirmation de l’immatriculation et, si celle-ci
est confirmée, demander l’autorisation à cet Etat de prendre les mesures appropriées à l’égard de ce navire ».
Ces motifs raisonnables sont ceux exprimés par les services de police au sens large et consolidés par l’OFAST
qui en fait part, si l’interception en mer est une option privilégiée à une opération à quai dans un pays incertain,
au préfet maritime. A partir de cette saisine une concertation interministérielle et avec le procureur de la juridiction
interrégionale spécialisée (JIRS) va s’enclencher pour vérifier d’une part la disponibilité de moyens d’intervention,
les contraintes logistiques, juridiques et diplomatiques, afin de demander au ministère
des affaires étrangères de solliciter auprès de l’Etat du pavillon une autorisation d’intervention (soit en application
de la convention de Vienne selon les procédures prévues par celle-ci, soit de manière parallèle en application de
l’article 108 de la CNUDM avec un Etat non partie à la convention de Vienne).

La sollicitation auprès de l’Etat


du pavillon peut comporter
plusieurs
aspects selon le contexte qui
va dépendre d’un ensemble
de facteurs (nature du navire
à contrôler, aptitudes
opérationnelles du navire
intercepteurs, distance du port
français le plus proche ou du
port de l’Etat du pavillon,
nationalité de l’équipage,
autonomie des navires,
intêrêts des services de police
français, volonté du procureur
de poursuivre l’infraction en
France, sans que cette liste
soit exhaustive). En règle générale la demande initiale sollicitera une autorisation pour procéder à une visite «
poussée » et indiquera les intentions de la France au regard de l’exercice de la compétence juridictionnelle en
cas de découverte de stupéfiants. L’Etat du pavillon aura en réponse le choix entre autoriser la visite et fixer les
limites de celle-ci et indiquer ce que sera sa décision en cas de découverte de produits illicites, soit la refuser, ce
qui signifie dans ce cas que le contrôle ne peut être effectué. La visite « poussée » est ainsi effecuée sans qu’à
ce stade la France soit juridictionnellement compétente.

Dans l’hypothèse de la découverte de produits stupéfiants, le ministère des affaires étrangères en informe l’Etat
du pavillon et :

- soit lui demande de renoncer à sa compétence juridictionnelle au profit de la France ;


- soit lui indique que la France n’entend pas demander le transfert de cette compétence mais est prête à
lui transférer le navire ;
- soit, enfin, que la situation opérationnelle ne permet pas d’envisager de rejoindre un port ou d’attendre
l’arrivée d’un navire de l’Etat du pavillon et que dans ce cas il lui demande l’autorisation de procéder à la
saisie et la destruction des produits stupéfiants et à la
« libération » du navire (article 11 de la loi du 15 juillet 1994).

Ainsi, chaque opération est un cas particulier avec des contraintes différentes dont il n’est possible ici que de
donner les plus évidentes. La première concerne l’Etat du pavillon et sa lenteur à répondre aux sollicitations, soit
parce que son administration soufre d’une organisation peu réactive, soit parce que le calendrier est défavorable
à une prompte réponse (fête nationale, fériés, etc…), soit encore parce qu’il est perméable à l’emprise des
narcotrafiquants. La deuxième peut tenir tout simplement au décalage horaire entre la France, l’Etat du pavillon et
le lieu de l’opération qui va fortement pénaliser la fluidité des relations. Il y aura également les contraintes
matérielles déjà évoquées avec une météo défavorable ou des moyens à la disponibilité limitée, soit encore
l’examen des suites contentieuses et financières en cas de déroutement infructueux dans la mesure où le droit de
la mer impose une
légitime indemnisation du préjudice subi (la France s’est déjà retrouvée contrainte d’indemniser des navires
déroutés à bord desquels aucun produit illicite n’a pu être trouvé).

Pourtant le trafic s'est développé

Ce qui caractérise les grandes activités criminelles, c'est leur immense faculté d'adaptation. Le trafic de
stupéfiants en constitue, malheureusement, une parfaite illustration. Les organisateurs ont su exploiter, sans
doute conseillés par des juristes avisés, les failles du droit existant ou, plus exactement, les difficultés sinon les
impossibilités pour la plupart des Etats de le mettre en œuvre. En effet, la toge sans l'épée n'est rien, or, par
exemple, les nombreux Etats
insulaires de la mer des Caraïbes ne disposent pas de moyens
maritimes hauturiers, voire côtiers, d'intervention. De plus,
lorsqu'ils en disposent, la proximité et l'imbrication des espaces
maritimes (mer territoriale) avec ceux des Etats voisins constituent
des obstacles majeurs pour assurer la continuité des poursuites,
voire leur réalisation dès lors que le navire trafiquant est un go
fast. Les « sauts de puce » de mers territoriales en mers
territoriales étant difficiles à contrer.

Il s'y est développé également, en dépit des opérations d'interdiction mises en place par la JIATF, en s'appuyant
sur la multiplicité des Etats impliqués et les choix particuliers de certains d'entre eux (laxisme ou carence de l'Etat
du pavillon le plus souvent, mais aussi juridisme pointilleux et procédurier des Etats de nationalité des membres
d'équipage) rendant complexes et incertaines les poursuites pénales. Quand ce n'est pas en favorisant la
création de plate-forme de blanchiment de l'argent des trafics ou en favorisant les investissements offshores.

Selon les estimations de l'OFAST, environ 20% des 250 à 300 tonnes de cocaïne destinées à l'Europe
transiteraient par la mer des Caraïbes (sans intégrer les quantités qui alimentent le marché américain et qui
suivent des routes aléatoires, y compris en revenant d'Europe).

Pour autant, la réponse des Etats est à la hauteur des enjeux et de la menace et la mer des Caraïbes est un
véritable laboratoire de la coopération internationale et la source de toutes les innovations juridiques ou
administratives nationales en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants par voie maritime.

Les efforts de la France

L'implication française dans la lutte contre le trafic des stupéfiants en mer, mesurée par le ratio de la superficie de
ses espaces maritimes par rapport aux autres Etats, est sans aucun doute la plus importante. Elle se caractérise
à la fois par l'efficacité de l'organisation diplomatique, judiciaire et administrative, et l'importance et la fluidité de la
coopération entre les services de l'Etat impliqués dans la lutte (police, douane, gendarmerie, marine), sous la
direction du préfet maritime ou du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer.

Elle est aussi fortement appuyée par le développement de la coopération avec les autres Etats qui permet,
notamment, d'améliorer la circulation et le traitement du renseignement et de l'information, de favoriser la
mobilisation des moyens de surveillance et d'interception et l'optimisation des poursuites pénales.

L'efficacité du réseau diplomatique est aussi une des clés de la mise en œuvre des dispositions des conventions
internationales existantes. A ce titre, la France fait partie des Etats qui font un usage important de l'article 108 de
la CNUDM et de l'article 17 de la Convention de Vienne qui visent à obtenir
l'accord de visite de la part de l'Etat du pavillon, et dont le DDG AEM des Antilles est à l'origine dans plus des
deux tiers des cas nationaux. Il n'est en effet pas toujours très simple de composer avec les décalages horaires
importants avec les Etats du pavillon et des autorités ou des administrations maritimes difficilement joignables. Le
Quai d'Orsay a su mobiliser, sensibiliser et former l'ensemble du réseau diplomatique à ces procédures difficiles
qui permettent d'obtenir en un temps réduit les autorisations d'interception 14. Néanmoins, l'efficacité du réseau ne
peut rien face à l'incurie de certains Etats et les délais prohibitifs de leur réponse, ou de leur non réponse, ce qui
est extrêmement pénalisant pour assurer la disponibilité des moyens et la réalisation de l'interception. Dans ce
domaine, si c'est une des vertus de l'accord de San José qui permet de visiter le navire d'un Etat partie, en
revanche il est là aussi souvent difficile d'obtenir le transfert de compétence juridictionnelle. Ce qui peut devenir
rapidement un point bloquant dans le « montage » de l'opération. C'est la raison pour laquelle la loi du 15 juillet
1994 avait été modifiée par voie d'ordonnance15 pour insérer les modalités de mise en œuvre d'une procédure de
dissociation qui permet d'assurer un traitement différent entre les produits stupéfiants, le navire et l'équipage
selon des circonstances définies. Cette procédure tout à fait novatrice a été de nature à surmonter de la sorte les
obstacles majeurs liés au sort juridictionnel des personnes 16. Le principe même de cette procédure innovante a
longtemps heurté la sensibilité des puristes du droit pénal qui ne pouvaient se satisfaire de l'absence volontaire
de poursuites pénales. Pour autant, il est beaucoup plus réconfortant et fédérateur, dans cette lutte implacable,
de se satisfaire de la saisie importante de stupéfiants 17, sans que l'équipage puisse être jugé un jour, plutôt que
de s'interdire d'agir à l'encontre de ce navire et de se contenter de « le regarder transiter paisiblement ».
L'efficacité de la lutte devrait s'en trouver considérablement renforcée et les interceptions être plus nombreuses.
Mais que l'on ne s'y trompe pas, cette nouvelle procédure ne constituera pas la règle, elle ne sera qu'une arme
supplémentaire pour mieux s'opposer aux actions des trafiquants et la répression pénale, telle qu'elle est voulue
par le droit international, demeurera l'objectif majeur à atteindre.

Sur ce plan, l'action de la JIRS de Fort de France, notamment, est fondamentale et l'on peut souligner le fait
qu'elle fait systématiquement juger les trafiquants interceptés en mer et dont le cas ne nécessite pas une enquête
approfondie (sans lien notamment avec les Antilles françaises ou l’Europe) selon la procédure de comparution
immédiate. Cela permet de raccourcir, dans la quasi-totalité des cas, le délai de jugement à quelques jours. Il
existe encore des perspectives d'optimisation des poursuites et le dialogue entre le procureur et les
administrations est important en ce qui concerne notamment l'administration de la preuve, essentiellement
lorsque la saisie de stupéfiants est physiquement difficile à réaliser ou lorsque l'on « tombe » sur des produits
liés18. Enfin, les condamnations prononcées à Fort de France (entre 5 et 8 ans de détention) sont généralement
plus lourdes que celles infligées par d’autres juridictions.

14
Autorisation de l'Etat du pavillon qui est un élément fondamental de la police en haute mer comme l’a rappelé la Cour
permanente d'arbitrage (24/08/2015) dans l'affaire opposant les Pays-Bas à la Russie à la suite de l'arraisonnement par la marine russe
d'un navire de Greenpeace.
15
Ordonnance n° 2015-1534 du 26 novembre 2015 prise en application de l'article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015
et portant diverses dispositions concernant la défense, les anciens combattants et l'action de l'Etat en mer
16
De manière simplifiée, il s'agit de « confisquer en les détruisant » les produits stupéfiants tout en laissant le navire
reprendre librement le cours de sa navigation ou, dans une version un peu plus complexe, de faire assurer les poursuites pénales
par un Etat tiers.
17
En liaison étroite si ce n'est sous le contrôle du procureur de la République
18
Produits précurseurs ou même des devises
Sur le plan des opérations, s'agissant des go-fast, il
convient de souligner que la France, grâce au très grand
professionnalisme des tireurs d'élite des commandos
marine et des équipages d'hélicoptères de
l'aéronautique navale, et en appliquant des procédures
validées au plus haut sommet de l'Etat qui permettent de
faire usage de la force allant jusqu'au tir au but tendant à
détruire les appareils propulsifs, est une des rares
nations avec les États-Unis à obtenir des résultats aussi
importants et décisifs. Les modalités de réalisation de
ces tirs au but ont été étudiées dans le chapitre
relatif à la coercition en mer. Le processus de tir au but réalisé par un tireur d’élité embarqué dans un aéronef de
la marine (dont le commandant de bord est un agent habilité au sens de l’article L.1521-1 du code de la défense
mais aussi de l’article 4 de la loi du 15 juillet 1994) obéit strictement aux règles édictées par les articles R.1521 et
suivants du code de la défense en déclinant les sommations et les tirs d’avertissement et avec l’autorisation du
Premier ministre endossée par le délégué du Gouvernement pour l’action de l’Etat en mer.

La coopération internationale

Mais bien évidemment, l'efficacité de la lutte repose sur une mobilisation forte et constante de tous les Etats. Au-
delà des modalités d'intervention déjà évoquées par exemple au titre de l'accord de San José, celles-ci ne
peuvent pas s'envisager sans un échange de renseignements performant. C'est la raison pour laquelle la
coopération internationale en matière de renseignement est très active, notamment grâce à la JIATF-S ou au
MAOC-N de Lisbonne et au réseau d’officiers de liaison et de coopération..

Pour les interceptions, le caractère juridique des opérations de lutte contre le trafic de stupéfiants en fait des
opérations de police. Ce qui, en ce qui concerne l'emploi des moyens des marines militaires tend parfois à
restreindre les possibilités de coopération. En effet, les commandants de navires de guerre des autres nations ne
disposent pas, contrairement aux commandants des navires de la marine nationale, de prérogatives de police
administrative, voire de police judiciaire19. Ce qui leur impose d'embarquer systématiquement un détachement
d'agents habilités20 comme le fait par exemple l’US Coast Guard pour les bâtiments de l’US Navy. Or, dans la
mesure où ces opérations de police ont pour finalité, outre la saisie de stupéfiants, de punir pénalement les
trafiquants il importe d'être vigilant sur la nature des habilitations judiciaires des agents et la recevabilité de leurs
procès-verbaux devant les différentes juridictions nationales. C'est une des voies d'amélioration de la coopération
internationale.

La lutte contre le trafic de stupéfiants par voie maritime est une guerre permanente qui impose aux marins de
s'adapter et d'anticiper les innovations et l'imagination des trafiquants. Elle est l'un des éléments d'une lutte plus
globale contre une menace sécuritaire majeure. En menaçant les flux les marines perturbent les narcotrafiquants
et les rendent plus vulnérables. Mais, on le sait et on le constate régulièrement, la capacité d’imagination des
narcotrafiquants est constante et majeure.

19
La question de la nature des attributions confiées notamment aux commandants des navires de l'Etat par la loi du 15 juillet
1994 est contournée par les parquets qui considèrent que les actes de police relèvent de la police administrative
20
Ou LEDETs pour Law Enforcement detachements
Enfin, d’un point de vue juridique, et pour approfondir ce domaine, la lecture de l’avis n° 389467 du 8 janvier
2015 du Conseil d’Etat est intéressante pour appréhender les difficultés auxquelles se trouvent confrontées les
autorités administratives et judiciaires.

Liens et références

Loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte
contre certaines infractions relevant de conventions internationales

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000713756&fastPos=1&fastRe
qId=1916500542&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte

Décret n° 2019-415 du 7 mai 2019 pris pour l'application de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l'exercice
par l'Etat de ses pouvoirs de police en mer pour la lutte contre certaines infractions relevant de conventions
internationales

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=50B1707EC96D7DBCE58D20C33FDB33D5.t
plgfr44s_2?cidTexte=JORFTEXT000038449448&dateTexte=20190508

Plan national de lutte contre la drogue

https://www.interieur.gouv.fr/content/download/118715/951835/file/dossier-de-presse%20- plan%20national
%20de%20lutte%20contre%20les%20stup%C3%A9fiants-17%20septembre2019.pdf

Le cadre juridique international de la lutte contre le trafic maritime de stupéfiants Valérie

Boré Eveno

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01525041/document

Les Conventions internationales relatives au contrôle des drogues ONUDC

https://www.unodc.org/documents/commissions/CND/Int_Drug_Control_Conventions/Ebook/The_I
nternational_Drug_Control_Conventions_F.pdf

Saisie de stupéfiants en haute mer / Jurisprudence

Actualité Dalloz

https://www.dalloz-actualite.fr/flash/saisie-de-stupefiants-en-haute-mer-precisions-sur-une- procedure-
particuliere#.Xog_bogzaUk
https://www.dalloz-actualite.fr/flash/trafic-de-stupefiants-en-haute-mer-visite-du-navire-et- competence-
de-loi-francaise#.Y--D4XbMJD8

https://www.dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-actualite.fr/files/resources/2019/12/18-82.324.pdf

L’intervention de l’État en mer dans la lutte contre le narcotrafic Xavier DE

BONNAVENTURE

http://www.lexoi.fr/docannexe/file/7760/18_l_intervention_de_l_etat_en_mer_de_bonnaventure.p df
CHAPITRE 12

LA PRßvEnTIOn DES POLLUTIOnS

Avant-propos

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer n'a pas été le premier instrument juridique international
relatif à la pollution ou à la préservation du milieu marin. Déjà la convention de Londres du 12 mai 1954 pour la
prévention de la pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures, la convention de Bruxelles de 1969 sur
l'intervention en haute mer en cas d'accident pouvant entraîner une pollution ou encore l'accord de Bonn de 1969
sur la coopération en matière de lutte contre la pollution des eaux de la mer du Nord, pour n'en citer que quelque
unes, avaient établi un canevas de règles, de droits et de procédures. Mais si elle n'a pas été le premier, elle a
néanmoins été profondément novatrice en rassemblant et synthétisant un ensemble dispersé dont l'objet n'était
plus simplement d'accorder ou de reconnaître des droits aux Etats mais surtout de leur rappeler leurs devoirs.

C'est ainsi que l'article 192 de la Convention énonce que les Etats, sans distinguer qu'ils soient côtier, sans
littoral, du pavillon ou du port ont l'obligation de protéger et de préserver le milieu marin. Responsabilité majeure
qui n'est atténuée en rien par la reconnaissance, reprise de la convention de Genève de 1958, de leur droit
souverain d'exploiter leurs ressources naturelles de l'article 193 et que l'article 194, notamment, vient
concrètement expliciter.

Bien évidemment, des devoirs sans droits seraient immanquablement voués à l'échec, droits que la Convention
vient pour certains réaffirmer et, pour d'autres, établir.

C'est ainsi que la Convention, dans une permanente quête d'équilibre entre les droits de l'Etat côtier et ceux de
l'Etat du pavillon, a conforté le droit d'agir au-delà de la mer territoriale que ce soit pour prévenir ou lutter contre
une pollution ou en réprimer les auteurs.
Depuis l'accident du Torrey Canyon en 1967 en passant par celui de l'Amoco Cadiz, de l'Exxon Valdez, de l'Erika
et du Prestige, le droit a considérablement évolué afin de permettre de mieux prévenir ces catastrophes et les
Etats se sont dotés de moyens pour cela. C'est ce que nous verrons au travers de la pratique quotidienne de
l'article 221 de la Convention par les préfets maritimes.

Mais le quotidien n'est pas fait que de catastrophes, fort heureusement, il est aussi rempli de petits actes ou de
petits faits, qui individuellement pourraient paraître insignifiants mais qui, additionnés, ont des effets plus forts et
pervers que les pollutions des catastrophes. La Convention, en son article 220, a précisé les pouvoirs de l'Etat
côtier lorsque ce dernier a de sérieuses raisons de penser qu'un navire a commis une infraction aux règles
relatives à la prévention de la pollution dans sa mer territoriale ou sa zone économique exclusive. C'est cette
capacité à réprimer les infractions commises en mer par les navires dont les Tribunaux français font
régulièrement l'illustration depuis l'arrêt Traquair de la Cour d'appel de Rennes en 1996 que nous examinerons.

Mais, par une coïncidence qui n'est pas aussi curieuse que cela, et dans le droit fil de l'équilibre constant de la
Convention entre les droits des Etats côtier et du pavillon, la sévérité des juridictions françaises est venue
rappeler à certains armateurs lourdement sanctionnés l'existence de l'article 228 qui permet à l'Etat du pavillon
de juger des infractions commises en zone économique exclusive. Alors que nous connaissions déjà les
pavillons de complaisance, les sociétés de classification de complaisance, les certificats d'assurances de
complaisance, nombreux sont ceux qui à la suite de deux arrêts de la Cour de cassation de mai 2009 n'ont pas
hésité à évoquer les juridictions et les condamnations de complaisance. Le requin étant dans le vivier, l'Etat
français s'est organisé pour la mise en œuvre de cet article méconnu dont il fut pourtant en 1973 l'un des
inspirateurs et sans aucun doute l'un des premiers à le mettre en œuvre. C'est un savant et subtil mélange entre
le droit et les relations diplomatiques qui mérite un développement particulier l.

Enfin, pour préserver un milieu aussi fragile que les espaces marins, la Convention ne laisse pas les Etats seuls
face à leurs droits et leurs devoirs. Reprenant une pratique déjà engagée par certains Etats elle les encourage à
développer au plan mondial et régional la coopération. C’est notamment ce qui existe en Méditerranée entre la
France, l’Italie et Monaco par le biais de l’accord RAMOGE. Mais pour pouvoir être efficace sur le plan
international, encore faut-il disposer de la capacité de réagir face à une atteinte environnementale. C’est tout
l’enjeu du dispositif ORSEC.
-

J’ai écrit dans des chapitres précédents que ni l’accident du Torrey Canyon en 1967, ni celui de l’Amoco Cadiz en
1978 ou ceux de l’Erika et du Prestige en 1999 et 2002 ne devaient être considérés comme étant à l’origine de
l’organisation de l’action de l’Etat en mer. C’est souvent ce qui est écrit mais, nous l’avons vu, les réflexions et les
besoins d’optimisation des dispositifs à chacune des époques étaient déjà bien entamés et exprimés.

En revanche, ce qui est absolument indéniable c’est que ces quatre accidents ont servi à la fois de
démonstrateurs et de catalyseurs. Ils ont mis en évidence l’impérieuse nécessité d’adapter l’organisation de l’Etat
pour faire face aux risques et menaces. Si le sauvetage en mer constitue la pierre angulaire de l’action de l’Etat
en mer moderne en étant, depuis le début du 20 ème siècle, la mission prioritaire entre toutes, la prévention (et la
lutte) contre les pollutions est celle qui a permis de conforter les choix adoptés et qui a assuré la place
prépondérante de la marine nationale dans le dispositif, bien avant que la police des pêches, et non la
surveillance ou l’assistance aux pêches, ne viennent à la fin des années 80 imposer une adaptation juridique
nationale de l’ordre international.

Le Torrey Canyon, en s’échouant sur les récifs des îles Scilly le 18 mars 1967, a fait prendre conscience au
monde du danger que représentaient les pétroliers, de plus en plus gigantesques, pour l’environnement marin .
Dans un monde maritime alors de plus en plus « dérégulé », cette première grande « marée noire » peut être
considérée comme l’événement fondateur de la mise en place d’un dispositif juridique et normatif de prévention
et de répression des pollutions marines. Il faut en effet se souvenir que la pollution du Torrey Canyon est
survenue à la suite d’un naufrage, qui a eu lieu certes sur des récifs mais au large des côtes britanniques, et en
tout cas en dehors de la mer territoriale qui était alors fixée de manière coutumière à 3 milles marins. Ce qui, en
plus de la question générale du besoin de renforcer la sécurité maritime, ne manquât pas de soulever le
problème de la légitimité d’un Etat côtier à intervenir en haute (c’est-à-dire à un peu plus de 3 milles marins) sur
un navire menaçant de polluer ses côtes. Les autorités britanniques, contraintes en désespoir de cause de
bombarder le navire échoué pour espérer en faire brûler la cargaison (ce qui au passage aujourd’hui est
considéré comme un remède bien pire que le mal, ce qui sera malheureusement confirmé lors de l’accident du
Haven devant le port de Gênes), se sont tout de même interrogées sur leur légitimité à intervenir sur un navire en
haute mer. Même si l’on pouvait invoquer l’état d’impérieuse nécessité ou d’autoprotection, les britanniques, très
attachés aux fondamentaux de la liberté des mers et à son corolaire que constitue l’exclusivité de la loi du
pavillon, et la France qui avait été la principale victime de la pollution, ont saisi l’organisation maritime
consultative intergouvernementale (OMCI) (avant
qu’elle ne devienne l’organisation maritime internationale (OMI) de la question des prérogatives dont pouvait
disposer un Etat côtier. C’est ainsi que les 48 Etats qui participèrent aux négociations de la conférence,
s’appuyant sur une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies du 21 décembre 1968 (2467),
adoptèrent le 29 novembre 1969 la convention de Bruxelles relative à l’intervention en haute mer en cas
d’accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures 21. Convention de Bruxelles de
1969 qui fera l’objet d’un protocole en 1973 pour ajouter les substances dangereuses mais qui sera surtout le «
galop » d’essai de l’article 221 de la convention de Montego bay.

En parallèle, les Etats engagèrent des réflexions pour améliorer la sécurité maritime, notamment la sécurité de la
navigation, en imposant des routes obligatoires pour les pétroliers (ce qui est à l’origine des dispositifs de
séparation de trafic (DST) instaurés en haute mer dans les secteurs maritimes réputés dangereux), mais aussi en
matière de formalisation de l’indemnisation des préjudices causés par les pollutions maritimes. Ils n’oublièrent
pas d’inclure dans cet élan normatif la réflexion sur les sanctions à infliger à ceux qui, de manière volontaire,
polluaient les espaces maritimes en rejetant des
« déchets » d’exploitation du navire. En effet, sur ce dernier point, et qui aujourd’hui encore fait partie du langage
courant, la répression des rejets des navires qui engendrent individuellement des pollutions de faible ampleur
mais aux effets cumulatifs conséquents, l’expression consacrée est toujours celle des dégazages alors même
que les pétroliers depuis fort longtemps ne rejettent plus à la mer les résidus de lavage des citernes et que les
hydrocarbures qui constituent ces rejets sont des résidus de fonds de cale ou les « boues » de décantation des
combustibles de navigation.

De ce constat initial et des quatre directions données je dirais, de manière un peu exagérée et discourtoise, que
l’on est parvenu à une véritable frénésie de la norme, notamment sous l’égide de l’OMI, en disposant d’un
ensemble de normes
éminemment techniques et
complexes compilées au
travers des conventions
MARPOL, SOLAS, STCW,
pour ne citer que celles-ci, et
de structures, avec par
exemple la création du FIPOL
(Fonds
d’indemnisation des
pollutions).

Je ne développerai pas
davantage ces aspects pour
me concentrer sur les
adaptations et les
conséquences en matière
d’action de l’Etat en mer, au travers des deux thèmes principaux, la prévention et l’intervention en
haute mer, et la répression des rejets illicites.

Néanmoins, avant de rentrer dans le « vif » du sujet, je ferai un petit focus sur l’évolution des pollutions
marines. On peut « critiquer » l’inflation normative, il n’en demeure pas moins que depuis les accidents

21
Si la convention a été signée le 21 novembre 1969, on pourra s’étonner, comme le sénateur Victor Golvan qui était le
rapporteur du projet de loi de ratification, que le Gouvernement français, qui était un des grands responsables de
l'élaboration et de l'adoption de la convention, qui reprenait une bonne partie de ses projets initiaux, ait attendu près de deux
ans pour en demander la ratification au Parlement (loi n° 71-1002 du 16 décembre 1971).
majeurs cités, la sécurité maritime s’est considérablement renforcée et améliorée. Si, malheureusement, des
accidents sont toujours possibles (comme en témoignent la collision en 2018 du Virginia et de l’Ulysse au large
de la Corse ou encore l’échouement du Rhodanus en Corse l’automne dernier), les pollutions maritimes sont
beaucoup moins nombreuses.

Evolutions des pollutions accidentelles


L’illustration du TOP et de la carte montre que l’Europe a été particulièrement affectée par les accidents ayant
entraîné des pollutions et la carte ci-dessous illustre le fait qu’en Europe, la France, et tout particulièrement la
Bretagne, du fait de sa position géographique, en a été la principale victime.
Ce qui explique la sensibilité particulière des pouvoirs publics français et le fait que l’AEM soit
largement marquée par cette thématique.

So

Evolution des déversements de pétrole en mer de 1970 à 2022


Evolution comparée des déversements et des quantités transportées
• L’action de l’Etat en mer et la prévention des pollutions

Le meilleur moyen de lutter contre une pollution, c’est d’éviter qu’elle ne survienne. Car, même si les techniques
se sont améliorées, il faut tout de même considérer que depuis le Torrey Canyon et l’Amoco Cadiz nous n’avons
plus de cuillères à café pour « ramasser » le pétrole mais des cuillères à soupe…..parfois une petite louche si
l’état de la mer le permet.

C’est sur ce raisonnement que l’Etat français a fondé son approche et en s’appuyant sur son organisation de
l’action de l’Etat en mer. On avait déjà vu que dès 1967 la marine nationale s’était vue confier la responsabilité de
la lutte en mer contre une pollution, dès lors qu’il fallait mettre en œuvre des moyens hauturiers. Constat erroné
d’une certaine manière car, comme le démontrait la majorité des pollutions, notamment l’Amoco Cadiz, une fois
que le navire est échoué il n’y a plus grand-chose à faire en mer puisque le pétrole se dépose sur le littoral. Le
décret du 9 mars 1978, en créant l’AEM
« moderne », a fait du préfet maritime le représentant de l’Etat en mer et lui a confié la responsabilité de la
préservation de l’ordre public dans lequel on trouve la protection de la salubrité et de l’environnement.

Nous avons vu également qu’au lendemain de l’accident du Torrey Canyon un processus conventionnel s’est mis
en « marche », aboutissant globalement avec l’adoption de la CNUDM en 1982.

Il y a donc eu entre 1967 et 1982 une évolution à la fois des normes internationales et une adaptation
de l’organisation administrative et juridique française.

o L’évolution des normes internationales

Dans un contexte international, engagé depuis longtemps dans un processus de « basculement » du droit de la
mer d’un droit coutumier vers un droit conventionnel, la convention adoptée en 1969 à Bruxelles sur le droit
d’intervention de l’Etat côtier en haute mer est un révélateur. Au-delà des infractions de haute mer, au nombre
plus que restreint, la possibilité ouverte à un Etat d’intervenir en haute mer sur un navire qui ne battrait pas son
pavillon est symptomatique d’une évolution des mentalités. Toutefois, et afin d’éviter l’arbitraire d’une intervention
par un Etat un peu trop réactif, les négociateurs prennent soin d’assortir ce droit d’intervention d’un certain
nombre de conditions. Ainsi, l’Etat côtier a-t-il le droit d’agir en haute mer, qui en 1969 commence à 3,001 milles
marins, c’est-à- dire à portée de vue, pour prévenir, atténuer ou éliminer des dangers graves et imminents et en
appliquant des mesures d’intervention qui doivent être proportionnées aux dommages subis ou dont ils sont
menacés. Inutile de développer les débats sur la gravité et l’imminence du danger……ils ont été nombreux et
pour ainsi dire stériles, certains ayant même décliner la racine latine de l’imminence pour indiquer qu’il ne
s’agissait pas d’une notion temporelle (dans peu de temps) mais d’intensité (menace importante). Ce débat sur la
gravité et l’imminence du danger s’est poursuivi très longtemps en France malgré le fait que l’article 221 de la
CNUDM tout en confirmant le droit d’intervenir en haute mer, commençant en outre plus loin, ne retenait plus
l’imminence et la gravité. C’était oublier que si la France avait ratifié la convention de Bruxelles en 1971, elle ne
l’a fait qu’en 1995 pour la CNUDM, et que la conjonction des deux textes a été délicate à réaliser même si la
France avait déjà largement anticipé l’application « coutumière » des futures dispositions de la CNUDM……

Même si on peut considérer que la CNUDM suffit à légitimer le droit d’un Etat côtier à intervenir en haute mer
pour se prémunir des conséquences d’une pollution, celui-ci a été rappelé par la convention sur l’assistance
maritime du 28 avril 1989 qui reconnaît le droit à l’assistance forcée (vieux souvenir de l’Amoco Cadiz). L’Union
européenne elle-même, dans sa frénésie normative, a repris cette disposition
par sa Directive 2002/59 CE du 27 juin 2002 relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du
trafic des navires et d'information en mentionnant le droit de mettre en demeure le capitaine d’un navire de faire
cesser un danger…… grave et imminent. Les rédacteurs de la directive n’ayant sans doute pas fait une lecture
attentive de l’évolution des textes internationaux.

o L’adaptation du droit français

La convention de Bruxelles de 1969 n’a été ratifiée par la France, comme je l’ai déjà écrit, qu’en fin 1971 et, pour
ainsi dire même mieux, il a fallu attendre 5 années supplémentaires pour qu’elle soit
« transposée » par la loi 76-599 du 7 juillet 1976. « Transposition » importante et essentielle qui constitue la seule
manière de « passer » d’une prescription générale à une déclinaison interne juridiquement valide. Ainsi, la loi du
7 juillet 1976 prévoit que « le propriétaire d’un navire, aéronef, engin ou plate-forme »… « peut être mis en
demeure de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à ces dangers et, dans les cas où cette mise
en demeure reste sans effet ou n’a pas produit les effets attendus dans les délais impartis, ou d’office en cas
d’urgence, l’Etat peut faire exécuter les mesures nécessaires aux frais du propriétaire ou en recouvrer le montant
du coût auprès de ce dernier ».

De sorte qu’objectivement, lors de l’évènement de l’Amoco Cadiz en mars 1978, la capitaine et/ou l’armateur du
pétrolier aurait pu être mis en demeure de prendre toutes les mesures de nature à éviter un danger. Dans les
faits, si la loi était bien en vigueur, il n’y avait aucune autorité investie ou désignée pour agir au nom de l’Etat à
l’égard du navire, si ce n’est indirectement depuis 10 jours le préfet maritime créé par le décret du 9 mars. Mais
dans un débat de juristes, une autorité de police administrative générale pouvait-elle d’initiative prendre une
mesure relevant d’une police administrative spéciale ? Il faudra attendre le décret n°86-38 du 7 janvier 1986
relatif aux mesures de police maritime à l’égard des navires, aéronefs, engins ou plateformes pouvant causer une
pollution marine accidentelle pour qu’enfin le préfet maritime soit désigné comme étant l’autorité compétente pour
adresser la mise en demeure, lorsque le navire, aéronef, engin ou plateforme en état d’avarie ou accidenté se
trouve en mer

Ces dispositions, la loi du 7 juillet 1976 et le décret du 7 janvier 1986, sont désormais codifiées dans le Code de
l’environnement (à l’article L218-72 et à l’article R218-6)

Enfin, j’ajouterai un élément important dans l’appréhension du risque et de la menace de pollution. Comme cela
é été mentionné, la convention de Bruxelles de 1969 concernait initialement les risques par les hydrocarbures. Il
a fallu un protocole de 1973 pour l’étendre aux autres substances dangereuses. En parallèle, les conventions
MARPOL et SOLAS ont listé dans leurs annexes les substances polluantes et toxiques pour l’environnement,
qu’elles soient transportées en citerne, en colis ou en vrac. Longtemps il y a eu une focalisation sur le produit en
lui-même, or les évolutions des modes de transport maritime, notamment la conteneurisation, ont entraîné une
évolution des risques. Ainsi, un conteneur ou un colis tombé à la mer, sans être rempli de produits dangereux ou
polluants, devient un danger pour la navigation et les autres navires et, par voie de conséquence, une cause
potentielle d’accident et de pollution. C’est la raison pour laquelle une modification importante a été apportée en
2011 à l’article L218-72 en étendant la possibilité de mise en demeure du propriétaire ou de l’armateur d’un
navire « dans le cas de la perte d'éléments de la cargaison d'un navire, transportée en conteneurs, en colis, en
citernes ou en vrac, susceptibles de créer un danger grave, direct ou indirect, pour l'environnement » (la
modification a été apportée à la suite de jurisprudence divergente entre les juridictions administratives et
judiciaires sur des contentieux de recouvrement des dépenses engagées par l’Etat pour récupérer des
conteneurs perdus en mer et pour assurer la surveillance et la
reconnaissance des sites de l’accident). Le dispositif vient même d’être confirmé plus que renforcé avec la
publication de l'ordonnance n° 2021-266 du 10 mars 2021 portant application de la convention conclue à Nairobi
sur l'enlèvement des épaves qui est venu compléter l’article L.218-72. En effet, La convention de Nairobi prévoit
que le propriétaire d'un navire a la responsabilité objective de mettre fin au danger pour la navigation ou
l'environnement que représente ce navire s'il est en difficulté ou devient une épave. Cette responsabilité objective
s'applique aussi aux cargaisons perdues depuis un navire. Le propriétaire est tenu de s'assurer contre les risques
afférents à cette responsabilité. L'autorité compétente (préfet maritime ou DDG AEM) peut adresser au
propriétaire des mises en demeure d'agir pour mettre fin au danger et, en cas de nécessité, intervenir d'office à
ses frais et risques. Par ailleurs, l'autorité compétente peut exercer un recours direct contre l'assureur afin qu'il
soit procédé au remboursement des frais qu'elle aura pu engager. Cette convention consolide ainsi la juridiction
exercée par l'Etat côtier dans sa zone économique exclusive à l'égard des navires présentant un danger pour ses
intérêts. On peut une nouvelle fois regretter le recours à une ordonnance pour modifier le dispositif législatif.
Outre le fait que l’on peut difficilement invoquer l’urgence pour introduire dans le droit français les dispositions
d’une convention signée en 2007 et ratifiée en 2016 et alors même qu’il n’y avait pas véritablement de « vide »
juridique dans ce domaine, comme l’illustre le fait qu’il a fallu distinguer en conséquence dans le code des
transports deux régimes d’épaves différents selon qu’elles se trouvent désormais dans ou au-delà de la mer
territoriale, cela prive, comme pour l’ordonnance relative aux espaces maritimes, de la présentation d’un véritable
argumentaire juridique.

Néanmoins, aujourd’hui, le droit, international et national, et l’organisation administrative française permettent une
application concrète des mesures d’intervention et de prévention. C’est sans aucun doute possible cette
application concrète, régulière et récurrente qui a crédibilisé depuis 1978 l’organisation et le dispositif de l’action
de l’Etat en mer. C’est parce que des dizaines d’accidents et d’échouements, donc autant de pollutions qui ont
été évitées, que le préfet maritime est légitime et a été conforté dans ses responsabilités. Sans le pouvoir de
mise en demeure et sans son utilisation régulière, le préfet maritime ne serait sans doute pas ce qu’il est
aujourd’hui. Néanmoins, un pouvoir n’est rien sans la force, comme l’écrivait Richelieu, « les vrais titres de la
domination sont la force et non la raison ». C’est cette force que nous allons étudier dans ce dernier paragraphe.

o L’alliance du droit et de la force

« Mieux vaut prévenir que guérir », surtout si les moyens que l’on peut consacrer aux soins sont d’une efficacité
relative et souvent contraints par les aléas météorologiques. Car, il ne faut pas s’y tromper les plus grandes
catastrophes maritimes environnementales se sont quasiment toujours produites par très mauvais temps (sauf
l’accident de l’Ulysse et du Virginia et du Costa Concordia mais là le facteur humain est tellement prépondérant
que l’on n’a toujours pas trouvé le remède contre la bêtise humaine). Or, par mauvais temps, vous ne pouvez pas
déployer de barrages, ni utiliser de navires récupérateurs, il ne reste que le mouvement de la mer pour brasser et
faciliter la dispersion et l’évaporation des produits hydrocarbures, sous réserve qu’ils ne soient pas aussi
visqueux et compacts que ceux rencontrés lors des accidents de l’Erika et du Prestige. Par conséquent le
meilleur investissement se situe dans la possession de moyens de prévention, c’est-à-dire de moyens capables
d’intervenir sur un navire en difficulté.

De ce point de vue, la typologie des accidents et des avaries est assez bien connue et l’hypothèse la plus
probable d’un évènement à venir est celle d’une avarie affectant soit la propulsion soit l’appareil à gouverner du
navire. Pour autant, il faut également envisager le risque d’un incendie, d’une voie d’eau ou d’une collision
susceptible de porter atteinte à l’intégrité du navire. Dans une telle
configuration nous avons vu que le préfet maritime peut mettre en demeure le propriétaire, l’armateur ou
l’exploitant du navire de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au danger. Mise en demeure
qui , pour être crédible doit être assortie d’un délai au-delà duquel le préfet maritime sera en droit de prendre, aux
frais et risques de l’ayant cause, toutes les mesures qu’il estimera indispensables. Il y a donc plusieurs
paramètres qui interviennent dans la mise en œuvre des actions de prévention.

Il y a celui du délai qui est concédé au navire pour les réaliser et avoir un effet positif sur le risque. Cela signifie
que le navire, dans le délai imparti, est libre de recourir à tout prestataire qu’il jugera opportun et notamment, le
plus souvent, de pouvoir contracter avec une société de remorquage (selon des modèles de contrat préétabli par
le Lloyd’s et notamment les contrats Lloyd’s open form, adaptation des « vieux » contrats d’assistance plus
connus sous l’appellation « no cure, no pay » et qui ont été trop souvent une des raisons des retards dans la
passation de remorque salvatrice, comme dans le cas de l’Amoco Cadiz, car le contrat devient une vraie partie
de poker….sachant que l’assistant est rémunéré sur la valeur du navire sauvé et de sa cargaison…..).

Il y a également le paramètre de l’appréciation de la situation qui repose, au départ, sur un échange verbal et une
description de la situation par le capitaine du navire en difficulté. Ce qui signifie qu’il y a une sorte de relation de
confiance et de sincérité qui doit s’établir, or la confiance ne se décrète pas, elle se gagne et se vérifie. Ce qui est
un point essentiel.

Et c’est bien là, dans la capacité à apprécier la situation, dans l’aptitude à contrôler la pertinence d’une solution
annoncée ou à suppléer les carences du capitaine et de l’armateur du navire que le préfet maritime et sa mise en
demeure vont être crédibles. Dans toutes ces configurations, il est important pour l’Etat côtier de disposer, en
propre, des capacités d’intervention pour y faire face et remédier, le cas échéant à la situation. C’est une
condition impérative qui n’est que la concrétisation de la formule de Richelieu. C’est bien en cela que le dispositif
français est performant.

▪ Des capacités d’intervention

Le dispositif est crédible car le préfet maritime dispose de tous les moyens des administrations pour
pouvoir agir dans le cas d’une menace de pollution.

Pour l’échange avec le navire, dès la phase initiale d’alerte, le préfet maritime s’appuie sur le CROSS, centre
régional de recherches, de surveillance et de sauvetage des affaires maritimes (CROSS) que nous avons étudié
dans le chapitre sauvetage, dans son attribution de service d’assistance maritime. Le CROSS dispose d’un accès
à toutes les bases de données pertinentes sur la situation des navires, connaît la situation sur la zone de danger
et peut apprécier l’attitude du navire au travers de leurs échanges radio ou téléphoniques.
marine spécialistes, des officiers de port ou des
pilotes de port ou de personnes qualifiées. Equipe
d’évaluation qui pourra être transportée sur le navire
par un hélicoptère de la marine, des douanes ou de
la gendarmerie, voire de la

sécurité civile.
Si le préfet maritime, conseillé par le CROSS, a un
doute sur la capacité du navire à faire face par ses
propres moyens à une avarie ou pour recouvrer son
autonomie, le préfet maritime sait pouvoir disposer
d’une équipe d’évaluation composée d’agents des
centres de sécurité des navires des affaires
maritimes, d’officiers et d’officiers mariniers de la
Enfin, le préfet maritime sait pouvoir disposer d’un moyen
que la marine, depuis 1979, affrète et met à sa disposition
24h/24 et 365j/365 , en alerte permanente à 6 heures et
en mer dès que les conditions météorologiques se
dégradent pour être au plus proche des secteurs
dangereux. Ainsi les préfets maritimes peuvent faire agir
des remorqueurs d’intervention disponible à Brest,
Cherbourg, Toulon et Boulogne pour assister « de force »
des navires en difficultés.

C’est bien parce qu’il peut mettre en œuvre, de


manière progressive ou d’emblée, des moyens d’évaluation et d’intervention que la mise en demeure du préfet
maritime est crédible. Sinon, elle ne serait qu’une injonction de faire quelque chose qui n’est pas « possible ».
Elle est également crédible car elle n’est pas le fruit de l’arbitraire ou, comme on l’entend, parfois un « canon à
mise en demeure » dont le préfet maritime se sert sans discernement. La mise en demeure est un acte juridique
qui obéit à un certain formalisme sur le fondement de critères objectifs et vérifiables.

▪ La mise en demeure, acte juridique

La mise en demeure prévue par l’article L.218-72 du code de l’environnement est un acte qui répond à des
critères que l’on peut objectiver et qui ne relève pas que de la seule « intime conviction » ou du sens marin même
si ce sont, in fine des éléments qui peuvent peser sur la décision.

Afin d’envisager la conduite à tenir à l’égard d’un navire en difficulté ou présentant une menace pour
l’environnement marin et le littoral, il doit être réalisé une analyse de risques qui va prendre en compte les
éléments suivants :

- le type de navire (pétrolier, porte-conteneurs, cargo, rouliers, ferry,…..)


- sa taille
- son tirant d’eau et son tirant d’air
- la nature de sa cargaison,
- la nature de l’évènement qui l’affecte ( voie, d’eau, incendie, panne moteur, perte de gouvernail,
désarrimage de cargaison, fissures et fragilisation de la coque, collision, perte de cargaison à la mer ou
risque de perte, fuite de produit toxique, ….sans que la liste puisse être exhaustive)
- la capacité du navire à réparer seul
- la durée prévisible des réparations
- les conditions météorologiques, bathymétriques et océanographiques, présentes et à venir
- force et direction du vent
- coefficients de marée
- état de la mer (houle)
- courants marins (force et sens)
- la localisation de l’évènement
- éloignement des côtes
- proximité d’un rail de navigation
- densité du trafic
- présence sur zone de navires d’assistance, publics ou privés,
- délais de ralliement du port le plus proche
- la sensibilité environnementale de la zone
- les zones refuges possibles

mais aussi des éléments plus subjectifs comme ceux tenant à la connaissance de l’armateur, de l’état global de
sa flotte, des synthèses disponibles à partir des bases de données des contrôles de sécurité par les états du
ports (mémorandum de Paris notamment), de sa société de classification, de sa ou ses compagnies
d’assurances et P&I Club.

A ces critères viendront s’ajouter de manière déterminante le critère horaire et de visibilité. Il est en effet évident
que l’appréciation du risque et de l’urgence à agir, et donc d’accorder un certain délai au navire, ne sera pas
identique à 8 heures le matin et à 16 heures au mois de décembre. La perspective d’avoir à agir de nuit n’étant
jamais une hypothèse privilégiée.

C’est donc sur ces bases que le préfet maritime va décider du mode d’action qu’il retient.

Soit il va considérer que le danger est grave et imminent (au sens d’immédiat même si ce n’est plus un critère de
la CNUDM), auquel cas la mise en demeure prendra la forme d’une notification avec une action d’office des
moyens de l’Etat ou des moyens réquisitionnés par l’Etat, aux frais et risques de l’armateur.

Soit il va adresser une mise en demeure, assortie d’un délai pour agir et faire cesser le danger, à l’armateur qui
aura le libre choix des moyens de nature à répondre à cette mise en demeure. Etant entendu que le préfet
maritime se réserve le droit d’apprécier souverainement si les moyens engagés par l’armateur sont de nature à
satisfaire son exigence et de modifier son appréciation en fonction des évolutions constatées de la situation
matérielle du navire ou météorologique par exemple.

La mise en demeure, qui peut être notifiée par tout moyen, est donc un acte juridique important et, dans la
mesure où il va porter le plus souvent sur un navire étranger se trouvant en haute mer (en règle générale dans la
ZEE entre 50 et 12 milles marins des côtes) il est impératif d’assurer l’information de l’Etat du pavillon. Il
appartient donc au préfet maritime de donner au ministère des affaires étrangères tous les éléments pertinents
de nature à assurer une légitime et complète information de ce dernier. Il est important également que tous les
services de l’Etat qui pourraient être impliqués dans la gestion de l’évènement soient informés de l’envoi d’une
mise en demeure. En premier lieu le ou les préfets des départements littoraux qui pourraient être affectés,
notamment au titre du dispositif ORSEC POLMAR, le centre d’études et de recherches sur les pollutions
accidentelles des eaux (CEDRE), l’IFREMER, le SHOM, Météo France, le BEA Mer,….

Le dispositif préventif français reposant sur l’effectivité de la mise en demeure a fait ses preuves et l’action
combinée des remorqueurs d’intervention et des équipes d’évaluation /intervention a permis d’éviter de multiples
accidents. Il faut cependant se garder de considérer que la mise en demeure est une « arme » sans
conséquence. Ce n’est pas le cas et elle peut même être un superbe piège pour celui qui l’utiliserait à tort.

Le danger est moins dans les cas de mises en demeure exécutées à l’expiration du délai alors même que le
risque n’était pas avéré. Il n’y a jamais eu de contestation devant les tribunaux de mises en demeure « forcées »
et les armateurs et les assureurs ont toujours trouvé avec les représentants de la société d’assistance agissant
pour le compte de l’Etat les arrangements satisfaisants pour toutes les parties devant la chambre arbitrale du
Lloyd’s à Londres. (pour être tout à fait transparent, il convient de préciser que lorsqu’une assistance est réalisée
en application d’une mise en demeure, la société d’assistance et la marine nationale se partage en deux parts
égales la rémunération fixée par la
chambre arbitrale, déduction faite des frais engagés par chacune des deux parties pour réaliser
l’assistance)

Le véritable piège c’est lorsque l’évènement se produit ou lorsque l’accident est avéré sans qu’il y ait de pollution
ou que le risque de pollution n’est pas majeur. Le réflexe est d’adresser une mise en demeure alors même que
celui qui l’adresse sait qu’il n’a pas et n’aura pas les moyens d’agir si l’armateur est défaillant. La photo
d’ouverture du chapitre en constitue la parfaite illustration. Ce chimiquier s’était échoué sur Clipperton avec sa
cargaison de produits chimiques sans qu’il y ait eu de déversements de produits polluants. Une mise en demeure
avait été adressée à l’armateur assortie d’un délai pour faire cesser le danger alors même que le premier navire
français était à une semaine de navigation, que l’équipe d’évaluation était en métropole et que la marine en
Polynésie ne disposait d’aucun moyen d’intervention pour déséchouer un navire et transborder une cargaison. Si
le capitaine du navire n’avait pas été très sérieux dans la détermination de sa route de navigation entre le canal
de Panama et la Corée du sud et le choix de ses cartes, son armateur heureusement l’était davantage et a
entrepris une opération de renflouement que l’Etat n’aurait pas pu assurer dans les mêmes conditions si
l’armateur avait été défaillant. Néanmoins, de manière objective, la nature polluante de la cargaison aurait justifié
en tout état de cause une intervention de l’Etat pour en limiter les effets. La question se pose lorsqu’il n’y a pas
ou plus de produits polluants et que la mise en demeure n’a été suivi d’aucun effet ou que l’assureur a opposé
une limitation de garantie sur le financement des opérations.
CHAPITRE 13

LA RßPRESSIOn DES POLLUTIOnS VOLOnTAIRES

Avant-propos

Le sujet de la prévention, de la lutte et de la répression des pollutions maritimes est un sujet complexe
et aux multiples contours. Il est également très riche, trop même, au point qu’il pourrait à lui tout seul
« remplir » l’espace-temps consacré à l’action de l’Etat en mer. J’ai par conséquent été dans l’obligation de faire
des choix, ceux de privilégier certains aspects au détriment d’autres. Il m’a été facile d’envisager de ne pas traiter
la lutte contre la pollution, d’une part parce que celle-ci relève du dispositif ORSEC que nous avons abordé à
l’occasion du cours sur l’organisation de la défense et de la sécurité, même de manière sommaire, d’autre part
parce que la lutte en mer est trop dépendante des circonstances, des conditions météorologiques et de la nature
des produits polluants pour donner une réponse synthétique applicable à tous les cas de figure, il suffit pour s’en
convaincre d’avoir entre les mains les plus de 300 pages du plan ORSEC Polmar Mer Méditerranée.

J’ai aussi fait le choix de limiter l’étude de la répression des pollutions marines aux pollutions volontaires, ou
opérationnelles, sans aborder la répression des pollutions accidentelles. En effet, la seule étude de la
jurisprudence Erika nous aurait « emmené » très loin et sur des considérations dépassant très largement la seule
innovation de la reconnaissance de l’indemnisation du préjudice écologique. L’arrêt de la Cour de cassation n’est
en effet pas exempt de critiques sur le strict point de vue de l’application du droit tenant à la déclinaison des
normes internationales, et spécifiquement de MARPOL, et de l’état du droit national au moment de la survenance
de l’accident. Le long réquisitoire de M. Boccon-Gibod, avocat général, n’était sans doute pas médiatiquement et
écologiquement correct mais il avait le mérite d’être objectif sur la règle de droit. Les juges en ont décidé
autrement considérant que le plus important était ailleurs et qu’en dehors de la reconnaissance du préjudice
écologique et d’un
responsable, enjeux majeurs, cet arrêt ne pouvait en aucun cas faire jurisprudence sur les autres points dans la
mesure où toutes les autres normes avaient été soit modifiées, soit rectifiées.

Au final, n’aborder la répression des pollutions maritimes que par le prisme des rejets volontaires est un excellent
exercice de synthèse de l’action de l’Etat en mer, de l’articulation entre la police administrative, la police judiciaire
et les tribunaux mais également de l’application concrète des dispositions du droit international, non seulement
celui très technique de la convention MARPOL mais aussi, et surtout de la convention de Montego Bay et tout
particulièrement de son article 228.

Evoquer la répression des pollutions en mer c’est inévitablement penser aux dégazages des pétroliers et aux
innombrables petites boulettes noires et visqueuses qui jonchaient les plages et les grèves il y a de cela plusieurs
dizaines d’années. Fort heureusement, aujourd’hui, les boulettes se font plus rares, si ce n’est à l’occasion d’un
accident, sous l’effet conjugué du renforcement de la sécurité maritime (qui a entraîné une diminution
considérable des quantités d’hydrocarbures
déversées accidentellement en mer comme nous l’avons vu au chapitre précédent) et de la répression de plus en
plus sévère des rejets volontaires depuis le début des années 2000. Les deux phénomènes, qui n’ont pas les
mêmes causes, étaient cependant liés de manière étroite.

En effet, à une époque où les opérateurs terrestres et maritimes étaient nettement moins soucieux de la
préservation de l’environnement marin et où nombreux étaient ceux qui considéraient que la mer avait une
capacité d’absorption inépuisable, une « marée noire » était une excellente opportunité pour rejeter en mer tous
ses résidus de citernes, de cales et d’exploitation du navire. De sorte qu’il était la plupart du temps impossible de
discriminer l’origine réelle de la boulette sur les plages et, pendant longtemps, sur le littoral français, le Torrey
Canyon, l’Olympic Bravery, l’Amoco Cadiz et le Tanyo ont fait des coupables idéaux. Bien sûr ils avaient été
victimes de naufrage et avaient répandu leur cargaison de pétrole en mer mais cela constituait aussi une
excellente opportunité pour d’autres moins scrupuleux de déverser leurs résidus.

En effet, les nettoyages des cuves autrefois prenaient du temps à quai et les installations de récupération étaient
inexistantes, voire à un prix exorbitant. Il était donc plus commode et plus simple de rejeter en mer, au large
pendant le transit entre deux ports. Les pétroliers n’étaient pas les seuls concernés, tous les navires procédaient
à des rejets en mer, sans aucune exception. A cela la raison est très simple et bassement matérielle. Un moteur
ou des machines tournantes ne sont pas totalement étanches, il y a nécessairement des « fuites ». Avec le
moteur d’une automobile, l’huile ou la graisse tombe sur la chaussée, en quantité infime mais permanente. Sur
un navire, c’est absolument la même chose, à la différence près que le moteur, les machines tournantes et les
lignes d’arbre sont beaucoup plus imposants et que la chaussée s’appelle le fond de cale qui se remplit très vite
de ces résidus dont il faut bien se débarrasser. Sans oublier d’ajouter que les moteurs des navires ne
fonctionnent ni au super sans plomb ni au gas oil de véhicule et que le combustible de navigation était le plus
souvent un mazout ou une catégorie de fuel oil relativement épais et visqueux qu’il fallait décanter et qui laissait
subsister des quantités de boues inexploitables. La tentation était donc grande, pour des raisons essentiellement
économiques, de rejeter à la mer l’ensemble des résidus. Cela était d’autant plus tentant que l’on profitait souvent
de l’effet d’aubaine d’un accident précédent ayant entrainé un déversement important et connu d’hydrocarbures.

Effet d’aubaine car, contrairement à une idée répandue, les rejets volontaires d’hydrocarbures ont toujours été
encadrés et réglementés et, pas plus hier qu’aujourd’hui, ils ne sont interdits. C’est une vérité qu’il importe
d’affirmer car même si l’on évoque la répression des rejets volontaires, il est essentiel de préciser que les rejets
en mer ne sont pas tous interdits, qu’ils sont même possibles à la condition de respecter certaines normes et
obligations. C’est ce que nous allons étudier en présentant
les infractions, le cadre juridique, les opérations de constations des infractions, le cadre légal des
opérations, l’administration de la preuve et les juridictions.

• Les infractions et le cadre juridique

Les rejets illicites en mer constituent une infraction depuis très longtemps. Du moins dans le droit français, et
sans remonter pour le droit international l’historique de la convention MARPOL 22, il faut retenir que la première
inscription dans le droit français des dispositions réprimant les pollutions dans la mer territoriale française ( de 3
milles marins à l’époque) fut la loi n° 64-1331 du 26 décembre 1964 (qui visait la convention de 1954 mais avec
une portée limitée puisque la répression ne concernait que la mer territoriale). La première véritable évolution est
le fait de la convention de Londres du 3 novembre 1973 et de son protocole de 1978, formant ensemble la
convention MARPOL 73-78, qui est entrée en vigueur en 1982, et dont la transposition a été opérée par la loi n°
83-583 du 5 juillet 1983 réprimant la pollution des navires qui étend la répression des infractions aux navires
français et étrangers dans la zone économique exclusive.

Depuis cette date la convention et le droit français ont notablement évolué et, aujourd’hui, après avoir été
amendée à plusieurs reprises, la convention MARPOL comprend désormais 6 annexes, traitant des différents
rejets polluants pouvant provenir des navires :

- annexe I : hydrocarbures

- annexe II : substances liquides nocives transportées en vrac ;

- annexe III : substances nuisibles transportées en colis ;

- annexe IV : eaux usées ;

- annexe V : ordures ;

- annexe VI : rejets atmosphériques.

et établissant dans quelles conditions ils peuvent, ou non, être opérés en mer.

L’ensemble de ces prescriptions ont été reprises par le code de l’environnement (la loi de 1983 a été codifiée
après avoir été modifiée) et le cadre juridique est constitué par les articles L. 218-1 à L. 218- 31 et R. 218-1 et
218-2 du code de l’environnement qui se réfèrent aux règles de la convention MARPOL.

Les articles L. 218-11 à L. 218-19 du code de l’environnement répriment ainsi les rejets polluants
provenant des navires et qui enfreignent :

- les règles 15 et 34 de l’annexe I de la convention (rejet à la mer d’hydrocarbures venant de la


tranche machine d’un navire ou de la tranche cargaison d’un pétrolier) ;

- la règle 13 de l’annexe II (rejets de résidus de substances liquides nocives) ;

- la règle 7 de l’annexe III (rejets de substances nuisibles en colis) ;

- la règle 11 de l’annexe IV (rejet d’eaux usées) ;

- les règles 3, 4 et 5 de l’annexe V (évacuation d’ordures, dans et hors des zones spéciales) ;

22
Notamment de sa filiation avec la Convention OILPOL de 1954 (International Convention for the Prevention of
Pollution of the Sea by Oil) qui portait déjà mention des rejets
- les règles 12, 13,14,16 et 18 de l’annexe VI (rejet de substances appauvrissant la couche d’ozone,
d’oxydes d’azote (NOx), d’oxydes de soufre (SOx) et de particules, incinération à bord, qualité du fuel-
oil) ;

- le protocole I à la convention MARPOL concernant l’envoi de rapports sur les événements


entraînant ou pouvant entraîner le rejet de substances nuisibles ;

- l’article L. 218-2-I à IV du code de l’environnement, qui précise les prescriptions applicables aux rejets
de soufre dans l’atmosphère)

- et réprimeront, en application des dispositions de l’ordonnance n° 2021-267 du 10 mars 2021 et


lorsque les décrets portant publication de la résolution MEPC.264 (68) du 15 mai 2015 du Comité de
protection du milieu marin de l'Organisation maritime internationale, relative au Recueil international de
règles applicables aux navires exploités dans les eaux polaires et de la résolution MEPC.265 (68) du 15
mai 2015 du Comité de protection du milieu marin de l'Organisation maritime internationale, relative aux
amendements à l'annexe du protocole de 1978 relatif à la convention internationale de 1973 pour la
prévention de la pollution par les navires (MARPOL) visant à rendre obligatoire l'application des
dispositions du Recueil sur la navigation polaire relatives à l'environnement, auront été publiés les
infractions aux règles des textes précités.

Comme vous pouvez le constater, le droit international et le droit français ont largement dépassé le seul cas de la
pollution volontaire par rejet d’hydrocarbures et les incriminations concernent aujourd’hui toutes les substances
polluantes. Le législateur est même allé plus loin par la loi du 9 mars 2004 (conséquence de l’accident de l’Erika
et réponse anticipée à la jurisprudence impossible de l’arrêt) en définissant le délit de pollution involontaire en cas
d’accident qui jusqu’alors n’était punissable qu’en cas de négligence ou d’imprudence, d’inobservation des lois et
règlements ou de violation manifeste d’une obligation de sécurité ou de prudence (ce qui ne pouvait pas être
reproché au capitaine de l’Erika) et ayant entrainé un dommage irréversible ou d’une particulière gravité pour
l’environnement et par la loi du 1er août 2008.

Ainsi, les personnes susceptibles de poursuite sont, selon les infractions :

- le capitaine ou tout responsable à bord d’un navire, le propriétaire ou toute autre personne
ayant en charge le navire ;

- l’exploitant du navire, voire le dirigeant de fait si une personne morale est impliquée, toute
autre personne que le capitaine exerçant un pouvoir de contrôle et de direction ;

- le responsable des opérations d’une plate-forme .

Les infractions évoquées ci-dessus constituent des délits, qui peuvent – pour certains - être punis de peines
d’emprisonnement et d’amendes très élevées. Toutefois, dans le cas des rejets réalisés au-delà de la mer
territoriale, seules des peines d’amende peuvent être prononcées.

• Le champ d’application

Les dispositions relatives à la pollution par les rejets de navires sont applicables aux navires sous pavillon
français ou étranger naviguant dans les eaux sous souveraineté (eaux territoriales et eaux intérieures maritimes,
l’art. L. 218-16 du code de l’environnement précisant qu’à l’embouchure des cours d’eau ces dernières vont
jusqu’à la limite de la navigation maritime, soit la limite des affaires maritimes) ou juridiction française (zone
économique exclusive), à l’exception des navires de guerre, des navires d’État et de service public (C. env., art.
L. 218-21).

Le terme « navire » désigne un bâtiment de mer exploité en milieu marin de quelque type que ce soit, notamment
les hydroptères, les aéroglisseurs, les engins submersibles, les engins flottants et, par
assimilation, les plateformes fixes ou flottantes et les bateaux ou engins flottants fluviaux lorsqu’ils se
trouvent en aval de la limite transversale de la mer (C. env., art. L218-1).

Elles s’appliquent aussi, hors des espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction française,
aux navires sous pavillon français.

• La constatation des infractions

Pour reprendre une expression triviale, définir une infraction, c’est bien, la constater, c’est mieux. Or, en matière
de constatation d’infraction aux règles de rejets en mer, il faut reconnaître que l’affaire n’a pas été simple et a
tenu à très peu de chose.

Il faut se souvenir que l’infraction a été établie pour la première fois en mer territoriale et en ZEE par la loi du 5
juillet 1983 par référence aux règles de l’annexe I de la convention MARPOL, c’est-à-dire les rejets
d’hydrocarbures. A priori, et pour longtemps, les plus faciles à détecter visuellement, du moins c’est ce que tous
pensaient au lendemain de l’adoption de la loi. Mais le droit et le juge ne peuvent se contenter d’une simple
affirmation, même par procès-verbal, de la vue d’une trace à la surface de la mer. Encore faut-il apporter la
preuve qu’il s’agit bien d’un produit visé par la loi et dans les quantités interdites et non d’un produit coloré anodin
comme « du sirop de grenadine » ou « l’huile de la friteuse 23 ». La règle de compétence juridictionnelle voulait,
après l’adoption de la loi de 1983, que la juridiction compétente pour juger des rejets en ZEE était le tribunal
correctionnel de Paris et en mer territoriale le TGI du lieu de constatation de l’infraction. En l’occurrence, le
parquet compétent pour apprécier de l’opportunité des poursuites pour les infractions en ZEE était donc, pour
l’ensemble des espaces maritimes, la section des affaires économiques et financières du parquet de Paris. Il est
aisé d’imaginer que, pour cette section, il y avait des affaires bien plus importantes à traiter. C’est ainsi qu’à la
demande du parquet la marine a développé ce qui est entré dans la petite histoire comme la
« valisette POLMAR » contenant tout ce qui pouvait permettre à un plongeur, hélitreuillé à partir d’un hélicoptère
de la marine, d’aller récupérer dans le sillage du navire des échantillons des produits se trouvant en surface afin
de pouvoir procéder à l’identification de la nature de ce produit. L’idée et le principe étaient séduisants. C’était
une manière imparable de prouver la nature illicite du produit.

Las, les grandes idées ne font pas nécessairement les meilleures procédures car les capitaines de navire eurent
vite fait de prétendre qu’ils étaient passés dans une nappe de produits qui ne leur appartenait pas et que le
produit ne provenait pas du navire. Le parquet trouva la parade en délivrant des commissions rogatoires,
nationales ou internationales, afin que des gendarmes maritimes puissent se rendre dans le premier port d’escale
du navire dans le sillage duquel des produits avaient été prélevés pour procéder à des recueils de produits à la
sortie de tous les collecteurs du navire. Idée aussi lumineuse qu’inutile pour qui n’est pas marin. Les résultats ne
se sont pas faits attendre. La comparaison des analyses des prélèvements en mer et sur le navire ne
coïncidèrent jamais. Ce qui pour les marins était une évidence car comment imaginer que quelques jours après
on puisse retrouver la trace d’un produit éliminé et lessivé et d’autre part identifier et prélever à partir du « bon
tuyau (collecteur) » à bord d’un navire qui en comporte des dizaines et qui a probablement utilisé un by-pass ou
un tuyau amovible…… Comme le dit un jour un préfet maritime à un magistrat horrifié, « avec un tel système, la
preuve tue la preuve et aucune infraction ne peut être poursuivie ».

La lumière est arrivée de manière tout à fait inattendue, et presque par le plus grand des hasards. Je ne peux pas
écrire ce qui s’est passé dans un « cours » mais la chance fut que la constatation d’une pollution fut faite dans la
mer territoriale française et que le tribunal compétent soit celui de Brest. Qu’un représentant de la préfecture
maritime assiste à l’audience fut encore le fait de la curiosité de

23
Ces deux citations ne sont pas fantaisistes mais des cas bien réels de justifications apportées par deux
capitaines de navire aux interrogations d’un commandant de bord d’aéronef ayant constaté des traces dans le
sillage de leurs navires.
cet officier pour une affaire qui semblait perdue d’avance mais que la présidente du tribunal, avouant ne rien
connaître aux choses de la mer, sollicite le concours d’expert dans l’assistance et appelle cet officier à la barre a
sans aucun doute changé le cours des choses. Deux mois plus tard, en se fondant sur les affirmations et les
travaux de la préfecture maritime de l’Atlantique, du CEDRE et de l’accord de Bonn, sur ce que l’on appelle le
code couleur et l’identification des hydrocarbures et sur le postulat que « toute trace visible à la surface de la mer
indique que l’on a dépassé les normes autorisées qui sont de 15 ppm pour un navire en route dans la mesure où
tout déversement inférieur à 100 ppm n’est pas visible », le tribunal correctionnel de Brest reconnaissait la
culpabilité du capitaine du navire et prononçait une condamnation sur la base de la preuve photographique
apportée par le commandant de bord de l’aéronef (à la grande fureur du parquet de Paris qui considéra alors que
l’appel interjeté allait, et pour longtemps, nuire à la poursuite de ces infractions en ZEE).

En 1995, la cour d’appel de Rennes a confirmé le jugement et a validé ainsi l’administration de la preuve par
l’analyse d’une photographie permettant de relever des traces visibles à la surface de la mer. Il n’y eu aucun
pourvoi en cassation et l’arrêt Traquair24 est toujours aujourd’hui l’arrêt de référence pour l’administration de la
preuve et sur le fondement duquel les juridictions ont par la suite engagé des poursuites.

Pour être complet dans ce qui concerne la constatation de ces infractions, il convient de préciser que le code de
l’environnement établi la liste des agents habilités à constater et/ou rechercher les auteurs de celles-ci (ce qui
évoque la petite pyramide de cohérence). Ainsi, l’article L. 218-26 du code de l’environnement habilite certains
agents à rechercher et à constater l’infraction. Ces derniers établissent un procès-verbal qui fait foi jusqu’à
preuve du contraire. L’article L. 218-27 du code de l’environnement habilite d’autres agents uniquement à
rechercher les infractions, en établissant un rapport ayant valeur de simple renseignement qu’ils transmettent soit
à un officier de police judiciaire, soit à un officier ou un fonctionnaire de catégorie A affecté dans les services
exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du
ministre chargé de la mer.

Les agents habilités à rechercher et constater les infractions à la police des rejets des navires, indépendamment
des officiers et agents de police judiciaire, sont:

- Les administrateurs des affaires maritimes ;

- Les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le
domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer ;

- Les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des
affaires maritimes sous l'autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer;

- Les fonctionnaires et agents assermentés et commissionnés des services maritimes, des ports
autonomes maritimes et des grands ports maritimes;

- Les ingénieurs des mines, les ingénieurs de l'industrie et des mines, les ingénieurs des ponts, des
eaux et des forêts et les ingénieurs des travaux publics de l'Etat affectés dans les services déconcentrés
du ministère chargé de l'environnement ou à la direction régionale de l'environnement, de
l'aménagement et du logement;

24
Affaire du Traquair, Cour d’Appel de Rennes 19 septembre 1996
- Les officiers de port, officiers de port adjoints et surveillants de port ayant la qualité de
fonctionnaire ;
- Les chercheurs, ingénieurs et techniciens assermentés de l'Institut français de
recherche pour l'exploitation de la mer ;

- Les agents des douanes ;

- Les commandants, commandants en second ou commissaires des armées embarqués des bâtiments
de la marine nationale ainsi que les chefs de bord des aéronefs de la marine nationale et des aéronefs
de la défense chargés de la surveillance en mer ;

et dans les aires marines protégées mentionnées au III de l’article L. 334-1, les infractions à la police
des rejets par les navires (C. env., art. L.334-2-1), les inspecteurs de l’environnement.

Les agents habilités uniquement à rechercher les infractions constituant le délit de pollution des eaux de
mer, de recueillir à cet effet tous renseignements en vue de découvrir les auteurs de ces infractions et
d’en rendre compte sont (L. 218-27) :

- Les commandants des navires océanographiques de l’État ;

- Les commandants de bord des aéronefs de la protection civile et des aéronefs de l’État
affectés à la surveillance des eaux maritimes ;

- Les agents du service des phares et balises ;

- Les agents de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer ;

- Les agents de la police de la pêche fluviale.

• Le cadre légal des opérations

Dès lors que les juridictions étaient entrées en voie de condamnation des infractions sur les rejets illicites en mer,
il importait que l’administration formalise la manière dont ses moyens devaient agir et préciser les responsabilités
et attributions de chacun des acteurs de l’action de l’Etat en mer pour que le passage de la police administrative
à la police judiciaire soir le plus efficient possible.

Le cadre légal a été précisé et formalisé par l’Instruction du Premier Ministre du 15 juillet 2002 relative à la
recherche et à la répression des pollutions par les navires, engins flottants et plates-formes qui est toujours en
vigueur.

Cette instruction rappelle, plus qu’elle ne fixe, les différentes phases. Ainsi, dès qu’un agent habilité constate la
présence d’une irisation à la surface de la mer dans le sillage d’un navire, il doit recueillir les preuves
photographiques et en avertir le CROSS qui a la responsabilité de recueillir toutes les informations sur la zone et
les navires se trouvant dans celles-ci. Il en averti le procureur de la République compétent qui sera le seul à
décider de l’opportunité des poursuites et de la suite qu’il entend réserver à la constatation. Il peut demander, afin
de garantir l’exercice des poursuites pénales, à ce que le navire soit dérouté vers un port français afin de mener
des investigations complémentaires et prendre, le cas échéant, des mesures d’immobilisation du navire. La
demande de déroutement sera exprimée par le procureur au préfet maritime, en sa qualité de représentant de
l’Etat en mer, qui va organiser concrètement l’opération de déroutement et demander à un moyen nautique (ou
aérien) de procéder au déroutement sur le fondement des articles L.1521-1 et suivants du code de la défense.
• Les juridictions

Comme cela a déjà été un peu évoqué, il y a eu de grandes évolutions dans l’organisation des juridictions.
Désormais, depuis la loi n°2008-757 du 1er août 2008 il a été instauré des tribunaux du littoral qui sont des
juridictions spécialisées et qui permettent de mieux former les magistrats aux spécificités d’un milieu et d’un droit
particuliers, d’établir de meilleures relations entre l’ensemble des acteurs impliqués dans la chaîne judiciaire de
constatation et de recherche ces infractions (OPJ, agents habilités, CROSS, procureur, services et préfet
maritime). Mais aussi, au niveau national, d’assurer une plus grande homogénéité des procédures et une gestion
plus rationnelle des modes de preuves et de détermination de la politique pénale tout en assurant une uniformité
de la représentation dans les organismes de réflexion et de recherches internationaux (accord de Bonn, réseau
ces procureurs, agence européenne de sécurité maritime).

La jurisprudence s’est peu à peu étoffée et, au fur et à mesure que les sanctions devenaient de plus en plus
sévères (quelques milliers d’euros avec l’arrêt Traquair en 1995 jusqu’à plusieurs millions d’euros avec les
dernières condamnations), les contestations ont relevé le niveau des arguments juridiques. Il est aujourd’hui à ce
titre un peu excessif de dire que la preuve photographique est le seul élément permettant d’incriminer un rejet
illicite. La preuve photographique reconnue par l’arrêt Traquair n’a pas été remise en cause mais elle a été,
parfois, un peu malmenée, ce qui conduit à affirmer que le juge va prendre en compte une association d’éléments
de preuve qui, par leur interaction et leur coordination, va valider l’observation et la procédure. D’autres
technologies sont aujourd’hui explorées, comme l’imagerie satellitaire et le couplage aux données AIS ou LRIT
mais elles supposent encore la disponibilité, à moins d’une évolution de jurisprudence, d’un agent habilité pour
constater l’infraction.

Mais la contestation, qui n’a pu prospérer devant les juridictions françaises, a essayé de trouver dans
une disposition assez méconnue de la CNUDM un moyen d’échapper à la sévérité des sanctions.

• L’article 228 de la CNUDM

Le dispositif mis en œuvre par la France, et organisé par l’instruction du 15 juillet 2002, pour rechercher et
réprimer les rejets illicites effectués en mer par certains navires, engins ou plates-formes, a montré son utilité et
son efficacité puisque les juridictions spécialisées ont prononcé des sanctions importantes chaque fois que les
faits reprochés étaient avérés. Ce dispositif a été d’autant plus efficace qu’il reposait sur une forte volonté
européenne de renforcer le cadre pénal pour la répression de la
pollution causée par les rejets des navires, volonté qui s’était traduite par la directive 2005/35/CE du Parlement
européen et du Conseil du 7 septembre 2005 et sa transposition dans le code de l’environnement par l’adoption
de la loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions
d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement. Le renforcement des sanctions et
l’effectivité de leur application ont ainsi contribué à renforcer la protection des espaces maritimes et du littoral
français.

Peu de temps après, la Cour de Cassation, par deux arrêts en date du 5 mai 2009 était venue préciser les
conditions dans lesquelles les juridictions françaises, en application du droit international et tout particulièrement
de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), peuvent exercer leurs compétences lorsque
les faits se sont produits en dehors des eaux territoriales nationales et ont été commis par un navire battant le
pavillon d’un Etat tiers. La cour a ainsi reconnu qu’en application de l’article 228 de la CNUDM, qui stipule que
lorsque des poursuites ont été engagées par un Etat en vue de réprimer une infraction aux lois et règlements
applicables ou aux règles internationales visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les navires,
commises au-delà de sa mer territoriale par un navire étranger, ces poursuites sont suspendues dès lors que
l’Etat du pavillon a lui-même engagé des poursuites du chef de la même infraction dans les six mois suivant
l’introduction de la première action, à moins que celle-ci ne porte sur un cas de dommage grave causé à l’Etat
côtier ou que l’Etat du pavillon en question ait à plusieurs reprises manqué à son obligation d’assurer l’application
effective des règles et normes internationales en vigueur à la suite d’infractions commises par ses navires,
l’action publique devant les juridictions françaises est éteinte et les poursuites engagées devant les juridictions
françaises, préalablement suspendues, deviennent impossibles dès lors que les tribunaux de l’Etat du pavillon
ont rendu leur jugement.

Ces deux arrêts n’étaient pas passés inaperçus et, très rapidement, les arguments selon lesquels aux pavillons
de complaisance, aux sociétés de classification de complaisance, aux certificats d'assurances de complaisance,
nous allions désormais connaître et ajouter les juridictions et les condamnations de complaisance se sont
développés. Au point que l'Etat français a dû très vite s’organiser pour mettre en œuvre cet article un peu
méconnu dont il fut pourtant, en 1973, l'un des inspirateurs et sans aucun doute l'un des premiers à le mettre en
œuvre. (Il n’est pas inutile de rappeler que la France, depuis l’arrêt Lotus de la CPIJ, n’avait eu de cesse que
d’affirmer et de revendiquer la compétence juridictionnelle de l’Etat du pavillon pour tout incident de navigation
survenu en haute mer. Ce qu’elle obtiendra avec les dispositions de l’article 97 de la CNUDM. De la même
manière, tout en reconnaissant, parce qu’elle en avait été la victime avec le Torrey Canyon notamment, des
pouvoirs étendus au profit de l’Etat côtier pour prendre des mesures en cas de menaces de pollution ou de
pollutions de ses espaces maritimes (article 220) , elle a plaidé pour la obtenir une forme d’équilibre entre les
pouvoirs nouveaux de l’Etat côtier et la préservation de la primauté de juridiction de l’Etat du pavillon à l’égard de
ses navires, dans le seul objectif de préserver ses navires de l’arbitraire d’un Etat. C’est ce qu’elle a obtenu par
l’article 228. On observera que 40 ans plus tard, elle n’hésitera pas pour des raisons purement de politique
interne à remettre en cause les dispositions des articles 97 et 228 )

o L’instruction d’application de l’article 228

Par ses deux arrêts, la Cour de cassation a rappelé à l’Etat français ses engagements internationaux et son
obligation de les respecter. Certes, de prime abord, il pouvait paraître choquant que le capitaine coupable d’une
infraction soit relaxé ou condamné à une sanction symbolique par un tribunal de l’Etat de son pavillon. Mais la
Cour avait dans le même temps considéré que les juridictions françaises n’avaient pas à apprécier les décisions
des juridictions d’un Etat souverain. Le risque était donc majeur que tous les capitaines ou armateurs de navires
immatriculés dans des Etats « plus ou moins » complaisants ne demandent rapidement à leur Etat du pavillon de
« faire jouer » la clause de sauvegarde de leur compétence juridictionnelle afin d’obtenir une relaxe ou une
sanction bien plus légère que celle qui pouvait être infligée par un tribunal français (sanction de quelques millions
d’euros
à laquelle venaient s’ajouter les frais de procédures, d’avocats et les dommages et intérêts aux nombreuses
associations parties civiles). Certain craignaient même que des juridictions peu regardantes prononcent même
des sentences sévères qui ne seraient jamais exécutées.

Pour contrer ces « menaces » tout en respectant ses engagements internationaux, le Gouvernement français a
décidé de s’organiser pour assurer l’information, l’instruction et le suivi des constations de pollution avec les Etats
du pavillon de manière à pouvoir activer à son profit la seconde clause de sauvegarde.

En effet, l’article 228 reconnaît à l’Etat côtier le droit d’engager des poursuites à l’encontre d’un navire suspecté
d’avoir pollué son espace maritime mais lui impose d’informer l’Etat du pavillon de l’engagement de ces
poursuites et de les suspendre si dans les 6 mois celui-ci engage également des actions. En revanche l’article
228 est silencieux sur les délais de traitement et de jugement par l’Etat du pavillon si ce n’est d’indiquer qu’au
bout d’un délai de 3 ans aucune poursuite n’est possible.

Par l’instruction n° 327 du Premier ministre du 22 février 2012, le Gouvernement français a fixé à la fois son
organisation administrative pour « gérer » ces affaires (dans un triptyque principal avec le secrétariat général de
la mer, le ministère des affaires étrangères et la chancellerie) et a affiché ses critères politico-diplomatiques lui
permettant d’apprécier souverainement du respect par l’Etat du pavillon de ses propres obligations dans des
affaires similaires (c’est-à-dire l’appréciation politique des sanctions infligées par les juridictions de cet Etat,
qu’elles soient judiciaires ou administratives) afin de pouvoir opposer un fin de non-recevoir à une demande de
suspension des poursuites dans une affaire ultérieure (Lorsqu’il apparaît que, dans des affaires similaires visant
à réprimer une infraction aux lois et règlements applicables ou aux règles internationales destinés à prévenir,
réduire et maîtriser la pollution par les navires, l’Etat du pavillon n’a pas engagé de poursuites, ou que ses
juridictions ont soit systématiquement relaxé les auteurs, soit prononcé des sanctions ou condamné à des
réparations manifestement sans rapport avec la gravité des faits, il peut être considéré que cet Etat a manqué à
l’obligation d’assurer l’application effective des règles et normes internationales en vigueur. Cette appréciation
peut être effectuée en recherchant auprès de nos partenaires ou instances européens tous les éléments de cette
nature dont ils peuvent disposer) et en établissant à deux ans le délai dans lequel les juridictions de l’Etat du
pavillon doivent rendre leur décision. Ce délai de deux ans ne figure pas dans la CNUDM, c’est une libre
appréciation de l’Etat français . Je ne serais pas complet si je ne mentionnais pas la première clause de
sauvegarde qui permet à l’Etat côtier de ne pas accepter de suspendre les poursuites à la demande de l’Etat du
pavillon si la pollution est grave, ce que Malte s’était gardé de demander lors de l’accident de l’Erika, ni
n’évoquais le fait que, nonobstant les manquements constatés par l’Etat du pavillon, le Gouvernement français se
réservait la possibilité pour de strictes considérations politiques et diplomatiques de donner une issue favorable à
la demande de l’Etat du pavillon.

Enfin, il importe de préciser que cette organisation n’interfère en rien dans les principes de séparation des
pouvoirs. Le Gouvernement se réservant le droit d’apprécier la réunion de conditions fixées par le droit
international sans donner d’instruction au procureur qui est seul compétent pour suspendre l’action publique et, le
cas échéant, soit la « rouvrir » soit l’éteindre.

Cette instruction a reçu une première réponse « jurisprudentielle » avec l’arrêt n°1638 du 24 septembre 2019 de
la chambre criminelle de la Cour de cassation 25 qui, en cassant l’arrêt de la cour d’appel de Rennes qui avait
prononcé l’extinction de l’action publique en France, a validé le principe selon lequel la décision par laquelle l’Etat
côtier s’oppose à la suspension des poursuites n’ étant pas détachable de la conduite de ses relations avec l’Etat
du pavillon, il n’appartient pas au juge répressif

25
Voir texte de l’arrêt en annexe IV
français d’en apprécier la validité….. et qu’en portant ainsi une appréciation sur la validité de la décision
du Premier ministre, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé26.

(En l’espèce et pour être complet et compréhensible, le Premier ministre avait refusé en 2016 d’accéder à la
demande du Libéria de suspension des poursuites engagées en France. L’action publique avait donc suivi son
cours et le tribunal de Brest avait prononcé une sanction d’un million d’euros que la cour d’appel de Rennes avait
invalidé au motif que le Liberia avait demandé la suspension dans les délais prévus par la CNUDM et que par
voie de conséquence l’action publique ne pouvait prospérer).

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence s’est prononcée en dernier recours sur cette affaire le 13 décembre 2021.
Outre le fait qu’elle a retenu la culpabilité de la société Laskaridis Shipping Co et l’a condamné à 800 000 €
d’amende, en raison de la reconnaissance du caractère volontaire du rejet supérieur à 100 ppm, elle a considéré
que la décision du Premier ministre de ne pas suspendre les poursuites était une décision de souveraineté qui
s’imposait aux juridictions françaises.

26
Lire aussi la note de Patrick Chaumette - https://humansea.hypotheses.org/753
AnnEXES
AnnEXE 1

COUR DE CASSATIOn, CHAMBRE CRIMInELLE, 13 JAnVIER 2016, 14-85743

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant sur le pourvoi formé par :
- Le procureur général près la cour d'appel de Nouméa,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 1er juillet 2014, qui a
renvoyé M. X... des fins de la poursuite du chef d'infractions à la police de la pêche en mer ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 novembre 2015 où étaient présents :
M. Guérin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Pers, Mmes Dreifuss-Netter,
Schneider, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mmes Harel-Dutirou, Guého, conseillers
référendaires ;
Avocat général : M. Cuny ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller FARRENQ-NÉSI et les conclusions de M. l'avocat général CUNY ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 16, 57, 73, 74, 75 de la
Convention de Montego Bay , l'article L. 121-3 du code pénal , les articles 11-4 et 15 de la
délibération 50/CP du 20 avril 2011, relative à la politique des pêches de la Nouvelle-Calédonie et
l'article 3 de l'arrêté 2013-1007 du 3 avril 2013 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;
Vu l'article 75 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les limites extérieures de la zone économique exclusive (ZEE)
sont indiquées sur des cartes marines à l'échelle appropriée pour en déterminer l'emplacement, le
tracé de ces limites pouvant, le cas échéant, être remplacé par des listes de coordonnées
géographiques de points précisant le système géodésique utilisé ; que l'Etat côtier donne la
publicité voulue aux cartes ou listes des coordonnées géographiques et en dépose un exemplaire
auprès du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., de nationalité
chinoise, capitaine du navire de pêche dénommé HU YU 911 naviguant sous pavillon chinois et
détenteur d'une licence de pêche délivrée par le Vanuatu, a été contrôlé par la marine nationale
française alors qu'il se trouvait en action de pêche au large des côtes de la Nouvelle-Calédonie ;
qu'il a été poursuivi et condamné pour avoir, alors qu'il battait pavillon étranger, pénétré dans la
zone économique exclusive de la Nouvelle-Calédonie sans en avoir informé les autorités
compétentes, y avoir pêché des produits de la mer sans être titulaire d'une licence délivrée par le
gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et avoir pêché des espèces interdites, en l'occurrence des
requins ; qu'il a interjeté appel de cette décision au motif que les eaux dans lesquelles il était en
action de pêche ne relevaient pas de la ZEE calédonienne, mais des eaux vanuataises ;
Attendu que, pour renvoyer M. X... des fins de la poursuite en l'absence d'élément matériel, l'arrêt
relève que le Vanuatu a publié le 18 juin 2010, dans son journal officiel, une loi sur le territoire
maritime qui prévoit que " la zone économique exclusive couvre la zone maritime contiguë à la mer
territoriale qui s'étend jusqu'à 200 milles marins depuis la ligne de base", puis a effectué un dépôt
auprès des Nations unies le 20 juillet 2010, avec une carte comportant la ligne de base ; que les
juges en déduisent que le navire HU YU 911 a navigué à l'intérieur de la ZEE officiellement et
régulièrement revendiquée par le Vanuatu auprès des Nations unies, et respecté la ZEE du pays qui
lui avait délivré sa licence de pêche ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le Vanuatu n'a pas procédé à la publication et
au dépôt des limites extérieures de sa ZEE, et que les eaux dans lesquelles M. X... était en action
de pêche relevaient de la ZEE de la Nouvelle-Calédonie telle que définie, en application de la loi du
16 juillet 1976, par un décret du 3 février 1978, puis délimitée par un décret du 3 mai 2002 et par
une carte n° 7361 du service hydrographique et océanique de la Marine, dite "SHOM 73-61",
documents déposés au secrétariat général de l'Organisation des Nations unies, la cour d'appel a
méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nouméa, en
date du 1er juillet 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération
spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour
d'appel de Nouméa et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le
treize janvier deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Références :
article 75 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer
Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 01 juillet 2014

Publications :
Proposition de citation: Cass. Crim., 13 janvier 2016, pourvoi n°14-85743, Bull. crim. criminel
2016, n° 8
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2016, n° 8
AnnEXE 2
COUR DE CASSATIOn, CHAMBRE CRIMInELLE, 20 DßCEMBRE 2017,
17-84.085, PUBLIß AU BULLETIn

La preuve de l’accord de l’État du pavillon pour le transfert de la compétence juridictionnelle en


matière de trafic de stupéfiants commis en haute mer peut résulter d’un courriel, dont les termes
sont ensuite confirmés par des courriers officiels, adressé par le ministère compétent aux autorités
diplomatiques françaises en application des modalités prévues par la convention de Vienne.

La chambre criminelle a ainsi approuvé l’enquête de pavillon effectuée dans un premier temps puis,
dans un second, la visite par les autorités militaires françaises d’un navire panaméen suspecté de
transporter des produits stupéfiants. Elle reconnait également dans le cas d’espèce la compétence
des juridictions françaises pour poursuivre conformément à la loi française les infractions de trafic
de stupéfiants ainsi constatées.

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Victor X...,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 7° section, qui, dans
l’information ouverte, notamment contre lui, des chefs d’importation et exportation de produits
stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de
malfaiteurs, contrebande de marchandises prohibées et dangereuses pour la santé, a prononcé sur
sa demande d’annulation d’actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 22 novembre 2017 où étaient présents
dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président,
Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle
SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général BONNET ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 22 septembre 2017, prescrivant


l’examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 95, 96 et 110 de la convention
de Montego Bay, 15 de la loi du 15 juillet 1994, 64-1, 127, 591 et 593 du Code de procédure
pénale ;

” en ce que la chambre de l’instruction a dit n’y avoir lieu à annulation d’un acte ou d’une pièce de
la procédure ;

” aux motifs que sur l’irrégularité de la visite du voilier

-sur l’enquête de pavillon que l’article 110 de la Convention des Nations Unies sur le droit de mer
dispose dans son paragraphe 1 que : “ Sauf dans les cas où l’intervention procède

de pouvoirs conférés au traité, un navire de guerre qui croise en haute mer un navire étranger,
autre qu’un navire jouissant de l’immunité prévue aux articles 95 et 96, ne peut l’arraisonner que
s’il a de sérieuses raisons de soupçonner que ce navire :

a) se livre à la piraterie ;

b) se livre au transport d’esclaves ;

c) sert à des émissions non autorisées, l’Etat du pavillon du navire de guerre ayant juridiction en
vertu de l’article 109 ;

d) est sans nationalité ;


e) ou a en réalité la même nationalité que le navire de guerre, bien qu’il batte pavillon étranger ou
refuse d’arborer son pavillon ; que dans les cas visés au paragraphe 1 : “ le navire de guerre peut
procéder à la vérification des titres autorisant le port du pavillon. A cette fin, il peut dépêcher une
embarcation, sous le commandement d’un officier, auprès du navire suspect. Si, après vérification
des documents, les soupçons subsistent, il peut poursuivre l’examen à bord du navire, en agissant
avec tous les égards possibles, si les soupçons se révèlent dénués de fondement, le navire
arraisonné est indemnisé de toute perte ou de tout dommage éventuel, à condition qu’il n’ait
commis aucun acte le rendant suspect. “ ; qu’il ressort du procès-verbal établi le 13 février 2016
par les officiers de la frégate de surveillance Prairial que le 13 février 2016 à 04 heures 03, heure
légale whisky, ils repéraient un voilier de taille 40 pied et tentaient d’entrer en contact VHF avec
lui, en vain ; que sur ordre du commandant, l’équipe de visite était déployée à proximité dudit
voilier ; qu’à 04 heures 05, l’équipe de visite identifiait un individu sur l’arrière tenant à la main un
pavillon panaméen ; qu’à 04 heures 12, il était vu trois individus à bord du navire, ne s’exprimant
qu’en Espagnol ; qu’à 04 heures 13, il leur était signifié en langue espagnole l’intention de monter
à bord en vue d’une enquête de pavillon ; qu’à 04 heures 20, après l’accord du capitaine du voilier,
l’équipe de visite montait sur le voilier et effectuait des palpations de sécurité des trois hommes ;
que par la suite le capitaine du voilier présentait l’ensemble des documents de bord qui étaient
transmis pour analyse ; qu’à 05 heures 55, l’immatriculation du bateau était identifiée ; qu’à 07
heures 15 son propriétaire en mars 2015 était identifié ; qu’à 07 heures 42, l’enquête de pavillon
était terminée ; que le seul fait que le capitaine du voilier ait agité un pavillon panaméen, alors
qu’il n’avait pas répondu aux interrogations VHF des officiers de la marine nationale, ne permettait
pas de s’assurer de la nationalité du navire ; que dès lors une enquête de pavillon se justifiait ; que
pour faciliter l’examen des documents dans des conditions optimales de sécurité, il a été demandé
au capitaine du voilier s’il acceptait la montée de l’équipe de visite de la frégate sur son navire, ce
qu’il a fait ; que, dès lors, l’enquête de pavillon s’est déroulée conformément aux textes ; qu’il n’y
a pas lieu à annulation sur ce point ;

- sur la visite du voilier ; que l’article 17, § 3, de la Convention de Vienne stipule : “ qu’une partie
qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu’un navire exerçant la liberté de navigation
conformément au droit international et battant le pavillon ou portant une immatriculation d’une
autre partie se livre au trafic illicite peut le notifier à l’état du pavillon, demander confirmation et si
celle ci est confirmée demander l’autorisation à cet état de prendre les mesures appropriées à
l’égard de ce navire ; que l’article 17, § 4, prévoit que l’Etat du pavillon peut autoriser le requérant
à arraisonner le navire, visiter le navire, si des preuves de participation à un trafic illicites sont
découvertes, prendre les mesures appropriées à l’égard du navire, des personnes qui s’y trouvent à
bord et de la cargaison
;

qu’à l’issue de l’enquête de pavillon, une demande de visite dans le cadre de l’article 17, § 4, de la
Convention de Vienne du 20 décembre 1988 était adressée aux autorités du Panama compte tenu
de suspicion de narcotrafic ; qu’en effet les services fiançais avaient reçu un renseignement d’une
agence étrangère selon lequel une cargaison de 500 à 800 kg de cocaïne aurait été embarquée sur
le voilier “ Le vague à l’âme “ au large de l’Equateur le 6 janvier 2016 ; que le bateau avait été
localisé, le 10 février 2016, en haute mer au nord de l’île de Pitcairn et que plusieurs éléments
dans son comportement paraissaient inhabituels : absence d’émission AIS (automatic identification
System), navigation en période cyclonique, absence d’escale et vitesse de transit lente pouvant
attester d’une surcharge de cargaison ; qu’en outre une boule blanche observée le 9 février lors
d’un vol de surveillance maritime et se situant à la poupe du voilier avait disparu ; que l’accord de
l’état du pavillon était reçu par le commandant de la frégate à 16 heures 37 et qu’à 16 heures 42 il
était signifié l’ouverture d’une procédure de visite au capitaine du voilier ; que dans l’attente de la
réponse de l’Etat du pavillon, l’équipe de visite est restée à bord du voilier en accord avec son
capitaine sans qu’aucune visite n’ait été diligentée ; qu’aucune mesure de coercition n’ait été
prise ; que le représentant de l’Etat français était en droit, en fonction de son appréciation de la
situation, de demander le maintien à bord de son équipe ; qu’après l’ouverture de la procédure de
visite, le capitaine du voilier a emmené deux des officiers de la marine nationale vers le lieu de
stockage de la cocaïne ; que deux tests réactifs à la cocaïne ont été effectués sur un pain issu d’un
des ballots ; que ces tests se sont révélés positifs ; que la visite du voilier a été faite conformément
à l’article 17,
§ 4, de la Convention de Vienne et à la loi du 15 juillet 1994 complétée par les lois du 29 avril 1996
et 22 avril 2005 ; qu’il n’y a pas lieu à annulation sur ce point ; que sur l’accord d’abandon de
compétence juridictionnelle de l’Etat du Panama postérieur aux actes juridictionnels entrepris par
l’Etat Français ; qu’il ressort de la procédure que dans leur réponse du 13 février 2016 à la
demande fondée sur l’article 17, § 4, de la Convention de vienne signée le 20 décembre 1988, les
autorités panaméennes donnaient leur autorisation d’effectuer une inspection sur le voilier en
ajoutant qu’il ne s’agissait pas d’un abandon de compétence ; que, le 16 février 2016, un point de
situation était fait entre le commandement de la zone maritime en Polynésie française et le
procureur de la
République de Papeete ; qu’il ressortait qu’en raison de la dégradation des conditions
météorologiques, d’une avarie électrique à bord du voilier rendant impossible la mise en oeuvre de
ses feux de navigation, le convoi composé du Prairial et du voilier avait pénétré dans les eaux
territoriales françaises dans l’archipel des Gambiers ; que, le 17 février 2016, la directrice générale
de la direction des affaires juridiques du ministère des relations extérieures du Panama
transmettait à l’ambassade de France au Panama un courriel l’informant d’un abandon de
compétence juridictionnelle au profit de la France et de l’attente d’une note formelle du ministère
public ; que, le 17 février à 05 heures 20, ce courrier électronique était envoyé au commandant de
la zone maritime de Polynésie par l’ambassade de France au Panama ; que l’abandon de
compétence était confirmé par un courrier du procureur général en date du 18 février qui était
transmis au procureur de la République de Papeete par voie électronique le 18 février à 15 heures
04, et par un courrier du ministère des relations étrangères du Panama en date du 19 février 2016
communiqué à l’ambassade de France ; que dès le 17 février 2016 à 06 heures 40, le procureur de
la République de Papeete notifiait au commandant de la frégate que la compétence juridictionnelle
française était acquise ; que le même jour, à 07 heures 50, les trois personnes retenues sur le
voilier étaient placées en garde à vue ; que selon l’article 15 de la loi du 15 juillet 1994, les auteurs
et complices et d’infractions de trafic de stupéfiants commises en haute mer peuvent être
poursuivis et jugés par les juridictions françaises lorsque des accords bilatéraux ou multi-latéraux
le prévoient et avec l’assentiment de l’Etat du pavillon, celui-ci devant être transmis par la voie
diplomatique aux autorités requérantes ; que la renonciation de l’Etat du pavillon doit être expresse
;

qu’il appartient au procureur de la République compétent, destinataire par tous moyens et dans les
plus brefs délais des documents transmis par l’Etat du pavillon, d’apprécier leur nature et leur
degré de précision afin d’exercer utilement la direction de la police judiciaire ; qu’en l’espèce, le
courrier électronique du 17 février 2016 était sans équivoque et a été transmis par voie
diplomatique. ; que, dès lors, il n’y a pas lieu à annulation ;

- sur l’irrégularité de l’ordonnance de prolongation des mesures restrictives ou privatives de liberté


prononcée à l’encontre de M. Victor X...

-sur l’absence de réquisitions du parquet ; que l’article L 1521-14 du code de la défense prévoit que
:

” Avant l’expiration du délai de quarante-huit heures à compter de la mise en oeuvre des mesures
de restriction ou de privation de liberté mentionnées à l’article L. 1521-12 et à la demande des
agents mentionnés à l’article L. 1521-2, le juge des libertés et de la détention, saisi par le
procureur de la République, statue sur leur prolongation éventuelle pour une durée maximale de
cent vingt heures à compter de l’expiration du délai précédent. Ces mesures sont renouvelables
dans les mêmes conditions de fond et déformé durant le temps nécessaire pour que les personnes
en faisant l’objet soient remises à l’autorité compétente » ; que l’article L. 1521-15 du même code
précise que :

” Pour l’application de l’article L. 1521-14, le juge des libertés et de la détention peut solliciter du
procureur de la République tous éléments de nature à apprécier : la situation matérielle et l’état de
santé de la personne qui fait l’objet d’une mesure de restriction ou de privation de liberté. Il peut
ordonner un nouvel examen de santé. Sauf impossibilité technique, le juge des libertés et de la
détention communique, s’il le juge utile, avec la personne faisant l’objet des mesures de restriction
ou de privation de liberté. “ que le 13 février 2016, à 20 heures 43, le procureur de la République
de Papeete était informé par la directrice de cabinet du Haut Commissariat de la République en
Polynésie française qu’au vu des résultats de la visite du voilier, le commandant de la frégate
Prairial avait décidé de signifier aux trois personnes se trouvant sur le voilier des mesures de
restriction et de privation de liberté à 20 heures 11, les trois personnes étant soupçonnées de
participation à un trafic de stupéfiants ;

que le procureur de la République de Papeete prenait des réquisitions écrites, cotées en procédure
D1/ 27 et D 176/ 3, le 14 février 2016, à 15 heures l0, aux fins de prolongation des mesures de
restriction ou de privation de liberté dont M. X...faisait l’objet depuis le 13 février 2016 04 heures
20
; que la procédure a été respectée sur ce point ;

- sur le défaut de motivation ; que l’article L 1521-16 dispose que :

” Le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance motivée insusceptible de recours.
Copie de cette ordonnance est transmise dans les plus brefs délais par le procureur de la
République au préfet maritime ou, outre-mer, au délégué du Gouvernement pour l’action de l’Etat
en mer, à charge pour celui-ci de la faire porter à la connaissance de la personne intéressée dans
une langue
qu’elle comprend » ; que dans l’ordonnance critiquée, le juge des libertés et de la détention se
réfère précisément “ au rapport et aux pièces transmises par le Haut Commissaire de la République
en Polynésie Française, délégué du gouvernement pour l’action de l’Etat en mer, au certificat
d’aptitude médicale initial établi le 14 février 2016 par M. Y..., Médecin Major “, précise la façon
dont elle a exercé son contrôle notamment en s’étant entretenu téléphoniquement, avec
l’assistance d’un interprète, avec la personne retenue, laquelle avait confirmé son identité,

avoir vu un médecin, avoir des problèmes de diabète et cholestérol sans traitement médical, avoir
pu manger et se reposer normalement, n’avoir subi ni pression ni violences, motive la prolongation
de la mesure pour les nécessités de l’enquête ; que les exigences légales ont été respectées ; qu’il
n’y a pas lieu à annulation ;

- sur l’absence de preuve matérielle concernant la communication de l’ordonnance ; que l’horaire


de transmission de l’ordonnance de prolongation des mesures de restriction ou de privation de
liberté mentionné à la fois sur le rapport de contrôle de transmission et sur le document est à 16
heures 02 alors que l’ordonnance a été rendue à 16 heures 35 ; que cependant l’horaire indiqué est
fonction de l’exactitude du paramétrage du fax et qu’aucune certitude n’est fournie à ce niveau ;
qu’en toute hypothèse M. X...a pris connaissance de ladite prolongation le même jour à 20 heures
38 tel que cela résulte de sa signature figurant au bas de l’ordonnance ; qu’en conséquence, que
M. X...ne démontre aucun grief ; qu’il n’y a lieu à aucune annulation de ce chef ;

- sur l’annulation de la garde à vue ; qu’il ressort de la procédure que le 17 février 2016, à 07
heures 50, il a été notifié à M. X..., en présence d’un interprète en langue espagnole, son
placement en garde à vue pour des faits de importation non autorisée de stupéfiants commise en
bande organisée trafic et exportation non autorisée de stupéfiants, trafic commis en bande
organisée, ainsi que ses droits ; qu’un document énonçant ses droits rédigé en langue espagnole
qu’il a signé lui a été remis
; que les prescriptions de l’article 63-1 du code de procédure pénale ont ainsi été respectées, cet
article ne prévoyant pas un enregistrement ; que par ailleurs aucune audition de M. X...n’a été
faite au cours de sa garde à vue qu’il n’y a pas lieu à annulation ;

- sur la régularité du procès verbal d’interrogatoire sur mandat d’amener ; qu’il est consigné dans
le procès verbal d’interrogatoire sur mandat d’amener, à la question du juge des libertés et de la
détention “ souhaitez vous faire des déclarations ne portant pas sur les faits qui vous sont
reprochés, sachant que vous êtes libre de ne pas en faire la réponse de M. X...: “ je souhaite dire
que si vous trouvez un lien entre ces accusations et ma personne je ne m’y opposerai pas. “ ; que
les dispositions de l’article 128 du code procédure pénale ont été parfaitement respectées, le juge
des libertés et de la détention, ayant explicitement mentionné à M. X...qu’il était libre de ne pas
faire de déclaration, et lui ayant précisé que s’il souhaitait en faire, celles ci ne pouvaient pas
porter sur les faits reprochés
; qu’il ne peut être considéré que M. X...ait évoqué le fond du dossier alors que sa réponse portait
sur l’exécution du mandat ; qu’il n’y a donc lieu à annulation de ce chef ; qu’il n’y a en
conséquence lieu à annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure examinée jusqu’à la cote D
I76 ;

” 1°) alors qu’il résulte de l’article 110 de la Convention de Montego Bay que sauf le cas où
l’intervention procède de pouvoirs conférés par traité, un navire de guerre qui croise en haute mer
un navire étranger, autre qu’un navire jouissant de l’immunité prévue aux articles 95 et 96 de
cette convention, ne peut l’arraisonner que s’il a de sérieuses raisons de soupçonner que ce navire
est sans nationalité ; que la nationalité d’un navire est établie par son pavillon ; qu’il résulte des
mentions mêmes de la décision qu’à 04 heures 05, concomitamment à l’arraisonnement, le pavillon
panaméen du navire était identifié et sa nationalité établie ; qu’en jugeant néanmoins régulière une
enquête de pavillon, la chambre de l’instruction a méconnu l’article 110 de la Convention de
Montego Bay ;

” 2°) alors qu’en jugeant régulière la visite du voilier en retenant que dans l’attente de la réponse
de l’Etat du pavillon, l’équipe de visite est restée à bord en accord avec son capitaine, lorsqu’il ne
résulte d’aucune pièce de la procédure que le consentement du capitaine ait été recueilli, la
chambre de l’instruction n’a pas légalement justifié sa décision ;

” 3°) alors que, lorsqu’il ne résulte pas d’un accord diplomatique bilatéral ou multilatéral en ce
sens, l’abandon de souveraineté d’un Etat ne peut résulter que d’un accord diplomatique formel
aux termes duquel ledit Etat renonce expressément à sa compétence et délègue officiellement les
poursuites aux autorités judiciaires de l’Etat intervenant ; qu’en se bornant à relever que le 17
février 2016, la directrice générale de la direction des affaires juridiques du ministère des relations
extérieures du Panama transmettait à l’ambassade de France un couriel l’informant d’un abandon
de compétence juridictionnelle au profit de la France et que ce courrier électronique était sans
équivoque, circonstances insuffisantes à caractériser l’existence d’un accord diplomatique écrit et
formel
prévoyant délégation de compétence au profit de la France, dont il appartiendra subsidiairement à
la chambre criminelle de constater la nature en sollicitant la communication du dossier, la chambre
de l’instruction n’a pas donné de base légale à sa décision ;

” 4°) alors qu’en outre, l’article 64-1 du code de procédure pénale dispose que les auditions des
personnes placées en garde à vue pour un crime font l’objet d’un enregistrement audiovisuel ; que
M. X...a été placé en garde à vue pour des faits d’importation non autorisée de stupéfiants
commise en bande organisée et d’exportation non autorisée de stupéfiants commise en bande
organisée ; qu’ainsi, la chambre de l’instruction ne pouvait se borner à indiquer que les
prescriptions de l’article 63-1 du code de procédure pénale ne prévoient pas un enregistrement,
lorsque les auditions du demandeur, placé en garde à vue pour des faits criminels, auraient dû faire
l’objet d’un enregistrement audiovisuel sauf impossibilité technique qu’il lui appartenait de relever ;

” 5°) alors que le procureur de la République ne peut pas consigner les déclarations relatives aux
faits pour lesquels est poursuivi d’une personne faisant l’objet d’un mandat d’amener ; qu’il résulte
du procès-verbal d’interrogatoire sur le mandat d’amener que M. X...a déclaré « je souhaite dire
que si vous trouvez un lien entre ces accusations et ma personne je ne m’y opposerais pas » ;
qu’en jugeant que cette réponse portait non sur le fond mais sur le mandat d’amener, la chambre
de l’instruction n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations “ ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, suite au signalement
d’une agence de renseignement étrangère selon laquelle le voilier “ Le vague à l’âme “
transporterait une importante quantité de cocaïne en provenance d’Equateur et à destination de
l’Australie, les autorités militaires françaises ont procédé le 9 février 2016 à une surveillance de
cette embarcation et constaté son comportement suspect consistant dans une navigation à une
vitesse de trafic lente laissant

supposer l’existence d’une surcharge, en période cyclonique et sans émission de signal AIS
(automatic identification system) ainsi que la présence d’une boule blanche déposée à la poupe du
navire ; que le 13 février 2016, à 04 heures 18 (heure locale) ce voilier, naviguant sans pavillon
dans les eaux internationales de l’océan pacifique, au large de l’archipel des Gambiers (Polynésie
française), a été arraisonné par la frégate de la marine nationale française Le Prairial ; qu’à 04
heures 05, un des membres de l’équipage, qui n’avait pas répondu aux appels VHF des militaires
français, est apparu à l’arrière du bateau et a déployé un pavillon panaméen ; que les militaires,
montés sur le pont du voilier à 04 heures 20 avec l’autorisation du capitaine de celui-ci, ont
découvert la présence de deux autres personnes, dont M. X..., et procédé à une enquête de
pavillon qui a révélé l’absence de tout journal de bord ou de navigation ; qu’à 07 heures 42, après
avoir recueilli les éléments d’identification de l’embarcation, les militaires sont demeurés à bord,
sur les instructions de leur hiérarchie et avec l’accord du capitaine, dans l’attente de la réponse des
autorités panaméennes à une demande d’autorisation de visite du voilier sur le fondement de
l’article 17, § 4, de la Convention de Vienne du 20 décembre 1988 ; qu’à 16 heures 42, après que
l’autorisation de visite lui ait été notifiée, le capitaine du voilier a reconnu spontanément qu’il
transportait de la cocaïne et a montré aux militaires

où étaient entreposés une trentaine de ballots qui se sont avérés contenir 733 kgs de ce produit ;
qu’à 18 heures 05, une demande d’abandon de compétence a été adressée par les autorités
françaises aux autorités panaméennes ; que le 17 février 2016 à 06 heures 40, le procureur de la
République près le tribunal de première instance de Papeete, détenteur d’un message électronique
de Mme Farah Z..., directrice des affaires juridiques du ministère des Relations extérieures faisant
état de l’accord des autorités sollicitées, et précisant être dans l’attente de l’envoi de la réponse
formalisée de la “ procoraduria general “, a informé les militaires de la frégate Le Prairial que la
compétence juridictionnelle française était acquise ;

Attendu que les trois membres d’équipage du voilier, montés à bord de la frégate française le 17
février 2016 entre 07 heures 26 et 07 heures 50, ont été placés en garde à vue par les officiers de
police judiciaire de la section de recherche de la gendarmerie de Papeete qui avaient rejoint les
lieux et qui ont mis fin à cette mesure le 17 février 2016 à 21 heures 30, sans qu’aucune audition
n’ait été effectuée, afin de les conduire devant le procureur de la République de Papeete ; que le 18
février 2016 à 14 heures 46, le ministère des relations extérieures du Panama a communiqué aux
autorités diplomatiques françaises le courrier adressé par “ la procoraduria general “, celui-ci étant
transmis officiellement le 19 février 2016 par le ministère des relations extérieures de la
République du Panama ; que, toujours le 18 février 2016, le juge d’instruction de Paris, saisi par
réquisitoire introductif du même jour des crimes d’importation et exportation de produits
stupéfiants en bande organisée, d’infractions à la législation sur les stupéfiants et d’association de
malfaiteurs et du délit
de contrebande de marchandises prohibées et dangereuses pour la santé, a décerné un mandat
d’amener contre chacun des trois mis en cause qui leur a été notifié le même

jour par le juge des libertés et de la détention de Papeete ; qu’ils ont ensuite été transférés sur le
territoire de la métropole et mis en examen des chefs susvisés le 29 février 2016 ; que, par
déclaration au greffe du 29 août suivant, M. X...a saisi la chambre de l’instruction d’une requête en
annulation de pièces de la procédure ;

Sur le moyen unique de cassation, pris en sa première branche ;

Attendu que, pour dire n’y avoir lieu à annulation des pièces concernant l’enquête de pavillon
effectuée sur le fondement de l’article 110 de la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer
du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer, l’arrêt énonce que le fait que le capitaine du voilier ait
agité un pavillon panaméen alors qu’il n’avait pas répondu aux interrogations VHF des officiers de
la marine nationale, ne permettant pas à ces derniers de s’assurer de la nationalité du navire, une
enquête de pavillon se justifiait ; que les juges ajoutent que le capitaine du voilier a accepté, à la
demande des militaires français, que ceux-ci montent à bord de son embarcation pour faciliter
l’examen des documents dans des conditions optimales de sécurité ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, dont il résulte que, nonobstant l’exhibition ponctuelle et
tardive du pavillon panaméen, et compte tenu de l’absence de réponse des membres de l’équipage
aux appels des militaires français, des soupçons sur la nationalité du navire arraisonné étaient
susceptibles de subsister au sens de l’article 110 de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer du 10 décembre 1982 justifiant la poursuite de l’enquête de pavillon et le contrôle des
documents de navigation, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le grief ne peut être accueilli ;

Sur le moyen unique de cassation, pris en sa deuxième branche ;

Attendu que, pour dire n’y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure se rapportant à la
visite du voilier “ Le vague à l’âme “, l’arrêt énonce qu’à l’issue de l’enquête de pavillon, une
demande de visite, fondée sur les dispositions de l’article 17, § 4, de la Convention de Vienne du
20 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de

substances psychotropes, a été adressée aux autorités du Panama compte tenu des soupçons de
trafic de stupéfiants suscités par le comportement inhabituel du navire et la disparition, le 13
février 2016, d’une boule blanche aperçue lors d’une surveillance maritime effectuée le 9 février
précédent
; que les juges ajoutent que, dans l’attente de la réponse de l’Etat sollicité, le représentant de l’Etat
français était en droit, en fonction de son appréciation de la situation, de demander le maintien à
bord de son équipe, après avoir recueilli l’assentiment du capitaine, sans qu’il soit procédé à une
quelconque visite ou mesure de coercition ;

Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que les procès-verbaux établis par les officiers de la
marine nationale, embarqués sur la frégate de la marine nationale française Le Prairial et habilités,
conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux
modalités de l’exercice par l’Etat de ses pouvoirs de police en mer, modifiée par les lois n° 2005-
371 du 22 avril 2005 et n° 2011-13 du 5 janvier 2011, à constater les infractions en matière de
trafic de stupéfiants et en rechercher les auteurs, qui font notamment état de l’accord du capitaine
pour la visite de son bateau, font foi jusqu’à preuve du contraire, la cour d’appel a justifié sa
décision ;

D’où il suit que le grief ne peut qu’être écarté ;

Sur le moyen unique de cassation, pris en sa troisième branche ;

Attendu que, pour rejeter l’exception de nullité présentée par le demandeur tirée de l’absence de
transfert de compétence juridictionnelle au moment de l’accomplissement des premiers actes
judiciaires, l’arrêt relève que le 17 février 2016, à 05 heures 20, la directrice générale de la
direction des affaires juridiques du ministère des relations extérieures a transmis à l’ambassade de
France un courriel l’informant d’un abandon de compétence juridictionnelle au profit de la France et
de l’attente d’une note formelle du ministère public, le procureur de la République de Papeete
notifiant le même jour à 06 heures 40 au commandant de la frégate le Prairial que la compétence
juridictionnelle française était acquise ; que les juges ajoutent que l’abandon de compétence a été
confirmé par un courrier du procureur général en date du 18 février 2016 et par un courrier du
ministère des relations extérieures du Panama daté du lendemain ; que la cour d’appel constate
que le courrier électronique du 17 février 2016 était sans équivoque et a été transmis par la voie
diplomatique ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors que la preuve de l’accord de l’Etat du pavillon, qui n’est
soumise à aucune forme particulière par l’article 17 de la Convention des Nations Unies contre le
trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, en date du 20 décembre 1988, peut
résulter d’un courriel dont les termes ont été confirmés par des courriers officiels transmis dans les
heures suivant l’envoi de ce message, adressé par le ministère des relations extérieures du Panama
aux autorités diplomatiques françaises, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le grief doit être écarté ;

Sur le moyen unique de cassation, pris en sa quatrième branche ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce qu’aucun enregistrement audiovisuel


n’a été effectué durant sa garde à vue qui s’est déroulée le 17 février 2016 entre 07 heures 50 et
21 heures 30 à bord de la frégate Le Prairial, lieu non visé par l’article 64-1 du code de procédure
pénale, texte qui ne concerne que les auditions des personnes placées en garde à vue pour crime,
réalisées dans les locaux d’un service ou d’une unité de police ou de gendarmerie exerçant une
mission de police judiciaire ;

D’où il suit que le grief n’est pas fondé ;

Sur le moyen unique de cassation, pris en sa cinquième branche ;

Attendu que pour dire n’y avoir lieu à annulation du procès-verbal d’interrogatoire sur mandat
d’amener du demandeur et des pièces subséquentes, l’arrêt énonce qu’il ne peut être considéré que
M. X...ait évoqué le fond du dossier alors que sa réponse portait sur

l’exécution du mandat ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction a exactement apprécié la


portée des propos tenus par l’intéressé et a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt
décembre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Publication :

Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris , du 13 juin 2017


AnnEXE 3

Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mars 2020, 18-84.307, Publié au BULLETIn

Article 5, paragraphe 3 – Coercition en haute mer – Présentation à l’autorité judiciaire – Bref délai
– Défaut – Portée.

Selon l’article 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme, toute personne arrêtée
ou détenue doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité à exercer des
fonctions judiciaires. Selon l’article L. 1521-18 du code de la défense, dès leur arrivée sur le sol
français, les personnes faisant l’objet de mesures de coercition sur un bâtiment de la Marine
nationale, en application des articles L. 1521-11 et suivants du même code, sont mises à la
disposition de l’autorité judiciaire. Si elles font l’objet d’une mesure de garde à vue, elles sont
présentées dans les plus brefs délais, soit, à la requête du procureur de la République, au juge des
libertés et de la détention, soit au juge d’instruction, qui peuvent ordonner leur mise en liberté.

Encourt la cassation l’arrêt qui écarte l’exception de nullité, soulevée par les membres de
l’équipage d’un navire arraisonné en haute-mer, qui, privés de liberté sur un bâtiment de la Marine
nationale, ont été placés, dès leur arrivée au port, en rétention douanière puis à l’issue, en garde à
vue sans avoir été présentés immédiatement au juge des libertés et de la détention ou au juge
d’instruction.

CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par M. U... I..., M. J... S... W..., et M. G... E...
contre l’arrêt de la cour d’appel de Nouméa, chambre correctionnelle, en date du 5 juin 2018, qui,
pour infractions à la législation sur les stupéfiants et importation en contrebande, les a condamnés,
le premier, à neuf ans d’emprisonnement et dix ans d’interdiction du territoire français, le
deuxième, à sept ans d’emprisonnement et dix ans d’interdiction du territoire français, le troisième,
à sept ans d’emprisonnement, et a prononcé sur les demandes de l’administration des douanes.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Les trois demandeurs constituaient l’équipage du voilier C... N..., battant pavillon britannique.

3. Le 17 octobre 2017, les autorités françaises, suspectant un transport de stupéfiants, ont


demandé aux autorités britanniques, Etat du pavillon, conformément à l’article 17.3 de la
Convention des Nations unies contre le trafic de stupéfiants et de substances psychotropes
conclue à Vienne, le 20 décembre 1988, de confirmer l’immatriculation du voilier et d’autoriser
que soient prises les mesures appropriées à son égard. Cette autorisation a été donnée le
lendemain,
18 octobre 2017, par les autorités britanniques.

4. Le 20 octobre 2017, l’équipage du bâtiment de la marine nationale d’Entrecasteaux a arraisonné


le voilier, dans la zone économique exclusive de la Nouvelle-Calédonie, et, sans le fouiller de
manière approfondie ni y découvrir de drogue, l’a dérouté vers le port de Nouméa, pour qu’il soit
procédé à des investigations plus complètes. Conformément aux articles L. 1521-11 et suivants du
code de la défense, les membres de l’équipage du voilier ont fait l’objet de mesures de privation de
liberté, décidées par le commandant du bâtiment d’Entrecasteaux, à compter du 20 octobre à 5
heures 15, puis prolongées par le juge des libertés et de la détention, par ordonnance du
21 octobre 2017, à compter du 22 octobre 2017 à 5 heures 15, et pour une durée de quatre jours.

5. A l’accostage à la base navale de Nouméa, le 23 octobre 2017 à 10 heures 25, les mesures
privatives de liberté prises à l’égard des membres de l’équipage du voilier ont été levées, et les
demandeurs ont été remis, sur instruction du procureur de la République, aux fonctionnaires de
l’administration des douanes. Ceux-ci ont fouillé le voilier, y ont découvert, dissimulée derrière une
cloison, une quantité de 575 kg de cocaïne, puis ont placé les membres de l’équipage en rétention
douanière le même jour, à 12 heures 40.
6. Le 24 octobre 2017 à 10 heures 15, les fonctionnaires de l’administration des douanes ont remis
les membres de l’équipage aux gendarmes de la section de recherches de Nouméa, qui leur ont
notifié une mesure de garde à vue, prenant effet depuis le début de la rétention douanière.

7. Le 25 octobre 2017, au cours de la matinée, les demandeurs ont été conduits devant le juge des
libertés et de la détention, qui a prolongé leur garde à vue pour une durée de quarante-huit
heures, à compter du même jour à 12 heures 40.

8. Le 27 octobre 2017, il a été mis fin à la garde à vue, et les membres de l’équipage du voilier ont
été déférés devant le procureur de la République puis traduits devant le tribunal correctionnel de
Nouméa, qui a décidé leur placement en détention provisoire et renvoyé le jugement de l’affaire
au 19 janvier 2018.

9. Par jugement prononcé à cette dernière date, le tribunal correctionnel a rejeté les exceptions de
nullité soulevées par les prévenus, déclaré ceux-ci coupables et les a condamnés à des peines
d’emprisonnement et d’interdiction du territoire, la confiscation de la drogue et du voilier étant
ordonnée, sur l’action publique. Le tribunal a statué sur les demandes de l’administration des
douanes.

10. Les demandeurs ont relevé appel de cette décision, et le ministère public a formé appel
incident.

Examen des moyens

Sur le premier moyen présenté pour M. S... W... et M. E... Et sur le même moyen, repris pour
M. I...

Enoncé des moyens

11. Les moyens sont pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits
de l’homme, 17-3 de la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de
substances psychotropes, 113-1, 113-3 et 113-12 du code pénal, 111 de l’ordonnance de Villers-
Cotterêts du 25 août 1539, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque
de base légale.

12. Les moyens critiquent l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté les exceptions de nullité d’actes à
l’origine de la compétence des juridictions françaises soulevées par les prévenus alors : « 1°/ que
la seule langue de procédure admise devant les juridictions françaises étant la langue française, le
juge ne peut fonder sa décision sur des actes rédigés en langue étrangère ; qu’en affirmant, pour
écarter l’exception de nullité d’actes fondant la compétence des juridictions françaises, que la
demande des autorités françaises du 17 octobre 2017 et la réponse britannique, rédigées en
anglais et non traduites, n’étaient pas des actes de poursuite puisqu’ils ne définissaient pas les
préventions sous lesquelles les prévenus avaient été renvoyés devant les juridictions pénales et
que le défaut de traduction ne causait aucun grief aux appelants, quand ces deux actes, dont il
n’était pas possible de s’assurer avec certitude de leur sens ni de leur portée, avaient fondé la
compétence de la juridiction française, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ; 2°/ que
la signature d’un acte pris au nom d’une autorité publique constitue une formalité indispensable en
ce qu’elle permet notamment de s’assurer que l’acte émane bien de la personne habilitée à se
prononcer compétemment au nom de l’autorité publique étrangère ; qu’en affirmant que la réponse
britannique du 18 octobre 2017 n’était pas un acte d’enquête ou d’instruction au sens du code de
procédure pénale et que la régularité de cette autorisation émanant d’une autorité étrangère n’était
pas soumise à l’exigence de signature posée par l’article 107 du code de procédure pénale,
cependant que la signature de cette réponse constituait néanmoins une formalité indispensable, la
cour d’appel a violé les textes visés au moyen ; 3°/ que ce n’est que si l’immatriculation du navire
est confirmée par l’Etat du pavillon que la demande d’autorisation de prendre les mesures
adéquates à l’égard de ce navire peut être sollicitée ; qu’en affirmant, pour écarter l’exception de
nullité, qu’aucune disposition conventionnelle n’imposait aux parties de suivre une procédure
particulière et qu’une requête unique du ministère des affaires étrangères était suffisante
cependant que l’article 17-3 de la Convention de Vienne signée le 20 décembre 1988 distingue
clairement entre la phase d’identification du navire et celle de l’autorisation de son interception, la
cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision. » Réponse de la Cour

13. Les moyens sont réunis.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche


14. Les prévenus ont soutenu, devant les juges du fond, que la procédure était irrégulière car la
demande adressée par les autorités françaises aux autorités britanniques, le 17 octobre 2017, sur
le fondement de l’article 17.3 de la Convention de Vienne du 19 décembre 1988, et la réponse de
celles-ci étaient rédigées en anglais, et figuraient au dossier de la procédure sans traduction en
français.

15. Pour rejeter cette exception, l’arrêt attaqué énonce que ces documents ne sont pas des actes
de poursuite, car ils ne définissent pas la prévention sous laquelle les intéressés sont renvoyés
devant la juridiction de jugement. Les juges ajoutent que le défaut de traduction de ces
documents n’a causé aucun grief aux prévenus, qui, invoquant, dans leurs conclusions, la
violation, par les
autorités françaises, des termes de l’autorisation donnée par les autorités britanniques, laissent
entendre qu’ils en ont compris le sens.

16. En prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision pour les raisons suivantes :

17. En premier lieu, ces documents ne sont pas des actes d’enquête, ayant pour but de
constater une infraction et d’en identifier les auteurs, ni des actes de poursuite, manifestant
l’intention du ministère public de traduire les auteurs d’une infraction devant une juridiction
pénale. Ils
s’inscrivent seulement dans la relation bilatérale entre le gouvernement français et celui d’un Etat
étranger, portent sur l’application d’une convention internationale et n’obéissent donc pas au
formalisme prévu par le code de procédure pénale.

18. En deuxième lieu, les prévenus n’ont pas demandé, dans leurs conclusions devant la cour
d’appel, l’organisation d’un supplément d’information afin que ces documents soient traduits, ce
qu’ils pouvaient faire.

19. En troisième lieu, une analyse et une traduction de ces documents figurent dans les
conclusions des demandeurs. Ceux-ci ne démontrent l’existence d’aucun grief résultant pour eux
de cette absence de traduction et ne peuvent donc obtenir l’annulation de la procédure pour ce
motif.

20. Le grief ne peut donc être admis.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

21. Les demandeurs ont prétendu, devant les juridictions du fond, que la procédure devait être
annulée, la réponse des autorités britanniques à la demande des autorités françaises n’étant pas
signée.

22. Pour écarter cette exception, l’arrêt attaqué énonce que cette réponse n’est pas un acte
d’enquête ou d’instruction, qui serait soumis à l’exigence de signature posée par l’article 107 du
code de procédure pénale, et que cette réponse contient l’identité de son auteur, et vise son
appartenance au « Border Force », service britannique dont les autres documents de la procédure
établissent qu’il était compétent pour intervenir dans l’arraisonnement du voilier C... N....

23. En prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision pour les raisons suivantes :

24. En premier lieu, l’article 107 du code de procédure pénale régit la nullité des procès-verbaux
dressés au cours de l’instruction. Tel n’est pas le cas d’un acte établi par une autorité étrangère,
qui n’est pas régi par les formes prévues par le code de procédure pénale, et s’inscrit dans une
relation bilatérale, présentant les caractéristiques décrites au paragraphe 17 précité.

25. En deuxième lieu, l’article 17 de la Convention de Vienne ne soumet les échanges entre les
pays signataires à aucun formalisme particulier, en particulier lorsqu’un Etat autorise la prise des
mesures appropriées qu’il énumère, parmi lesquelles l’arraisonnement, la visite du navire et la
privation de liberté des membres de son équipage. Il en résulte que l’autorisation des autorités
britanniques, dont l’existence a été constatée par la cour d’appel, laquelle a relevé qu’elle émanait
d’un service compétent pour la délivrer, ne peut être annulée.

26. En troisième lieu, les demandeurs n’indiquent pas en quoi le défaut de signature invoqué aurait
porté atteinte à leurs intérêts.

27. Le grief ne peut donc être admis.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche


28. Les demandeurs ont prétendu, devant la juridiction du fond, que la procédure était
irrégulière, les autorités françaises ayant demandé aux autorités britanniques, dans un même
document, la
confirmation de l’immatriculation de leur voilier, ainsi que l’autorisation de prendre des mesures
appropriées à son égard. Ils soutiennent que la demande d’autorisation de prendre de telles
mesures ne pouvait être présentée qu’après avoir obtenu la confirmation de l’immatriculation du
navire.

29. Pour écarter cette exception, la cour d’appel énonce que la Convention de Vienne n’impose pas
aux parties de se soumettre à un formalisme particulier, les modalités de la mise en oeuvre de la
coopération contre le trafic illicite de stupéfiants relevant de la responsabilité des Etats souverains.

30. En prononçant ainsi, la cour d’appel n’a pas encouru le grief allégué, pour les raisons
suivantes :

31. En premier lieu, l’article 17.3 de la Convention de Vienne prévoit : « une Partie qui a des motifs
raisonnables de soupçonner qu’un navire exerçant la liberté de navigation conformément au droit
international et battant le pavillon d’une autre partie se livre au trafic illicite peut le notifier à l’Etat
du pavillon, demander confirmation de l’immatriculation et, si celle-ci est confirmée, demander
l’autorisation à cet Etat de prendre les mesures appropriées à l’égard de ce navire ». Cette règle
vise seulement à empêcher qu’un Etat, partie à la Convention, ne prenne des mesures envers un
navire battant pavillon d’un autre Etat, sans l’autorisation de ce dernier. Mais elle n’institue pas un
formalisme imposant deux demandes distinctes et successives, l’une, sollicitant la confirmation de
l’immatriculation du navire, puis, une fois celle-ci obtenue, une demande différente tendant à être
autorisé à prendre des mesures.

32. En second lieu, l’arraisonnement du voilier n’est intervenu qu’après l’autorisation des autorités
britanniques, et il est établi que le navire arraisonné est bien celui visé par cette autorisation.

33. Les moyens ne peuvent donc être admis.

Sur le deuxième moyen présenté par M. S... W... et M. E... Et sur le même moyen, repris pour
M. I...

Enoncé des moyens

34. Les moyens sont pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits
de l’homme, 17-4 de la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de
substances psychotropes, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque
de base légale.

35. Les moyens critiquent l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté la demande de nullité des
autorisations d’arraisonnement, de déroutement du navire et d’arrestation de l’équipage, alors
« que l’Etat du pavillon ne peut autoriser l’Etat requérant à prendre les mesures appropriées à
l’égard du navire, des personnes qui se trouvent à bord et de la cargaison que si des preuves de
participation à un trafic illicite sont découvertes ; qu’en l’espèce, bien que le Royaume-Uni ait
autorisé l’autorité compétente française à perquisitionner le navire battant pavillon britannique
uniquement dans les eaux internationales et dans la seule hypothèse où la preuve d’une implication
dans le trafic de drogue illicite serait trouvée, les autorités françaises ont néanmoins décidé
d’arraisonner puis de dérouter vers un port français un navire britannique sans jamais avoir eu la
preuve d’une quelconque infraction ; qu’en se fondant, pour écarter l’exception d’irrégularité du
déroutement tenant à un excès de pouvoir des autorités françaises, sur la circonstance que le
Royaume-Uni n’avait émis aucune protestation lorsqu’il avait été avisé que le voilier était dérouté
sur le port de Nouméa pour une fouille complète par le service de douanes bien que son
interlocuteur français ne fasse pas état de la découverte préalable de stupéfiants et que les
prévenus n’avaient pas qualité à se plaindre d’un prétendu dévoiement de l’autorisation donnée en
l’absence de remarque de l’Etat dont le navire arraisonné arborait le pavillon, la cour d’appel, qui a
statué par un motif inopérant, impropre à écarter la violation par les autorités de poursuite de la
procédure qui leur était applicable, n’a pas légalement justifié sa décision. » Réponse de la Cour

36. Les moyens sont réunis.

37. Devant les juges du fond, les demandeurs ont soutenu que l’arraisonnement de leur voilier et
son déroutement vers Nouméa ont été accomplis de manière irrégulière, sans que leur
participation à un trafic de stupéfiants soit établie, cette preuve n’ayant été acquise que lors de la
découverte de
la drogue à l’arrivée à Nouméa, alors que les autorités britanniques n’avaient autorisé la prise de
mesures à l’égard du voilier que s’il était impliqué dans un trafic de stupéfiants.

38. Pour rejeter cette exception, l’arrêt attaqué retient que les autorités françaises ont informé les
autorités britanniques, le 20 octobre 2017, de l’arraisonnement du voilier, et de son déroutement
vers Nouméa pour une fouille complète, et que les autorités britanniques, dans une réponse du
lendemain, n’ont formé aucune objection à ce déroutement, après avoir été informées qu’il
intervenait en l’absence de découverte préalable de drogue à bord.

39. En l’état de ces motifs, la cour d’appel a souverainement apprécié le contenu et la portée des
documents soumis à la discussion contradictoire des parties et en a déduit que les mesures prises
envers le navire arraisonné avaient été autorisées par les autorités britanniques. Elle a donc
justifié sa décision sans encourir le grief allégué.

40. Les moyens seront donc écartés.

Sur le troisième moyen présenté par M. S... W... et M. E... Et sur le même moyen, repris pour
M. I...

Enoncé des moyens

41. Les moyens sont pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits
de l’homme, 17-4 de la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de
substances psychotropes, L. 1521-16 du code de la défense, des articles préliminaire, 591, 593,
803-5 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale.

42. Les moyens critiquent l’arrêt attaqué en ce qu’il a a rejeté les exceptions de nullité soulevées
par MM. S... W..., E... et I... à l’encontre des mesures privatives ou restrictives liberté, alors « que
l’ordonnance du juge des libertés statuant sur la prolongation éventuelle des mesures de
restriction ou de privation de liberté mentionnées à l’article L. 1521-12 du code de la défense doit
être transmise dans les plus brefs délais par le procureur de la République au préfet maritime ou,
Outre-Mer, au délégué du gouvernement pour l’action de l’Etat en mer, à charge pour celui-ci de la
faire porter à la connaissance de la personne intéressée dans une langue qu’elle comprend ; qu’en
se fondant, pour écarter la nullité des mesures de rétention infligées aux prévenus, sur la
circonstance que ceux-ci n’avaient pas subi de grief car l’ordonnance n’était pas susceptible de
recours, la cour d’appel qui a statué par un motif inopérant, totalement impropre à écarter
l’existence d’un grief, s’agissant d’une décision portant atteinte à la liberté de l’individu, n’a pas
légalement justifié sa décision. »

Réponse de la Cour

43. Les moyens sont réunis.

44 Les demandeurs ont fait l’objet, chacun, d’une mesure de privation de liberté, décidée par le
commandant du navire qui a arraisonné le voilier à bord duquel ils naviguaient, à compter de son
arraisonnement, le 20 octobre 2017 à 5 heures 15. Ces mesures ont été prolongées par le juge des
libertés et de la détention, par ordonnance du 21 octobre 2017, à compter du 22 octobre 2017 à 5
heures 15, et pour une durée de quatre jours.

45 Les prévenus ont soulevé la nullité de la procédure au motif que cette ordonnance n’avait pas
été portée à leur connaissance dans une langue qu’ils comprennent.

46. Pour rejeter cette exception, la cour d’appel, après avoir constaté qu’il n’est pas démontré
que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, prolongeant leur privation de liberté, ait
été portée à la connaissance des prévenus, énonce que le code de la défense ne sanctionne pas
l’inobservation de cette formalité par la nullité. L’arrêt ajoute que, cette décision n’étant pas
susceptible de recours, aucun grief ne résulte de l’omission critiquée, les prévenus n’ayant pas été
privés d’un droit.

47. En prononçant ainsi, dès lors que l’existence et la régularité des ordonnances en cause ne
sont pas contestées, et que les demandeurs ne soutiennent pas qu’ils ignoraient les raisons de
leur
arrestation et de leur retenue à bord d’un bâtiment de la marine nationale, la cour d’appel a justifié
sa décision.

48. Ainsi, les moyens ne peuvent être accueillis.


Mais sur le moyen additionnel présenté par M. S... W... et M. E... Et sur le même moyen, repris
pour M. I...

Enoncé des moyens

49. Les moyens sont pris de la violation des articles 5, § 3, de la Convention européenne des droits
de l’homme, L. 1521-18 du code de la défense, préliminaire, 591, 593, du code de procédure
pénale, défaut de motifs, manque de base légale.

50. Les moyens critiquent l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté les exceptions de nullité des rétentions
douanières notifiées le 23 octobre 2017 et des gardes à vue ultérieures soulevées par MM. S... W...
et E... et I..., alors « que les personnes qui font l’objet d’une mesure privative de liberté à leur
arrivée sur le sol français doivent être présentées dans les plus brefs délais soit au juge des
libertés et de la détention, soit au juge d’instruction ; qu’à leur arrivée sur le sol français, le 23
octobre 2017, à 10 heures15, M. S... W..., M. E... et M. I... ont été placés en rétention douanière à
compter de 12 heures 40 et ont été transférés à la gendarmerie le 24 octobre 2017 à 10 heures15
où ils se sont vus notifier leur placement en garde à vue ; que le 24 octobre, entre 12 heures 10 et
12 heures 30, ils ont été présentés devant le procureur de la République qui a autorisé la
prolongation de la garde à vue pour un nouveau délai de 24 heures et n’ont été présentés devant
le juge des libertés et de la détention que le 25 octobre entre 10 heures 30 et 12 heures ; qu’en se
fondant, pour refuser d’annuler la rétention douanière et la garde à vue de M. S... W..., de M. E...
et de M. I..., sur la circonstance que la coercition avait été rompue à la descente du bateau
cependant que les suspects avaient fait l’objet d’une retenue douanière puis d’une mesure de garde
à vue à leur arrivée sur le sol français et qu’ils avaient été présentés au juge des libertés et de la
détention plus de 48 heures après leur arrivée, la chambre de l’instruction n’a pas légalement
justifié sa décision. »

Réponse de la Cour

51. Les moyens sont réunis. Vu les articles 5, § 3, de la Convention européenne des droits de
l’homme et L. 152118 du code de la défense :

52. Selon le premier de ces textes, toute personne arrêtée ou détenue doit être aussitôt
traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité à exercer des fonctions judiciaires.

53. En application de ce texte, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France à
trois reprises car des personnes, arrêtées en haute mer et transférées en France, n’avaient pas
été présentées à un juge au moment de leur arrivée en France, mais deux jours plus tard (CEDH
27 juin 2013, Vassis et autres c/France, n° 62736/09, § 58 et 59 ; CEDH 4 décembre 2014, P...
A... et autres c/France, n° 17110/10 et 17301/10, § 55 à 59 ; CEDH 4 décembre 2014, n° Hassan
et autres c/France, n° 46695/10 et 54588/10, § 99 à 103).

54. Selon le texte susvisé du code de la défense, dès leur arrivée sur le sol français, les personnes
faisant l’objet de mesures de coercition sur un bâtiment de l’Etat, en application des articles
L. 1521-11 et suivants de ce code, sont mises à la disposition de l’autorité judiciaire. Si elles font
l’objet d’une mesure de garde à vue, elles sont présentées dans les plus brefs délais, soit, à la
requête du procureur de la République, au juge des libertés et de la détention, soit au juge
d’instruction, qui peuvent ordonner leur remise en liberté.

55. Devant les juges du fond, les prévenus ont soutenu que la procédure était irrégulière, car
ils n’avaient pas été présentés au juge des libertés et de la détention, à leur arrivée à Nouméa,
le 23 octobre 2017.

56. Pour rejeter cette exception, la cour d’appel énonce qu’à leur arrivée à Nouméa, ils n’ont pas
été soumis à un régime coercitif, mais qu’ils ont procédé, comme tout étranger entrant en
Nouvelle-Calédonie, aux formalités douanières, et qu’ils n’ont fait l’objet d’une nouvelle mesure
coercitive, une retenue douanière, qu’à compter de la découverte de produits stupéfiants dans le
voilier, puis d’une garde à vue, et qu’ils ont été présentés au juge des libertés et de la détention, le
25 octobre 2017, aucune présentation devant le juge des libertés et de la détention n’ayant été
nécessaire à leur arrivée sur le sol français, en l’absence de placement en garde à vue à ce
moment.

57. En se déterminant ainsi, alors que les demandeurs, privés de liberté depuis l’arraisonnement,
intervenu le 20 octobre 2017, ont été remis, par l’autorité navale, aux fonctionnaires de
l’administration des douanes, le 23 octobre 2017, à leur arrivée à Nouméa, puis placés en rétention
douanière et en garde à vue sans avoir été présentés au juge des libertés et de la détention, la
cour d’appel a méconnu les textes précités.

58. La cassation est, en conséquence, encourue.

Portée de la cassation

59. La cassation sera limitée aux dispositions de l’arrêt ayant rejeté l’exception de nullité prise du
défaut de comparution des prévenus devant le juge des libertés et de la détention à leur arrivée
à Nouméa ainsi que, par voie de conséquence, aux dispositions relatives aux déclarations de
culpabilité et aux peines prononcées. Les dispositions de l’arrêt attaqué, rejetant les exceptions de
nullité visées par les trois premiers moyens de cassation, sont maintenues.

PAR CES MOTIFS, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de cassation proposés, la
Cour : CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à l’exception de nullité prise du
défaut de comparution des prévenus devant le juge des libertés et de la détention à leur arrivée à
Nouméa, aux déclarations de culpabilité et aux peines, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de
Nouméa, en date du 5 juin 2018, les autres dispositions de l’arrêt demeurant expressément
maintenues ; Et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la
cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, à ce désignée par délibération
prise en chambre du conseil.
AnnEXE 4

COUR DE CASSATIOn, CHAMBRE CRIMInELLE, 5 MAI 2015, 14-82.481, PUBLIß AU BULLETIn

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Ibrahim X...,

- La société Densa Tanker Isletmeciligi Ltd,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 25 février 2014, qui,
pour pollution maritime, a condamné le premier à 20 000 euros d'amende, dit que cette amende
serait supportée à concurrence de 10 000 euros par la seconde, et condamné cette dernière à 40
000 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 février 2015 où étaient présents : M.
Guérin, président, Mme Mirguet, conseiller rapporteur, MM. Pers, Fossier, Mmes Schneider, Farrenq
Nési, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mmes Harel-Dutirou, Guého, conseillers référendaires
;

Avocat général : M. Lagauche ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller MIRGUET, les observations de la société civile professionnelle
WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE
;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux

demandeurs ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 3 février 2008, il a été
constaté par le commandant d'un aéronef de la base aéronautique de Lann Bihoué, en surveillance
maritime, à 7 nautiques des îles du Levant, la présence d'une nappe de pollution, dans le sillage
du navire citerne Butek, immatriculé au Panama, permettant de suspecter des rejets de
substances liquides nocives, identifiées comme étant de l'huile d'olive transportée en vrac ; que M.
X..., capitaine du navire, et la société Densa Tanker Isletmeciligi Ltd ont été cités devant le
tribunal pour rejet en mer de substances liquides nocives ; que le tribunal correctionnel est entré
en voie de condamnation ; qu'appel a été interjeté de la décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 436, 444, 445, 446, 591 et 593
du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l'arrêt attaqué énonce qu'à l'audience publique du 10 décembre 2013 "le président a
fait entrer le témoin dans la salle qui a été entendu en ses explications en qualité d'expert" ;
« alors que toute formalité substantielle, dont l'accomplissement n'est pas régulièrement constaté,
est réputée avoir été omise ; que les témoins entendus à l'audience d'une juridiction répressive
doivent, avant de commencer leur déposition, prêter le serment prévu par l'article 446 du code de
procédure pénale ; qu'en l'espèce, dès lors qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt que M. E...,
entendu comme témoin, ait prêté le serment prévu pour les témoins, la procédure est entachée de
nullité » ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et des notes d'audience signées par le président et
le greffier mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que M. E... a été entendu par la
cour d'appel après avoir prêté le serment des témoins prévu par l'article 446 du code de
procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait, doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5, 8 et 16 de la Déclaration


des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 34 de la Constitution, 7 de la Convention européenne
des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'Annexe II de la Convention internationale
pour la prévention de la pollution par les navires, faite à Londres le 2 novembre 1973, telle que
modifiée par le protocole du 17 février 1978, des articles L. 218-15, L. 218-11, L. 218-21, L. 218-
24 du code de l'environnement, dans leur version applicable le 3 février 2008, devenus les articles
L. 218-11, L. 218-13, L. 218-22, L. 218-23, L. 218-24, L. 218-30 du même code, 591 à 593 du
code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation du principe du
contradictoire et des droits de la défense ;

« en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... et la société Densa Tanker Isletmeciligi Ltd coupables
de rejet de substances liquides nocives par un navire et en répression les a respectivement
condamné à une amende de 20 000 euros et 40 000 euros ;

« aux motifs que M. X... et la société Densa Tanker ont été poursuivis pour avoir dans les eaux
territoriales françaises, le 3 février 2008 procédé à des rejets en mer de substances liquides
nocives relevant de la catégorie Y du paragraphe 1.2 de la règle six du chapitre de l'annexe II de la
Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires faite à Londres le 2
novembre 1973 (telle que révisée le 15 octobre 2004 et entrée en vigueur le 1er janvier 2007) en
l'espèce de l'huile d'olive ; la résolution adoptée à Londres le 15 octobre 2004, entrée en vigueur
au plan international le 1er juillet 2007 a été publiée au journal officiel de la République française
seulement le 5 juin 2010 ; que cette résolution a eu entre autres pour objet de modifier les
différentes catégories de substances liquides nocives, l'huile d'olive jusqu'alors classée en catégorie
D relevant désormais de la catégorie Y ; qu'il convient, en conséquence, d'appliquer la législation
en vigueur au moment des faits et de considérer que les substances visées par la prévention
relèvent de la catégorie D ; suivant le paragraphe 1), alinéa d), de la règle 3 de la partie II de
l'annexe II de Marpol, la catégorie D se définit ainsi : "substances liquides nocives qui, si elles sont
rejetées à la mer lors des opérations de nettoyage des citernes ou de déballastages, présentent un
risque discernable pour les ressources marines pour la santé de l'homme ou nuisent très
légèrement à l'agrément des sites ou autres utilisations légitimes de la mer et appelle en
conséquence certaines précautions en ce qui concerne les conditions d'exploitation" ; que suivant
la règle 5 du même texte relatif au rejet de substances liquides nocives, il est interdit de rejeter à
la mer des substances de la catégorie D définie à la règle trois, paragraphe l), alinéa d), des
substances provisoirement placées dans cette catégorie ainsi que des eaux de ballast, des eaux de
nettoyage de citernes ou d'autres résidus ou mélanges contenant de telles substances, sauf
lorsque toutes les conditions ci-après se trouvent réunies : a) le navire afférent a une vitesse d'au
moins 7 noeuds pour les navires à propulsion autonome et d'au moins quatre pour les autres
navires ; b) la concentration du mélange ne dépasse pas une part de substances pour 10 parts
d'eau ; c) que le rejet s'effectue à une distance d'au moins 12 milles marins de la terre la plus
proche ; qu'il est constant, au vu des constatations effectuées, des auditions du prévenu que le
navire Buket a rejeté de l'huile d'olive le 3 février 2008 à l'intérieur des eaux territoriales de la
France à 7 milles nautiques des îles du Levant ; que le lieutenant de vaisseau M. F..., habilité à
constater les pollutions maritimes et spécialisé dans le domaine de la surveillance maritime, a
constaté le 3 février 2008 à 10 heures 20 dans le sillage du bateau Le Buket une pollution, le pilote
de l'avion constatant que ce rejet provenait de trois buses situées sur son arrière tribord ; qu'après
contact par radio avec le commandant du navire M. X..., celui-ci lui répondait spontanément qu'il
effectuait en toute légalité un rejet de produits d'origine végétale précisant qu'il s'agissait d'huile
d'olive ajoutant aussi qu'il nettoyait son pont ; que le commandant du navire n'a jamais donné à ce
moment-là d'autres explications ni de précisions supplémentaires sur les circonstances de ce rejet
et notamment n'a jamais argué qu'il était en train de procéder à un exercice de feu avec aspiration
de l'eau de mer, pulvérisation et rejet de cette eau de mer ; qu'ultérieurement, suite à une
demande d'enquête internationale, M. X... a donné cette version, prétendant avoir informé le jour
même l'avion en charge de la surveillance maritime de l'existence de l'exercice incendie planifié,
arguant d'une mauvaise compréhension, chaque interlocuteur parlant la langue anglaise ; que si le
déchargement des citernes d'huile d'olive à Gênes a été suivi, ainsi que cela été vérifié, par un
lavage de ces mêmes citernes avec de l'eau dont la quantité a été précisée au P&A Manual
Procédure, il n'en demeure pas moins vrai que M. E..., expert désigné par la brigade de recherche
maritime de Toulon, après examen des photographies prises le 3 février 2008, a bien constaté que
le rejet était typique des rejets d'huile végétale au-dessus de la ligne de flottaison attachée aux
navires, étant rappelé que, suivant le lieutenant de vaisseau M. F..., ce rejet provenait de trois
buses situées sur l'arrière tribord du bateau ; que M. E... est sceptique sur un rinçage du pont
ajoutant que dans un cas semblable il y aurait eu des rejets des deux côtés ; à l'audience de la
cour d'appel, M. E..., entendu comme témoin, maintiendra que les rejets venaient uniquement de
tribord ; que les deux prévenus pour soutenir leurs explications sur les conditions ayant entouré le
rejet des résidus d'huile végétale, ont fait état des documents dans lesquels sont justifiés le détail
de la procédure d'exercice feu avec le déroulement de l'opération contresigné par les membres
d'équipage ayant participé à cet exercice ; suivant l'article L. 5412-7 du code des transports le
journal de mer et le livre de bord font foi jusqu'à preuve contraire des événements et des
circonstances qui y sont relatés ; que, néanmoins, l'absence de toute allusion le 3 février 2008 à
cette opération par le capitaine auprès du pilote de l'avion de surveillance reste inexplicable ; qu'en
admettant la thèse des prévenus, il n'en demeure pas moins vrai que des résidus d'huile d'olive se
trouvaient sur le pont après le déchargement de la cargaison à Gênes ; que cette situation n'est
niée par aucun des deux experts désignés par les prévenus MM. G... et H... ni par les prévenus
dans leurs conclusions ; que l'existence de ces résidus ne pouvait être ignorée par le commandant
du navire au vu de son expérience professionnelle ; que les prévenus arguent des dispositions de la
convention Solas, relative à la Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie
humaine en mer et précisant notamment à propos des exercices de sécurité que : "tout membre de
l'équipage doit participer à un exercice d'abandon du navire et à un exercice d'incendie par mois au
moins ; que l'équipage doit effectuer les exercices dans les 24 heures qui suivent le départ d'un
port si plus de 25 % des membres de l'équipage n'ont pas participé dans le mois qui précède à ces
exercices" ; qu'en l'espèce, l'obligation pour le capitaine d'organiser l'exercice incendie dans les 24
heures de la sortie du navire du port de Gênes, soit le 3 février 2008, n'est pas démontrée dès lors
que M. X... n'a pas mentionné que plus de 25 % des membres de l'équipage n'avaient pas participé
dans le mois qui a précédé à ce type d'exercice ; qu'en tout état de cause, il lui appartenait
d'avancer ou de retarder cet exercice de quelques heures afin de le situer en dehors des eaux
territoriales et notamment pas à proximité des îles du Levant, zone particulièrement protégée ;
que le départ du navire de Gênes s'étant effectué dans la soirée du 2 février et l'opération incendie
supposée ayant été organisée dans la matinée du 3 février ; qu'il convient de constater qu'en tout
état de cause, si la version de M. X... est prise en compte, celui-ci a donc profité d'un exercice
incendie pour laver le pont de son navire chargé de résidus d'huile, étant précisé que l'opération
ayant eu lieu à l'intérieur des eaux territoriales françaises ; qu'il convient donc de relever que les
éléments constitutifs du délit prévu et réprimé par les articles L. 218-15, L. 218-11, L. 218-21 et L.
218-24 du code de l'environnement dans leur version applicable le 3 février 2008, devenus les
articles L. 218-11, L. 218-13, L. 218-22, L. 218-23, L. 218-24 et L. 218-30 sont réunies ;

1°) « alors que l'article L. 218-15 du code de l'environnement, dans sa version applicable du 10
mars 2004 au 3 août 2008, devenu l'article L. 218-11 du même code, relatif à la répression des
rejets en mer de substances liquides nocives est contraire aux articles 5, 8 et 16 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 34 de la Constitution ainsi qu'aux principes de
légalité des délits et des peines, de clarté de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité
juridique
; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité du texte précité qui sera prononcée
après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par
mémoire distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;

2°) « alors que le texte d'incrimination ne répond pas aux conditions de prévisibilité et de clarté
que commande le principe conventionnel de légalité des délits ; que l'arrêt est donc privé de tout
fondement légal ;

181
3°) « alors que l'infraction de rejet à la mer de substances liquides nocives ou mélanges contenant
de telles substances n'est pas applicable lorsqu'un tel rejet est nécessaire pour garantir la sécurité
du navire ou la sauvegarde de la vie humaine en mer ; que tel est le cas lorsque le rejet a été
effectué en vertu de la Convention Solas qui impose un exercice d'abandon du navire et un
exercice d'incendie dans les 24 heures qui suivent le départ d'un port si plus de 25 % des
membres de l'équipage n'ont pas participé dans le mois qui précède à ces exercices ; qu'en
l'espèce, il est constant qu'un tel exercice a été pratiqué le 3 février 2014, à la suite du départ le 2
février du port de Gênes du navire « Buket », justifiant le rejet d'huile d'olive présent sur le pont
du navire ; qu'en écartant ce fait justificatif la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

4°) « alors qu'en refusant de prendre en compte le fait justificatif tiré de l'exercice anti-incendie
prévu par la Convention Solas, en relevant que M. X... n'aurait pas mentionné que plus de 25 %
des membres de l'équipage n'avaient pas participé dans le mois qui a précédé à ce type d'exercice,
mais sans avoir préalablement demandé aux prévenus de s'expliquer sur ce point et ainsi les
mettre en mesure d'y répondre, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire et les droits de
la défense ;

5°) « alors qu'en relevant qu'il appartenait au capitaine du navire d'avancer ou de retarder cet
exercice de quelques heures afin de le situer en dehors des eaux territoriales et notamment pas à
proximité des îles du Levant, zone particulièrement protégée, mais sans vérifier si les exercices
effectués pouvaient avoir lieu en dehors des zones et des horaires retenus par le capitaine, la cour
d'appel a rajouté aux textes une condition qui n'y figure pas et privé sa décision de base légale » ;

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que par arrêt en date du 18 novembre 2014, la cour a dit n'y avoir lieu à renvoi de la
question prioritaire de constitutionnalité ;

D'où il suit que les griefs ne peuvent qu'être écartés ;

Sur le moyen pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches :

Attendu que le moyen qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte
d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel, a, sans imposer une condition
supplémentaire pour l'application du fait justificatif, prévu à la Règle 3 de l'annexe II de la
Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, dite Convention
Marpol, écarté à bon droit, ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de la Convention internationale pour la


prévention de la pollution par les navires, faite à Londres le 2 novembre 1973, telle que modifiée
par le protocole du 17 février 1978, de l'Annexe II de ladite Convention, des articles L. 218-15, L.
218-11, L. 218-21, L. 218-24 du Code de l'environnement, dans leur version applicable le 3 février
2008, devenus les articles L. 218-11, L. 218-13, L. 218-22, L. 218-23, L. 218-24 et L. 218-30 du
même code, des articles 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de
base légale ;

« en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Densa Tanker Isletmeciligi Ltd coupable de rejet de
substance polluante par un navire et en répression l'a condamnée à une amende de 40 000 euros ;

« aux motifs qu'il est constant, au vu des constatations effectuées, des auditions du prévenu que le
navire Buket a rejeté de l'huile d'olive le 3 février 2008 à l'intérieur des eaux territoriales de la
France à 7 milles nautiques des îles du Levant ; que le lieutenant de vaisseau M. F..., habilité à
constater les pollutions maritimes et spécialisé dans le domaine de la surveillance maritime, a
constaté le 3 février 2008 à 10 heures 20 dans le sillage du bateau Le Buket une pollution, le pilote
de l'avion constatant que ce rejet provenait de trois buses situées sur son arrière tribord ; qu'après
contact par radio avec le commandant du navire M. X..., celui-ci lui répondait spontanément qu'il
effectuait en toute légalité un rejet de produits d'origine végétale précisant qu'il s'agissait d'huile
d'olive ajoutant aussi qu'il nettoyait son pont ; que le commandant du navire n'a jamais donné à ce
moment-là d'autres explications ni de précisions supplémentaires sur les circonstances de ce rejet
et notamment n'a jamais argué qu'il était en train de procéder à un exercice de feu avec aspiration
de l'eau de mer, pulvérisation et rejet de cette eau de mer ; qu'ultérieurement, suite à une
demande d'enquête internationale, M. X... a donné cette version, prétendant avoir informé le jour
même l'avion en charge de la surveillance maritime de l'existence de l'exercice incendie planifié,
arguant d'une mauvaise compréhension, chaque interlocuteur parlant la langue anglaise ; que si le
déchargement des citernes d'huile d'olive à Gênes a été suivi, ainsi que cela été vérifié, par un
lavage de ces mêmes citernes avec de l'eau dont la quantité a été précisée au P&A Manual
Procédure, il n'en demeure pas moins vrai que M. E..., expert désigné par la brigade de recherche
maritime de Toulon, après examen des photographies prises le 3 février 2008, a bien constaté que
le rejet était typique des rejets d'huile végétale au-dessus de la ligne de flottaison attachée aux
navires, étant rappelé que, suivant le lieutenant de vaisseau M. F..., ce rejet provenait de trois
buses situées sur l'arrière tribord du bateau ; que M. E... est sceptique sur un rinçage du pont
ajoutant que dans un cas semblable il y aurait eu des rejets des deux côtés ; qu'à l'audience de la
cour d'appel, M. E..., entendu comme témoin, maintiendra que les rejets venaient uniquement de
tribord ; que les deux prévenus pour soutenir leurs explications sur les conditions ayant entouré le
rejet des résidus d'huile végétale, ont fait état des documents dans lesquels sont justifiés le détail
de la procédure d'exercice feu avec le déroulement de l'opération contresigné par les membres
d'équipage ayant participé à cet exercice ; que suivant l'article L. 5412-7 du code des transports le
journal de mer et le livre de bord font foi jusqu'à preuve contraire des événements et des
circonstances qui y sont relatés ; que, néanmoins, l'absence de toute allusion le 3 février 2008 à
cette opération par le capitaine auprès du pilote de l'avion de surveillance reste inexplicable ; qu'en
admettant la thèse des prévenus, il n'en demeure pas moins vrai que des résidus d'huile d'olive se
trouvaient sur le pont après le déchargement de la cargaison à Gênes ; que cette situation n'est
niée par aucun des deux experts désignés par les prévenus MM. G... et H... ni par les prévenus
dans leurs conclusions ; que l'existence de ces résidus ne pouvait être ignorée par le commandant
du navire au vu de son expérience professionnelle ; que les prévenus arguent des dispositions de la
convention Solas, relative à la Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie
humaine en mer et précisant notamment à propos des exercices de sécurité que "tout membre de
l'équipage doit participer à un exercice d'abandon du navire et à un exercice d'incendie par mois au
moins, l'équipage doit effectuer les exercices dans les 24 heures qui suivent le départ d'un port si
plus de 25 % des membres de l'équipage n'ont pas participé dans le mois qui précède à ces
exercices" ; qu'en l'espèce, l'obligation pour le capitaine d'organiser l'exercice incendie dans les 24
heures de la sortie du navire du port de Gênes, soit le 3 février 2008, n'est pas démontrée dès lors
que M. X... n'a pas mentionné que plus de 25 % des membres de l'équipage n'avaient pas participé
dans le mois qui a précédé à ce type d'exercice ; qu'en tout état de cause, il lui appartenait
d'avancer ou de retarder cet exercice de quelques heures afin de le situer en dehors des eaux
territoriales et notamment pas à proximité des îles du Levant, zone particulièrement protégée ;
que le départ du navire de Gênes s'étant effectué dans la soirée du 2 février et l'opération incendie
supposée ayant été organisée dans la matinée du 3 février ; qu'il convient de constater qu'en tout
état de cause, si la version de M. X... est prise en compte, celui-ci a donc profité d'un exercice
incendie pour laver le pont de son navire chargé de résidus d'huile, étant précisé que l'opération
ayant eu lieu à l'intérieur des eaux territoriales françaises ; qu'il convient donc de relever que les
éléments constitutifs du délit prévu et réprimé par les articles L. 218-15, L. 218-11, L. 218-21 et L.
218-24 du code de l'environnement dans leur version applicable le 3 février 2008, devenus les
articles L. 218-11, L. 218-13, L. 218-22, L. 218-23, L. 218-24 et L. 218-30 sont réunies ; que si le
principe juridique d'une éventuelle responsabilité du capitaine de navire n'est pas contesté par
celui-ci, la société Densa Tanker, en revanche, demande sa relaxe au motif qu'elle n'a jamais été le
propriétaire du navire Buket, qu'elle n'en est pas davantage l'exploitant commercial et qu'elle n'en
avait que la responsabilité technique ; que, sur ce point, la société Densa Tanker, en sa qualité
d'armateur du navire est une personne morale équipant à ses frais un navire et est soumise à la
législation ci-dessus visée ; qu'il échet, en conséquence, de confirmer la déclaration de culpabilité
de M. X... et de la société Densa Tanker, étant précisé que la substance nocive visée relevait au
moment des faits de la catégorie D au lieu de la catégorie Y ;

« alors que, selon l'article L. 218-20 du code de procédure pénale, les peines prévues en cas de
rejet de substances polluantes par un navire sont applicables soit au propriétaire, soit à l'exploitant
ou à leur représentant légal ou dirigeant de fait s'il s'agit d'une personne morale, soit à toute autre
personne que le capitaine ou responsable à bord exerçant, en droit ou en fait, un pouvoir de
contrôle ou de direction dans la gestion ou la marche du navire ou de la plate-forme, lorsque ce
propriétaire, cet exploitant ou cette personne a été à l'origine d'un rejet effectué en infraction aux
articles L. 218-10 à L. 218-19 ou n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'éviter ; qu'en
l'espèce, la cour d'appel qui n'a pas constaté que le représentant légal de la société Densa Tanker,
qui n'était pas le capitaine du navire, a été à l'origine du rejet ou n'a pas pris les mesure
nécessaires pour l'éviter, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés » ;
Attendu que, faute d'avoir soulevé devant les juges du fond que M. X... n'était pas le
représentant légal de la société, ce moyen, proposé pour la première fois devant la Cour de
cassation, mélangé de fait et de droit, est nouveau, et comme tel, irrecevable ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de la Convention internationale pour la


prévention de la pollution par les navires, faite à Londres le 2 novembre 1973, telle que modifiée
par le protocole du 17 février 1978, de l'Annexe II de ladite Convention, des articles L. 218-15, L.
218-11, L. 218-21 et L. 218-24 du code de l'environnement, dans leur version applicable le 3
février 2008, devenus les articles L. 218-11, L. 218-13, L. 218-22, L. 218-23, L. 218-24 et L. 218-
30 du même code, des articles 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque
de base légale ;

« en ce que l'arrêt attaqué a décidé que la société Densa Tanker Isletmeciligi Ltd devra supporter à
concurrence de 10 000 euros l'amende prononcée à l'encontre de M. X... ;

« aux motifs que si le principe juridique d'une éventuelle responsabilité du capitaine de navire n'est
pas contesté par celui-ci, la société Densa Tanker, en revanche, demande sa relaxe au motif qu'elle
n'a jamais été le propriétaire du navire Buket, qu'elle n'en est pas davantage l'exploitant
commercial et qu'elle n'en avait que la responsabilité technique ; que, sur ce point, la société
Densa Tanker, en sa qualité d'armateur du navire est une personne morale équipant à ses frais un
navire et est soumise à la législation ci-dessus visée ; qu'il échet, en conséquence, de confirmer la
déclaration de culpabilité de M. X... et de la société Densa Tanker, étant précisé que la substance
nocive visée relevait au moment des faits de la catégorie D au lieu de la catégorie Y ;

« alors que, selon l'article L.218-23 du code de l'environnement, le tribunal peut, compte tenu des
circonstances de fait et notamment des conditions de travail de l'intéressé, décider que le paiement
des amendes prononcées à l'encontre du capitaine, en vertu des articles L. 218-11 à L. 218-19,
sera en totalité ou en partie à la charge du propriétaire ou de l'exploitant ; qu'en l'espèce, le navire
« Buket » était la propriété de la société Buket Shipping et a été affrété par une société du Panama
Seamaster Investment Inc par l'intermédiaire d'un courtier d'affrètement espagnol, Iberica Tanker
Chartering ; que la société Densa Tanker n'était en charge que de recruter pour le compte du
propriétaire l'équipage du navire et de veiller à sa sécurité en mer, ce qui n'en faisait ni le
propriétaire, ni un exploitant ; qu'en retenant néanmoins sa responsabilité et en mettant à sa
charge 50 % de l'amende infligée au capitaine du navire, en la qualifiant faussement d'armateur, la
cour d'appel a dénaturé les pièces de la procédure et ainsi privé sa décision de base légale au
regard de l'article L. 218-23 du code de l'environnement » ;

Attendu que, pour décider que la société Densa Tanker Isletmeciligi Ltd devra supporter à
concurrence de 10 000 euros l'amende prononcée à l'encontre de M. X..., la cour d'appel prononce
par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que l'article L. 218-24 du code de
l'environnement, devenu l'article L. 218-23 du même code, qui permet de mettre tout ou partie de
l'amende prononcée à l'encontre du capitaine à la charge de l'exploitant ou du propriétaire du
navire, ne distingue pas selon que l'exploitant agit en son propre nom ou pour le compte d'autrui
en qualité de "ship management", la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief
allégué
;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq
mai deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

ECLI:FR:CCASS:2015:CR01268
AnnEXE 5

ARRRT « THISSEAS »

COUR DE CASSATIOn, CHAMBRE CRIMInELLE, 24 SEPTEMBRE 2019, 18-85.846, PUBLIß AU BULLETIn

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° G 18-85.846 FS-P+B+I

N° 1638

CK

24 SEPTEMBRE 2019

CASSATION

NON-LIEU A STATUER

M. SOULARD président,

RÉPUBLIQUEFRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de


Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

CASSATION NON-LIEU A STATUER sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour
d'appel de Rennes, contre l'arrêt de ladite cour, 11e chambre, en date du 13 septembre 2018, qui,
dans les poursuites contre H... L... et la société Laskaridis shipping co, des chefs de pollution
maritime, a constaté l'extinction de l'action publique et déclaré irrecevables les actions civiles des
parties civiles ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 juin 2019 où étaient présents : M.
Soulard, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, MM. Pers, Fossier, Mme Schneider, MM.
Bellenger, Lavielle, Samuel, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Méano, conseillers
référendaires ;

Avocat général : M. Quintard ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;


Sur le rapport de M. le conseiller SAMUEL, les observations de la société civile professionnelle
FOUSSARD et FROGER, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général QUINTARD ;
Vu les mémoires en demande et en défense

produits ; I.- Sur le pourvoi en ce qu'il concerne H...

L... :

Attendu que le procureur général limite son pourvoi à l'action publique concernant la société
Laskaridis shipping co ; qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi en ce qu'il concerne H... L... ;

II.- Sur le pourvoi en ce qu'il concerne la société Laskaridis shipping co :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 218-10, L. 218-11, L. 218-13,
L. 218-18, L. 218-22, L. 218-23, L. 218-24 du code de l'environnement des articles 15, 34 annexe
I, 13 annexe 11 de la convention internationale du 2 novembre 1973, 131-38, 131-39 du code
pénal et de l'article 228 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, 591, 593 et
préliminaire du code de procédure pénale et contradiction de motifs ;

Vu l'article 228 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer ;

Attendu que, selon cet article, lorsque des poursuites ont été engagées par un Etat en vue de
réprimer une infraction aux lois et règlements applicables ou aux règles et normes internationales
visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les navires, commise au-delà de sa mer
territoriale, dans sa zone économique exclusive, par un navire étranger, ces poursuites sont
suspendues dès lors que l'Etat du pavillon a lui-même engagé des poursuites du chef de la même
infraction dans les six mois suivant l'introduction de la première action ; que l'Etat côtier peut
s'opposer à cette suspension lorsque les poursuites qu'il a engagées portent sur un cas de
dommage grave causé à lui-même ou lorsque l'Etat du pavillon a, à plusieurs reprises, manqué à
son obligation d'assurer l'application effective des règles et normes internationales en vigueur à la
suite d'infractions commises par ses navires ; que la décision par laquelle l'Etat côtier s'oppose à la
suspension des poursuites n' étant pas détachable de la conduite de ses relations avec l'Etat du
pavillon, il n'appartient pas au juge répressif français d'en apprécier la validité ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 24 février 2016, a été
constatée en zone économique exclusive française, dans le sillage du navire [...] battant pavillon
du Libéria, la présence d'une nappe d'hydrocarbures ; que la société Laskaridis shipping co a été
citée devant le tribunal correctionnel pour rejet d'une substance polluante de type hydrocarbure ;
que, le 6 avril 2016, le Libéria a informé les autorités françaises que, sur action du ministère de la
justice libérien, un tribunal avait débuté une enquête et une procédure judiciaire contre les
armateurs et opérateurs du navire ; qu'il a sollicité à plusieurs reprises la suspension des
poursuites engagées en France sur la base de l'article 228 de la Convention des Nations unies sur
le droit de la mer ; que, le 2 novembre 2016, le Premier ministre français a décidé de ne pas
donner de suite favorable à cette demande, faute de disposer d'élément précis permettant
d'envisager des poursuites effectives, tant en procédure que sur le fond du droit, de telle sorte
qu'il maintenait la compétence de la juridiction française, ce dont le Libéria a été officiellement
informé le 26 novembre 2016 ; que, par jugement du 17 janvier 2017, le tribunal correctionnel a
notamment condamné la société Laskaridis shipping co à une peine d'amende et a prononcé sur
les intérêts civils ; que cette société, le ministère public et huit parties civiles ont relevé appel de
cette décision ;

Attendu que, pour constater l'extinction de l'action publique, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé
les stipulations de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer dite de Montego-Bay,
énonce que l'application de son article 228 a été mise dans le débat par le ministère public pour
soutenir la compétence de la juridiction française, que les parties sont bien fondées à faire valoir
leurs observations sur ce point, même si elles ne peuvent directement se prévaloir dudit article et
que cette Convention soumet la poursuite en France à un certain nombre de conditions préalables
dont il appartient au juge répressif de déterminer si elles ont été ou non remplies, ce qui implique
l'analyse de la réponse donnée par l'Etat français à la demande émanant de l'Etat étranger ; que
les juges relèvent que, dans la note du 2 novembre 2016 notifiée au Liberia, le Premier ministre
français n'a pas fait valoir l'une des clauses de sauvegarde aux termes desquelles l'État côtier n'est
pas tenu de déférer à la demande de suspension des poursuites présentée par l'Etat du pavillon ;

Mais attendu qu'en portant ainsi une appréciation sur la validité de la décision du Premier ministre,
la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :

I.- Sur le pourvoi en ce qu'il concerne H... L... :

DIT n'y avoir lieu à statuer ;

II.- Sur le pourvoi en ce qu'il concerne la société Laskaridis shipping co :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date
du 13 septembre 2018, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, à ce désignée par
délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour
d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président
le vingt-quatre septembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

ECLI:FR:CCASS:2019:CR0
AnnEXE 6

JUGEMEnT OME / PRßFET MARITIME DE L’ATLAnTIQUE


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