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la magnificence
Author(s): Guillaume Gross
Source: Revue Historique, T. 308, Fasc. 3 (639), RELIGION ET SOCIÉTÉ (Juillet 2006), pp.
609-634
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40957797
Accessed: 20-05-2016 14:23 UTC
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Chanter en polyphonie
à Notre-Dame de Paris
sous le règne de Philippe Auguste :
un art de la magnificence
Guillaume Gross
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Chanter en polyphonie à Notre-Dame de Paris 6 1 1
1 . Michel Huglo, Organum décrit, organum prescrit, organum proscrit, organum écrit, dans Polypho-
nies de tradition orale, histoire et tradition vivantes. Actes du Colloque de Royaumont, 1990, dans Michel Huglo,
Christian Meyer et Marcel Pérès (éd.), Paris, Créaphis, 1993, p. 13-21. Se reporter à Rebecca Balt-
zer, The geography of the liturgy at Notre-Dame of Paris, dans Thomas Kelly (ed.), Plainsong in the
Age of Polyphony, Cambridge (Mass.), Cambridge University Press, 1992, p. 45-64.
2. Les documents évoquant une pratique in organo, vel triplo vel quadruplo ont ete publies
en 1932 par Jacques Handschin : Zur Geschichte Notre-Dame, Acta Musicologica, 4, 1932, p. 6-14.
Voir plus récemment Craig Wright, Music and Ceremony at Note-Dame de Paris, 500-1500, Cam-
bridge (Mass.), Cambridge University Press, 1989, p. 239-243 et 369-370. Pour exécuter V organum,
il y avait très probablement un chanteur pour chaque voix supérieure, les autres chantant le ténor.
Le nombre de chanteurs dépendait du rang de la fête, le plus grand nombre d'exécutants étant de
six.
3. Ibid., p. 238 et s. Voir les études de Michel Huglo sur la pratique polyphonique parisienne
avant le XIIIe siècle : Les débuts de la polyphonie à Paris : les premiers organa parisiens, dans
Wulf Arlt et Hans Œsch (éd.), Forum Musicologkum III, Winterthur, Amadeus Verlag, 1982, p. 93-
163 {Basler Beiträge zur Musikgeschichte, 3) ; Id., Observations sur les origines de l'École Notre-Dame,
dans Michel Huglo, Christian Meyer et Marcel Pérès (éd.), Aspects de la musique liturgique au Moyen
Âge. Actes des Colloques de Royaumont, 1986-1987-1988, Paris, Créaphis, 1991, p. 152-158.
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4. Sur l'Office de la Circoncision, voir Wulf Arlt, Ein Festoffizium des Mittellalters aus Beauvais in
seiner liturgischenund musikalischen Bedeutung, 2 vol., Cologne, A. Volk Verlag, 1970, I : p. 38 et 55-63.
Consulter également Fernand Cabrol et Henri Leclercq (éd.), Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de
liturgie, 15 vol., Paris, Letouzey et Ané, 19024-1953, II: col. 1717-1728.
5. Discussion dans Mark Everist, Polyphonie Music in Thirteenth-Century France: Aspects of Sources
and Distribution, New York, Garland, rééd. 1989, p. 1-4.
6. Le répertoire des organa comprend, outre la mise en musique à deux, trois et quatre voix
des répons de la messe et de l'office (graduel, alléluia, grand répons des vêpres et des matines) et le
Benedicamus domino qui conclut les vêpres et la plupart des autres offices, quelques chants proces-
sionnels et des clausules (portions de plain-chant nouvellement arrangées et destinées à rempla-
cer ? - à compléter ? - les anciennes versions). Voir Edward H. Rosner (éd.), Le Magnus liber
organi de Notre-Dame de Paris. Les quadrupla et les tripla parisiens, vol. 1, Monaco, L'Oiseau-Lyre,
1993. d. XIX-XXV.
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Chanter en polyphonie à Notre-Dame de Paris 613
8. Craig Wright, Music and Ceremony..., op. cit. Le manuscrit W2 copié à Paris dans les
années 1240 n'est pas directement rattaché à Notre-Dame et semble avoir été copié pour les
besoin d'une autre communauté et assimilé dans un contexte liturgique différent, peut-être Saint-
Jacques-de-la-Boucherie. Sur ces questions, voir l'édition de Thomas B. Payne, Le Magnus liber
organi de Notre-Dame de Paris. Les organa à deux voix du manuscrit de Wolfenbüttel, Hertzog August Biblio-
thek Cod. Guelf. 1099 Helms., vol. 6 a et 6 b, Monaco, L'Oiseau-Lyre, 1996, I : p. XIX-XXIX.
9. Sur ce processus de « stratification » des sources parisiennes, voir Heinrich Husmann,
Saint-Germain und Notre-Dame, dans Natalica Musicologica Knud Jeppesen, Bjorn Hjelmborg et
Soren Sorensen (éd.), Copenhage, W. Hansen, 1962, p. 31-36; Id., The enlargement of the
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Magnus liber organi and the Paris's churches Saint-Germain-PAuxerrois and Sainte-Geneviève-du-
Mont, Journal of the American Musicobgical Society, 16, 1963, p. 176-203 ; Id., The Origin and Desti-
nation of the Magnus liber organi, The Musical Quarterly, 59, 1963, p. 31 1-330. Concernant le manus-
crit F, de récentes recherches montrent que certaines compositions présentent des liens avec des
usages étrangers à ceux de Paris et que le manuscrit serait une anthologie de pièces ne provenant
pas d'une institution spécifique, ni même « de Paris », mais qui fusionne plusieurs répertoires
« dont celui de l'église Notre-Dame » : voir Barbara Haggh et Michel Huglo, Magnus liber - Maius
munus. Revue de musicologie, 90, 2004, p. 193-230.
10. Cinq ouvrages principaux traitent de la nouvelle musique mesurée : De mensurabili musica
de Jean de Garlande (c. 1240-1250), Tractates de musica de Lambertus (c. 1260-1275), Ars cantus
mensurabais de Francon de Cologne (c. 1260-1280), De mensuris et discantu («Traité de l'Ano-
nyme IV», c. 1275) et De musica mensurata (Anonyme de Saint-Emmeram, c. 1279). Se reporter à
Jeremy Yudkin, Notre-Dame Theory : A Study of Terminology, Including a New Translation of the Music
Treatrise of « Anonymous IV», Ph.D., Stanford University - UMI, 1982.
11. Doctrinale (Pars III, Cap. X : De syllabarum quantitate, 1561-1569) : texte édité par Dietrich
Reichling, Das Doctrinale des Alexander de Villa-Dei, Berlin, K. Kehrbach, 1893, p. 100 (Monumenta
germanicae, 12). Sur l'émergence de la musica mensurabais, voir Edward H. Roesner, The Emergence
of Musica Mensurabais, dans Eugène K. Wolf et Edward H. Roesner (eds), Studies in Medieval Sources
and Style: Essays in Honor of Jan LaRue, New York, Madison A-R, 1990, p. 41-74.
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12. Fritz Reckow (éd.), Der Musiktraktat des «Anonymous IV», 2 vol., Wiesbaden, F. Stei-
ner, 1967 (Beiheße zum Archiv ßr Musikwissenschaft, 4-5), I : chap. 1, p. 22 ; chap. 2 : p. 45-46 ;
chap. 4: p. 50; et chap. 6: p. 82. Voir Edward H. Roesner, Who made the Magnus liber?,
Early Music History, 20, 2001, p. 227-228. Sur Léonin et Pérotin, se reporter à Craig Wright,
Music and Ceremony..., op. dt, p. 281-287 et 288-293. Plus généralement, consulter le Guide de la
musique du Moyen Âge, Françoise Ferrand (dir.), Paris, Fayard, 1999, p. 153, 209-210, 225-227
et 231-234.
13. Charles Edmond de Coussemaker, L'art harmonique aux XI f et XII f siècles, Hildesheim,
G. Olms, rééd. 1964 ; Leopold Desiile, Discours, Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France,
22, 1885, p. 82-139.
14. Wulf Arlt, Warum nur viermal ? Zur historischen Stellung des Komponierens an der
Pariser Notre-Dame, dans Annegrit Laubenthal (éd.), Studien zur Musikgeschichte : eine Festschrift ßir
Ludwig Pinscher, Kassel, Bärenreiter, 1995, p. 44-48. Voir également Andreas Traub, Das Ereignis
Notre-Dame, dans Die Musik des Mittelalters, H. Möller et R. Stephan (éd.), Laaber, Laaber Verlag,
1991, p. 239-271.
15. Wulf Arlt, Peripherie und Centrum in der Geschichte der ein- und mehrstimmigen
Musik des 12. bis 14. Jahrhunderts, dans Wulf Arlt et Hans Œsch (éd.), Forum Musicologicum I,
Bern, Francke Verlag, 1975, p. 169-222 (Basler Beiträge zum Musikgeschichte, 1). Se reporter à Leo
Treitler, With Voice and Pen, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 84-102.
16. Voir à ce sujet Olivier Cullin, Laborintus, Paris, Fayard, 2004, p. 73-77 ; Id., La
musique à Notre-Dame : un manifeste artistique et son paradoxe, dans Michel Lemoine (éd.),
Note-Dame de Paris: un manifeste chrétien, 1160-1230, Turnhout, Brepols, 2004, p. 93-97 (Rencontres
médiévales européennes, 4).
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crite qui lui est contemporaine17. Notons enfin que les sources musi-
cales sont antérieures à l'explication de la notation rythmique
qu'elles contiennent : la notation est née sans l'appareil théorique
qui la décrit.
Au regard de ces informations, comment reconnaître les élé-
ments propres à nous renseigner sur la composition de Yorganum
chanté à la cathédrale Notre-Dame à la fin du xir siècle ? Selon ce
qui est attesté par les documents historiques, nous pouvons raison-
nablement arguer que la polyphonie a pu être chantée sans l'aide
de la notation18. Comment, dès lors, les chantres ont-ils réussi à
composer les grands organa, de quelles techniques disposaient-ils
afin de construire et d'agencer plusieurs voix sur un ténor non
mesuré ? Il faut distinguer la fortune critique de pièces consignées
près d'un demi-siècle après leur exécution de leurs conditions
d'élaboration.
Évoquant un répertoire chanté et mentionné comme tel dans les
décrets du chapitre de la cathédrale, plusieurs passages dans les trai-
tés de Jean de Garlande (De mensurabili musica) et de 1' « Ano-
nyme IV » (De mensuris et discanta) concernent les modes de composi-
tion des tripla et des quadrupla.
Parmi les ouvrages issus de l'Université de Paris, le traité De
mensurabili musica de Jean de Garlande (ca 1240) est le premier à
tenter de formuler de manière claire et d'expliquer de façon systé-
matique la musica mensurabais. L'auteur, membre de la Faculté des
Arts de l'Université de Paris, musicien, poète et grammairien,
évoque la polyphonie alors en usage dans le deuxième quart du
xiir siècle et développe des théories originales sur la musique
mesurée19. Premier théoricien majeur à s'être intéressé à la poly-
phonie parisienne, son traité sur la musique mesurée montre un
homme fervent commentateur et admirateur de Yorganum. Pour la
première fois, le paramètre rythmique y occupe une place de pre-
mière importance. Sa formulation d'une théorie de la polyphonie
annonce le développement d'un vaste corpus théorique et l'élabo-
ration progressive du système mensural. Son traité influencera ainsi
les ouvrages de Lambertus, de 1' « Anonyme IV », de 1' « Anonyme
17. Rebecca Baltzer, Notre-Dame manuscripts and their owners : Lost and founds, The Jour-
nal of Musicology, 5, 1987, p. 380-399.
18. Craig Wright (Music and Ceremony..., op. cit., p. 33) et Anna-Mana Busse-Berger, Mnemo-
technics and Notre-Dame polyphony, The Journal of Musicolopy, 14, 1996, p. 263-298.
19. Sur la personnalité de Jean de Garlande, voir William G. Waite, Johannes de Garlandia,
Poet and musician, Speculum, 35, 1960, p. 179-185 ; Christian Meyer, Musica plana Johannis de Gar-
landia, Baden-Baden, Körner Verlag, 1998 (Sammlung Musikwissenschaftlicher Abhandlungen, 91) ;
Pamela Whitcomb, Teachers, booksellers and taxes : Reinvestigating the life and activities of
Johannes de Garlandia, Plainsong and Medieval Music, 8, 1999, p. 1-13.
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20. Édition du traité de Jean de Garlande : Erich Reimer, Johannes de Garlandia : De mensurabili
musica, 2 vol., Wiesbaden, F. Steiner, 1972 (Beihefle zum Archiv fiir Musikwissenschaft, 10-11), chap. 15
et 16 du manuscrit F-Pn lat. 16663 (éd., p. 94-97).
21. Plus de développements dans Guillaume Gross, Le color dans la théorie musicale au
XIIIe siècle : implications et enjeux, dans Guillaume Gross et Laurine Quetin (éd.), Les enjeux de la
traduction, Tours, Presses Universitaires François-Rabelais, 2003, p. 35-58 (Études doctorales, Y).
22. Color est pulchritudo soni vel obiectum auditus, per quod auditus suscipit placentiam (éd. de Erich
Reimer, op. cit., p. 95).
23. Et fit [color] multis modis : aut sono ordinato, aut infiorificatione soni, aut in repetitione eiusdem vocis
vel diversae (éd. de Erich Reimer, op. cit., p. 95).
24. Pour une appréciation du terme color (n.m. -es) dans la théorie musicale du Moyen Age,
voir Mickael Bernhard (éd.), Lexicon musicum latinum medii aevi : Wörterbuch der lateinischen Musiktermino-
logie des Mittelalters bis zum Ausgang des 15. Jahrhunderts, fase. 5, Munich, Verlag der Bayerische Aka-
demie der Wissenschaften, 2001, col. 550-559.
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25. Repetitio eiusdem vocis est color f adens ignotum sonum esse notum, per quant notitiam auditus suscipit
placentiam (éd. de Erich Reimer, op. cit., p. 95).
26. Tertia regula est : pone cobres beo sonorum proportionatorfum] ignotorum, et quanto magis cobres, tanto
sonus erit magis notas, et si fiierit notus, erit placens (éd. de Erich Reimer, op. cit., p. 97).
27. Texte dans Fritz Reckow (éd.), Der Musiktraktat des « Anonymous IV »..., op. cit., I :
chap. 2, p. 46, et chap. 6, p. 82.
28. James J. Murphy, Rhetoric in the Middle Ages. A History of Rhetorical Theory jrom Saint Augustine
to the Renaissance, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1974, p. 20. Sur les diverses
appellations des figures, voir p. 182.
29. Mireille Armisen-Marchetti, « Sapientone facies ». Études sur les images de Sénèque, Paris, Les
Belles Lettres, 1989, p. 332-335 (Études anciennes, 58). Définition du terme cobr, -oris, n.m : Albert
Biaise, Dictionnaire latin-fiançais des auteurs chrétiens, Paris, Librairie des Méridiens, 1954, p. 170 (orna-
tus, p. 585) ; Charles Du Fresne Du Cange, Gbssarium mediae et infimae latinitatis, 10 vol., Paris,
Librairie des Sciences et des Arts, rééd. 1937, IV, p. 416 ; Thesaurus linguae latinae, 9 vol., Iipsiae,
1900-1980, III, col. 1713-1722.
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Chanter en polyphonie à Notre-Dame de Paris 62 1
tissage des ornements occupe une place très importante dans ces
ouvrages38 et, afin que l'orateur puisse dominer sa matière en abon-
dance, ils proposent de nombreuses techniques d'embellissement,
parmi lesquelles les figures de la répétition39. En voici un bref
exposé.
- La repetitio est la reprise d'un même motif en début de section :
« Tune duos una, saevissima vipera, cena ? Tune duos ? »40
- La conversio est la reprise d'un même motif en fin de section :
« O malum ! Miserum malum ! Miserabile malum ! »41
- La complexio est répétition d'un même motif au début et à la
fin : « Qui duo sunt unum ? Duo nos. Qui corpore distant / Non
animo ? Duo nos. Qui cor idem ? Duo nos. »42
- Uepanodos est utilisation d'un motif qui peut se dire dans un
sens ou dans un autre : « Finis venit, venit finis. >>43
- La conduplicatio consiste à répéter un ou plusieurs motifs dans
un même membre de phrase : « Die, homo perdite, perdite die,
cur negligis ilium, / Ilium, qui pro te mortis amara bibit. »44
- Uanadiplosis est la répétition d'une formule permettant de
lier deux propositions : « Nummis istorum caret alter et alter
abundat. »45
- La gradatio consiste à répéter un même motif sur des degrés
différents : « Hic quaecunque videt cupit, et quaecunque cupi-
vit / Allicit. Allectam vitiat, prodit vitiatam. »46
38. Les traités, surtout à partir de la fin du XIIe siècle (y Ars versificatoria de Mathieu de Ven-
dôme ou la Poetria nova de Geoffrey de Vinsauf), s'intéressent tout particulièrement aux effets que
la poésie peut tirer de l'emploi de certaines figures décrites par le quatrième livre de la Rhetorica ad
Herennium et en particulier celles relatives à la répétition.
39. Pour la classification des figures, les arts poétiques s'inspirent essentiellement du livre IV
de la Rhetorica ad Herennium. Voir James J. Murphy, Rhetoric in the Middle Ages..., op. at, p. 365-375 :
recension des figures et définitions d'après l'édition et la traduction de Harry Caplan, Rhetorica ad
Herennium Libri IV de rations dicendi, Londres, Loeb Classical Library, 1954, p. 275-405. Pour les
tableaux de correspondances entre la Rhetorica ad Herennium et les arts poétiques, se reporter à
Edmond Farai. Les arts boétiaues.... où. cit.. v. 52-54.
40. Mathieu de Vendôme cité par Franco Munari (éd.), Ars versificatoria, 3 vol., Rome, Storia
e letteratura. 1977-1988. Ill : d. 167. 5 (Studi e Testi, 171).
41 . Geoffrey de Vinsauf (Poetria nova) cité par Edmond Farai, Les arts poétiques..., op. cit., p. 23 1 .
42. Jean de Garlande (Parisiana poetria) cité par Traugott E. Lawler (éd. et trad.), The Pari-
siana Poetria of John of Garland, New Haven, Yale University Press, 1974, p. 1 14. La conduplicatio se
combine ici avec la repetitio.
43. Figure proche de la conduplicatio, Vepanodos se rapproche également des versus recurrentes. Le
procédé n'est pas décrit en tant que tel dans les arts poétiques. L'exemple est issu de l'ouvrage de
Leonid Arbusov, Colores rhetorici, Göttineren, Vandenhoeck und Ruprecht, 1948, p. 39.
44. Evrard l'Allemand (Laborintus) cité par Edmond Farai, Les arts poétiques..., op. cit., p. 355.
45. Alexandre de Villedieu (Doctrinale) cité par Dietrich Reichling (éd.), Das Doctrinale...,
op. àt. (n. 1 1), p. 164. Comme Yepanodos, Yanadiplosis se combine avec d'autres techniques de répéti-
tion comme la repetitio, la conversio, la complexio ou la conduplicatio. Elle est peu décrite dans les arts
poétiques.
46. Marbode (De ornamentis verborum) cité dans la Patrologie latine, 171, col. 1687-1692, n° 17.
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47. Evrard de Béthune (Graecismus) cité par Ioh Wrobel (éd.), Eberhardi Bethuniensis Graecismus,
Bratislava, G. Koebneri, 1887, p. 15 (Corpus grammaticorum medii aevi, 1).
48. Extrait du Traité anonyme de Saint-Omer cité par Charles Fierville (éd.), Notices et extraits des
manuscrits de la Bibliothèque de Saint-Omer (nos 115 et 710), Paris, Imprimerie nationale, 1883, p. 64,
n° 81.
49. Exemples musicaux et analyse technique dans Guillaume Gross, Z/organum à Notre-Dame
de Paris au Xlli siècle. Étude sur les modes d'élaboration d'un genre musical, 2 vol., thèse de doctorat, Univer-
sité François-Rabelais de Tours, 2004, 730 p. Voir également : La repetitio dans les organa quadruples
de Pérotin : nature rhétorique de l'organisation du discours musical, Musurgia, 8, 2001, p. 7-29.
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Chanter en polyphonie à Notre-Dame de Paris 623
50. Frances Yates, L'art de la mémoire, Paris, Gallimard, 1975, pour la traduction française. Se
reporter aux deux ouvrages fondamentaux de Mary J. Carruthers, Le livre de la mémoire, Paris,
Macula, 2002, pour la traduction française, et Machina memorialis, Paris, Gallimard, 2002, pour la
traduction française.
51. Jean-Claude Schmitt, La raison des gestes dans l'Occident médiéval, Paris, Gallimard, 1990,
p. 16.
52. Patrick Geary, Mémoire, dans Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt (dir.), Dictionnaire
raisonné de l'Occident médiéval, Paris, Fayard, 1999, p. 684-697. Voir Mary J. Carruthers, Le livre de la
mémoire, op. cit., p. 19-20.
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624 Guillaume Gross
53. Passage cité par Pierre Glorieux : L'enseignement au Moyen Âge. Techniques et mé-
thodes en usage à la Faculté de théologie de Paris au XIIIe siècle, Archives d'histoire doctrinale et litté-
raire du Moyen Âge, 35, 1968, p. 166.
54. Que quidem omnia débet subtilitis subtiliter in memoriam reducere, etc. L' « Anonyme IV » (De men-
suris et discantu) cité dans Fritz Reckow (éd.), Der Musiktraktat des Anonymous IV..., op. cit. (n. 12), I : p. 6.
55. Sur l'importance de la mémoire dans les techniques d'enseignement - en particulier,
l'utilisation des dialogues entre maîtres et élèves tels qu'on les rencontre dans les écoles insulai-
res -, voir le témoignage d'Aelfric Bata dans Pierre Riche, Le rôle de la mémoire dans
l'enseignement médiéval, dans Bruno Roy et Paul Zumthor (éd.), Jeux de mémoire. Aspects de la mné-
motechnie médiévale, Montréal, Presses de l'Université, 1985, p. 139.
56. Jacques Chauraud, Quelques aspects de 1 enseignement medieval en Champagne (XIII -
XIVe siècles) dans Phililogie et histoire jusqu'à 1610. Actes du 95e Congrès national des sociétés savantes (Reims,
1970), Paris, CTHS, 1975, p. 101-106.
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Chanter en polyphonie à Notre-Dame de Paris 625
57. Il s'agit du texte d'Abélard (Histoire de mes malheurs) et du témoignage de Jean de Salis-
bury (Metalogicon). Voir Jacques Verger, Culture, enseignement et société en Occident aux XI f et XII f siècles,
Rennes, PUR, 1999, p. 29-41.
58. Metalogicon I, XXIV (De usu legendi et praelegendi et consuetudine Bernardi Carnotensi, et sequa-
ciumn ejus). Texte dans Clement G. J. Webb (éd.), Ioannis Sareberiensis Episcopi Camotensis Metalogicon,
Oxford, Oxford University Press, 1929, p. 55-56 (consulter également la Patrologie hune, 199,
col. 854-855). Sur la pédagogie de Bernard de Chartres, se reporter à Daniel McGarry, The Meta-
logicon of John of Salisbury, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1955, p. 1-72. Plus
généralement, voir Alfred Brunet, Gérard Paré et Pierre Tremblay, La renaissance au Xlf siècle. Les
écoles et les enseignements, Paris, J. Vrin, 1933, p. 113-115, et Peter Dronke, New approaches to the
School of Chartres, Anuario de Estudios medievales, 6, 1969, p. 117-140.
59. Michael T. Clanchy, From Memory to Written Record, 1066-1300, Oxford, Blackwell, rééd.
1994, p. 266-271.
60. Alain Boureau, L'événement sans fin. Récit et christianisme au Moyen Age, Paris, Les Belles Lettres,
1993, p. 10. Le terme issu du grec kléros est employé dans le sens général d' « héritage » dans le pre-
mier Epître de Pierre, avant d'évoluer au cours du IIIe siècle (Bible de Jérusalem, p. 1755-1759).
61. Texte cité et traduit par Guy Achard, Rhétorique à Herennius, Paris, Les Belles Lettres,
1997, p. 126. La mémoire est traitée dans le Livre III, 28-40 (éd., p. 118-126).
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626 Guillaume Gross
62. L'auteur de L'art de la mémoire donnait cependant l'impression que tout intérêt savant
pour la mémoire artificielle au Moyen Age résultait d'une implication dans l'occulte. Mary J. Car-
ruthers a montré au contraire qu'il s'inscrivait dans une tradition courante.
63. Mary J. Carruthers, Le livre de la mémoire, op. cit., p. 18.
64. Ibid., p. 8 : «Jusque-là, mes présupposés m'incitaient à croire que de tels exploits [com-
poser de mémoire] s'observaient sans doute dans des sociétés primitives, mais n'avaient rien pour
séduire des érudits lettrés, férus de logique. »
65. Gervais de Melkley (Ars versificatoria) traduit par Edgar De Bruyne, Études d'esthétique médié-
vale, 2 vol., Paris, A. Michel, rééd. 1998, I : p. 387.
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Chanter en polyphonie à Notre-Dame de Paris 627
66. Mickael Ghesnutt et Henrik Specht, The Saint-Omer Art of Poetry. A Twelfth-Century Anony-
mous Ars Poetica from a Manuscript at Saint-Omer, Odense, Odense University Press, 1987, p. 28.
67. Philippe Délaye, L'organisation scolaire au XIIe siècle, Traditio, 5, 1947, p. 235. Voir éga-
lement Pascale Bourgain, art. « Scolaire (livre) », dans Claude Gauvard, Alain de Libera et
Michel Zink (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, PUF, 2002, p. 1298-1299.
68. Mary J. Carruthers, Le livre de la mémoire, op. cit., p. 127.
69. Sur les relations entre la technique musicale et les techniques de la versification, voir
Anna-Maria Busse-Berger, Mnemotechnics and Notre-Dame polyphony..., op. cit. (n. 18),
d. 263-298.
70. Geoffrey de Vinsauf (Poetria nova), texte dans Edmond Farai, Les arts poétiques..., op. cit.,
p. 257-258 : Omnia quae repetit ratio vel digerii ordo / Vel polit ornatus si vis meminisse, memento / Hujus
consilii, quamvis brevis, officiosi: / Cellula quae meminit est cellula deliciarum / deliciasque sitit, non taedia.
Traduction dans Margareth Nims, « Poetria nova » of Geoffrey of Vinsauf, Toronto, University of
Toronto, 1967, p. 87: « If you wish remember all that reason invents, or order disposes, or
adornment refines, keep in mind this councel, valable though brief : the little cell that remember is
a cell of delight, and it craves what is delightful, not what is boring. » Voir Mary J. Garruthers,
Machina memorialis, op. cit., p. 153 et s.
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628 Guillaume Gross
71. Jean- Yves Tilliette, La musique des mots. Douceur et plaisir dans la poésie latine du
Moyen Age, dans Alain Michel (éd.). Rhétorique et poétique au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2003,
p. 121-136 (Rencontres médiévales européennes, 2).
72. Mary J. Carruthers, Machina memorialis, op. cit., p. 24. Pour les médiévaux, les trois sources
de la mémoire sont la Rhetorica ad Herennium (livre III, 28-40), le De oratore de Cicerón (Livre II,
350-360) et Institutio oratoria de Quintilien (livre XI, 2 : 1-51).
73. Ibid., p. 20.
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Chanter en polyphonie à Notre-Dame de Paris 629
74. Paul Ricœur, Les traditions poétiques, dans Jeux de mémoire..., op. cit. (n. 55), p. 21.
L'auteur parle de « remembrance ».
75. Mary J. Carruthers, Le livre de la mémoire, op. cit., p. 97-112. La mémoire des mots (ad
verba) est une simple reproduction et elle est prônée pour fortifier la mémorisation utile, celle des
choses (res) qui permet d'adapter les mots aux choses selon les besoins de l'occasion. Voir, à ce
suiet. la Rhétoriaue à Herennius dans l'édition de Guy Achard, ob. cit. (n. 61), p. 118-119.
76. Helen Wadell, The Wandering Scholars, Londres, Methuen, 1932.
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630 Guillaume Gross
77. (...) Idem [Primatus] faciens moram Aurelianis exioit in similitudine fossoris, clericis Blesensibus venien-
tibus versificare cum Aurelianensibus. Et cum sisterent in via, dixerunt quod unus inciperet et alius finiret, et vidè-
rent quasi finem ossequi possent. Unus ait: « Istud jumentum cauda caret. » Millo finiente responda Primatus:
« orlatientum » - Interum incepit alius dicens : « Claudicai hoc animal. » Millo finiente, ait iterum : « qui sentit
habere [inesse] pedi mal (...) ». Texte mentionné par Leopold Desiile, Notes sur quelques manuscrits
de la bibliothèque de Tours, Bibliothèque de l'École des Chartes, 4, 1868, p. 596-611, et établi d'après
le folio 186 v. du manuscrit de Tours (XVe siècle) ; cote BM Tours n° 468 (manuscrit provenant de
Saint-Martin-de-Tours, jadis coté 177). Traduction de Leopold Desiile, Les écoles d'Orléans
au XIIe et au XIIIe siècle, Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France, 8, 1869, p. 147-148.
78. Karl Strecker, Introduction à l'étude du latin médiéval, Genève, Droz, rééd. 1939, p. 20 et 42.
Voir Dag Norberg, Manuel pratique de latin médiéval, Paris, Picard, 1968, pour la traduction fran-
çaise, p. 68-92. Le caractère scolaire du latin permet le développement d'un goût particulier pour
la perfection formelle, et la prédilection pour la perfection et la virtuosité sont parmi les caracté-
ristiques les plus frappantes de la littérature latine du XIIe siècle et du début du XIIIe siècle : se
reporter à Pascale Bourgain, Théorie littéraire..., op. cit. (n. 34), p. 35-55.
79. Mary J. Garruthers, Machina memorialis, op. cit., p. 102 et s.
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Chanter en polyphonie à Notre-Dame de Paris 631
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632 Guillaume Gross
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Chanter en polyphonie à Notre-Dame de Paris 633
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634 Guillaume Gross
cations et enjeux dans Guillaume Gross et Laurine Quetin (éd.), Les enjeux de la
traduction, Tours, Presses Universitaires François-Rabelais, octobre 2003, p. 35-
58 {Études doctorales, 1) ; La musique dans les vanités de Simon Renard de
Saint- André (1614-1677) : une nouvelle vanité de l'artiste et l'identification
d'un motet de Roland de Lassus, Musique. Images. Instruments, Revue française
d'organologie et d'iconographie musicale : musiciens, facteurs et théoriciens de la Renaissance,
5, 2003, Paris, CNRS Éditions, p. 176-190; The Subtlety of Organum, Early
Music, 33-2, mai 2005, p. 337-340 ; Organum at Notre-Dame in the Twelfth
and thirteenth centuries : rhetoric in words and music. Plainsong and Medieval
Music, 15-2, octobre 2006, à paraître.
RÉSUMÉ
Abstract
Polyphony at two, three and four voices was sung at the new church of Paris at
the end of the Xllth century. The great organa were composed by a choice-part of cle-
rics to celebrate the major feasts of the cathedral Notre-Dame. This study shows how
the cantors were able to create by memory such noble compositions (tripla and qua-
drupla^. It explains a musical practice in his cultural context and the main things of
mnemotechnics and Latin's learning in medieval education.
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