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Cours 04
L’esthétique musicale durant le Moyen-âge et la
Renaissance
Passage d’une esthétique monodique à une esthétique harmonique

De nos jours, quand on parle d’harmonie en musique occidentale, le terme ne désigne plus les
sons qui se succèdent pour former gammes et mélodies (était en lien aussi avec
l’harmonie des sphères), comme dans l’Antiquité grecque (cours 02) (succession des sons
horizontale, les uns après les autres).

L’harmonie musicale s’intéresse aujourd’hui à l’axe vertical du temps, et donc aux sons
entendus simultanément.

Selon Jacques Chailley, la musique occidentale a évolué vers ce sens vertical de la


simultanéité, contrairement à toutes les autres musiques dans le monde.

Ce passage de l’horizontalité de la mélodie à la verticalité de l’harmonie s’est fait


progressivement dans l’histoire de la musique.

La période médiévale a posé les bases pour les notations et la théorie qui façonneront la
musique occidentale actuelle. La plus évidente de ces bases est le développement d'un
système de notation complet.

Les avancées théoriques, en particulier celles se rapportant au rythme et à la polyphonie,


sont tout aussi importantes dans le développement de la musique occidentale.

La musique médiévale concerne une période couvrant à peu près 800 ans de l'histoire
religieuse et profane, que l'on fait commencer avec les premières musiques chrétiennes
d'avant la réforme grégorienne (pape Grégoire VII, 1073-1085), jusqu'aux musiques du
XVe siècle marquées par l'émergence de l'école franco-flamande (peinture et musique)
avant l'invention de l'imprimerie.

La musique du Moyen Âge est représentée principalement par des compositions vocales,
religieuses ou profanes, marquée dans les premiers siècles par la monodie, notamment
représenté par le plain-chant religieux et dans le domaine profane par la lyrique courtoise
des troubadours (au Sud : la langue d’Oc = Occitan) et les trouvères (au Nord = la langue
d’Oil).

Ex. Musical :

Dans la première moitié du Moyen Age le chant monodique, ou plain-chant, se développe


pour accompagner la liturgie, notamment pendant la messe.
"Offertorium: Terra Tremuit" Ensemble Organum, Director: Marcel Peres Album: "Chants de
l' Eglise de Rome des VIIes et VIIIes siecles - Periode Byzantine"
2

https://youtu.be/Kdka1WN1c8c

Les premières musiques où l’on entend plusieurs voix, et donc aussi des phénomènes de
consonance (accords de sons), commencent à s’entendre au haut Moyen Âge, c’est le début
de la polyphonie.

Au IXe siècle, la polyphonie, née à l'église, constitue une innovation qui devient majeure
dans tout l'Occident.

L'art musical polyphonique se caractérisa par l'apparition de formes qui découlèrent de


cette superposition de voix différentes, le tout restant toujours lié au texte chanté. Parmi
ces formes : l’organum, le conduit, puis les différents types de motets et finalement de
messes dont les principales prières chantées furent mises en polyphonie (d'abord en pièces
séparées au XIIIe siècle, puis sous la forme de messes entières à partir du XIVe siècle),
etc.

La polyphonie se développa également dans le registre profane. Apparurent aussi des


formes instrumentales, tout d'abord liées aux formes vocales (et procédant souvent de
celles-ci). Les formes nées de la danse eurent elles aussi une importance non négligeable,
notamment à travers les premières compositions instrumentales.

Leur évolution est au début contrapuntique (c’est-à-dire que les différentes voix sont
superposées, mais que chacune est indépendante).

Ex. Musical : Gaucelm Faidit (1150-1205): Fortz chaussa est

Alla Francesca - "Richard Coeur de Lion" / Richard the Lionheart - Troubadours et


trouvères dans les cours d'Aliénor d'Aquitaine, Richard Coeur-de-Lion, Marie de
Champagne et Goeffroy de Bretagne

https://youtu.be/6hdR1vbHL0Y

Nous pouvons observer dans les productions de cette époque que les intervalles sonores
perçus en tant que consonants étaient, comme dans la Grèce antique l’octave, la quinte et
la quarte.

Jacques Chailley1 explique aussi qu’à la fin du Moyen Âge commence à s’entendre un
nouvel intervalle sonore qui est progressivement perçu comme consonant dans les notes de
passage : c’est la tierce.

 Depuis, d’autres intervalles se sont introduits progressivement dans la composition


musicale et la notion de consonance s’est élargie considérablement jusqu’au XX e
siècle.

Au XVIe siècle, pendant la Renaissance, nous avons une pensée musicale polyphonique
essentiellement contrapuntique qui va évoluer progressivement vers l’harmonie classique.
1
Chailley J., Traité historique d’Analyse Harmonique, Éditions musicales Alphonse Leduc,
1977, Paris
3

Ex. musical Claudin de Sermisy - Tant que vivray en âge florissant (1527)

https://youtu.be/yD7qRFELl8w

C’est alors que Gioseffo Zarlino, compositeur italien et grand théoricien de la musique étudie
l’harmonie du contrepoint, des consonances et des gammes et propose entre autres la
division de l’octave en douze intervalles (1558, Le institutioni harmoniche, L’art du
contrepoint).

Gioseffo Zarlino: O quam gloriosum

DODECACHORDON : https://youtu.be/1jpnWdhMNOk

Par rapport au Moyen-Âge, les compositeurs passent du tempérament pythagoricien


(privilégier l’intervalle de 5te) au tempérament mésotonique (privilégier l’intervalle de
tierce « pure ») dans l'accord des instruments à sons fixes. L'usage des tierces et des sixtes se
généralise.

Le modèle esthétique vocal persiste, malgré la naissance d'une musique spécifiquement


instrumentale.

Les instruments ou voix ne sont en général pas spécifiés (Superius ou Cantus pour la
ou les voix supérieures, Tenor ou Quintus pour la ou les voix intermédiaires et Bassus
pour la ou les voix graves).

La musique instrumentale se pratique en consort (même famille d'instruments) ou en


"broken" consort (instruments de famille différentes).

L'ornementation improvisée (ou Diminution) est enseignée, surtout en Italie.

Puis la logique de composition dans la musique occidentale commence à se déplacer de


l’horizontalité à la verticalité.

Ce changement commence à se faire nettement au XVI e siècle et continue jusqu’à l’ère


classique, où l’on commence à pouvoir vraiment parler d’une logique de composition
harmonique.

 Dans cette optique, le morceau est structuré non pas seulement en fonction de
l’évolution mélodique mais aussi par rapport à la succession « verticale » des accords.
Nous passons d’une écriture à conjonction mélodique à une autre à conjonction
harmonique.

Ex. musical : XVIIe siècle : Monteverdi, Lamento d’Ariane

- Primera prattica : à 5 voix (dans la continuité de la Renaissance) madrigal


- Secunda prattica : une voix + accompagnement (accords : verticalité)

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