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Partie : Utilitarisme et émergence de

la science économique
Chapitre 1 : Introduction
D’une manière très schématique, la science économique contemporaine
peut être décomposée en deux branches principales : la macroéconomie et la
microéconomie.
La macroéconomie traite de variables agrégées, appelées agrégats, telles
que le P.I.B., la masse monétaire, le taux d’intérêt, le taux de chômage... Elle
est principalement occupée par la construction de relations entre ces agrégats
(notamment dans le but d’expliquer le niveau d’activité atteint dans une
économie).
La microéconomie trouve ses fondements dans les décisions des agents
économiques (consommateurs et firmes). Le contenu de la microéconomie est
double. D’un côté, elle s’attache à décrire les choix des agents en supposant
que ces agents poursuivent leurs intérêts propres. D’un autre côté, elle se
consacre à l’étude de la confrontation et de la coordination de ces différentes
décisions prises séparément.

Dans cette partie, nous mettrons l’accent sur la microéconomie. Nous


aborderons, d’un côté, l’origine de la microéconomie et, de l’autre côté, ses
principes et outils fondamentaux.

Afin de fixer les choses, précisons quelques points caractéristiques de l’ap-


proche microéconomique. Il est traditionnel de distinguer deux catégories
d’agents économiques : les consommateurs et les producteurs. La microéconomie
représente les comportements de ces deux catégories d’agents d’une manière
spécifique.
En ce qui concerne les consommateurs, chaque agent dispose d’un revenu
pour financer l’achat de biens. La décision du consommateur consiste à choi-
sir certains éléments parmi un ensemble de biens. Le prix unitaire de chacun
des biens est connu par le consommateur. L’objectif du consommateur est de
choisir le bien ou la combinaison de biens qui est la plus favorable pour lui.
En effet, la consommation de chaque bien ou de chaque combinaison de biens
procure au consommateur un certain niveau de satisfaction. Sur cette base, il

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est possible de construire un classement des biens disponibles. Ce classement
est reflété par une fonction d’utilité. Autrement dit, la fonction d’utilité at-
tribut à chaque panier de biens une valeur représentant la place de ce panier
dans le classement de tous les paniers. Le comportement d’un consommateur
est résumé par le choix d’un panier de biens, accessible du point de vue de
son revenu, et qui procure le haut niveau d’utilité (c-à-d la position la pus
élevée dans le classement). D’un point de vue plus mathématique, le choix
du consommateur revient à maximiser la fonction d’utilité sous la contrainte
du budget disponible.
Pour ce qui est de la production, chaque bien est produit grâce à une
technique de production employant un ensemble de facteurs de production
(travail, capital...). Pour chaque bien, les quantités produites sont indiquées
par une fonction de production qui dépend des quantités de chaque facteur
de production. Chaque facteur de production a un coût unitaire. L’objectif
du producteur est de déterminer quelle quantité de bien produire de façon
à obtenir le profit le plus élevé. Autrement dit, un producteur détermine un
volume de production tel que l’écart entre la recette générée par la vente de
la production et les couts de production liés à la rémunération des facteurs
de production est maximal.

Une fois l’analyse des comportements individuels réalisée, la microéconomie


étudie comment l’ensemble des décisions individuelles vont s’harmoniser, se
coordonner. Le moyen privilégié est le marché ou système de prix.
“Les prix qui émergent des transactions volontaires entre ache-
teurs et vendeurs - en bref, sur le marché libre - sont capables de
coordonner l’activité de millions de personnes, dont chacune ne
connaı̂t que son propre intérêt...” (M. Friedman).
Dans ce contexte, chaque individu n’a aucun rapport direct avec ses sem-
blables. Les relations entre les agents sont nécessairement médiatisées par le
système de prix.

Dans cette partie de cours, deux questions nous occuperons :


- quelles sont les origines de la microéconomie ?
- quels principes et outils caractérisent l’analyse microéconomique ?

La recherche des origines de l’analyse microéconomique conduit à explo-


rer ce que l’on appelle la “révolution marginaliste”. Ce moment de l’histoire

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de la pensée économique correspond à la période d’émergence du raisonne-
ment microéconomique. Durant cette phase, trois auteurs développent quasi
simultanément et indépendamment des analyses ayant de nombreux points
communs. Ces auteurs sont : S. Jevons en Angleterre, C. Menger en Autriche
et L. Walras en France-Suisse.
L’objectif est de comprendre comment cette “révolution marginaliste” a
pu s’accomplir. Il s’agit d’identifier les éléments novateurs proposés par ces
auteurs et qui ont conduit à la création de la microéconomie. Mais, il s’agit
également de repérer certaines origines de cette révolution. Nous mettrons
ainsi en évidence l’existence de courants de pensée (économiques ou rele-
vant de la philosophie politique et morale) ayant influencé les auteurs de la
révolution marginaliste.

L’analyse de la révolution marginaliste revêt une importance particulière


dans la mesure où elle amène à s’interroger sur la phase d’émergence de la
science économique. En effet, comme vu en partie 1, l’économie politique
développée aux XVII - XVIIIe siècles correspond à un discours économique
qui est inséré dans une réflexion plus large sur la société et qui incorpore les
questions de morale et de politique. A l’inverse, la science économique qui se
constitue à partir du XXe siècle est composée par un discours spécialisé en
économie et sans relation avec les doctrines morales et politiques.
Cependant, de manière paradoxale, nous établirons qu’une des sources de
la révolution marginaliste est une doctrine de philosophie politique et morale,
à savoir l’utilitarisme Ainsi, la perspective épistémologique adoptée ici nous
permettra de saisir :
- en quoi l’utilitarisme a fourni une analyse conceptuelle qui a servi de terreau
pour la construction d’un cadre d’analyse microéconomique ;
- mais aussi, en retour, de quelle manière la science économique en assimi-
lant ces fondements philosophiques, les a profondément modifier au point de
devenir une discipline autonome.

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